Nations Unies

CAT/C/46/D/319/2007

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. restreinte*

8 juillet 2011

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-sixième session

9 mai-3 juin 2011

Décision

Communication no 319/2007

Présentée par:

Nirmal Singh (représenté par un conseil, Stewart Istvanffy)

Au nom de:

Nirmal Singh

État partie:

Canada

Date de la requête:

20 juin 2007 (lettre initiale)

Date de la présente décision:

30 mai 2011

Objet:

Expulsion du requérant vers l’Inde

Questions de procédure:

Néant

Questions de fond:

Interdiction du refoulement

Article de la Convention:

3

[Annexe]

Annexe

Décision du Comité contre la torture au titre de l’article 22de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (quarante-sixième session)

concernant la

Communication no 319/2007

Présentée par:

Nirmal Singh (représenté par un conseil, Stewart Istvanffy)

Au nom de:

Nirmal Singh

État partie:

Canada

Date de la requête:

20 juin 2007 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 30 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 319/2007 présentée par Stewart Istvanffy au nom de Nirmal Singh en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture

1.1L’auteur, M. Nirmal Singh, de nationalité indienne, né en 1963, résidait au Canada au moment de l’introduction de la présente requête et faisait l’objet d’un arrêté d’expulsion vers l’Inde. Il affirme que son renvoi en Inde constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le requérant fait état de l’absence du contrôle juridictionnel requis par le droit international des droits de l’homme sur la décision administrative d’expulsion et de l’absence de recours utile lui permettant de contester la décision d’expulsion. Le requérant est représenté par un conseil, M. Stewart Istvanffy.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie par une note verbale en date du 21 juin 2007. Dans le même temps, le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant vers l’Inde tant que sa requête était en cours d’examen, conformément au paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur du Comité. L’État partie a par la suite informé le Comité que le requérant n’avait pas été expulsé.

Rappel des faits exposés par le requérant

2.1Le requérant est un sikh baptisé, qui était prêtre à temps partiel dans les provinces indiennes du Penjab et du Haryana. En raison de ses activités de prédication, de ses déplacements fréquents dans la région et du fait qu’il était bien bâti, il a été interrogé et harcelé par la police indienne à plusieurs reprises. La police le soupçonnait d’être un terroriste ou un sympathisant de la Force de libération du Khalistan (KLF), une organisation qui milite en Inde, et d’avoir aidé des militants en les hébergeant. Il a été placé deux fois en détention sur de fausses accusations, la première fois pour plus de trois ans, de 1988 à 1991, et la deuxième fois en 1995.

2.2Le 10 avril 1988, des agents du poste de police de Shahbad (province du Haryana) ont arrêté le requérant, son frère et trois autres personnes sans motiver cette arrestation. Au poste de police, les frères ont été séparés. Le requérant a été accusé d’avoir participé à un homicide dans la ville de Shahbad et d’être en relation avec un certain Daya Singh. Le requérant a démenti les allégations. Alors qu’il était en détention, il a été roué de coups, humilié par les agents chargés de l’enquête et contraint de s’avouer coupable. Après trois années de détention, le requérant et son frère ont été libérés sous caution le 14 mars 1991 avec l’aide d’un avocat. Le 19 février 1998, le requérant a été déclaré non coupable des faits sur lesquels portait la première accusation, mais les policiers ont continué à le harceler sous prétexte d’inspecter son domicile et son lieu de culte.

2.3Le 14 septembre 1995, un inspecteur du poste de police de Kotwali (province du Penjab), accompagné de policiers, a fait une descente au domicile du requérant et a arrêté ce dernier. Le requérant a été menotté et sa maison fouillée, mais rien d’illégal n’a été découvert. Il a été conduit dans une salle d’interrogatoire du poste de police et interrogé par l’inspecteur au sujet d’un certain Paramjit Singh, qui aurait participé à l’assassinat du Ministre en chef du Penjab. Selon l’inspecteur, le requérant avait hébergé Paramjit Singh chez lui avant l’assassinat du Ministre en chef. L’inspecteur a aussi affirmé qu’il avait reçu des renseignements secrets de la police du Haryana, selon lesquels le requérant était lié au KLF, et qu’un autre militant avait indiqué à la police avoir adressé Paramjit Singh au requérant pour qu’il séjourne chez lui. Pour qu’il avoue ses liens avec Paramjit Singh, la police a fait subir au requérant les formes de torture suivantes: un lourd rouleau de bois a été roulé sur ses cuisses, alors qu’il avait les jambes écartées; il a été pendu la tête en bas et on lui a envoyé des décharges électriques; on lui a battu la plante des pieds avec des baguettes de bois et on l’a empêché de dormir. Il a été accusé d’héberger un dangereux criminel, mais il a été libéré sous caution le 30 septembre 1995, avec l’aide d’un avocat. Le tribunal de Patiala l’a reconnu innocent des accusations susmentionnées le 19 mars 1997.

2.4Après avoir été acquitté dans les deux affaires, le requérant est devenu membre du Sarab Hind Shiromani Akali Dal (Akali Dal), le principal parti nationaliste du Penjab et, le 4 juillet 1999, il a été nommé Secrétaire général de l’Akali Dal pour la province du Haryana.

2.5Bien qu’il ait été acquitté, la police voulait encore que le requérant identifie Paramjit Singh et deux autres personnes, qui étaient alors en détention avant jugement à la prison de Burali. En 2000, il a reçu trois citations à comparaître, mais les audiences ont été à chaque fois reportées. Pendant tout ce temps, le requérant a été sous surveillance policière; il a soudoyé l’inspecteur pour échapper à cette surveillance et a déménagé à Muzaffarnagar dans la province de l’Uttar Pradesh. Là, il a demandé un passeport, qui lui a été délivré par le bureau des passeports de Ghaziabad en septembre 2002.

2.6Le 13 janvier 2003, le requérant a été arrêté dans la province de l’Uttar Pradesh et interrogé au sujet de son domicile et de ses activités. Il a admis avoir une résidence dans deux endroits. À la demande de la police du Haryana, il a été transféré le 15 janvier 2003, à Karnal où il a encore subi des actes de torture avant d’être libéré le 20 janvier 2003, avec l’aide de ses parents et d’un membre important de l’Akali Dal.

2.7À une date non précisée, après une cérémonie sikhe, le requérant a été abordé par une personne qui avait été impressionnée par le service célébré au temple dans lequel le requérant prêchait alors, et qui l’a invité à venir au Canada. Sur la base de l’invitation d’un temple sikh de Colombie-Britannique, le requérant a reçu un visa canadien le 16 septembre 2003 et il est arrivé à Vancouver (Canada) le 24 septembre 2003. Alors qu’il était déjà au Canada, son père a été placé en détention pendant trois jours à la suite de l’évasion des assassins du Ministre en chef du Penjab. La famille du requérant a ensuite été constamment harcelée par la police, qui essayait de savoir où il se trouvait.

2.8Après son arrivée au Canada, le requérant a prêché dans deux temples sikhs pendant un an et demi à titre bénévole. La direction de la société Gurudwara basée au Canada lui avait promis de faire régulariser sa situation au regard de l’immigration, mais ne l’a pas fait.

2.9Le requérant s’est rendu à Montréal où, le 28 mars 2005, il a déposé une demande de statut de réfugié et d’asile. Le 3 octobre 2005, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié («la Commission») a entendu le requérant afin de déterminer s’il pouvait prétendre au statut de réfugié. Le 16 novembre 2005, la Commission a établi qu’il n’était pas un réfugié au sens de la Convention. Elle a conclu que le requérant n’était pas crédible, que son comportement n’était pas celui d’une personne qui craignait pour sa vie et que son départ était lié à l’invitation qui lui avait été faite par une communauté religieuse sikhe de venir travailler au Canada.

2.10Le requérant a sollicité auprès de la Cour fédérale l’autorisation de demander un contrôle juridictionnel de la décision de la Commission, qui lui a été accordée le 16 mars 2006. La demande de contrôle juridictionnel de la décision a été examinée le 7 juin 2006 et rejetée par la Cour fédérale le 13 juin 2006. Pour déterminer la crédibilité des conclusions de la Commission, la Cour fédérale a appliqué le critère de la décision «manifestement raisonnable». Elle a conclu que la décision n’était pas manifestement déraisonnable, en grande partie en raison du temps écoulé entre l’arrivée du requérant dans le pays et le moment où il avait demandé le statut de réfugié et du fait que le requérant n’avait pas fourni de preuve crédible ou digne de foi concernant l’historique de sa situation en Inde.

2.11Après le refus du statut de réfugié et la décision de la Cour fédérale, le requérant a déposé, le 27 décembre 2006, une demande de séjour pour raisons humanitaires (appelée demande CH (pour considérations humanitaires)), en soumettant des preuves supplémentaires en vertu de l’article 25 2) de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La demande a été rejetée le 27 mars 2007 par un agent d’Examen des risques avant renvoi (ERAR), qui a conclu que le demandeur n’avait pas prouvé qu’il serait en danger s’il retournait en Inde. Le requérant a sollicité auprès de la Cour fédérale l’autorisation de demander un contrôle juridictionnel de la décision concernant la demande CH et a été débouté sans motif le 6 septembre 2007.

2.12Le 12 décembre 2006, le requérant a déposé une demande de protection par le Canada en vertu du programme ERAR. Le 27 mars 2007, cette demande a été rejetée par le même agent d’ERAR qui avait refusé la demande CH. Le motif du rejet était que les pièces justificatives soumises par le requérant ne prouvaient pas qu’il était susceptible de figurer sur une liste ou d’être recherché par les autorités indiennes; que le requérant n’avait jamais déclaré être un militant sikh ou un sympathisant des militants; qu’il n’avait pas prouvé qu’il occupait un poste important ni qu’il était une personne présentant un intérêt pour les autorités indiennes. Par conséquent, les éléments d’information présentés par le requérant ne corroboraient pas le fait qu’il pourrait courir personnellement un risque objectivement identifiable s’il retournait en Inde.

2.13Après le rejet de sa demande d’ERAR, le requérant a sollicité auprès de la Cour fédérale l’autorisation de demander un contrôle juridictionnel de cette décision. La Cour fédérale a rejeté sa demande sans motif le 14 août 2007.

2.14À une date non précisée, le requérant a demandé à la Cour fédérale un sursis à exécution de son arrêté d’expulsion. Une déclaration sous serment détaillée concernant le degré du risque alors encouru a été soumise avec une requête de sursis à l’expulsion, qui a été examinée le 18 juin 2007 et rejetée le 20 juin 2007. L’expulsion du requérant avait été fixée au 21 juin 2007.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

3.2Le requérant estime qu’il serait victime d’une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention contre la torture s’il devait être renvoyé en Inde compte tenu du traitement qu’il a subi en garde à vue et de l’intérêt que lui portait et que continue de lui porter la police indienne.

3.3Le requérant fait valoir que, en Inde, les sikhs soupçonnés d’activité militante sont régulièrement arrêtés, torturés et tués par la police en toute impunité. Il renvoie au rapport relatif à la situation d’impunité publié dans le Harvard Human Rights Journal en 2002, intitulé «A Judicial Blackout: Judicial Impunity for Disappearances in Punjab» (Justice en panne: L’impunité pour les disparitions au Penjab), considéré comme faisant autorité sur la situation actuelle au Penjab. Il fait ensuite observer que, à la suite des tortures qu’il a subies dans le passé, il souffre de troubles post-traumatiques, dont le diagnostic est corroboré par des rapports médicaux établis en Inde et à Montréal. Au moment où l’expulsion était prévue, les provinces du Penjab et du Haryana traversaient une crise. La crise aurait poussé le Gouvernement central à envoyer un grand nombre de paramilitaires dans ces deux provinces. Une grève générale et des violences généralisées ont eu lieu en mai et juin 2007 parmi les sikhs et les membres d’une autre secte religieuse. Le requérant affirme que des personnes telles que lui sont régulièrement prises pour cible par la police au moindre signe de crise ou de trouble politique.

3.4Le requérant indique aussi qu’il n’a pu bénéficier d’aucun recours utile pour contester la décision d’expulsion, contrairement aux dispositions de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il explique que le contrôle juridictionnel de la décision de la Commission, qui lui a refusé le statut de réfugié au sens de la Convention, ne correspond pas à un appel sur le fond mais plutôt un examen très limité qui vise à rechercher des erreurs de droit grossières. Concernant une mesure d’expulsion, cette procédure n’a aucun effet suspensif. Le requérant fait aussi observer que la procédure d’Examen des risques avant renvoi (ERAR) est conduite par des agents des services d’immigration qui n’ont pas compétence pour les questions qui touchent aux droits de l’homme consacrés par les instruments internationaux et qui ne sont ni indépendants ni impartiaux et ne possèdent pas de compétence reconnue dans ce domaine. Il affirme qu’il existe, dans les services d’immigration, une attitude extrêmement négative à l’égard des personnes qui demandent le statut de réfugié et que les décisions prises ne font pas l’objet d’un contrôle indépendant comme le requiert le droit international des droits de l’homme.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 18 janvier 2008, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication.

4.2Concernant le grief de violation de l’article 3 de la Convention, l’État partie maintient que la plainte du requérant est irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention et des paragraphes b) et d) de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité, puisqu’elle est manifestement non fondée et incompatible avec la Convention. L’État partie fait observer que le requérant n’a pas fourni d’éléments permettant d’établir qu’il y avait à première vue des motifs sérieux de croire qu’il courrait personnellement le risque d’être soumis à la torture s’il retournait en Inde. L’État partie renvoie à l’Observation générale no 1 du Comité, où il est dit que c’est à l’auteur qu’il incombe d’établir qu’à première vue sa communication est recevable.

4.3L’État partie soutient que la communication est fondée sur les mêmes faits et les mêmes preuves que ceux présentés à des tribunaux et organes de décision nationaux compétents et impartiaux et souligne que le Comité n’a pas pour rôle d’apprécier les éléments de preuve ni de réévaluer les conclusions concernant les faits et la crédibilité auxquelles sont parvenues les autorités nationales compétentes. L’État partie affirme que la demande du statut de réfugié présentée par le requérant a été examinée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui est un tribunal spécialisé, indépendant et quasi judiciaire chargé de statuer sur les demandes du statut de réfugié. La Commission établit si une personne est un réfugié sur la base d’un entretien et de l’examen des pièces justificatives. Les membres de la Commission sont des spécialistes en droit des réfugiés, qui reçoivent une formation complète et continue et développent leur connaissance de la situation des droits de l’homme dans les pays où ont lieu les persécutions présumées. L’État partie affirme que la décision de la Commission a été soumise au contrôle juridictionnel de la Cour fédérale.

4.4L’État partie fait aussi valoir que l’affaire du requérant a été réexaminée dans le cadre du programme d’ERAR, qui est fondé sur l’engagement pris par le Canada aux niveaux national et international de respecter le principe de non-refoulement. Dans le cadre de cette procédure, le demandeur d’asile débouté par la Commission ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet. Les demandes d’ERAR sont examinées par des agents spécialement formés pour évaluer les risques et pour tenir compte de la Charte canadienne des droits et des libertés, ainsi que des obligations internationales contractées par le Canada, notamment au titre de la Convention contre la torture. L’État partie mentionne également la demande CH du requérant, qui a été rejetée. L’État partie évoque des décisions antérieures du Comité et d’autres organes conventionnels de l’ONU, dans lesquelles le contrôle juridictionnel et le processus d’ERAR ont été considérés comme des recours utiles.

4.5L’État partie indique que le Comité a toujours considéré qu’il ne pouvait pas examiner les conclusions relatives à la crédibilité d’une affaire à moins qu’il ne puisse être prouvé que ces conclusions étaient arbitraires ou déraisonnables. Le requérant n’a pas fait d’allégation dans ce sens et les éléments présentés ne portent pas à conclure que la décision de la Commission a été entachée de telles irrégularités.

4.6Concernant l’affirmation du requérant qui prétend que la procédure canadienne de détermination du statut de réfugié et la procédure qui a suivi ont été insuffisantes et ne répondaient pas aux normes internationales en matière de droits de l’homme, l’État partie affirme que cette allégation ne contient pas suffisamment de détails quant à la manière dont les procédures en question contreviennent à l’article 3 ou à toute autre disposition de la Convention ou ne permettent pas de disposer d’un recours utile. Il note aussi qu’il n’appartient pas au Comité, dans le cadre de l’examen auquel il procède, de se pencher sur le système canadien en général, mais qu’il doit seulement établir si, en l’espèce, l’État partie respecte ses obligations au titre de la Convention. L’État partie soutient que l’allégation concernant l’absence de recours utile devrait être jugée irrecevable puisqu’il s’agit d’une allégation de violation du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte relatif aux droits civils et politiques et que, par conséquent, elle ne relève pas de la compétence du Comité au titre du paragraphe 1 de l’article 22 de la Convention.

4.7L’État partie soutient que le requérant n’a pas montré qu’il courrait personnellement un risque sérieux d’être soumis à la torture s’il retournait en Inde. L’État partie fait observer que la crédibilité du requérant suscite de sérieux doutes; que son attitude générale n’était pas celle d’une personne qui craint d’être persécutée ou de subir de graves préjudices; qu’il n’existe pas de raisons crédibles de penser que le requérant a le profil d’une personne susceptible d’intéresser les autorités indiennes; que la situation générale des droits de l’homme dans le pays ne peut en soi être suffisante pour établir que le requérant serait personnellement en danger s’il y était renvoyé; et que la situation actuelle des droits de l’homme en Inde ne corrobore pas les allégations du requérant concernant les risques qu’il court.

4.8L’État partie affirme que, si le Comité estimait devoir se pencher sur la crédibilité des allégations du requérant, il constaterait sans nul doute, au vu d’un certain nombre de points essentiels, que son récit n’est pas crédible: le fait que le requérant ait laissé passer un an et demi avant de déposer une demande du statut de réfugié et les raisons qu’il a avancées pour expliquer ce délai entament considérablement sa crédibilité; l’allégation du requérant qui affirme être en danger n’est pas plausible puisqu’il a attendu de nombreux mois pour quitter l’Inde après avoir reçu un passeport; les allégations de l’auteur concernant son engagement politique contiennent des contradictions; il a notamment été incapable de fournir des détails sur l’idéologie du parti Akali Dal et n’a pas expliqué de quelle manière il pouvait continuer à assumer les fonctions de secrétaire général de la section du Haryana après avoir quitté la région.

4.9L’État partie fait également observer que les données objectives ne corroborent pas les allégations du requérant relatives à la situation des droits de l’homme en Inde. Il affirme que la situation des sikhs du point de vue des droits de l’homme au Penjab et en Inde s’est améliorée au point qu’il n’existe pas de risque important de torture ou d’autre mauvais traitement de la part de la police et que seules les personnes considérées comme des militants en vue seraient encore en danger, et il renvoie à plusieurs rapports qui viennent étayer cet avis.

4.10L’État partie soutient que le requérant n’a pas montré dans ses commentaires qu’il lui serait impossible de vivre à l’abri de la torture dans une autre partie de l’Inde et fait référence à la jurisprudence du Comité qui a coutume de considérer que, s’il est possible que le requérant rencontre des difficultés s’il n’est pas en mesure de rentrer chez lui, ces difficultés ne seraient pas assimilables à de la torture ou à des mauvais traitements.

4.11Dans le cas où le Comité établirait que la communication du requérant est recevable, l’État partie demande que la communication soit déclarée infondée.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1Le requérant soumet à l’appui de sa communication un rapport établi par la Punjab Human Rights Organization, concernant son cas. Il note aussi que l’État partie ne met pas sérieusement en doute le fait qu’il a été pris pour cible et torturé dans le passé.

5.2Dans un document présenté séparément le requérant souligne que la Cour fédérale du Canada n’exerce pas un réel contrôle sur les autorités de l’immigration lorsqu’elle examine des demandes de sursis à l’exécution de la décision d’expulsion puisque, selon la jurisprudence de la Cour, si la Commission décide qu’un demandeur du statut de réfugié n’est pas crédible, les affirmations de ce dernier ne peuvent servir de fondement à l’interruption de la procédure d’expulsion, même s’il existe de sérieux indices d’une erreur de jugement. Le requérant cite des affaires dans lesquelles la Cour fédérale a systématiquement jugé que les décisions de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié étaient laissées à l’entière discrétion de cette dernière et que la Cour ne devait pas intervenir sauf si l’agent d’immigration exerçait son pouvoir discrétionnaire «à des fins illégitimes, selon des critères non pertinents, avec mauvaise foi ou d’une manière manifestement déraisonnable». Il soutient que, lorsque le recours en justice est voué à l’échec et dans des cas où il y a des motifs sérieux d’intervenir, la Cour n’examine même pas l’affaire et qu’il ne s’agit pas là d’un recours effectif et utile conforme aux principes reconnus du droit international. Le requérant affirme qu’aucune organisation de défense des droits de l’homme s’occupant des réfugiés ne croit en l’efficacité de l’ERAR en tant que recours visant à protéger les victimes de violations et mentionne plusieurs documents à l’appui de cette opinion.

5.3Le requérant soutient que les autorités de l’État partie suivent une ligne politique consistant à refuser l’asile aux sikhs victimes de la torture venus d’Inde. Il affirme que la proportion de demandes d’ERAR qui aboutissent à une décision favorable est de 3 % pour le Canada et de seulement 1 % au Québec, où son affaire a été examinée. Il affirme en outre que la plupart des demandes sont rejetées pour des motifs identiques.

5.4Le requérant fait de plus observer que, même si les sikhs ne sont pas visés en tant que groupe, certains sikhs le sont en raison de leurs activités politiques ou de leurs efforts pour obtenir justice à la suite de violations des droits de l’homme. Il soutient que, d’après les groupes indiens de défense des droits de l’homme, des arrestations arbitraires ont lieu en permanence et les personnes qui couraient le risque d’être arrêtées autrefois demeurent exposées à ce risque. Il maintient qu’il n’existe pas, en Inde, de voies de recours utiles pour les victimes de violations des droits de l’homme et renvoie à l’article du Harvard Human Rights Law Journal qu’il a soumis.

5.5Le requérant conteste l’idée selon laquelle il pourrait s’installer et vivre en sécurité dans une autre région de l’Inde, renvoie à nouveau à l’article paru dans le Harvard Human Rights Law Journal et indique que des personnes ont été arrêtées pour ne pas s’être présentées à la police. Il conteste aussi l’affirmation de l’État partie selon laquelle il ne courrait pas un risque immédiat en arrivant en Inde et indique que des personnes ont déjà été arrêtées à leur arrivée à l’aéroport et conduites en prison, où elles ont été torturées. En outre, il conteste l’affirmation selon laquelle seules des personnes en vue courent le risque d’être torturées et renvoie à un rapport établi en 2003 par Amnesty International, qui montre à quel point le système de torture et de violences est enraciné. Il renvoie aussi aux pages 25 à 28 du rapport établi par les services danois de l’immigration, intitulé «Report on Fact-finding Mission to Punjab, India, 21 March to 5 April 2000» (Rapport sur la mission d’enquête au Penjab (Inde) du 21 mars au 5 avril 2000), qui fait état du caractère généralisé de la torture et du grand nombre de décès en garde à vue.

5.6Le requérant affirme qu’il court personnellement le risque d’être torturé s’il retourne en Inde parce que: il a auparavant été accusé d’avoir participé à des activités militantes en 1988 et en 1995; il a été détenu pendant trois ans et demi entre 1988 et 1991 et soumis à la torture en détention, or les personnes qui ont été précédemment détenues pour activités militantes constituent l’un des principaux groupes à risque selon des rapports sur les droits de l’homme; il a été un prêtre sikh de renom dans certains des plus importants temples sikhs du Penjab et du Haryana et il est, par conséquent, une personnalité en vue, et les personnalités religieuses sikhes de renom figurent parmi les personnes les plus visées par les services de sécurité; il a été une personnalité importante de l’Akali Dal du Haryana; il a des liens familiaux avec des militants bien connus, comme cela est confirmé par le rapport soumis par la Punjab Human Rights Organization.

5.7Le requérant conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle la pratique de la torture en toute impunité n’a plus cours en Inde et évoque, pour appuyer son propos, plusieurs affaires dans lesquelles des défenseurs des droits de l’homme ou des militants de l’Akali Dal ont été arrêtés et torturés par la police. Il soutient également que, après les attentats de Mumbai en 2008, de nombreuses personnes appartenant à la classe politique ont été victimes d’arrestations, de fausses accusations et d’actes de torture. Le requérant mentionne aussi un rapport établi en 2005 par l’organisation ENSAAF, intitulé «Punjab Police: Fabricating Terrorism through Illegal Detention and Torture» (Police du Penjab: Terrorisme fabriqué par la détention illégale et la torture), qui fait état d’un grand nombre d’arrestations arbitraires entre juin et août 2005, notamment celle d’un responsable de l’Akali Dal. Il affirme que ses activités politiques l’exposeraient particulièrement à une arrestation et à la torture s’il devait être renvoyé.

6.1Dans une note verbale en date du 17 juillet 2009, l’État partie affirme que le rapport intitulé «Fact-Finding Report Regarding Nirmal Singh» (Enquête concernant Nirmal Singh) présenté par le requérant, ne contient aucun nouvel élément prouvant qu’il existe des motifs sérieux de croire que l’intéressé court personnellement le risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Inde.

6.2L’État partie affirme que, s’il devait être établi que le rapport contient de nouveaux éléments de preuve, le requérant devrait le soumettre en premier lieu aux autorités canadiennes de l’immigration, que le requérant n’a pas épuisé les recours internes comme l’exige le paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention et que, par conséquent, sa plainte n’est pas recevable. L’État partie note qu’il reste ouvert à une demande du requérant concernant un nouvel ERAR ou une nouvelle demande CH de résidence permanente fondée sur un nouveau rapport.

6.3En conclusion, l’État partie continue de se fonder sur le document initial du 17 janvier 2007 et prie le Comité de déclarer la communication irrecevable et insuffisamment fondée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et que tous les recours internes disponibles ont été épuisés.

7.2Le Comité note l’affirmation de l’État partie selon laquelle le grief de violation de l’article 3 de la Convention, fondé sur le renvoi en Inde du requérant, est manifestement infondé et, par conséquent, irrecevable. Le Comité estime toutefois que le requérant a apporté assez d’éléments pour lui permettre d’examiner l’affaire au fond.

7.3Le Comité note l’observation de l’État partie selon laquelle l’allégation d’absence de recours utile devrait être déclarée irrecevable puisqu’elle dénonce une violation du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et, par conséquent, ne relève pas de la compétence du Comité au titre du paragraphe 1 de l’article 22 de la Convention. Le Comité, renvoyant toutefois à sa jurisprudence, réaffirme que l’interdiction du refoulement devrait être interprétée comme englobant un recours au cas où elle serait enfreinte.

7.4En conséquence, le Comité décide que, telle qu’elle est exposée, la requête est recevable en ce qui concerne la violation présumée de l’article 3 de la Convention.

Examen au fond

8.1Le Comité doit déterminer s’il existe des motifs sérieux de penser que le requérant risquerait personnellement d’être torturé à son retour en Inde.

8.2Le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel la situation des droits de l’homme au Penjab et en Inde s’est améliorée et stabilisée ces dernières années. Il fait toutefois observer que les rapports soumis tant par le requérant que par l’État partie confirment notamment que l’usage de la torture est encore fréquent en garde à vue et que les auteurs de ces actes bénéficient d’une large impunité. Le Comité fait observer que l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’un individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un tel risque.

8.3Le Comité note l’observation de l’État partie selon laquelle il ne revient pas au Comité d’examiner les éléments de preuve ou de procéder à une nouvelle appréciation des constatations faites par des organes de décision internes compétents concernant les faits et la crédibilité. D’après le paragraphe 9 de l’Observation générale no 1, le Comité accordera «un poids considérable (…) aux constatations de fait des organes de l’État partie intéressés (…) toutefois le Comité n’est pas lié par de telles constatations et est, au contraire, habilité, en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, à apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire». Le Comité note qu’en l’espèce, la plupart des faits ne sont pas contestés par les parties, mais que le désaccord porte sur l’évaluation des conséquences juridiques des faits en question. En pareille situation, le Comité doit apprécier les faits à la lumière des obligations de l’État partie au titre de la Convention.

8.4Le Comité fait observer que le requérant a soumis des éléments de preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle il a été torturé pendant sa détention en au moins trois occasions, en 1988, 1995 et 2003, notamment des rapports médicaux, ainsi que des témoignages écrits corroborant ses allégations. Il prend également note des rapports médicaux établis par des centres médicaux en Inde et au Canada, qui concluent qu’il y a suffisamment de signes physiques et psychologiques corroborant la description des actes de torture faite par l’intéressé, et que l’État partie n’a pas contesté les allégations du requérant concernant le fait qu’il a été torturé dans le passé.

8.5Le Comité prend note de l’observation de l’État partie selon laquelle le requérant n’a pas démontré qu’il était une personne «en vue» et qu’il serait par conséquent susceptible d’intéresser les autorités indiennes. Le Comité note toutefois que le requérant affirme qu’il a été placé en détention et torturé parce qu’il était accusé d’être un militant, que, bien qu’il ait été officiellement acquitté par les tribunaux, la police a continué à le harceler, qu’il est bien connu des autorités en raison de ses activités en tant que prêtre sikh, de son engagement politique au sein du parti Akali Dal et de son rôle de premier plan dans les structures locales du parti. Le Comité fait observer que le requérant a fourni des documents prouvant qu’il avait fait l’objet d’enquêtes et de poursuites en tant que militant sikh présumé, qu’il a été nommé Secrétaire général de la section du Haryana du parti Akali Dal et qu’il a officié comme prêtre sikh. Le Comité considère en conséquence que le requérant a apporté assez de preuves qu’il est quelqu’un de suffisamment en vue pour courir le risque d’être torturé s’il est arrêté.

8.6Le Comité prend note de l’observation de l’État partie selon laquelle le requérant n’a pas montré dans ses communications qu’il lui serait impossible de vivre à l’abri de la torture dans une autre partie de l’Inde. Le Comité fait toutefois observer que le requérant a soumis des éléments prouvant qu’il avait été arrêté dans trois provinces différentes − le Haryana, le Penjab et l’Uttar Pradesh. Le Comité prend aussi note des éléments soumis qui prouvent que la police indienne a continué à rechercher le requérant et à interroger sa famille pour savoir où il se trouvait longtemps après sa fuite au Canada. À la lumière de ces considérations, le Comité n’est pas d’avis qu’il serait possible à l’intéressé de vivre à l’abri de la torture dans d’autres parties de l’Inde.

8.7Au vu de ce qui précède, le Comité conclut que le requérant a établi qu’il courrait personnellement, à l’heure actuelle, un risque prévisible d’être soumis à la torture s’il devait être renvoyé en Inde.

8.8Le requérant affirme qu’il n’a pas disposé d’un recours utile pour contester la décision d’expulsion et que le réexamen judiciaire de la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui lui a refusé le statut de réfugié au sens de la Convention, n’était pas un appel sur le fond, mais plutôt un examen très limité qui visait à rechercher des erreurs de droit grossières. Dans sa réponse, l’État partie affirme que la décision de la Commission a été soumise au contrôle juridictionnel de la Cour fédérale. Le Comité note que, en vertu de l’article 18.1 4) de la loi sur les cours fédérales, la Cour fédérale peut infirmer une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié si elle est convaincue que: le tribunal a agi sans compétence; n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale; a rendu une décision entachée d’une erreur de droit; a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée; a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages; ou a agi de toute autre façon contraire à la loi. Le Comité fait observer qu’aucun des motifs susmentionnés ne permet un réexamen au fond de la plainte du requérant selon laquelle il serait torturé s’il était renvoyé en Inde.

8.9À propos de la procédure ERAR d’examen des risques, pour laquelle le requérant a aussi fait une demande, le Comité note que, selon les observations de l’État partie, les demandes d’ERAR ne peuvent porter que sur de nouveaux éléments de preuve apparus depuis le rejet de la demande du statut de réfugié; en outre, il peut être fait appel des décisions prises à l’issue de l’ERAR sous réserve d’obtenir une autorisation discrétionnaire, qui a été refusée dans le cas du requérant. Le Comité renvoie à ses observations finales (CAT/C/CR/34/CAN du 7 juillet 2005, par. 5 c)), dans lesquelles il recommande à l’État partie de prévoir de soumettre à un examen juridictionnel au fond, plutôt qu’à un simple examen de leur caractère raisonnable, les décisions de renvoi d’une personne lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que celle-ci risque d’être soumise à la torture. En conséquence, le Comité conclut que, en l’espèce, le requérant n’a pas bénéficié d’un recours efficace contre son expulsion vers l’Inde, ce qui constitue une violation de l’article 22 de la Convention contre la torture.

9.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est d’avis que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant en Inde constituerait, si elle était exécutée, une violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité est aussi d’avis que, en l’espèce, l’absence d’un recours utile contre la décision d’expulsion constitue une violation de l’article 22 de la Convention.

10.Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité souhaite recevoir, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des renseignements sur les mesures que l’État aura prises pour donner suite aux présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]