NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/79/Add.121

25 avril 2000

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l'homme

Guyana

VERSION PRÉLIMINAIRE NON ÉDITÉE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l'homme

Guyana

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Guyana (CCPR/C/GUY/99/2) à ses 1829ème et 1830ème séances, tenues les 24 et 27 mars 2000 et a adopté, à sa 1836ème séance le 30 mars 2000, les observations finales ci-après :

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du deuxième rapport périodique du Guyana. Il se félicite d'avoir eu l'occasion d'examiner le rapport de l'État partie après une période de plus de 10 ans au cours de laquelle l'État partie a négligé de s'acquitter de ses obligations en matière d'établissement de rapports découlant de l'article 40 du Pacte. Il regrette que le rapport ne traite de la situation que pour la période allant jusqu'à 1987 et qu'il ne contienne pas d'informations sur la mise en œuvre dans la pratique des droits protégés par le Pacte.

3.Le Comité remercie l'État partie d'avoir fourni des copies des textes de loi au cours de la session, mais regrette que la délégation n'ait pas été en mesure de fournir des renseignements complets sur la situation existant dans l'État partie, en réponse à la liste des points à traiter et aux questions des membres du Comité. Il fait observer que la liste des points à traiter a été communiquée à l'État partie quelques mois avant le début de la session. Certaines informations écrites ont été utilement fournies au Comité au cours des débats, mais elles n'ont pas apporté toutes les réponses aux questions posées.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction les efforts entrepris par l'État partie dans son processus de transition vers la règle démocratique, pour aligner un grand nombre des dispositions de sa législation interne sur les normes internationales.

5.Le Comité se félicite de la promulgation de la loi de 1996 sur la violence dans la famille et de son application aux enfants.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité constate avec préoccupation que la totalité des droits énoncés dans le Pacte n'a pas été incorporée dans la Constitution en vigueur et ne peut donc pas être directement appliquée. Aucune information n'a été fournie sur les moyens permettant de donner effet aux droits énoncés dans la Constitution et de remédier aux violations de ces droits. Le Comité note qu'un processus de réforme constitutionnelle est en voie d'achèvement dans l'État partie, mais regrette que la délégation n'ait pas pu décrire avec précision la façon dont l'exercice des droits énoncés dans le Pacte sera assuré en vertu de la nouvelle Constitution.

L'État partie devrait veiller à ce que tous les droits énoncés dans le Pacte soient garantis dans la législation interne et devrait envisager d'incorporer ces droits dans la nouvelle Constitution. Il devrait également indiquer la façon dont la nouvelle Cour d'appel des Caraïbes traitera des voies de recours offertes aux personnes se déclarant victimes de violations de leurs droits fondamentaux.

7.Le Comité regrette que la peine de mort continue à être appliquée et est particulièrement préoccupé par le fait que les garanties de procédure d'un procès équitable n'ont pas toujours été respectées lorsque la peine de mort a été prononcée, contrairement aux dispositions des articles 6 et 14 du Pacte.

L'État partie est encouragé à envisager d'abolir la peine de mort. Il doit prendre des mesures pour veiller au strict respect des garanties de procédure dans toutes les affaires pénales.

8.Le Comité regrette le manque d'informations concernant le droit à l'aide juridictionnelle dans la pratique pour les personnes accusées d'infractions pénales et demande instamment à l'État partie de veiller à s'acquitter pleinement de ses obligations à cet égard en vertu de l'article 14 du Pacte.

9.Le Comité regrette que l'État partie n'ait pas pris de mesures pour donner suite aux constatations qu'il a adoptées concernant la communication No 676/1996 (Yasseen et Thomas c. Guyana) en vertu du Protocole facultatif.

L'État partie est prié de donner pleinement suite aux constatations du Comité concernant la communication No 676/1996 et de retirer formellement la réserve qu'il a formulée lors de sa réadhésion au Protocole facultatif. L'État partie devrait envisager d'adopter des procédures appropriées de prise en compte des constatations formulées par le Comité en vertu du Protocole facultatif.

10.Le Comité est profondément inquiet des allégations selon lesquelles la police procéderait à des exécutions extrajudiciaires dans l'État partie et des informations reçues faisant état de brutalités généralisées de la part de la police. Il constate en outre avec préoccupation que l'État partie n'a pas été en mesure de fournir de renseignements concernant les incidents particuliers sur lesquels le Comité avait appelé l'attention.

Les allégations d'exécutions extrajudiciaires et de recours excessif à la force devraient faire rapidement l'objet d'enquêtes de la part d'un organe impartial et des mesures devraient être prises pour veiller à ce que les responsables soient poursuivis et à ce que les victimes disposent de recours utiles. Tous les responsables de l'application des lois devraient recevoir une formation approfondie en matière de normes internationales relatives aux droits de l'homme, en particulier aux droits énoncés dans le Pacte (art. 6, 7 et 10).

11.L'État partie devrait inclure dans son prochain rapport des informations détaillées sur le rôle et les fonctions de l'Autorité chargée de recevoir les plaintes contre la police, sur les mesures prises pour garantir son indépendance et son impartialité, sur ses rapports avec d'autres mécanismes d'enquête de la police et sur l'application et l'efficacité de ses décisions et recommandations (art. 6 et 7).

12.Le Comité note avec préoccupation que les châtiments corporels sont encore en usage dans l'État partie et regrette le manque d'informations précises sur cette question.

L'État partie devrait prendre des mesures juridiques et autres pour éliminer cette pratique (art. 7).

13.Le Comité est préoccupé par la faible proportion de femmes dans la population active et leur faible taux de participation à la conduite des affaires publiques. Il regrette que l'État partie n'ait pas pu donner de renseignements sur l'application et les effets de la loi antidiscrimination de 1997 ou de la loi sur l'égalité des droits de 1990. Il est également préoccupé par l'apparente contradiction entre l'article 29 de la Constitution, qui consacre l'égalité des droits des femmes et des hommes, et l'article 149 3) b), qui exclut du principe de l'interdiction de la discrimination l'application des lois relatives au mariage, au divorce et à l'héritage.

Il est demandé à l'État partie de prendre des mesures positives pour garantir l'égalité des chances des femmes dans tous les domaines et veiller à ce que les principes de l'égalité et de la non‑discrimination pour quelque motif que ce soit dans tous les domaines d'activité soient pleinement consacrés dans la nouvelle Constitution.

14.Le Comité note avec préoccupation que la loi de 1996 sur la violence dans la famille semble avoir été très peu appliquée et s'inquiète du manque d'informations concernant l'incidence de la loi sur l'élimination des cas de violence à l'égard des femmes.

Le personnel de la police et les autres responsables de l'application des lois devraient recevoir une formation visant à leur faire saisir l'importance de veiller à ce que les femmes victimes de violence bénéficient d'une égale protection et à ce que les mesures de prévention et les sanctions soient appliquées.

15.Le Comité regrette que la loi relative à l'arrestation et à l'inculpation des suspects ne semble pas être conforme aux dispositions de l'article 9 du Pacte, du fait qu'elle ne prévoit ni le droit des personnes d'être traduites rapidement devant un juge ni le droit obligatoire à indemnisation de la part de l'État en cas d'arrestation illégale. Le Comité regrette profondément que la durée de la détention avant jugement puisse être prolongée jusqu'à trois ou quatre ans.

L'État partie devrait réviser sa législation sur l'arrestation et la détention et prendre des mesures juridiques et autres efficaces pour réduire la durée de la détention avant jugement et veiller au plein respect des paragraphes 3) et 5) de l'article 9 du Pacte.

16.Le Comité est profondément préoccupé par le fait que des enfants, y compris des enfants de moins de 10 ans, soient placés en détention préventive.

L'État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour veiller à ce que des enfants ne soient pas détenus avec des adultes et à ce que les jeunes enfants ne soient jamais placés en détention (art. 10 2) et 24).

17.Le Comité se déclare profondément préoccupé par les conditions carcérales très éprouvantes (art. 10 du Pacte), notamment par le manque d'hygiène et l'insuffisance de la nourriture et des soins médicaux, causes de maladies et de décès. Cette situation est aggravée par le recours excessif à l'incarcération à titre de châtiment ou de mesure préventive et par le surpeuplement des prisons.

Il est rappelé à l'État partie son obligation en vertu de l'article 10 de veiller à ce que toute personne privée de sa liberté soit traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. L'État partie est encouragé à envisager d'appliquer plus largement des formes de châtiment autres que l'incarcération ou des mesures de prévention.

18.Le Comité note qu'il est proposé de recruter des juges à temps partiel et temporaires pour traiter de l'arriéré des affaires en attente d'examen.

L'État partie est prié de veiller à ce que ces mesures ne portent pas atteinte à la compétence, à l'indépendance et à l'impartialité des instances judiciaires.

19.Le Comité note avec préoccupation que la liberté d'expression risque d'être indûment restreinte du fait que le Gouvernement exerce un monopole sur les services de radiodiffusion. Il s'inquiète également du manque de voies de recours appropriées pour les journalistes qui ont été victimes de violences ou de harcèlement aux mains de la police ou d'autres autorités (art. 19).

L'État partie devrait lever les restrictions à la liberté d'expression qui sont incompatibles avec le paragraphe 3) de l'article 19 et devrait veiller à ce que toute personne dont les droits en vertu de l'article 19 du Pacte ont été violés dispose de recours utiles.

20.Le Comité est préoccupé par le peu d'attention accordée à la nécessité d'une composition multiethnique des forces de police et par les informations faisant état de tensions ethniques considérables ainsi que par les manifestations d'incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence pour motifs raciaux.

L'État partie devrait encourager le recrutement dans les forces de police de membres appartenant à toutes les communautés ethniques et veiller au strict respect du paragraphe 2 de l'article 20 du Pacte en imposant l'interdiction de l'incitation à l'hostilité raciale et en prenant des mesures pour réduire les tensions ethniques entre tous les différents groupes de population du Guyana.

21.Le Comité regrette que l'État partie n'ait pas encore modifié la loi sur les Amérindiens et est préoccupé par le fait que les membres de la minorité amérindienne ne jouissent pas pleinement du droit à l'égalité devant la loi. Il s'inquiète en particulier de ce que le droit des Amérindiens à jouir de leur propre culture est menacé par l'exploitation des forêts, l'exploitation minière et les retards pris dans la délimitation de leurs terres traditionnelles, de ce que, dans certains cas, les terres délimitées n'ont pas la superficie suffisante pour leur permettre d'exercer leurs activités économiques traditionnelles et de ce qu'il n'existe pas apparemment de moyens efficaces permettant aux membres des communautés amérindiennes de faire valoir leurs droits en vertu de l'article 27.

L'État partie doit veiller à la mise en place de mesures efficaces de protection permettant aux membres des communautés amérindiennes de participer à la prise des décisions les concernant et de faire valoir leur droit à exercer les droits qui leur sont reconnus en vertu du Pacte.

22.Le Comité appelle l'attention de l'État partie sur les nouvelles directives qu'il a énoncées pour l'établissement des rapports (CCPR/C/66/GUY/Rev.1). Le troisième rapport périodique devrait être établi conformément à ces directives, une attention particulière étant accordée à la mise en œuvre des droits dans la pratique. Il devrait indiquer les mesures prises pour donner effet aux présentes observations finales. Le troisième rapport périodique devrait être soumis le 31 mars 2003.

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