Nations Unies

CRPD/C/8/D/6/2011

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

13 novembre 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Communication no 6/2011

Décision adoptée par le Comité à sa huitième sessiontenue du 17 au 28 septembre 2012

Communication p résentée par:

Kenneth McAlpine (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Date de la communication:

25 mai 2011 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial, en application de l’article 70 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 21 décembre 2011 (non publiée sous forme de document)

Date de l ’ adoption de la décision:

28 septembre 2012

Objet:

Procédure de licenciement de l’auteur en tant qu’employé atteint de diabète sucré (diabète de type 1)

Questions de procédure:

Les faits sont antérieurs à l’entrée en vigueur du Protocole facultatif à l’égard de l’État partie; les questions avancées ont été examinées par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement; la plainte est manifestement mal fondée ou insuffisamment motivée

Questions de fond:

Principes généraux de la Convention; égalité et non-discrimination; sensibilisation; reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité; respect de la vie privée; travail et emploi

Articles de la Convention:

4 (par. 1, al. d et e), 5 (par. 2), 8 (par. 1, al. b), 12 (par. 4), 22 (par. 1), et 27 (par. 1, al. a)

Article du Protocole facultatif:

2 (al. c, e et f)

Annexe

Décision du Comité des droits des personnes handicapées, prise au titre de l’article 2 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées (huitième session)

concernant la

Communication no 6/2011 *

P résentée par:

Kenneth McAlpine (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Date de la communication:

25 mai 2011 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits des personnes handicapées, institué en vertu de l’article 34 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées,

Réuni le 28 septembre 2012,

Ayant achevé l’examen de la communication no 6/2011 présentée par M. Kenneth McAlpine en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre de l’article 2 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est M. Kenneth R. McAlpine, de nationalité britannique, né le 12 août 1964. Il se déclare victime de violations des droits qu’il tient des articles 4, paragraphe 1, alinéas d et e; 5, paragraphe 2; 8, paragraphe 1, alinéa b; 12, paragraphe 4; 22, paragraphe 1; et 27, paragraphe 1, alinéa a, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (la Convention). L’auteur n’est pas représenté par un conseil. La Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour l’État partie respectivement le 7 juillet 2009, en vertu du paragraphe 2 de l’article 45 de la Convention, et le 6 septembre 2009, en vertu du paragraphe 2 de l’article 13 du Protocole facultatif.

1.2Le 8 mars 2012, la Rapporteuse spéciale sur les communications au titre du Protocole facultatif, agissant au nom du Comité, a décidé, en application du paragraphe 8 de l’article 70 du Règlement intérieur du Comité, que la recevabilité devrait être examinée séparément du fond.

Exposé des faits

2.1L’auteur a été diagnostiqué en février 1966 (à l’âge de 1 an et demi) comme étant atteint d’un diabète sucré (diabète de type 1), compensé depuis lors par des injections quotidiennes d’insuline. L’auteur est titulaire d’une licence en ingénierie et gestion de production et d’une maîtrise en science des systèmes d’information commerciale.

2.2Le 12 août 1998, l’auteur a commencé à travailler comme consultant auprès de la société Oracle Corporation UK Limited (ci-après Oracle). En juillet 2004, à sa demande, l’auteur a été transféré à l’«Équipe de prestation de services à la demande» en qualité de responsable de la prestation de services. Il était le septième plus ancien collaborateur de l’entreprise parmi les 14 membres de l’équipe. Il était chargé d’un compte client et avait pour tâches de gérer les incidents, d’assister à des réunions mensuelles et de rédiger un rapport mensuel. En novembre 2005, le nombre des incidents à gérer pour le compte client dont il avait la charge ayant diminué, l’auteur s’est vu confier la gestion des incidents d’un deuxième compte client. Le 16 décembre 2005, le supérieur hiérarchique direct de l’auteur, M. P. S., ayant été informé que l’auteur prévoyait de ne pas assister à la réunion mensuelle qui devait se tenir le 21 décembre 2005, s’est entretenu avec lui par téléphone. À l’issue de cette discussion, au cours de laquelle l’auteur s’est plaint de sa charge de travail, il a été convenu qu’il serait déchargé de la gestion des incidents de son premier compte client et se concentrerait sur le rapport mensuel et les réunions mensuelles concernant ce compte, et qu’il consacrerait le reste de son temps de travail à la gestion des incidents pour un deuxième compte client. C’est lors de cette conversation que M. P. S. a appris que l’auteur était diabétique. Celui-ci a ajouté que depuis qu’un deuxième compte client lui avait été confié, en novembre 2005, il se sentait sous pression. Lors d’une conversation tenue le 21 décembre 2005 avec son deuxième supérieur hiérarchique, M. N. C., l’auteur a fait savoir qu’il ne souhaitait pas assumer un poste à part entière de responsable de la prestation de services car il travaillait à domicile et voulait limiter le plus possible ses déplacements, et qu’il souhaitait trouver un autre poste à occuper dans l’entreprise.

2.3En janvier 2006, Oracle a annoncé qu’elle allait fusionner avec une autre entreprise et que ce changement entraînerait une restructuration. Dans le cadre de cette procédure, la société s’est dotée d’un Service central de prestation de services à la demande et a créé des postes de gestionnaires d’incidents clients. En conséquence de la centralisation de la gestion des incidents, il ne restait plus comme fonctions à l’auteur que la production du rapport mensuel et la participation aux réunions mensuelles concernant son premier compte client. Le 30 mai 2006, l’auteur a été informé par un directeur qu’il était visé par un éventuel licenciement, parce que la fonction qu’il occupait n’était plus nécessaire du fait de la réorganisation de l’entreprise et qu’il ne répondait pas aux critères requis pour occuper la fonction de responsable de la prestation de services au contact de la clientèle. Avant la restructuration, l’auteur ne travaillait pas au contact de la clientèle puisqu’il s’occupait principalement de gérer les incidents et de rédiger des rapports. Après la réorganisation, la gestion des incidents a été centralisée au niveau du Service central de la prestation de services et les responsables de la prestation de services n’étaient plus chargés d’aucune fonction de gestion des incidents. Lors de la procédure engagée devant l’Employment Tribunal, l’auteur a reconnu qu’il n’avait pas présenté sa candidature aux nouveaux postes de responsable de la prestation de services qui avaient été annoncés. L’Employment Tribunal a noté qu’il n’était pas contesté qu’entre janvier et juin 2006, l’auteur avait entrepris des démarches pour trouver d’autres fonctions techniques qu’il pourrait occuper dans l’entreprise. L’auteur a été licencié (démis de ses fonctions) le 10 juillet 2006.

2.4Le 25 août 2006, l’auteur a déposé une plainte auprès de l’Employment Tribunal Service, soutenant qu’Oracle n’avait pas suivi les procédures de renvoi et de licenciement appropriées. Il a en outre fait valoir que la décision d’Oracle était discriminatoire et contraire aux paragraphes 1 et 5 de l’article 3A de la loi de 1995 sur la discrimination fondée sur le handicap. Il a soutenu qu’il avait été visé par un licenciement en raison de son handicap et/ou parce qu’il avait demandé à bénéficier d’un allègement de sa charge de travail, et a affirmé qu’Oracle n’avait pas procédé aux aménagements raisonnables qui lui auraient permis de rester dans l’entreprise et de mener à bien ses tâches de façon appropriée. À l’audience, Oracle a rendu publics des messages électroniques rédigés par l’un de ses directeurs, M. P. S., dans lesquels celui-ci écrivait que «le diabète, combiné à l’hypertension artérielle, pourrait entraîner une période d’absence prolongée pour maladie» et suggérait de «procéder à son licenciement». Le tribunal a conclu qu’à ce stade et compte tenu de la nature hautement confidentielle de la liste des personnes visées par la procédure de licenciement, M. P. S., qui était le supérieur hiérarchique direct de l’auteur, n’était pas au courant que le nom de l’auteur figurait sur une liste de personnes à licencier. L’auteur note qu’Oracle a reconnu devant le tribunal qu’il n’avait été absent pour maladie que durant deux jours pendant la période allant de juillet 2004 à avril 2006. Le tribunal a noté que le supérieur hiérarchique direct de l’auteur, M. P. S., qui avait déclaré que la maladie dont souffrait l’auteur pourrait entraîner des périodes d’absence prolongée, avait lors de l’audience reconnu s’être trompé puisqu’en réalité, l’auteur n’avait que très peu été absent pour maladie. L’auteur a fait valoir qu’il était le seul membre de l’Équipe des responsables de la prestation de services à avoir été licencié, alors qu’il occupait le même poste et exerçait les mêmes fonctions que ses collègues, et que du nouveau personnel avait par la suite été engagé. D’après les conclusions de l’Employment Tribunal, l’auteur n’a pas nié ne pas exercer un grand nombre des fonctions normalement dévolues aux responsables de la prestation de services, ni que les éléments de preuve confirmaient que s’il jouissait du titre de responsable de la prestation de services, il ne s’acquittait en réalité que d’aspects limités de cette fonction. Oracle a fait observer que la décision d’inscrire le nom de l’auteur sur la liste des personnes visées par un licenciement avait été prise en février 2006 en raison de la restructuration de l’entreprise et que la personne responsable de cette décision, M. M. T., n’avait pas connaissance du handicap de l’auteur.

2.5Le 13 mars 2007, l’Employment Tribunal a estimé que l’auteur n’avait pas respecté les dispositions de l’article 32 de la loi de 2002 sur l’emploi s’agissant du grief de manquement supposé d’Oracle à procéder à des ajustements raisonnables, et a donc rejeté cette partie de la plainte. L’auteur a fait appel de cette décision.

2.6En juillet et août 2007, la plainte pour licenciement injuste et la plainte pour discrimination fondée sur le handicap ont toutes deux été rejetées. L’Employment Tribunala noté que l’auteur n’exerçait qu’une partie limitée des fonctions normalement dévolues aux responsables de la prestation de services et que ses tâches avaient été considérablement réduites après la restructuration d’Oracle, et il a déclaré que le poste qu’occupait l’auteur était excédentaire. S’agissant des griefs relatifs à la discrimination, le tribunal a tenu compte du fait que les messages électroniques mentionnant le diabète de l’auteur n’étaient pas à l’origine de l’inscription de son nom sur la liste des personnes visées par la procédure de licenciement, que cette liste était antérieure à l’envoi de ces messages, et que la personne qui avait établi la liste n’avait pas connaissance du handicap de l’auteur. Le tribunal a rejeté l’argument avancé par l’auteur à cet égard, en faisant observer qu’un autre membre de l’Équipe des responsables de la prestation de services souffrant de diabète de type 1 avait été maintenu dans ses fonctions. Le tribunal a en outre estimé que pour établir s’il y avait eu ou non discrimination directe, il convenait d’utiliser comme «comparateur une personne qui ne souffrait pas de ce handicap particulier mais dont la situation, sur le plan matériel, n’était pas différente de celle de la personne handicapée». Enfin, s’agissant du grief selon lequel l’auteur aurait bénéficié d’un traitement moins favorable pour des raisons liées à son handicap, le tribunal a fait observer qu’il devait exister un lien de cause à effet entre le handicap de l’employé et le traitement invoqué, et a fait valoir que l’auteur avait été transféré à l’Équipe de prestation de services à la demande et avait bénéficié de divers aménagements de ses fonctions, notamment d’une réduction de sa charge de travail, à sa propre demande. Par conséquent, il ne pouvait pas prétendre avoir reçu un traitement moins favorable.

2.7Le 24 octobre 2007, l’auteur a interjeté appel auprès de l’Employment Appeals Tribunal, faisant valoir qu’il n’existait pas d’éléments de preuve quant aux raisons ayant motivé l’inscription de son nom sur la liste des licenciements à envisager, que les messages électroniques des directeurs d’Oracle prouvaient qu’il était visé par un licenciement en raison de son diabète, que dans ses efforts de consultation Oracle n’était pas sincère, et que les preuves présentées par la société avaient été préparées à escient ou avaient été manipulées. L’Employment Appeals Tribunal a fait observer qu’il n’avait compétence que pour examiner des recours sur des questions de droit, et qu’il ne pouvait pas «réentendre les faits d’une affaire ou réexaminer une décision de l’Employment Tribunal sur ces faits». L’Employment Appeals Tribunal a donc rejeté la requête de l’auteur le 19 décembre 2007, considérant qu’elle ne faisait pas apparaître de motifs raisonnables pouvant fonder l’introduction d’un recours. Par la suite, l’auteur a déposé auprès de la Court of Session une demande d’autorisation de faire appel de la décision de l’Employment Appeal Tribunal, en application de l’article 37 de la loi de 1996 sur l’Employment Tribunal. Le 12 février 2010, la Cour a rejeté tous les moyens de recours, et établi que les moyens tels que les évaluations des éléments de preuve étaient du ressort de l’Employment Tribunal et qu’aucune erreur de droit n’avait été décelée. À l’Employment Tribunal et à la Court of Session, l’auteur a été condamné à des dépens d’un montant de 3 700 livres et de 6 968,25 livres respectivement.

2.8Le 12 août 2008, l’auteur a engagé un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, se déclarant victime de violations de ses droits à une procédure équitable et à la non-discrimination, conjointement à d’autres droits. Le 29 mars 2011, la Cour, siégeant en formation de juge unique, a déclaré la requête de l’auteur irrecevable parce qu’elle ne faisait «apparaître aucune violation des droits et des libertés énoncés dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou ses Protocoles».

La plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie n’a ni garanti ni défendu les droits consacrés aux alinéas d et e du paragraphe 1 de l’article 4; au paragraphe 2 de l’article 5; à l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 8; au paragraphe 4 de l’article 12; au paragraphe 1 de l’article 22; et à l’alinéa a du paragraphe 1 de l’article 27 de la Convention, en ne faisant pas appliquer sa propre législation, manquement qui, de l’avis de l’auteur, résulte de l’idée stéréotypée selon laquelle le diabète entraîne des périodes d’absence prolongée pour maladie. De plus, l’auteur fait observer que les tribunaux de l’État partie n’ont pas correctement apprécié les éléments de preuve de la discrimination qui leur ont été présentés et se sont fondés sur des éléments de preuve inventés et/ou manipulés fournis par Oracle.

3.2En ce qui concerne l’allégation de violation des alinéas d et e du paragraphe 1 de l’article 4, l’auteur affirme que l’État partie n’a pas pris de mesures pour faire en sorte que ses autorités reconnaissent qu’il y avait eu discrimination fondée sur le handicap lié au diabète. Il n’aurait pas non plus pris de mesures pour éliminer la discrimination pratiquée par des entreprises privées, comme Oracle.

3.3L’auteur fait valoir en outre que l’État partie n’a pas, comme le prescrit le paragraphe 2 de l’article 5 de la Convention, interdit toute discrimination fondée sur le handicap lorsqu’il a estimé que l’affirmation stéréotypée selon laquelle le handicap entraînerait maladie et périodes d’absence n’était pas discriminatoire.

3.4En ce qui concerne l’allégation de violation de l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 8, l’auteur estime que bien qu’il soit doté de lois interdisant la discrimination à l’égard des personnes handicapées, l’État partie n’a pas pris de mesures immédiates, efficaces et appropriées pour combattre les stéréotypes, les préjugés et les pratiques dangereuses auprès des employeurs, du système judiciaire et des juges qui présument que tous les diabétiques sont absents pour de longues périodes en raison de leur maladie.

3.5Concernant l’allégation de violation du paragraphe 4 de l’article 12, l’auteur dit ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable et prétend que les preuves sur lesquelles se sont fondés les tribunaux ont été manipulées par son précédent employeur. Il avance que les messages électroniques relatifs à l’inscription de l’auteur sur la liste des personnes à licencier ne sont pas dans l’ordre chronologique, puisque le premier message électronique est daté du 2 février 2006, le deuxième du 23 mars 2006, le troisième du 21 février 2006 et le quatrième du 4 février 2006, et que son nom a été ajouté à la liste à la main tandis que les autres noms étaient imprimés.

3.6L’auteur fait valoir qu’il a été victime d’une ingérence arbitraire et illégale dans sa vie privée et sa vie de famille. Le 8 septembre 2010, en son absence, un auxiliaire de justice a posé des questions à ses voisins sur ses allées et venues et sur son travail. Le 14 septembre 2010, deux employés du tribunal ont interrogé l’auteur sur la valeur de sa maison et de sa voiture, sans être en mesure de lui dire quel était exactement le montant des frais de justice à recouvrer. L’auteur note qu’il avait fait appel de la décision le condamnant aux dépens et que la tentative de recouvrement menée par l’auxiliaire de justice avait pour objet de le dissuader de faire appel d’autres décisions de justice. Il estime également que la déclaration de l’Employment Tribunal le considérant comme n’étant pas un témoin crédible était une attaque contre son honneur et sa réputation, contraire à l’article 22 de la Convention.

3.7Concernant la violation de l’alinéa a du paragraphe 1 de l’article 27 de la Convention, l’auteur fait valoir qu’il a été victime d’une affirmation stéréotypée selon laquelle en raison de son diabète, il serait absent pour raison médicale pendant de longues périodes, affirmation qui n’était basée sur aucun fait puisqu’il n’avait été en congé pour maladie que deux jours au cours des deux années ayant précédé son licenciement. L’auteur affirme avoir fait l’objet de discrimination fondée sur son handicap, dans la mesure où il ne travaillait pas ou n’était pas employé dans des conditions d’égalité avec les autres employés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1L’État partie indique qu’il considère la communication irrecevable parce que les faits ont eu lieu avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif, que les griefs de l’auteur ont été examinés par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et que la plainte est manifestement infondée ou insuffisamment étayée.

4.2L’État partie fait observer que le Protocole facultatif est entré en vigueur le 6 septembre 2009 et que l’incident central que constitue le licenciement de l’auteur a eu lieu le 10 juillet 2006. Toutes les audiences judiciaires consacrées à la question du licenciement de l’auteur se sont tenues avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. L’État partie estime que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu de l’alinéa f de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.3L’État partie signale par ailleurs que l’auteur a déposé une plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a déclaré sa requête irrecevable au motif qu’elle «ne faisait pas apparaître de violation des droits et libertés énoncés dans la Convention ou dans ses Protocoles». L’État partie fait valoir que la Cour a examiné la requête de l’auteur quant au fond et que la communication devrait donc être jugée irrecevable en vertu de l’alinéa c de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.4Enfin, l’État partie fait valoir que d’autres organes créés en vertu de traités relatifs aux droits de l’homme ont estimé que le Comité ne saurait se substituer aux autorités nationales pour apprécier les faits. La présente communication porte sur les mêmes faits que ceux qui ont été présentés pour contester la décision de licenciement devant les tribunaux nationaux. Le tribunal national a examiné les faits et rejeté les griefs de l’auteur. Ce dernier n’a pas expliqué en quoi les autorités nationales auraient contrevenu à la Convention dans la façon dont elles ont traité le recours engagé par l’auteur contre la décision de le licencier. L’État partie soutient que l’auteur ne conteste pas l’existence d’une législation interdisant la discrimination directe et indirecte et l’application d’un traitement moins favorable sur la base du handicap sur le lieu de travail (loi de 1995 sur la discrimination fondée sur le handicap). Il affirme qu’en contestant la décision de l’Employment Tribunal, l’auteur demande en réalité au Comité de passer outre les conclusions du tribunal national, sans fournir aucune preuve pouvant étayer son allégation selon laquelle le système judiciaire de l’État partie aurait agi de telle manière qu’il aurait toléré la discrimination alléguée. Il estime donc que la communication est manifestement infondée ou insuffisamment motivée, en vertu de l’alinéa e de l’article 2 du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 4 mars 2012, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie et a noté que la dernière décision de justice portant sur les faits de l’affaire avait été prise le 12 février 2010, ce qui démontrait que les faits avaient persisté après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif et persistaient encore.

5.2Au sujet de sa requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, l’auteur fait valoir qu’elle portait sur un grief que l’Employment Tribunal avait rejeté, concernant la question des aménagements raisonnables. Il a aussi engagé un autre recours portant sur des infractions présumées à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, se déclarant victime de discrimination et de violations de son droit à une procédure équitable et d’autres droits. Une autre requête a également été présentée en décembre 2010 au sujet de la condamnation aux dépens prononcée à son encontre. Le 29 mars 2011, la Cour européenne des droits de l’homme l’a informé que sa requête initiale et toutes celles qui y avaient été jointes avaient été déclarées irrecevables par un juge unique. L’auteur fait valoir que la Convention relative aux droits des personnes handicapées assure à ces personnes une protection beaucoup plus large que la Convention européenne des droits de l’homme, dans laquelle la question du handicap n’est même pas abordée. Il fait également observer que dans sa lettre du 29 mars 2011, la Cour européenne des droits de l’homme dit faire «la présente communication conformément au paragraphe 1 de l’article 52A du Règlement de la Cour, qui prévoit qu’une décision de procédure peut être prise sans autre examen». La requête de l’auteur a donc été rejetée pour des motifs de procédure et n’a pas été examinée quant au fond.

5.3Concernant l’argument de l’État partie selon lequel sa plainte est manifestement infondée et insuffisamment motivée, l’auteur déclare qu’il ne demande pas au Comité de se substituer aux autorités nationales pour apprécier les faits, mais d’établir si l’État partie a violé la Convention, en se fondant sur les articles de la Convention et sur les faits et preuves pouvant attester d’une violation des articles pertinents de la Convention. Il affirme que sa requête explicitait suffisamment les faits et les arguments relatifs aux violations présumées de la Convention. Il ajoute que les jugements qui ont été rendus suffisent à prouver que les autorités de l’État partie ont déclaré à maintes reprises que l’affirmation selon laquelle le diabète entraînerait des absences pour maladie n’était pas discriminatoire.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits des personnes handicapées doit, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif et à l’article 65 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

6.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’incident central que constitue le licenciement de l’auteur a eu lieu le 10 juillet 2006 et que toutes les audiences consacrées aux faits relatifs à ce licenciement se sont tenues avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif le 6 septembre 2009. Il note également que l’auteur a fait valoir que la dernière décision de justice concernant les faits de l’affaire a été prise le 12 février 2010 et que les faits ont donc persisté après la date de l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie.

6.3En ce qui concerne le critère de recevabilité ratione temporis prévu à l’alinéa f de l’article 2 du Protocole facultatif, le Comité fait observer que la Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour l’État partie respectivement le 7 juillet 2009, conformément au paragraphe 2 de l’article 45 de la Convention, et le 6 septembre 2009, conformément au paragraphe 2 de l’article 13 du Protocole facultatif. Le Comité note que l’auteur a été licencié le 10 juillet 2006 et qu’il a déposé une plainte auprès de l’Employment Tribunal le 25 août 2006, plainte qui a été rejetée en juillet et août 2007. Le 24 octobre 2007, l’auteur a interjeté appel auprès de l’Employment Appeal Tribunal, qui a rejeté sa requête le 19 décembre 2007. Le 12 février 2010, la Court of Session a refusé d’autoriser l’auteur à faire appel de la décision de l’Employment Appeal Tribunal.

6.4Le Comité considère qu’en vertu de l’alinéa f de l’article 2 du Protocole facultatif, il ne peut pas examiner des violations présumées de la Convention survenues avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie concerné, dans le cas présent le 6 septembre 2009, à moins que les faits aient continué après cette date.

6.5Le Comité constate que le grief de l’auteur qui affirme que son licenciement du poste de responsable de la prestation de services était fondé sur l’idée que son handicap pourrait entraîner des périodes d’absence prolongée pour maladie, et était donc discriminatoire, a été examiné par les autorités judiciaires de l’État partie quant au fond, notamment pendant des audiences. Or, le licenciement et l’examen judiciaire ont eu lieu avant l’entrée en vigueur de la Convention et du Protocole facultatif pour l’État partie. En outre, le 12 février 2010, soit après l’entrée en vigueur des deux instruments, la Court of Session a refusé d’autoriser l’auteur à former un nouveau recours et a indiqué que «les évaluations des éléments de preuve étaient du ressort de l’Employment Tribunal et qu’aucune erreur de droit n’avait été décelée». Le Comité estime que, de par sa nature, cette dernière décision ne constituait pas en soi un acte qui réitère le contenu des décisions des juridictions inférieures ayant statué sur la question de la discrimination soulevée par l’auteur et que, par conséquent, elle ne fait pas apparaître de violation des droits de ce dernier au titre de la Convention. Le Comité conclut donc que les violations présumées se sont produites avant l’entrée en vigueur pour l’État partie de la Convention et du Protocole facultatif, qui ne peuvent pas être appliqués rétroactivement et que, de ce fait, l’alinéa f de l’article 2 du Protocole facultatif l’empêche ratione temporis d’examiner la communication.

6.6Étant donné que le Comité a décidé de déclarer la communication irrecevable en application du principe ratione temporis, il ne se prononcera pas sur sa recevabilité en vertu des alinéas c et e de l’article 2 du Protocole facultatif, en ce qui concerne les droits invoqués par l’auteur.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable ratione temporis en vertu de l’alinéa f de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en arabe, en chinois, en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]