Nations Unies

CCPR/C/BLR/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 novembre 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Bélarus *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le cinquième rapport périodique du Bélarus (CCPR/C/BLR/5) à ses 3530e et 3531e séances (voir CCPR/C/SR.3530 et 3531), les 8 et 9 octobre 2018. À sa 3556e séance, le 25 octobre 2018, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité regrette l’important retard avec lequel l’État partie a soumis son rapport au titre de l’article 40 du Pacte ; il lui sait gré d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation des rapports et d’avoir soumis son cinquième rapport périodique en s’appuyant sur la liste de points établie dans le cadre de cette procédure (CCPR/C/BLR/QPR/5). Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses apportées oralement par sa délégation.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives et gouvernementales ci-après :

a)L’adoption du plan d’action interinstitutions en faveur des droits de l’homme pour la période 2016-2019 (décision no 860 du Conseil des ministres), le 24 octobre 2016 ;

b)L’adoption de la nouvelle loi sur les réfugiés, en juillet 2016 ;

c)Les modifications apportées le 16 décembre 2014 à la loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains, portant création d’un mécanisme national d’identification et d’orientation des victimes de la traite.

4.Le Comité relève en outre avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 29 novembre 2016 ;

b)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 3 février 2004 ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 23 janvier 2002 et le 25 janvier 2006, respectivement.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Place du Pacte dans l’ordre juridique interne

5.S’il note que l’État partie explique l’absence de décisions de justice faisant référence au Pacte par le fait que les principales dispositions du Pacte ont été incorporées dans le droit interne, le Comité demeure préoccupé par l’absence de référence aux autres dispositions du Pacte, qui n’ont pas été incorporées, ainsi qu’aux interprétations du Pacte et aux recommandations du Comité concernant par exemple l’exercice de la liberté de réunion et d’expression. En conséquence, et compte tenu du fait que ses constatations ne sont pas diffusées largement, le Comité s’inquiète de ce que les agents de l’État, les juges, les procureurs et les avocats n’aient qu’une connaissance limitée du Pacte (art. 2).

6. L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour donner pleinement effet à tous les droits consacrés par le Pacte dans son ordre juridique interne et pour veiller à ce que les juridictions nationales s ’ y réfèrent et interprètent le droit interne à la lumière du Pacte et de son interprétation par le Comité, et pour que les agents de l ’ État, les juges, les procureurs et les avocats reçoivent une formation adéquate sur le Pacte, notamment en intégrant le Pacte et les travaux du Comité dans les programmes de formation juridique.

Constatations adoptées au titre du Protocole facultatif et mesures provisoires de protection

7.Le Comité regrette que l’État partie continue de ne pas donner suite aux demandes de mesures provisoires qui lui sont adressées, principalement en ce qui concerne des personnes condamnées à mort ayant soumis une communication en vertu du Protocole facultatif, et procède à des exécutions avant que le Comité ait rendu ses conclusions, en faisant valoir que les demandes de mesures provisoires se fondent sur le règlement intérieur du Comité et n’ont donc pas un caractère contraignant. Le Comité a connaissance de 10 cas de personnes qui ont été exécutées dans de telles circonstances, et il est préoccupé par le sort de trois autres personnes pour lesquelles des mesures provisoires ont été demandées. Il regrette en outre que l’État partie considère que les constatations adoptées en vertu du Protocole facultatif ont un caractère purement consultatif et qu’il n’ait donc pas donné suite aux 104 constatations concluant à une violation du Pacte adoptées à ce jour. Il regrette le refus explicite de l’État partie de coopérer pleinement avec lui dans le cadre de l’examen de communications émanant de particuliers, en raison de la pratique du Comité consistant à enregistrer les affaires sans exiger que la procédure de contrôle soit préalablement épuisée et à accepter que les communications soient présentées non par les victimes présumées elles-mêmes mais par leurs représentants légaux.

8.Le Comité rappelle sa jurisprudence, dont il ressort que le paragraphe 2 de l’article 39 du Pacte l’autorise à établir son propre règlement intérieur, et que les mesures provisoires prévues à l’article 92 de son règlement intérieur, adopté conformément à l’article 39 du Pacte, sont essentielles au rôle qui lui a été confié en vertu du Protocole facultatif afin d’éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à la victime d’une violation présumée. Le non-respect de cette disposition, en particulier par une action irréparable, comme l’exécution de condamnés à mort avant que le Comité ait achevé l’examen de leur communication, compromet la protection des droits consacrés par le Pacte et constitue une violation grave du Protocole facultatif.

9.Le Comité fait observer qu’en adhérant au Protocole facultatif, tout État partie au Pacte reconnaît que le Comité a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction qui se déclarent victimes de violations de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte (préambule et art. 1 du Protocole facultatif). Le corollaire de l’adhésion d’un État au Protocole facultatif est un engagement à coopérer de bonne foi avec le Comité, et le fait pour un État partie de prendre toute mesure susceptible d’empêcher le Comité de mener à bien l’examen d’une communication et de formuler ses constatations est incompatible avec les obligations qui découlent de l’article premier du Protocole facultatif.

10.Le Comité rappelle la position qu’il défend de longue date, et qui est énoncée dans son observation générale no 33 (2008) sur les obligations des États parties en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à savoir que ses constatations présentent certaines caractéristiques principales d’une décision judiciaire et constituent une décision qui fait autorité, rendue par l’organe institué en vertu du Pacte et auquel tous les États parties ont confié la tâche d’interpréter cet instrument. Il considère donc que la mise en œuvre des mesures de réparation indiquées dans ses constatations est un aspect important des obligations souscrites par les États parties en vertu du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte et du Protocole facultatif.

11.Rappelant sa jurisprudence de longue date, le Comité réaffirme en outre que la procédure de contrôle constitue un recours extraordinaire et n’est pas un recours qui doit impérativement être épuisé avant la présentation d’une communication, et que les auteurs de communications ont droit à une représentation légale lorsqu’ils s’adressent à lui (art. 2 du Pacte et art. 1 du Protocole facultatif).

12. L ’ État partie devrait revoir sa position en vue de s ’ acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif en coopérant pleinement et de bonne foi avec le Comité pour l ’ examen des communications présentées en vertu du Protocole facultatif, notamment en se conformant aux demandes de mesures provisoires de protection et en mettant pleinement en œuvre toutes les constatations adoptées par le Comité, de manière à garantir le droit des victimes à un recours utile en cas de violation du Pacte, conformément au paragraphe 3 de l ’ article 2 du Pacte.

Institution nationale des droits de l’homme

13.Le Comité note que l’État partie a examiné la possibilité de créer une institution nationale indépendante des droits de l’homme en étudiant les données d’expérience internationale dans ce domaine, mais il est préoccupé par la lenteur des progrès réalisés et l’absence de calendrier à cet égard. Il constate qu’aucune des institutions spécialisées ayant un mandat relatif aux droits de l’homme qui ont été mentionnées par l’État partie n’est conforme aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2).

14. L ’ État partie devrait établir , dans des délais raisonnables , une institution nationale indépendante des droits de l ’ homme chargée de protéger l ’ ensemble des droits de l ’ homme qui soit pleinement conforme aux Principes de Paris et qui fonctionne en toute indépendance et transparence et avec efficacité pour promouvoir et protéger les droits de l ’ homme.

Cadre de la lutte contre la discrimination

15.Le Comité note que les principes généraux de l’égalité devant la loi et de la non‑discrimination sont consacrés dans la Constitution et dans divers textes législatifs, mais constate avec préoccupation que le cadre juridique existant n’offre pas une protection complète contre la discrimination fondée sur les motifs interdits par le Pacte, et ne prévoit pas de recours utiles en cas de discrimination. Ces lacunes seraient dues à l’absence de législation générale contre la discrimination. Le Comité note qu’un processus de modification de la législation visant à établir une liste ouverte de motifs de discrimination interdits est en cours et que l’examen triennal de la législation, actuellement dans sa deuxième phase, permettra de déterminer s’il est souhaitable d’adopter une loi spécifique contre la discrimination (art. 2 et 26).

16. L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires, notamment adopter une loi globale contre la discrimination, pour garantir que le cadre juridique en place offre une protection adéquate et effective tant en droit positif qu ’ en matière procédurale contre toutes les formes de discrimination, y compris dans la sphère privée, pour tous les motifs interdits par le Pacte et donne accès à des recours utiles et appropriés pour toutes les formes de discrimination.

Discrimination à l’égard des Roms

17.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur les mesures prises pour protéger les intérêts de la minorité rom, mais il demeure préoccupé par les cas signalés de manifestations de discrimination à l’égard des Roms, notamment les discours de haine et le profilage racial par les forces de l’ordre, et par les taux élevés d’analphabétisme et d’absentéisme scolaire chez les enfants roms (art. 2, 26 et 27).

18. L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour lutter contre la discrimination à l ’ égard des Roms et contre les discours de haine les visant, et pour mettre fin au profilage racial par les forces de l ’ ordre, notamment en dispensant une formation obligatoire sur la lutte contre les crimes de haine et le caractère inadmissible du profilage ethnique. Il devrait renforcer l ’ action visant à garantir la scolarisation des enfants roms et à leur permettre d ’ atteindre un niveau d ’ instruction satisfaisant, sur un pied d ’ égalité avec les autres enfants.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

19.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie à ce sujet mais il demeure préoccupé par les cas signalés de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, y compris les actes de harcèlement, les propos homophobes, l’incitation à la haine et à la violence à l’égard des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres, et par l’absence de mesures de protection adéquates contre ce type de discrimination, tant dans la législation que dans la pratique. Il est également préoccupé par les informations faisant état de violations de la vie privée et d’autres atteintes aux droits des transgenres du fait, notamment, de la présence d’indications de genre dans les numéros de passeport, rendant les informations relatives à un changement de sexe accessibles à un large éventail d’agents de l’État, et d’une mention sur le livret militaire des hommes transgenres indiquant qu’ils sont inaptes au service et relèvent de la catégorie 19a (graves troubles mentaux) de la classification des maladies approuvée par les Ministères de la santé et de la défense (art. 2, 7, 17 et 26).

20. L ’ État partie devrait prendre des mesures énergiques pour éliminer effectivement toutes les formes de discrimination et de violence fondées sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre, notamment : a) en faisant expressément figurer l ’ orientation sexuelle et l ’ identité sexuelle parmi les motifs de discrimination interdits dans la législation générale contre la discrimination ; b) en dispensant aux agents de la force publique et autres agents de l ’ État une formation appropriée sur la lutte contre les attitudes discriminatoires à l ’ égard des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres ; c) en sanctionnant ces comportements comme il se doit, y compris en ouvrant sans délai des enquêtes sur tous les cas signalés d ’ actes de violence ou de haine motivés par l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre et en traduisant en justice les auteurs de tels actes. L ’ État partie devrait modifier les règles et procédures relatives au changement de sexe afin de les rendre compatibles avec le Pacte et de garantir notamment le respect du droit à la vie privée.

Droits des personnes handicapées

21.Le Comité prend acte des mesures positives prises pour garantir les droits des personnes handicapées, mais il est préoccupé par le rythme des réformes dans ce domaine et par le financement insuffisant de plusieurs programmes, notamment le plan d’action national pour l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées pour la période 2017-2025. Le Comité est préoccupé par les informations qui font état de la lenteur des progrès accomplis pour assurer l’accessibilité physique des espaces publics ainsi que des transports publics, des bâtiments et autres infrastructures et pour intégrer les enfants handicapés au sein du système d’éducation inclusive (art. 2 et 26).

22. L ’ État partie devrait renforcer les mesures prises pour promouvoir et protéger les droits des personnes handicapées et assurer un financement suffisant pour leur mise en œuvre effective dans la pratique. Il devrait, entre autres, améliorer l ’ accessibilité des transports publics, des bâtiments et autres infrastructures, garantir aux personnes handicapées un accès sans discrimination à ces lieux et à ces services, et faire des progrès dans l ’ intégration des enfants handicapés au sein du système d ’ éducation inclusive.

Violence à l’égard des femmes, y compris la violence intrafamiliale

23.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, notamment l’adoption en 2014 de la loi sur les principes de prévention de la criminalité, qui introduit des ordonnances de protection, mais il demeure préoccupé par la prévalence de la violence fondée sur le genreà l’égard des femmes. De plus, depuis 2013, le nombre des infractions administratives visées au paragraphe 2 de l’article 9.1 du Code des infractions administratives (dommages corporels infligés de manière intentionnelle) a considérablement augmenté par rapport au nombre d’infractions visées dans le Code pénal. En outre, il n’existe toujours pas de loi incriminant spécifiquement la violence intrafamiliale et le viol conjugal. Le Comité note qu’un projet de loi sur la violence intrafamiliale a été élaboré et est en cours d’examen, mais il regrette que l’État partie n’ait indiqué aucune échéance pour son adoption. Il regrette également la position exprimée par l’État partie (CCPR/C/BLR/5, par. 115) selon laquelle « il n’est pas besoin de prendre de disposition spéciale en vue de criminaliser le viol conjugal » car « cela serait discriminatoire pour les victimes de crimes sexuels commis en dehors du contexte familial » (art. 2, 3, 6, 7 et 26).

24. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour prévenir et combattre toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes. Il devrait notamment prendre les mesures suivantes :

a) Adopter dans un délai raisonnable une législation criminalisant expressément la violence à l ’ égard des femmes, en particulier la violence intrafamiliale et la violence sexuelle, et veiller à son application effective dans la pratique ;

b) Renforcer les mesures de prévention, notamment les campagnes de sensibilisation au caractère inacceptable et aux incidences néfastes de la violence à l ’ égard des femmes, informer systématiquement les femmes de leurs droits et les encourager à signaler les faits de violence aux représentants des forces de l ’ ordre ;

c) Faire en sorte que les membres des forces de l ’ ordre, le personnel judiciaire et les autres acteurs concernés reçoivent une formation appropriée sur les moyens de détecter les actes de violence à l ’ égard des femmes et sur la façon de traiter ces affaires et d ’ enquêter sur ces actes en tenant compte des questions de genre ;

d) Veiller à ce que tous les cas de violence à l ’ égard des femmes donnent lieu sans délai à des enquêtes approfondies, que les auteurs soient traduits en justice et que les victimes aient accès à des voies de recours et à des moyens de protection, notamment des foyers ou centres d ’ aide d ’ urgence sûrs, dotés de ressources financières suffisantes et en nombre adéquat, et des services d ’ appui adaptés, sur l ’ ensemble du territoire.

Disparitions forcées

25.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas mené d’enquête approfondie et efficace pour établir le sort de Viktar Hanchar, Yuri Zakharenko, Dimitry Zavadsky et Anatoly Krasovsky, qui ont été identifiés comme victimes de disparition forcée, en violation de ses obligations au titre du paragraphe 3 de l’article 2, lu conjointement avec les articles 6 et 7 du Pacte, et déplore que l’État partie n’ait fourni aucun autre renseignement à ce sujet au cours du dialogue constructif (art. 2, 6, 7, 9 et 16).

26. L ’ État partie devrait :

a) Criminaliser expressément les disparitions forcées, conformément aux normes internationales ;

b) Mener une enquête approfondie, crédible et impartiale sur les cas de Viktar Hanchar, Yuri Zakharenko, Dimitry Zavadsky et Anatoly Krasovsky, qui ont été identifiés comme victimes de disparition forcée, afin de déterminer ce qu ’ il est advenu de ces personnes et où elles se trouvent ; veiller à ce que les victimes et leurs proches soient informés du déroulement et des résultats de l ’ enquête ; identifier les responsables et faire en sorte qu ’ ils soient poursuivis et condamnés à des peines appropriées, proportionnées à la gravité de l ’ infraction commise ; veiller à ce que les victimes de disparition forcée et leur famille obtiennent une réparation intégrale, ce qui inclut la réadaptation, la satisfaction et des garanties de non-répétition ; et tenir compte des constatations du Comité dans les affaires Krasovskaya et Krasovskaya c. Bélarus (CCPR/C/104/D/1820/2008) et Zakharenko et Zakharenko c. Bélarus (CCPR/C/119/D/2586/2015).

Peine de mort

27.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas progressé pour ce qui est d’abolir la peine de mort et de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il demeure préoccupé par le fait que la peine de mort continue d’être prononcée et appliquée, y compris dans des affaires pour lesquelles il a demandé des mesures provisoires, et qu’il n’existe toujours pas de mécanisme de recours efficace contre les condamnations à mort prononcées en première instance par la Cour suprême. Il est aussi préoccupé par le fait qu’aucune mesure n’a été prise pour remédier aux violations relevées dans les constatations qu’il a adoptées concernant sept communications présentées par des particuliers en vertu du Protocole facultatif, mentionnées à l’alinéa c) du paragraphe 28 ci‑après, dont les détails sont les suivants :

a)Violation des garanties d’une procédure régulière prévues à l’article 14, qui comprennent le droit à une représentation légale effective, la présomption d’innocence et le droit de recours devant une juridiction supérieure. Le Comité rappelle à cet égard sa jurisprudence de longue date selon laquelle le non-respect de ces garanties fondamentales entraîne une violation de l’article 6 du Pacte ;

b)La non-communication aux condamnés à mort et à leurs proches de la date de l’exécution, la non-restitution du corps des personnes exécutées aux proches et la non‑divulgation du lieu de la sépulture (art. 175, par. 5 du Code d’exécution des peines), en violation de l’article 7 du Pacte (art. 2, 6, 7 et 14).

28. Le Comité souligne que la peine de mort n ’ est pas conciliable avec le plein respect du droit à la vie, et son abolition est à la fois souhaitable et nécessaire pour la promotion de la dignité humaine et la réalisation progressive des droits de l ’ homme. Compte tenu de ce qui précède et du caractère temporaire du recours à la peine de mort inscrit dans la Constitution du pays, l ’ État partie devrait envisager d ’ instaurer un moratoire sur les exécutions comme première étape vers l ’ abolition de la peine de mort et la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, de commuer en peines d ’ emprisonnement toutes les peines de mort déjà prononcées et de redoubler d ’ efforts pour faire évoluer les mentalités quant à la nécessité de maintenir la peine capitale. En attendant l ’ abolition de la peine de mort, l ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que la peine de mort, si elle est prononcée, ne le soit jamais en violation du Pacte, notamment des garanties d ’ une procédure régulière, et prévoir un droit de recours effectif contre les condamnations à mort ;

b) Modifier l ’ article 175 du Code d ’ exécution des peines afin de le rendre conforme aux obligations de l ’ État partie au titre de l ’ article 7 du Pacte ;

c) Donner rapidement et pleinement effet aux constatations adoptées par le Comité des droits de l ’ homme dans les affaires concernant Vasily Yuzepchuk, Pavel Selyun, Oleg Grishkovtsov, Andrei Burdyko, Vladislav Kovalev, Andrei Zhuk et Alexandr Grunov.

Torture et mauvais traitements

29.Le Comité est conscient qu’une note définissant expressément la torture a été ajoutée à l’article 128 du Code pénal en 2015, mais il est préoccupé par les lacunes qui subsistent dans la définition et son applicabilité, étant donné que tous les actes constitutifs de torture ne sont pas couverts par cette définition et que les peines prévues pour les actes de torture ne sont pas à la mesure de la gravité de l’infraction commise. Il est également préoccupé par les allégations persistantes selon lesquelles : a) les agents des forces de l’ordre recourent à la torture et aux mauvais traitements pour extorquer des aveux aux suspects et ces aveux sont utilisés comme preuves devant les tribunaux ; b) les allégations de torture et de mauvais traitements ne font souvent pas l’objet d’enquêtes et le Comité d’enquête n’a pas l’indépendance requise pour mener des enquêtes efficaces sur ces allégations ; c) les unités médicales chargées de constater les blessures infligées aux détenus font structurellement partie du système pénitentiaire. Le Comité prend note avec préoccupation de la déclaration de l’État partie selon laquelle aucune condamnation au titre des articles 128 et 394 du Code pénal n’a été prononcée depuis 2016, et regrette qu’aucune information actualisée n’ait été fournie à ce sujet. Le Comité regrette également que l’État partie ait affirmé qu’aucune plainte pour torture ou mauvais traitements n’a été déposée par Andrei Sannikov, Ales Mikhalevich ou Aliaksandr Kazulin en ce qui concerne les candidats et les activités politiques en rapport avec l’élection présidentielle de 2006 ou les manifestations de l’opposition le jour des élections en décembre 2010, et note que l’État partie, dans le contexte de la communication présentée par M. Sannikov au Comité (voir CCPR/C/122/D/2212/2012), a fait valoir que les allégations de l’intéressé n’avaient pas été confirmées (art. 2, 7 et 14).

30. L ’ État partie devrait prendre des mesures fortes pour éradiquer la torture et les mauvais traitements, et notamment :

a) Mettre la définition de la torture en conformité avec l ’ article 7 du Pacte et les autres normes internationales, notamment faisant en sorte que l ’ infraction de torture soit imprescriptible et emporte des peines à la mesure de la nature et de la gravité de l ’ infraction ;

b) D ispenser aux membres des forces de l ’ ordre une formation appropriée pour prévenir la torture et garantir aux personnes un traitement humain ;

c) Veiller à ce qu ’ il soit procédé à des examens médicaux indépendants et fiables et à ce que les blessures soient consignées ;

d) Veiller à ce que les aveux obtenus en violation de l ’ article 7 du Pacte ne soient acceptés par les tribunaux en aucune circonstance ;

e) Veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête approfondie menée par un organe efficace, pleinement indépendant et impartial ; à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et les personnes reconnues coupables condamnées à des peines à la mesure de la gravité de l ’ infraction commise ; et à ce que les victimes et, le cas échéant, leur famille reçoivent une réparation intégrale, y compris des moyens de réadaptation et une indemnisation adéquate.

Contrôle judiciaire de la détention

31.Le Comité est préoccupé par le fait que, selon la législation en vigueur : a) la détention provisoire d’un individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale peut être autorisée par un grand nombre de personnes, notamment : le procureur, le procureur adjoint, le président du Comité d’enquête, le chef du Comité de la sécurité de l’État ou des personnes exerçant ces fonctions et par l’organe d’enquête ou l’enquêteur, sur autorisation du procureur ou d’un procureur adjoint ; b) le contrôle judiciaire de la détention (habeas corpus) se limite au contrôle de la légalité de la procédure (art. 9).

32. L ’ État partie devrait mettre sa législation et ses pratiques en conformité avec l ’ article 9 du Pacte, en particulier en veillant à ce que : a) toute personne arrêtée ou détenue du chef d ’ une infraction pénale soit déférée sans tarder, normalement dans les quarante-huit heures, devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, afin que la détention fasse l ’ objet d ’ un contrôle judiciaire ; b) le contrôle judiciaire de la détention de toute personne privée de liberté satisfasse aux normes prévues par le paragraphe 4 de l ’ article 9 du Pacte et comporte un examen des faits sur lesquels repose la détention. Le Comité appelle l ’ attention sur son observation générale n o  35 (2014) sur la liberté et la sécurité de la personne, en particulier sur les paragraphes 32, 33 et 39, dans lesquels il est notamment précisé qu ’ un procureur ne peut pas être considéré comme une autorité habilitée à exercer des fonctions judiciaires au sens du paragraphe 3 de l ’ article 9 du Pacte.

Détention à titre préventif et hospitalisation psychiatrique forcée de défenseurs des droits de l’homme

33.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la détention administrative aux fins d’établir l’identité d’une personne contre laquelle une procédure administrative a été ouverte serait utilisée de manière trop générale et abusivement. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que la détention de personnes à titre préventif avant la tenue d’événements politiques ou sociaux serait couramment utilisée, en particulier contre des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, et qu’elle est officiellement fondée sur le cadre juridique de la détention administrative. Il s’agit notamment de l’arrestation et de la détention, le 25 mars 2017, de 57 personnes participant à une session de formation au bureau du Centre des droits de l’homme Viasna sur la surveillance des réunions pacifiques en vue d’une manifestation prévue plus tard dans la journée, ainsi que de l’arrestation et de la détention ultérieure pendant dix jours du dirigeant de l’opposition et ancien candidat aux élections présidentielles Mikalay Statkevich, entre autres, à la veille des manifestations pour la Journée de la liberté, en mars 2018. Le Comité est préoccupé par les informations persistantes faisant état d’éventuelles hospitalisations psychiatriques arbitraires et obligatoires de défenseurs des droits de l’homme, et regrette que l’État partie n’ait fourni aucune information sur les résultats des examens effectués par la justice concernant l’hospitalisation forcée présumée d’Igor Postnov, un médecin qui avait enquêté sur la corruption dans le système de santé, et d’Andrei Kasheuski, qui portait un ruban des manifestations Euromaïdan à Kiev (art. 2, 9, 10, 14, 19 et 21).

34. L ’ État partie devrait mettre sa législation et ses pratiques en matière de détention administrative en conformité avec l ’ article 9 du Pacte, en tenant compte de l ’ observation générale n o  35 (2014) du Comité sur la liberté et la sécurité de la personne. Il devrait veiller à ce que les principes de légalité et de proportionnalité soient strictement respectés dans toute décision restreignant le droit à la liberté et à la sécurité d ’ une personne et à ce que le droit à une procédure régulière soit pleinement respecté. L ’ État partie devrait mettre fin à la pratique du placement en détention à titre préventif de défenseurs des droits de l ’ homme et de journalistes et à la pratique de l ’ hospitalisation psychiatrique forcée et arbitraire de défenseurs des droits de l ’ homme, qui sont incompatibles avec les obligations qui lui incombent au titre des articles 9, 14, 19 et 21 du Pacte.

Traitement des détenus

35.Le Comité prend note des mesures législatives et autres qui ont été prises pour réduire le nombre de détenus et améliorer les conditions de détention, mais il reste préoccupé par les informations faisant état d’établissements pénitentiaires surpeuplés, de suicides et de décès en détention dus à l’absence de soins médicaux appropriés, notamment des cas de Siarhei Ishchuk et Valentyn Pishchalau, qui sont morts à la colonie pénitentiaire no 13 de Hlybokaïe en juin 2016 et janvier 2017 respectivement, et du cas d’Alexander Lembovich, décédé à la colonie pénitentiaire no 15 de Mogilev. Le Comité note que des travaux sont menés en vue de modifier la procédure régissant le statut des commissions de surveillance publique, mais il est préoccupé par le fait que celles-ci ne bénéficieraient pas d’une pleine indépendance et que leur efficacité serait limitée, notamment parce qu’elles n’auraient pas accès à tous les lieux de détention (art. 6, 7 et 10).

36. L ’ État partie devrait :

a) Prendre des mesures efficaces pour remédier au surpeuplement des lieux de détention, notamment en recourant davantage à des mesures de substitution à la détention ;

b) Accroître les efforts visant à améliorer les conditions de détention et l ’ accès à des soins médicaux appropriés et en temps utile , conformément au Pacte et à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ;

c) Veiller à ce que les décès en détention fassent immédiatement l ’ objet d ’ enquêtes impartiales et indépendantes, à ce que les responsables soient traduits en justice, s ’ il y a lieu, et à ce que les familles des victimes obtiennent réparation ;

d) Veiller à ce que les commissions de surveillance publique soient pleinement indépendantes, fonctionnent efficacement et aient le mandat et la capacité d ’ effectuer régulièrement des visites inopinées dans tous les lieux de privation de liberté, et faciliter les visites de contrôle et d ’ inspection par des organisations indépendantes.

Travail forcé

37.Le Comité relève que la Constitution interdit le travail forcé, mais il est préoccupé par le fait que certains éléments du travail forcé sont encore inscrits dans la législation et dans certaines politiques, notamment :

a)Le décret présidentiel no 18 du 24 novembre 2006 relatif aux mesures supplémentaires concernant la protection par l’État des enfants de familles à problèmes, qui impose aux parents dont les enfants sont pris en charge par l’État l’obligation de rembourser les frais de cette prise en charge, ce qui peut donner lieu à l’établissement d’une ordonnance imposant un emploi à ces parents s’ils sont au chômage ou sous-employés. Ces ordonnances ont force exécutoireet leur non-application est passible desanctions pénales (art. 174 du Code pénal), de sanctions administratives(art. 9.27 du Code des infractions administratives) ou d’arrestation extrajudiciairepar décision du Ministère de l’intérieur (art. 3.6 du Code de procédure et d’application des sanctions administratives) ;

b)La loi no 104-3 du 4 janvier 2010 relative à la procédure et aux conditions d’orientation des citoyens vers les centres de réadaptation par ergothérapie, qui impose un travail obligatoire aux personnes qui sont soumises à l’isolement involontaire et suivent un traitement en vue de leur réadaptation médicale et sociale, notamment aux personnes souffrant d’alcoolisme chronique ou de toxicomanie (art. 8 et 9).

38. L ’ État partie devrait procéder à une révision globale des textes législatifs susmentionnés et de toutes les pratiques prévoyant l ’ imposition d ’ un travail, dans le but de mettre ces réglementations en pleine conformité avec le Pacte, en particulier avec ses articles 8 et 9.

Indépendance de la magistrature et procès équitable

39.Tout en prenant note des mesures prises dans le cadre de la réforme judiciaire, telles que les modifications apportées en 2016 au Code relatif au système judiciaire et au statut des juges, le Comité demeure préoccupé par le fait que l’indépendance du pouvoir judiciaire continue d’être compromise par le rôle joué et le contrôle exercé par le Président en ce qui concerne la sélection, la nomination, la reconduction, la promotion et la révocation des juges ou des procureurs, et par le fait que les juges ne sont pas inamovibles, ceux-ci étant nommés initialement pour un mandat de cinq ans avec la possibilité d’être reconduits dans leurs fonctions pour un nouveau mandat ou pour une durée indéterminée. Il est également préoccupé par le fait que le traitement des juges est fixé par décret présidentiel et non par la loi. Le Comité est en outre préoccupé par : a) la violation de la présomption d’innocence pour les prévenus, qui continuent d’être enfermés dans des cages en verre ou en métal pendant les audiences judiciaires et qui sont parfois tenus d’entrer et de sortir de la salle d’audience entravés et courbés − comme le Comité l’a déjà noté à plusieurs reprises dans ses constatations au titre du Protocole facultatif ; b) le fait que les garanties d’un procès équitable n’auraient pas été respectées, y compris le droit à une audience publique, l’accès à un conseil et le respect de la présomption d’innocence, pendant le procès des candidats et militants de l’opposition se rapportant aux élections de 2006 et 2010 (art. 14).

40. L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir, en droit et dans la pratique, la pleine indépendance du pouvoir judiciaire, et notamment : a) réexaminer le rôle du Président dans la sélection, la nomination, la reconduction, la promotion et la révocation des juges ; b) envisager la création d ’ un organe indépendant chargé de régir le processus de sélection des juges ; c) garantir l ’ inamovibilité des juges. L ’ État partie devrait également veiller à ce que les prévenus bénéficient de toutes les garanties d ’ un procès équitable, y compris la présomption d ’ innocence, et mettre fin aux pratiques visées à l ’ alinéa a) du paragraphe 39 ci ‑dessus.

Indépendance de la profession juridique et harcèlement des avocats

41.Le Comité est préoccupé par les informations faisant constamment état de pressions et de harcèlement visant les avocats, en particulier ceux qui s’occupent d’affaires politiquement sensibles, notamment au moyen de la procédure de certification appliquée par la Commission de certification des avocats, qui peut émettre une appréciation négative des connaissances professionnelles des avocats, et regrette l’absence d’informations sur les possibilités de recours effectifs contre le retrait des licences qui en résulte. Le Comité est également préoccupé par les inspections extraordinaires qui auraient été effectuées en septembre 2017 concernant plus de 20 avocats, en particulier des avocats du barreau de Minsk, et par les informations selon lesquelles les relations entre les barreaux et le Ministère de la justice compromettraient l’indépendance de la profession juridique (art. 14 et 22).

42. L ’ État partie devrait, en tenant compte du Pacte et des Principes de base relatifs au rôle du barreau (1990), réviser sa réglementation et ses pratiques concernant l ’ octroi de licences et le contrôle du travail des avocats, en vue de garantir la pleine indépendance des barreaux et des avocats et leur protection effective contre toute forme d ’ ingérence indue ou de représailles en relation avec leur activité professionnelle.

Droit à la vie privée

43.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la législation prévoit de larges pouvoirs de surveillance et que l’interception de toutes les communications électroniques, notamment au moyen du système de mesures d’enquête opérationnelles, qui permet l’accès à distance à toutes les communications des utilisateurs sans en informer les fournisseurs, n’offre pas de garanties suffisantes contre les immixtions arbitraires dans la vie privée des individus (art. 17).

44. L ’ État partie devrait faire en sorte que : a) tous les types d ’ activités de surveillance et d ’ immixtion dans la vie privée, dont la surveillance en ligne aux fins de la sécurité de l ’ État, soient régis par une législation appropriée pleinement conforme au Pacte, en particulier à son article 17, et notamment aux principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité, en veillant à ce que la pratique de l ’ État s ’ y conforme ; b) la surveillance et l ’ interception soient subordonnées à une autorisation judiciaire ainsi qu ’ à des mécanismes de contrôle efficaces et indépendants ; c) les personnes touchées aient un accès approprié à des recours effectifs en cas d ’ abus.

Liberté de religion

45.Le Comité est préoccupé par les restrictions injustifiées au droit à la liberté de religion, telles que l’enregistrement obligatoire des communautés religieuses, le refus répété, selon des allégations, d’enregistrer certaines communautés religieuses et le fait que les citoyens étrangers doivent obtenir une autorisation pour pouvoir participer à des activités religieuses (art. 18 et 26).

46. L ’ État partie devrait garantir l ’ exercice effectif de la liberté de religion dans la législation et dans la pratique , notamment en abrogeant la disposition prévoyant l ’ enregistrement obligatoire des communautés religieuses, et devrait s ’ abstenir de toute action susceptible de limiter cette liberté au-delà des restrictions permises par l ’ article 18 du Pacte, qui sont à interpréter de manière restrictive.

Objection de conscience au service militaire

47.Le Comité prend note de l’adoption en 2015 de la loi relative au service de remplacement, mais il reste préoccupé par le fait que le droit à l’objection de conscience au service militaire ne peut être exercé que pour des motifs religieux et ne s’applique pas aux personnes qui font valoir des convictions non religieuses. Il est également préoccupé par la différence de durée du service de remplacement pour ceux qui ont fait des études supérieures et ceux qui n’en ont pas fait, le service de remplacement pour ces derniers étant deux fois plus long que le service militaire. Tout en notant que cette différence est justifiée par le souci d’éviter les abus et l’augmentation du nombre de demandes de service de remplacement, le Comité est préoccupé par les aspects discriminatoires et répressifs de cette différence (art. 18 et 26).

48. L ’ État partie devrait prendre des mesures pour revoir sa législation afin de reconnaître le droit à l ’ objection de conscience au service militaire sans discrimination fondée sur la nature des convictions (convictions religieuses ou non religieuses fondées sur la conscience) invoquées et de veiller à ce que le service de remplacement ne soit ni punitif ni discriminatoire, de par sa nature ou sa durée, par rapport au service militaire.

Liberté d’expression

49.Le Comité est préoccupé par les lois et les pratiques qui ne semblent pas respecter les principes de sécurité juridique, de nécessité et de proportionnalité consacrés par le Pacte, et qui restreignent considérablement la liberté d’opinion et d’expression, notamment :

a)Les restrictions imposées à l’expression sur Internet, notamment par les modifications introduites en juin 2018 dans la loi sur les médias, qui étendent le contrôle de l’État aux médias en ligne et prévoient, entre autres, une procédure d’enregistrement en tant que médias officiels en ligne et l’obligation pour les portails d’information de faire remplir une page d’identification obligatoire aux visiteurs du site Web ;

b)Le pouvoir qu’a l’exécutif de fermer des organes de presse et la pratique répandue consistant à adresser des avertissements aux organes de presse, qui a un effet dissuasif sur la liberté d’expression ;

c)La disposition de l’article 38 de la loi sur les médias, formulée en termes généraux, qui détermine les informations dont la diffusion est interdite dans les médias, en particulier celles qui proviennent d’organisations non enregistrées et les informations « qui portent atteinte aux intérêts nationaux » ;

d)Les lois interdisant les informations qui portent atteinte à « l’honneur et à la dignité » de hauts fonctionnaires, y compris la responsabilité pénale pour diffamation du Président du Bélarus (art. 367 du Code pénal), et la diffamation de la République du Bélarus, qui répriment le fait de fournir en connaissance de cause à un État étranger, à une organisation étrangère ou à une organisation internationale de faux renseignements sur la situation politique, économique, sociale, militaire ou internationale du pays ou sur le statut juridique de citoyens du Bélarus, qui nuisent à l’image du pays ou de ses autorités ;

e)Le harcèlement et les persécutions dont auraient fait l’objet des journalistes travaillant pour des organes de presse étrangers non accrédités ;

f)Les interdictions de voyager arbitraires qui auraient été imposées à des défenseurs des droits de l’homme, à des avocats et à des journalistes dans le cadre de leurs activités (art. 12, 17 et 19).

50. L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir à chacun la pleine jouissance de la liberté d ’ expression dans la pratique, et notamment :

a) Abroger ou réviser les lois susmentionnées en vue de les rendre conformes à ses obligations au regard du Pacte, en tenant compte de l ’ observation générale n o  34 (2011) du Comité sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression ;

b) Envisager de dépénaliser la diffamation et, en tout état de cause, limiter l ’ application de la loi pénale aux affaires les plus graves, étant entendu que l ’ emprisonnement ne constitue jamais une peine appropriée pour cette infraction, comme il est précisé dans l ’ observation générale n o  34 (2011) sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression ;

c) Lever toutes les autres restrictions indues à l ’ exercice de la liberté d ’ expression et veiller à ce que la nécessité de toute restriction imposée et la proportionnalité de la mesure répondent aux conditions strictes énoncées au paragraphe 3 de l ’ article 19 du Pacte.

Liberté de réunion pacifique

51.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie réglemente le droit de réunion pacifique d’une manière qui porte atteinte à l’exercice de ce droit. Il est particulièrement préoccupé par les restrictions excessives suivantes :

a)L’obligation générale d’obtenir une autorisation pour la tenue de tous les types de manifestations ; les conditions strictes de l’octroi d’une autorisation, y compris l’engagement d’assurer l’ordre et la sécurité publics et la fourniture de services médicaux et de nettoyage ; les limitations concernant la tenue de rassemblements, en particulier le fait de les restreindre à certains lieux autorisés seulement, de limiter l’importance des rassemblements organisés par des personnes physiques à moins de 1 000 personnes, et d’interdire les réunions spontanées. Tout en notant que les modifications apportées en 2018 à la loi sur les manifestations publiques introduisent une procédure de notification pour la tenue des rassemblements, le Comité reste préoccupé par le fait que cette procédure ne peut être utilisée que pour les rassemblements tenus dans des lieux fixes, désignés par les autorités et qui seraient éloignés du centre des villes ;

b)Les entraves à la tenue des rassemblements annuels pour la Journée de la liberté, en mars, et pour la Journée de la commémoration de Tchernobyl, en avril ;

c)L’application disproportionnée de sanctions pénales et administratives à des personnes qui organisent ou convoquent des manifestations publiques ou y participent, notamment :

i)La détention et la condamnation pénale de Dzmitry Paliyenka en 2016 à la suite de sa participation à une manifestation pacifique le 29 avril 2016 contre les restrictions imposées aux cyclistes, et le fait qu’il aurait été soumis à des mauvais traitements et placé à l’isolement ;

ii)Le recours excessif à la force par la police, les arrestations massives, les détentions et les sanctions pour infraction administrative en relation avec les événements de la Journée de la liberté du 25 mars 2017, lors desquels la police aurait arrêté au moins 700 personnes, dont une centaine de journalistes et 60 militants des droits de l’homme ; au moins 177 manifestants auraient été accusés d’infractions administratives à l’issue de procédures qui n’offraient pas les garanties d’un procès équitable.

52.Le Comité regrette que les restrictions imposées aux réunions et rassemblements servent à priver l’opposition politique de la possibilité de participer utilement à la vie publique et d’influencer l’opinion publique (art. 7, 9, 10, 14, 19, 21 et 25).

53. L ’ État partie devrait réviser ses lois, ses réglementations et ses pratiques, y compris la loi relative aux manifestations publiques, en vue de garantir pleinement, en droit et dans la pratique, la jouissance du droit à la liberté de réunion et pour faire en sorte que toute restriction du droit à la liberté de réunion, notamment par l ’ application de sanctions administratives et pénales à des personnes qui exercent ce droit, respecte les prescriptions strictes de l ’ article 21 du Pacte. L ’ État partie devrait ouvrir sans délai des enquêtes efficaces sur toutes les affaires concernant l ’ usage excessif de la force par les membres des forces de police et l ’ arrestation et la détention arbitraires de manifestants pacifiques, et devrait traduire les responsables en justice.

Liberté d’association

54.Le Comité est préoccupé par les restrictions excessives imposées à la liberté d’association. Tout en prenant note des projets visant à modifier la loi sur les associations publiquesetla loi relative aux partis politiques afin de simplifier l’enregistrement des organisations non gouvernementales (ONG), le Comité est préoccupé par les règles restrictives et disproportionnées en matière d’enregistrement des associations publiques et des partis politiques − imposant notamment un nombre relativement élevé de fondateurs, une diversité géographique, des droits d’enregistrement élevés pour les associations sans but lucratif et des limitations concernant l’utilisation d’une adresse privée comme adresse officielle − qui empêchent de nombreuses associations, notamment la plupart des ONG s’occupant des droits de l’homme, de remplir les conditions requises pour être enregistrées. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que l’article 193-1 du Code pénal érige en infraction le fait d’organiser les activités d’associations publiques non enregistrées ou de participer à ces activités et, tout en notant qu’il est prévu d’abroger cet article et de le remplacer par une infraction administrative, dont le constat serait opéré par un agent non judiciaire, le Comité s’interroge néanmoins sur la nécessité et la proportionnalité de cette mesure. Le Comité est également préoccupé par :

a)Le refus d’enregistrement d’associations publiques telles que l’organisation « Partenariat des genres » et le centre pour l’égalité des sexes Ruzha (en raison de leur objectif statutaire de lutter contre la discrimination fondée sur le genre), le Centre des droits de l’homme Viasna, PACT, et le centre des droits de l’homme Lambda ;

b)Le refus répété d’enregistrer de nouveaux partis politiques, aucun parti politique n’ayant été enregistré depuis 2000 ;

c)La réglementation restrictive sur les financements étrangers (décret présidentiel no 5 du 31 août 2015), qui limite les fins auxquelles ces financements peuvent être utilisés et interdit notamment leur utilisation pour « l’organisation ou la conduite de réunions, de rassemblements, de marches, de manifestations, de piquets ou de grèves » ; et la responsabilité pénale pour l’obtention d’un financement étranger en violation de la loi (art. 369-2 du Code pénal) ;

d)Les obstacles à l’enregistrement des syndicats ; l’application de la loi sur les manifestations publiques aux syndicats ; les restrictions imposées à l’exercice du droit de grève ; les ingérences portant atteinte aux activités syndicales, y compris le recours discriminatoire à des contrats à durée déterminée dans des affaires concernant des militants syndicaux ; et des problèmes particuliers dans l’exercice du droit de négociation collective (art. 19, 22 et 25).

55. L ’ État partie devrait revoir ses lois, ses réglementations et ses pratiques pertinentes afin de les rendre pleinement conformes aux dispositions des articles 22 et 25 du Pacte, et notamment :

a) Simplifier les règles d ’ enregistrement afin de garantir que les associations publiques et les partis politiques puissent véritablement exercer leur droit d ’ association ;

b) Abroger l ’ article 193-1 du Code pénal et envisager de ne pas le remplacer par une infraction administrative ;

c) Veiller à ce que la réglementation régissant le financement des associations publiques par des sources étrangères n ’ entraîne pas dans la pratique un contrôle ou une ingérence indus portant atteinte à la capacité de ces associations d ’ influencer l ’ opinion publique et de fonctionner efficacement, notamment en réexaminant la liste des activités pour lesquelles les financements émanant de sources étrangères peuvent être utilisés ;

d) S ’ attaquer aux obstacles à l ’ enregistrement et au fonctionnement des syndicats, lever les restrictions injustifiées au droit de grève, enquêter sur tous les cas d ’ ingérence dans les activités des syndicats et de représailles à l ’ encontre de militants syndicaux, et réviser les procédures régissant la négociation collective en vue de garantir le respect du Pacte.

Participation aux affaires publiques

56.Tout en se félicitant de l’intention de l’État partie d’améliorer la législation et les pratiques relatives à la tenue des élections, le Comité demeure préoccupé par les informations concernant des cas de persécution, de harcèlement, d’intimidation et de détention de candidats de l’opposition, notamment dans le cadre des élections de 2010 ; le respect des droits électoraux, y compris l’interprétation extensive des sanctions pénales pour des actes tels que les manifestations et les protestations liées au processus électoral ; et le manque de transparence dans le décompte des voix (art. 19, 21 et 25).

57. L ’ État partie devrait rendre sa réglementation et ses pratiques électorales pleinement conformes au Pacte, y compris son article 25 et, notamment : a) veiller à ce que chacun, y compris les candidats de l ’ opposition, jouisse pleinement et véritablement de ses droits électoraux ; b) garantir la liberté de participer à un débat politique pluraliste, notamment par la tenue de manifestations et de réunions pacifiques et en s ’ abstenant d ’ utiliser des dispositions pénales pour tenter de supprimer ces comportements et expressions protégés ou pour écarter des élections les candidats de l ’ opposition ; c) assurer la transparence du processus de décompte des voix.

D.Diffusion et suivi

58. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte , du premier Protocole facultatif s ’ y rapportant , de son cinquième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu ’ auprès du grand public afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte . L ’ État partie devrait faire en sorte que le rapport périodique et les présentes observations finales soient traduits dans ses langues officielles.

59. Conformément au paragraphe 5 de l ’ article 71 du Règlement intérieur du Comité, l ’ État partie est invité à faire parvenir, d ’ ici au 2 novembre 2020, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 12 (constatations adoptées au titre du Protocole facultatif et mesures provisoires de protection), 28 (peine de mort) et 53 (liberté de réunion pacifique).

60. Le Comité demande à l ’ État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 2 novembre 2022 au plus tard . L ’ État partie ayant accepté d ’ utiliser la procédure simplifiée de présentation des rapports, le Comité lui communiquera en temps voulu une liste de points établie avant la soumission du rapport. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront son sixième rapport périodique . Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots .