NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/79/Add.120

25 avril 2000

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Soixante-huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Mongolie

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Mongolie

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Mongolie (CCPR/C/103/Add.7) à ses 1825ème et 1826ème séances, tenues les 22 et 23 mars 2000, et a adopté les observations ci-après à la 1835ème séance, tenue le 29 mars 2000.

A. Introduction

2.Le Comité accueille favorablement la présentation du quatrième rapport périodique de la Mongolie, qui contient des renseignements précieux sur les faits saillants intervenus dans le pays sur le plan juridique, et se réjouit d’avoir l’occasion d’examiner le rapport dans le cadre d’une discussion franche avec la délégation. Toutefois, le Comité regrette vivement le manque d’informations, non seulement dans le rapport, mais aussi dans nombre des réponses données verbalement par la délégation, au sujet de la jouissance des droits énoncés dans le Pacte. Cette absence d’informations empêche le Comité d’évaluer comme il convient la situation pour ce qui est de l’application du Pacte.

3.Le Comité constate les progrès tangibles accomplis sur la voie de la mise en place d’institutions démocratiques et l’application d’une législation visant à garantir de nombreux droits énoncés dans le Pacte.

B. Aspects positifs

4.Le Comité apprécie que l’État partie ait tenu compte dans le rapport de ses observations finales formulées à l’issue de son examen du troisième rapport périodique.

5.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a accueilli favorablement une aide internationale en matière de création d’institutions et de renforcement des capacités, en particulier pour ce qui a trait à la défense des droits de l’homme.

6.Le Comité se félicite de la loi sur la liberté de la presse. Il se réjouit également des améliorations intervenues au sujet de la liberté d’association, grâce à la loi de 1997 sur les organisations non gouvernementales et l’apparition d’un barreau libre.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le statut du Pacte en droit interne est mal défini, étant donné que la Constitution (par. 3 de l’article 10) coexiste avec des lois de rang inférieur; le Comité a constaté qu’il n’a été fait état d’aucun exemple de cas où un article du Pacte aurait été invoqué devant un tribunal.

Il devrait être précisé par la loi que les droits inscrits dans le Pacte l’emportent et priment le droit interne en cas de conflit.

8.Il subsiste de nombreux sujets de préoccupation pour ce qui est de la discrimination à l’égard des femmes et de l’incapacité de celles-ci à jouir pleinement des droits énoncés dans le Pacte (art. 3 et 26 du Pacte). En particulier, l’attention a été appelée sur les éléments suivants :

a)La détérioration générale de la condition de la femme dans la société, en particulier dans le domaine politique, malgré leur haute compétence;b)Le grave problème de la mortalité maternelle, imputable entre autres aux avortements non médicalisés et à l’absence de conseils et de services de planning familial;c)La discrimination à l’égard des femmes en matière d’emploi dans le secteur privé, allant de pair avec l’impunité de fait des employeurs malgré les jugements des tribunaux;d)L’absence de poursuites contre les personnes se livrant au proxénétisme ou de mesures efficaces de lutte contre la traite des femmes;e)L’augmentation de la violence dans la famille et l’absence de poursuites des auteurs d’actes de violence en vertu de l’article pertinent du code de procédure pénale;f)La nécessité de prouver la violence afin d’obtenir une condamnation pour viol;

g)La non-pénalisation du viol conjugal;Le prochain rapport devrait contenir des données statistiques beaucoup plus détaillées sur la situation des femmes du point de vue de leur participation à la vie publique, à l’emploi dans le secteur privé et à d’autres aspects. Il devrait également donner des précisions sur le programme national d’amélioration de la condition de la femme en Mongolie et sur les autres mesures prises pour lutter contre toutes ces formes de violation des droits de l’homme sur les plans administratif, médical, éducatif et juridique. Des poursuites devraient être engagées en cas de violations lorsqu’elles constituent des délits et les voies de recours au civil devraient être appliquées.

9.Le Comité regrette de ne pas avoir été réellement en mesure de se rendre compte de la façon dont les procédures judiciaires de l’État partie garantissent les droits consacrés à l’article 14 du Pacte, faute d’avoir trouvé des informations à ce sujet dans le rapport ou dans les réponses de la délégation aux questions posées oralement.

Le prochain rapport devrait contenir des informations détaillées sur :a)Les menaces de tous genres à l’indépendance et à l’impartialité du pouvoir judiciaire, y compris celles qui pourraient être liées à l’insuffisance des rémunérations;

b)Les moyens pratiques d’offrir toutes les garanties d’une procédure régulière énumérées au paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte et au paragraphe 14 de l’article 16 de la Constitution;

c)Le droit à révision judiciaire de toute condamnation, y compris celles prononcées en première instance, par la Cour suprême en vertu de l’alinéa 1 du paragraphe 1 de l’article 50 de la Constitution (par. 5 de l’article 14 du Pacte).

10.Le Comité est profondément préoccupé par le fait que le Département général chargé de l’application des décisions judiciaires, qui relève du Ministère de la justice, n’a pas été en mesure de s’assurer que les victimes de violations de droits de l’homme avaient dans la pratique la possibilité d’exercer le droit de recours qui leur est reconnu par les tribunaux (par. 3 de l’article 2 du Pacte).

Le Comité rappelle l’État partie à l’obligation que lui impose le paragraphe 3 de l’article 2 de veiller à ce que toutes les victimes de violations de droits de l’homme aient dans la pratique un droit de recours utile. L’État partie devrait s’assurer que le Département général chargé de l’application des décisions judiciaires accorde de tels recours.

11.Le Comité s’inquiète vivement de tous les aspects de la détention à titre préventif; ni le rapport ni les réponses de la délégation n’ont donné suffisamment de précisions sur :

a)Les motifs de mise en détention sans possibilité de libération sous caution;

b)Les conditions de détention en garde à vue par la police;

c)Les recours en cas de violation des droits des détenus par la police;

d)Les moyens de s’assurer que les détenus comparaissent rapidement devant un juge ou un magistrat;

e)Des statistiques sur la durée de détention, compte tenu de la durée maximale qui est de 26 mois;

f)La mesure dans laquelle le Procureur général exerce dans la pratique un contrôle sur les motifs, la durée et les conditions de détention (art. 9 du Pacte).

L’État partie devrait d’urgence appliquer sa proposition tendant à créer un système administratif spécial qui serait chargé de ces questions, offrirait des possibilités de recours aux détenus dont les droits en vertu du Pacte ont été violés et surveillerait de façon générale l’application donnée à la loi sur la détention (1999), conformément aux paragraphes 3 et 4 de l’article 9 du Pacte.

Dans son prochain rapport, l’État partie devrait donner des précisions sur les raisons qui peuvent motiver la mise en détention sur décision administrative et sur les recours dont disposent les personnes détenues dans ces conditions.

12.Le Comité est profondément préoccupé par les informations qu’il a reçues concernant des prisonniers qui seraient morts de faim au cours de la période considérée. À cet égard, il se félicite des changements intervenus récemment au niveau de la loi et de la pratique, qui font que désormais tous les prisonniers reçoivent de la nourriture. Il demeure toutefois inquiet devant le manque d’humanité des autres conditions de détention, comme l’absence de soins médicaux dispensés à temps, d’installations sanitaires et de place suffisante pour les prisonniers (art. 10 du Pacte).

Des mesures devraient être prises pour améliorer les conditions de détention, de façon que la santé des prisonniers ne souffre pas de l’emprisonnement, et pour introduire des peines alternatives; le prochain rapport périodique devrait indiquer les moyens dont disposent les prisonniers pour porter plainte en cas de mauvais traitement et l’efficacité du seul recours existant à savoir l’appel formé devant les tribunaux.

13.Le Comité prend note des catégories de personnes qui ne peuvent pas être condamnées à la peine de mort et des crimes qui ne sont pas passibles de cette peine et se félicite de la commutation en peine d’emprisonnement à vie de nombreuses condamnations à mort par la Cour suprême ou le Président (art. 6 du Pacte).

L’État partie est instamment engagé à reconsidérer l’opportunité de conserver la peine de mort.

14.La Constitution et la loi sur l’état d’urgence devraient être complètement remaniées pour garantir tous les droits énumérés à l’article 4 du Pacte auxquels il ne peut y avoir de dérogation.

15.Le Comité est préoccupé par les problèmes auxquels se heurte la population des régions reculées du territoire, tels qu’ils ont été décrits par la délégation (art. 26 du Pacte).

Il faut continuer à s’employer à assurer aux habitants des campagnes un accès à l’éducation, aux soins médicaux et à d’autres services publics auxquels ont accès ceux qui vivent dans les villes.

16.Le Comité regrette l'absence d'informations spécifiques sur la liberté de religion et de conviction et prend note de ce que la Cour constitutionnelle a, dans sa décision du 12 janvier 1994, jugé que certains aspects de la Loi sur les relations entre l'église et l'État étaient inconstitutionnels.

Dans son prochain rapport, l'État partie devrait donner des renseignements précis sur l'effet de la décision de la Cour constitutionnelle, sur les conséquences du caractère dominant du bouddhisme, et d'une façon générale, sur le régime et les pratiques juridiques concernant la liberté de religion et de conviction ainsi que sur le plein respect de l'article 18 du Pacte.

17.Le Comité note que l’État partie reconnaît aux seuls Kazakhs le statut de minorité religieuse et linguistique dont les membres jouissent des droits énoncés à l’article 27, et ce malgré l’existence de nombreuses autres minorités en Mongolie.

L’État partie devrait assurer le respect des droits de tous ceux qui appartiennent à de telles minorités, conformément à l’article 27 du Pacte.

D. Diffusion d’informations relatives au Pacte (art. 2)

18.Il faudrait que le texte du Pacte et celui du Protocole facultatif soient plus largement accessibles au public, à qui on doit expliquer que le Pacte peut être invoqué devant les tribunaux pour obtenir justice et que le Protocole offre une autre voie de recours devant le Comité des droits de l'homme.

L’État partie devrait faire une plus large place à l’éducation en matière de droits de l’homme; il devrait aussi s’efforcer d’informer et d’éduquer la population qui vit en dehors des villes ainsi que les analphabètes, par des moyens comme la radio et d’autres médias.

19.L’attention de l’État partie est appelée sur les nouvelles directives du Comité concernant les rapports présentés par les États parties (CCPR/C/66/GUI/Rev.1). Le cinquième rapport périodique devrait être établi conformément à ces directives et présenté le 31 mars 2003 au plus tard. Il devrait notamment contenir des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes observations. Le Comité demande que les présentes observations et le prochain rapport périodique soient largement diffusés en Mongolie.

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