Nations Unies

CAT/C/53/D/495/2012

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

19 janvier 2015

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Communication no 495/2012

Décision adoptée par le Comité à sa cinquante-troisième session(3-28 novembre 2014)

Communication p résentée par:

N. Z. (représentée par un conseil, Anastasia Miller)

Au nom de:

E. Z., fils de la requérante

État partie:

Kazakhstan

Date de la requête:

14 juillet 2011 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision:

28 novembre 2014

Objet:

Allégations de torture pendant la détention avant jugement, mauvais traitements en prison et enquête inadéquate

Questions de procédure:

Recevabilité Ratione temporis

Questions de fond:

Torture, enquête efficace

Article de la Convention:

1, 12, 13 et 22

Annexe

Décision du Comité contre la torture au titre de l’article 22de la Convention contre la torture et autres peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants(cinquante‑troisième session)

concernant la

Communication no 495/2012

Présentée par:

N. Z. (représentée par un conseil, Anastasia Miller)

Au nom de:

E. Z., fils de la requérante

État partie:

Kazakhstan

Date de la requête:

14 juillet 2011 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 28 novembre 2014,

Ayant achevé l’examen de la requête no 495/2012, présentée par N. Z. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par la requérante, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22de la Convention contre la torture

1.La requérante est N. Z., ressortissante kazakhe née le 3 décembre 1952. Elle a présenté la requête au nom de son fils, E. Z., ressortissant kazakh né le 19 juin 1986. Elle affirme que son fils est victime de violations, par l’État partie, des articles 1, 12 et 13 de la Convention. La requérante est représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par la requérante

2.1Le 15 septembre 2006, le fils de la requérante et l’un de ses amis, M. M., se préparaient à partir à la chasse. Ils avaient un permis de chasse et, dans la voiture de M. M., se trouvaient une carabine, des balles et des cartouches. Durant le trajet, le fils de la requérante a été mêlé sans l’avoir voulu à un différend qui avait éclaté entre M. M. et trois de leurs connaissances. Au cours du différend, le fils de la requérante a tiré un coup de fusil en l’air. La voiture a été prise en chasse par la police et un policier, M. N., a été blessé alors qu’il tentait d’arrêter le véhicule. Le fils de la requérante et son ami, M. M., ont poursuivi leur route.

2.2Selon la requérante, le 16 septembre 2006, son fils s’est présenté de lui-même à un commissariat pour signaler l’incident à la police. Lorsqu’il est entré dans le commissariat, les policiers ont commencé à le frapper. Peu après avoir été tabassé, le fils de la requérante a été emmené chez un médecin, qui l’a examiné mais n’a pas constaté de blessures.

2.3La requérante affirme que le passage à tabac de son fils s’est poursuivi après qu’on l’eut ramené au commissariat. L’un des policiers a cassé le nez de son fils; un autre l’a jeté à terre et a commencé à le frapper avec une matraque en caoutchouc, en visant le foie et les reins. Les policiers insultaient le fils de la requérante et exigeaient qu’il admette avoir agressé M. N.

2.4La requérante affirme que son fils a été détenu au commissariat jusqu’à 16 heures environ le 16 septembre 2006. Il a ensuite été emmené dans un hôpital. Selon la requérante, le médecin de garde n’a pas examiné son fils de façon approfondie et n’a pas constaté de blessures. Le fils de la requérante a été relâché par la police le soir du même jour.

2.5Entre le 16 et le 18 septembre 2006, le fils de la requérante est allé consulter plusieurs médecins, dans son district mais aussi au centre régional de Kostanay. Les médecins ont conclu qu’il avait des blessures au dos, aux avant-bras, aux hanches, à l’oreille et au nez. Le 30 octobre 2006, le fils de la requérante a été officiellement inculpé de hooliganisme avec usage d’arme à feu. Le 11 novembre 2006, il a également été inculpé de port d’arme illégal. Le 14 novembre 2006, il a en outre été inculpé d’avoir fait usage de la violence contre un représentant du Gouvernement. Le 14 novembre 2006, il a été arrêté et placé en détention provisoire.

2.6La requérante affirme que pendant les mois de détention qui ont suivi, son fils a continué d’être victime de mauvais traitements. À différents moments, il a été privé de nourriture, d’eau et d’articles d’hygiène élémentaires. Selon la requérante, son fils était battu quotidiennement par ses codétenus et ces violences étaient tolérées par les autorités du centre de détention.

2.7Le 2 avril 2007, le fils de la requérante a été reconnu coupable de plusieurs infractions, dont celles de hooliganisme, détention illégale d’armes à feu et violence contre un représentant de la force publique, et condamné à sept ans d’emprisonnement.

2.8La requérante affirme que son fils a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles. Elle fait valoir que son fils, soit personnellement, soit par l’intermédiaire de son conseil, s’est plaint, lors des audiences au tribunal et tout au long de la procédure d’appel, des tortures et des mauvais traitements qu’il avait subis. Elle déclare que le 19 mai 2008, la Cour suprême du Kazakhstan a rejeté la demande de contrôle juridictionnel introduite par son fils.

Teneur de la plainte

3.1La requérante affirme que les violences et les mauvais traitements infligés à son fils pendant sa garde à vue le 16 septembre 2006 ainsi que pendant sa détention provisoire, et l’absence d’enquête sur les allégations de torture qu’il a formulées constituent des violations, par le Kazakhstan, des articles 12 et 13 de la Convention.

3.2La requérante indique que les violations commises contre son fils ont eu lieu en 2006. C’est seulement le 21 février 2008 que le Kazakhstan a fait une déclaration au titre de l’article 22 de la Convention mais la requérante soutient que les violations des droits de son fils ont continué après le 21 février 2008 et que ces violations ont eu des effets qui constituent en soi des violations de la Convention.

3.3La requérante affirme qu’en ne menant pas une enquête efficace sur les allégations de torture, l’État partie a continué de violer les droits de son fils après que le Kazakhstan eut fait la déclaration au titre de l’article 22 de la Convention. Elle déclare que l’État partie a l’obligation d’enquêter sur les allégations de torture et, dans les cas où cela est nécessaire, d’offrir des réparations aux victimes de violations et aux membres de leur famille.

3.4La requérante affirme que son fils continue de souffrir de problèmes de santé résultant des blessures physiques directement imputables à la torture, ce qui constitue une autre preuve que la violation de la Convention par l’État partie se poursuit.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une lettre datée du 5 juin 2012, l’État partie indique que le 2 avril 2007, le fils de la requérante a été reconnu coupable en vertu des articles 251, paragraphe 4, 257, paragraphes 2 a) et b), 321, paragraphe 2, et 58, paragraphe 3 du Code pénal et condamné à sept ans d’emprisonnement. L’État partie rappelle la teneur du verdict. Le 15 mai 2007, le tribunal régional de Kostanay a confirmé le jugement en appel. Le 7 août 2007, la Cour suprême a rejeté la demande de contrôle juridictionnel introduite par l’avocat du fils de la requérante. À plusieurs reprises, le Bureau du Procureur général a examiné les griefs de E. Z. concernant l’illégalité du verdict rendu à son encontre et l’utilisation de méthodes d’enquête illicites. Cet examen a montré que la culpabilité de l’accusé était prouvée par l’ensemble des éléments de preuve présentés lors des audiences du tribunal et, en particulier, par les témoignages des victimes. L’examen médical de E. Z. a montré que celui-ci était en état d’ivresse au moment de l’incident. Au cours des audiences, les policiers ont été interrogés et il est ressorti de leurs témoignages que lorsqu’il a été arrêté, E. Z. portait déjà plusieurs blessures reçues lors d’une rixe survenue dans une discothèque le 16 septembre 2006. Les blessures en question ont fait l’objet d’un constat et l’expertise médicale a conclu qu’elles correspondaient au moment et aux circonstances de cet incident. L’enquête du tribunal a également révélé que plusieurs proches du fils de la requérante travaillaient au commissariat qui a mené l’enquête à son sujet, notamment au service des enquêtes. Le tribunal a conclu que cela excluait la possibilité que des policiers de ce commissariat aient exercé des violences contre E. Z.

4.2L’État partie affirme qu’aucune violation de la législation relative à la procédure pénale susceptible d’entraîner la révocation ou la modification du verdict n’a été relevée. Il n’existait aucun motif d’engager une procédure de contrôle juridictionnel. L’État partie indique également qu’au moment où il a présenté ses observations aucune information ne faisait état d’une plainte déposée par le fils de la requérante, étant donné que conformément à l’ordonnance no 28 du Ministère de la justice en date du 21 janvier 2002, tous les registres concernant les plaintes de détenus dans les centres de détention provisoire (SIZO) sont conservés pendant une durée de cinq ans seulement. Les registres concernant l’affectation des détenus dans les cellules sont conservés pendant un an seulement; on ne dispose donc d’aucun registre indiquant avec qui le fils de la requérante avait été détenu. L’État partie indique également qu’à une date non spécifiée le Bureau du Procureur de la région de Kostanay a interrogé l’administration du SIZO, qui a déclaré que comme il s’agissait d’événements anciens, elle ne se souvenait pas du détenu et a nié que des pressions physiques ou psychologiques aient été exercées sur les détenus.

4.3L’État partie indique en outre que, le 26 septembre 2006, le Département des affaires intérieures de Kostanay a reçu du Bureau du Procureur une plainte déposée par l’avocat de E. Z. concernant les coups et blessures que lui avaient infligés des policiers. Après vérification, un enquêteur principal, le 23 novembre 2006, a refusé d’ouvrir une enquête pénale en invoquant l’alinéa 2 du paragraphe 1 de l’article 37 du Code de procédure pénale. Ce refus a été annulé par une décision du Bureau du Procureur de Kostanay le 20 décembre 2006 et une enquête pénale a été ouverte contre X en vertu du paragraphe 1 de l’article 104 du Code pénal. Au cours de cette enquête, des fonctionnaires du SIZO et des membres du personnel médical ont été interrogés mais les résultats n’ont pas corroboré les allégations du fils de la requérante. Des chefs d’inculpation ont été retenus contre un certain P., qui a admis avoir frappé M. M. D’autres témoins ont eux aussi admis avoir frappé le fils de la requérante et M. M. Toutefois, P. est décédé le 17 octobre 2006 d’une blessure provoquée par un coup de fusil. Le 30 mai 2007, les charges contre P. ont été abandonnées et l’enquête a été close. Le 4 octobre 2007, le Bureau du Procureur a déclaré illégale et révoqué la décision de suspendre l’enquête pénale et ordonné de procéder à des investigations supplémentaires. L’enquête a été de nouveau suspendue le 28 décembre 2007 par un enquêteur principal qui a invoqué l’alinéa 1 du paragraphe 1 de l’article 50 du Code de procédure pénale. Le 4 février 2008, l’enquête criminelle a été rouverte sur ordonnance du Bureau du Procureur du district de Mendykara. Le 28 février 2008, elle a été de nouveau suspendue en vertu de l’alinéa 1 du paragraphe 1 de l’article 50 du Code de procédure pénale. Le 11 mars 2008, le Bureau du Procureur du district de Mendykara a confirmé la décision de suspendre l’enquête.

4.4De plus, l’État partie indique que le 26 février 2007, la requérante et la mère de M. M. ont porté plainte auprès du Département des affaires intérieures concernant le tabassage de leurs fils par des policiers du commissariat de Mendykara. Le 14 mars 2007, un enquêteur principal a rendu une décision de refus d’engager des poursuites contre les policiers, en se fondant sur l’alinéa 2 du paragraphe 1 de l’article 37 du Code de procédure pénale, décision que le Bureau du Procureur du district de Kostanay a confirmée, par décision rendue le 24 mars 2007. Le 22 novembre 2007, la requérante a déposé une nouvelle plainte concernant le tabassage de son fils par les policiers du commissariat de Mendykara. Le 25 novembre 2007, un enquêteur a rendu une décision de refus d’engager des poursuite contre les policiers, en se fondant sur l’alinéa 8 du paragraphe 1 de l’article 37 du Code de procédure pénale, décision que le Bureau du Procureur du district de Kostanay a confirmée, par décision rendue le 5 décembre 2007.

Commentaires de la requérante

5.1Dans une lettre datée du 14 août 2012, la requérante fait valoir que, dans sa réponse, l’État partie se contente essentiellement de répéter les informations figurant dans le dossier d’inculpation et de condamnation de son fils. Elle souligne que les observations formulées confirment qu’au cours de l’enquête sur les allégations de torture subies par son fils pendant sa détention, seuls des policiers ont été interrogés, ce qui ne satisfait pas à l’exigence d’une enquête «adéquate et exacte». Elle déclare qu’une enquête doit être efficace et que toutes les mesures nécessaires devraient être prises «pour élucider les faits et les circonstances des actes allégués». De surcroît, l’enquête «ne répondait pas aux exigences d’indépendance et d’impartialité» car, alors que selon les prescriptions de la législation nationale, le Bureau du Procureur était compétent pour examiner les plaintes pour tortures, toutes les plaintes formulées par son fils, l’avocat de ce dernier et elle-même avaient été renvoyées au service d’enquête interne de la police. Elle note en outre que l’État partie prétend que les blessures de son fils avaient été reçues au cours d’une rixe le 16 septembre 2006. Elle affirme qu’à environ 3 heures le 16 septembre 2006 son fils et M. M. ont été emmenés dans un hôpital, où les médecins n’ont pas consigné leurs blessures. C’est seulement lorsque l’état de son fils s’est dégradé et que ses proches l’ont emmené au service des urgences de l’hôpital central du district de Mendykara que ses blessures ont été constatées par le médecin de garde.

5.2La requérante note également que selon l’État partie, les plaintes pour torture que son fils avaient déposées pendant sa détention avaient été détruites parce que, conformément à l’ordonnance no 28 du Ministère de la justice en date du 21 janvier 2002, les registres des plaintes et appels n’étaient pas conservés au-delà de cinq ans et les informations concernant l’affectation des détenus dans les cellules n’étaient pas conservées au-delà d’un an. La requérante se réfère à la jurisprudence du Comité des droits de l’homme selon laquelle, lorsqu’un requérant fournit des informations détaillées sur un cas de torture, l’État partie est tenu de mener une enquête en bonne et due forme sur ces allégations. Elle se réfère également aux conclusions du Comité des droits de l’homme selon lesquelles «la charge de la preuve ne peut incomber uniquement à l’auteur de la communication, en particulier si l’on considère que l’auteur et l’État partie n’ont pas toujours les mêmes possibilités d’accès aux éléments de preuve. [...] Quand les allégations sont étayées par les éléments de preuve fournis par l’auteur et que plus ample élucidation de l’affaire dépend de renseignements que l’État partie est seul à détenir, le Comité peut estimer ces allégations fondées si l’État partie ne les réfute pas en fournissant des preuves et des explications satisfaisantes». Elle soutient que l’État partie devrait fournir des réponses spécifiques aux allégations ainsi que des éléments de preuve en rapport avec le dossier, et qu’il ne suffit pas de rejeter ces allégations en termes généraux. La requérante affirme qu’en l’absence de renseignements sur les mesures prises par l’État partie pour mener rapidement une enquête approfondie et efficace sur les allégations de torture de son fils, le Comité devrait examiner la recevabilité ainsi que le fond de la requête et conclure à la violation, par le Kazakhstan, des articles 1, 12 et 13 de la Convention.

Réponses complémentaires de l’État partie

6.Dans une lettre datée du 11 janvier 2013, l’État partie déclare que, selon le Bureau du Procureur général, les allégations d’actes de torture commis par des policiers contre le fils de la requérante ont été «réfutées», que l’État partie n’a pas violé la Convention contre la torture et que la requête devrait être déclarée irrecevable.

Commentaires de la requérante

7.Dans une lettre datée du 6 mars 2013, la requérante déclare qu’elle maintient ses observations précédentes et que, en l’absence de renseignements sur les mesures prises par l’État pour mener en temps voulu une enquête approfondie et efficace sur les allégations de torture concernant son fils, «elle voudrait demander que les déclarations contenues dans la requête soient reconnues valides».

Observations de l’État partie sur la recevabilité

8.Dans une lettre datée du 19 juin 2013, l’État partie indique que «le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est entré en vigueur pour le Kazakhstan le 26 juin 2008» et que l’État partie a reconnu la compétence du Comité contre la torture pour examiner les requêtes concernant des faits qui se sont produits après cette date. L’État partie fait valoir que les violations alléguées contre le fils de la requérante s’étant produites avant cette date, la requête devrait être déclarée irrecevable.

Commentaires de la requérante

9.Dans une lettre datée du 23 septembre 2013, la requérante indique qu’en ce qui concerne la question de la recevabilité ratione temporis, elle maintient ses arguments antérieurs. Elle se réfère à la jurisprudence du Comité dans l’affaire Gerasimov c. Ka z akhstan, dans laquelle le Comité a conclu qu’il n’était pas empêché d’examiner la requête, étant donné que le manquement de l’État partie aux obligations qui lui incombaient d’enquêter au sujet des allégations du requérant et de lui assurer des voies de recours appropriées s’était poursuivi après la reconnaissance par l’État partie de la compétence du Comité en vertu de l’article 22 de la Convention. La requérante affirme que la requête est recevable parce que, bien que les actes de torture contre son fils aient eu lieu en 2006, ils n’ont pas fait rapidement l’objet d’une enquête efficace par les autorités kazakhes après la déclaration au titre de l’article 22 de la Convention, en dépit des plaintes déposées au nom de son fils pour demander qu’une enquête soit menée sur les tortures et que les responsables soient punis. Elle soutient que le fait de ne pas avoir procédé à une enquête constitue «un manquement continu à l’obligation de conduire une enquête détaillée sur les tortures alléguées». De plus, elle déclare que son fils continue de souffrir de problèmes de santé suite au traumatisme subi: outre une perte d’audition, il souffre de «maux de tête périodiques, de douleur à la poitrine et de vomissements intermittents» et a eu une crise cardiaque.

Observations complémentaires de l’État partie

10.Dans une lettre datée du 27 décembre 2013, l’État partie réaffirme que la requête devrait être déclarée irrecevable ratione temporis et que les allégations qu’elle contient sont dénuées de fondement.

Commentaires complémentaires de la requérante

11.Dans une lettre datée du 4 avril 2014, la requérante indique que les observations de l’État partie ne contiennent aucun argument nouveau et qu’elle confirme ses déclarations antérieures.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

12.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas actuellement en cours d’examen par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

12.2Le Comité note les allégations de la requérante selon lesquelles les droits que son fils tient de l’article premier de la Convention ont été violés en ce qu’il a été soumis à des mauvais traitements pendant sa détention provisoire, qu’à plusieurs reprises il a été privé de nourriture, d’eau et d’articles d’hygiène indispensables, qu’il a été tabassé quotidiennement par ses codétenus et que ces tabassages ont été autorisés par les responsables pénitentiaires. Le Comité relève toutefois que ces allégations ont trait à des événements qui se sont produits avant que l’État partie ait fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention et qu’elles ne semblent pas avoir été portées à quelque moment que ce soit devant les autorités nationales. Dans ces circonstances, le Comité conclut que les griefs ci-dessus sont irrecevables ratione temporis.

12.3Le Comité constate que l’État partie conteste la compétence du Comité ratione temporis au motif que les actes de torture faisant l’objet de la requête sont survenus avant que le Kazakhstan ne fasse la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention. Le Comité rappelle que les obligations que l’État partie souscrit en vertu de la Convention le lient à compter de la date où celle-ci entre en vigueur à son égard. Il peut examiner des griefs portant sur des violations constituées par des faits qui se sont produits avant que l’État partie ne déclare reconnaître la compétence du Comité en vertu de l’article 22, si les effets de ces violations continuaient de se faire sentir après l’entrée en vigueur de la déclaration et constituaient en soi une violation de la Convention. La persistance d’une violation doit être interprétée comme la prolongation, après la formulation de la déclaration, par des actes ou de manière implicite, des violations antérieures de l’État partie. Le Comité constate que le Kazakhstan a fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention le 21 février 2008 et que ledit article ne spécifie pas après quel délai la déclaration faite en vertu de cet article entrerait en vigueur. Le Comité observe que les événements qui ont motivé la requête sont survenus avant cette date mais que la décision du Bureau du Procureur de Kostanay d’ouvrir une enquête pénale sur les allégations de torture était datée du 20 décembre 2006 et que ladite enquête, après avoir été interrompue et rouverte à plusieurs reprises, s’est poursuivie jusqu’au 11 mars 2008, date à laquelle le Bureau du Procureur de Mendykara a confirmé la décision d’y mettre fin, c’est-à-dire après que le Kazakhstan eut fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention. En conséquence, le manquement présumé de l’État partie aux obligations qui lui incombent d’enquêter au sujet des allégations du requérant et d’assurer à son fils des voies de recours appropriées s’est poursuivi après la reconnaissance par l’État partie de la compétence du Comité en vertu de l’article 22 de la Convention. Dans ces circonstances, le Comité n’est pas empêché ratione temporis d’examiner les allégations de la requérante concernant les violations des droits que son fils tient des articles 12 et 13 de la Convention.

12.4En ce qui concerne le paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention et l’article 111 du règlement intérieur du Comité, ne constatant aucun autre obstacle à la recevabilité de la communication, le Comité procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

13.1Le Comité a examiné la requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties concernées, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

13.2La requérante affirme qu’aucune enquête rapide, impartiale et efficace n’a été conduite au sujet des allégations de torture et que les responsables n’ont pas été poursuivis, en violation des articles 12 et 13 de la Convention. Le Comité rappelle qu’en vertu de l’article 12 de la Convention, l’enquête doit être rapide, immédiate et efficace, la rapidité étant essentielle autant pour éviter que la victime continue de subir les actes prohibés que parce que, à moins que les tortures n’entraînent des effets permanents et graves, d’une façon générale, selon les méthodes employées, les marques physiques de la torture et, à plus forte raison, des traitements cruels, inhumains ou dégradants, disparaissent à brève échéance.

13.3Le Comité rappelle qu’en soi une enquête ne suffit pas pour démontrer que l’État partie s’est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12 de la Convention s’il peut être montré qu’elle n’a pas été menée avec impartialité. À cet égard, le Comité fait observer que l’enquête a été confiée au service de police (Département des affaires intérieures du district de Kostanay, Département de la sécurité intérieure) au sein duquel les actes de torture allégués avaient été commis, puis à l’organe qui lui est hiérarchiquement supérieur (le Département de la sécurité intérieure du Département régional des affaires intérieures de Mendykara).

13.4Le Comité note que le requérant a signalé les actes de torture quelques jours après les événements, que son avocat a officiellement porté plainte le 26 septembre 2006, qu’une enquête préliminaire a été lancée à une date non spécifiée et qu’elle a abouti à un refus d’ouvrir une enquête pénale, sur décision d’un enquêteur prise le 23 novembre 2006. Par la suite, après les appels interjetés par le requérant, l’enquête a été plusieurs fois rouverte et refermée par divers organes chargés de la procédure et de l’enquête; des poursuites ont été engagées contre un certain M. P., qui est décédé au cours de la procédure et, finalement, l’enquête a été classée sans que la responsabilité pénale n’ait été attribuée aux policiers, faute de preuve. Le Comité relève que le requérant a subi un examen médical le 18 septembre 2006. Il relève aussi que l’enquête repose lourdement sur le témoignage des policiers mais que d’autres personnes impliquées dans les événements du 16 septembre 2006, ainsi que le personnel médical qui avait procédé au premier examen des victimes alléguées avaient également été questionnés.

13.5Le Comité demeure préoccupé de voir que l’examen préliminaire des plaintes faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements imputés à des policiers est effectué par le Département de la sécurité intérieure, qui relève de la même chaîne de commandement que les forces de police ordinaires, mais il constate que l’enquête a été suivie par les parquets qui, à plusieurs reprises, ont révoqué les décisions de classement prises par les enquêteurs et renvoyé l’affaire pour complément d’enquête. Dans les circonstances particulières de l’espèce, le Comité constate que la requérante n’a pas suffisamment démontré que l’enquête sur les allégations de torture formulées par son fils n’a pas été efficace et impartiale. En conséquence, compte tenu des éléments dont il est saisi, le Comité ne peut pas conclure que l’État partie a manqué à l’obligation qui lui incombait de procéder rapidement à une enquête impartiale et efficace sur les allégations de torture formulées par le fils de la requérante.

14.En l’absence d’autres informations pertinentes dans le dossier, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que l’État partie n’a pas violé les règles énoncées dans les articles 12 et 13 de la Convention et que, compte tenu des informations qui lui ont été communiquées, il n’y a pas lieu de conclure à une violation de l’une quelconque des autres dispositions de la Convention.