Présentée par:

M. Rupert Althammer et consorts(représentés par un conseil,M. Alexander H. E. Morawa)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Autriche

Date de la communication:

22 avril 1998 (date de la lettre initiale)

Décisions antérieures:

Décision prise par le Rapporteur spécial conformément à l’article 91 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 25 juillet 2001 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

8 août 2003

Le 8 août 2003, le Comité des droits de l’homme a adopté ses constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 998/2001. Ce texte est annexé au présent document.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS

CIVILS ET POLITIQUES

Soixante ‑dix ‑huitième session

concernant la

Communication n o  998/2001 * *

Présentée par:

M. Rupert Althammer et consorts(représentés par un conseil,M. Alexander H. E. Morawa)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Autriche

Date de la communication:

22 avril 1998 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 8 août 2003,

Ayant achevé l’examen de la communication no 998/2001 présentée au nom de M. Rupert Althammer et consorts en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.Les auteurs de la communication sont M. Rupert Althammer et 11 autres citoyens autrichiens résidant en Autriche. Ils se déclarent victimes d’une violation par l’Autriche de l’article 26 du Pacte. Les auteurs sont représentés par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur à l’égard de l’Autriche le 10 mars 1988.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs sont des employés en retraite de la Caisse de prévoyance de Salzbourg (Salzburger Gebietskrankenkasse). Le conseil indique qu’ils perçoivent une pension calculée selon les barèmes applicables du Règlement A régissant les conditions d’emploi des salariés de la Caisse de prévoyance (Dienstordnung A für die Angestellten bei den Sozialversicherungsträgern).

2.2Parmi diverses prestations mensuelles, le Règlement prévoyait une allocation de foyer de 220 schillings par mois et en ce qui concerne les pensionnés ayant des enfants de moins de 27 ans, une prestation pour enfant de 260 schillings par enfant. Avec effet au 1er janvier 1996, le Règlement a été modifié de telle sorte que l’allocation de foyer mensuelle a été supprimée et la prestation pour enfant portée à 380 schillings par enfant.

2.3Le 8 février 1996, les auteurs ont engagé une action devant le tribunal de district de Salzbourg pour demander un jugement déclaratoire établissant que la Caisse de prévoyance régionale de Salzbourg était tenue de continuer de leur verser l’allocation de foyer en tant que partie intégrante de leur pension de retraite. Le tribunal de district les a déboutés le 11 juin 1996. Le tribunal a souligné que les prestations de retraite ne sont pas des droits protégés contre d’éventuelles modifications ultérieures du cadre juridique (wohlerworbene Rechte) à condition que celles‑ci soient fondées sur des motifs objectifs et qu’elles respectent le principe de proportionnalité. Il a conclu que la suppression de l’allocation de foyer concernait non pas des aspects essentiels de la pension de retraite, mais une prestation supplémentaire, qu’elle était d’une ampleur modérée (0,4 à 0,8 % du montant de la pension), et qu’elle était justifiée par le fait qu’en période de restrictions financières, la décision d’utiliser les moyens financiers limités pour augmenter la prestation pour enfant reposait sur des motifs légitimes de politique sociale. Le recours introduit par les auteurs a été rejeté par la cour d’appel de Linz (Oberlandesgericht Linz) le 22 avril 1997, dans un arrêt confirmant ce raisonnement. La Cour suprême (Oberster Gerichtshof) a rejeté un nouveau recours en révision le 7 janvier 1998. Tous les recours internes seraient donc épuisés.

2.4Le conseil explique que les caisses régionales de prévoyance sont des institutions de droit public et que le Règlement y relatif est un décret-loi (Verordnung) qui régit la quasi‑totalité des questions relatives à l’emploi dans les caisses, notamment le montant des prestations de retraite et leur mode de calcul, augmentations ou ajustements périodiques compris. Il existe de nombreuses similitudes entre les régimes de pension (Betriebsrenten) proposés par les employeurs privés et celui qui se fonde sur le Règlement. Le Règlement a toutefois la particularité de pouvoir être modifié unilatéralement par l’État partie, au moyen d’un décret‑loi.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que la modification du Règlement constitue une violation de l’article 26 du Pacte. Bien qu’elle semble objective à première vue, cette modification est discriminatoire en fait si l’on considère que la plupart des retraités sont des chefs de famille ayant à charge un conjoint mais plus d’enfants de moins de 27 ans. Les incidences de cette modification sont donc plus graves pour les retraités que pour les salariés en activité car elle revient en fait à supprimer entièrement le supplément pour personnes à charge que percevaient les retraités. Les auteurs allèguent que ce résultat préjudiciable était prévisible et délibérément recherché.

3.2Les auteurs rappellent que cette modification est la troisième d’une série de modifications visant à réduire le revenu des employés en retraite (en ce qui concerne les modifications antérieures, voir les affaires nos 608/1995 et 803/1998). De par l’effet cumulatif de ces réductions, la présente affaire serait un cas d’arbitraire manifeste, contraire au principe de l’égalité devant la loi. Il est déclaré en outre que le fait que les tribunaux n’ont pas pris en considération l’effet cumulatif de ces modifications parce qu’ils s’étaient limités à l’examen d’une seule modification dans chaque affaire a eu pour conséquence de ne pas garantir aux auteurs une protection égale et effective contre la discrimination au sens de l’article 26 du Pacte.

3.3Le conseil fait savoir que les mêmes faits font également l’objet d’une requête que les auteurs ont présentée à la Commission européenne des droits de l’homme, arguant d’une violation du droit à la protection de la propriété (art. premier du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme). Il affirme que ceci n’a pas d’incidence sur la recevabilité de la communication car le Pacte ne contient pas de disposition relative au droit à la protection de la propriété et la Convention européenne ne contient pas de disposition qui corresponde à celle de l’article 26 du Pacte.

Observations de l’ État partie sur la recevabilité de la communication

4.1Dans les observations qu’il a déposées le 25 septembre 2001, l’État partie conteste que la communication soit recevable. Il note que la présente communication lui a déjà été transmise dans le cadre de la communication no 803/1998. Il affirme donc que la communication est irrecevable en raison d’une violation du principe ne bis in idem.

4.2L’État partie note en outre que les requêtes déposées par les auteurs devant la Commission européenne sur la base des mêmes faits que ceux dont est saisi le Comité ont été transférées à la Cour européenne des droits de l’homme conformément à l’article 5 (par. 2) du Protocole no 11 et que la Cour les a déclarées irrecevables le 12 janvier 2001 parce qu’elles ne faisaient pas apparaître de violation des droits et libertés consacrés dans la Convention ou dans les protocoles s’y rapportant.

4.3L’État partie rappelle la réserve qu’il a faite relativement à l’article 5 [par. 2 a)] du Protocole facultatif, aux termes de laquelle il ne reconnaît pas la compétence du Comité pour examiner toute communication émanant d’un particulier lorsque la même question a été examinée par la Commission européenne des droits de l’homme. L’État partie explique que l’objet de cette réserve était précisément d’empêcher l’examen successif des mêmes faits par les organes de Strasbourg et par le Comité. À cet égard, il fait valoir que l’article 14 de la Convention européenne contient une disposition interdisant la discrimination qui fait partie intégrante de tous les autres droits et libertés consacrés par la Convention. Même si les auteurs n’ont pas invoqué la violation de l’article 14 rapproché de l’article premier du premier Protocole, l’État partie affirme que, le cas échéant, la Cour examine d’office d’autres dispositions de la Convention. À cet égard, l’État partie se réfère à la constatation de la Cour européenne selon laquelle la requête des auteurs ne faisait apparaître aucune violation des droits et libertés consacrés dans la Convention. Il conclut donc que les auteurs présentent essentiellement la même question.

4.4En outre, l’État partie affirme que la Cour européenne a examiné cette même question au sens de l’article 5 [par. 2 a)] du Protocole facultatif puisque sa décision d’irrecevabilité était fondée non sur des raisons de forme mais sur des raisons de fond. À cet égard, l’État partie renvoie à la jurisprudence antérieure du Comité.

4.5S’agissant de la mention, dans sa réserve, de la Commission européenne des droits de l’homme, l’État partie rappelle qu’au moment où il a formulé cette réserve en 1987, la Commission européenne était la seule instance internationale d’enquête ou de règlement créée en vertu de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que pouvait saisir un particulier. Comme suite à la restructuration des organes de Strasbourg opérée par le Protocole no 11, la Cour européenne assume désormais les tâches auparavant confiées à la Commission et devrait être considérée comme le successeur de celle‑ci en ce qui concerne les requêtes de particuliers. L’État partie conclut que sa réserve vaut donc également pour les requêtes dont est désormais saisie la Cour européenne.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’ État partie

5.1Par une lettre datée du 15 octobre 2001, les auteurs répondent aux observations de l’État partie en faisant valoir que la présente communication n’est pas identique à la communication no 803/1998, même si elle a été initialement examinée conjointement avec cette dernière. Le conseil affirme que les auteurs des communications ne sont pas identiques et que les deux communications concernent deux allégations distinctes de violation des droits que confère le Pacte aux auteurs.

5.2En ce qui concerne l’objection formulée par l’État partie conformément à l’article 5 [par. 2 a)] du Protocole facultatif et la réserve qu’il a faite à cet égard, le conseil affirme que lors de l’application ou de l’interprétation d’une réserve, il convient tout d’abord de s’assurer que les termes qui y sont employés sont suffisamment clairs et dépourvus d’ambiguïté, et que c’est seulement si tel est le cas que l’on peut examiner le contexte, l’objet et le but de la réserve. La réserve invoquée par l’État partie est sans ambiguïté en ce sens qu’elle exclut les communications examinées par la Commission européenne des droits de l’homme. Le conseil fait donc valoir que cette réserve a perdu son champ d’application dès lors qu’est entré en vigueur le Protocole no 11 à la Convention européenne et que rien ne s’oppose donc, en vertu de l’article 5 [par. 2 a)] du Protocole facultatif, à ce que la présente communication soit jugée recevable.

5.3En ce qui concerne les arguments de l’État partie sur l’interprétation de la réserve, le conseil affirme que même au moment où l’État partie l’a émise, c’est la Cour européenne des droits de l’homme ou le Comité des ministres qui prenait les décisions définitives et contraignantes, que le particulier était pour beaucoup une partie à la procédure devant la Cour et que la Commission était essentiellement chargée de l’établissement des faits et de l’examen sélectif des requêtes.

5.4En réponse à la déclaration de l’État partie sur la portée de sa réserve, le conseil affirme que la Convention de Vienne sur le droit des traités interdit le recours à des moyens complémentaires d’interprétation lorsque le sens ordinaire, le contexte, l’objet et le but de l’instrument sont clairs et soutient que ce que l’État partie avait l’intention de dire ne peut être substitué à ce qu’il a dit effectivement.

5.5Le conseil affirme aussi que les traités de sauvegarde des droits de l’homme, et plus encore les réserves, doivent être interprétés dans un sens favorable aux particuliers et que toute tentative pour élargir le champ d’application d’une réserve doit être catégoriquement rejetée.

5.6En ce qui concerne la question de savoir si la Cour européenne a ou non examiné la même question, le conseil renvoie à la jurisprudence du Comité à cet égard et conclut que «la même question» est une requête qui concerne les mêmes particuliers, faits et allégations de violation des droits et libertés fondamentaux. Le conseil note que la présente affaire concerne les mêmes faits et personnes que la requête déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’homme mais qu’elle soulève des griefs entièrement différents, puisque la communication présentée au Comité concerne des droits qui sont protégés exclusivement par le Pacte (le droit à l’égalité) et que la requête déposée en vertu de la Convention européenne concerne le droit à la protection de la propriété qui est protégé uniquement par cette Convention et non par le Pacte. À cet égard, le conseil affirme que la disposition de l’article 14 de la Convention européenne ne prévoit pas un droit principal à l’égalité matérielle, mais un droit accessoire qui n’offre pas la même protection que l’article 26 du Pacte. Le conseil réfute l’argument de l’État partie selon lequel la Cour européenne examine d’office d’autres dispositions lorsque les auteurs mentionnent des dispositions précises de la Convention. À cet égard, le conseil cite le texte d’une lettre reçue du Greffe de la Cour faisant valoir des objections à la recevabilité de la requête sur la base de l’article premier du premier Protocole additionnel mais sans toutefois mentionner l’article 14 de la Convention. Il affirme en outre qu’il ressort de cette lettre que la Cour a déclaré irrecevable cette requête ratione materiae parce que les prestations dues en vertu de régimes de pension ne sont pas assimilables à des droits de propriété, et n’a donc pas analysé l’effet des modifications du Règlement.

Observations supplémentaires de l’ État partie

6.1Dans les observations supplémentaires qu’il a déposées le 25 janvier 2002, l’État partie réaffirme ses arguments concernant la recevabilité de la communication. En ce qui concerne sa réserve relative à l’article 5 [par. 2 a)] du Protocole facultatif, l’État partie note qu’il l’a émise conformément à une recommandation du Comité des ministres en date du 15 mai 1970, afin d’éliminer la possibilité de requêtes successives auprès des différents organes. Si l’on se place sous cet angle, on ne peut conclure du libellé de cette réserve que l’État partie avait l’intention de s’écarter de la recommandation du Comité des ministres. L’État partie mentionne aussi la procédure interne concernant la ratification du Protocole facultatif: il rappelle que la Cour européenne est le successeur juridique de la Commission européenne et considère que l’argument du conseil sur le rôle de la Commission n’a aucune incidence sur la succession juridique, du fait en particulier que la réserve de l’État partie concernait le devoir de la Commission de décider de la recevabilité d’une requête et d’en faire une première évaluation au fond. L’État partie rejette aussi l’argument du conseil selon lequel son interprétation élargit le champ d’application de la réserve, celle‑ci ayant aujourd’hui la même portée que celle qu’elle avait au moment où elle a été formulée. De plus, l’État partie affirme qu’on ne pouvait en aucune façon prévoir en 1987 que le mécanisme de protection prévu par la Convention serait modifié.

6.2Pour ce qui est de l’argument des auteurs selon lequel leur requête n’a pas été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme au sens de cette réserve, l’État partie fait valoir que le rejet d’une requête par la Cour européenne conformément à l’article 35 (par. 3 et 4) de la Convention présuppose un examen au fond, si bien que la procédure d’examen de la recevabilité comprend une évaluation − ne serait‑ce que sommaire − du bien‑fondé de l’allégation de violation de la Convention. L’État partie réaffirme donc que la communication devrait être déclarée irrecevable compte tenu de sa réserve relative à l’article 5 [par. 2 a)].

6.3Quant au fond de la communication, l’État partie note que la présente communication a exactement le même libellé que celle qui lui a été adressée dans le cadre de la communication no 803/1998, et il renvoie aux observations qu’il avait faites à propos de cette communication antérieure. Dans ses observations, l’État partie a fait valoir que l’effet des modifications ne pouvait être considéré comme de nature discriminatoire. Il explique que le Règlement n’est pas un décret, mais une convention collective à laquelle les auteurs sont parties et qui est conclue entre l’Association des caisses de prévoyance et le syndicat.

6.4L’État partie affirme en outre que la suppression des allocations de foyer ne constitue pas une discrimination puisque cette mesure touche tout autant les actifs que les retraités. Il a été calculé que cette suppression entraînerait une réduction de 0,4 à 0,8 % du montant total de la pension, ce qui, selon l’État partie, ne peut être considéré comme déraisonnable.

Commentaires de l’auteur sur les observations supplémentaires de l’ État partie

7.1Par une lettre datée du 3 mars 2002, les auteurs réaffirment que la présente communication est distincte de la communication initiale no 803/1998. Ils ajoutent qu’il ne leur appartient pas de décider de joindre la communication au dossier de l’affaire no 803/1998 ou de la traiter comme une nouvelle affaire.

7.2Les auteurs contestent les explications données par l’État partie sur la raison d’être de sa réserve et notent que la recommandation du Comité des ministres était de portée plus large que celle de la réserve effectivement faite. Ils soulignent aussi que sur les 35 États qui sont parties à la fois au Protocole facultatif et à la Convention européenne, 17 seulement ont fait une réserve relativement à l’article 5 [par. 2 a)] du Protocole facultatif. Ils affirment que la mention faite de l’intention de l’État partie ne peut l’absoudre du texte de sa réserve. Ils objectent aussi à la déclaration de l’État partie, selon laquelle le champ d’application de la réserve ne se trouve pas élargi par une interprétation plus large de celle-ci, que sans une telle interprétation, la réserve ne serait tout simplement pas applicable.

7.3Le conseil conteste aussi l’analyse faite par l’État partie des fonctions de la Commission européenne et de la Cour européenne et affirme en outre que des discussions sur la fusion de la Commission et de la Cour étaient engagées depuis 1982, c’est-à-dire dès avant la date de la réserve de l’État partie, et que l’on pouvait donc s’attendre à l’époque à des modifications du mécanisme européen de protection des droits de l’homme.

7.4Les auteurs réaffirment que la suppression de l’allocation de foyer a un effet discriminatoire parce qu’elle touche plus fortement les employés en retraite que les employés en activité, lesquels ont plus de chances de toucher les prestations pour enfants que les employés en retraite. Ils notent que l’État partie n’a pas traité de ces arguments dans ses observations.

7.5Dans une autre lettre datée du 23 avril 2002, le conseil présente des données récentes sur les incidences financières des modifications apportées au Règlement. Pour les retraités, la perte de revenu causée par l’effet cumulatif de la modification de 1992 (qui fait l’objet de la communication no 608/1995), de la modification de 1994 (objet de la communication no 803/1998) et de la modification de 1996, objet de la présente communication, dans la période 1994‑2001, s’inscrit dans une fourchette allant de 34 916 schillings à 141 757 schillings.

Délibérations du Comité

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité a noté l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable parce qu’elle a été transmise antérieurement dans le cadre de la communication no 803/1998. Il fait observer que sa décision d’irrecevabilité en date du 21 mars 2002 concernant la communication no 803/1998 n’a aucun rapport avec la teneur de la présente communication. En conséquence, le Comité n’a pas encore examiné la plainte contenue dans la présente communication et l’objection de l’État partie à cet égard ne peut donc être retenue.

8.3Le Comité note que l’État partie a invoqué la réserve qu’il a faite en vertu de l’article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif aux termes de laquelle le Comité ne peut connaître d’aucune communication qui a déjà été «examinée» par la «Commission européenne des droits de l’homme». S’agissant de l’argument des auteurs selon lequel la requête qui avait été soumise à la Commission européenne n’a, de fait, jamais été examinée par cet organe mais a été déclarée irrecevable par la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité observe que la Cour européenne, par suite des modifications apportées à la Convention par le Protocole no 11, a juridiquement repris les fonctions précédemment exercées par la Commission européenne, consistant à recevoir les requêtes présentées en vertu de la Convention européenne, à se prononcer sur leur recevabilité et à procéder à une première évaluation quant à leur bien‑fondé. Le Comité observe, aux fins de déterminer l’existence de procédures parallèles ou, selon le cas, successives devant le Comité et devant les organes de Strasbourg, que la nouvelle Cour européenne des droits de l’homme a succédé à l’ancienne Commission européenne dont elle a repris les fonctions.

8.4Ayant conclu que la réserve de l’État partie s’applique, le Comité doit examiner la question de savoir si la présente communication a le même objet que celle qui a été présentée dans le cadre du mécanisme européen. À cet égard, le Comité rappelle que «la même question» concerne les mêmes auteurs, les mêmes faits et les mêmes droits substantiels. Dans des affaires précédentes, le Comité a déjà décidé que le droit principal à l’égalité et à la non‑discrimination consacré par l’article 26 du Pacte fournissait une plus grande protection que le droit accessoire à la non‑discrimination énoncé à l’article 14 de la Convention européenne. Le Comité a pris acte de la décision prise par la Cour européenne le 12 janvier 2001 de déclarer irrecevable la requête des auteurs ainsi que de la lettre du Greffe de la Cour exposant les différents motifs possibles d’irrecevabilité. Il note que la requête des auteurs a été rejetée parce qu’elle ne faisait apparaître aucune violation des droits et libertés énoncés dans la Convention ou les Protocoles s’y rapportant, étant donné qu’elle ne soulevait pas de questions relevant du droit à la protection de la propriété visé à l’article premier du premier Protocole. Par conséquent, en l’absence d’allégation distincte au titre de la Convention ou des Protocoles s’y rapportant, la Cour ne pouvait avoir examiné la question de savoir si les droits accessoires des auteurs au titre de l’article 14 de la Convention avaient été bafoués. Au vu des circonstances de la présente affaire, le Comité conclut donc que la question de savoir si les droits des auteurs à l’égalité devant la loi et à la non‑discrimination ont ou non été violés en vertu de l’article 26 du Pacte n’est pas la même question que celle dont était saisie la Cour européenne.

8.5Le Comité s’est assuré que les auteurs ont épuisé tous les recours internes aux fins de l’article 5 [par. 2 b)] du Protocole facultatif.

9.En conséquence, le Comité décide que la communication est recevable.

Examen quant au fond

10.1Le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties, ainsi que le prévoit l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif.

10.2Les auteurs affirment être victimes d’une discrimination parce que la suppression de l’allocation de foyer les touche plus fortement, en tant que retraités, qu’elle ne touche les employés en activité. Le Comité rappelle qu’une violation de l’article 26 peut également résulter de l’effet discriminatoire d’une règle ou d’une mesure apparemment neutre ou dénuée de toute intention discriminatoire. Toutefois, on ne peut dire qu’une telle discrimination indirecte est fondée sur les motifs énumérés à l’article 26 du Pacte que si les effets préjudiciables d’une règle ou d’une décision affectent exclusivement ou de manière disproportionnée des personnes particulières en raison de leur race, couleur, sexe, langue, religion, opinion politique ou toute autre opinion, origine nationale ou sociale, fortune, naissance ou toute autre situation. En outre, des règles ou décisions ayant une telle incidence ne constituent pas une discrimination si elles sont fondées sur des motifs objectifs et raisonnables. En l’occurrence, la suppression de l’allocation mensuelle de foyer conjuguée à l’augmentation de la prestation pour enfant est préjudiciable, non seulement aux retraités, mais aussi aux salariés en activité n’ayant pas (encore ou plus) d’enfants dans la tranche d’âge pertinente, et les auteurs n’ont pas démontré que l’incidence de ces mesures pour eux avait un caractère disproportionné. À supposer même, à titre d’hypothèse, qu’une telle incidence puisse être démontrée, le Comité considère que la mesure, comme l’ont souligné les juridictions autrichiennes (par. 2.3 ci‑dessus) était fondée sur des motifs objectifs et raisonnables. Pour ces raisons, le Comité conclut que, dans les circonstances de la présente affaire, la suppression de l’allocation mensuelle de foyer, même examinée à la lumière des modifications antérieures du Règlement régissant les conditions d’emploi des salariés de la Caisse de prévoyance, ne peut être considérée comme une discrimination telle qu’interdite à l’article 26 du Pacte.

11.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, estime que les faits dont il est saisi ne font apparaître de violation d’aucun des droits consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]

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