Nations Unies

CRPD/C/SDN/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

10 avril 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initial du Soudan *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Soudan (CRPD/C/SDN/1) à ses 371e et 372e séances (voir CRPD/C/SR.371 et 372), les 21 et 22 février 2018. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 385e séance, le 2 mars 2018.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Soudan, qui a été établi conformément aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports, et remercie l’État partie des réponses écrites (CRPD/C/SDN/Q/1/Add.1) apportées à la liste de points établie par le Comité (CRPD/C/SDN/Q/1).

3.Le Comité se félicite du dialogue franc qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie pendant l’examen du rapport, auquel ont participé le Ministre de la justice et le Secrétaire général du Conseil des personnes handicapées.

II.Aspects positifs

4.Le Comité note que l’État partie a adopté la loi sur les personnes handicapées en 2017, et le Code de l’enfant en 2010, et qu’il a créé en 2009 le Conseil national du handicap, dont la composition a été modifiée en 2010.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)

5.Le Comité est préoccupé par :

a)L’omission des handicaps psychosociaux dans la définition du handicap figurant dans la législation nationale, en particulier dans la loi de 2017 sur les personnes handicapées ;

b)L’harmonisation insuffisante de la législation nationale avec la Convention ;

c)La faible participation des organisations de personnes handicapées à la prise de décisions les concernant ;

d)L’absence de plans, de délais ou de budgets établis clairement pour garantir la réalisation progressive des droits des personnes handicapées.

6. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir la loi de 2017 sur les personnes handicapées en vue d’intégrer les handicaps psychosociaux dans la définition du handicap ;

b) D’adopter un calendrier concernant l’harmonisation du droit interne avec la Convention ;

c) De veiller à ce que les organisations représentant les personnes handicapées soient véritablement associées à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des lois, politiques et plans d’action et à ce que leurs opinions soient prises en compte avant l’adoption des décisions les concernant ;

d) D’élaborer, en consultation avec les organisations de personnes handicapées, des plans, calendriers et budgets dans le but de garantir l’application de la Convention dans l’État partie.

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

7.Le Comité constate avec préoccupation que la Constitution provisoire de 2005 et la loi de 2017 sur les personnes handicapées n’interdisent pas explicitement la discrimination fondée sur le handicap et que le refus d’aménagement raisonnable n’est pas un motif de discrimination interdit.

8. Le Comité recommande à l’État partie de revoir l’article 3 de la loi de 2017 sur les personnes handicapées en vue d’interdire expressément la discrimination fondée sur le handicap et de faire en sorte que le refus d’aménagement raisonnable soit considéré comme une forme de discrimination fondée sur le handicap. Il lui recommande également de faire figurer ces dispositions dans le prochain projet de Constitution, de manière à assurer la plus haute protection juridique contre la discrimination fondée sur le handicap et contre les formes de discrimination multiples et croisées qui touchent les personnes handicapées.

9.Le Comité s’inquiète du fait que la législation nationale ne prévoit aucune sanction contre les auteurs de discrimination fondée sur le handicap, qu’il s’agisse d’institutions publiques ou privées ou encore de particuliers. Il est également préoccupé par l’absence de voies de recours juridiques efficaces contre la discrimination.

10. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures visant à renforcer la capacité de la Commission nationale des droits de l’homme et du Bureau du Procureur à accorder une réparation, y compris sous forme d’indemnisation, aux personnes qui ont été l’objet d’actes de discrimination en raison de leur handicap, et à punir les auteurs.

11.Le Comité note avec préoccupation qu’aucune formation sur la non-discrimination et les aménagements raisonnables n’est régulièrement dispensée aux acteurs publics et privés.

12. Le Comité recommande à l’État partie de former régulièrement les acteurs publics et privés aux questions relatives à la non-discrimination et aux aménagements raisonnables destinés aux personnes handicapées, en mettant l’accent sur l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, plutôt que sur l’approche médicale et caritative traditionnelle.

Femmes handicapées (art. 6)

13.Le Comité note avec préoccupation que les femmes et les filles handicapées font l’objet de formes multiples et croisées de discrimination et d’exclusion dans tous les aspects de la vie. Il est particulièrement préoccupé par :

a)L’absence de lois visant à protéger les femmes et les filles handicapées contre la violence sexiste, en particulier à la maison et dans les institutions ; la persistance des cas de négligence, de violence, de contention et d’isolement, et des violences et sévices sexuels, y compris des mutilations génitales, à l’égard des femmes et des filles handicapées ; et le manque d’accès à des foyers et à des services appropriés pour les victimes de cette violence ;

b)Le fait que les politiques et programmes nationaux en faveur de l’égalité des sexes ne tiennent pas suffisamment compte du handicap et que la question de l’égalité des sexes n’est pas intégrée dans les politiques relatives au handicap ;

c)Le manque d’accessibilité des services courants et d’aménagements raisonnables pour les femmes et les filles handicapées, en particulier celles qui présentent un handicap psychosocial et/ou intellectuel.

14. Conformément à son observation générale n o  3 (2016) sur les femmes et les filles handicapées et compte tenu des cibles 5.1, 5.2 et 5.5 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie de renforcer les mesures visant à lutter contre les formes multiples et croisées de discrimination envers les f emmes et les filles handicapées et, en particulier :

a) De mettre en œuvre des mesures juridiques, politiques et pratiques efficaces pour lutter contre la violence sexiste, y compris les mutilations génitales des femmes et des filles handicapées ; de prévenir les violations des droits de l’homme, d’enquêter sur ces violations, de poursuivre et de punir les auteurs ; et de veiller à ce que les victimes bénéficient d’une protection immédiate et de services d’assistance accessibles, notamment l’apport d’aménagements raisonnables aux services courants et aux structures d’accueil ;

b) De prendre en considération les droits des femmes et des filles handicapées dans les politiques et programmes nationaux en faveur de l’égalité des sexes, notamment dans la Stratégie soudanaise en faveur des femmes, et de tenir compte de la question de l’égalité des sexes dans les mesures relatives au handicap prises par les autorités publiques ;

c) De prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre les services courants et les aménagements raisonnables plus accessibles à toutes les femmes et filles handicapées, et de veiller à ce que les organisations de femmes et de filles handicapées participent à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi de ces services.

Enfants handicapés (art. 7)

15.Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait qu’aucune mesure n’a été prise en vue d’ériger en infraction la violence à l’égard des enfants handicapés, y compris les châtiments corporels et la violence sexuelle, en tous lieux et en toutes circonstances ;

b)Le fait que les droits des enfants handicapés ne sont pas pris en compte dans les politiques, plans et programmes nationaux relatifs aux enfants ;

c)La stigmatisation, la discrimination et les stéréotypes préjudiciables dont sont victimes les enfants handicapés, ainsi que la persistance de l’attitude traditionnelle qui privilégie l’isolement et le placement en institution de ces enfants.

16. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’ériger en infraction la violence à l’égard des enfants handicapés, y compris les châtiments corporels et la violence sexuelle, en tous lieux et en toutes circonstances, notamment en modifiant le Code de l’enfant de 2010 et le Code pénal, et d’adopter et d’appliquer des mesures pour punir les auteurs de tels actes ;

b) De tenir pleinement compte des droits des enfants handicapés dans les politiques, plans et programmes nationaux relatifs aux enfants ;

c) De prendre des mesures pour lutter contre la stigmatisation et les préjugés dont sont victimes les enfants handicapés dans le milieu familial et dans la société, et de mettre en œuvre des stratégies visant à prévenir l’abandon, la négligence, l’isolement et le placement en institution des enfants handicapés.

Sensibilisation (art. 8)

17.Le Comité constate avec préoccupation que :

a)La société, en général, et les fonctionnaires, en particulier, sont peu informés et sensibilisés aux droits des personnes handicapées et qu’il n’existe aucune politique, ni stratégie nationale globale de sensibilisation au handicap destinée à renforcer la prévention et l’élimination des stéréotypes liés au handicap ainsi que la discrimination fondée sur les incapacités ;

b)Les campagnes de sensibilisation mettent l’accent sur les déficiences plutôt que sur les droits et renforcent l’approche caritative du handicap.

18. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une politique ou une stratégie nationale de sensibilisation au handicap pour prévenir et combattre la discrimination que subissent les personnes handicapées, avec la participation de ces dernières par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, l’objectif étant de lutter contre la stigmatisation et les stéréotypes et de réaffirmer la valeur et la dignité des personnes handicapées ;

b) D’organiser, à l’intention des professionnels de la communication et des médias, des activités de formation qui soient conformes à l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme.

Accessibilité (art. 9)

19.Le Comité note que l’État partie a adopté, dans le cadre du Code de construction, des normes d’accessibilité applicables aux nouveaux bâtiments et au système de transport, mais constate avec préoccupation que ledit Code n’est pas juridiquement contraignant. Il s’inquiète également de ce qu’aucun plan ni délai, assorti de sanctions prévues par la loi et de mécanismes de suivi, n’a été établi en vue d’élargir l’application de ces normes à tous les domaines et d’éliminer les obstacles existants, qui entravent l’accès tant aux infrastructures qu’à l’information et à la technologie.

20. À la lumière de l’article 9 de la Convention et de son observation générale n o  2 (2014) sur l’accessibilité, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures ci-après, dans le cadre de ses efforts visant à atteindre l’ objectif 9 et les cibles  11.2 et 11.17 des objectifs de développement durable :

a) Revoir sa législation de façon à y introduire l’application obligatoire de normes d’accessibilité dans tous les domaines, la mise en place de mécanismes de suivi et des sanctions applicables à quiconque ne respecte pas les normes établies ;

b) Élaborer, en consultation avec les organisations de personnes handicapées, un plan d’action national global en matière d’accessibilité qui soit assorti de critères concernant les délais, le suivi et l’évaluation ;

c) Accélérer la distribution de supports d’information en braille, en lecture facile ( Easy Read), sous forme d’enregistrements audio et dans d’autres formes de communication accessibles.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

21.Le Comité est préoccupé par :

a)L’absence de stratégie nationale visant à protéger les personnes handicapées dans les situations d’urgence et de crises humanitaires ;

b)L’appui limité qui est fourni aux personnes handicapées déplacées dans leur propre pays, réfugiées ou demandeuses d’asile.

22. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) D’adopter une stratégie de réduction des risques de catastrophe qui soit accessible aux personnes handicapées et inclusives, conformément au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, et de veiller à ce que les acteurs humanitaires soient formés à l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme ;

b) D’intensifier ses efforts en vue de fournir un appui approprié aux personnes handicapées déplacées dans leur propre pays, réfugiées ou demandeuses d’asile.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

23.Le Comité est préoccupé par les lois en vigueur dans l’État partie qui continuent de restreindre la capacité juridique des personnes handicapées, plus particulièrement des personnes qui présentent un handicap intellectuel et/ou psychosocial, ou de les en priver, dans de nombreux aspects de la vie, à savoir notamment la loi de 1991 sur le statut personnel, la loi sur la tutelle de l’État, l’article 202 du Code de procédure pénale de 1991 et les articles 57 à 61 de la loi de 1984 sur les transactions civiles.

24. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir sa législation, notamment les lois susmentionnées, en vue d’abolir la privation de la capacité juridique au motif de l’incapacité ;

b) De mettre en place des mécanismes d’aide à la prise de décisions, respectueux de l’autonomie, de la volonté et des préférences des personnes handicapées, et de faire connaître ces mécanismes à ces dernières, à leur famille et à la société ;

c) D’organiser, à l’intention des fonctionnaires, des activités de renforcement des capacités sur le droit des personnes handicapées à ce que leur personnalité juridique soit reconnue dans des conditions d’égalité, et sur les mécanismes d’aide à la prise de décisions.

Accès à la justice (art. 13)

25.Le Comité regrette l’absence d’informations sur l’accès des personnes handicapées à la justice. Il est particulièrement préoccupé par le manque d’accessibilité du système judiciaire, dû à une méconnaissance des questions touchant au handicap dans le secteur de la justice et du maintien de l’ordre, par le manque d’aménagements procéduraux appropriés, par le fait que les informations judiciaires ne sont pas diffusées dans des formats accessibles et par l’inaccessibilité des locaux de la police et de la justice.

26. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures en vue de faire appliquer, dans la pratique, la circulaire de 2016 du Ministère de la justice demandant aux tribunaux de faciliter les procédures judiciaires et les aménagements procéduraux pour les personnes handicapées et d’étendre l’application de ces mesures aux services de police et du ministère public ;

b) De prendre des mesures pour garantir que toutes les personnes handicapées, en particulier celles qui présentent un handicap psychosocial et/ou intellectuel, ainsi que les personnes sourdes et malentendantes, aient accès à la justice, et à l’information et aux communications dans des formats accessibles, notamment en braille, sur des supports tactiles, en lecture facile ( Easy Read) et en langue des signes ;

c) D’organiser, à l’intention des agents des forces de l’ordre, des activités de formation à l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

27.Le Comité constate avec préoccupation que l’article 49 du Code pénal peut conduire au placement arbitraire de personnes handicapées en institution, et que des personnes handicapées continuent d’être placées en institution, notamment dans des établissements gérés par des guérisseurs traditionnels, contre leur gré et pendant des périodes longues.

28. Compte tenu de ses directives sur l’article 14 (2015), le Comité recommande à l’État partie de revoir l’article 49 du Code pénal, en vue de garantir que les personnes handicapées ne soient pas arbitrairement placées en institution dans le cadre d’une procédure pénale, et de prendre des mesures visant à éliminer le placement forcé des personnes handicapées, en particulier de celles qui présentent un handicap intellectuel et/ou psychosocial, notamment dans des établissements gérés par des guérisseurs traditionnels.

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)

29.Le Comité constate avec inquiétude que des personnes handicapées sont soumises à des traitements médicaux contre leur volonté, notamment par des guérisseurs traditionnels non agréés, et que ces personnes, en particulier celles qui présentent un handicap intellectuel et/ou psychosocial, continuent d’être soumises à des mesures de contrainte physique.

30. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures en vue :

a) De garantir que les traitements médicaux soient administrés avec le consentement libre, préalable et éclairé de la personne handicapée ;

b) De former le personnel médical à l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme ;

c) D’interdire que des traitements soient administrés par des guérisseurs traditionnels non agréés ;

d) De veiller à ce que les personnes présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial ne soient pas soumises à des mesures de contrainte physique.

31.Le Comité est préoccupé par le fait que les mutilations génitales féminines ne sont pas encore érigées en infraction dans l’État partie. Il regrette l’absence d’informations sur les femmes et les filles handicapées dans la Stratégie nationale pour la prévention des mutilations génitales féminines dans les années 2008 à 2018 et dans d’autres initiatives de sensibilisation.

32. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour ériger en infraction les mutilations génitales féminines et pour prendre en compte les femmes et les filles handicapées dans toutes les mesures visant à combattre et à prévenir cette pratique.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

33.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les peines prononcées dans des affaires de violence à l’égard de personnes handicapées.

34. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les affaires de violence à l’égard de personnes handicapées soient dûment enregistrées et fassent l’objet d’enquêtes, à tous les stades des procédures pénales et judiciaires, et que les auteurs de tels actes soient poursuivis et punis.

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

35.Le Comité relève avec inquiétude qu’aucune disposition n’interdit expressément la stérilisation des femmes et des filles handicapées sans leur consentement libre et éclairé.

36. Le Comité recommande à l’État partie d’interdire expressément la stérilisation forcée de personnes handicapées, en particulier des femmes et des filles, et d’ériger cette pratique en infraction.

Droit de circuler librement et nationalité (art. 18)

37.Le Comité est préoccupé par les restrictions à la liberté de circulation des personnes handicapées, restrictions qui obligent les personnes présentant un handicap physique à produire un certificat médical si elles souhaitent prendre l’avion et qui contraignent les personnes présentant un handicap psychosocial et/ou intellectuel à obtenir le consentement de leurs tuteurs avant d’être autorisées à voyager.

38. Le Comité recommande à l’État partie d’abolir les règles qui entravent la liberté de circulation des personnes handicapées sur son territoire et au-delà de ses frontières.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

39.Le Comité note avec préoccupation l’absence de stratégie visant à promouvoir et à assurer la transition vers une vie pleinement autonome pour toutes les personnes handicapées dans la société, notamment avec l’appui de programmes d’assistance personnelle. Il est également préoccupé par le fait que les personnes qui présentent un handicap psychosocial sont encore contraintes de vivre dans des établissements d’éducation surveillée sans leur consentement, au prétexte d’une surveillance étroite et d’un accès à des soins et à des traitements de meilleure qualité.

40. Au regard de son observation générale n o 5 (2017) sur l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter les mesures législatives et stratégiques nécessaires pour garantir le droit de toutes les personnes handicapées à une vie autonome et à l’inclusion dans la société, notamment en prévoyant une assistance personnelle et des équipements d’assistance ;

b) D’adopter les mesures nécessaires pour que les personnes handicapées aient légalement droit à un budget personnel suffisant pour vivre en autonomie, compte tenu des coûts supplémentaires liés au handicap, et de réaffecter les ressources consacrées au placement en institution aux services communautaires.

Mobilité personnelle (art. 20)

41.Le Comité prend note des efforts entrepris par l’État partie pour promouvoir l’accès aux appareils fonctionnels, mais est préoccupé par les difficultés que rencontrent les personnes handicapées pour obtenir les aides à la mobilité et les appareils et accessoires fonctionnels qui leur sont nécessaires, notamment les technologies d’assistance, dont le coût demeure prohibitif.

42. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures visant à mettre à la disposition des personnes handicapées des aides à la mobilité et des appareils fonctionnels, y compris des technologies d’assistance, à un coût abordable.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

43.Le Comité est préoccupé par le peu d’informations publiques disponibles pour les personnes handicapées dans des formats accessibles, comme l’interprétation en langue des signes, les supports tactiles, le braille, la lecture facile (Easy Read) ou d’autres formes de communication alternatives, dans les médias tant publics que privés. Il est également préoccupé par le fait que la langue des signes n’est pas reconnue comme langue officielle.

44. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’envisager l’adoption d’un projet de loi sur le droit d’accès à l’information et d’éliminer toute restriction qui entrave l’exercice par les personnes handicapées de leur liberté de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations et des idées sur la base de l’égalité avec les autres, en veillant, entre autres, à ce que les propriétaires et les concepteurs de sites Web rendent ceux-ci accessibles aux personnes handicapées, en particulier aux pe rsonnes aveugles et malvoyantes  ;

b) D’adopter des mesures concrètes pour que la langue des signes soit reconnue comme une langue officielle et de prendre des dispositions pour qu’elle soit enseignée dans les écoles ; de constituer un vivier d’interprètes en langue des signes qualifiés et d’enseignants formés à la traduction en format tactile, en braille et en lecture facile ( Easy Read) et de veiller à ce que les chaînes de télévision diffusent leurs journaux télévisés et d’autres programmes dans des formats accessibles, en particulier pour les personnes sourdes ou malentendantes.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

45.Le Comité est préoccupé par les dispositions de la loi de 1991 sur le statut personnel qui restreignent le droit des personnes handicapées de fonder une famille et d’exercer leurs droits parentaux en faisant de la capacité juridique ou du consentement de leur tuteur une condition préalable.

46. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De réviser la loi de 1991 sur le statut personnel de sorte que les personnes handicapées puissent exercer leurs droits en matière de mariage, de famille, de parentalité et de relations sur la base de l’égalité avec les autres et avec leur consentement libre et éclairé ;

b) D’adopter des mesures visant à aider les parents handicapés à exercer leurs droits parentaux à la maison et à éliminer la stigmatisation sociale à l’égard des personnes handicapées en ce qui concerne le mariage et la parentalité.

Éducation (art. 24)

47.S’il reconnaît que l’adoption de la loi de 2017 sur les personnes handicapées a constitué un progrès pour l’accès à l’éducation, le Comité est toutefois préoccupé par :

a)Les faibles taux de scolarisation et de persévérance scolaire des enfants handicapés ;

b)Le maintien de la ségrégation dans les écoles, qui entraîne l’exclusion des enfants et des personnes handicapées du système éducatif ordinaire en raison d’une incapacité ;

c)La discrimination à l’égard des enfants présentant un handicap psychosocial et/ou intellectuel en ce qui concerne l’accès à l’éducation ;

d)Le soutien limité apporté aux apprenants handicapés, notamment dans les domaines de la formation professionnelle et de l’enseignement postsecondaire.

48. Eu égard à l’observation générale n o 4 (2014) du Comité sur le droit à l’éducation inclusive et aux cibles 4.5 et 4.8 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre rapidement des mesures pour que tous les enfants handicapés aient accès à un enseignement primaire et secondaire inclusif, gratuit et de qualité, et de prévoir des aménagements raisonnables pour que ces enfants aient accès à l ’ éducation ;

b) De prendre des mesures pour mettre en place un système éducatif inclusif à tous les niveaux, y compris dans l ’ enseignement préscolaire, primaire, secondaire et postsecondaire , et dans la formation professionnelle, sans discrimination et sur la base de l ’ égalité avec les autres ;

c) D ’ éliminer les obstacles à l ’ accès à l ’ éducation et de promouvoir le maintien à l ’ école des enfants présentant un handicap psychosocial et/ou intellectuel, notamment en établissant un programme permanent de formation des enseignants à l ’ éducation inclusive et en élaborant des outils méthodologiques pour l ’ enseignement, et d ’ allouer les ressources nécessaires à cette fin ;

d) De mettre en œuvre des initiatives et des partenariats entre les secteurs public et privé pour concevoir des outils pédagogiques et des méthodes d ’ enseignement accessibles et pour permettre aux étudiants handicapés d ’ accéder aux nouvelles technologies et à Internet ;

e) De faire appliquer expressément et immédiatement l ’ interdiction d ’ exclure les apprenants handicapés des écoles ordinaires en raison de leurs déficiences.

Santé (art. 25)

49.Le Comité s’inquiète du fait que les services de santé classiques soient dans l’ensemble peu accessibles. En particulier, il est préoccupé par :

a)Le manque général de sensibilisation du personnel médical aux droits des personnes handicapées et l’absence de formation de ce personnel aux méthodes de communication alternatives ;

b)L’absence de protocoles visant à garantir le consentement libre et éclairé des personnes handicapées en ce qui concerne les services de santé ;

c)Les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées pour accéder aux services de santé, en particulier dans les zones rurales, en raison de l’éloignement géographique des centres de santé, des obstacles physiques et du peu d’informations présentées dans des formats accessibles ;

d)Le manque d’informations sur la santé sexuelle et procréative dans des formats accessibles aux personnes handicapées, notamment les femmes et les filles ;

e)La disponibilité limitée de services de santé spécialisés pour les personnes handicapées et le coût élevé de l’accès à ces services.

50. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D ’ adopter une stratégie visant à garantir l ’ accès des personnes handicapées aux services de santé, notamment en formant le personnel médical aux droits des personnes handicapées, à l’ approche du handicap fondée sur les droits de l ’ homme et aux méthodes de communication alternatives ;

b) D ’ adopter des protocoles de santé visant à garantir l ’ exercice effectif du droit des personnes handicapées de donner leur consentement libre et éclairé aux traitements médicaux ;

c) De prendre des mesures pour assurer la disponibilité et l ’ accessibilité des installations et des services de santé, y compris dans les zones rurales, en supprimant les obstacles physiques à l ’ accès aux centres de santé et en fournissant des informations dans des formats accessible s ;

d) D ’ assurer la diffusion d ’ informations sur les droits en matière de santé sexuelle et procréative dans des formats appropriés pour toutes les personnes handicapées, ainsi que la disponibilité de services tenant compte du sexe et de l ’ âge, y compris dans les zones rurales ;

e) De promouvoir la disponibilité et le caractère financièrement abordable des services de santé spécialisés dans le handicap.

Adaptation et réadaptation (art. 26)

51.Le Comité est préoccupé par l’absence, dans l’État partie, de législation adaptée qui permette de garantir l’accès à des services d’adaptation et de réadaptation et par le fait que les mesures prises ne sont pas conformes à la Convention, en ce qu’elles entretiennent une approche médicale du handicap et ne prévoient pas les changements nécessaires dans la société et dans le système éducatif.

52. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter la législation nécessaire pour garantir l’accès à des services d’adaptation et de réadaptation, en veillant à ce que ces services soient fondés sur les droits de l’homme et associent les organisations de personnes handicapées à leur fonctionnement.

Travail et emploi (art. 27)

53.Le Comité est préoccupé par l’absence de mesures adéquates et exécutoires destinées à assurer le respect des politiques et des stratégies visant à promouvoir l’accès des personnes handicapées à des moyens de subsistance et à l’emploi dans les secteurs public et privé.

54. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces et positives pour permettre l’emploi de personnes handicapées dans les secteurs public et privé, pour faire en sorte que le marché du travail soit inclusif et accessible et pour assurer la mise à disposition d’aménagements raisonnables.

55.Le Comité relève que le paragraphe 7 de l’article 24 de la loi de 2007 sur la fonction publique fixe un quota d’emploi de 2 % de personnes handicapées. Il est toutefois préoccupé par le fait que cette disposition n’est ni juridiquement ni administrativement exécutoire et qu’elle prévoit des exceptions fondées sur la « nature de l’emploi et la nature du handicap ».

56. Le Comité recommande à l’État partie de revoir le paragraphe 7 de l’article 24 de la loi de 2007 sur la fonction publique afin de supprimer les exceptions au système de quotas fondées sur la « nature de l’emploi et la nature du handicap » et de rendre le quota de 2 % exécutoire sur les plans administratif et juridique.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

57.Le Comité est préoccupé par le fait que les mesures de protection sociale et de réduction de la pauvreté à l’intention des familles vulnérables ne répondent pas aux besoins fondamentaux des personnes handicapées. Il est en outre préoccupé de constater que les personnes handicapées ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire face aux coûts supplémentaires liés au handicap.

58. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir ses programmes de protection sociale et de lutte contre la pauvreté afin de garantir un niveau de vie adéquat aux personnes handicapées, notamment au moyen de régimes d’indemnisation sous la forme d’allocations qui permettent aux personnes handicapées de faire face aux dépenses liées au handicap ;

b) De prêter attention aux liens entre l’article 28 de la Convention et la cible 10.2 des objectifs de développement durable, afin d’autonomiser et de favoriser l’intégration économique de toutes les personnes, indépendamment de leur handicap.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

59.Le Comité est préoccupé par :

a)Les lois électorales qui excluent du processus électoral les personnes qui présentent un handicap intellectuel et/ou psychosocial en faisant de la « capacité mentale » une condition préalable au droit de voter et de se présenter aux élections ;

b)L’inaccessibilité de l’environnement électoral et l’absence de matériel et d’informations dans des formats accessibles tels que le braille, la langue des signes et la lecture facile (Easy Read) ;

c)L’absence de formation des fonctionnaires chargés des élections pour répondre aux besoins des personnes handicapées dans les centres de vote ;

d)L’absence de soutien aux personnes qui présentent un handicap psychosocial et/ou intellectuel en vue de leur permettre d’exercer leur droit de voter et de se présenter aux élections.

60. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir sa législation électorale, conformément à l ’ observation générale n o 1 (2014) du Comité sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d ’ égalité , en vue d ’ inclure les personnes qui présentent un handicap intellectuel et/ou psychosocial dans les processus électoraux et de supprimer les règles qui empêchent ces personnes d ’ exercer leur droit de voter et de se présenter aux élections ;

b) D ’ adopter des mesures visant à assurer l ’ accessibilité de l ’ environnement électoral, y compris la fourniture de matériel et d ’ informations dans des formats accessibles à toutes les personnes handicapées ;

c) De dispenser aux fonctionnaires chargés des élections une formation appropriée sur les droits des personnes handicapées, à tous les stades du processus électoral, afin de leur permettre de participer effectivement aux processus électoraux et politiques ;

d) De fournir un soutien adéquat aux personnes qui présentent un handicap intellectuel et/ou psychosocial afin de leur permettre d ’ exercer leur droit de voter et de se présenter aux élections .

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (art. 30)

61.Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des efforts déployés par l’État partie pour soutenir la participation des personnes handicapées à des activités culturelles et récréatives, aux loisirs et aux sports. Il s’inquiète du fait que l’État partie n’a pas encore ratifié le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

62. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour favoriser et encourager la participation des personnes handicapées, notamment des enfants, aux activités culturelles et récréatives, aux loisirs et aux sports. Il lui recommande aussi de ratifier rapidement le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

63.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas dans l’État partie de données ventilées et comparables, dans tous les domaines, sur les personnes handicapées.

64. Le Comité recommande à l’État partie d’inclure le questionnaire abrégé du Groupe de Washington sur le handicap dans le prochain recensement, d’inclure les questions relatives au handicap dans les indicateurs de suivi de la mise en œuvre des objectifs de développement durable et de prêter attention aux liens entre l’article 31 de la Convention et la cible 17.18 des objectifs de développement durable, qui ont pour but de disposer d’un beaucoup plus grand nombre de données de qualité, actualisées et exactes, ventilées par niveau de revenu, sexe, âge, race, appartenance ethnique, statut migratoire, handicap et emplacement géographique, et selon d’autres caractéristiques propres à chaque pays.

Coopération internationale (art. 32)

65.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes handicapées ne sont pas consultées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, dans le cadre des programmes de coopération internationale, qu’elles ne participent pas à ces programmes et n’y sont pas prises en compte.

66. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures visant à assurer la participation, l’inclusion et la consultation effectives des personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, dans le cadre des programmes de coopération internationale.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

67.Le Comité constate avec préoccupation que les ressources allouées au dispositif de suivi indépendant établi conformément au paragraphe 2 de l’article 33 de la Convention sont insuffisantes pour lui permettre d’assurer un suivi complet et efficace. Ce manque de ressources limite le soutien apporté aux organisations de personnes handicapées afin qu’elles puissent participer au processus de suivi.

68. Le Comité recommande à l’État partie d’allouer des ressources financières suffisantes aux cadres de suivi et aux organisations de personnes handicapées pour leur permettre de suivre l’application de la Convention dans l’ensemble de l’État partie, en tenant compte des lignes directrices sur les cadres indépendants de surveillance et leur participation aux travaux du Comité (CRPD/C/1/Rev.1, annexe).

IV.Suivi

Diffusion de l’information

69. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai de douze mois à compter de l’adoption des présentes observations finales et conformément au paragraphe 2 de l’article 35 de la Convention, des renseignements sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant au paragraphe 48 e) (interdiction d’exclure les apprenants handicapés des écoles ordinaires en raison de leurs déficiences).

70. Le Comité recommande à l’État partie de transmettre les présentes observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux responsables des différents ministères, au système judiciaire et aux membres des professions concernées, tels les professionnels de l’éducation, de la santé et du droit, ainsi qu’aux autorités locales, au secteur privé et aux médias, en utilisant pour ce faire les stratégies de communication sociale modernes.

71. Le Comité encourage vivement l’État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l’élaboration de son rapport périodique.

72. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu’auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment en langue des signes, et sous des formes accessibles. Il lui demande aussi de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l’homme.

Prochain rapport périodique

73. Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre son prochain rapport valant deuxième à quatrième rapports périodiques le 24 mai 2023 au plus tard et d ’ y faire figurer des renseignements sur la mise en œuvre des présentes observations finales. Il invite également l ’ État partie à envisager de soumettre ce rapport selon la procédure simplifiée de présentation des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport. Les réponses de l ’ État partie à cette liste de points constituent son rapport périodique.