NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/79/Add.118

25 avril 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l'homme

République du Congo

Observations finales sur le deuxième rapport périodique de la République du Congo

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la République du Congo (CCPR/C/63/Add.5) à ses 1813ème et 1814ème séances (CCPR/SR.1813 et 1814) les 13 et 14 mars 2000, et adopté ses observations finales à ses 1823ème et 1824ème séances (CCPR/SR.1823 et 1824) les 21 et 22 mars 2000.

Introduction

2.Le Comité a accueilli avec intérêt la présentation du deuxième rapport périodique de la République du Congo, ainsi que les renseignements écrits complémentaires portant sur la période qui s’est écoulée depuis la présentation de ce rapport. Il a pris également note de l’engagement de la délégation à présenter des informations supplémentaires portant notamment sur l’application du Pacte par les tribunaux congolais.

3.Le Comité exprime sa satisfaction pour les efforts fournis par la délégation en vue de donner des réponses aux questions posées. Il regrette, cependant, la présentation du rapport avec six ans de retard, et de manière plutôt formelle, se limitant à la description de données juridiques sans référence à leur mise en œuvre pratique. Il regrette que les renseignements précis qu’il avait sollicités n’aient pas été pleinement fournis.

4.Le Comité note que la délégation a admis elle-même que, pendant les guerres civiles que le Congo a connues depuis 1993-1994, de graves violations des droits de l’homme se sont produites et que l’établissement de la paix et la réconciliation constituent aujourd’hui des priorités fondamentales.

5.Le Comité prend note des déclarations tendant à préparer les conditions favorables au respect des droits de l’homme et au fonctionnement des institutions congolaises dans le cadre de l’état de droit. Il enregistre la programmation d’un référendum constitutionnel au titre de l’année 2000 et d’élections présidentielles au titre de l’année 2001.

6.Le Comité prend note des renseignements fournis par la délégation au sujet de la création, avant la fin de l’année 2000, d’une commission nationale des droits de l’homme, ainsi qu’au sujet de l’organisation d’une campagne d’éducation et de sensibilisation aux droits de l’homme.

Principaux aspects positifs

7.Le Comité exprime sa satisfaction quant au retour à leurs foyers de plus de la moitié des personnes déplacées et espère que ce processus, ainsi déclenché, aboutira à son terme dans les meilleurs délais. Il se félicite, également, du mouvement de retour des réfugiés ainsi que de celui de réintégration dans leurs villages des personnes qui se sont enfuies dans les forêts.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité est gravement préoccupé par les renseignements relatifs aux exécutions sommaires et extrajudiciaires, aux disparitions et aux détentions arbitraires commises au cours des sept dernières années par les forces armées, mais aussi par les milices et autres groupes paramilitaires ainsi que par des soldats étrangers, contrairement aux articles 6, 7 et 9 du Pacte.

L’État partie devrait entreprendre toutes les enquêtes et invest i gations appropriées sur ces crimes, poursuivre en justice les responsables, et prévoir les mesures nécessaires à la protection efficace du droit à la vie et à la sécurité des perso n nes.

9.Le Comité regrette que les renseignements précis qu’il avait sollicités au sujet de la condition de la femme n’aient pas été pleinement fournis.

L’État partie devrait faire le nécessaire pour améliorer la part i cipation de la femme, sans discrimination, à la vie politique et sociale, conformément à l’article 3 du Pacte. Il devrait fournir dans le prochain rapport de plus amples renseignements – y compris des données chiffrées – sur la situation de la femme.

10.Le Comité juge également gravement préoccupant le phénomène de viol des femmes ainsi que des autres violences commises à leur égard par des hommes armés et s’inquiète de leur ampleur ainsi que de la continuation de ces crimes, contrairement aux obligations imposées par les articles 3, 7 et 9 du Pacte.

L’État partie devrait fournir aux femmes la protection et le so u tien nécessaires, agir pour la réinsertion dans la société des femmes violées, et mettre tout en œuvre pour découvrir les a u teurs de ces crimes et les poursuivre en justice.

11.Le Comité s’inquiète de la persistance du phénomène de la polygamie, en violation des articles 3 et 26 du Pacte.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires à l’abolition de la polygamie et adopter et appliquer des mesures éducatives susceptibles de la prév e nir.

12.Le Comité constate que la volonté politique d’amnistie pour les crimes commis pendant les périodes de guerre civile peut comporter une forme d’impunité qui serait incompatible avec le Pacte. Il considère que les textes, en vertu desquels sont amnistiées des personnes ayant commis des crimes graves, ne permettent pas d’assurer le respect des obligations souscrites par la République du Congo au titre du Pacte et spécialement du paragraphe 3 de l’article 2 qui exige un recours utile à toute personne dont les droits et libertés reconnus par le Pacte ont été violés. Le Comité réitère l’opinion exprimée dans son observation générale No 20 selon laquelle les lois d’amnistie sont généralement incompatibles avec le devoir de l’État partie d’enquêter sur les violations des droits de l’homme, de garantir le droit d’être à l’abri de telles violations dans les limites de sa juridiction et de s’assurer que des violations similaires ne se produiront pas à l’avenir.

L’État partie devrait garantir l’investigation au sujet de ces gr a ves violations des droits de l’homme, la poursuite en justice des responsables, et la réparation adéquate aux victimes ou à leurs familles.

13.Le Comité est préoccupé par le recours à la torture, aux traitements cruels, inhumains ou dégradants et par la non-criminalisation en droit interne de la torture en tant que telle de manière à ce qu’il ne soit plus possible de traiter les cas de torture comme de simples cas de "coups et blessures volontaires".

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces, conform é ment aux articles 7 et 10 du Pacte, pour combattre la torture, criminaliser en droit interne la torture et autres peines et trait e ments cruels, inhumains ou dégradants, sanctionner les auteurs de tels crimes et éviter à l’avenir de traiter les cas de torture comme des cas de "coups et blessures volontaires".

14.Le Comité exprime sa préoccupation quant aux atteintes à l’indépendance de la magistrature en violation de l’article 14, paragraphe 1, du Pacte. Il souligne les limites de cette indépendance du fait de l’inexistence, en fait, d’un mécanisme indépendant ayant en charge le recrutement et la discipline des juges ainsi que du fait des pressions et des influences multiples, dont celles de l’exécutif, auxquelles sont soumis les magistrats.

L’État partie devrait prendre les dispositions appropriées pour assurer l’indépendance de la magistrature, notamment par la modification des règles de composition et de fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature et sa mise sur pied effe c tive. Le Comité estime qu’une attention particulière devrait être accordée à la formation des juges ainsi qu’au régime de leur r e crutement, et de leur discipline, de manière à les mettre à l’abri de pressions politiques, financières et autres, à assurer leur s é curité de carrière et à mieux les soutenir pour rendre une justice prompte et impartiale. Il invite l’État partie à adopter des mes u res efficaces à cet effet et à prendre les initiatives appropriées pour assurer une formation adéquate à des juges en plus grand no m bre.

15.Le Comité relève les conditions précaires des prisonniers détenus hors de la prison centrale de Brazzaville, qui sont incompatibles avec l’article 10 du Pacte.

L’État partie devrait assurer les conditions minima à l’ensemble des prisonniers et leur fournir, notamment, l’assistance méd i cale nécessaire.

16.Le Comité regrette que la République du Congo maintienne sa réserve au sujet de l’article 11 du Pacte.

Il appelle l’État partie à retirer cette réserve, à rendre les art i cles 386 à 393 du Code de procédure civile, commerciale, adm i nistrative et financière compatibles avec le Pacte, et à veiller à ce que personne ne soit détenu à cause d’une dette.

17.Le Comité s’inquiète des violations du secret de la correspondance en République du Congo et des conséquences auxquelles elles donnent lieu.

Il rappelle à l’État partie les obligations que lui impose, à cet égard, l’article 17 du Pacte et l’invite à élaborer des règles et procédures garantissant le secret de la correspondance et san c tionnant sa violation.

18.Le Comité est gravement préoccupé par la tendance des groupes et associations politiques à recourir aux moyens d’expression violents et à mettre sur pied des structures paramilitaires encourageant la haine ethnique et incitant à la discrimination et à l’hostilité.

Le Comité appelle l’État partie, conformément aux articles 20 et 22 du Pacte, à prendre des mesures efficaces en vue de comba t tre la haine, la violence et la discrimination et d’imposer des r è gles de conduite et de comportement, à l’ensemble des acteurs et forces politiques, compatibles avec les droits de l’homme, la d é m o cratie et l’état de droit.

19.Le Comité est préoccupé par la croissance du nombre des enfants en situation vulnérable du fait notamment des guerres civiles. Il est gravement préoccupé, notamment, par l’enrôlement d’enfants dans les groupes et milices armés.

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour prendre en charge ces enfants, les assister, leur assurer un développement adéquat et adopter les mesures de protection qu’exige leur condition de m i neur conformément à l’article 24 du Pacte.

20.Le Comité constate avec préoccupation que le peuple congolais n’a pas été mis en mesure, en raison du report des élections générales, d’exercer, conformément à l’article 1 du Pacte, son droit à l’autodétermination, et que les citoyens congolais ont été privés de l’opportunité de participer à la direction des affaires publiques conformément à l’article 25 du Pacte.

Le Comité appelle l’État partie à organiser au plus tôt des éle c tions générales afin de permettre à ses citoyens d’exercer leurs droits conformément aux articles 1 et 25 du Pacte et ainsi de participer au processus de reconstruction du pays.

21.Le Comité regrette l’absence de renseignements spécifiques sur les différentes ethnies au Congo et en particulier sur les Pygmées, ainsi que sur les mesures prises pour assurer, en même temps, leur pleine et égale jouissance des droits civils et politiques et le respect des droits qui leur sont reconnus à l’article 27 d’avoir leurs propres traditions culturelles.

De plus amples renseignements sur cette question et sur les mes u res prises pour protéger les droits de personnes appartenant à des minorités devraient être fournis dans le troisième ra p port périodique de l’État partie.

22.L’État partie doit présenter son troisième rapport périodique, attendu avant le 31 mars 2000, en tenant compte des directives unifiées concernant les rapports des États parties (CCPR/C/66/GUI). Il doit assurer une vaste diffusion à son troisième rapport périodique et aux présentes observations. Dans ce rapport, il doit fournir, notamment, des renseignements sur lesdites observations et sur les mesures de suivi prises à cet égard.

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