Quarante-quatrième session

20 juillet-7 août 2009

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Espagne

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de l’Espagne (CEDAW/C/ESP/6) dans la salle A, à ses 888e et 889e séances, le 22 juillet 2009 (voir CEDAW/C/SR.888 et 889). La liste des questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/ESP/Q/6 et les réponses de l’Espagne dans le document CEDAW/C/ESP/Q/6/Add.1.

Introduction

Le Comité exprime sa satisfaction à l’État partie pour son sixième rapport périodique, qui a suivi les anciennes directives du Comité pour l’établissement des rapports périodiques et a tenu compte des précédentes observations finales du Comité. Toutefois, le Comité regrette que le rapport ait été présenté avec un certain retard. Il exprime aussi sa satisfaction à l’État partie pour ses réponses écrites à la liste des questions posées par le groupe de travail d’avant session.

Le Comité félicite l’État partie de son importante délégation de haut niveau, dirigée par la Ministre de l’égalité, qui comportait des représentants de divers ministères. Le Comité apprécie le dialogue franc, ouvert et constructif qui s’est tenu entre la délégation et les membres du Comité.

Aspects positifs

Le Comité salue les importants progrès réalisés depuis l’examen du dernier rapport périodique de l’État partie et se félicite de l’adoption d’un certain nombre de lois, de politiques, de plans et de programmes en vue de favoriser l’égalité entre les sexes et d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes. Il fait plus particulièrement référence à la loi organique no 3/2007 relative à l’égalité effective des femmes et des hommes, qui comprend une définition de la discrimination à l’égard des femmes conforme à la Convention, à la loi organique no 1/2004 relative aux mesures de protection intégrées contre la violence sexiste et à la loi no 33/2006 relative à l’égalité de l’homme et de la femme en ce qui concerne l’ordre de succession aux titres de noblesse, qui est fondée sur la Convention. Le Comité fait également mention spécifique du Plan stratégique pour l’égalité des chances (2008-2011) et du Plan intégré de lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle (2008-2011).

Le Comité note que le Ministère de l’égalité élabore un projet de loi sur l’égalité de traitement et la non-discrimination, qui portera sur diverses formes de discrimination et sur la discrimination multiple.

Le Comité se félicite de la création du Ministère de l’égalité qui prend l’initiative de politiques visant à assurer l’égalité et à éliminer toutes les formes de discrimination et de violence sexiste et les met en œuvre, ainsi que de celle des nouveaux mécanismes institutionnels établis par la loi organique no 3/2007, tels que le Comité interministériel pour l’égalité entre hommes et femmes et les Unités pour l’égalité au sein de chaque ministère.

Le Comité constate avec satisfaction que la parité a été atteinte dans l’actuel gouvernement, qui compte parmi les ministres davantage de femmes que d’hommes; deux femmes sont vice-présidentes et la Cour constitutionnelle est présidée par une femme.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir mis les principes de l’égalité entre les sexes et de la non-discrimination au nombre des priorités dans sa politique d’assistance internationale et dans ses programmes de coopération pour le développement.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant l’obligation qu’a l’État partie d’appliquer les dispositions de la Convention de manière systématique et en permanence, le Comité considère que les préoccupations et recommandations identifiées dans les présentes observations finales nécessitent l’attention prioritaire de l’État partie. En conséquence, il demande à ce dernier de centrer son attention sur ces domaines dans ses activités de mise en œuvre et de décrire les mesures prises et les résultats atteints dans son prochain rapport périodique. Il demande également à l’État partie de communiquer les présentes observations finales à tous les ministères compétents, aux autres structures de l’État à tous les niveaux, y compris dans les communautés autonomes, les Cortes Generales et le système judiciaire, pour en assurer l’application effective.

Parlements

Tout en réaffirmant qu’il incombe au premier chef à l’État de s’acquitter des obligations qui découlent de la Convention, le Comité souligne que cet instrument est contraignant pour tous les secteurs de l’État et invite l’État partie à encourager ses parlements, aux échelons national, provincial, municipal, ainsi que les parlements autonomes, conformément à leurs procédures, selon que de besoin, à faire le nécessaire en vue de l’application des présentes observations finales et de l’élaboration du prochain rapport périodique.

Déclaration concernant la Convention

Le Comité note que l’Espagne maintient en vigueur une déclaration concernant la Convention, relative aux dispositions constitutionnelles en matière de succession à la Couronne. Bien qu’un consensus public semble exister sur l’élimination de la préférence accordée aux hommes dans les règles régissant la succession à la Couronne, la réforme constitutionnelle nécessaire pour garantir l’égalité des femmes et des hommes devant la loi en matière de succession à la Couronne n’a pas encore eu lieu, car d’autres propositions de réforme constitutionnelle qui prêtent davantage à controverse, restent en suspens.

Le Comité encourage l’État partie à achever la réforme constitutionnelle et à envisager dans ce contexte de retirer au moment opportun sa déclaration concernant la Convention.

Mécanismes nationaux de promotion de la femme

Le Comité, bien que prenant acte de l’existence de divers mécanismes et structures institutionnels, ainsi que de lois, plans, politiques et programmes sur l’égalité et la promotion de la femme à l’échelon national, est préoccupé par le fait que des renseignements limités lui ont été communiqués quant aux mécanismes et structures en place aux niveaux provincial et municipal ainsi que dans les communautés autonomes et par le problème posé par la coordination des mécanismes relatifs à l’égalité entre les sexes, de manière à assurer une approche cohérente. Il a également été fourni au Comité des renseignements limités sur l’ampleur et la teneur des divers lois et plans relatifs à l’égalité adoptés par un certain nombre de communautés autonomes. Le Comité note que le Conseil pour la participation de la femme, créé par la loi organique no 3/2007 afin d’être un organe consultatif collégial en matière d’égalité entre hommes et femmes, au sein duquel doivent être représentées toutes les administrations publiques et les associations et organisations féminines, ne fonctionne toujours pas.

Le Comité recommande que l’État partie veille à ce que l’uniformité des résultats dans l’application de la Convention soit réalisée sur tout son territoire, grâce à la coordination effective des mécanismes et structures pertinents, à tous les niveaux et dans tous les domaines. Il recommande également que l’État partie présente dans son prochain rapport un panorama complet de toutes les lois et de tous les plans relatifs à l’égalité adoptés à tous les niveaux, y compris dans les communautés autonomes et de leur cohérence avec la loi organique n o  3/2007, relative à l’égalité effective entre les femmes et les hommes. Le Comité encourage l’État partie à mettre la dernière main aux réglementations régissant les fonctions, les compétences et la composition du Conseil pour la participation de la femme, compte tenu du rôle important que jouent les organisations non gouvernementales et d’autres organisations de la société civile dans la promotion des droits des femmes et de l’égalité entre les sexes.

Mesures temporaires spéciales (art. 4, par. 1)

Tout en reconnaissant que la loi organique no 3/2007 comprend une définition de l’action positive et un cadre général en vue de son application, le Comité estime que l’emploi limité de ces mesures pourrait indiquer que la manière dont l’État partie comprend cette notion n’est peut-être pas pleinement conforme à la notion de mesures temporaires spéciales, telle qu’énoncée au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et dans la recommandation générale no 25 du Comité.

Le Comité encourage l’État partie à faire mieux connaître à tous les fonctionnaires compétents la notion de mesures temporaires spéciales énoncée au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et dans sa recommandation générale n o  25. Il recommande que l’État partie envisage de poursuivre la mise en œuvre approfondie de mesures temporaires spéciales, y compris des mesures législatives et administratives, des programmes de vulgarisation et d’appui, l’affectation de ressources et la création d’incitations, un recrutement ciblé et la fixation d’objectifs et de quotas assortis de délais, dans les domaines où les femmes sont insuffisamment représentées ou désavantagées et dans les secteurs public et privé.

Stéréotypes

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour éliminer les stéréotypes sexistes que véhiculent les médias sur les femmes et leurs rôles dans la famille et dans la société, notamment la création de la Commission consultative sur l’image de la femme dans la publicité et les médias; il salue également les activités menées par l’Observatoire de l’image des femmes, en vue de suivre et d’analyser les publicités sexistes et celles de l’Institut de la femme, réalisées en partenariat avec le secteur privé, en vue d’élaborer un code de conduite concernant la représentation des femmes dans la publicité. Le Comité demeure toutefois préoccupé par la persistance de stéréotypes traditionnels enracinés concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes, qui ont contribué à ce que les femmes soient désavantagées dans un certain nombre de domaines, y compris sur le marché du travail et dans les postes de responsabilité. Le Comité note que l’État partie n’a pas communiqué d’informations sur les mesures spécifiques prises pour éliminer ces stéréotypes dans le système d’enseignement, en particulier dans les programmes et les manuels scolaires. Le Comité note également que les médias ne présentent pas d’images positives des femmes appartenant à des minorités ethniques, des femmes roms, des femmes migrantes et des femmes handicapées.

Le Comité demande à l’État partie de s’employer davantage à éliminer les images et attitudes stéréotypées concernant les rôles des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, conformément aux articles 2 f) et 5 a) de la Convention. Ces efforts devraient comprendre, de manière coordonnée, davantage de campagnes de sensibilisation destinées aux femmes et aux hommes en général, ainsi que des campagnes spécifiques à l’intention des médias et des agences de publicité, et des programmes ciblés dans le système d’enseignement, concernant entre autres l’éducation en matière de droits de l’homme et la diffusion de la Convention, la révision des manuels scolaires et des programmes d’enseignement et la formation des enseignants. Le Comité recommande également des mesures ciblées à l’intention des médias et du système d’enseignement, en vue de favoriser la représentation positive des femmes appartenant à des minorités ethniques, des femmes rom s , des femmes migrantes et des femmes handicapées. Le Comité est favorable au mécanisme relatif au x dépôts de plaintes concernant les stéréotypes et les pratiques sexistes dans les médias et encourage l’autoréglementation des médias et le code de conduite en matière de publicité. Il demande en outre à l’État partie d’examiner périodiquement les mesures prises pour en évaluer l’incidence et l’efficacité, de prendre les mesures de suivi ou correctives nécessaires et de les exposer au Comité dans son prochain rapport.

La violence à l’égard des femmes

Le Comité salue la gamme des mesures prises par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et l’éliminer et note en particulier l’adoption de la loi organique no 1/2004 relative aux mesures de protection intégrées contre la violence sexiste, qui a mis en place la Délégation gouvernementale spéciale pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes, l’Observatoire national de la violence contre les femmes ainsi que des tribunaux spécialisés dans ce type d’affaires. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par l’ampleur de la violence à l’égard des femmes; il note avec inquiétude que le nombre des meurtres de femmes commis par leurs conjoints ou leurs compagnons actuels ou anciens n’a pas diminué de manière sensible et que la violence à l’égard des femmes s’est aggravée dans la pratique.

Le Comité réaffirme ses observations finales de 2004 et demande à l’État partie de continuer à redoubler d’efforts pour traiter de la question de la violence à l’égard des femmes. Il recommande que l’État partie analyse tous les cas de violence à l’égard des femmes, en particulier ceux concernant les meurtres de femmes, de manière à identifier les tendances en matière d’aggravation de ce type de violence et à en déterminer les causes profondes, et fasse en sorte que des mesures préventives appropriées et effectives soient adoptées. Le Comité recommande également l’extension des activités de formation et des programmes destinés aux parlementaires, aux magistrats, aux fonctionnaires et au personnel de maintien de l’ordre, ainsi qu’aux prestataires de services de santé, de telle sorte qu’ils soient sensibilisés à toutes les formes de violence à l’égard des femmes et qu’ils puissent soutenir les victimes, comme il convient. Le Comité recommande également l’élargissement des campagnes de sensibilisation sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles.

Traite et prostitution

Le Comité se félicite de la ratification, par l’État partie, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et note qu’il envisage de réformer sa législation conformément à ses obligations en vertu du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Il prend acte, par ailleurs, des autres mesures adoptées par l’État partie pour lutter contre la traite des femmes et des enfants, y compris l’adoption du Plan intégré contre la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle (2008-2011), qui prévoit une période de 30 jours de réflexion durant laquelle les victimes ont droit à une assistance juridique dans leur propre langue, à un logement et une assistance sociale, mais il s’inquiète de la persistance de la traite des femmes et des filles et de la prostitution forcée, ainsi que de l’absence de données et d’études sur tous les aspects de ce phénomène.

Le Comité exhorte l’État partie à continuer de prendre toutes les mesures appropriées pour lutter contre toutes les formes de trafic des femmes et des enfants, conformément à l’article 6 de la Convention. Il l’engage à inscrire une perspective des droits de l’homme ainsi que les principes et les pratiques recommandées préconisés par les instruments internationaux s’y rapportant dans toute réforme de sa législation nationale, de manière à prendre en compte non seulement les mesures de justice pénale mais aussi la protection et la réhabilitation des victimes et la fourniture de services d’appui adéquats. Comme dans ses conclusions de 2004, le Comité demande à l’État partie d’intensifier sa coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d’origine, de transit et de destination, aux fins de prévenir la traite des personnes et de traduire les auteurs de ces actes en justice. Il invite aussi l’État partie à protéger pleinement, conformément à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, les femmes victimes de la traite qui cherchent l’asile pour cause de persécution fondée sur le sexe. Le Comité engage par ailleurs l’État partie à continuer de recueillir et d’analyser des données, ventilées par âge et par pays d’origine, en vue d’identifier les tendances et les causes profondes, ainsi que les domaines prioritaires d’action, et de formuler des politiques appropriées.

Emploi et autonomisation économique

Le Comité prend note des diverses mesures prises par l’État partie pour promouvoir la participation des femmes à la vie active, y compris par l’offre de la formation et la mise en place de mesures d’incitation, et pour les aider à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Il note avec appréciation que la loi organique no 3/2007 prévoit la possibilité d’adopter des mesures d’action positive dans le contexte des conventions collectives afin de favoriser, pour les femmes, l’accès à l’emploi et l’amélioration des conditions de travail. Le Comité note également que la loi organique no 3/2007 exige des entreprises qui emploient plus de 250 personnes qu’elles adoptent des plans en faveur de l’égalité. Il demeure préoccupé, cependant, par la persistance de la ségrégation horizontale et verticale sur le marché du travail, la persistance de l’écart de salaire entre les sexes et par le fait que les femmes continuent d’exercer majoritairement les emplois temporaires ou à temps partiel, en raison du rôle traditionnel qu’elles assument en tant prestataires de soins pour les enfants et les personnes âgées. Le Comité est également préoccupé par la faible représentation des femmes aux postes de gestion et de responsabilité et dans les conseils d’administration. Il s’inquiète, par ailleurs, de l’impact de la crise financière et économique mondiale, qui a déjà provoqué une hausse des taux de chômage, sur la présence des femmes sur le marché du travail et sur leur autonomisation économique.

Le Comité engage l’État partie à assurer l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le marché du travail, y compris par le biais de mesures temporaires spéciales, assorties de délais, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa propre recommandation générale n o  25. Il recommande à l’État partie de continuer à prendre des mesures concrètes et volontaristes pour supprimer la ségrégation, tant horizontale que verticale, notamment grâce à la formation et au recyclage et à des mesures d’application efficaces, et de combler les écarts de salaire entre hommes et femmes. En outre, le Comité demande à l’État partie de veiller à intégrer le souci d’égalité entre les sexes dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes ou des mesures de relance visant à faire face à la crise financière et économique mondiale, et à observer les tendances, notamment grâce à la collecte et à l’analyse de données ventilées par sexe, par secteur d’emploi ou par caractéristique des emplois (emplois à temps plein ou à temps partiel), concernant l’impact des mesures prises, ainsi que les résultats obtenus. Il recommande également que l’exigence de l’adoption des plans en faveur de l’égalité soit étendue à toutes les petites et moyennes entreprises (employant moins de 250 personnes).

Santé

Le Comité est préoccupé par les taux élevés de grossesses non désirées et d’interruptions volontaires de grossesse, ainsi que par la progression du taux de prévalence du VIH/sida chez les femmes.

Le Comité prie l’État partie de persévérer dans l’action qu’il mène pour réduire le nombre élevé de grossesses non désirées, notamment en rendant les services de santé en matière de sexualité et de procréation plus abordables et plus accessibles aux femmes, ainsi qu’en améliorant l’accès aux informations et aux services de planification familiale. Il lui recommande d’adopter des mesures susceptibles de mieux faire connaître les méthodes de contraception peu coûteuses et d’en faciliter l’accès et de promouvoir largement l’éducation sexuelle ciblée aussi bien sur les filles que sur les garçons, en accordant une attention particulière à la prévention des grossesses précoces, des maladies sexuellement transmissibles et du VIH/sida. Il invite l’État partie à veiller à la mise en œuvre effective de ses stratégies de lutte contre le VIH/sida et les maladies sexuellement transmissibles et à fournir des données statistiques et analytiques détaillées sur les femmes et le VIH/sida dans son prochain rapport. Le Comité encourage l’État partie à contrôler de près la prestation des services de santé afin qu’ils apportent à tous les problèmes de santé des femmes une réponse adaptée et l’invite à cet égard à prendre comme cadre d’actio n sa recommandation générale n o 24 pour veiller à ce que toutes les mesures et tous les programmes de santé intègrent le souci de l’égalité des sexes.

Femmes rurales

Le Comité regrette que le rapport de l’État partie ne comporte pas d’informations et de données statistiques détaillées sur la situation des femmes rurales. Tout en prenant acte des différentes mesures qui ont été prises, notamment sur le plan législatif, telles que la loi no 45/2007 sur le développement rural durable, qui autorise l’adoption de mesures d’action positive en faveur des femmes des zones rurales, le Comité note que les femmes continuent d’être reléguées au second plan et que leur contribution à la vie sociale et économique n’est guère prise en considération. Le Comité est donc préoccupé par le fait que les femmes qui vivent dans les zones rurales ne bénéficient peut-être pas pleinement et sur un pied d’égalité du cadre législatif et politique de l’État partie pour la promotion de l’égalité des sexes. Il note par ailleurs la forte augmentation des effectifs des migrantes dans l’industrie agroalimentaire où elles sont employées comme ouvrières agricoles, mais regrette que l’État partie n’ait guère fourni d’informations sur leur situation.

Le Comité invite l’État partie à renforcer la collecte et l’analyse des données relatives aux femmes vivant dans les zones rurales, y compris les travailleuses migrantes, de manière à mieux évaluer leur situation réelle, à observer les tendances, ainsi qu’à concevoir et à appliquer des politiques et des programmes mieux ciblés. Il exhorte l’État partie à accorder toute son attention aux besoins des femmes rurales et à veiller à ce que les politiques et les programmes visant à promouvoir l’égalité des sexes, y compris en ce qui concerne la santé, l’éducation, l’emploi et l’élimination de la violence à l’égard des femmes, incluent les zones rurales et soient pleinement mis en œuvre à tous les niveaux. Il engage aussi l’État partie à mettre en œuvre des stratégies et des programmes de développement rural qui prennent en compte les disparités entre les sexes et à associer pleinement les femmes qui vivent dans les zones rurales à leur élaboration et à leur mise en œuvre. Le Comité prie l’État partie de fournir, dans son prochain rapport, une évaluation complète, comportant des données, sur la situation des femmes rurales, y compris les travailleuses migrantes employées dans les zones rurales.

Groupes de femmes vulnérables

Le Comité regrette l’absence de données et de statistiques officielles détaillées sur la population rom. Il note que les femmes roms continuent de vivre dans une situation vulnérable et marginalisée et continuent de souffrir de discriminations multiples, particulièrement en ce qui concerne l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux soins de santé. Le Comité note avec préoccupation que des données non officielles font état de taux d’analphabétisme et d’abandon scolaire élevés chez les filles roms, ainsi que de faibles taux de fréquentation à l’université. Il note également avec préoccupation que les mariages roms non enregistrés et non reconnus pourraient limiter les droits économiques des femmes ou les priver de ces droits.

Comme dans ses conclusions de 2004, et en dépit des expériences passées concernant les persécutions au sein de la communauté des Roms et les protections constitutionnelles sur l’identification, le Comité exhorte l’État partie à intensifier l’action qu’il mène en matière de recherche, de collecte et d’analyse des informations, de façon à pouvoir évaluer plus précisément la situation réelle des femmes roms. Cette démarche permettra d’élaborer des stratégies et des programmes plus ciblés et culturellement plus adaptés, destinés à prévenir et à éliminer, selon un calendrier spécifique, la discrimination dont sont victimes les femmes roms dans tous les domaines. Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des informations complètes sur la situation des femmes et des filles roms, y compris des données sur les possibilités d’instruction qui leur sont offertes et les résultats obtenus, l’accès à l’emploi et aux services de santé et la participation à la vie publique et aux prises de décisions. Il lui demande aussi de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur la mise en œuvre du Plan d’action 2009-2012 pour le développement de la population rom, dont l’un des principaux aspects est l’intégration du souci de l’égalité des sexes , ainsi qu’une évaluation de son impact sur les femmes roms dans les huit domaines d’action. Le Comité invite l’État partie à adopter les mesures nécessaires permettant de garantir et de protéger les droits économiques de toutes les femmes roms, que leur mariage ait été enregistré ou non. Il lui recommande également de promouvoir, chez les femmes roms, la sensibilisation et l’accès aux services et aux programmes dans tous les secteurs.

Le Comité est préoccupé par la situation d’autres groupes de femmes vulnérables, y compris les femmes de groupes ethniques et minoritaires, les travailleuses migrantes et les handicapées, qui peuvent être plus vulnérables à la pauvreté et à la violence et peuvent subir de nombreuses formes de discrimination en ce qui concerne l’éducation, la santé, l’emploi et la participation à la vie sociale et politique. Il note l’absence de données et d’informations complètes sur la situation de ces femmes et, en particulier, le manque de données sur les femmes handicapées, ventilées par âge et par type de handicap, dans les zones rurales et urbaines.

Le Comité invite l’État partie à prendre des mesures efficaces pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes des communautés ethniques et minoritaires, des travailleuses migrantes et des handicapées, dans la société en général et au sein de leurs communautés. Il engage aussi l’État partie à prendre des mesures dynamiques, notamment par l’élaboration de programmes et de stratégies ciblés, pour assurer une sensibilisation accrue et un meilleur accès à l’éducation, aux services de santé et aux services sociaux, à la formation et à l’emploi, ainsi que pour les familiariser avec leurs droits en matière d’égalité des sexes et de non-discrimination. Le Comité invite aussi l’État partie à recueillir des données et à procéder à des études régulières et complètes sur la situation de ces femmes, ainsi qu’à fournir ces informations dans son prochain rapport.

Acceptation de la modification du paragraphe 1 de l’article 20

Le Comité prend note de la décision prise par l’État partie d’accepter la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention et l’exhorte à l’officialiser sans t ard er .

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité exhorte l’État partie à recourir pleinement, dans l’exécution des obligations qui lui incombent au titre de la Convention, à la Déclaration et au Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des éléments d’information sur la question.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité souligne qu’une mise en œuvre intégrale et effective de la Convention est indispensable à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il prie l’État partie d’intégrer le souci de l’égalité des sexes et de prendre expressément en considération les dispositions de la Convention dans toute action visant la réalisation de ces objectifs et lui demande de lui communiquer des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Ratification des traités

Le Comité note que l’adhésion des États aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme permet aux femmes de mieux jouir de leurs droits et libertés fondamentaux à tous égards. Il encourage donc le Gouvernement espagnol à ratifier les instruments auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées qu’elle a signées le 27 septembre 2007.

Diffusion des observations finales

Le Comité prie l’Espagne de diffuser largement les présentes observations finales afin de faire connaître aux responsables gouvernementaux et politiques, aux parlementaires et aux organisations de femmes et de défense des droits de l’homme les mesures qui ont été prises pour assurer l’égalité de jure et de facto des femmes et des hommes ainsi que les autres mesures qui sont nécessaires à cet égard. Il demande à l’État partie de continuer à diffuser, en particulier auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, la Convention, son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité des sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Suivi

Le Comité prie l’État partie de fournir, dans un délai de deux an s , des informations écrites sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant au x paragraphe s 22 et 26 ci-dessus.

Date du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de donner suite aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il doit présenter au titre de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à lui faire tenir son septième rapport périodique, qu’il devait soumettre en février 2009, et son huitième rapport périodique, qu’il doit soumettre en février 2013, sous forme d’un rapport unique en 2013.