NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.RESTREINTE*

CAT/C/37/D/265/200529 novembre 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURETrente‑septième session(6‑24 novembre 2006)

DÉCISION

Communication n o  265/2005

Présentée par:A. H. (représenté par un conseil)

Au nom de:A. H.

État partie:Suède

Date de la requête:8 février 2005 (lettre initiale)

Date de la présente décision:16 novembre 2006

Objet: Risque d’expulsiondu requérant vers l’Azerbaïdjan

Questions de procédure: Néant

Questions de fond:Principe du non‑refoulement

Article de la Convention: 3

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE AU TITRE DE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS

− Trente ‑septième session −

concernant la

Communication n o  265/2005

Présentée par:

Présentée par:A. H. (représenté par un conseil)

Au nom de:A. H.

État partie:Suède

Date de la requête:8 février 2005 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 16 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête no 265/2005, présentée par M. A. H. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision du Comité contre la torture au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention

1.1Le requérant est M. A. H., de nationalité azerbaïdjanaise, né en 1971, actuellement détenu en Suède en attendant son expulsion vers l’Azerbaïdjan. Il affirme que son renvoi dans ce pays constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil. La Convention est entrée en vigueur pour la Suède le 26 juin 1987.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a transmis la requête à l’État partie le 8 février 2006. En application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, il a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers l’Azerbaïdjan tant qu’il serait saisi de la requête. L’État partie a accédé à cette demande.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant appartient à la minorité taliche d’Azerbaïdjan. Après avoir obtenu un diplôme de génie mécanique en Russie et effectué son service militaire en Allemagne, il a adhéré au mouvement séparatiste taliche dirigé par Alakram Hummatov, qui voulait créer une république taliche. En 1994, il a quitté ce mouvement et s’est installé à Bakou, où il a vécu jusqu’à sa fuite en Suède.

2.2Le requérant affirme qu’il a été membre actif du Parti démocratique d’Azerbaïdjan (PDA), parti légal d’opposition au régime actuel. Il menait ses activités politiques dans le district de Khatai et organisait par exemple des manifestations contre le régime. Il indique qu’il est apparu plusieurs fois à la télévision dans le cadre de ces activités.

2.3En 2001, le requérant a été convoqué plusieurs fois par la police et interrogé au sujet du chef du mouvement séparatiste taliche, Hummatov. Le 15 juin 2001, des policiers en civil ont perquisitionné à son domicile à Bakou et saisi des documents et des enregistrements. Le requérant a été arrêté et emmené dans les locaux du Ministère de la sécurité nationale à Bakou, où il a subi plusieurs passages à tabac. On l’a ensuite conduit dans un «local de la police» et enfermé dans une cellule située au sous‑sol, où il a passé environ un an. Il affirme que pendant cette période, il a été brutalisé à maintes reprises, il n’avait le droit ni de sortir ni de parler à quiconque et n’a jamais su combien de temps il allait rester en détention. Il ajoute qu’il n’a jamais été traduit devant un tribunal et n’a jamais bénéficié de l’assistance d’un avocat.

2.4En mai 2002, le requérant est tombé malade et a été emmené dans un hôpital du KGB qui soignait également les détenus. Il explique que, pendant son séjour dans cet établissement, son père et le Secrétaire général du PDA, Sardar Jalaloglu, ont organisé son évasion et obtenu, moyennant des pots‑de‑vin, une carte de membre du parti et un permis de conduire à son nom. C’est un visiteur qui lui a remis ces documents.

2.5Le 14 novembre 2002, le requérant, portant un uniforme de l’armée, a quitté l’hôpital avec l’aide d’un militaire de l’entourage de Jalaloglu, pendant que les gardes étaient occupés au téléphone et avec des visiteurs. Il a franchi dans la nuit la frontière avec le Daghestan en Russie. Il est arrivé en Suède via Kaliningrad le 19 novembre 2002, muni d’un faux passeport néerlandais. Il a déposé une demande d’asile le lendemain.

2.6Par une décision datée du 4 juillet 2003, le Conseil suédois des migrations («Migrationsverket») a rejeté la demande du requérant, au motif qu’il n’existait pas de discrimination marquée visant la communauté taliche en Azerbaïdjan et que le récit du requérant concernant son évasion de l’hôpital et la façon dont il avait reçu le permis de conduire n’étaient pas crédibles.

2.7Le 8 juillet 2003, le requérant a fait appel de cette décision devant la Commission de recours des étrangers. Le 10 octobre 2003, celle‑ci a reçu des autorités allemandes, auxquelles elle avait adressé une demande d’information conformément à la Convention de Dublin, une lettre indiquant que le requérant avait sollicité l’asile en Allemagne le 25 juillet 1995.

2.8Le 10 octobre 2003 et le 3 mars 2004, le requérant a présenté à la Commission un complément de dossier, comprenant des rapports médicaux du service des urgences et des traumatismes de l’hôpital de Danderyd, établis les 18 et 19 février 2004. Ces documents attestaient que le requérant avait été soumis à des tortures du type de celles qu’il avait décrites, c’est‑à‑dire des passages à tabac systématiques, l’application de décharges électriques et des stations assises prolongées sur des barres de fer. La conclusion était que les cicatrices et blessures que présentait le requérant étaient la marque des tortures qu’il avait subies en 2001.

2.9Dans un autre complément d’information adressé au Conseil en date du 17 décembre 2004, le requérant a indiqué que son frère était arrivé en Suède et avait demandé l’asile, que Jalaloglu avait été arrêté en Azerbaïdjan et que les autorités azerbaïdjanaises recherchaient plusieurs personnes, dont lui‑même. Un avis de recherche portant une photo du requérant avait été publié par le Ministère de l’intérieur (Département des enquêtes pénales de Bakou) et affiché dans les postes de police de la région de Bakou. Le requérant serait accusé «d’appartenir au PDA, d’avoir quitté le pays et d’avoir fomenté la rébellion en diffusant les idées de l’opposition». Le requérant ajoutait que son frère lui avait appris que, deux mois après son départ d’Azerbaïdjan, leur père avait lui aussi été arrêté à Bakou.

2.10Le 4 février 2005, la Commission de recours des étrangers a débouté le requérant. Elle ne contestait pas que celui‑ci ait été emprisonné et torturé comme il était indiqué dans les rapports médicaux, mais elle estimait que «ces faits ne pouvaient pas être imputés aux autorités azerbaïdjanaises et devaient être considérés comme des actes criminels commis par certains individus qui outrepassaient leurs pouvoirs». De plus la Commission avait des doutes sur la durée de la détention du requérant et les circonstances de son évasion et a conclu que le requérant n’avait pas démontré qu’il était recherché pour des motifs politiques ni que son niveau d’engagement politique était tel qu’il risquait d’être persécuté par les autorités azerbaïdjanaises.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme que s’il est renvoyé en Azerbaïdjan, il risque d’être à nouveau placé en détention et soumis à la torture du fait de ses liens étroits avec le PDA, d’autant qu’un avis de recherche le concernant avait été émis et envoyé aux postes de police de la région de Bakou. Il fait valoir que la situation politique en Azerbaïdjan est particulièrement tendue en raison de l’approche des élections législatives du 6 novembre 2005. Les autorités azerbaïdjanaises ont ainsi arrêté le 21 mai 2005 plus de 300 adversaires du régime, dont des membres du PDA, dans le but d’écraser l’opposition politique. Compte tenu des faits et des éléments de preuve qu’il a présentés, le requérant affirme que son expulsion vers l’Azerbaïdjan constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une lettre datée du 10 mai 2005, l’État partie conteste la recevabilité de la requête en objectant qu’elle ne contient pas le minimum d’éléments nécessaire pour être considérée comme étayée aux fins de la recevabilité. À titre subsidiaire, il estime qu’elle est dénuée de fondement. Il fait valoir que, malgré les nombreuses violations des droits de l’homme qui continuent d’être signalées, l’Azerbaïdjan a fait des progrès depuis qu’il est membre du Conseil de l’Europe et qu’il a signé d’importants instruments internationaux et européens relatifs aux droits de l’homme. L’État partie relève en particulier que certains prisonniers politiques, dont Hummatov, le chef de l’ancien groupe séparatiste taliche, ont été libérés. La situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan ne constitue donc pas en soi un motif suffisant pour conclure que le renvoi du requérant dans ce pays constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

4.2L’État partie fait valoir en outre que les autorités nationales sont les mieux placées pour apprécier la crédibilité du requérant. Le Conseil des migrations, qui s’est entretenu deux fois avec lui, a conclu que, si l’exactitude de ses déclarations concernant sa situation personnelle et son appartenance à la section du PDA du district de Khatai avait été confirmée par l’ambassade de Suède à Ankara, certaines autres de ses affirmations n’ont pas été jugées crédibles. L’État partie note que la carte de membre du PDA et le permis de conduire du requérant sont considérés comme authentiques mais que son récit des conditions dans lesquelles ils lui ont été remis n’est pas vraisemblable. Il relève que Jalaloglu, Secrétaire général du PDA, censé avoir aidé le requérant à s’évader de l’hôpital, a déclaré ultérieurement ne pas le connaître. Selon l’interprète de l’ambassade, l’avis de recherche est un faux («un alignement chaotique de mots, truffé d’erreurs»). L’État partie ajoute que, d’après les informations obtenues auprès du Ministère de l’intérieur, le requérant n’a jamais fait l’objet de la moindre enquête criminelle pas plus qu’il n’a été emprisonné.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre datée du 14 juillet 2005, le requérant explique qu’il lui a été difficile d’exposer son cas devant le Conseil suédois des migrations parce que le premier entretien s’est déroulé sans interprète. Il admet donc qu’il a pu y avoir des contradictions mineures dans ses propos. En particulier, il n’a pas compris la question quand on lui a demandé s’il avait déjà sollicité l’asile dans un État partie à la Convention de Dublin. Il confirme qu’en 1995 il a déposé une demande d’asile en Allemagne, où il est resté six mois et qu’il est rentré en Azerbaïdjan avant que les autorités allemandes aient rendu une décision.

5.2Le requérant se demande comment le Gouvernement suédois a pu obtenir une déclaration de Jalaloglu, sachant que ce dernier était en prison quand l’enquête a été menée. Il réaffirme qu’il connaissait personnellement Jalaloglu et que c’est bien lui qui l’a aidé à s’évader de l’hôpital, avec le soutien d’un militaire de l’entourage de Jalaloglu. Il maintient que c’est avec l’aide de Jalaloglu, et moyennant des pots‑de‑vin, qu’il a pu obtenir son permis de conduire et sa carte de membre du PDA. Selon lui, la corruption règne en Azerbaïdjan et la pratique des pots‑de‑vin y est courante.

5.3Le requérant fait observer que, comme il avait été emprisonné illégalement, il y a peu de chances que les autorités azerbaïdjanaises admettent qu’il ait jamais été détenu. À propos de l’avis de recherche, il maintient qu’il s’agit d’un document authentique qui a été établi par le Ministère azerbaïdjanais de l’intérieur et qui porte sa photo, provenant sans doute d’un ancien passeport.

5.4Le requérant dit en conclusion que, du fait de ses liens étroits avec le PDA et étant donné qu’il a déjà été emprisonné et torturé par le passé, il serait arrêté et soumis à la torture s’il était renvoyé en Azerbaïdjan, d’autant qu’il a des renseignements sur les personnes qui l’ont placé en détention en 2001.

Observations complémentaires de l’État partie sur les commentaires du requérant

6.1Dans une lettre datée du 28 septembre 2005, l’État partie indique que l’administration azerbaïdjanaise est très bureaucratique et préfère enregistrer une détention opérée sur la base d’accusations fausses plutôt que de garder quelqu’un secrètement détenu sans que la détention soit enregistrée. Pour lui, il n’y a pas de raison de mettre en doute les renseignements reçus du Ministère azerbaïdjanais de l’intérieur.

6.2L’État partie affirme en outre que l’ambassade de Suède est aidée dans ses enquêtes par des personnes qui connaissent bien le système judiciaire azerbaïdjanais et sont en contact avec les autorités compétentes, y compris le Ministère de l’intérieur. L’une de ces personnes aurait rencontré directement Jalaloglu, qui aurait déclaré ne pas connaître le requérant.

6.3Dans une lettre datée du 16 novembre 2005, l’État partie fait valoir que, comme il existe maintenant une nouvelle voie de recours, ouverte au titre d’une législation temporaire aux demandeurs de permis de séjour, il conviendrait de déclarer la requête irrecevable pour non‑épuisement des recours internes ou du moins d’en reporter l’examen en attendant le résultat de l’application de la nouvelle procédure. Le 9 novembre 2005, des modifications provisoires à la loi de 1989 sur les étrangers ont été adoptées. Entrées en vigueur le 15 novembre 2005, elles devraient rester applicables jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur les étrangers, le 31 mars 2006. Ces modifications ont ajouté de nouveaux critères sur la base desquels un permis de séjour peut être délivré à un étranger sous le coup d’une décision définitive de non‑admission sur le territoire ou d’expulsion. L’article 5 b) du nouveau chapitre 2 de la loi sur les étrangers prévoit que, si des éléments nouveaux apparaissent concernant l’exécution d’une décision finale de non‑admission ou d’expulsion, le Conseil suédois des migrations peut, à la demande de l’intéressé ou de sa propre initiative, lui accorder un permis de séjour si, entre autres critères, il y a des raisons de supposer que le pays de renvoi refusera de l’admettre sur son territoire ou si des raisons d’ordre médical s’opposent à l’exécution de la décision.

6.4En outre, un permis de séjour peut également être accordé pour d’autres raisons que celles qui ont été mentionnées lorsque des considérations humanitaires urgentes l’exigent. Pour apprécier les aspects humanitaires, il faudra en particulier tenir compte de la question de savoir si l’étranger se trouve en Suède depuis longtemps et si, eu égard à la situation dans le pays de renvoi, il n’est pas possible d’envisager des mesures coercitives pour appliquer la décision de non‑admission sur le territoire ou d’expulsion. Quand des enfants sont concernés, il faudra aussi accorder une attention particulière à leur situation sociale, à la durée de leur séjour et aux liens qui les unissent à l’État partie, ainsi qu’aux préjudices qui peuvent être causés à leur santé et à leur développement. Par ailleurs, si l’étranger a commis des infractions, il conviendra également d’en tenir compte, et un permis de séjour peut être refusé pour des raisons de sécurité.

6.5Aucune décision d’expulsion ne sera exécutée tant que le Conseil des migrations n’a pas fini d’examiner le dossier. Les décisions rendues par le Conseil des migrations en application de l’article 5 b) du chapitre 2 modifié ne sont pas susceptibles de recours. Les demandes déposées auprès du Conseil des migrations en vertu de la nouvelle législation qui seront encore en instance au 30 mars 2006 continueront d’être traitées suivant les modifications provisoires à la loi sur les étrangers de 1989. Il en va de même des affaires que le Conseil a décidé d’examiner de sa propre initiative.

6.6Dans une lettre datée du 29 mars 2006, l’État partie informe le Comité qu’après avoir vérifié si le requérant remplissait les conditions requises pour obtenir un permis de séjour en Suède au titre des amendements temporaires susmentionnés, le Conseil suédois des migrations a conclu qu’il n’y avait pas droit.

Commentaires supplémentaires du requérant sur les observations de l’État partie

7.Dans une lettre datée du 11 avril 2006, le requérant note que l’État partie n’a pas apporté suffisamment d’informations sur la manière dont l’ambassade de Suède à Ankara avait mené son enquête. Il souligne aussi le risque que son identité en tant que demandeur d’asile en Suède ait été divulguée aux autorités azerbaïdjanaises. Il ajoute que son épouse et ses deux fils vivent à Bakou dans des conditions très précaires et subissent des représailles de la part des autorités azerbaïdjanaises.

Observations complémentaires de l’État partie

8.Le 5 juillet 2006, l’État partie a fourni au Comité une traduction de l’avis de recherche. Il note que ce document ayant été présenté incomplet au Conseil suédois des migrations, il n’était pas en mesure d’en donner une version non tronquée.

Commentaires additionnels du requérant sur les observations de l’État partie

9.1Dans une lettre datée du 14 juillet 2006, l’auteur souligne que l’État partie a confirmé qu’il était membre de la branche khatati du PDA. Il note en outre que l’État partie a confirmé la validité de la carte de membre qu’il avait soumise. Or il a obtenu cette carte alors qu’il était à l’hôpital avec l’aide de Sardar Jalaloglu et de son père. Il affirme qu’il n’a pas été difficile de se la procurer avec l’aide de Jalaloglu. L’auteur a reçu la carte juste avant sa fuite en Suède. Il ajoute qu’il connaissait bien Jalaloglu qui était un proche ami de son père et qu’il l’avait rencontré plusieurs fois par le biais de ce dernier, et que Jalaloglu lui a même dédicacé un livre. Il fait valoir qu’il a été en contact avec Jalaloglu, qui a confirmé qu’interrogé par la police azerbaïdjanaise il avait nié qu’il le connaissait pour ne pas aggraver sa situation.

9.2L’auteur note que selon l’interprète de l’ambassade de Suède à Ankara l’avis de recherche est inintelligible. Or cet avis a bien été traduit et son contenu semble logique et compréhensible.

Observations complémentaires de l’État partie

10.Le 28 septembre 2006 l’État partie a noté qu’en vue d’obtenir une traduction de l’avis il avait demandé l’aide de l’ambassade de Suède à Ankara. L’ambassade a indiqué que pour ses investigations au sujet de questions relatives à l’Azerbaïdjan, elle faisait généralement appel à une organisation internationale opérant à Bakou. Cette organisation comptait parmi ses collaborateurs plusieurs consultants juridiques qui pouvaient lui fournir des informations obtenues auprès des autorités azerbaïdjanaises. Les investigations que l’ambassade a entreprises avec l’aide de ces consultants l’amènent à conclure que l’avis de recherche est un faux. L’État partie réaffirme qu’il s’agit d’un «alignement chaotique de mots» et qu’aucune information confirmant que l’auteur a été inculpé d’une infraction pénale n’a pu être obtenue des autorités nationales compétentes. Il ajoute qu’il n’a pas été possible de trouver la deuxième page du document parce que c’est un faux et qu’en tout état de cause la charge de la preuve incombe à l’auteur qui doit fournir une copie complète de ce document. L’État partie ajoute que la traduction en anglais de l’avis ne corrobore pas l’allégation de l’auteur selon laquelle il est recherché en Azerbaïdjan en tant que membre taliche du PDA ayant quitté le pays illégalement et s’étant rendu coupable d’incitation à la rébellion.

Délibérations du Comité

11.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité relève aussi qu’en l’espèce les recours internes ont été épuisés depuis la décision adoptée le 3 mars 2006 par le Conseil suédois des migrations au titre d’amendements provisoires à la loi et que le requérant a suffisamment étayé sa requête aux fins de la recevabilité. Il déclare donc la requête recevable et procède à son examen quant au fond.

11.2Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Azerbaïdjan, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

11.3Pour ce faire, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris l’existence dans l’État considéré d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives. Il s’agit cependant de déterminer si le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays dans lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes ou systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

11.4Le Comité renvoie à son Observation générale no 1 concernant l’application de l’article 3 et rappelle que «l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable.» (A/53/44, annexe IX, par. 6).

11.5Le Comité note que, se fondant sur un avis d’expert obtenu par ses services consulaires à Ankara, l’État partie a mis en doute la crédibilité de l’auteur en ce qui concerne sa position au sein du PDA, son emprisonnement et la responsabilité de l’État partie dans les actes de torture qu’il a subis. Parmi les éléments de preuve recueillis par l’État partie figure un entretien en prison avec Sardar Jalaloglu, dirigeant du PDA, qui a déclaré ne pas connaître l’auteur. L’État partie a en outre mis en doute l’authenticité de l’avis de recherche attribué au Ministère de l’intérieur, dont une copie incomplète a été soumise par le requérant au Conseil suédois des migrations.

11.6Compte tenu de ce qui précède et à la lumière des informations de première main dont il dispose, le Comité note que même s’il n’est pas contesté qu’il ait été membre du PDA et qu’il ait été victime d’actes de torture en 2001 et 2002 comme le confirment les rapports médicaux qu’il a soumis, le requérant n’a pas apporté la preuve qu’il occupait un poste de haut niveau au sein du parti ou qu’il y avait accompli des activités politiques suffisamment importantes pour qu’il coure personnellement un risque prévisible et réel d’être torturé à son retour. Le Comité constate en outre que le requérant n’a pas été en mesure de fournir une copie complète de l’avis de recherche présenté au Conseil suédois des migrations. En outre, il note que l’avis de recherche en question présente de nombreuses incohérences et, en tout état de cause, ne prouve pas que le requérant est recherché en Azerbaïdjan. Le Comité estime que le requérant n’a pas réfuté les conclusions de l’État partie et n’a pas prouvé l’authenticité du document en question. Il rappelle sa jurisprudence selon laquelle il appartient au requérant de recueillir et de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa version des faits.

11.7Pour ce qui est de la situation générale des droits de l’homme en Azerbaïdjan, le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel même si des violations des droits de l’homme sont encore signalées dans ce pays, l’Azerbaïdjan a fait quelques progrès vers l’amélioration de cette situation depuis son adhésion au Conseil de l’Europe et que des efforts sont déployés pour libérer les prisonniers politiques.

11.8Compte tenu de ce qui précède, le Comité n’est pas convaincu que le requérant court personnellement un risque réel et prévisible d’être torturé s’il est expulsé en Azerbaïdjan.

12.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi du requérant en Azerbaïdjan ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol, en français et en russe. Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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