Nations Unies

CAT/C/44/D/302/2006

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. restreinte*

3 juin 2010

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-quatrième session

26 avril-14 mai 2010

Décision

Communication no 302/2006

Présentée par:

A. M. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

A. M.

État partie:

France

Date de la requête:

25 septembre 2006 (lettre initiale)

Date de la présente décision:

5 mai 2010

Objet:

Expulsion du requérant vers la République démocratique du Congo

Questions de procédure:

Néant

Questions de fond:

Expulsion d’une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture

Article de la Convention:

3

[Annexe]

Annexe

Décision du Comité contre la torture au titre de l’article 22de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (quarante‑quatrième session)

concernant la

Communication no 302/2006

Présentée par:

A. M. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

A. M.

État partie:

France

Date de la requête:

25 septembre 2006 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 5 mai 2010,

Ayant achevé l’examen de la requête no 302/2006, présentée par A. M. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

1.1Le requérant, A. M., est un ressortissant de la République démocratique du Congo né en 1960, résidant en France et en attente d’expulsion vers son pays d’origine. Il affirme qu’une telle mesure constituerait une violation par la France de l’article 3 de la Convention. Il n’est pas représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie le 29 septembre 2006, sans joindre de demande de mesures provisoires de protection.

Rappel des faits

2.1Le requérant affirme qu’il a quitté la République démocratique du Congo après avoir été battu, torturé et maltraité par des hommes en uniforme, qui seraient des partisans du Président Kabila. Il affirme également que sa femme a été violée devant ses enfants en raison de son appartenance et de son soutien au régime de Mobutu et qu’il est maintenant accusé de collaborer avec le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean‑Pierre Bemba et Honoré Ngbanda. Il affirme que les autorités de la République démocratique du Congo le recherchent activement.

2.2Il ressort des copies des décisions que le requérant joint à sa requête qu’il a déposé une demande d’asile en France le 17 septembre 2002. Le 12 septembre 2003, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa requête, décision confirmée le 14 mai 2004 par la Commission de recours des réfugiés (CRR). Le 16 septembre 2004, le requérant a demandé une première fois un réexamen de sa demande d’asile. L’OFPRA a rejeté sa requête le 17 septembre 2004 et la CCR a confirmé cette décision le 18 avril 2005. Le requérant a été invité à quitter le territoire le 3 septembre 2005. Le 25 mars 2006, un titre de séjour sans droit au travail lui a été délivré et une nouvelle invitation à quitter le territoire lui a été adressée. Le requérant a présenté une seconde demande de réexamen de sa demande d’asile à l’OFPRAqui l’a rejetée comme abusive le 10 juillet 2006 après examen selon la procédure accélérée. Il a reçu un arrêté d’expulsion en date du 8 août 2006 et a formé un recours contre cette mesure le 21 août 2006, devant le Tribunal administratif d’Orléans. Ce dernier l’ayant débouté le 25 août 2006, le requérant a fait appel de cette décision devant la cour d’appel administrative de Nantes. L’appel n’étant pas suspensif, le requérant fait valoir qu’une décision négative peut intervenir en tout temps.

2.3Le requérant joint à sa requête une copie de deux certificats médicaux. Il joint également deux «avis de recherche», qui indiquent qu’il est poursuivi pour «subversion et organisation rebelle» et pour «atteinte à la sécurité intérieure», ainsi que d’autres documents présumés officiels selon lesquels les autorités auraient été informées de son expulsion imminente et auraient donné l’ordre de l’arrêter. La requête est également accompagnée d’un document manuscrit présenté comme le témoignage d’une personne en RDC qui connaît le requérant et affirme ignorer ce qu’il est devenu depuis que les autorités ont commencé à le rechercher. Le requérant joint également une copie d’une lettre, datée du 22 mai 2006, adressée par son oncle au Bureau des droits de l’homme de l’ONU en RDC, demandant des informations sur ce qu’il était advenu de son neveu qui aurait disparu après avoir été tabassé par des hommes armés. Son oncle est décédé en juillet 2006, et le requérant affirme qu’il a été tué par des hommes armés.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme qu’il craint pour sa vie s’il est renvoyé en RDC. Il ajoute que son renvoi constituerait une violation de l’article 3 de la Convention par l’État partie.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Sous couvert d’une note verbale datée du 3 août 2007, l’État partie conteste la recevabilité de la requête. Il entend démontrer que la communication est irrecevable au sens du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention pour abus de droit, les pièces produites par le requérant présentant toutes les caractéristiques de faux documents.

4.2En premier lieu, l’État partie s’interroge sur le fait que le requérant soit subitement activement recherché en 2006 alors qu’il se trouvait sur le territoire français depuis 2002. De surcroît, les documents produits, qui sont censés émaner de l’administration de la République du Congo, sont tous manuscrits, accréditant la thèse de la contrefaçon. Le requérant n’explique pas comment ces documents administratifs internes et émanant de «l’Agence nationale de renseignement» lui sont parvenus. À supposer que les «avis de recherche» soient rédigés à la main, l’État partie exprime de forts soupçons quant à l’authenticité du prétendu «témoignage» du dénommé G. E., car il s’agit d’un document entièrement manuscrit, établi sur papier blanc ordinaire avec comme seule «estampille» le même tampon que celui qui figure sur les autres pièces produites. De plus, l’État partie estime que ce document comporte des expressions impropres pour un service de police. Il appelle l’attention du Comité sur le fait que les juridictions internes ont émis des doutes similaires sur des documents de même nature, comportant des dates différentes de celles mentionnées ci-dessus. Il cite la Commission des recours des réfugiés qui a, dans sa décision du 18 avril 2005, considéré que «les deux documents produits et présentés comme étant des avis de recherche dont un est daté du 2 janvier 2005 n’offrent pas de garanties d’authenticité suffisantes». Ces doutes ont été confirmés par le Tribunal administratif d’Orléans le 25 août 2006 qui a relevé que «les fautes d’orthographe dans l’en-tête et le corps des documents permettaient de douter de leur authenticité».

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie sur la recevabilité

5.1Dans ses commentaires du 18 septembre 2007, le requérant réfute l’argument de l’État partie selon lequel les pièces qu’il a produites «présentent toutes les caractéristiques de faux documents» au motif qu’il s’agit soit de documents entièrement manuscrits, soit d’imprimés remplis à la main, et qu’ils contiennent des expressions impropres pour des services de police et des fautes d’orthographe. Le requérant explique qu’outre le fait que ces affirmations ne démontrent pas qu’il s’agit de faux, la présentation desdits documents n’est pas surprenante compte tenu des problèmes rencontrés dans l’administration locale.

5.2Le requérant estime que le fait qu’il soit recherché activement seulement depuis 2006, alors qu’il est sur territoire français depuis 2002, s’explique par un regain d’activité des services de police congolais, ce qui démontre qu’il est toujours menacé dans l’hypothèse de son renvoi dans son pays.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Le 30 janvier 2008, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la requête. Il rappelle d’abord les observations qu’il a émises au titre de la recevabilité et renouvelle sa demande tendant à ce que le Comité déclare, à titre principal, la communication irrecevable pour abus du droit de soumettre des communications conformément au paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention. En plus de ses observations sur la recevabilité, l’État partie formule des observations sur la vérification matérielle de l’authenticité des pièces produites par le requérant. Il estime que le seul moyen d’effectuer une telle vérification serait d’adresser une demande par voie diplomatique à la République démocratique du Congo. Une telle démarche est théoriquement possible, mais elle risque néanmoins de ne pas produire l’effet recherché si elle n’émane pas du Comité. Il se réfère à une décision de la CRR selon laquelle la confidentialité des éléments d’information relatifs à la personne sollicitant l’asile constitue une garantie essentielle du droit d’asile et que le pays qui examine la demande a l’obligation d’en assurer le respect. La méconnaissance de cette obligation peut avoir pour conséquence l’aggravation des craintes exprimées par le demandeur, voire créer des conditions de nature à exposer l’intéressé à des persécutions au sens de la Convention relative au statut des réfugiés ou à l’une des menaces graves visées par la loi.

6.2L’État partie note que la communication ne comporte pas de grief précis et ne se réfère, ne serait-ce qu’en substance, à aucun article de la Convention. Il estime qu’elle se rapporte à l’article 3 de la Convention et se propose d’exposer, dans un premier temps, le cadre juridique des demandes d’asile et, dans un deuxième temps, les recours utiles applicables en la matière et de démontrer enfin que l’examen de la demande du requérant a été fait en conformité à l’article 3 de la Convention.

6.3Expliquant la procédure d’examen initial des demandes d’asile par l’OFPRA, l’État partie souligne l’indépendance de ce dernier, ainsi que sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Son personnel a accès à diverses sources et est en relation permanente avec les services équivalents de ses principaux homologues européens, démultipliant ainsi la documentation disponible, ainsi que les moyens de vérification. L’État partie souligne qu’il est conscient de la difficulté de produire, dans certaines situations, des preuves matérielles, qu’il s’attache à évaluer la crédibilité globale de la personne et qu’en cas d’incertitude le doute profite au demandeur.

6.4L’État partie décrit la procédure de recours à la CRR et souligne la présence d’un représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à des fins de vérification de la réalité des persécutions alléguées. Il décrit la procédure de réexamen d’une demande d’asile par l’OFPRA lorsque des éléments nouveaux sont présentés par le demandeur. Dans ce cas, la demande fait l’objet d’une procédure d’examen accélérée menée par un autre officier de protection que celui qui a traité la première demande. Si l’OFPRA conclut à la recevabilité de la demande de réexamen, il examine si les faits nouveaux sont fondés et s’ils sont de nature à justifier les craintes de persécution du requérant.

6.5Dans le cas d’espèce, l’État partie précise que les risques invoqués par le requérant pour justifier son maintien sur le territoire national au titre du statut de réfugié ont fait l’objet d’un examen approfondi à cinq reprises (trois fois par l’OFPRA et deux par la CRR). Il note qu’à l’issue de ces différents examens la réalité des risques allégués par l’intéressé en cas de retour dans son pays n’a pas été prouvée. Il se réfère à la décision du 18 avril 2005 de la CRR selon laquelle «…les deux documents produits et présentés comme étant des avis de recherche, dont l’un est daté du 2 janvier 2005, n’offrent pas de garanties d’authenticité suffisante». Il souligne aussi que le Tribunal administratif d’Orléans a également procédé, avant son arrêt du 25 août 2006, à un examen approfondi au regard de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme lequel couvre le même champ de protection que l’article 3 de la Convention.

6.6À titre principal, l’État partie invite le Comité à déclarer la communication irrecevable et, à titre subsidiaire, de la rejeter sur le fond pour défaut de fondement.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant le fond

7.1Dans un courrier daté du 20 mars 2008, le requérant affirme à nouveau que sa communication est recevable.

7.2Le requérant note que les observations du Gouvernement français ne précisent pas s’il a fait appel de la dernière décision de rejet de l’OFPRA le 3 août 2006 devant la Cour nationale du droit d’asile, nouvelle dénomination de la Commission de recours des réfugiés (CRR) et qu’une décision sur cet appel est imminente. Il ajoute qu’il a déposé le 25 janvier 2008 un mémoire complémentaire à son appel devant la Cour nationale du droit d’asile. Ce mémoire présente des documents nouveaux dont le requérant n’a eu connaissance qu’en novembre 2007 confirmant les craintes dont il a déjà fait état devant l’OFPRA et la CRR en cas de renvoi dans son pays. Le premier document est une convocation de la Direction générale de la police judiciaire des parquets invitant le requérant à se présenter le 21 juillet 2007 pour y être entendu et attestant ainsi que le requérant persiste à être considéré comme une menace par le pouvoir en place. Le deuxième document est un communiqué daté du 8 septembre 2007 émanant d’une organisation non gouvernementale congolaise qui montre que le requérant est toujours activement recherché par les services de sécurité congolais et qui fait état d’informations alarmantes sur la situation de plusieurs de ses proches. Selon ce document, un cousin du requérant, accusé d’être son complice et par conséquent d’activités subversives, est porté disparu depuis son arrestation le 1er septembre 2007; la famille de l’un des amis du requérant a fait l’objet de menaces afin qu’elle révèle l’adresse de l’épouse du requérant qui a, elle aussi, fui son pays en 2004; sa mère a été assassinée, par strangulation, par des inconnus en août 2005; et l’une de ses cousines a été violentée par des inconnus en juillet 2007.

7.3Le requérant fait valoir que l’on cherche à l’atteindre au travers de personnes qui lui sont proches. Le troisième document est un communiqué daté du 6 octobre 2007 émanant d’une autre organisation non gouvernementale congolaise qui fait état, en citant le requérant, de «l’insécurité que connaissent des acteurs politiques, des militants politiques, des opérateurs économiques et d’autres personnes…», ainsi que de persécutions dont ont été victimes ses proches, confortant les faits relatés dans le deuxième document. Le quatrième document, un article de presse daté du 22 octobre 2007, reprend les faits relatés précédemment. Le requérant conclut de ce qui précède que la réalité et la gravité des risques qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine ont été dûment établies.

7.4Dans un courrier additionnel daté du 9 avril 2008, le requérant note que la Cour nationale du droit d’asile a rejeté son recours en date du 21 mars 2008. Elle a considéré que ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites devant elle, ne permettaient de tenir pour établis les faits nouvellement allégués, et pour fondées les craintes exprimées. Le requérant joint également une lettre d’une association qui l’a assisté dans la rédaction de ses commentaires tant au niveau national que devant le Comité et qui atteste que les craintes exprimées par le requérant lui apparaissent fondées.

Observations supplémentaires de l’État partie

8.1Le 13 mai 2008, l’État partie, à titre liminaire, confirme les observations qu’il a émises sur la recevabilité et le fond et renouvelle sa demande au Comité de déclarer, à titre principal, la communication irrecevable et de la rejeter sur le fond, à titre subsidiaire. L’État partie explique, en complément à ses précédentes observations, le fondement de la décision de rejet par la Cour nationale du recours du requérant, à savoir que les circonstances à l’origine du départ du requérant de son pays d’origine, ainsi que la fuite de sa femme et de ses enfants vers l’Angola sont des faits sur lesquels la CRR a déjà statué et que les nouvelles pièces produites par le requérant ont été considérées comme insuffisantes et ne permettant pas d’infirmer l’analyse de la CRR.

8.2L’État partie reconfirme ses soupçons, exprimés dans ses précédentes observations, quant à l’authenticité des pièces versées au dossier par le requérant.

Informations additionnelles fournies par le requérant

9.Sous couvert d’une lettre datée du 3 octobre 2008, le requérant informe le Comité de l’assassinat, fin mars 2008, de son cousin, M. G., accusé d’être son complice et qui avait été porté disparu après avoir été arrêté par les services de sécurité le 1er septembre 2007. Le requérant joint à ses affirmations un extrait d’un journal congolais daté du 24 avril 2008, avec copie de l’enveloppe d’expédition attestant que l’envoi a été fait depuis Kinshasa, et qui indique que M. G., cousin du requérant, avait été enlevé par des hommes en uniformes se réclamant de la Garde républicaine après l’avoir confondu avec le requérant et que la vie de ce dernier serait de ce fait effectivement en danger en cas de retour dans son pays. Le requérant joint également une copie du certificat de décès de son cousin, délivré par l’hôpital général de Kinshasa, qui précise que le décès est consécutif à un assassinat, une copie du permis d’inhumer délivré par le service d’inhumation de la ville de Kinshasa, une copie de l’enveloppe d’expédition, ainsi qu’un nouvel avis de recherche le concernant daté du 29 mars 2008.

Informations additionnelles fournies par l’État partie

10.Le 20 novembre 2008, l’État partie, en complément de ses observations, précise qu’en vertu de l’article R.723‑3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), tout étranger dont la demande d’asile a été rejetée une première fois de manière définitive par l’OFPRA et par la Commission des recours des réfugiés a la possibilité de présenter des éléments nouveaux à l’OFPRA en vue d’obtenir le réexamen de sa demande. Par conséquent, il appartient à l’auteur de la présente communication d’introduire une nouvelle demande de réexamen de sa demande d’asile, s’il estime être en mesure aujourd’hui de prouver par les éléments nouveaux qu’il transmet au Comité contre la torture les risques qu’il encourt.

11.1Dans ses commentaires datés du 19 novembre 2009, formulés comme suite à la décision prise par le Comité à sa quarante-deuxième session le priant de lui fournir des précisions concernant la vérification matérielle de l’authenticité des pièces produites par le requérant, l’État partie rappelle d’abord que les pièces produites par le requérant le 3 octobre 2008 l’ont été après la saisine du Comité. Il considère donc que ces pièces, qui lui étaient inconnues avant cette date, ne peuvent pas être considérées comme recevables, dans la mesure où, à la date de la présentation de la requête au Comité, il ne pouvait être reproché à l’État partie de n’en avoir pas tenu compte lors de l’examen de la demande d’asile du requérant. Il précise à nouveau qu’il appartient à ce dernier d’introduire une demande de réexamen de sa demande d’asile s’il estime être en mesure de transmettre au Comité des éléments nouveaux prouvant qu’il court un risque. L’État partie conclut que le Comité ne saurait admettre ces pièces, jamais produites devant les autorités françaises, sans enfreindre le principe de subsidiarité sur lequel repose l’efficacité du système international de protection contre la torture.

11.2En second lieu, l’État partie fournit les précisions suivantes s’agissant de la vérification matérielle des pièces fournies par l’auteur. S’agissant du certificat de décès et du permis d’inhumation de M. G., l’État partie note que l’écriture des deux documents est identique alors qu’ils ont été délivrés par des autorités différentes, à savoir respectivement l’hôpital général de Kinshasa et la ville de Kinshasa. De plus, le permis d’inhumation a été délivré le 5 avril 2008 sur la base d’une taxe payée le 10 juillet 2007, soit à une date antérieure au décès prétendument survenu le 28 mars 2008. L’État partie explique que ce type de discordance est couramment relevé sur les documents falsifiés, le haut étant modifié, tandis que le bas, qui comporte la signature, est conservé. Il note également que le certificat de décès est signé par un médecin qui, après vérification de la part de sa représentation diplomatique en RDC, travaille comme médecin généraliste en ville et en aucun cas à l’hôpital de Kinshasa. De plus, le mot «assassinat» inscrit sur le certificat en tant que cause du décès est totalement inhabituel, la mention généralement portée par l’hôpital étant plus objective (par arme à feu, par arme blanche, mort violente, etc.). S’agissant de l’extrait de presse, l’État partie note que, même si le journal existe effectivement, il est notoirement de faible qualité journalistique et de faible crédibilité et que le seul moyen de le contacter est une adresse électronique. Il note également que la date de parution de l’extrait du journal en question apparaît avec une variation de police d’imprimerie, ce qui peut donner à penser qu’il s’agit d’un montage. Finalement, selon les informations fournies par la représentation diplomatique de l’État partie, la publication d’un texte dans ce type de journal peut être obtenue moyennant paiement.

11.3L’État partie conclut que, dans l’hypothèse où le Comité considérerait comme recevables ces pièces, leur force probante est sujette à caution pour les raisons invoquées ci-dessus. Au surplus, au vu de ces pièces, rien ne permet de déclarer établis ni le lien de famille entre M. G. et l’auteur, ni l’assassinat de M. G., sans parler de la confusion qui aurait conduit à cet assassinat.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

12.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Dans le cas à l’examen, le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

12.2Le Comité a pris note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication constitue un abus du droit de présenter des requêtes. Il considère en tout été de cause que, depuis que la présente requête lui a été soumise le 25 septembre 2006, il lui appartient de juger la bonne foi du requérant dans son exposé des faits et des preuves, et leur pertinence pour le Comité, dans l’examen des arguments de l’État partie quant à l’irrecevabilité de la requête. Toutefois, en l’espèce, le Comité considère que la requête dans son ensemble est suffisamment étayée aux fins de la recevabilité.

12.3Quant à l’objection de l’État partie selon laquelle le requérant a présenté au Comité des éléments nouveaux, qui n’avaient jamais été portés à l’attention de ses autorités, le Comité note que les informations en question ont été reçues, sans qu’il y soit pour quoi que ce soit, par le requérant après l’épuisement des recours internes. En conséquence, il conclut qu’il ne voit aucun obstacle, au regard du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention et de l’article 107 de son règlement intérieur, à ce qu’il examine la communication quant au fond.

Examen du fond

13.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en République démocratique du Congo, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite à l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

13.2Pour évaluer le risque de torture, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de l’existence dans l’État où le requérant serait renvoyé d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit toutefois de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’un individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans le pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble systématique de violations flagrantes des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans la situation qui est la sienne.

13.3Le Comité rappelle son Observation générale no 1 concernant l’application de l’article 3, en vertu de laquelle il est tenu de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, renvoyé ou extradé et l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque encouru est hautement probable. Le risque doit néanmoins être personnel et actuel. À cet égard, dans ses décisions précédentes, le Comité a établi que le risque de torture devait être prévisible, réel et personnel.

13.4En ce qui concerne la charge de la preuve, le Comité rappelle également son Observation générale no 1 relative à l’article 3, ainsi que sa jurisprudence selon laquelle c’est généralement au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables et que le risque de torture doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons.

13.5Le Comité rappelle que l’État partie met en doute la crédibilité du requérant et l’authenticité des documents qu’il a produits. Il réitère sa doctrine selon laquelle il est compétent pour examiner pleinement les faits et les preuves qui lui sont soumis avant d’adopter sa décision, même si, ce faisant, tout le poids voulu doit être accordé à leur examen par les autorités de l’État partie. Le requérant a certes fourni à l’État partie et au Comité diverses copies de documents en guise d’éléments de preuve, mais le Comité estime qu’il n’a pas réussi à réfuter, avec des arguments convaincants, les conclusions de l’État partie sur sa crédibilité et n’a pas pu non plus prouver l’authenticité des documents en question. De même, il n’a pas donné d’explications quant à la manière dont il s’était procuré divers documents administratifs internes. Le Comité note que les deux certificats médicaux produits par le requérant font état de plusieurs cicatrices à différents endroits du corps ainsi qu’à des fractures au tibia et au péroné mais qu’ils ne contiennent aucun élément confirmant ou infirmant qu’elles sont le résultat de tortures infligées dans le passé. Le Comité estime que la crédibilité des allégations de l’auteur a été irrémédiablement mise en brèche affectée par les précisions apportées par l’État partie s’agissant de la vérification matérielle des pièces produites par l’auteur le 3 octobre 2008, à savoir le certificat de décès et le permis d’inhumation de M. G., cousin présumé de l’auteur, ainsi que de l’extrait de presse selon lequel M. G. aurait été assassiné après avoir été confondu avec l’auteur.

13.6Le Comité réitère qu’aux fins de l’article 3 de la Convention, il faut que le risque d’être torturée que court une personne soit prévisible, réel et personnel. Dans le cas d’espèce, il estime que le requérant n’a pas présenté suffisamment de détails ou d’éléments de preuve satisfaisants pour corroborer son récit et le fait qu’il court un risque réel et personnel d’être torturé en cas de renvoi en RDC. Le Comité considère donc que le requérant n’a pas étayé son allégation selon laquelle il court personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture à son retour en République démocratique du Congo.

13.7Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, considère que le requérant n’a pas étayé son allégation selon laquelle il risque d’être soumis à la torture à son retour en République démocratique du Congo et conclut donc que son renvoi dans ce pays ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

[Adopté en anglais, en espagnol, en français (version originale) et en russe. Paraîtra aussi ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]