NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/PAN/CO/317 avril 2008

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-douzième sessionNew York, 17 mars-4 avril 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L ’ ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l ’ homme

PANAMA

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Panama (CCPR/C/PAN/3) à ses 2520e et 2521e séances (CCPR/C/SR.2520 et 2521), tenues les 24 et 25 mars 2008, et a adopté, à sa 2535e séance (CCPR/C/SR.2535), tenue le 3 avril 2008, les observations finales ci-après.

A. Introduction

2.Le Comité prend note avec satisfaction du troisième rapport périodique du Panama, tout en constatant qu’il a été présenté avec beaucoup de retard. Le rapport contient des informations détaillées sur la législation de l’État partie, ainsi que sur ses nouveaux projets de loi. Le Comité regrette toutefois qu’il ne contienne pas suffisamment d’informations sur la mise en œuvre effective du Pacte. Il remercie l’État partie pour ses réponses écrites à la liste de questions et pour les réponses données oralement à la délégation, qui ont permis un dialogue ouvert et constructif.

B. Aspects positifs

3.Le Comité prend note avec satisfaction des réformes législatives menées par l’État partie, en particulier l’adoption d’un nouveau Code pénal, l’abolition des lois relatives aux sanctions pour outrage et le processus de révision du Code de procédure pénale prévoyant, notamment, l’amélioration des garanties dont bénéficie tout prévenu.

4.Le Comité se félicite également de l’adoption de la loi sur la violence familiale et des mesures législatives visant à prévenir la stigmatisation et la discrimination dont font l’objet les personnes touchées par le VIH/sida.

5.Le Comité se félicite de l’adoption de diverses mesures relatives aux handicapés, notamment de la création du Conseil consultatif national pour l’intégration sociale des handicapés (CONADIS), et de la ratification de la Convention sur les droits des handicapés.

6.Le Comité se réjouit de la récente adoption de la législation autorisant les réfugiés à demander le statut de résident permanent lorsqu’ils se trouvent dans le pays depuis 10 ans ou plus.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité prend note de la suite donnée par les autorités au rapport de la Commission de la vérité de 2002, qui rend compte des violations du droit à la vie, y compris les disparitions, survenues entre 1968 et 1989. Il sinquiète toutefois de ce que les enquêtes judiciaires ne sont pas encore terminées dans bien des cas signalés, tandis que la prescription a été déclarée dans dautres cas (art. 2 et 6 du Pacte).

L ’ État partie devrait s ’ assurer que tous les cas de violation grave des droits de l ’ homme, notamment ceux qui sont signalés par la Commission de la vérité, fassent l ’ objet d ’ enquêtes dûment menées, que les responsables soient jugés et, le cas échéant, punis, et que les victimes ou leur famille reçoivent une indemnisation juste et appropriée. Il ne devrait pas y avoir prescription pour les violations graves des droits de l ’ homme.

8.Le Comité note avec préoccupation que l’État peut, aux termes de l’article 12 de la Constitution, refuser une demande de naturalisation au motif de l’incapacité physique ou mentale du demandeur (art. 2 du Pacte).

L ’ État partie devrait modifier sa C onstitution afin de supprimer cette disposition discriminatoire qui est contraire au Pacte.

9.Le Comité se dit préoccupé par la législation restrictive relative à l’avortement énoncée dans le Code pénal, s’agissant en particulier de limiter aux deux premiers mois de la grossesse l’autorisation de recourir à l’avortement lorsqu’il est pratiqué en conséquence d’un viol, lequel doit être prouvé dans le cadre de la procédure avant jugement (art. 6 du Pacte).

L ’ État partie devrait réviser sa législation de manière à aider effectivement les femmes à éviter des grossesses non désirées, et pour qu ’ elles n ’ aient pas à recourir à des avortements clandestins, qui peuvent mettre leur vie en danger.

10.Le Comité est préoccupé par le fait que l’on continue de rapporter des cas de mauvais traitements infligés aux détenus par les forces de l’ordre, en particulier dans les centres pénitentiaires mais aussi au moment de la garde à vue, ces conduites n’étant dans la plupart des cas pas sanctionnées (art. 7 du Pacte).

a) L ’ État partie devrait prendre des mesures immédiates et efficaces pour mettre fin à ces mauvais traitements, assurer la surveillance, mener des enquêtes et, lorsque cela est nécessaire, mettre en accusation et punir les membres des forces de l ’ ordre qui commettent de tels actes. À cet égard, l ’ État partie devrait fournir au Comité des statistiques sur les affaires pénales et disciplinaires ouvertes au motif de tels actes et sur leur aboutissement.

b) L ’ État partie devrait renforcer les mesures de formation dans le domaine des droits de l ’ homme à l ’ intention des forces de l ’ ordre afin que les pratiques en question ne se produisent pas.

c) Le Comité prend note avec satisfaction des informations communiquées par l ’ État partie quant au fait qu ’ il étudie la possibilité de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, lequel prévoit la mise en place de mécanismes de visites périodiques dans les lieux de privation de liberté afin de prévenir la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité compte qu ’ il sera procédé à cette ratification.

11.Malgré les initiatives qui sont en cours pour améliorer les conditions de détention, notamment l’introduction de peines autres que l’emprisonnement, le Comité juge préoccupants les indices de surpopulation et les mauvaises conditions qui règnent dans les centres pénitentiaires, en particulier l’insalubrité, le manque d’eau potable et de soins médicaux, ainsi que la pénurie de personnel et le fait que les prévenus et les condamnés ne sont pas séparés (art. 10 du Pacte).

L ’ État partie devrait adopter des mesures pour remédier au surpeuplement dans les centres de détention et garantir le respect des exigences énoncées à l ’ article 10. L ’ État partie devrait en particulier prendre des mesures pour que l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus énoncées par l ’ ONU soit respecté.

12.Tout en constatant avec satisfaction les efforts engagés pour combler les retards dans l’administration de la justice et réduire le nombre de personnes placées en détention préventive, le Comité exprime sa préoccupation quant au nombre toujours élevé de détenus qui se trouvent dans cette situation, ainsi qu’à la durée prolongée de la détention préventive (art. 9 et 10 du Pacte).

L ’ État partie devrait prendre avec célérité des mesures destinées à réduire le nombre de personnes placées en détention préventive et à réduire aussi la durée de cette détention, par exemple en recourant davantage aux mesures conservatoires, à la mise en liberté sous caution et à l ’ utilisation des bracelets électroniques.

13.Tout en notant que l’État partie a conscience du problème, le Comité exprime la préoccupation que lui inspirent les retards pris quant aux recours judiciaires d’habeas corpus, ainsi que le nombre réduit d’avocats commis d’office dans le pays (art. 9 et 14 du Pacte).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour garantir que ce type de recours soit traité le plus rapidement possible, de manière à en garantir l ’ utilité et la raison d ’ être. Il devrait aussi prendre des mesures pour augmenter le nombre d ’ avocats commis d ’ office dans le pays afin de garantir le droit à la défense de tous les citoyens, y compris ceux qui n’ont pas les moyens de rémunérer les services d’un avocat .

14.Le Comité note avec préoccupation que de nombreux réfugiés, surtout ceux qui n’ont pas de statut officiel, vivent dans une situation précaire du point de vue économique et juridique, et qu’en général la législation ne garantit pas à tous les étrangers qui se trouvent sur le territoire panaméen et qui ont besoin d’une protection internationale − dont les réfugiés, les apatrides et d’autres catégories − les droits qui leur sont reconnus par le droit international, notamment par les dispositions relatives aux réfugiés, et qu’en particulier il n’est pas fait obligation à l’État de ne pas exposer ces personnes à des traitements contraires aux articles 6 et 7 du Pacte (art. 2, 6, 7 et 9 du Pacte).

L ’ État partie devrait adopter une législation qui permette aux réfugiés de jouir des droits qui leur sont reconnus par le Pacte, et s ’ acquitter de son obligation de ne pas extrader, déporter, expulser ni renvoyer de quelque manière que ce soit une personne qui se trouve sur son territoire s ’ il y a des raisons de penser qu e celle-ci court un risque réel de subir , dans le pays dans lequel elle serait envoyée ou dans tout autre où elle serait ultérieurement envoyée, un tort irréparable, du type visé aux articles 6 et 7 du Pacte.

15.Le Comité constate avec préoccupation que bien que la liberté du culte soit inscrite dans la Constitution, celle-ci est circonscrite au respect de la morale chrétienne, ce qui pourrait susciter des discriminations à l’égard d’autres religions (art. 18 du Pacte).

L ’ État partie devrait garantir la pleine égalité dans l ’ exercice de la liberté de pensée, de conscience et de religion reconnue dans le Pacte et empêcher toute possibilité de discrimination dans ce domaine.

16.Le Comité est préoccupé par la discrimination dont font l’objet les femmes dans la vie professionnelle, s’agissant notamment de l’accès à l’emploi et des écarts salariaux, alors même que le taux d’inscription des femmes dans l’enseignement supérieur est plus élevé que celui des hommes. Il juge également préoccupante l’information qu’il a reçue selon laquelle les femmes continuent d’être soumises par des employeurs potentiels à l’obligation de certifier qu’elles ne sont pas enceintes (art. 26 et 3 du Pacte).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ effort pour lutter contre la discrimination dont font l ’ objet les femmes dans la vie professionnelle afin notamment de garantir l ’ égalité des chances dans l ’ accès à l ’ emploi et un salaire égal pour un travail égal et de faire en sorte que les candidates à un emploi ne soient plus tenues de prouver qu ’ elles ne sont pas enceintes.

17.Le Comité regrette que malgré des règles visant à favoriser la participation politique des femmes, les indices dans ce domaine demeurent faibles, s’agissant du nombre de femmes élues ou nommées à des postes de responsabilité (art. 3, 25 et 26 du Pacte).

L ’ État partie devrait s ’ efforcer d ’ atteindre les objectifs fixés à cet égard dans la loi sur l ’ égalité des chances, et en particulier prendre des mesures pour que les femmes soient plus nombreuses à accéder aux postes les plus élevés de la fonction publique.

18.Le Comité se félicite qu’il existe une loi contre la violence familiale et se réjouit des mesures qui sont prises pour en assurer l’application. Il est toutefois préoccupé par la forte incidence de ce phénomène, le nombre élevé de décès chez les femmes dus à ce type de violence et l’impunité dont jouissent les agresseurs (art. 3 et 7 du Pacte).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour faire appliquer la loi contre la violence familiale et protéger les femmes victimes de cette violence, notamment en créant en nombres suffisants des refuges où les femmes puissent vivre décemment, en assurant aux victimes une protection policière, en effectuant des enquêtes et en châtiant les coupables. À ce sujet, le Comité souhaiterait que l ’ État partie lui communique des statistiques sur les affaires de violence familiale et sur leur aboutissement.

19.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour enregistrer toutes les naissances mais regrette que toutes les personnes ne figurent pas sur les registres d’état civil, en particulier dans les zones rurales et parmi les communautés autochtones (art. 16, 24 et 27).

Le Comité recommande que l ’ État partie prenne davantage de mesures – dispositions pratiques et mesures budgétaires –, en s ’ inspirant des pratiques efficaces des autres pays dans ce domaine, pour que toutes les naissances soient inscrites sur les registres d ’ état civil, y compris celles des adultes pour qui cela n’a pas été fait, ainsi que tout autre acte d’état civil, sur tout le territoire national.

20.Le Comité constate avec préoccupation que bien que le travail des enfants de moins de 14 ans, y compris dans les emplois domestiques, soit interdit par la Constitution, et malgré les dispositions législatives visant à interdire les pires formes de travail des enfants, le pourcentage d’enfants qui travaillent demeure élevé (art. 8 et 24).

Le Comité recommande que l ’ État partie prenne d ’ urgence des dispositions pour faire en sorte que la législation soit intégralement respectée, notamment en mettant en place des contrôles efficaces, afin d ’ éliminer le travail des enfants. L ’ État partie devrait en outre veiller à ce que tous les enfants d ’ âge scolaire soient scolarisés.

21.Le Comité est préoccupé par les informations qui figurent dans le rapport de l’État partie et d’autres informations qu’il a reçues de sources non gouvernementales, selon lesquelles les autochtones font l’objet de préjugés raciaux dans la population et connaissent bien d’autres problèmes, notamment l’insuffisance des services de santé et d’enseignement; la faible présence des institutions sur leurs territoires; l’absence de processus de consultation visant à recueillir leur consentement préalable, formulé librement et en toute connaissance de cause, en ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles qui se trouvent sur leurs territoires; les mauvais traitements, les menaces et le harcèlement dont les membres de ces communautés auraient fait l’objet lorsqu’ils ont manifesté contre la construction d’ouvrages hydroélectriques, l’exploitation de ressources minières ou le développement de centres touristiques sur leurs territoires; et le refus de reconnaissance d’un statut spécial aux communautés autochtones qui se trouvent en dehors des zones autochtones («comarcas») (art. 1, 26 et 27 du Pacte).

L ’ État partie devrait:

a) Garantir effectivement aux autochtones le droit à l ’ instruction et le droit à ce que l ’ enseignement qui leur est dispensé soit adapté à leurs besoins particuliers;

b) Garantir l ’ accès de tous les autochtones à des services de santé adéquats;

c) Mener à bien des consultations dans les communautés autochtones avant de délivrer des permis autorisant des activités économiques sur les terres qu ’ ils occupent et garantir qu ’ en aucun cas ces activités ne porteront atteinte aux droits reconnus dans le Pacte;

d) Reconnaître les droits des communautés autochtones qui se trouvent en dehors des zones autochtones ( « comarcas » ), notamment le droit à une utilisation collective des terres ancestrales;

22.Le Comité décide que le Panama devra lui présenter son quatrième rapport périodique en mars 2012. Il demande que le troisième rapport de l’État partie ainsi que les présentes observations finales soient publiés et largement diffusés auprès du public et des organismes judiciaires, législatifs et administratifs. Des copies imprimées de ces documents devraient être distribuées dans les universités, les bibliothèques publiques, à la bibliothèque du Parlement et dans d’autres lieux pertinents. Il demande aussi que le troisième rapport périodique et les présentes observations finales soient mis à la disposition de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Il conviendrait d’en distribuer un résumé aux communautés autochtones, dans leurs langues.

23.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement du Comité, l’État partie devrait communiquer, dans un délai d’un an, des informations sur la suite qui aura été donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 11, 14 et 18 ci-dessus. Le Comité demande que dans son prochain rapport périodique, l’État partie communique des informations sur les autres recommandations qu’il a formulées et sur l’application de l’ensemble des dispositions du Pacte.

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