NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/MCO/CO/4/Add.111 avril 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Observations du Gouvernement de la Principauté du Monaco

concernant les conclusions et recommandations du Comité contre la torture*

[30 mars 2006]

INTRODUCTION

1. Le Comité contre la Torture a examiné le deuxième rapport périodique de la Principauté de Monaco, les 5 et 6 mai 2004.

2.Le 14 mai 2004, le Comité a rendu publique le rapport qui comporte ses conclusions et ses recommandations.

« Après s’être félicité de la présence d’une délégation de haut niveau, qui a répondu de façon précise aux questions posées et a fait preuve d’un esprit de franche collaboration », il a constaté que la Principauté se conformait, de manière générale, aux obligations de la Convention.

Parmi les motifs de satisfaction, le Comité a noté :

l’absence d’allégation de violations de la Convention dans la Principauté ;

le processus d’adhésion de Monaco au Conseil de l’Europe ;

la réforme en cours du code pénal et du code de procédure pénale en vue d’une harmonisation avec les normes européennes relatives aux droits de l’homme ;

les contributions octroyées par Monaco chaque année depuis 1994 au Fonds de contribution volontaire des Nations Unies pour les victimes de la torture.

4.A l’effet d’améliorer les dispositions existantes dans la Principauté pour la mise en œuvre de la Convention, le Comité a formulé un certain nombre de recommandations énoncées au  point 5, à savoir :

a)Introduire en droit pénal interne une définition de la torture pleinement conforme à l’article premier de la Convention ;

Introduire dans son droit interne une disposition interdisant d’invoquer des circonstances exceptionnelles ou l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique pour justifier la torture ;

S’assurer qu’aucun refoulement ou expulsion (toujours opérés vers la France) ne sera pas opéré vers un pays tiers où les risques de torture sont encourus ;

Garantir le droit des personnes gardées à vue d’accéder à un avocat de leur choix et d’informer leurs proches dans les premières heures de leur détention ;

Réglementer l’utilisation des registres dans les locaux de police conformément aux instruments pertinents, notamment l’ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement ;

Assurer le suivi du traitement et des conditions matérielles de détention des prisonniers dans les établissements pénitentiaires français ;

Envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, dont les objectifs de prévention sont très importants.

5.En son point 7 des recommandations, le Comité demande à la Principauté de Monaco de lui fournir, d’ici un an, des renseignements sur la suite que l’Etat aura donné à ses recommandations c), d) et f).

6.Le présent document a pour objet de porter à la connaissance des membres du Comité les décisions et les dispositions prises par les Autorités monégasques en considération des recommandations dont susmentionnée.

INFORMATIONS COMPEMENTAIRES

Recommandation c)

7.Elle énonce : « Respecter le principe énoncé à l’article 3 de la Convention, y compris dans les cas d’expulsion et de refoulement des étrangers, et confère un caractère suspensif autonymique aux recours contre les décisions d’éloignement invoquant des risques de torture dans les pays de destination. Le Comité, notant que l’expulsion et le refoulement sont exclusivement opérés vers la France, rappelle que l’Etat partie doit s’assurer qu’aucun renvoi ne sera opéré vers un pays tiers où des risques de torture sont encourus ».

8.L’article 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée le 10 décembre 1984, dont s’agit énonce :

« Aucun Etat Partie n’expulsera, ne refoulera ni n’extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ».

« Pour déterminer s’il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris le cas échéant, de l’existence, dans l’Etat intéressé, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ».

9.La stipulation conventionnelle n’est pas méconnue par les Autorités monégasques. D’une part, les expulsions et refoulements sont toujours effectués du territoire de la Principauté vers le territoire de la République Française dès lors que le territoire monégasque est enclavé géographiquement dans le territoire français. Or, la France est également Etat Partie à la Convention de New York dont s’agit depuis 1986. Comme elle est tenue aux mêmes obligations que la Principauté, les personnes expulsées ou refoulées vers le territoire français ne sont pas susceptibles d’être l’objet d’une mesure d’expulsion ou de refoulement à destination d’un Etat où existeraient des risques de torture. D’ailleurs jusqu’à présent, les Autorités monégasques n’ont

pas connaissance du renvoi d’une personne expulsée ou refoulée vers un Etat où elle aurait été exposée à un risque de même nature.

10.Au surplus, les conventions bilatérales relatives à l’extradition conclues récemment par la Principauté de Monaco avec un Etat étranger comportent une stipulation qui prévoit la faculté pour les Autorités monégasques d’opposer un refus à toute demande d’extradition lorsque des informations avérées ou des présomptions graves et concordantes accréditent l’existence d’un risque de torture, de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants serait encouru par la personne dont l’extradition est sollicitée.

11.Ainsi, la Convention d’extradition entre le Gouvernement de S.A.S. le Prince de Monaco et la République française, du 11 mai 1992, stipule en son art.7.-5, que l’extradition peut être refusée « si, pour des considérations humanitaires, la remise de la personne réclamée est susceptible d’avoir pour elle des conséquences d’une gravité exceptionnelle, en raison de son âge ou de son état de santé ».

12.De même, la Convention d’extradition entre le Gouvernement de S.A.S. le Prince de Monaco et le Gouvernement de l’Australie, du 19 octobre 1988, dispose en son art. 4-2 que l’extradition n’est pas accordée «b-  lorsqu’il y a des raisons sérieuses de croire qu’une demande d’extradition motivée par une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinion politiques ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une ou l’autre des raisons ».

13.En l’absence de disposition conventionnelle, la norme applicable est constituée par l’article 6, alinéa 2, de la loi n° 1.222 du 28 décembre 1999 relative à l’extradition qui énonce : «L’extradition peut être également refusée si l’infraction pour laquelle elle est demandée est punie de la peine capitale par la loi de l’Etat requérant sauf si ledit Etat donne des assurances jugées suffisantes par la Principauté que la personne poursuivie ne soit pas condamnée à mort ou, si une telle condamnation a été prononcée qu’elle ne soit pas exécutée, ou que la personne poursuivie ne soit pas soumise à un traitement portant atteinte à son intégrité corporelle ».

14.Dès lors, en l’état des normes internationales et des normes de droit interne, les mesures d’expulsion ou de refoulement décidées par les Autorités monégasques ne sont pas susceptible d’exposer les personnes concernées à des traitements de la nature de ceux que la Convention de New York prohibe.

Recommandations d)

15.Elle énonce « Garantir le droit des personnes gardées à vue d’accéder à un avocat de leur choix et d’informer leurs proches dans les premières heures de la détention ».

16.Conscientes que les dispositions du Code de procédure pénale ne sont pas conformes aux exigences des normes internationales, notamment la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée le 10 décembre 1984, les Autorités monégasques ont engagé la procédure tendant à la modification des

dispositions non conformes dudit code. Toutefois, le processus de réformation de la loi requiert une durée plus longue que celle initialement prévue.

17.Tel qu’il est présentement conçu, le projet de loi portant modification du Code de procédure pénale prévoit notamment que :

a)la personne placée en garde à vue est immédiatement avisée des faits objet de l’enquête sur lesquels elle a à s’expliquer ;

b)la personne placée en garde à vue a le droit d’être examinée par un médecin qui doit notamment se prononcer sur l’aptitude au maintien de la mesure ;

la personne placée en garde à vue peut faire prévenir aussitôt par téléphone ses proches ou son employeur, de la mesure dont elle fait l’objet ;

la personne placée en garde à vue, peut dès le début de la garde à vue demander à s’entretenir avec un avocat de son choix ou commis d’office qui est informé de la nature et de la date présumée de l’infraction et qui présente à la fin de cet entretien, garanti sur le plan confidentiel, des observations écrites jointes à la procédure ;

le procès verbal d’audition de toute personne gardée à vue mentionne la date et l’heure du début de la garde à vue, et, le cas échéant, celles de son renouvellement ; la date et l’heure auxquelles est intervenue la notification des droits ; la date et l’heure où la personne en garde à vue a fait l’usage de ses droits ; la durée des auditions, ainsi que les heures auxquelles elle a pu s’alimenter ; la date et l’heure de sa remise en liberté ou de sa conduite devant le procureur général. Ces mentions sont émargées par la personne gardée à vue et doivent figurer sur un registre spécial.

18.Par ailleurs, les normes juridiques qui régissent l’organisation et le fonctionnement de la Maison d’Arrêt de la Principauté de Monaco et conséquemment le régime juridique des personnes détenues dans cet établissement pénitentiaire a été profondément modifié à l’effet d’être mis en conformité avec les standards internationaux requis en ce domaine, par l’ordonnance souveraine n°69, du 23 mai 2005 portant règlement de la Maison d’Arrêt (document ci-annexé).

Recommandation f)

19.Elle énonce : « Assurer le suivi du traitement et des conditions matérielles de détention des prisonniers dans les établissements pénitentiaires français ».

20.En application de l’article 14 de la Convention de voisinage franco-monégasque du 18 mai 1963, des personnes condamnées par les juridictions monégasques peuvent être transférées dans des établissements pénitentiaires situés sur le territoire français à l’effet d’y purger une partie de leur peine privative de liberté.

21.D’une part, le transfert ne concerne que quelques personnes. D’autre part, il peut être justifié soit par la durée de la détention, soit pour permettre le rapprochement du détenu du lieu de résidence de sa famille ou de ses proches.

22.Au terme de l’article susmentionné, les personnes détenues sont soumises « au régime en vigueur dans ces établissements conformément aux dispositions du Code de procédure Pénale ». Au demeurant, cette stipulation conventionnelle est, elle-même, conforme au principe général de territorialité de la loi nationale, en l’occurrence, la loi française.

23.Toutefois, les personnes détenues en France ne sont pas totalement et irrévocablement soustraites aux décisions des Autorités monégasques. En effet, l’article 14 de la Convention prévoit que « Les grâces et les réductions de peine accordées par S.A.S. le Prince seront notifiées par la voie diplomatique au Gouvernement français qui prendra les dispositionsnécessaires pour l’exécution de ces mesures bienveillantes ». Inversement, le même article énonce que « L’Administration française signalera, s’il y a lieu, au Gouvernement monégasque les condamnés qui lui paraîtront mériter une mesure de grâce ou de libération conditionnelle et les mineurs dont la conduite dans les établissements d’éducation surveillée rendra possible l’octroi d’une libération d’épreuve ou de toute autre mesure de faveur ». Dans cette hypothèse, la décision relève de la compétence des Autorités monégasques.

24.Néanmoins, le Comité préoccupé par « L’absence d’un mécanisme chargé du suivi du traitement et des conditions matérielles de détention des personnes de nationalité étrangère condamnées par les juridictions monégasques à des peines de longue durée, et placées dans les établissements pénitentiaire français » recommande que soit assuré le suivi du traitement et des conditions matérielles de détention.

25.Cette recommandation implique, en premier lieu, que soit déterminé les éléments constitutifs du « suivi du traitement et des conditions matérielles de détention » au regard des dispositions prévues par la Convention et sus-rappelées.

26.Cette recommandation implique, en second lieu, que tout mécanisme relatif au suivi du traitement et des Conditions matérielles de détention soit compatible avec le respect du droit et l’exercice des compétence de chaque Etat.

27.Dès lors, au regard de ces deux exigences, les Autorités monégasques ont engagé une réflexion destinée à concilier la souveraineté des deux Etats et la finalité préconisé par le Comité. En effet, la mise en œuvre de la recommandation ne peut procéder de mesures arrêtées unilatéralement par les autorités d’un Etat mais doivent nécessairement résulter d’un accord interétatique. Or, en raison même de cette complexité, l’aboutissement du processus de mise au point dudit mécanisme impose un délai long et, ab initio, indéterminable.

CONCLUSION

28.Comme le Comité l’a relevé dans son Rapport de suivi des Etats parties et comme l’attestent les décisions prises et les mesures engagées, les Autorités monégasques manifestent leur attachement au respect des engagements internationaux que la Principauté de Monaco a

souscrits. A cette fin, elles adaptent les règles de droit interne aux normes de droit international lesquelles ont prévalence dans l’ordre juridique de la Principauté de Monaco.

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