Nations Unies

CCPR/C/CIV/CO/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

28 avril 2015

Original: français

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le rapport initialde la Côte d’Ivoire *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le rapport initial de la Côte d’Ivoire (CCPR/C/CIV/1) à ses 3140e et 3141e séances (CCPR/C/SR.3140 et 3141), les 18 et 19 mars 2015. À sa 3158e séance, le 31 mars 2015, il a adopté les observations finales ci­après.

A.Introduction

2.Le Comité des droits de l’homme accueille avec satisfaction le rapport initial de la Côte d’Ivoire, soumis avec 20 ans de retard. Il prend note des renseignements qui y sont présentés. Le Comité apprécie l’occasion qui lui a été offerte d’engager un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/CIV/Q/1/Add.2) qu’il a apportées à la liste de points (CCPR/C/CIV/Q/1/Add.1) et qui ont été complétées oralement par la délégation, et des renseignements supplémentaires qui lui ont été fournis par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et institutionnelles suivantes, prises par l’État partie:

a)L’abolition de la peine de mort dans le Code pénal de l’État partie, en 2015;

b)La Constitution du 23 juillet 2000 dont le chapitre I prévoit la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévus dans le Pacte ainsi que l’article 87 de la Constitution qui donne au Pacte une autorité supérieure à celle des lois;

c)La loi no 2013-33 du 25 janvier 2013 modifiant et abrogeant certaines dispositions de la loi no 64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage et qui établit une égalité entre hommes et femmes dans la gestion du ménage;

d)La loi no 2010-272 du 30 septembre 2010 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants.

4.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification des instruments internationaux suivants:

a)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 1995;

b)La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 1995;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2014;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2011;

e)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2012.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Intégration du Pacte dans le droit interne et applicabilité du Pacte par les tribunaux nationaux

5.Le Comité observe que l’article 87 de la Constitution de l’État partie consacre la primauté des traités internationaux sur la loi, néanmoins, il note que les dispositions du Pacte n’ont pas été invoquées ou appliquées directement par les tribunaux internes (art. 2).

L’ É tat partie devrait prendre les mesures nécessaires pour sensibiliser les juges, les avocats et les procureurs aux dispositions du Pacte, de sorte que celles-ci soient prises en compte devant et par les tribunaux nationaux.

La Commission nationale des droits de l’homme

6.Le Comité est préoccupé par le fait que la Commission nationale des droits de l’homme n’a pas un mandat assez large pour traiter des violations des droits de l’homme, qu’elle ne jouit pas d’une pleine indépendance et qu’elle n’a pas une autonomie financière suffisante pour réaliser pleinement son mandat (art. 2).

L’État partie est encouragé à renforcer le mandat de la Commission nationale des droits de l’homme en ce qui concerne le traitement des cas de violation des droits de l’homme, à garantir son indépendance et à la doter d’une autonomie financière et de ressources suffisantes lui permettant d’accomplir pleinement son mandat, en conformité avec les Principes de Paris.

Commission Dialogue, vérité et réconciliation

7.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de certaines défaillances dans le processus mené par la Commission Dialogue, vérité et réconciliation, notamment l’absence de transparence dans la sélection des victimes à auditionner, les difficultés d’accès aux victimes vivant dans les zones les plus reculées et l’absence de publicité des débats. Il note avec regret que le rapport final de la Commission, soumis au Président de la République en date du 15 décembre 2014, n’a pas encore été rendu public (art. 2).

L’ É tat partie devrait rendre public le rapport de la Commission Dialogue, v érité et r éconciliation, afin que la population, notamment les victimes, puisse en connaître les conclusions et les recommandations. Il devrait prendre les mesures nécessaires pour assurer le suivi des recommandations faites par la Commission.

Discrimination basée sur l’orientation sexuelle

8.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de discriminations, de harcèlement, de menaces à l’intégrité physique et d’intimidations à l’égard des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres ainsi que par l’impunité dont jouissent les auteurs de ces actes. En particulier, le Comité est préoccupé par les dispositions de l’article 360 du Code pénal, qui aggrave le minimum légal de la peine prévue pour «outrage public à la pudeur», lorsque celui-ci «consiste en un acte impudique ou contre nature avec un individu de même sexe» (art. 2 et 26).

L’ É tat partie devrait adopter une loi générale contre la discrimination afin de donner corps à l’interdiction de la discrimination inscrite dans le Pacte et confirmée dans la Constitution. L’État partie devrait également prendre les mesures nécessaires visant à protéger les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres contre toutes formes de discrimination, d’intimidations et de violence. L’ É tat partie devrait modifier les dispositions de l’ article  360 du Code pénal et toute autre disposition de sa législation pénale qui serait discriminatoire à l’égard des personnes en raison de leur orientation sexuelle .

Protection des personnes atteintes d’albinisme

9.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les personnes atteintes d’albinisme sont encore objet de discrimination et de stéréotypes négatifs. Il est également préoccupé par le caractère inadéquat des mesures prises pour protéger les personnes atteintes d’albinisme contre toutes formes de discrimination (art. 2 et 26).

L’ É tat partie devrait prendre des mesures afin de s’assurer que , en droit comme en pratique, les personnes atteintes d’albinisme sont protégées contre toutes formes de discrimination.

Égalité entre hommes et femmes

10.Tout en notant les explications de l’État partie, le Comité est préoccupé par les données statistiques faisant état de la très faible représentation des femmes dans la fonction publique ainsi que dans le secteur privé, notamment à des postes de responsabilité. Il est également préoccupé par leur faible présence à des postes politiques électifs (art. 3).

L’État partie devrait amender toutes les dispositions législatives discriminatoires qui constituent des obstacles à l’avancement des femmes dans les affaires publiques et politiques. Il devrait également envisager des mesures spéciales afin de garantir une meilleure représentation des femmes dans les affaires publiques et encourager les femmes à se porter candidates à des postes politiques électifs.

11.Le Comité est préoccupé par la subsistance des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes dans la législation de l’État partie relative au divorce, à la filiation et aux successions. En particulier, le Comité est préoccupé par le fait qu’un délai de viduité de 300 jours est toujours prévu dans la loi de 1964 sur le divorce et la séparation de corps et que, en vertu du Code pénal, l’adultère constitue toujours un délit, qui, en outre, est caractérisé de manière discriminatoire lorsqu’il est commis par la femme. Par ailleurs, le Comité est préoccupé par les pratiques du lévirat et du sororat et note que l’âge minimum de mariage reste différent pour les hommes et les femmes (art. 2, 3, 17, 23 et 26).

L’État partie devrait, en pleine conformité avec le Pacte, accélérer la révision de son Code des personnes et de la famille et de toute législation pertinente, pour garantir une égalité entre hommes et femmes et dépénaliser l’adultère. L’ É tat partie devrait également prévoir un âge minimum de mariage égal pour les hommes et les femmes, en conformité avec les standards internationaux. Enfin, l ’État partie devrait renforcer ses campagnes de sensibilisation auprès de sa population pour faire évoluer les attitudes traditionnelles qui font obstacle à l’exercice, par les femmes, de leurs droits fondamentaux.

Pratiques néfastes à l’égard des femmes

12.Le Comité est préoccupé par la persistance de certaines pratiques néfastes, pourtant interdites par la législation, telles que les mutilations génitales féminines, les mariages précoces et la polygamie, en particulier dans les zones rurales et dans certaines régions du territoire de l’État partie. En outre, le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie évoque les intérêts économiques des exciseuses comme un obstacle à des poursuites contre elles (art. 3, 7 et 24).

L’ É tat partie devrait veiller à l’application effective de la l oi n o 98/757 du 23 décembre 1998 qui interdit les mutilations génitales féminines et des dispositions du Code pénal qui répriment les mariages précoces ainsi que de la législation qui interdit la polygamie. Il devrait également renforcer les mesures de sensibilisation de la population , y compris des leaders religieux et des autorités traditionnelles , sur la législation et les effets néfastes de ces pratiques sur les femmes.

Violence à l’égard des femmes

13.Le Comité est préoccupé par la violence à l’égard des femmes dans l’État partie. Le Comité note que l’article 346 du Code pénal relatif aux circonstances aggravantes ne prévoit pas les cas de violence conjugale et que l’article 354 qui punit le viol ne prévoit pas le viol conjugal. Il est également préoccupé par l’absence d’informations et de statistiques pouvant permettre de mesurer l’ampleur de cette violence, y compris concernant les violences sexuelles commises par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire et par d’autres hommes armés et celles commises dans les écoles de Bouaké et dans la région Ouest du territoire de l’État partie (art. 3, 7 et 26).

L’État partie devrait: veiller à l’application effective des dispositions pertinentes de la l oi n o  98/757 de 1998 et réviser son Code pénal afin d’y incriminer de manière explicite la violence conjugale et le viol conjugal; renforcer les mesures visant à faciliter le traitement de s plaintes relatives à la violence conjugale et protéger les femmes contre toutes représailles; garantir que les cas de violence conjugale fassent l’objet d’une enquête approfondie et que les auteurs soient traduits en justice; faire en sorte que les responsables de l’application des lois reçoivent une formation suffisante pour pouvoir prendre en charge les cas de violence conjugale ; et poursuivre des campagnes de sensibilisation de sa population. L’ É tat partie devrait enquêter, poursuivre et traduire en justice les auteurs de violences sexuelles commises par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire et d’ autres hommes armés, et poursuivre la lutte contre les violences sexuelles dans les écoles.

Droit à la vie

14.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la persistance d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées dans l’État partie par les forces de sécurité, les milices et les groupes non désarmés. Le Comité est également préoccupé par le fait que les nombreux cas d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées qui ont eu lieu durant la période allant de 2000 à 2011, y compris lors de la période postélectorale de 2010-2011, n’ont pas été toutes suivies de poursuites et que les enquêtes sont en cours depuis de nombreuses années pour la majorité des cas, sans conclusion. Le Comité est particulièrement préoccupé par les lenteurs accusées dans les enquêtes concernant le charnier de Youpogon, l’attaque de Nahily près de Duékoué et le charnier de Torguei et par le fait que les personnes soupçonnées d’implication dans la commission de crimes internationaux continuent d’occuper des fonctions de rang élevé dans l’État partie (art. 6).

L’État partie devrait mener de manière systématique des enquêtes promptes, impartiales et efficaces pour identifier les responsables, les poursuivre et , s’ils sont reconnus coupables, indépendamment de leur affiliation politique, les condamner à des sanctions appropriées et veiller à ce que les familles des victimes reçoivent une réparation appropriée. Dans ce sens, l’État partie devrait accélérer les enquêtes relatives aux cas d’exécutions extrajudiciaires ayant eu lieu durant la période 2000-2011 et pendant la crise postélectorale, notamment les cas du charnier de Youpogon, l’attaque de Nahily près de Duékoué et du charnier de Torguei. Il devrait adopter les mesures et les procédures nécessaires en vue d’établir la vérité sur les disparitions forcées ayant eu lieu lors de la même période . L’ É tat partie devrait, enfin, dans l’attente des résultats des enquêtes, envisager de suspendre de leurs fonctions les personnes soupçonnées d’implication dans la commission de crimes internationaux et accélérer les enquêtes les concernant. Il devrait, en outre, envisager de ratifier le d euxième P rotocole facultatif se rapportant au Pacte , visant à abolir la peine de mort .

Interruption volontaire de grossesse

15.Le Comité est préoccupé par l’article 366 du Code pénal qui pénalise l’interruption volontaire de grossesse sauf lorsqu’elle est nécessitée par la sauvegarde de la vie de la mère, ce qui pousse les femmes à avorter clandestinement, dans des conditions qui mettent leur vie et leur santé en danger (art. 6 et 7).

L’État partie devrait modifier sa législation relative à l’avortement afin d’y prévoir d’autres exceptions à l’interdiction de l’avortement, notamment lorsque la grossesse est la conséquence d’un viol ou d’un inceste , et veiller à ce que les femmes ne recourent pas à des avortements clandestins dans des conditions inadéquates pouvant mettre en danger leur vie ou leur santé . L’État partie devrait également garantir l’accès des femmes et des adolescentes à des services de santé génésique dans tout le pays et organiser des programmes d’éducation et de sensibilisation mettant l’accent sur l’importance de la contraception et des droits à la santé sexuelle et génésique.

Interdiction de la torture et des mauvais traitements

16.Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de cas de torture par les forces de police, de défense et de sécurité, notamment à la Direction de la surveillance du territoire (DST) et au Centre de coordination des décisions opérationnelles, ainsi que par les Forces républicaines de Cote d’Ivoire. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles la torture n’est ni définie, ni incriminée dans le Code pénal, ce qui rend difficile les poursuites pour torture. Le Comité est, par ailleurs, préoccupé par les allégations d’impunité à l’égard des responsables d’actes de torture et note l’absence d’informations sur les enquêtes, les poursuites et condamnations pour les cas de torture dont a fait état le rapport de la Commission nationale d’enquête ainsi que ceux qui ont eu lieu dans l’État partie durant la période de 2000 à 2010. Le Comité est, en outre, préoccupé par l’inexistence d’un mécanisme indépendant et efficace chargé de recevoir et d’enquêter sur les allégations de torture par les forces de police et de défense. Le Comité note avec préoccupation que, d’après les dispositions de l’article 419 du Code de procédure pénale, l’admission par les tribunaux d’aveux obtenus sous la torture n’est pas interdite (art. 7 et 14).

L’État partie devrait veiller à ce que les dispositions pertinentes de sa législation permettent la poursuite d’actes pouvant être qualifiés de torture. Il devrait également veiller à prévenir la torture sur son territoire , s’assurer que les cas présumés de torture et de mauvais traitements commis par les forces de police, de sécurité et de défense, y compris ceux commis pendant la période allant de 2000 à 2010 et ceux dont il est fait état dans le rapport de la Commission nationale d’enquête fassent l’objet d’une enquête approfondie, et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et à ce que les victimes soient dûment indemnisées et se voient proposer des mesures de réadaptation. L’État partie devrait, en outre, créer un mécanisme indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes pour les faits de torture et de mauvais traitements commis par des membres des forces de police et de sécurité. L’État partie devrait garantir que les aveux ou les témoignages obtenus sous la torture soient systématiquement déclarés irrecevables par les tribunaux , à n’importe quel stade de la procédure .

Traite des êtres humains et travail des enfants

17.Le Comité relève avec préoccupation que la traite des personnes subsiste dans l’État partie à des fins de prostitution forcée ou d’exploitation par le travail, ainsi que le travail des enfants, en particulier dans l’agriculture et le commerce. Il regrette le manque d’informations sur les condamnations et les faibles sanctions infligées (art. 8 et 24).

L’État partie devrait enquêter sur tous les cas de traite des personnes et de travail des enfants et renforcer les campagnes de sensibilisation de sa population et des familles au sujet de la traite des personnes et du travail des enfants.

Garde à vue, détention préventive et garanties juridiques fondamentales

18.Le Comité est préoccupé par le fait que la durée de 48 heures prévue pour la garde à vue, renouvelable une fois, n’est pas toujours respectée, notamment par la DST. Le Comité est également préoccupé par l’usage disproportionné de la détention préventive, qui a pour résultat des durées excessives et abusives de la détention préventive allant jusqu’à plusieurs années au-delà du délai légal, pour un nombre très élevé de personnes, y compris celles qui sont détenues dans le cadre de la crise postélectorale de 2010-2011. Il est, enfin, préoccupé par le fait que les garanties juridiques fondamentales, notamment l’obligation d’informer la personne de ses droits, le droit d’accès à un avocat, à un médecin, le droit de communiquer avec sa famille et le droit d’être présentée dans les plus brefs délais à un juge, ne sont pas souvent respectées. Le Comité est, en outre, préoccupé par les informations faisant état de l’absence d’un contrôle régulier de la légalité de la détention et des détentions dans les locaux de la DST sans base légale (art. 9, 10 et 14).

À la lumière de l’ o bservation générale n o 35 (2014) du Comité sur la liberté et la sécurité de la personne , l’État partie devrait, en conformité avec le Pacte et dans le cadre de la réforme en cours du Code pénal et du Code de procédure pénale: a) prendre des mesures nécessaires pour s’assurer du respect des délais de la garde à vue et de la détention préventive afin d’éviter des détentions abusives et excessives; b) prendre des mesures pour assurer de manière régulière un contrôle de la régularité de la détention notamment auprès de la DST ; c) prendre des mesures pour mettre fin à la détention sans base légale dans les locaux de la DST; et d ) prendre des mesures d’urgence pour remédier à la situation des personnes qui sont en détention préventive depuis de nombreuses années, en particulier celles détenues dans le cadre de la crise postélectorale de 2010-2011. L’État partie devrait aussi garantir de manière systématique aux personnes en garde à vue , ou en détention préventive, l’information de leurs droits et l’application des garanties juridiques fondamentales susmentionnées, en particulier le droit d’accès à un avocat. Il devrait, enfin, s’assurer que l es détenus ayant purgé leur peine recouvrent leur liberté au plus tôt.

Conditions de détention

19.Le Comité est préoccupé par les conditions de détention inadéquates dans la quasi-totalité des établissements pénitentiaires de l’État partie. Il est particulièrement préoccupé par le taux très élevé de la surpopulation carcérale notamment à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan et note le pourcentage élevé des personnes en détention préventive dans les prisons de l’État partie. Le Comité est, en outre, préoccupé par les informations faisant état de conditions sanitaires insatisfaisantes, de soins médicaux inadéquats et de la mauvaise qualité de l’alimentation servie aux détenus. Le Comité est, enfin, préoccupé par le fait que la séparation des détenus n’est pas respectée entre adultes et mineurs et entre prévenus et condamnés. Il regrette l’absence d’informations sur l’efficacité du mécanisme chargé de recevoir les plaintes des détenus (art. 9 et 10).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de vie et le traitement des détenus, y compris l’accès à des soins médicaux adéquats; et poursuivre les mesures visant à remédier au problème de la surpopulation carcérale conformément à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Il devrait s’assurer que les personnes ne restent pas en détention préventive au-delà des délais prévus et mettre en place une réelle politique de recours aux peines alternatives à la privation de liberté. Il devrait prendre l es mesures nécessaires pour une séparation des détenus selon l’âge, le sexe et le régime de détention.

Fonctionnement de la justice et procès équitable

20.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de nombreux dysfonctionnements et défaillances du système judiciaire de l’État partie, notamment: l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire du fait d’immixtions du pouvoir exécutif dans le fonctionnement de la justice; la partialité et l’absence d’équité dont feraient preuve les magistrats dans le traitement des affaires relatives à la crise postélectorale de 2010-2011; la corruption; l’éloignement de la justice malgré la création de nouvelles juridictions; le nombre insuffisant de magistrats; les arriérés judiciaires importants et l’inefficacité de l’assistance judiciaire (art. 14).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour réformer en profondeur son système judiciaire, en particulier: a) garantir de manière effective l’indépendance du pouvoir judiciaire; b) renforcer la lutte contre la corruption; c) renforcer les mesures visant à garantir l’accès à la justice , notamment en poursuivant l’ouverture de nouvelles juridictions; d) poursuivre la formation des magistrats en nombre suffisant; e) réduire les arriérés judiciaires et garantir l’impartialité de la justice dans le cadre des affaires relatives à la crise postélectorale; et f) éviter le placement systématique en détention préventive. L’ É tat partie devrait également réformer le mécanisme d’assistance judiciaire afin de le rendre plus accessible aux personnes vivant dans les zones reculées et le pourvoir de moyens suffisants propres à rendre son fonctionnement plus efficace.

Libertés d’expression, de réunion et d’association

21.Le Comité est préoccupé par des informations faisant état de sanctions infligées à certains médias dont ceux de l’opposition politique, allant jusqu’à l’interdiction temporaire de paraître. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état d’atteintes à la liberté d’association et de réunion, caractérisées par des interdictions de manifester dans l’État partie pour certains partis politiques de l’opposition et certaines organisations non gouvernementales. Tout en notant avec satisfaction que l’État partie a adopté la loi no 2014-388 du 20 juin 2014 portant promotion et protection des défenseurs des droits de l’homme, le Comité reste préoccupé par les informations faisant état de menaces, d’actes de harcèlement et d’intimidation dont les défenseurs des droits de l’homme sont l’objet et note que ladite loi n’est toujours pas promulguée. En outre, le Comité est préoccupé par le fait que ces violations ne sont pas toujours suivies d’enquêtes, de poursuites, de condamnations et de sanctions contre leurs auteurs (art. 19, 21 et 22).

À la lumière de l’observation générale n o  34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression, l’État partie devrait s’assurer que toute restriction imposée aux activités de la presse et des médias so it strictement conforme aux dispositions du paragraphe  3 de l’ article  19 du Pacte. L’État partie devrait également lever toute restriction non nécessaire à la liberté de réunion, notamment à la liberté de manifester pour les partis politiques et pour les organisations non gouvernementales. Il devrait, en outre, prendre des mesures nécessaires pour garantir la protection des défenseurs des droits de l’homme contre les menaces et les intimidations et leur donner la latitude nécessaire à l’exercice de leurs activités, et enquêter, poursuivre et condamner les responsables d’actes de harcèlement, de menaces et d’intimidations. L’ É tat partie devrait, enfin, promulguer la l oi n o 2014-388 du 20 juin 2014 portant promotion et protection des défenseurs des droits de l’homme et s’assurer de son application effective.

Enregistrement des naissances

22.Tout en notant les efforts de l’État partie, le Comité est préoccupé par le nombre encore très important d’enfants non enregistrés dans l’État partie, en particulier dans l’ouest du territoire de l’État partie et dans les régions les plus reculées (art. 16 et 24).

L’ É tat partie devrait renforcer les mesures visant à accélérer l’enregistrement des enfants non encore enregistrés. Il devrait également réformer et moderniser son Registre civil afin de garantir de façon systématique l’enregistrement des naissances sur tout le territoire de l’ É tat partie. L’ É tat partie devrait, enfin, poursuivre les campagnes de sensibilisation des populations et des familles à l’enregistrement des naissances.

Diffusion du Pacte

23.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, du rapport initial, des réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et des présentes observations finales afin de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi que le grand public.

24.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 14, 16 et 18.

25.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 2 avril 2019, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Le Comité demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera son deuxième rapport périodique, d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, la limite du nombre de mots pour le rapport périodique est de 21 200 mots.