NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.

RESTREINTE*

CAT/C/37/D/280/2005**

30 novembre 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente-septième session

(6 – 24 novembre 2006)

DÉCISION

Communication No. 280/2005

Présentée par:Gamal El Rgeig (représenté par un conseil)

Au nom de:Le requérant

État partie:Suisse

Date de la requête:15 septembre 2005 (lettre initiale)

Date de la présente décision15 novembre 2006

Objet: expulsiondu requérant vers un pays où il risque d’être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Questions de fond: risque de torture en cas d’expulsion; risque de peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant en cas d’expulsion

Question de procédure: néant

Article de la Convention: 3

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE AU TITRE DE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS

Trente‑septième session

Concernant la

Communication No 280/2005

Présentée par :Gamal El Rgeig (représenté par un conseil)

Au nom de :Le requérant

État partie :Suisse

Date de la requête :15 septembre 2005 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête No.280/2005, présentée par Gamal El Rgeig en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte ce qui suit décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est Gamal El Rgeig, un ressortissant libyen né en 1969, actuellement résident en en Suisse où il avait déposé une demande d'asile le 10 juin 2003 ; cette demande a été rejetée le 5 mars 2004. Il affirme que son renvoi forcé vers la Libye constituerait une violation, par la Suisse, de ses droits au titre de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

Le 16 septembre 2005, en vertu du paragraphe 1, de l'article 108 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’entremise de son Rapporteur Spécial des nouvelles requêtes et aux mesures intérimaires, a demandé à l’Etat partie de surseoir au renvoi du requérant pendant l’examen de sa requête. Par note verbale du 27 octobre 2005, l'État partie a informé le Comité qu’il accédait à cette demande.

Rappel des faits présentés par le requérant

En février 1989, le requérant a été arrêté en raison de ses « activités politiques » et a été détenu à la prison de Abou Salim pendant six ans, sans jamais être inculpé ou jugé. Pendant sa détention, il aurait été soumis à plusieurs reprises à des mauvais traitements et des actes de torture.

Il a été libéré en 1995 et aurait continué à être harcelé par les forces de sécurité. Il aurait à été convoqué régulièrement au poste de sécurité où il aurait été menacé et torturé, et, en 2000, des agents de l’Etat auraient fait irruption chez lui pour confisquer son ordinateur. Suite à cet incident, il aurait été arrêté et torturé à plusieurs reprises. La dernière arrestation aurait eu lieu en 2002 et à cette occasion les actes de torture auraient été plus sévères.

En mars 2003, il aurait appris qu’un de ses amis, emprisonné à la même période que lui et pour les mêmes raisons, avait été à nouveau emprisonné du fait que son nom figurait sur une liste. Il en aurait conclu que son nom figurait aussi sur cette liste. Suite à ces événements le requérant aurait quitté la Libye vers l’Egypte, où il aurait obtenu un visa italien, grâce à « une connaissance » à l’ambassade italienne. Il est arrivé en Italie, d’où il a rejoint la Suisse. Le 10 juin 2003, à son arrivée en Suisse, il a déposé une demande d’asile et a produit des documents officiels démontrant son emprisonnement durant six ans, ainsi qu’une des convocations qu’il aurait reçue après sa libération, datée de décembre 1997.

Le requérant affirme qu’il a continué ses activités politiques en Suisse, où il a entretenu des rapports avec différentes organisations et associations militant pour les droits de l’homme en Libye. Il aurait reçu deux courriers de la part de sa famille l’informant que les forces de sécurité étaient venues à plusieurs reprises le chercher et qu’ils les avaient menacés. Suite à ces événements, sa famille se serait vue contrainte de déménager.

Le 5 mars 2004, la demande d’asile du requérant a été rejetée par l'Office fédéral des réfugiés (ODR), maintenant l’Office fédéral des migrations (ODM), qui a ordonné son expulsion du territoire suisse avec délai au 30 avril 2004. Le requérant note que l’ODR a reconnu qu’il avait été emprisonné sans être jugé, mais a conclu qu’il n’était pas établi qu’il a été torture et persécuté après son libération en 1995. Le 5 avril 2004, le requérant a interjeté appel contre cette décision et le 7 juillet 2004 la Commission de recours en matière d'asile (CRA) a rejeté l’appel, estimant qu’il y avait de nombreuses incohérences factuelles dans les affirmations du requérant et que son récit des faits n’était pas crédible. Elle a donc confirmé la décision de l'ODR ordonnant son renvoi sous menace d’expulsion.

Le 8 septembre 2005, le Commissaire de police (de Genève) a rendu un ordre de mise en détention administrative à l’encontre du requérant. Le 9 septembre 2005, la Commission cantonale de recours de police des étrangers a confirmé l’ordre de mise en détention pour la durée d’un mois, soit jusqu’au 8 octobre 2005. Le 19 septembre 2005, le requérant a fait appel devant le Tribunal administratif de Genève contre la décision de la Commission du canton de Genève en matière de police des étrangers du 9 septembre 2005, confirmant l’ordre de sa mise en détention administrative. En annexe à son recours au Tribunal administratif figuraient des lettres d’appui à sa demande d’asile de la part d‘organisations non-gouvernementales travaillant sur la Libye et des réfugiés politiques en Suisse. Le requérant a

été libéré à une date non précisée, et le 27 septembre 2006, le Tribunal administratif a décidé de radier son recours du rôle, parce que devenu sans objet.

Teneur de la plainte

3. Selon le requérant, l’Office fédéral de réfugiés a reconnu qu’il avait été emprisonné pendant six ans sans jamais être jugé mais a estimé qu’il n’avait pas réussi à prouver qu’il avait été persécuté entre 1995 et 2003, alors que ces preuves étaient impossibles à apporter. Les autorités suisses n’auraient pas examiné les rapports récents publiés par différents observateurs internationaux qui font état de cas de détention et de torture en Lybie. Le requérant affirme qu'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il serait soumis à la torture en cas de son renvoi en Libye et que, par conséquence, son expulsion vers ce pays constituerait une violation par la Suisse de l'article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie sur le fond de la requête

Par note verbale du 27 octobre 2005, l'État partie déclare ne pas contester la recevabilité de la requête et le 16 mars 2006 il a présenté des observations sur le fond. En ce qui concerne l’effectivité du recours auprès du Tribunal administratif du canton de Genève, l’Etat partie observe que l’objet de cette procédure ne vise que la légalité de la détention administrative, n’affectant pas le caractère exécutoire de la décision de l’Office fédéral des migrations (ODM) ordonnant le renvoi du requérant. L’Etat partie conclut que le recours au Tribunal administratif ne saurait ainsi être qualifié d’utile et rappelle qu’il n’a pas contesté la recevabilité de la requête.

L’Etat partie souligne que le requérant n’apporte aucun élément pertinent nouveau qui permettrait de remettre en question la décision de la CRA. Les motifs pour lesquels, suite à un examen approfondi des allégations du requérant, la CRA, à l'instar de l'ODR, n'a pas été convaincue que le requérant risquait sérieusement d'être persécuté s'il était renvoyé en Libye. Il note que le requérant n'apporte aucun élément nouveau permettant de remettre en question les décisions de la CRA du 7 juillet 2004.

Ayant rappelé la jurisprudence du Comité et son Observation Générale No 1 relative à l'application de l'article 3, l'État partie fait siens les motifs retenus par la CRA à l'appui de ses décisions rejetant la demande d'asile du requérant et confirmant son renvoi. Il rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme graves, flagrantes ou massives ne constitue pas un motif suffisant pour conclure qu'un individu risquerait d'être victime de la torture à son retour dans son pays, et que des motifs supplémentaires doivent exister pour que le risque de torture soit qualifié, aux fins du paragraphe 1 de l'article 3, de « prévisible, réel et personnel ».

L’Etat partie soutient que vu que le requérant a été libéré le 2 mars 1995, il n’existe aucun lien temporel entre sa détention et la fuite du requérant en 2003, ce qui aurait été confirmé par le requérant lors de son audience d’enregistrement du 13 juin 2003. Dans cette audience, le requérant a confirmé qu’il n’avait pas eu de problème avec les autorités après sa libération et avait quitté la Lybie parce qu’il n’y trouvait pas de travail. A cela, il avait ajouté avoir « peur de retourner en prison ». Ces affirmations se trouvent en apparente contradiction

avec les déclarations du requérant lors de son audition cantonale selon lequelles il aurait été continuellement persécuté après sa libération en 1995 en raison des idées propagés relatives à la liberté d’expression et au multipartisme. Même si le requérant a ultérieurement modifié les motifs de sa fuite, en invoquant notamment le harcèlement et les mauvais traitements persistants en raison de ses convictions politiques, la situation des dissidents en Libye ne permet pas, à elle seule, de conclure qu’il risquerait d’être victime de torture à son retour dans ce pays. L’Etat partie ajoute que le requérant n’a pas fourni le moindre élément qui permettrait de conclure que les forces de sécurité auraient continué à le harceler, voire le maltraiter après sa libération. La convocation de 1997 l’obligeant à se présenter au poste de sécurité El Barak, ne saurait influencer ce constat.

L’Etat partie rappelle que le requérant est non seulement resté en Libye pendant huit ans après sa libération mais aussi qu’il y est retourné après un voyage en Egypte en 2001. A cette occasion, malgré le fait que le requérant serait, selon ses propres déclarations, interdit de voyager par les autorités, aucune procédure n’a été menée à son encontre, bien que les autorités aient tamponné son passeport lors de ses deux passages frontaliers. L’Etat partie estime également surprenant que le requérant ait pu obtenir sans problème un passeport en août 1998.

L’Etat partie note qu’il y avait plusieurs incohérences dans les documents d’appui des organisations non gouvernementales présentés en annexe au recours à la CRA, et que notamment, en contradiction avec les déclarations du requérant lors de l’audition cantonale selon lesquelles il avait toujours travaillé seul, certains de ces documents affirment qu’il avait été actif dans des groupes politiques. Ces documents se limitent, pour l’essentiel, à relever que le requérant a été détenu entre 1989 et 1995.

L’Etat partie prend note aussi de deux lettres de membres de la famille du requérant, datées du 5 mars 2004 et du 6 juin 2005, selon lesquelles ils auraient été harcelés par les forces de sécurité et se seraient sentis contraints à déménager. Il note que l’auteur lui-même n’a jamais ressenti un tel besoin. L’Etat partie estime surprenant que le requérant n’a pas porté à la connaissance de la CRA l’existence de la lettre du 5 mars 2004 lorsqu’il a apporté des observations complémentaires a son recours.

L’Etat partie conclut que la requête est dénuée de tout fondement et demande au Rapporteur Spécial des nouvelles requêtes et des mesures intérimaires de lever les mesures provisionnelles et au Comité d’examiner la requête au plus tôt.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la requête

Le requérant informe que le recours interjeté auprès du Tribunal administratif de Genève a été retiré car devenu sans objet suite à sa libération.

Il rappelle les faits exposés, notamment sa détention pendant six ans en Libye et les tortures subies. Il se réfère à un certificat médical émis en avril 2006 par un médecin des Hôpitaux Universitaires de Genève, spécialisé dans les soins aux victimes de torture et de guerre qui atteste l’existence de séquelles physiques et psychologiques consistantes avec les faits décrits.

Le requérant rappelle qu’en Suisse, il a continué à participer à des activités en faveur des droits de l’homme en Lybie et avait participé a une manifestation publique et que les

services libyens à Genève surveillent de près ce genre d’activités. Il aurait était continuellement interrogé sur ses démarches lorsqu’il était encore en Libye et serait manifestement surveillé sur celles opérées depuis la Suisse. De surcroît, sa famille serait systématiquement interrogée sur ses activités et sur le lieu où il se trouve. Le requérant se réfère à une lettre datée du 5 mars 2004 de la part d'un ami qui aurait rendu visite a sa famille en Libye et qui attesterait qu’ils étaient harcelés par les forces de sécurité et lui conseillait de ne pas rentrer. Il se réfère à un rapport détaillé de la section suisse d’Amnesty International sur le renvoi forcé de requérants d’asile libyens vers leur pays d’origine.

Le requérant apporte les documents suivants: la décision du Tribunal administratif de Genève du 26 septembre 2005 ; une attestation du service de sécurité de l’intérieur de Libye du 17 mai 2003 ; une copie d’un courrier de son amie datée 5 mars 2004 ; des attestations d’appuis d’organisations non gouvernementales libyennes ainsi que des copies de plusieurs rapports d’organisations non-gouvernementales internationales, et les observations et recommandations du Comité contre la torture sur les rapports de la Libye de 1999 et de 2005.

Concernant les prétendues incohérences factuelles, le requérant conteste qu’elles aient une quelconque incidence sur le fond de l’affaire. Il affirme que son unique erreur est d’avoir déclaré, lors de son premier entretien en Suisse, avoir quitté la Libye faute d’y trouver un emploi. Il s’était senti très déstabilisé lors de cet entretien et ne parvenait pas à s’exprimer correctement. Au surplus, il ne comprenait pas réellement ce qui se passait et ce qu’on attendait de lui : il lui était continuellement répété d’être bref. Il avait toutefois ajouté avoir toujours vécu en Libye avec la peur. Comme cela peut être constaté dans les rapports de plusieurs organisations internationales et non-gouvernementales la situation en Libye ne s’est pas améliorée. Le requérant estime que dans la mesure où il a été victime de torture et de persécutions lorsqu’il habitait en Libye, où sa famille est toujours menacée, et vu qu’il est sous surveillance en Suisse, il sera à nouveau soumis à la torture s’il y est renvoyé.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6. Avant d'examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l'alinéa a du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été et n'est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Dans le cas d'espèce, l'État partie n'a pas contesté la recevabilité. Le Comite estime que la requête est donc recevable.

Examen sur le fond :

7.1 Sur le fond, le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi du requérant vers la Lybie violerait l'obligation de l'État partie, en vertu de l'article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.

7.2 Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 3, s'il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d'être soumis à la torture s'il était renvoyé

en Libye. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l'article 3, y compris de l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement d'être soumis à la torture dans le pays de renvoi. Le Comité rappelle sa jurisprudence établie selon laquelle l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d'autres motifs qui donnent à penser que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

7.3 Le Comité rappelle son Observation Générale No 1 sur l'article 3, dans laquelle il déclare qu'il doit déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d'être soumis à la torture s'il est renvoyé dans le pays concerné, et que l'existence d'un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Il n'est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, mais ce risque doit être encouru personnellement et actuellement. Il prend également note que l'État partie avance l’absence d’un lien temporel entre la détention du requérant et de sa fuite du pays, et l’existence de multiples incohérences et contradictions dans les dires du requérant. Il prend acte des informations fournies par le requérant à cet égard, notamment qu’il avait été déstabilisé lors de son premier entretien, ainsi que des documents à l’appui de sa demande d’asile en Suisse.

7.4 Néanmoins, et mis à part ses activités passées, le requérant a présenté au Comité, dans le cadre de la présente communication, des attestations d’organisations de refugiés libyens en Europe, faisant valoir le soutien apporté par celui-là à leurs organisations, ainsi que ses activités politiques antérieures, avant son départ de la Libye, et ses rapports avec des mouvements religieux d’opposition qui y sont interdites et dont les membres sont poursuivis. Le requérant a également fait état de rencontres avec des représentants des autorités consulaires libyennes à Genève, lesquels lui avaient opposé le fait d’avoir déposé une demande d’asile politique. Enfin, il présente la copie d’un certificat médical du 24 avril 2006, où un médecin d’un hôpital genevois, spécialisé aux questions post-traumatiques, conclut à un lien de causalité entre les lésions corporelles, l’état psychologique du requérant, et les sévices subis tels que décrits par ce-dernier lors de son examen médical. Selon le médecin, dans son état psychologique actuel, le requérant ne paraît pas apte à surmonter un retour forcé vers la Libye et une telle contrainte constituerait un risque certain pour sa santé. L’Etat partie n’a pas formulé de commentaires à ce sujet. Dans les circonstances particulières du cas d’espèce, et notamment au vu des conclusions du rapport médical cité sur l’existence de séquelles importantes des actes de torture subis par le requérant, ses activités politiques ultérieures à son départ de la Lybie (telles que décrites aux paragraphes 2.4 et 5.3 ci-dessus), et eu également égard aux rapports persistants sur le traitement réservé en général à cette catégorie d’activistes lors de leur retour forcé en Lybie, le Comité considère que l’Etat partie ne lui a pas présenté des arguments suffisamment convaincants pour justifier toute absence de risque, pour le requérant, d’être exposé à la torture au cas de son renvoi en forcé éventuel vers la Lybie.

8. Le Comité contre la Torture, agissant au titre du paragraphe 7, de l’article 22, de la Convention, est de l’avis que le retour forcé du requérant vers la Lybie constituerait une violation, par la Suisse, de ses droits au titre de l’article 3 de la Convention.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité invite l'Etat partie à l'informer dans un délai de 90 jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises conformément aux constatations ci-dessus.

[Adopté en anglais, en espagnol, en français (version originale) et en russe. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe et en chinois dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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