NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.RESTREINTE*

CAT/C/39/D/303/200622 novembre 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURETrente‑neuvième session(5‑23 novembre 2007)

DÉCISION

Communication n o  303/2006

Présentée par:

T. A. (représenté par un conseil)

Au nom de:

T. A.

État partie:

Suède

Date de la requête:

15 septembre 2006 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision:

22 novembre 2007

Objet: Expulsion et risque allégué de torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Questions de procédure: Néant

Questions de fond: Risque d’être soumis à la torture ou de subir des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en cas d’expulsion

Article de la Convention: 3

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE AU TITRE DE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS

− Trente ‑neuvième session −

concernant la

Communication n o 303/2006

Présentée par:

T. A. (représenté par un conseil)

Au nom de:

T. A.

État partie:

Suède

Date de la requête:

15 septembre 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 22 novembre 2007,

Ayant achevé l’examen de la requête no 303/2006, présentée au nom de T. A. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci‑après en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1Le requérant est T. A., ressortissant azéri en attente d’expulsion de la Suède vers l’Azerbaïdjan. Il prétend que son expulsion vers l’Azerbaïdjan constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2Le 9 octobre 2006, le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers l’Azerbaïdjan tant que l’affaire serait en cours d’examen devant le Comité, conformément au paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur. Le 24 avril 2007, l’État partie a accédé à la demande du Comité.

Rappel des faits exposés par le requérant

2.1Le requérant est ingénieur et il a adhéré à l’AXCP (Front national d’Azerbaïdjan) à l’âge de 19 ans. Il est devenu chef des jeunes politiciens. Il est le neveu de S. M., devenu Ministre des affaires intérieures de l’Azerbaïdjan en 1992. En 1993, un nouveau parti est venu au pouvoir et S. M. a été arrêté et condamné à huit ans d’emprisonnement en raison de son affiliation à l’AXCP. S. M. a réussi à s’enfuir d’Azerbaïdjan et réside actuellement en Russie.

2.2Le requérant a été arrêté et torturé en plusieurs occasions depuis que le nouveau gouvernement est venu au pouvoir, y compris lors d’une manifestation. Il affirme que, bien qu’on lui ait dit que le motif de son arrestation était sa critique du parti au pouvoir, la véritable raison de son arrestation était son lien de parenté avec S. M. Le 15 octobre 2003, il a été envoyé à Bakou pour observer les élections présidentielles. Après les élections, des émeutes ont éclaté dans la ville. Le requérant a été arrêté, avec d’autres manifestants, et torturé. Il a été battu, insulté et maintenu dans l’eau pendant plus d’une journée. Il a été relâché au bout de plusieurs jours. Il affirme avoir contracté une maladie des reins par suite des tortures qui lui avaient été infligées, maladie qui s’est aggravée au début de 2004. Il présente des rapports médicaux établis par un hôpital en Suède qui confirment que la maladie des reins dont il est atteint est devenue chronique et que ses reins pourraient cesser de fonctionner à tout moment, ce qui pourrait avoir des conséquences mortelles.

2.3Après l’incident de Bakou, le requérant a été constamment persécuté. Un jour, des policiers l’ont emmené dans un commissariat de police et l’ont obligé à laisser son sac à l’extérieur. Il affirme qu’ensuite d’autres policiers ont introduit une arme à feu dans son sac, ce qui lui a valu d’être accusé de meurtre et emprisonné. Il s’est échappé alors qu’on le conduisait au tribunal, grâce à l’aide d’amis. Avec l’aide de son oncle, il a quitté l’Azerbaïdjan pour la Russie. Le 31 mars 2005, le Conseil suédois des migrations a rejeté sa demande d’asile. Cette décision a été confirmée par la Commission de recours des étrangers le 20 janvier 2006.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme que son expulsion de Suède vers l’Azerbaïdjan constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture car il craint d’être arrêté et torturé en raison de ses activités politiques, des tortures qu’il a subies précédemment et de son lien de parenté avec son oncle, l’ex‑Ministre des affaires intérieures.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 24 avril 2007, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la requête. Renvoyant aux dispositions pertinentes de la loi de 1989 sur les étrangers (qui a depuis été abrogée), il fait observer que plusieurs de ces dispositions reflètent le principe énoncé au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. Ainsi, l’autorité nationale chargée des entretiens avec les demandeurs d’asile est naturellement bien placée pour apprécier les informations présentées par ceux‑ci. Le 9 novembre 2005, des modifications provisoires ont été apportées à la loi de 1989 sur les étrangers. Entrées en vigueur le 15 novembre 2005, elles devaient rester applicables jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur les étrangers, le 31 mars 2006. Ces modifications provisoires ont ajouté de nouveaux critères juridiques pour la délivrance d’un permis de séjour à un étranger sous le coup d’une décision définitive de non‑admission sur le territoire ou d’expulsion.

4.2L’article 5 b) du nouveau chapitre 2 de la loi sur les étrangers prévoit que, si des éléments nouveaux apparaissent concernant l’exécution d’une décision définitive de non‑admission ou d’expulsion, le Conseil suédois des migrations peut, à la demande de l’intéressé ou de sa propre initiative, lui accorder un permis de séjour, notamment s’il a des raisons de croire que le pays de renvoi refusera de l’admettre sur son territoire ou si des raisons d’ordre médical s’opposent à l’exécution de la décision. En outre, un permis de séjour peut être accordé pour des raisons humanitaires urgentes. La loi de 2005 fixe de nouvelles règles en matière d’examen des demandes d’asile et d’octroi de permis de séjour. Ces questions relèvent normalement désormais de trois instances: le Conseil des migrations, le Tribunal des migrations et le Tribunal d’appel des migrations.

4.3Selon l’État partie, le Conseil des migrations a rejeté la demande d’asile du requérant pour cinq motifs: 1) la situation générale en Azerbaïdjan ne justifie pas que l’asile lui soit accordé; 2) le requérant, qui a passé quatre mois à Moscou et à Berlin après avoir quitté l’Azerbaïdjan, n’a pas demandé l’asile dans le premier pays sûr dans lequel il est arrivé; 3) l’AXCP est un parti d’opposition et le Conseil n’est pas convaincu que le requérant ait été un membre dirigeant de ce parti à l’âge de 19 ans; 4) le Conseil ne juge pas crédibles les affirmations du requérant selon lesquelles son procès pour meurtre aurait dû avoir lieu dix jours seulement après son arrestation, il ne connaissait pas le nom de la victime présumée et il avait réussi à s’échapper alors qu’il était en garde à vue; 5) le Comité n’a pas trouvé que la santé du requérant justifiait qu’on lui accorde un permis de séjour pour raisons humanitaires. Le requérant a été débouté de son recours devant la Commission de recours des étrangers le 20 janvier 2006. La Commission de recours a mis en doute la véracité de ses déclarations concernant son évasion alors qu’il était en garde à vue et concernant le fait que, bien qu’il fût recherché par les autorités, il avait réussi à quitter le pays. Elle a également tenu compte de l’amélioration de la situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan, depuis l’adhésion de ce pays au Conseil de l’Europe en janvier 2001, et de l’opinion selon laquelle l’appartenance à un parti politique d’opposition n’entraîne généralement pas une menace de représailles de la part des autorités à moins que les personnes concernées n’aient dans ce parti un rôle de dirigeant. Enfin, l’état de santé du requérant n’a pas été jugé grave au point de constituer un motif d’octroi d’un permis de séjour pour des raisons humanitaires.

4.4Le Conseil des migrations a décidé de sa propre initiative de vérifier si le requérant remplissait les conditions voulues pour obtenir un permis de séjour énoncées dans le libellé provisoire de l’article 5 b) du chapitre 2 de la loi sur les étrangers et il a nommé un conseil pour le représenter devant lui. Le 8 septembre 2006, il a conclu que le requérant n’avait pas présenté d’éléments nouveaux ou de nouveaux arguments et que les arguments fournis concernaient pour la plupart la situation générale en Azerbaïdjan. Les rapports médicaux montraient bien que le requérant était atteint d’une maladie chronique dont on ne pouvait toutefois pas dire qu’elle mettait ses jours en danger. Le Conseil a indiqué qu’il y avait un système de soins de santé satisfaisant en Azerbaïdjan et que la difficulté de se faire soigner pour des raisons d’ordre financier ou la qualité inférieure des soins dispensés en Azerbaïdjan par rapport à la Suède ne constituaient pas en soi des motifs de délivrance d’unpermis de séjour.

4.5Le 4 décembre 2006, le requérant a demandé que la procédure d’expulsion qui avait été engagée contre lui soit suspendue, qu’un permis de séjour lui soit accordé et que son cas fasse l’objet d’un réexamen, en vertu de l’article 19 du chapitre 12 de la loi de 2005 sur les étrangers. Le 27 mars 2007, le Conseil des migrations a rejeté sa demande, indiquant qu’il n’avait invoqué aucun fait nouveau, que l’allégation de torture avait été prise en compte et que la situation en Azerbaïdjan depuis la dernière décision rendue ne s’était pas sensiblement détériorée.

4.6En ce qui concerne la recevabilité, tout en reconnaissant que le requérant a épuisé les recours internes, l’État partie soutient que la requête est irrecevable parce que manifestement infondée et irrecevable ratione materiae car elle ne relève pas du champ d’application des dispositions de la Convention. Au sujet de ce dernier point, il souligne que les allégations du requérant concernant son état de santé ne relèvent pas de l’article 3 car, aux termes de l’article premier de la Convention, la définition de la torture fait référence à une douleur ou à des souffrances aiguës «infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite».

4.7Sur le fond, l’État partie renvoie aux conclusions des autorités nationales et ajoute les éléments ci‑après. En ce qui concerne la situation générale des droits de l’homme en Azerbaïdjan, il rappelle que l’Azerbaïdjan est partie à la Convention contre la torture depuis 1996, qu’il a fait une déclaration au titre de l’article 22 relatif aux communications et qu’il a ratifié plusieurs autres instruments relatifs aux droits de l’homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention européenne des droits de l’homme. Il est également membre du Conseil de l’Europe depuis janvier 2001 et partie à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe suit la situation des droits de l’homme dans le pays et il lui semble qu’elle s’est améliorée. Par exemple, un certain nombre de personnes définies par le Conseil de l’Europe comme étant des prisonniers politiques ont été libérées ces dernières années. Toutefois, l’État partie reconnaît que, si des résultats positifs ont été enregistrés, des informations concernant l’Azerbaïdjan continuent de faire état de nombreuses violations des droits de l’homme, et en particulier de passages à tabac et de tortures infligés aux personnes détenues par les forces de sécurité. Il déclare également que, sans vouloir sous‑estimer ces motifs de préoccupation, il considère qu’ils ne sont pas en eux‑mêmes suffisants pour établir que le renvoi du requérant constituerait une violation de l’article 3. L’État partie se réfère par ailleurs à une décision récente du Comité, dans laquelle celui‑ci prend note de l’argument de l’État partie selon lequel, même si des violations des droits de l’homme sont encore signalées dans ce pays, l’Azerbaïdjan a fait quelques progrès dans ce domaine. Compte tenu de cela, entre autres, le Comité a conclu que le renvoi du requérant en Azerbaïdjan ne constituerait pas, pour ce qui concerne cette affaire, une violation de l’article 3 de la Convention.

4.8En décembre 2006, l’État partie a sollicité l’assistance de l’ambassade de Suède à Ankara au sujet de certains des points soulevés par cette affaire. L’ambassade disposait de la plupart des documents qui avaient été remis au Comité et d’autres documents que le requérant avait communiqués aux autorités nationales. Elle a recruté un avocat, spécialisé dans les droits de l’homme, qu’elle avait déjà engagé. Elle a confirmé que les informations concernant la famille du requérant et ses études étaient exactes, que sa carte d’identité et son certificat de naissance étaient authentiques mais qu’il n’avait pas été possible de vérifier l’authenticité de son passeport ni d’obtenir des informations sur la question de savoir s’il avait quitté l’Azerbaïdjan légalement. Elle affirme que, bien que le requérant ait été membre de l’AXCP, son statut était celui d’un membre ordinaire et qu’il n’avait jamais été assistant du Président, Q. H., ainsi qu’il l’avait prétendu. Par contre, il avait été, pour une courte période, garde du corps non officiel de Q. H. L’ambassade affirme que l’oncle du requérant était chef de la police et qu’il est par la suite devenu Ministre de l’intérieur. Elle affirme également qu’il a passé huit ans en prison mais qu’à sa libération il s’est rendu en Russie de son plein gré. C’est aujourd’hui un homme d’affaires qui voyage régulièrement entre l’Azerbaïdjan et la Russie.

4.9Au sujet de l’authenticité des documents fournis par le requérant, l’ambassade déclare ceci: 1) En ce qui concerne une carte qui attesterait son statut d’observateur lors des élections de 2000, G. A., Président de l’Assemblée générale de l’AXCP, a déclaré qu’il ne se rappelait pas qu’un tel document ait été délivré au requérant. D’après la personne qui s’occupe des questions relatives aux élections au bureau du parti, le type de document produit par le requérant et attestant le statut d’observateur électoral de son titulaire n’a pas été émis pour les élections de 2000. Au vu de ces informations, l’ambassade a conclu que les informations communiquées étaient fausses. 2) Concernant trois documents présentés lors de la procédure engagée par les autorités nationales (dont deux ont été communiqués au Comité), qui auraient été signés par G. A., Président de l’AXCP, ce dernier a confirmé avoir signé lesdits documents mais a déclaré qu’il ne pouvait confirmer la véracité des informations qu’ils contenaient car il n’avait fait que les signer à la demande de la famille du requérant et à cause de son lien de parenté étroit avec l’oncle du requérant. 3) L’ambassade note qu’un article de journal publié dans Azaddliq le 17 février 2005, dont il a été confirmé qu’il était authentique, dit que le requérant a quitté l’Azerbaïdjan pour des raisons de santé. 4) En ce qui concerne une déclaration qu’aurait signée F. U. du Congrès mondial des Azerbaïdjanais, F. U. lui‑même dit qu’elle était fausse. 5) En ce qui concerne deux documents qui auraient été publiés par l’organisation Droits de l’homme au XXIe siècle, l’ambassade indique que ces deux documents sont faux. Enfin, en ce qui concerne deux documents publiés par la Fondation azerbaïdjanaise pour le développement de la démocratie et la protection des droits de l’homme, ils seraient faux également.

4.10D’après l’État partie, l’ambassade n’a pas pu recueillir d’informations étayant les affirmations du requérant, selon lesquelles il aurait été convoqué par la police en 2003 et en 2004 et son frère aurait été arrêté en août 2005, ainsi qu’il l’avait déclaré aux autorités nationales. L’ambassade en conclut que la situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan s’est détériorée durant l’automne 2006, en ce qui concerne notamment la liberté de la presse. Toutefois, cela n’a pas affecté les activités de l’opposition dans le pays. L’opposition reste divisée et n’est pas très puissante. Les autorités n’ont pas de raison de s’intéresser aux activités d’un membre de l’opposition d’un grade inférieur. Quant au lien de parenté du requérant avec S. M., ce dernier voyage lui‑même régulièrement entre l’Azerbaïdjan et d’autres pays sans aucune difficulté. D’après des informations recueillies auprès de personnes proches du requérant, la seule raison pour laquelle celui‑ci a quitté l’Azerbaïdjan était son souci de se faire soigner pour son problème rénal. L’État partie indique que cela est confirmé par un article communiqué par le requérant, dans lequel le frère de celui-ci confirme que telle était la raison de son départ.

4.11Pour l’État partie, le fait que le requérant ait fourni un certain nombre de faux documents aux autorités suédoises et au Comité incite à douter sérieusement de sa crédibilité et à se poser des questions quant à la véracité des déclarations qu’il a faites à l’appui de ses allégations de violation de l’article 3. On peut avoir des doutes également au sujet de ses affirmations selon lesquelles il aurait été torturé en Azerbaïdjan. Même si les rapports médicaux indiquent qu’il a été victime de violences qui lui ont été infligées au moyen d’instruments contondants ou tranchants, rien ne prouve que les autorités azerbaïdjanaises soient responsables des violences infligées ni ne vient étayer l’allégation selon laquelle les problèmes rénaux du requérant seraient la conséquence des tortures qu’il aurait subies pendant sa détention en 2003. L’État partie déclare qu’un rapport médical du 10 mars 2005 donne à entendre au contraire qu’il n’y a «pas de lien entre l’emprisonnement ou des violences physiques et le syndrome néphrétique». L’enquête menée par l’ambassade révèle en outre qu’il est très peu probable que le requérant ait été arrêté sous l’inculpation de meurtre et de possession illégale de stupéfiants alors qu’il tentait de quitter le pays en mars 2004 et que, dix jours plus tard, il aurait réussi à s’échapper durant son transfert au tribunal. L’État partie affirme que l’auteur n’est pas recherché par les autorités, et qu’il n’a pas fait l’objet d’une mise en examen en Azerbaïdjan.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1L’auteur affirme n’être resté à Moscou que le temps des formalités nécessaires pour se rendre en Suède et qu’il n’a fait que passer par l’Allemagne. Il a joué un rôle actif dans la section jeunesse du parti politique, ce qui explique les responsabilités qui lui ont été données à un âge aussi précoce. Lui et son frère préféraient que la police pense qu’il avait quitté le pays pour raisons médicales, afin de ne pas attirer l’attention des autorités sur la véritable raison de son départ, c’est-à-dire la volonté de faire une demande d’asile. D’après les avis médicaux du Centre de gestion des crises et traumatismes à l’hôpital Danderyd, l’état clinique du client correspond aux faits qu’il décrit, et les troubles post-traumatiques et la maladie dont il souffre ont été provoqués directement par les tortures qui lui ont été infligées dans son pays.

5.2En ce qui concerne la situation générale des droits de l’homme en Azerbaïdjan, le requérant déclare que certaines sources indépendantes décrivent la situation actuelle à cet égard comme étant pire qu’auparavant, en particulier en ce qui concerne la liberté d’expression, les arrestations arbitraires et fondées sur des motifs politiques, les mauvaises conditions de détention et la torture en garde à vue. Étant donné l’oppression systématique dont les dissidents politiques et les journalistes font l’objet, le requérant ne trouve pas improbable que les personnes mentionnées au paragraphe 4.9 ne tiennent pas à voir leur nom associé à des documents critiquant vivement le régime. Certaines des personnes contactées ayant déjà purgé de longues peines de prison ont encore plus de raisons de ne pas vouloir que les autorités soient au courant de leurs activités politiques. Si la police a peu de documents le concernant, c’est, selon le requérant, parce qu’un régime connu pour pratiquer la détention arbitraire et violer les droits individuels des détenus s’abstient souvent intentionnellement de garder des traces écrites pour éviter d’avoir à répondre de ses actes. Le requérant ajoute que, d’après le rapport du Gouvernement suédois sur la situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan, des dissidents politiques ont à plusieurs reprises été condamnés à de longues peines de prison, après avoir été reconnus coupables de crimes liés à la drogue inventés de toutes pièces.

5.3Dans son recours du 5 juin 2007 devant le Tribunal des migrations, le requérant a présenté de nouveaux éléments d’information, notamment des articles publiés dans des journaux turcs datés de janvier 2007 et le citant comme étant la source d’information datant de 2001 selon laquelle un général turc aurait participé à l’entraînement militaire de groupes terroristes en Azerbaïdjan. Le requérant a affirmé que cet article avait beaucoup attiré l’attention, en particulier en raison du fait que le groupe aurait été impliqué dans l’assassinat d’un journaliste turc.

Réponses complémentaires de l’État partie

6.Le 20 août 2007, l’État partie a informé le Comité que le 6 juillet 2007, le Tribunal des migrations de Malmö avait rejeté le recours formé par l’auteur le 5 juin 2007. En ce qui concernait les documents que le requérant avait présentés au Tribunal (dont des articles de journaux turcs), le Tribunal avait considéré qu’il ne s’agissait pas d’éléments nouveaux s’opposant à l’exécution de la décision contestée. L’État partie a également informé le Comité que le requérant avait fait appel, devant le Tribunal d’appel des migrations, du jugement rendu par le Tribunal des migrations. Le 11 septembre 2007, l’État partie a informé le Comité que le 31 août 2007, le Tribunal d’appel des migrations avait rejeté la demande d’autorisation de faire appel déposée par le requérant, et que ce rejet était définitif.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la plainte est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note que l’État partie a confirmé dans ses observations que les recours internes avaient été épuisés.

7.2Le Comité considère qu’il n’existe aucun obstacle à la recevabilité de la requête. Il la déclare recevable et procède donc immédiatement à son examen quant au fond.

Examen au fond

8.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Azerbaïdjan, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

8.2Pour évaluer le risque de torture, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de l’existence dans l’État où le requérant serait renvoyé d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit toutefois de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans le pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble systématique de violations flagrantes des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans la situation qui est la sienne.

8.3Le Comité rappelle son Observation générale no 1 concernant l’application de l’article 3, en vertu de laquelle il est tenu de déclarer s’il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, renvoyé ou extradé et l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque encouru est hautement probable. Le risque doit néanmoins être personnel et actuel. À cet égard, dans les décisions précédentes, le Comité a établi que le risque de torture devait être prévisible, réel et personnel.

8.4Le requérant fait valoir qu’il existe un risque qu’il soit torturé s’il est renvoyé en Azerbaïdjan, en raison de ses activités politiques, des tortures qu’il a subies antérieurement et du lien de parenté avec son oncle, l’ex‑Ministre des affaires intérieures. En ce qui concerne ses activités politiques passées, si l’État partie ne conteste pas le fait que le requérant semble avoir été membre à part entière de l’AXCP, il conteste l’idée qu’il serait particulièrement exposé au risque de torture s’il était renvoyé en Azerbaïdjan. Pour ce qui est des articles parus dans les médias turcs en janvier 2007, dont le requérant affirme qu’ils ont eu pour résultat d’attirer davantage l’attention sur lui, le Comité constate que ces articles reprennent des informations que le requérant avait rendues publiques en 2001, et que le requérant pas démontré que ces informations pourraient le mettre en danger s’il devait retourner en Azerbaïdjan.

8.5Quant à la possibilité que le requérant soit torturé par des agents de l’État à son retour en Azerbaïdjan, le Comité a dûment pris note de son allégation, à savoir qu’il avait été antérieurement arrêté et torturé par des membres de la police azérie. Il relève en outre que le requérant a fourni des rapports médicaux faisant état de blessures concordant avec les événements qu’il a relatés. Le Comité fait toutefois observer que, même si le requérant a été antérieurement arrêté et torturé en Azerbaïdjan, il ne s’ensuit pas automatiquement que, quatre ans après les événements allégués, il risquerait encore d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Azerbaïdjan dans un proche avenir. Par ailleurs, tout en étant conscient du fait que le requérant souffre d’une maladie rénale, le Comité considère qu’il n’a pas clairement démontré que celle-ci était la conséquence de la torture qui lui aurait était antérieurement infligée ni qu’il ne pourrait bénéficier en Azerbaïdjan de soins médicaux appropriés.

8.6Quant aux craintes qu’il éprouve en raison de son lien de parenté avec son oncle, il semblerait, et le fait n’est pas contesté, que ce dernier voyage librement entre la Fédération de Russie et l’Azerbaïdjan, sans aucune restriction. Donc, son lien de parenté avec S. M. n’aurait aucune conséquence négative pour le requérant à son retour dans le pays. Le Comité note que selon l’État partie, l’auteur n’est ni poursuivi pour un crime quelconque en Azerbaïdjan ni sous l’effet d’un mandat d’arrêt émis par les autorités azéries. Le Comité estime par conséquent que le requérant n’a pas fourni d’éléments prouvant qu’il risquait réellement d’être arrêté à son retour dans le pays.

8.7Le Comité note que le requérant lui a fourni ainsi qu’aux autorités nationales un certain nombre de documents, dont il affirme qu’ils corroborent son exposé des faits. Le Comité rappelle que l’État partie met en cause la crédibilité du requérant et l’authenticité d’une partie des documents que celui-ci a présentés, sur la base de l’enquête que l’ambassade de Suède en Turquie a menée. Il note que l’État partie n’a pas mis en cause l’authenticité des certificats médicaux fournis par l’auteur. Le Comité rappelle que, selon son Observation générale no1, c’est au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables. Or, il considère que le requérant n’a pas prouvé l’authenticité des documents ayant trait aux activités politiques dans lesquelles il était engagé avant son départ d’Azerbaïdjan.

9.Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que le requérant n’a pas suffisamment démontré qu’il courrait un risque prévisible, réel et personnel d’être torturé s’il était renvoyé en Azerbaïdjan.

10.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi du requérant en Azerbaïdjan ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol, en français et en russe. Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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