Nations Unies

CAT/C/48/D/343/2008

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

4 juillet 2012

Original: anglais/français

Comité contre la torture

Communication no 343/2008

Décision adoptée par le Comité à sa quarante-huitième session,7 mai-1er juin 2012

Présentée par:

Arthur Kasombola Kalonzo

Au nom de:

Arthur Kasombola Kalonzo

État partie:

Canada

Date de la requête:

4 juin 2008 (lettre initiale)

Date de la présente décision:

18 mai 2012

Objet:

Risque d’expulsion du requérant vers la République démocratique du Congo (RDC).

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes

Questions de fond:

Risque de torture après renvoi

Article de la Convention:

3

Annexe

Décision du Comité contre la torture au titre de l’article 22de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (quarante-huitième session)

concernant la

Communication no 343/2008

Présentée par:

Arthur Kasombola Kalonzo

Au nom de:

Arthur Kasombola Kalonzo

État partie:

Canada

Date de la requête:

4 juin 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 18 mai 2012,

Ayant achevé l’examen de la requête no 343/2008, présentée au nom d’Arthur Kasombola Kalonzo en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention

1.1L’auteur de la communication est Arthur Kasombola Kalonzo, de nationalité congolaise, né le 2 décembre 1976 en République démocratique du Congo (RDC). Il réside actuellement au Canada. Il fait valoir que son renvoi vers la RDC constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention contre la torture.

1.2Le 6 juin 2008, le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, agissant en application du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur, a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers la RDC tant que l’affaire serait à l’examen. L’État partie a accédé à cette demande.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant avait 8 ans lorsqu’en 1984 sa famille s’est rendue aux États-Unis pour fuir la persécution en RDC découlant des activités politiques d’opposition de son père, qui était un membre influent et connu de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS).

2.2En avril 2002, les autorités américaines ont déporté le requérant vers la RDC en raison de plusieurs condamnations criminelles. C’est également en raison de son casier judiciaire qu’il n’a pas eu le statut de citoyen, contrairement aux autres membres de la famille. Dès son arrivée à l’aéroport de Kinshasa, il a été intercepté par les autorités congolaises qui l’accusaient d’être un bandit et lui ont dérobé l’argent qu’il avait sur lui. Après quelques heures, ils ont dit être au courant de son dossier criminel aux États-Unis et qu’ils connaissaient son père, un célèbre ancien joueur de soccer, ainsi que les activités de ce dernier pour l’UDPS. Le requérant a été accusé d’affiliation à l’UDPS comme son père et a été transféré à la prison de Makala, où il affirme avoir été maltraité, battu, torturé et agressé sexuellement. Sa détention a duré quatre mois et quelques jours. Il s’est ensuite échappé de prison.

2.3Le requérant est parvenu à obtenir des documents de voyage pour aller au Canada, où il a demandé l’asile le 4 février 2003. En raison de son état psychologique, suite aux événements vécus en RDC, il souhaitait retourner aux États-Unis où il avait vécu presque toute sa vie, pour rejoindre sa famille. Le 1er mai 2003, il a tenté de rentrer illégalement aux États-Unis à l’aide d’un certificat de naissance contrefait, mais il a été intercepté, mis en détention et condamné à trente mois d’emprisonnement aux États-Unis. Comme il se trouvait dans ce pays au moment où l’audience de sa demande d’asile au Canada devait avoir lieu, le requérant ne s’est pas présenté à son audience et le désistement de sa demande a été prononcé par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), le 7 août 2003.Un mandat d’arrêt pour renvoi a été émis contre lui le 28 juin 2004.

2.4Le requérant a présenté une requête aux États-Unis, en vertu de la Convention contre la torture, basée sur les risques de torture en RDC. Il a énoncé plusieurs faits à l’appui de sa demande, dont les activités politiques de son père, membre de l’UDPS; les opinions politiques imputées au requérant du fait des activités de son père; son appartenance à l’ethnie Luba du Kasaï et les liens de cette ethnie avec l’UDPS; la situation politique en RDC; ainsi que la détention et la torture qu’il avait subies lors de son retour forcé en RDC en 2002. Il a également présenté un certificat médical établi par l’University Hospital (Newark, New Jersey) après un examen effectué le 17 octobre 2005. Le rapport signale que le requérant a peu de signes physiques de la torture et violations subies, ce qui n’est pas inconsistant avec les faits qu’il a décrit, que les effets psychologiques sont évidents et qu’il semble souffrir d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT).

2.5Le 12 février 2005, un juge américain a accordé la protection au requérant en vertu de la Convention, notamment sur la base des risques de torture liés aux opinions politiques d’opposition de son père. Cependant, en vertu de l’accord entre les Gouvernements des États-Unis et du Canada pour la coopération en matière d’examen des demandes de statut de réfugié présentées par des ressortissants de pays tiers, et après avoir purgé sa peine de prison aux États-Unis, le requérant a été déporté au Canada, le 9 avril 2006.

2.6À son arrivée au Canada, le requérant a revendiqué le statut de réfugié mais sa demande a été jugée irrecevable à cause du désistement prononcé en 2003. Le 18 octobre 2006, Citoyenneté et Immigration Canada a émis un rapport indiquant que le requérant était interdit de territoire pour criminalité.Le 30 mars 2007, il a déposé une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Cette demande a été rejetée le 7 avril 2008, au motif que: a) le requérant n’était pas lui-même membre de l’UDPS; b) il n’aurait pas démontré que son père était toujours membre de l’UDPS et que ce dernier avait connu des problèmes à cause de ses opinions politiques durant son séjour en RDC en 2006-2007; c) le requérant pourrait s’installer à Kinshasa, car les violences dont pourraient être victimes les Lubas ne semblaient pas s’y trouver; d) des doutes quant à la crédibilité du requérant à propos des faits qu’il aurait vécus en RDC en 2002.

2.7Le requérant affirme avoir présenté des preuves pour contredire les conclusions de l’agent ERAR, mais celui-ci ne les aurait pas pris en considération. Par exemple, il affirme que lors du séjour de son père en RDC de mars 2006 à novembre 2007, à l’occasion des élections, celui-ci aurait reçu des coups de téléphone anonymes et des menaces de la police, probablement à cause d’un transfert d’argent qu’il avait fait au profit du fonds UDPS ainsi que ses démarches pour récupérer sa maison, qui était occupée illégalement par les tenants du pouvoir.

2.8Le requérant se plaint du fait que l’agent ERAR aurait fait des recherches de son propre chef sur son père et se serait servi de preuves extrinsèques (non divulguées au requérant) pour mettre en doute l’allégeance politique de son père à l’UDPS et la nature des problèmes vécus par ce dernier durant son séjour en RDC de 2006 à 2007. Or, le père du requérant n’a jamais été entendu, bien qu’il était disponible pour témoigner. L’agent ERAR a aussi refusé le dépôt d’une déclaration écrite au motif que le témoignage du père serait celui d’une personne intéressée. Le requérant a alors déposé une lettre de soutien d’un membre de l’UDPS, mais l’agent n’en a pas tenu compte, en alléguant qu’il s’agirait d’un témoin intéressé, ce que le requérant conteste. Il rappelle que la décision des autorités américaines de lui accorder la protection sous la Convention contre la torture était basée notamment sur le risque de torture lié aux opinions politiques d’opposition de son père. Que celui-ci fasse encore partie de l’UDPS ou non n’est pas déterminant car il l’a été, le requérant porte le même nom de famille et les personnes soupçonnées d’opposition politique sont systématiquement ciblées par les autorités en RDC, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par l’agent ERAR.

2.9Quant à la possibilité de refuge interne, selon le requérant rien ne permettait à l’agent ERAR de conclure qu’il pourrait se réfugier à Kinshasa malgré son ethnie Luba Kasaï et les violences subies par cette ethnie.

2.10L’agent ERAR met en doute la crédibilité du requérant quant aux faits vécus en RDC en 2002, mais en écartant arbitrairement la preuve démontrant qu’il souffre de TSPT, ce qui peut affecter considérablement sa mémoire des faits, et en se basant sur des incohérences secondaires. L’agent ne prend pas non plus en considération la lettre de l’avocat congolais qui était impliqué dans les tentatives pour sa mise en liberté en 2002 et a confirmé les allégations du requérant. L’agent considère cet avocat intéressé, mais ne motive aucunement sa conclusion. La preuve que le requérant souffre de TSPT est également rejetée sans fondement, malgré le fait que le rapport ait été établi par un médecin formé pour l’évaluation des victimes de torture.

2.11Le 6 mai 2008, le requérant a reçu notification de son renvoi prévu le 6 juin 2008. Le 22 mai 2008, il a présenté une requête en sursis à la Cour fédérale du Canada. Sa requête en sursis a été rejetée le 2 juin 2008.

Teneur de la plainte

3.1Du fait de son passé criminel aux États-Unis, sa détention puis sa fuite de la prison en RDC en 2002, ainsi que les opinions politiques de son père, le requérant craint d’être arrêté de nouveau et torturé s’il devait retourner dans son pays d’origine. Son origine ethnique Luba (Baluba) Kasaï pourrait également le mettre à risque étant donné que cette ethnie est associée à l’opposition politique UDPS. L’auteur affirme que ce risque est connu des autorités canadiennes, puisqu’il existe un moratoire empêchant le renvoi des ressortissants de ce pays. Or, cette suspension des renvois souffre d’exceptions, notamment pour les personnes qui seraient interdites de territoire pour criminalité, conformément à la section 230(3)c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR). Cette exception constitue une discrimination basée sur son casier judiciaire et donc une violation du droit à l’égalité de traitement devant la loi. Le requérant invoque la décision du Comité dans la communication 297/2006, Sogi c. Canada, où le Comité a rappelé que l’article 3 accorde une protection absolue à toute personne se trouvant sur le territoire d’un État partie, sans considération pourla qualité de cette personne et sa dangerosité sociale. En conséquence, l’État partie ne peut pas invoquer le passé criminel du demandeur pour justifier la levée du moratoire et son renvoi vers un pays où il risque d’être torturé.

3.2L’auteur cite également des documents concernant la situation des droits de l’homme en RDC, notamment les pratiques de détention arbitraire, torture, exécutions extrajudiciaires et l’impunité. Les documents qu’il a présentés prouvent que le Gouvernement congolais n’a pas contrôle sur les forces de l’ordre à travers son pays et que ces dernières arrêtent et détiennent arbitrairement et en toute impunité les citoyens dès qu’il existe un soupçon d’opposition politique.

3.3Compte tenu de son séjour prolongé hors du pays, de sa demande d’asile, de son dossier criminel, de sa déportation, de son association à l’UDPS à cause de son père, des contrôles à l’arrivée en RDC et de son état médical, il est davantage à risque d’arrestation, de détention et de mauvais traitements.

Observations de l’État partie sur la recevabilité de la requête

4.1Le 5 août 2008, l’État partie a formulé des observations sur la recevabilité de la communication. Il maintient que le requérant n’a pas épuisé les recours internes, que sa plainte est manifestement non fondée, qu’elle constitue un abus de la procédure et que le requérant n’a pas démontré que les décisions des autorités canadiennes dans son cas aient été arbitraires ou constituent un déni de justice. Le requérant est en désaccord avec les décisions des autorités canadiennes dans son cas. Cependant, le Comité ne doit pas agir comme une quatrième instance et réexaminer les faits et les éléments de preuve ou réviser l’application du droit interne par les autorités canadiennes.

4.2Le requérant a demandé l’asile le 4 février 2003. Le 19 mars 2003 il a soumis des informations sous un faux nom et raconté une histoire de persécution en RDC qui s’est avérée entièrement fabriquée. Il a notamment allégué qu’il avait vécu toute sa vie en RDC, qu’il avait été arrêté avec son père à cause de leurs activités politiques et que son père était décédé en 2002 de suites de tortures.

4.3Le requérant ne s’est pas présenté à l’audience du 5 août 2003 pour l’examen de sa demande d’asile. Une autre audience a donc été fixée le 5 août 2003. Étant donné que ni l’auteur ni son conseil n’ont comparu, le désistement de la demande a été prononcé. Il n’a pas demandé une révision judiciaire de la décision concernant le désistement devant la Cour fédérale.

4.4Le 30 mars 2007 le requérant a demandé un examen ERAR, qui a été refusé le 7 avril 2008. L’agent ERAR a estimé que les informations fournies par le requérant présentaient d’importantes omissions et contradictions et a conclu qu’il n’était pas crédible. Le 20 mai 2008, le requérant a fait une demande devant la Cour fédérale pour que la décision ERAR et la décision de renvoi soient révisées. Cette demande a été rejetée au motif qu’il avait menti aux autorités canadiennes et américaines de façon répétée, ce qui mettait en cause sa crédibilité par rapport aux faits allégués. En outre, la Cour n’a pas constaté l’existence d’erreurs dans l’évaluation du risque effectuée par l’agent ERAR.

4.5L’État partie maintient que le requérant n’a pas épuisé les recours internes au motif que: a) il a volontairement abandonné sa demande d’asile au Canada et n’a pas sollicité une révision judiciaire de la décision déclarant le désistement; b) il n’a pas présenté une demande de résidence fondée sur des considérations humanitaires (CH). Lorsqu’une demande de ce genre est présentée sur la base du risque que la personne peut encourir dans son pays d’origine, elle est examinée par un agent ERAR. Cependant, contrairement aux demandes ERAR, l’examen des demandes CH ne se limite pas aux nouveaux moyens de preuve présentés depuis la dernière décision dans l’affaire. Cet examen prend en considération la totalité des circonstances, pas seulement les facteurs de risque, et va au-delà des critères établis dans le cadre d’une demande ERAR.

4.6L’État partie se montre en désaccord avec certaines décisions où le Comité a déterminé que, étant donné la nature discrétionnaire des décisions ministérielles, il n’était pas nécessaire d’épuiser le recours CH. Le fait qu’un recours soit discrétionnaire ne signifie pas qu’il soit inefficace.Bien qu’elle soit discrétionnaire d’un point de vue technique, la décision ministérielle doit appliquer certains critères et procédures. La discrétion doit s’exercer conformément à la loi, laCharte canadienne des droits et libertés et les obligations internationales du Canada. Les demandes CH peuvent être fondées sur le risque de torture dans le pays de renvoi et les décisions ministérielles peuvent être révisées par la Cour fédérale. Une décision négative de la Cour fédérale est susceptible d’appel devant la Cour fédérale d’appel si le cas soulève une question d’importance générale. Une décision de la Cour fédérale d’appel peut encore être l’objet d’appel devant la Cour suprême du Canada.

4.7L’État partie fait valoir que la plainte est irrecevable car manifestement non fondée. Les allégations du requérant et les preuves qu’il a fournies au Comité sont essentiellement les mêmes qui ont été présentées aux autorités internes. Le requérant a été auditionné par l’agent ERAR, qui a pu personnellement juger de sa crédibilité. Ses conclusions à propos du risque en cas de renvoi sont appropriées et bien fondées. L’État partie rappelle la jurisprudence du Comité conformément à laquelle il n’a pas pour rôle de réévaluer les conclusions concernant les faits et la crédibilité auxquelles sont parvenues les autorités nationales compétentes, sauf s’il est avéré que l’évaluation était arbitraire ou constituait un déni de justice. La documentation présentée par le requérant au Comité ne montre pas que les conclusions de l’agent ERAR aient été entachées de telles irrégularités. En conséquence, il n’y a pas de motif pour que le Comité considère nécessaire de réexaminer les conclusions des autorités internes à propos des faits et de la crédibilité du requérant.

4.8Le manque de crédibilité du requérant est fondé sur les éléments suivants: a) son récit est contradictoire à propos de la date à laquelle il est arrivé au Canada pour la première fois. À différentes reprises il a affirmé être arrivé en septembre 2002, janvier 2003 et avril 2003; b) il a également donné des informations contradictoires concernant son identité, notamment à propos de son nom et date de naissance; c) il a fourni des informations fausses concernant, entre autres, les activités politiques, persécution, arrestation, torture et décès de son père; d) il a fourni des informations fausses aux autorités d’immigration des États-Unis, ce qui a motivé son arrestation et condamnation à trente mois d’emprisonnement; e) une fois relâché, il a été déporté vers le Canada, où il a d’abord nié avoir demandé l’asile dans le passé; f) dans le cadre de la procédure ERAR, il a fourni des informations contradictoires à propos des faits dont il aurait été victime en 2002 en RDC. Notamment, il n’a pas été capable de donner des détails à propos de la prison dans laquelle il aurait été détenu. Il n’a pas clarifié s’il a étérelâché ou s’il s’est évadé. Il s’est contredit à propos de la date à laquelle il a récupéré sa liberté et du temps passé à Lubumbashi après la prison. Il s’est aussi contredit à propos des informations qu’il a fournies à l’agent ERAR concernant le retour de son père en RDC en 2006-2007. Après l’audience, l’agent ERAR a demandé au requérant de fournir certains documents. Cependant, ceux-ci n’ont pas été jugés satisfaisants. Ainsi, la photocopie du passeport de son père était illisible et ne mentionnait pas les dates de son séjour en RDC; il a fourni une lettre de l’UDPS, mais pas l’original demandé par l’agent.

4.9Concernant le rapport médical fourni par le requérant comme preuve de la torture subie en RDC, l’agent ERAR a estimé qu’il n’était pas concluant. Il signale qu’il y a peu de preuves de torture et de violation. Le docteur signale que le requérant semble souffrir de TSPT, mais ne tire pas de conclusion définitive. Les pensées suicidaires et dépressives ont été exprimées par le requérant lui-même. Le docteur n’explique pas les tests qui ont permis de diagnostiquer l’existence de TSPT. L’existence de lésions physiques compatibles avec les allégations est mentionnée, mais rien ne prouve qu’elles aient été infligées pendant sa détention en RDC. Le docteur n’explique pas le rapport entre l’angine et la tension dont souffre le requérant et les allégations de torture. Au vu de ce qui précède, le requérant n’a pas démontré que la conclusion de l’agent ERAR sur le poids qui doit être accordé au rapport médical ne soit pas raisonnable.

4.10Étant donné le manque de crédibilité du requérant, l’agent ERAR a conclu que sa détention en RDC en 2002 et le risque encouru en cas de retour n’avaient pas été établis. Il a noté que les membres de l’UDPS pouvaient être arrêtés et maltraités. Or, selon un rapport du Home Office du Royaume-Uni, la situation à leur égard était meilleure en 2007 qu’en 2005.

4.11L’agent ERAR a également noté que le juge américain avait exprimé des doutes quant à la crédibilité de l’auteur. Il a cependant effectué sa propre évaluation et conclu que le requérant n’avait pas démontré que lui ou son père soient des membres actifs de l’UDPS, ou qu’il serait maltraité à cause de son origine ethnique, spécialement s’il habitait à Kinshasa. L’agent n’ignorait pas les difficultés que le requérant pourrait rencontrer, étant donné qu’il avait vécu la plus grande partie de sa vie aux États-Unis. Or, ces difficultés ne pouvaient pas être assimilées à de la persécution au sens de la Convention, ou à un risque pour sa vie ou à de la torture ou des traitements ou peines cruels et inusuels.

4.12L’État partie est d’avis que la situation en RDC a été difficile depuis des années. Cependant, cela n’est pas suffisant pour établir que le requérant serait exposé à un risque de torture réel, personnel et prévisible en cas de retour. Dans l’alternative, l’État partie soutient que le requérant n’a pas démontré l’existence de risque sur tout le territoire. L’agent ERAR a fait noter que la situation pouvait être difficile pour les Lubas dans la région de Katanga, mais le requérant n’a pas démontré l’existence de risque à Kinshasa.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie sur la recevabilité dela requête

5.1Le 13 novembre 2008, le requérant a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie quant à la recevabilité. Il réitère les raisons pour lesquelles il a tenté d’entrer illégalement aux États-Unis le 1er mai 2003 et a été mis en détention dans ce pays, ce qui l’a empêché de se présenter à son audience au Canada. Étant donné la demande de protection qu’il a déposée aux États-Unis en vertu de la Convention contre la torture et les circonstances psychologiques qui l’ont mené à quitter le Canada et à chercher le soutien de sa famille aux États-Unis, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir poursuivi sa demande d’asile au Canada à cette époque, ni soumis de demande d’autorisation et de contrôle judiciaire contre la décision prononçant le désistement.

5.2Contrairement aux affirmations de l’État partie, le requérant a bel et bien déposé une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires le 29 mai 2008. Au moment de l’envoi des commentaires, cette demande n’avait pas encore été décidée. En outre, une décision a été rendue par la Cour fédérale quant à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision ERAR. Cette demande a été rejetée sans motif en date du 14août 2008.

5.3Le requérant fait valoir que ni l’ERAR ni la demande CH ne constituent des recours utiles. Une décision CH n’est pas rendue sur une base légale et constitue plutôt une faveur accordée par un ministre. Le fait de déposer une demande CH ne sursoit pas légalement au renvoi du demandeur. Quant aux demandes suite au refus de l’ERAR (demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, appel à la Cour d’appel fédérale), elles ne constituent pas non plus des recours utiles puisque aucune de ces démarches ne sursoit légalement au renvoi du demandeur. En l’espèce, l’évaluation qui fut faite des faits et éléments de preuve à l’ERAR est manifestement arbitraire et/ou représente un déni de justice.

5.4Le requérant soutient le bien-fondé de sa plainte. Son père est un opposant politique de longue date, connu et reconnu en RDC en tant que cofondateur et membre de l’UDPS, principal parti d’opposition. Contrairement aux affirmations de l’État partie, l’identité du requérant n’a jamais été mise en doute par les autorités canadiennes et le lien de parenté entre le requérant et son père n’a jamais été contesté. Par ailleurs, l’identité et le lien de parenté entre le requérant et son père sont objectivement établis par le passeport et l’attestation de naissance du requérant. En outre, le requérant cite le rapport du Département d’État des États-Unis (2007) pour montrer que les opposants politiques, réels ou imputés, sont arrêtés et torturés en RDC, et que les membres de la famille de personnes soupçonnées ou recherchées sont à risque d’arrestation, détention et torture.

5.5Les allégations de non-crédibilité du requérant formulées par l’État partie sont sans pertinence et doivent être rejetées. Il a été décidé à plusieurs reprises par les tribunaux canadiens que le manque de crédibilité d’un demandeur d’asile n’empêche pas la possibilité qu’il soit malgré tout un réfugié au sens de la Convention. Pareillement, peu importe le degré de crédibilité du demandeur quant à certaines allégations, cela ne l’empêche pas d’être objectivement et subjectivement à risque de torture en cas de retour en RDC.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Le 6 février 2009, l’État partie a fourni des observations sur le fond de la communication. En même temps, il réitère que la communication devrait être déclarée irrecevable.

6.2Le requérant tente de justifier le désistement de sa demande d’asile à cause de son état psychologique après les événements dont il a été victime en RDC et son besoin de rejoindre sa famille aux États-Unis. Or, cette explication n’est pas valable car il n’a pas fourni d’éléments de preuve, médicale ou autre, à l’appui de ses allégations. Le seul rapport médical qu’il a fourni a été établi en octobre 2005 et n’était pas concluant, comme il a déjà été indiqué. Le stress psychologique n’est pas inhabituel parmi les requérants d’asile. Cependant, cela ne peut pas exonérer le requérant de poursuivre sa demande, d’autant plus qu’il était assisté par un conseil. Il aurait dû, en conséquence, être au courant des conséquences d’un tel acte. En outre, l’État partie n’accepte pas l’argument du requérant quant à la révision judiciaire du désistement et insiste sur le fait que ce recours est efficace. L’État partie confirme que le requérant a déposé une demande CH et souligne que ce recours doit être épuisé.

6.2L’État parti réitère que les plaintes du requérant sont manifestement mal fondées et donc inadmissibles. Sur le fond, il n’a pas démontré l’existence de motifs de croire qu’il serait soumis à la torture s’il devait retourner en RDC, cela en raison des éléments suivants.

6.3Le requérant a fourni des informations contradictoires à propos de sa détention et les mauvais traitements subis en RDC en 2002. Au sujet de la durée de sa détention il a déclaré à des moments différents qu’elle avait eu une durée de trois, quatre ou neuf mois. À propos de la communication avec ses codétenus, il a d’abord signalé que ceux-ci ne parlaient pas le français. Lorsqu’on lui a fait remarquer que le français était une langue officielle dans le pays il a dit que quelques-uns parlaient le français. Enfin, il a manifesté que la plupart d’entre eux parlaient le français. Au sujet du fait qu’il avait gardé 20 ou 40dollars sur lui, il a d’abord déclaré avoir gardé l’argent dans ses chaussettes. Lorsqu’on lui a rappelé sa déclaration comme quoi il était pieds nus, il a dit l’avoir caché dans son pantalon et que l’argent n’avait pas été découvert. Selon l’État partie, ces déclarations ne sont pas crédibles au vu des allégations qu’il avait été victime de violation à répétition. À propos de la manière comme il a regagné sa liberté, il a manifesté dans ses déclarations écrites qu’un gardien qui connaissait son grand-père l’a fait sortir pendant la nuit. Cependant, dans une lettre qu’il affirme avoir été écrite par son avocat il est indiqué que la libération a eu lieu suite à l’intervention d’un Procureur de la République et d’un haut magistrat militaire. Enfin, dans sa demande ERAR il a manifesté avoir été détenu en RDC jusqu’à son arrivée au Canada en janvier 2003. Or, pendant son audience il a manifesté avoir séjourné en Zambie pendant plusieurs mois avant de se rendre au Canada.

6.4Dans sa demande d’asile de février 2003 le requérant ne mentionne pas avoir été torturé en RDC. Selon l’État partie, il est invraisemblable que le requérant ait omis de se référer à la torture dans sa demande d’asile s’il avait vraiment été torturé. Le stress psychologique ne peut pas expliquer un tel comportement.

6.5D’autres informations données par le requérant aux autorités canadiennes se sont révélées contradictoires. Ainsi, à propos de son nom et date de naissance, il a donné un faux nom dans sa demande d’asile en 2003; il a donné différentes dates concernant son arrivée au Canada pour la première fois; il a essayé d’entrer aux États-Unis en utilisant des faux documents et a nié avoir demandé l’asile au Canada préalablement; et il a manifesté à l’agent ERAR en décembre 2007 que son père ne s’était pas rendu en RDC depuis longtemps, alors qu’il venait de rentrer d’un séjour de vingt mois dans ce pays.

6.6L’État partie réitère ses observations concernant le rapport médical présenté par le requérant. Ce rapport signale, sur la base du récit du requérant, qu’il semble souffrir de stress post-traumatique. Quant aux affidavits soumis en faveur du requérant, l’État partie signale que l’agent ERAR a eu raison de ne pas les accorder de poids, étant donné qu’ils provenaient de personnes intéressées ou qu’ils contenaient des imprécisions.

6.7Le requérant n’a jamais participé à des activités qui pourraient donner lieu à un risque d’être soumis à la torture. Il n’est pas membre d’une organisation politique et il n’a pas démontré que son passé criminel aux États-Unis et la déportation elle-même pourraient constituer un risque. Ses parents eux-mêmes auraient passé du temps en RDC ces dernières années sans avoir été détenus ou torturés, le père en particulier entre mars 2006 et novembre 2007. Le requérant a présenté une lettre d’un membre de l’UDPS faisant état des menaces dont le père du requérant aurait fait l’objet de la part de la police alors qu’il effectuait des démarches pour essayer de récupérer sa maison. Or, aucun incident de détention ou danger physique n’a été mentionné.

6.8Le juge américain qui a conclu en 2005 à l’existence d’un risque de torture a donné un poids considérable à la situation du père du requérant. Or, c’est après cette date que le père a séjourné en RDC sans être détenu. Par ailleurs, le juge ne semble pas avoir eu connaissance du fait que le requérant avait soumis des informations fausses aux autorités canadiennes lors de sa demande d’asile en 2003.

6.9Enfin, l’État partie fait valoir que des rapports sur la situation des droits de l’homme en RDC, tels qu’un rapport d’Amnesty International de 2007 ou du Département d’État des États-Unis de 2008 font très peu de référence à des cas de torture vis-à-vis des membres de l’UDPS ou des Lubas du Kasaï.

Commentaires du requérant aux observations de l’État partie sur le fond

7.1Le 17juin 2009, le requérant a présenté des commentaires aux observations de l’État partie. Il rappelle qu’il a formulé une demande de révision judiciaire de la décision ERAR. Une fois que cette demande a été refusée il n’a pas d’autres recours à sa disposition pour contester le renvoi. Sa demande pour que le renvoi ne soit pas exécuté tant qu’il n’y ait pas de décision sur sa demande CH a été refusée.

7.2Le requérant justifie le désistement de sa demande d’asile par le fait qu’il souffrait de stress post-traumatique, ce qui a été confirmé par le rapport établi par un médecin spécialisé dans ce genre d’affaires. Concernant les contradictions dans ses récits devant les autorités canadiennes, auxquelles fait référence l’État partie, il souligne qu’en l’absence d’enregistrements de son audience devant l’agent ERAR, le Comité ne devrait pas accorder de valeur à cette audience, car on ne peut pas prouver que de telles contradictions aient vraiment eu lieu. On lui avait demandé où était son père et il a répondu qu’il était parti au Congo pour participer aux élections. Cette réponse n’est en contradiction avec aucun des renseignements qu’il a donné.

7.3Le requérant réitère qu’il a été torturé au Congo à cause des opinions politiques de son père et que, du fait qu’il a déjà été torturé une fois, il craint d’être torturé à nouveau. Quant à l’observation de l’État partie soulignant que son père n’a pas été inquiété au Congo, le requérant fait valoir que son père détient un passeport américain, ce qui pouvait lui offrir unecertaine protection, contrairement à lui qui a la nationalité congolaise. Ceci explique le traitement différent donné à l’un et l’autre. En cas de renvoi, il atterrirait à l’aéroport en RDC, sous le coup d’une mesure d’expulsion, ce qui est un contexte bien plus susceptible de lui attirer des ennuis vis-à-vis des autorités congolaises.

7.4Le requérant affirme que, lorsqu’il a demandé l’asile au Canada, il n’a pas mentionné être le fils d’Ilunga André Kalonzo. Après ce qu’il avait vécu en RDC à cause des liens avec son père il pensait que la meilleure manière d’être en sécurité serait de ne pas mentionner ces liens.

7.5L’État partie a omis de mentionner qu’un moratoire est toujours en place pour ne pas renvoyer des ressortissants de la RDC à cause de l’insécurité qui règne dans ce pays. La situation en RDC n’a pas vraiment changé depuis que le juge américain lui a accordé la protection sur la base des risques de torture qu’il pouvait encourir. La torture des détenus y est toujours pratiquée, indépendamment de leur appartenance ou pas à un parti politique. Il cite, à cet égard, le rapport 2008 du Département d’État américain ainsi qu’un rapport d’Amnesty International sur la situation dans ce pays.

7.6Enfin, le requérant informe le Comité que depuis son arrivée au Canada il a un travail et qu’il est le père d’un enfant canadien. Il demande au Comité de trouver une solution pour qu’il ne soit pas séparé de sa fille et de sa compagne, qui résident au Canada.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si celle-ci est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. LeComité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2Le Comité prend note des observations de l’État partie concernant le non-épuisement des recours internes ainsi que les commentaires du requérant à ce sujet. Le Comité observe qu’après son expulsion au Canada depuis les États-Unis, le 9avril 2006, il a revendiqué le statut de réfugié, mais sa demande a été jugée irrecevable. Le 30mars 2007, le requérant a fait une demande d’examen ERAR, seul recours qu’il pouvait tenter. Cette demande a été refusée le 7 avril 2008. Le 20mai 2008 il a fait une demande de révision de la décision de refus et de renvoi devant la Cour Fédérale qui a également été refusée, sans motif, le 14août 2008.

8.3Le 29 mai 2008, le requérant a fait une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires (CH). Au vu des observations de l’État par rapport à l’efficacité de ce recours, le Comité rappelle que, lors de sa vingt-cinquième session, dans ses observations finales sur le rapport de l’État partie, il avait examiné la question de la demande de dispense ministérielle pour raisons d’ordre humanitaire. Le Comité avait alors relevé le manque d’indépendance dont semblaient faire preuve les fonctionnaires chargés d’examiner ce type de recours, ainsique le fait qu’une personne pouvait être expulsée alors que ledit recours était en cours d’examen. Le Comité avait conclu que cela pouvait amoindrir l’efficacité de la protection des droits énoncés au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. Le Comité avait noté que, bien que le droit de bénéficier d’une assistance pour des raisons humanitaires puisse fonder un recours prévu par la loi, cette assistance était accordée par un ministre sur la base de critères purement humanitaires, et non sur une base juridique, et constituait ainsi plutôt une faveur. Le Comité a également observé que, lorsqu’une demande de contrôle juridictionnel est acceptée, la Cour fédérale renvoie le dossier à l’instance qui a pris la décision initiale ou à une autre instance compétente, de sorte qu’elle ne procède pas elle-même au réexamen de l’affaire et ne rend pas de décision. La décision relève plutôt du pouvoir discrétionnaire d’un ministre et donc du pouvoir exécutif. Étant donné ces considérations le Comité conclut qu’en l’espèce l’éventuel manque d’épuisement de ce recours ne constitue pas un obstacle à la recevabilité de la communication.

8.4En ce qui concerne les allégations de violation de l’article 3, le Comité considère que les arguments présentés par le requérant soulèvent des questions qui doivent être examinées quant au fond et pas sur le plan de la recevabilité. En conséquence, il déclare la communication recevable et procède à son examen sur le fond.

Examen au fond

9.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant dans la République démocratique du Congo, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

9.2Pour apprécier s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé dans la République démocratique du Congo, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, y compris l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme dans ce pays. Il s’agit cependant de déterminer si le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé.

9.3Le Comité rappelle son Observation générale relative à l’application de l’article 3 de la Convention, où il est indiqué que l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, le Comité rappelle que le fardeau de la preuve incombe généralement au requérant, qui se doit de présenter des arguments défendables établissant qu’il encourt un risque «prévisible, réel et personnel». Le Comité rappelle également, tel qu’indiqué dans son Observation générale no1 (1996), que même s’il accorde un poids considérable aux conclusions des organes de l’État partie, il appartient au Comité d’apprécier librement les faits de chaque cause en tenant compte des circonstances.

9.4Le Comité prend note des observations de l’État partie concernant le manque de crédibilité du requérant, notamment les informations contradictoires fournies aux autorités canadiennes à propos de la durée de sa détention en RDC, la communication avec ses codétenus, l’argent qu’il aurait gardé sur lui, la manière comme il a regagné sa liberté, sonséjour en Zambie avant de se rendre au Canada, le séjour de son père en RDC et autres contradictions. Le Comité note également les observations de l’État partie à propos du fait que le requérant n’est pas membre d’une organisation politique et que ses parents se sont rendus à plusieurs reprises en RDC sans être inquiétés.

9.5Le Comité prend note de la situation précaire des droits de l’homme en République démocratique du Congo, ainsi que du moratoire décrété par le Canada concernant le renvoi des requérants d’asile déboutés dans ce pays. Le Comité note, à ce propos, l’information du requérant selon laquelle ce moratoire a été établi à cause de la violence généralisée existante en RDC et que le requérant serait exclu du moratoire à cause de son passé criminel. L’État partie n’a pas contesté cette information. Le Comité estime qu’elle accentue le caractère discrétionnaire de la procédure concernant le moratoire dans la mesure où, dans l’esprit de l’article 3 de la Convention, un moratoire du renvoi de personnes en danger dans leur pays à cause de la violence généralisée qui y règne doit s’appliquer à tous sans aucune distinction.

9.6Le Comité prend note également des allégations du requérant en ce qui concerne: a) sa détention et torture en RDC en 2002; b)le certificat médical établi en 2005 conformément auquel, bien que le requérant présentait peu de marques physiques de torture il en était autrement concernant les effets psychologiques, car il avait des signes de TSPT tout à fait compatibles avec ses récits et semblait avoir des craintes raisonnables de ce qu’il pouvait devenir s’il devait retourner en RDC; c)le juge américain qui lui a accordé la protection en vertu de la Convention étant d’avis qu’il y avait suffisamment de preuves pour conclure à la possibilité qu’il soit torturé en cas de retour.

9.7Le Comité prend note aussi de la référence que l’État partie fait à des rapports de 2007 et 2008 qui font état de peu de cas de torture vis-à-vis des membres de l’UDPS ou des Lubas du Kasaï. Le Comité estime, à ce propos, que même si les cas de torture étaient rares, le risque d’être soumis à la torture encore subsiste pour le requérant qui est le fils d’un dirigeant de l’UDPS, appartient à l’ethnie des Lubas du Kasaï et a déjà été l’objet de violences pendant sa détention à Kinshasa en 2002. En outre, le Comité estime que la suggestion de l’État partie que le requérant pourrait s’installer à Kinshasa car les violences dont pourraient être victimes les Lubas ne semblent pas s’y trouver, contrairement à ce qui se passe dans la région de Katanga, n’écarte pas complètement le danger personnel du requérant. Le Comité rappelle à ce propos que, selon sa jurisprudence, la notion de «danger local» ne fournit pas des critères mesurables et n’est pas suffisante pour dissiper totalement le danger personnel d’être torturé.

9.8Au vu des éléments précédents, le Comité conclut que le requérant a établi qu’il courrait personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il devait être renvoyé en République démocratique du Congo.

10.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est d’avis que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant en République démocratique du Congo constituerait, si elle était exécutée, une violation de l’article 3 de la Convention.

11.Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité souhaite recevoir, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des renseignements sur les mesures que l’État aura prises pour donner suite aux présentes constatations.

[Adoptéen anglais, en espagnol, en français (version originale) et en russe. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe et en chinois dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]