NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.RESTREINTE*

CAT/C/39/D/308/200621 novembre 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURETrente‑neuvième session(5‑23 novembre 2007)

DÉCISION

Communication n o 308/2006

Présentée par:

K. A. (non représentée par un conseil)

Au nom de:

K. A., son mari, R. A., et leurs enfants, A. A. et V. A.

État partie:

Suède

Date de la requête:

16 octobre 2006 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision:

16 novembre 2007

Objet: Expulsion de la requérante et de sa famille vers l’Azerbaïdjan

Questions de fond: Risque d’être soumis à la torture; existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives; pertinence de l’état de santé pour la question du traitement dégradant

Questions de procédure: Communication manifestement dénuée de fondement

Article de la Convention: 3

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE AU TITRE DE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS

Trente-neuvième session

concernant la

Communication n o 308/2006

Présentée par:

K. A. (non représentée par un conseil)

Au nom de:

K. A., son mari, R. A., et leurs enfants, A. A. et V. A.

État partie:

Suède

Date de la requête:

16 octobre 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 16 novembre 2007,

Ayant achevé l’examen de la requête no 308/2006, présentée au Comité contre la torture par K. A. en son propre nom et au nom de son mari, R. A. et de leurs enfants, A. A. et V. A., en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les requérants,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention

1.1La requérante est Mme K. A., de nationalité azerbaïdjanaise, née en 1978. Elle présente la requête en son nom propre et au nom de son mari, R. A., de nationalité azerbaïdjanaise, né en 1978, et de leurs enfants, A. A. et V. A., nés en Suède en 2004 et 2005 respectivement. La requérante et sa famille étaient en attente d’expulsion de la Suède vers l’Azerbaïdjan au moment de la soumission de la requête. La requérante n’est pas représentée.

1.2Il ne ressortait pas clairement de la lettre initiale datée du 16 octobre 2006 quels étaient les faits et si tous les recours internes avaient été épuisés. Les 17, 19 et 26 octobre 2006 et le 22 novembre 2006, la requérante a été priée de fournir des informations détaillées sur les faits, d’étayer sa plainte et de fournir des documents à l’appui de ses affirmations. Plus précisément, elle a été priée de fournir: 1) davantage de détails et d’explications sur ce qui s’est passé en Azerbaïdjan et sur les risques que courraient son mari et elle‑même s’ils y étaient renvoyés; 2) des informations sur les raisons pour lesquelles son mari a été maltraité quand il était dans l’armée; 3) des informations quant aux raisons pour lesquelles elle estimait que R. A. subirait de mauvais traitements s’il devait aller en prison; 4) des copies de tout rapport médical attestant que R. A. a subi des mauvais traitements dans l’armée, des mandats, etc.; 5) des copies de toutes les décisions des autorités suédoises chargées des migrations et de tout document relatif à la date d’expulsion; 6) des informations précisant si la requérante et sa famille se cachaient au moment de la soumission de la communication.

1.3La requérante a répondu les 19 et 23 octobre 2006 et le 17 novembre 2006. Elle a confirmé que sa famille ne vivait pas cachée et a fourni des informations partielles en réponse à certaines des questions ci‑dessus. Les renseignements fournis par la requérante ont été intégrés à la partie consacrée aux faits. Nombre de questions reproduites au paragraphe 1.2 ci‑dessus, toutefois, sont restées sans réponse. Notamment, la requérante n’a fourni aucun justificatif attestant des mauvais traitements subis par R. A. à l’armée.

1.4Aucune date d’expulsion n’a été précisée, les autorités suédoises ayant, d’après la requérante, refusé d’indiquer la date exacte, mais la requérante affirme que l’expulsion pourrait avoir lieu à tout moment. Elle n’invoque pas d’article spécifique de la Convention contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cela étant, les faits présentés pourraient soulever des questions au titre de l’article 3.

1.5Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a transmis la communication à l’État partie le 24 novembre 2006 et a prié ce dernier, en vertu du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur du Comité, de ne pas expulser la requérante et sa famille vers l’Azerbaïdjan tant que sa plainte serait en cours d’examen par le Comité. La requête avait été formulée à partir des informations contenues dans les lettres de la requérante et pouvait être revue à la demande de l’État partie, compte tenu des informations et observations présentées par l’État partie comme par la requérante.

1.6Par une lettre datée du 9 mai 2007, l’État partie a informé le Comité que, conformément à la demande du Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes, le Conseil suédois des migrations avait décidé le 5 décembre 2006 de surseoir à l’exécution des arrêtés d’expulsion pris à l’encontre de la requérante et de sa famille.

Rappel des faits

2.1La requérante et son époux sont des ressortissants azerbaïdjanais d’origine azerbaïdjanaise, bien que la mère de R. A. se dise arménienne de souche. R. A. avait 10 ans quand un conflit armé a éclaté entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Sa mère a dû quitter l’Azerbaïdjan, le laissant aux soins de son père. R. A. a été caché par son père pendant longtemps et n’a pu aller à l’école. Lorsqu’il avait 16 ans, les autorités ont refusé de lui délivrer un passeport azerbaïdjanais. Lorsqu’il a atteint l’âge de faire son service militaire, il s’est caché pendant plusieurs mois pour éviter la conscription car il craignait que quelque chose lui arrive pendant qu’il était dans l’armée. À une date non précisée, il a été localisé par les autorités azerbaïdjanaises et incorporé.

2.2Le couple a demandé l’asile en Suède le 8 septembre 2003, à savoir, d’après ses affirmations, trois jours après son arrivée. Il n’avait ni documents de voyage ni papiers d’identité. Aucun papier d’identité ou autre document émis par les autorités azerbaïdjanaises n’a été présenté aux autorités suédoises chargées de l’asile. Un entretien liminaire a été conduit avec la requérante et son époux le 15 septembre 2003. Au cours de l’entretien, R. A. a déclaré, entre autres, qu’au cours de son service militaire, en juillet 2001, il a été passé à tabac, frappé avec des armes et torturé parce que sa mère était arménienne. Pour cette raison, il a fui au bout de soixante‑cinq jours. Il a ensuite vécu à plusieurs endroits, sans jamais révéler son nom, et s’est caché des autorités pendant deux ans. Il a épousé la requérante en avril 2003 et s’est installé avec elle dans un village en Azerbaïdjan où il a travaillé dans une ferme, s’occupant des animaux. À une date non précisée, son supérieur lui a demandé de s’enregistrer dans ce village. Craignant que les autorités et les gens autour de lui ne découvrent ses origines ethniques mixtes, il n’a pas donné suite à cette demande. R. A. a indiqué qu’une personne dont la mère était arménienne risquait de perdre sa nationalité et, au pire, d’être assassinée.

2.3La requérante a déclaré qu’elle n’avait pas de raison distincte de demander l’asile et qu’elle souscrivait aux raisons avancées par son mari. Au cours du deuxième entretien, elle a confirmé que R. A. avait subi des mauvais traitements pendant son service militaire.

2.4Le 10 octobre 2003, R. A. a été blessé dans un accident de voiture en Suède. Il a souffert notamment d’une hémorragie cérébrale et d’une fracture du fémur. Il a d’abord été soigné à l’hôpital d’Umea puis transféré au Sunderby Hospital à Lulea. Il est sorti de cet hôpital le 19 décembre 2003.

2.5Le Conseil des migrations a tenu un deuxième entretien avec la requérante et son époux le 10 février 2004 (enquête complète aux fins de l’asile). À cette occasion, R. A. avait des béquilles. Au cours de l’entretien, il a notamment indiqué qu’à la suite de l’accident de voiture, il avait souffert d’une hémorragie cérébrale et subi quatre interventions chirurgicales. Depuis l’accident, il souffrait d’une perte de mémoire et avait du mal à marcher et à bouger sa main droite. Il se souvenait avoir vécu dans un village près de Bakou, mais ne pouvait fournir aucun détail à ce sujet. Il ne se rappelait pas où il avait été enregistré, où il était allé à l’école, ni le nom de son ancien employeur. Il avait eu nombre de problèmes en Azerbaïdjan mais ne se rappelait pas qu’ils étaient de la nature et de l’ampleur qu’il avait décrites au cours du premier entretien. R. A. a été incapable de fournir des informations détaillées sur, par exemple, son voyage vers la Suède, ou de décrire les raisons qu’il avait précédemment données pour demander l’asile. Le fonctionnaire chargé de conduire l’entretien a informé R. A. qu’il devait présenter un certificat médical et que, le cas échéant, une enquête complémentaire serait menée ultérieurement. Concernant son identité, R. A. a déclaré avoir remis son passeport à la personne qui l’avait amené en Suède et ne pas avoir d’autres documents en sa possession.

2.6Le 12 février 2004, la requérante et son époux se sont vu attribuer un conseil professionnel. Dans une lettre datée du 27 février 2004, le conseil confirme que les raisons de la demande d’asile ont été correctement consignées dans le rapport d’entretien du 10 février 2004 et indique notamment que R. A. souffre de diplopie et que sa main droite est en partie paralysée à cause de l’hémorragie cérébrale. Tous les mois, il subit des examens médicaux au service de neurologie de l’hôpital de Lulea. Il prend 20 comprimés différents par jour. Dans son pays d’origine, il ne pourrait pas recevoir les soins qu’exige son état de santé. Ces circonstances constituent des raisons humanitaires justifiant l’octroi d’un permis de séjour. En outre, s’il était renvoyé en Azerbaïdjan, R. A. serait arrêté et interrogé pour avoir déserté au cours de son service militaire.

2.7Les registres de l’hôpital de Lulea, notamment le registre de sortie du 19 décembre 2003, sont joints à la lettre du conseil. Ils décrivent l’état de santé de R. A. au moment de sa sortie de l’hôpital et comprennent une note d’un médecin concluant que l’évaluation neuropsychologique ne fait apparaître aucun trouble cognitif persistant.

2.8Le 11 janvier 2004, la requérante a donné naissance à un fils, A. A. Une demande d’asile a été déposée en son nom. Cette demande a été examinée par le Conseil des migrations en même temps que le recours formé par les parents.

2.9Le 22 juillet 2004, le Conseil des migrations a rejeté les demandes de permis de séjour, de permis de travail, de déclarations de statut de réfugié et de documents de voyage présentées par la famille et ordonné son expulsion vers son pays d’origine. En ce qui concerne la question de savoir si la requérante et les membres de sa famille devraient être considérés comme des réfugiés ou comme devant bénéficier d’une protection au titre du chapitre 3, article 23 de la loi de 1989 sur les étrangers, le Conseil des migrations a noté, entre autres, que l’Azerbaïdjan était devenu membre du Conseil de l’Europe en 2001 et que les autorités azerbaïdjanaises s’étaient engagées à entreprendre un certain nombre de réformes juridiques. Il y avait une trêve entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie depuis 1994 et la Constitution azerbaïdjanaise garantissait la protection des droits de tous les citoyens azerbaïdjanais dans des conditions d’égalité. Une minorité arménienne, composée pour l’essentiel de familles arméno‑azerbaïdjanaises, vivait dans le pays. Les couples dont un des membres était d’origine arménienne pouvaient généralement vivre normalement à Bakou, en particulier si c’était la femme qui était d’origine arménienne. Des discriminations dans le cadre du travail et des cas de harcèlement à l’école et sur le lieu de travail avaient été signalés mais il n’y avait pas de discrimination ou de persécution sanctionnée par le Gouvernement. Les enfants issus de mariages mixtes étaient libres de choisir, à 16 ans, le groupe ethnique auquel ils souhaitaient appartenir.

2.10Sans mettre en doute les agressions que R. A. dit avoir subies au cours de son service militaire, le Conseil des migrations a estimé que la situation générale en Azerbaïdjan ne justifiait pas l’octroi de l’asile en Suède. Le Conseil des migrations a estimé que les incidents ne pouvaient pas être imputés aux autorités azerbaïdjanaises mais devaient être considérés comme des infractions pénales commises par certains individus et que R. A. n’avait pas établi que les autorités azerbaïdjanaises n’avaient pas voulu ou pu le protéger contre les agressions présumées. En outre, le Conseil a noté que le refus de faire son service militaire pouvait, si une peine de prison était imposée, conduire à un maximum de sept ans d’emprisonnement. Le Conseil des migrations a estimé que le refus de faire son service militaire ou la désertion n’étaient normalement pas des motifs d’octroi d’un permis de séjour et qu’un tel permis ne pouvait être accordé que si la personne concernée risquait une peine d’une gravité disproportionnée. Sans juger de la véracité des informations fournies par la requérante et son mari, le Conseil des migrations n’a pas trouvé d’élément permettant de conclure que R. A. et sa famille, s’ils étaient renvoyés en Azerbaïdjan, risqueraient d’être persécutés ou d’être soumis à de tels mauvais traitements en raison, notamment, de leur race et de leur nationalité, qu’ils devraient être considérés comme des réfugiés ou comme ayant besoin d’une protection. Sur la question de savoir si la famille de la requérante devrait se voir accorder un permis de séjour pour raisons humanitaires, le Conseil des migrations a estimé que l’état physique et mental de la famille n’était pas suffisamment grave pour justifier l’octroi d’un permis de séjour.

2.11Le conseil assigné à la requérante et à son mari a fait appel de la décision du Conseil des migrations, arguant que le Conseil des migrations avait mal évalué la situation générale en Azerbaïdjan. S’il était renvoyé en Azerbaïdjan, R. A. serait arrêté et emprisonné en raison de son refus de faire son service militaire. Il était probable qu’il mourrait en prison. R. A. souffrait encore des conséquences de l’accident de voiture, il était irritable et il était difficile pour la requérante de s’occuper seule de leur fils. La Commission de recours des étrangers a rejeté l’appel le 16 mai 2005, déclarant qu’elle partageait les conclusions du Conseil des migrations et que les circonstances qui avaient été invoquées devant elle ne justifiaient pas l’adoption d’une position différente.

2.12Le 31 juillet 2005, la requérante a donné naissance à une fille, V. A. Une demande d’asile a été présentée en son nom. La demande a été rejetée par le Conseil des migrations le 8 septembre 2005 et le Conseil a ordonné que la petite fille soit expulsée avec sa famille. Un recours a été formé auprès de la Commission de recours des étrangers, qui l’a rejeté le 25 octobre 2005.

2.13La requérante, son mari et son fils ont présenté de nouvelles requêtes à la Commission de recours des étrangers par l’intermédiaire d’un nouveau conseil. Ils ont déclaré que les conditions de détention en Azerbaïdjan étaient très mauvaises et que la torture y était pratiquée. R. A. serait condamné à sept ans de prison pour avoir refusé de faire son service militaire. Il souffrait de troubles neurologiques qui l’empêchaient de supporter une longue peine de prison. La famille n’avait ni hébergement ni réseau social en Azerbaïdjan.

2.14Le 21 septembre 2005, la Commission de recours des étrangers a examiné les requêtes conformément à la loi de 1989 sur les étrangers avant l’entrée en vigueur de la loi temporaire. Elle a rejeté les demandes, arguant que les circonstances invoquées avaient précédemment été examinées dans le cas d’espèce et que l’argumentation présentée par la famille ne permettait pas de parvenir à une conclusion différente.

2.15Le 11 avril 2006, le Conseil des migrations a examiné l’affaire de sa propre initiative pour statuer conformément à la loi temporaire relative aux étrangers. Le Conseil a estimé que, même si la famille de la requérante résidait en Suède depuis presque trois ans et si les enfants étaient nés et avaient été élevés en Suède, la famille ne pouvait être considérée comme ayant noué des liens si étroits avec la Suède qu’elle pourrait se voir accorder un permis de séjour pour ce seul motif. En outre, le Conseil des migrations a noté qu’il était possible de renvoyer des personnes en Azerbaïdjan en utilisant des mesures coercitives. Enfin, le Conseil des migrations a estimé qu’il n’y avait pas de raison humanitaire urgente de délivrer des permis de séjour à la famille. Dans ce contexte, et considérant qu’aucun nouvel élément n’était apparu, comme le prescrivait la nouvelle loi, le Conseil des migrations a conclu que la famille ne pouvait obtenir de permis de séjour en vertu de cette même loi.

2.16Le 12 juillet 2006, la famille de la requérante a présenté une requête au Conseil des migrations concernant notamment les facteurs s’opposant à la mise en œuvre des arrêtés d’expulsion et a fait une demande de permis de séjour au titre du chapitre 12, article 18 de la nouvelle loi sur les étrangers. La famille a fait valoir que A. A. avait dû aller à l’hôpital en décembre 2005 et en juin 2006 pour une pneumonie nécessitant un traitement antibiotique, et que son état de santé exigeait un suivi médical pendant deux ans. Le Conseil des migrations a rejeté les demandes le 11 août 2006.

Teneur de la plainte

3.1La requérante n’invoque aucun article spécifique de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cependant, ses déclarations tendent à affirmer que la Suède violerait l’article 3 de la Convention en les expulsant, elle et sa famille, vers l’Azerbaïdjan, car il existe un risque réel pour son mari d’être soumis à la torture. La requérante fait valoir que, conformément à la Constitution azerbaïdjanaise, il serait condamné au minimum à sept ans de prison pour désertion, et qu’il serait en outre torturé en détention parce qu’il est à moitié arménien. Elle affirme également que les conditions d’incarcération en Azerbaïdjan sont mauvaises et que la torture y est couramment pratiquée. Son mari, qui a souffert d’une hémorragie cérébrale et d’une paralysie partielle de la main, ne survivrait pas sept ans en prison.

3.2La requérante fait valoir en son nom propre et au nom de ses enfants qu’ils ne seraient pas capables de vivre seuls en Azerbaïdjan, son mari étant en prison, car la famille n’a ni hébergement, ni de quoi payer le traitement d’A. A., ni soutien. En novembre 2005, le Gouvernement suédois a adopté la loi temporaire sur les étrangers pour les familles avec enfants vivant en Suède depuis longtemps. En avril 2006, le Conseil des migrations a conclu que A. A., qui à l’époque avait 2 ans et quatre mois, n’avait pas développé de liens étroits avec la Suède. La requérante affirme que si l’enfant avait eu 3 ans à l’époque, la famille aurait eu l’autorisation de rester en Suède. Elle déclare qu’A. A. fréquente la crèche, qu’il ne parle que suédois et, en outre, qu’il a été diagnostiqué comme souffrant d’asthme en juillet 2006 et qu’il doit se soumettre à une supervision médicale régulière pendant plusieurs années.

Observations de l’État sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une lettre datée du 9 mai 2007, l’État partie reconnaît que le cas de la requérante et de son mari a été évalué principalement en vertu de l’ancienne loi sur les étrangers de 1989, qui a été remplacée par la loi de 2005 sur les étrangers et que les recours internes ont été épuisés. L’État partie maintient que les affirmations de la requérante et de son époux, qui prétendent qu’ils risquent d’être traités d’une manière qui constituerait une violation de la Convention, ne sont pas suffisamment étayées aux fins de la recevabilité. Il estime donc que la communication est manifestement non fondée et donc irrecevable au titre du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention. Sur le fond, l’État partie affirme que la communication ne fait apparaître aucune violation de la Convention.

4.2Sur le fond, l’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’une personne donnée risque d’être soumise à la torture si elle est renvoyée dans ce pays. Pour établir l’existence d’une violation de l’article 3 de la Convention, il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un tel risque.

4.3L’État partie rappelle que l’Azerbaïdjan est partie à la Convention contre la torture depuis 1996 et reconnaît la compétence du Comité pour examiner les communications individuelles. Il est aussi partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à son Protocole facultatif et à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’Azerbaïdjan est membre du Conseil de l’Europe depuis janvier 2001 et est partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En devenant membre, l’Azerbaïdjan s’est engagé à introduire des réformes pour renforcer le respect de la démocratie et des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe a surveillé la situation pendant quelque temps pour contrôler les progrès réalisés. L’État partie souligne les avancées suivantes: a) un certain nombre de personnes considérées par le Conseil de l’Europe comme des prisonniers politiques ont été libérées par l’Azerbaïdjan à l’occasion d’une série de grâces présidentielles en 2004 et 2005; b) d’après le Département des affaires internes de l’Azerbaïdjan et des observateurs des droits de l’homme, des procédures pénales ont été engagées en 2005 contre des policiers et d’autres fonctionnaires jugés coupables de violations des droits de l’homme et des sanctions disciplinaires ont été prises; c) des mesures ont été adoptées pour former des policiers et d’autres représentants de l’État avec l’appui de l’OSCE et d’autres organisations; d) en 2002, l’Azerbaïdjan a mis en place un bureau du médiateur; e) la même année, la torture a été incriminée par le nouveau Code pénal; elle entraîne une peine de sept à dix ans de prison.

4.4L’État partie concède que, malgré les progrès réalisés, les informations disponibles continuent de faire état de nombreuses violations des droits de l’homme, notamment de détentions arbitraires, de passages à tabac et de torture de personnes en détention de la part des membres des forces de sécurité. La corruption est généralisée.

4.5L’État partie renvoie au rapport du Département d’État des États-Unis de 2005, selon lequel certaines des quelque 20 000 personnes d’origine arménienne qui vivent en Azerbaïdjan se sont plaintes de discrimination et les ressortissants azerbaïdjanais d’origine arménienne préfèrent souvent cacher leurs origines en changeant la mention de leur appartenance ethnique sur leur passeport. D’après une enquête menée en 2003 par le partenaire opérationnel du HCR, le traitement des Arméniens de souche varie d’une communauté à l’autre. Des discriminations sont fréquemment signalées; elles se traduisent notamment par des difficultés d’accès à la fonction publique, des problèmes rencontrés dans le versement des pensions et autres prestations sociales et, plus généralement, des problèmes avec les autorités pour faire reconnaître les droits des personnes d’origine arménienne. La discrimination sur le lieu de travail est aussi courante. Le HCR conclut que si la discrimination contre les Arméniens de souche ne relève pas d’une politique officielle reconnue en Azerbaïdjan, il existe véritablement un certain degré de discrimination à leur encontre dans la vie quotidienne qui est toléré par les autorités. D’après le HCR, toutefois, cette discrimination ne constitue pas en soi une persécution mais, dans le cas de certaines personnes, il est possible que les effets cumulés de la discrimination constituent effectivement une persécution.

4.6En ce qui concerne la question de la discrimination, l’État partie souligne que l’Azerbaïdjan a adhéré à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et a fait une déclaration reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir des communications au titre de l’article 14 de la Convention. L’Azerbaïdjan a aussi ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Le Comité consultatif a noté que l’Azerbaïdjan avait fait des efforts louables pour ouvrir le champ d’application de la Convention-cadre à un grand nombre de minorités. Cela étant, le conflit du Nagorno-Karabakh entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et ses conséquences ont considérablement entravé les efforts d’application de la Convention-cadre. L’Azerbaïdjan a promulgué une nouvelle législation contenant des dispositions antidiscrimination, notamment le Code pénal et le Code de procédure pénale.

4.7L’État partie conclut comme les autorités suédoises chargées des migrations que, compte tenu de la situation actuelle en Azerbaïdjan, il ne semble pas justifié, de manière générale, de protéger les demandeurs d’asile en provenance d’Azerbaïdjan. Il souligne que cette conclusion s’applique, que R. A. soit ou non considéré comme à moitié arménien du fait de l’origine ethnique de sa mère.

4.8En ce qui concerne le risque personnel d’être soumis à la torture, l’État partie souligne que la requérante a indiqué aux autorités nationales qu’elle n’avait aucune raison distincte de demander l’asile et que, par conséquent, elle souscrivait aux raisons avancées par son mari. L’État partie appelle l’attention du Comité sur le fait que plusieurs dispositions de la loi de 1989 sur les étrangers et de la nouvelle loi sur les étrangers consacrent le principe énoncé au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. Il renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle, aux fins de l’article 3 de la Convention, l’individu concerné doit courir personnellement un risque prévisible et réel d’être torturé dans le pays dans lequel il est renvoyé. En outre, le requérant doit présenter des arguments défendables et le risque de torture doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons, même s’il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable. Par conséquent, il appartient au requérant de recueillir et de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa version des faits.

4.9L’État partie fait valoir qu’il faut accorder tout le poids voulu aux avis des autorités suédoises chargées des migrations, tels qu’exprimés dans les décisions par lesquelles elles ont refusé d’accorder un permis de séjour à la requérante et à sa famille. En outre, il considère que la décision du Conseil des migrations du 22 juillet 2004, à laquelle la Commission de recours des étrangers fait référence dans sa décision du 16 mai 2005, est nuancée et étayée.

4.10L’État partie fait valoir que le cœur du problème soumis est l’affirmation de la requérante et de son mari selon laquelle, s’ils étaient renvoyés de force en Azerbaïdjan, ils risqueraient d’être arrêtés et soumis à la torture par les autorités azerbaïdjanaises en raison du refus de R. A. de faire son service militaire ou en raison de sa désertion. D’après l’État partie, lorsqu’on évalue s’il y a des motifs sérieux de croire qu’ils encourent un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention, la crédibilité que l’on peut accorder à leurs déclarations est importante. Le Conseil des migrations et la Commission de recours des étrangers n’ont pas abordé dans leurs décisions la question de la crédibilité de la requérante et de son mari mais cela ne signifie pas que leurs dires ne sont pas du tout contestés. L’État partie maintient que plusieurs éléments permettent de mettre en doute leurs allégations de mauvais traitement.

4.11L’État partie note en premier lieu que les déclarations de R. A. concernant le harcèlement et les mauvais traitements dont il a été victime restent vagues et peu détaillées. Au cours de son premier entretien avec le Conseil des migrations, il a déclaré avoir été passé à tabac, frappé avec des armes et torturé au cours de son service militaire en 2001 mais n’a pas donné de détails sur ces incidents. En outre, R. A. n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de ses déclarations alors qu’il lui aurait été possible d’obtenir un certificat médical auprès d’un médecin après avoir déserté. Il n’a pas non plus fourni de document, par exemple un mandat d’arrêt, montrant qu’il pourrait intéresser les autorités et qu’il serait envoyé en prison s’il rentrait en Azerbaïdjan. Aucune explication n’a été donnée concernant cette absence de preuves. L’État partie souligne également que la requérante et son époux n’ont pas présenté de pièces d’identité aux autorités suédoises chargées des migrations. On ne peut donc exclure que le nom de la famille et l’origine ethnique de R. A. soient différents de ceux déclarés aux autorités nationales chargées des migrations.

4.12L’État partie indique qu’en janvier 2007 il a demandé à l’ambassade norvégienne à Bakou (Azerbaïdjan) de lui fournir des informations sur la peine encourue pour désertion au cours du service militaire en Azerbaïdjan. L’ambassade a répondu qu’il existait deux peines différentes pour cette infraction, à savoir une peine pouvant aller jusqu’à quatre ans de prison (art. 321.1 du Code pénal) et une peine de trois à six ans de prison (art. 321.2 du Code pénal). D’après des sources juridiques, une personne reconnue coupable d’une telle infraction est en général condamnée à une peine avec sursis. En cas de récidive, elle peut être condamnée à une peine de prison ferme. L’État partie note que la requérante et son mari ont déclaré que R. A. avait déserté une seule fois, en juillet 2001, et que cet incident avait eu lieu il y a presque six ans. Dans ce contexte, l’État partie juge fort improbable que R. A., s’il devait être condamné à son retour en Azerbaïdjan, soit condamné à une peine de prison en raison de son refus de faire son service militaire.

4.13Dans ce contexte, l’État partie appelle l’attention du Comité sur le fait que la requérante a affirmé au Comité que R. A. serait condamné à «sept ans de prison au minimum» s’il était renvoyé en Azerbaïdjan. Parallèlement, les déclarations faites au Conseil des migrations ne mentionnent aucunement que R. A. risquerait d’être emprisonné s’il retournait en Azerbaïdjan. Dans la requête présentée à la Commission de recours des étrangers, la requérante et son mari ont déclaré, pour la première fois, que R. A. serait condamné à sept ans d’emprisonnement en raison de son refus de faire son service militaire. Cela étant, les informations soumises au Comité, selon lesquelles il serait condamné à «sept ans de prison au minimum» ne figurent pas dans le dossier dont disposent les autorités nationales. De l’avis de l’État partie, cet ajout récent remet en question la crédibilité des affirmations de la requérante et de son mari en la matière. Il montre aussi que les conséquences possibles du refus de R. A. de faire son service militaire telles que la requérante et son mari les ont décrites se sont aggravées au cours de l’enquête aux fins de l’asile et devant le Comité. Cela soulève des questions quant à la crédibilité générale de leurs déclarations.

4.14En ce qui concerne la question de l’attitude de la requérante et de son mari devant les autorités nationales, l’État partie fait valoir qu’au cours du deuxième entretien avec le Conseil des migrations, R. A. a déclaré qu’il souffrait d’une perte de mémoire due à son accident de voiture. Pour cette raison, il n’était pas à même de donner des renseignements détaillés sur, par exemple, les endroits où il avait vécu, où il était allé à l’école et ou il avait travaillé en Azerbaïdjan. Il se rappelait avoir eu de nombreux problèmes en Azerbaïdjan, mais ne se souvenait pas qu’ils étaient de la nature et de l’ampleur qu’il avait décrites au cours du premier entretien. L’enquêteur a essayé d’obtenir davantage d’informations mais R. A. n’a pu fournir aucun détail sur, par exemple, son voyage jusqu’en Suède, ou expliquer plus précisément les raisons pour lesquelles il avait demandé l’asile. Le seul document présenté pour corroborer les dires de R. A. quant à ses blessures, à savoir les registres de l’hôpital du 19 décembre 2003, ne confirme pas qu’il souffrait de perte de mémoire quand il est sorti de l’hôpital (par. 2.7 ci‑dessus). Aucune des déclarations présentées au Conseil des migrations ou à la Commission de recours des étrangers ne contient d’information sur le fait que R. A. aurait perdu la mémoire à la suite de son accident de voiture et il n’a pas présenté de certificat médical à ce sujet. De l’avis de l’État partie, l’attitude de R. A. devant le Conseil des migrations montre que l’on ne saurait exclure qu’il ait sciemment fait obstruction à l’enquête relative à la demande d’asile. Son comportement fait naître des doutes quant à la véracité des déclarations et des allégations qu’il a présentées aux autorités suédoises chargées des migrations et au Comité.

4.15L’État partie fait valoir qu’aucun élément de preuve ne vient étayer les allégations selon lesquelles R. A. aurait été frappé et torturé au cours de son service militaire en raison de son origine ethnique ou pour tout autre motif. Aucun élément ne permet non plus de conclure que, s’il était renvoyé en Azerbaïdjan, il serait condamné à une longue peine d’emprisonnement pour avoir déserté au cours de son service militaire et qu’il serait maltraité en prison en raison de son origine ethnique ou pour tout autre motif. Dans ce contexte, la requérante et son mari n’ont pas prouvé que R. A. attirerait particulièrement l’attention des autorités azerbaïdjanaises s’il était renvoyé dans son pays d’origine. Par conséquent, l’État partie maintient qu’ils n’ont pas fourni de raisons valables de croire qu’ils courraient un risque réel et personnel d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention s’ils étaient expulsés en Azerbaïdjan.

4.16Pour conclure, l’État partie estime que les éléments de preuve et les circonstances invoqués par la requérante et son mari ne suffisent pas à montrer que le risque présumé de torture est prévisible, réel et personnel. Étant donné que l’Azerbaïdjan est partie à la Convention contre la torture et que par le passé le Comité a pris note de l’argument de l’État partie selon lequel l’Azerbaïdjan avait accompli des progrès en matière de droits de l’homme depuis son adhésion au Conseil de l’Europe, la mise en œuvre des arrêtés d’expulsion ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention. La requérante et son mari n’ayant pas, dans leurs allégations au titre de l’article 3, apporté le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité, la communication devrait être déclarée irrecevable car manifestement dénuée de fondement.

4.17La requérante et son mari ne semblent pas alléguer que la mise en œuvre des arrêtés d’expulsion entraînerait une violation de l’article 16 de la Convention en raison de l’état de santé de R. A. Toutefois, l’État partie ajoute qu’à son avis le cas d’espèce ne fait apparaître aucune violation de la Convention à cet égard.

Commentaires de la requérante sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre datée du 11 juillet 2007, la requérante rappelle les événements qui les ont conduits, elle-même et son mari, à quitter l’Azerbaïdjan. Elle ajoute que R. A. était recherché par les autorités militaires et qu’il ne pouvait demander l’asile à la Fédération de Russie en raison de l’accord bilatéral d’extradition conclu entre les deux pays. Elle réaffirme que son mari craint d’être tué s’il était renvoyé en Azerbaïdjan car «de nombreux garçons meurent» alors qu’ils sont dans l’armée, des centaines d’entre eux étant passés à tabac et torturés. Certains ont fui vers l’Arménie.

5.2La requérante confirme qu’elle n’avait pas de raisons distinctes de demander l’asile quand elle est arrivée en Suède avec son mari en 2003 mais affirme qu’elle a des raisons de le faire maintenant qu’elle vit en Suède depuis quatre ans. Elle a deux enfants nés en Suède, qui ont commencé à aller à la crèche, l’un en novembre 2005, l’autre en décembre 2006, et qui sont bien intégrés dans la société suédoise. Elle conteste les conclusions du Conseil des migrations du 11 avril 2006 selon lesquelles son fils, qui avait 2 ans et 4 mois à l’époque, n’avait pas développé de liens étroits avec la Suède et doute que l’on puisse parvenir à une telle conclusion sans connaître la famille et les enfants. Elle dit être en possession d’une copie d’une décision par laquelle un permis de séjour permanent a été accordé à une autre famille d’Azerbaïdjan uniquement parce que leur enfant de 3 ans était né en Suède.

5.3En ce qui concerne les faits, la requérante ajoute qu’elle aussi a été victime de l’accident de voiture du 10 octobre 2003 qui a causé de nombreuses blessures à son mari. Bien qu’au cours du deuxième entretien avec le Conseil des migrations R. A. n’ait pu fournir de renseignements détaillés sur ses raisons de demander l’asile, elle a répondu aux questions de l’enquêteur concernant son voyage jusqu’en Suède. Elle confirme qu’à la suite de l’accident de voiture son mari souffre de perte de mémoire et de troubles de la parole. Il a des difficultés à réfléchir, souffre de troubles de l’attention, est irritable et connaît des sautes d’humeur. Après l’accident, il se comportait comme un enfant et tout son passé semblait s’être effacé de sa mémoire. Quand il s’est réveillé, il était «une autre personne» et a commencé à vivre «une vie complètement nouvelle». Le 17 mars 2006, un médecin local a diagnostiqué R. A. comme souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique.

5.4La requérante conteste les affirmations de l’État partie selon lesquelles son mari aurait pu faire sciemment obstruction à l’enquête relative à la demande d’asile car, selon elle, il était clair pour les autorités chargées des migrations qu’elles étaient en train d’interroger une personne malade. Elle réfute également l’argument de l’État partie selon lequel R. A. avait la possibilité d’obtenir un certificat médical auprès d’un médecin après avoir déserté pendant son service militaire (par. 4.11 ci-dessus). Elle fait valoir en particulier que, pour obtenir un tel certificat, il lui aurait fallu expliquer où et dans quelles circonstances il avait subi les blessures en question, ce qui aurait incité le médecin à appeler la police.

5.5Enfin, la requérante indique que le fait que l’Azerbaïdjan appartienne au Conseil de l’Europe n’en fait pas un pays démocratique. Elle renvoie à un certain nombre de publications de l’OSCE, de PACE, d’Amnesty International et de Radda Barnen et ajoute qu’il y a à l’heure actuelle 90 000 demandeurs d’asile azerbaïdjanais en Europe. En conclusion, elle déclare que, n’étant pas avocate, elle ne peut citer de violations spécifiques de la Convention par l’État partie mais qu’elle est certaine que sa famille ne peut pas retourner en Azerbaïdjan.

Réponse complémentaire de l’État partie

6.1Dans une lettre du 3 septembre 2007, l’État partie rappelle que la tâche principale du Comité est d’établir si R. A. courrait personnellement le risque d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Azerbaïdjan pour avoir déserté pendant son service militaire. Il fait valoir que la requérante et son mari n’ont pas présenté de nouveaux éléments ou preuves à cet égard. Par conséquent, la question de savoir si la décision du Conseil des migrations de ne pas accorder de demande de permis de séjour en Suède à la famille de la requérante au titre de la loi temporaire sur les étrangers − demandes qui se fondent sur la présence de jeunes enfants dans la famille − constituerait une violation de la Convention n’est pas pertinente pour les délibérations du Comité. En outre, l’État partie fait valoir que la déclaration de la requérante selon laquelle de nombreux jeunes hommes sont assassinés et torturés pendant leur service militaire est une observation générale et non confirmée.

6.2L’État partie réitère ses précédentes déclarations et conclusions concernant la situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan et l’état de santé de R. A. Il note par ailleurs qu’aucun certificat médical n’a été fourni dans le cas présent.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note que l’État partie a confirmé, dans sa lettre du 9 mai 2007, que tous les recours internes avaient été épuisés.

7.2Le Comité rappelle que, pour être recevable en vertu de l’article 22 de la Convention et de l’article 107 b) de son Règlement intérieur, une requête doit apporter le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. Il note que la requérante n’a fourni aucun document pour étayer son récit des événements survenus en Azerbaïdjan avant qu’elle ne quitte le pays pour la Suède avec R. A. Plus précisément, elle prétend qu’en juillet 2001 son mari a été frappé et torturé pendant son service militaire dans l’armée azerbaïdjanaise car sa mère était arménienne. Toutefois, au-delà de cette simple affirmation, elle et son mari n’ont pas fourni de récit détaillé de ces incidents ou de preuve médicale de nature à corroborer ces allégations, comme par exemple une preuve des effets possibles des mauvais traitements subis. Même en supposant que R. A. ait été maltraité en juillet 2001 pendant son service militaire, cela ne s’est pas produit dans un passé récent.

7.3Le Comité note également que la principale raison donnée par la requérante et son mari pour les mauvais traitements que ce dernier aurait subis dans l’armée et les difficultés rencontrées dans la société azerbaïdjanaise était le fait qu’il était à moitié arménien. Cependant, la requérante et son mari n’ont présenté aucune preuve de l’origine ethnique de R. A. ni aucun autre papier d’identité aux autorités de l’État partie chargées des migrations ou au Comité. De même, il n’y a aucune preuve que R. A. ait été ou soit recherché pour avoir déserté pendant son service militaire ou pour toute autre raison.

7.4Le Comité prend note de l’argument de la requérante, contesté par les autorités de l’État partie, selon lequel son mari a perdu la mémoire à la suite de son accident de voiture en octobre 2003 et ne pouvait donc pas donner de détails sur ce qui lui était arrivé en Azerbaïdjan. À cet égard, le Comité observe que l’entretien initial de R. A. avec le Conseil des migrations a eu lieu le 15 septembre 2003, donc avant l’accident de voiture, et qu’il avait la possibilité de donner davantage de précisions sur son passé et de présenter au moins certains éléments de preuve à l’appui de ses dires. En outre, aucun certificat médical confirmant que R. A. souffrait de perte de mémoire n’a été présenté ni au Comité ni aux autorités suédoises chargées des migrations, même quand la requérante et son mari étaient assistés par un conseil professionnel. En outre, la requérante, qui a épousé R. A. en Azerbaïdjan en avril 2003, avait aussi la possibilité d’obtenir une copie de ses papiers et de ceux de son mari de manière à prouver leur identité et/ou leur origine ethnique.

7.5Enfin, le Comité note que le Conseil des migrations a donné à la requérante et à sa famille toute possibilité d’étayer leurs déclarations, en les interrogeant à plusieurs reprises, en examinant leur cas de sa propre initiative à la lumière de la législation temporaire relative aux étrangers et en examinant la requête de la famille concernant les obstacles à la mise en œuvre des arrêtés d’expulsion. Le Comité observe que la requérante n’a pas fourni de nouvel élément de preuve qui jetterait un doute sur les conclusions auxquelles sont parvenus le Conseil des migrations et la Commission de recours des étrangers ou sur leur évaluation des faits.

8.Le Comité considère donc que la requérante n’a pas apporté le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité et conclut, conformément à l’article 22 de la Convention et à l’article 107 b) de son Règlement intérieur, que la communication est manifestement dénuée de fondement et donc irrecevable.

9.En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a)Que la communication est irrecevable;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à la requérante.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol, en français et en russe. Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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