NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/VEN/CO/18* 1 novembre 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑septième session1- 19 août 2005

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

VENEZUELA (RÉPUBLIQUE BOLIVARIENNE DU)

Le Comité a examiné les quatorzième à dix‑huitième rapports périodiques de la République bolivarienne du Venezuela – qui auraient dû lui être présentés les 4 janvier 1996, 1998, 2000, 2002 et 2004 – soumis en un seul document (CERD/C/476/Add.4) à ses 1703e et 1704e séances (CERD/C/SR.1703 et 1704), tenues les 2 et 3 août 2005. À sa 1725e séance (CERD/C/SR.1725), tenue le 17 août 2005, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie et constate que celui‑ci s’est fait représenter par une délégation de fonctionnaires des différentes administrations publiques responsables des domaines couverts par la Convention. Il se déclare satisfait de la qualité du dialogue qui s’est instauré de nouveau avec la République bolivarienne du Venezuela. Il remercie la délégation des réponses franches et détaillées qu’elle a données aux nombreuses questions qui lui étaient posées.

GE.07-41022Le Comité a conscience des efforts qu’a déployés l’État partie pour suivre les directives pour la préparation de rapports mais constate que le document à l’examen ne répond pas à certaines des préoccupations et des recommandations que contenaient ses observations finales précédentes.

B. Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction des droits et des principes consacrés dans la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela de 1999, en particulier le préambule, qui énonce la nature multiethnique et multiculturelle de la société vénézuélienne ainsi que l’article 21 et le chapitre VIII qui garantissent les droits des peuples autochtones, notamment le droit à une éducation bilingue interculturelle, le droit à la médecine traditionnelle et le droit de participer à la vie politique.

Le Comité note avec satisfaction que la législation récemment adoptée par l’État partie au niveau fédéral et au niveau des États s’inspire des principes fondamentaux de la Constitution et développe les garanties de non‑discrimination raciale et ethnique.

Le Comité prend note de la création d’institutions spécialisées chargées de lutter contre la discrimination raciale, par exemple la Commission présidentielle de lutte contre la discrimination raciale et toutes les autres formes de discrimination dans le système éducatif vénézuélien, le Groupe national de coordination pour la santé des autochtones, qui relève du Ministère de la santé et du développement social, et le Département de l’éducation autochtone qui relève du Ministère de l’éducation, de la culture et des sports.

Le Comité constate avec satisfaction que les populations autochtones sont représentées à l’Assemblée nationale, qui compte au moins trois députés autochtones avec leurs suppléants, élus par les autochtones selon leurs traditions et leurs coutumes.

Le Comité note avec intérêt l’existence de tribunaux spéciaux chargés de régler les litiges selon les traditions et les coutumes autochtones ainsi que la création du poste de médiateur spécial pour les questions autochtones.

Le Comité prend note avec satisfaction du décret présidentiel no 1795 du 27 mai 2002 concernant la protection des langues autochtones. Il note que les autochtones peuvent utiliser leur propre langue dans leurs rapports avec les autorités ou disposer, le cas échéant, d’un interprète officiel, et que la Constitution a été traduite en wayuu.

Le Comité se félicite que l’article 31 de la Constitution reconnaisse le droit de faire appel aux organes internationaux créés par les traités relatifs aux droits de l’homme et que l’État partie ait fait en 2003, la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention en réponse à une demande du Comité; il espère que l’opinion publique est dûment informée des possibilités et des procédures que prévoit l’article en question.

Le Comité se félicite que l’État partie ait ratifié en 2002 la Convention no 169 (1989) de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

Le Comité note avec satisfaction que l’un des objectifs de la loi sur la responsabilité de la radio et de la télévision de 2004 est de favoriser la tolérance entre les peuples et les groupes ethniques.

Le Comité prend acte avec satisfaction des progrès des relations entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales représentant les Vénézuéliens d’ascendance africaine et de la proclamation du 10 mai comme Journée nationale des Afro‑Vénézuéliens, qui est une illustration de l’amélioration de ces relations.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni de données statistiques détaillées sur les Vénézuéliens d’ascendance africaine. Il rappelle que ces renseignements sont indispensables pour évaluer le niveau d’application de la Convention et contrôler les politiques qui affectent les minorités.

Le Comité recommande à l’État partie de donner dans son prochain rapport périodique les renseignements statistiques détaillés sur les Vénézuéliens d’ascendance africaine qui permettront d’évaluer plus précisément la situation des intéressés.

Le Comité constate que la pièce d’identité délivrée aux autochtones selon les règlements pris en vertu de la loi portant organisation de l’identification des autochtones indique le nom du groupe ethnique, du peuple et de la communauté auxquels l’intéressé appartient.

Le Comité demande à l’État partie, conformément à sa recommandation générale VIII, de veiller à ce que la pièce d’identité délivrée aux autochtones soit fondée sur les déclarations de l’intéressé lui ‑même.

Se référant à l’article 369 du projet de Code pénal, qui réprime les actes de discrimination raciale, le Comité souhaiterait recevoir des renseignements sur les plaintes pour discrimination raciale et sur les actions en justice entreprises par les victimes ou en leur nom.

Le Comité invite l’État partie à adopter le projet de Code pénal dès que possible et le prie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements statistiques détaillés sur les affaires de discrimination raciale dans lesquelles les dispositions de droit interne ont été appliquées et sur les peines imposées à cette occasion.

N’oubliant pas les efforts que déploie l’État partie, le Comité se réaffirme préoccupé par la persistance des disparités sociales et économiques structurelles profondes qui compromettent l’exercice des droits de l’homme, notamment des droits économiques et sociaux, et qui touchent les populations autochtones et les Vénézuéliens d’ascendance africaine.

Le Comité invite l’État partie à redoubler d’efforts pour améliorer le statut économique et social des populations autochtones et des Vénézuéliens d’ascendance africaine, en ce qui concerne par exemple le droit au logement, le droit aux services de santé et d’assainissement, le droit au travail et le droit à une alimentation suffisante, afin de lutter contre la discrimination raciale et de faire disparaître les disparités structurelles.

Le Comité s’inquiète vivement du fait qu’entre 1995 et 2003 61 personnes, la plupart autochtones ou d’ascendance africaine, ont été tuées dans des litiges fonciers, vraisemblablement par des groupes armés privés (des sicarios), et du fait que le problème se soit aggravé depuis 2001.

Le Comité demande à l’État partie de prendre d’urgence des mesures pour mettre fin aux violences de ce type, qui touchent essentiellement les autochtones et les personnes d’ascendance africaine, notamment grâce à un mécanisme de surveillance indépendant compétent pour enquêter sur les affaires de cette nature et faire en sorte que les auteurs ne restent pas impunis.

Le Comité relève avec inquiétude dans le rapport de l’État partie que les populations autochtones du haut Onéroque et des bassins du Casiquiare et du Gaqinia‑Río Negro rencontrent des difficultés de diverse nature. Plus précisément, il est établi que dans les centres de prospection illégale de l’or des enfants et des adolescents autochtones font l’objet d’une exploitation par le travail et sont soumis aux pires formes du travail des enfants, dont la servitude, l’esclavage, la prostitution, la traite et la vente.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre d’urgence des mesures pour régler cette situation et de donner des renseignements sur la manière dont les mesures prises ont été appliquées.

Le Comité prend note de ce que fait l’État partie pour délimiter les terres autochtones, par exemple l’adoption de la loi sur la protection et la démarcation de l’habitat et du territoire des peuples autochtones, mais est préoccupé par le fait que l’utilisation et la possession des terres et des ressources autochtones restent menacées et limitées en pratique par les agressions répétées d’individus et de groupes privés qui cherchent à évincer les populations autochtones de leurs terres.

À la lumière de la recommandation générale XXIII sur les droits des populations autochtones, le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour reconnaître et protéger les droits qu’ont les populations autochtones de posséder, mettre en valeur, maîtriser et exploiter leurs terres, leurs territoires et leurs ressources. Il l’invite à cet égard à donner des renseignements sur la manière dont se règlent les conflits d’intérêt sur les terres et les ressources autochtones, notamment les litiges dans lesquels des groupes autochtones ont été évincés de leurs terres.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre en considération les passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban lorsqu’il met en œuvre la Convention, notamment ses articles 2 à 7, dans son droit interne. Il lui recommande également de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner effet au niveau national à la Déclaration et au Programme en question, en ce qui concerne notamment l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan national d’action.

L’État partie a informé le Comité qu’il s’occuperait plus activement de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité attire l’attention de l’État partie sur la résolution 59/176 dans laquelle l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité recommande que les rapports de l’État partie soient rendus publics dès qu’ils lui sont présentés et que ses propres observations finales soient largement diffusées.

En vertu du paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et de l’article 65 de son propre Règlement intérieur, tel qu’amendé, le Comité prie l’État partie de l’informer de la suite donnée aux recommandations figurant ci‑dessus aux paragraphes 14, 18 et 19 dans l’année suivant l’adoption des présentes observations finales.

Le Comité recommande que l’État partie présente ses dix‑neuvième et vingtième rapports dans un document unique le 4 janvier 2008.

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