Nations Unies

CMW/C/AZE/CO/3

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

2 novembre 2021

Français

Original : anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan *

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan à ses 464e et 465e séances, les 4 et 5 octobre 2021. À sa 472e séance, le 8 octobre 2021, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du troisième rapport périodique de l’État partie, élaboré en réponse à la liste de points établie avant la soumission du rapport. Des informations supplémentaires ont été fournies par la délégation multisectorielle, qui était dirigée par Vusal Huseynov, chef du Service national des migrations, et composée de représentants de l’Administration présidentielle de l’Azerbaïdjan, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice, du Ministère du travail et de la protection sociale de la population, du Ministère de l’intérieur et du Service national des migrations, ainsi que du Représentant permanent et de fonctionnaires de la Mission permanente de l’Azerbaïdjan auprès de l’Office des Nations Unies à Genève.

3.Le Comité se félicite du dialogue en ligne ouvert et constructif tenu avec la délégation, des informations fournies par les représentants de l’État partie et de l’approche constructive des réunions, qui ont permis une analyse et une réflexion communes.

4.Le Comité sait que l’Azerbaïdjan, en tant que pays d’origine de travailleurs migrants, a fait des progrès dans la protection des droits de ses ressortissants à l’étranger. Il constate toutefois que l’État partie est confronté à un certain nombre de défis concernant la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille en tant que pays d’origine, de transit, de destination et de retour.

B.Aspects positifs

5.Le Comité salue l’adoption des mesures législatives ci-après :

a)La loi relative à l’emploi du 29 juin 2018, qui encadre, notamment, les activités des agences de recrutement ;

b)Les modifications du Code des migrations, en date du 29 juin 2018, qui, notamment, lèvent l’interdiction d’entrée dans l’État partie dans les cas où l’éloignement préalable d’un étranger ou d’un apatride a été effectué à la suite de la révocation d’un permis de séjour temporaire, de résidence ou de travail, ou après paiement de toute amende administrative en souffrance.

6.Le Comité se félicite de l’adoption du plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains en Azerbaïdjan pour la période 2020-2024. Le Comité tient à prendre acte des activités d’un certain nombre d’organes collégiaux, tels que conseils, groupes de travail et comités, qui ont œuvré de concert à mettre en œuvre des programmes et projets en faveur des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il prend acte aussi de la participation de l’État partie aux processus régionaux de coopération et de dialogue sur la question des flux migratoires de personnes dans la région eurasienne.

7.Le Comité juge positif le vote de l’État partie en faveur du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, approuvé par l’Assemblée générale le 19 décembre 2018 dans sa résolution 73/195. Le Comité juge aussi positive la participation active de l’État partie à l’examen régional pour l’Europe et l’Amérique du Nord tenu les 12 et 13 novembre 2020, notamment sa soumission à titre volontaire de contributions à cet examen régional, et il recommande à l’État partie d’œuvrer à la mise en œuvre du Pacte mondial pour les migrations, en veillant au plein respect de la Convention.

8.Le Comité juge aussi positive l’invitation permanente adressée par l’État partie aux procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme en 2013.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Contexte actuel

9. Le Comité recommande à l ’ État partie de protéger les droits des migrants et des membres de leur famille, en particulier leur droit à la santé, et d ’ atténuer les effets néfastes de la pandémie de coronavirus (COVID-19) à la lumière de la note conjointe d ’ orientation sur les impacts de la pandémie de COVID-19 sur les droits de l ’ homme des migrants, publiée par le Comité et le Rapporteur spécial sur les droits de l ’ homme des migrants . En particulier, le Comité recommande à l ’ État partie de garantir un accès équitable à la vaccination contre la COVID-19 à tous les migrants et aux membres de leur famille, sans considération de leur nationalité, de leur statut migratoire ou d ’ autres motifs de discrimination interdits, conformément aux recommandations formulées par le Comité et d ’ autres mécanismes régionaux des droits de l ’ homme dans la note conjointe d ’ orientation susmentionnée .

Législation et application

10.Le Comité prend note de l’adoption du Code des migrations, en 2013. Conjugué aux dispositions pertinentes du Code du travail et de la loi relative à l’emploi, le Code fournit un cadre juridique relatif à la migration dans l’État partie qui couvre les travailleurs migrants azerbaïdjanais et les membres de leur famille expatriés, ainsi que les travailleurs migrants étrangers et les membres de leur famille vivant dans l’État partie. Le Comité constate toutefois avec préoccupation que, malgré la série de modifications apportées à la législation, ce cadre juridique n’est pas pleinement conforme aux dispositions de la Convention, comme les présentes observations finales vont le mettre en évidence. Le Comité regrette en outre que le Code des migrations ne contienne pas de définition des travailleurs migrants en situation irrégulière et emploie les termes de « migration illégale » et de « migrants illégaux», plutôt que de travailleurs migrants en situation irrégulière et membres de leur famille. Le Comité note à ce propos qu’au cours du dialogue l’État partie s’est dit disposé à envisager de corriger le libellé de sa législation pertinente.

11. Réitérant ses recommandations précédentes , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De revoir le Code des migrations et les dispositions pertinentes du Code du travail et de la loi relative à l’emploi et de les modifier, si nécessaire, afin de mettre le cadre juridique de l’État partie en pleine conformité avec la Convention, en tenant compte des recommandations figurant dans les présentes observations finales, ainsi que de celles du Commissaire aux droits de l’homme et de la société civile, y compris les organisations de migrants  ;

b) D’introduire dans sa législation nationale, en particulier, une définition du travailleur migrant en situation irrégulière qui soit conforme à la Convention et d ’ employer des termes tels que « travailleurs migrants et membres de leur famille en situation irrégulière », conformément aux engagements pris par l ’ État partie dans le cadre du processus d ’ examen périodique universel .

Articles 76 et 77

12.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, par lesquelles les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir des communications émanant d’États parties ou de particuliers.

13. Le Comité recommande comme précédemment à l ’ État partie de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention .

Ratification des instruments pertinents

14. Réitérant ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier ou d ’ adhérer, dans les meilleurs délais, à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ainsi qu ’ à la Convention sur les travailleurs migrants (révisée) de 1949 ( n o 97), à la Convention sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) de 1975 ( n o 143) et à la Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques de 2011 ( n o 189) de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT) . Le Comité recommande aussi à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier la Convention de l ’ OIT sur la violence et le harcèlement de 2019 ( n o 190 ) .

Politique et stratégie globales

15.Le Comité félicite l’Azerbaïdjan d’avoir adopté une stratégie pour l’emploi (2019‑2030) qui vise, notamment, à renforcer la protection sociale des travailleurs migrants dans l’État partie et à améliorer le système de quotas de main-d’œuvre étrangère. Il accueille aussi avec satisfaction les diverses politiques et mesures institutionnelles prises en faveur de la diaspora azerbaïdjanaise, notamment les travailleurs migrants et les membres de leur famille expatriés, en particulier la création d’un fonds consacré à leur soutien et l’assistance globale et multidimensionnelle fournie aux ressortissants azerbaïdjanais à l’étranger, y compris l’assistance consulaire et juridique, et la facilitation de leur participation aux élections présidentielles et nationales et aux référendums dans les représentations diplomatiques de l’État partie. Le Comité note que l’État partie entend adopter une loi sur les Azerbaïdjanais vivant à l’étranger et les organisations de la diaspora. Il constate en revanche avec préoccupation que la stratégie nationale en matière de migration n’a toujours pas été adoptée.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter sans plus tarder la stratégie nationale en matière de migrations, et lui recommande également  :

a) De veiller à ce que la stratégie insiste sur l’application de la Convention et prévoie une politique migratoire globale qui intègre le genre, l’enfant et les droits de l’homme, et traite aussi des droits des travailleurs migrants étrangers et des membres de leur famille  ;

b) De prendre des mesures efficaces, assorties d’échéances, d’indicateurs et de critères de suivi et d’évaluation clairs, en vue de la mise en œuvre de la stratégie, d’affecter des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à cette mise en œuvre et d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les résultats obtenus et les difficultés rencontrées, étayées par des statistiques  ;

c) D’adopter sans tarder le projet de loi sur les Azerbaïdjanais vivant à l ’ étranger et les organisations de la diaspora au terme d ’ un processus consultatif impliquant les travailleurs migrants azerbaïdjanais et les membres de leur famille, de même que les organisations de migrants, et de garantir que cette loi protège les droits de ces personnes à l ’ étranger .

Coordination

17.Le Comité se félicite de l’existence d’un mécanisme de coordination pour la mise en œuvre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont la Convention, et des activités nationales dans le domaine des migrations et des relations de travail, menées sous la direction du Service national des migrations et auxquelles participent les autorités exécutives centrales concernées. Le Comité prend cependant note avec préoccupation de l’absence d’instance supérieure investie du mandat ou de l’autorité de coordonner, à tous les échelons de l’État, l’exercice des droits que protège la Convention. Il constate aussi avec préoccupation que le mandat du Service national des migrations n’intègre la perspective des droits de l’homme qu’en référence aux citoyens azerbaïdjanais à l’étranger.

18. Renvoyant à ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De créer un organe interministériel adéquat de haut niveau, investi d’un mandat clair et d’une autorité suffisante pour coordonner toutes les activités tendant à assurer l’exercice effectif des droits que protège la Convention, et de doter cet organe des ressources humaines, techniques et financières que requiert son bon fonctionnement  ;

b) De définir des échéances, indicateurs et critères de suivi et d’évaluation clairs concernant l ’ application de la Convention, et d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les résultats obtenus, étayées par des statistiques .

Collecte de données et droit à la vie privée

19.Le Comité prend note des efforts continus que déploie l’État partie pour améliorer la collecte de données sur les migrants et les questions liées à la migration, tels que le système interinstitutions automatisé de recherche d’informations dit « entrée-sortie et enregistrement », le Registre national de la population et le Système unifié d’information sur la migration du Service national des migrations, qui permet notamment de délivrer selon une procédure automatisée des permis de séjour temporaire, de résidence et de travail. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence de données et de statistiques ventilées, en particulier sur les conditions d’emploi des travailleurs migrants et sur les migrants en situation irrégulière en général, car elles pourraient mieux éclairer les mesures de politique migratoire de l’État partie.

20. Renvoyant à ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De consolider encore, conformément à la cible 17 . 18 des Objectifs de développement durable, son système de collecte de données, couvrant tous les aspects de la Convention, sur la situation des travailleurs migrants et des membres de leur famille dans l’État partie, en particulier de ceux s’y trouvant en situation irrégulière, et de compiler des statistiques, accessibles au public, sur les travailleurs migrants, tant en situation régulière qu’irrégulière, les membres de leur famille, les travailleurs migrants en transit, les Azerbaïdjanais travaillant à l’étranger et leurs conditions d’emploi, les rapatriés, les enfants migrants à l’étranger, y compris les enfants non accompagnés, et les conjoints et enfants que les travailleurs migrants laissent derrière eux dans l’État partie, afin de promouvoir avec efficacité des mesures de politique migratoire fondées sur les droits de l’homme  ;

b) De v eiller à ce que le droit à la vie privée, à la protection des informations et données personnelles des travailleurs migrants et des membres de leur famille soit protégé, notamment en établissant des pare-feux appropriés en matière de communications de données et des limitations d ’ accès, et à ce que les informations personnelles soient effacées une fois atteint l ’ objectif de la collecte de données, afin d ’ éviter que les données personnelles soient utilisées pour contrôler les migrations ou pour imposer une discrimination dans les services publics et privés .

Suivi indépendant

21.Le Comité salue l’élection du Commissaire aux droits de l’homme de l’Azerbaïdjan par le Parlement, le 29 novembre 2019. Il constate en revanche avec préoccupation qu’en mai 2018 la Commission des droits de l’homme de l’Azerbaïdjan a été rétrogradée au statut « B » par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme et qu’elle ne dispose pas de suffisamment de ressources humaines, techniques et financières pour mener ses travaux avec efficacité.

22. Le Comité recommande à l ’ État partie de doter la Commission des droits de l ’ homme de ressources humaines, techniques et financières suffisantes en temps opportun pour lui permettre de s ’ acquitter avec efficacité de son mandat en matière de promotion et de protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille énoncés dans la Convention et dans le plein respect des principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris ) .

Participation de la société civile

23.Le Comité se félicite de la participation d’organisations non gouvernementales et de représentants de la société civile aux réunions régulières du Conseil public relevant du Service national des migrations. Il regrette cependant que la société civile n’ait pu contribuer au troisième rapport périodique de l’État partie que par le canal du Conseil public, que les nombreuses organisations de la diaspora azerbaïdjanaise n’aient pas participé à son élaboration et que la loi relative à la participation du public et d’autres textes législatifs pertinents puissent limiter la capacité des organisations non gouvernementales à opérer de manière indépendante dans l’État partie.

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures concrètes, notamment en réexaminant sa législation pertinente et en la modifiant, pour renforcer son dialogue avec les organisations de la société civile, y compris les organisations au service des migrants et de la diaspora azerbaïdjanaise, en particulier lors de l ’ élaboration du rapport national, et il recommande en outre à l ’ État partie de garantir la participation effective et indépendante de la société civile à l ’ application de la Convention et des recommandations contenues dans les présentes observations finales, ainsi qu ’ à leur suivi .

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

25.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour inclure les principes d’égalité et de non-discrimination dans les sessions de formation au droit international des migrations à l’intention des juges et des avocats. Il constate en revanche avec préoccupation que la Constitution, le Code des migrations et le Code du travail ne couvrent pas tous les motifs de discrimination interdits énumérés aux articles premier (par. 1) et 7 de la Convention. Le Comité regrette de ne pas disposer de suffisamment d’informations sur la situation réelle dans la pratique pour évaluer le respect du principe de non-discrimination envers les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière.

26. Renvoyant à ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D’approfondir ses mesures législatives et ses politiques pour garantir à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille se trouvant sur son territoire ou soumis à sa juridiction, quel que soit leur statut, l’exercice des droits que protège la Convention sans aucune discrimination et en conformité avec son article 7  ;

b) De sensibiliser les agents de l’administration des migrations, les autorités locales et le grand public aux droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et à l’importance d’éliminer la discrimination à leur égard et de lutter contre leur stigmatisation sociale  ;

c) De fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures prises pour améliorer et appliquer son cadre législatif relatif à la non-discrimination en ce qui concerne les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, quel que soit leur statut .

Droit à un recours utile

27.Le Comité se félicite que le cadre législatif de l’État partie offre aux non-ressortissants des possibilités égales de demander réparation et de bénéficier d’une aide juridique. Il note qu’entre 2013 et 2018, au total 1 233 plaintes ont été portées devant les tribunaux dans des affaires relevant de la compétence du Service national des migrations. Le Comité regrette le manque d’informations sur le taux de réussite des plaintes déposées auprès des tribunaux ou du Médiateur, y compris celles déposées par des travailleurs migrants en situation irrégulière ou des membres de leur famille. Le Comité reste aussi préoccupé par les informations selon lesquelles des travailleurs migrants, en particulier en situation irrégulière, renonceraient à saisir la justice par crainte de perdre leur emploi, d’être détenus ou d’être expulsés s’ils saisissent la justice.

28. Réitérant ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux se trouvant en situation irrégulière, bénéficient dans la pratique des mêmes possibilités que les nationaux de l’État partie de déposer plainte et d’obtenir réparation devant les tribunaux et auprès du Médiateur lorsque les droits que leur reconnaît la Convention sont violés, en particulier en supprimant les obstacles à l’accès à la justice, y compris en assurant la portabilité de l’accès à la justice, pour les migrants en situation irrégulière, où que ces migrants ou les membres de leur famille se trouvent ;

b) De veiller à ce que l’assistance juridique repose sur la non-discrimination et soit facile d’accès et gratuite dans la pratique  ;

c) D’intensifier ses efforts pour informer les travailleurs migrants et les membres de le ur famille, y compris ceux en situation irrégulière, des recours judiciaires et autres à leur disposition, notamment en continuant à faire appel au soutien des organisations internationales pour mener des activités de sensibilisation .

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Gestion des frontières et migrants en transit

29.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour simplifier et accélérer les procédures de demande de visa et de franchissement des frontières, notamment en mettant en place des unités spécialisées du Service national des migrations aux postes frontière et en recourant à l’assistance technique de l’Organisation internationale pour les migrations. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)Le régime frontalier de l’État partie, largement axé sur la protection de sa frontière et la prévention des atteintes à la sécurité des frontières ;

b)L’incrimination du franchissement irrégulier de la frontière.

30. Conformément aux Principes et directives recommandés sur les droits de l ’ homme aux frontières internationales du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HCDH), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D’adopter une approche de la gestion des frontières fondée sur les droits de l’homme, notamment en procédant, lors de l’élaboration, de l’adoption et de la mise en œuvre des mesures relatives aux frontières, à des consultations effectives avec les parties prenantes concernées, notamment les organes judiciaires et les organismes de défense des droits de l’homme nationaux, les milieux universitaires et les acteurs de la société civile, y compris les organisations de migrants  ;

b) D’abroger l’article 318 du Code pénal , de dépénaliser l’entrée et la sortie irrégulières et de les remplacer par des sanctions administratives adaptées visant ces infractions, car le Comité estime, comme exposé dans son o bservation générale n o 2 (2013) et son o bservation générale n o 5 (2021), entre autres, que l ’ entrée ou le séjour ou la sortie irréguliers peuvent tout au plus constituer des infractions administratives et ne devraient jamais être considérés comme des infractions pénales, car ces infractions ne sont pas attentatoires aux valeurs fondamentales protégées par la loi et ne constituent donc pas en soi des atteintes aux personnes, aux biens ou à la sécurité nationale .

Droit de partir

31.Le Comité constate avec préoccupation que l’article 17 du Code des migrations permet d’imposer une interdiction de sortie aux migrants, y compris aux travailleurs migrants étrangers et aux membres de leur famille, entre autres, jusqu’à l’exécution d’une peine administrative prononcée du chef d’une infraction administrative, ce qui pourrait sortir du cadre des limitations qu’autorise l’article 8 (par. 1) de la Convention, mais il prend acte de l’information donnée par l’État partie durant le dialogue selon laquelle les interdictions de sortie sont de nature technique et n’empêchent pas dans la pratique de quitter le pays.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille jouissent du droit de quitter l ’ État partie, qui ne peut faire l ’ objet d ’ aucune restriction hormis celles prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l ’ ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d ’ autrui, et compatibles avec les autres droits qu ’ énonce la Convention .

Exploitation par le travail et autres formes de mauvais traitements

33.Le Comité prend note des efforts déployés pour prévenir et combattre le travail des enfants, mais il est préoccupé par le manque d’informations sur l’ampleur du phénomène et l’impact des mesures prises pour y faire face.

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir des informations sur l ’ ampleur du travail des enfants, y compris des enfants migrants, en vue de se doter de politiques, de stratégies et de mécanismes d ’ application garantissant la conformité de son cadre législatif et de ses politiques avec les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention de l ’ OIT sur le travail forcé de 1930 ( n o 29), de la Convention de l ’ OIT sur l ’ abolition du travail forcé de 1957 ( n o 105) et de la Convention de l ’ OIT sur les pires formes de travail des enfants de 1999 ( n o 82 ) .

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

35.Le Comité se réjouit de la suspension temporaire de la détention forcée d’immigrants durant la pandémie de COVID-19 et prend note des informations fournies par l’État partie sur les visites d’inspection effectuées par le Médiateur, les mécanismes internationaux et les organisations de la société civile dans les centres de détention d’immigrants pour y contrôler les conditions de détention. Le Comité est très préoccupé par les pratiques ci-après :

a)La détention administrative d’enfants migrants et de leur famille, ainsi que d’autres groupes vulnérables de migrants, en particulier les demandeurs d’asile ;

b)La détention administrative des migrants en situation irrégulière en instance d’expulsion et le nombre limité de décisions de justice annulant les ordonnances de détention administrative ;

c)Le placement dit « volontaire » en centre de détention d’immigrants, pour une durée déterminée et dans des conditions spéciales, de migrants susceptibles d’être expulsés, demandeurs d’asile ou ayant déjà obtenu le statut de réfugié ;

d)Le fait de dénommer « centre de détention» les lieux où les demandeurs d’asile et les réfugiés sont placés « volontairement», vu qu’ils n’ont pas la possibilité de séjourner dans un autre lieu, tel que foyer d’hébergement géré par l’État partie ou la communauté, et sont assujettis à un régime semblable à la détention, même s’ils sont autorisés à quitter les lieux et à y revenir, tout en prenant note que l’État partie s’est dit disposé à envisager de modifier la loi pour renommer le centre existant ou de réserver des locaux distincts au placement volontaire.

36. Le Comité, renvoyant à son o bservation générale n o 5 (2021), recommande à l ’ État partie  :

a) D’adopter des mesures pour réduire progressivement le placement en détention d’immigrants et y mettre fin à terme, et d’édicter en droit une présomption contre la détention et donc en faveur de la liberté  ;

b) De cesser immédiatement de placer des enfants en détention, qu’ils soient non accompagnés, séparés de leurs parents ou en compagnie de leur famille, et des personnes d’autres groupes vulnérables de travailleurs migrants et de membres de leur famille, ainsi que des demandeurs d’asile et des réfugiés  ;

c) De veiller à ce que  :

i) La détention des migrants soit une mesure exceptionnelle de dernier recours qui poursuive un but légitime, soit nécessaire et proportionnée et soit appliquée pour la période la plus courte possible dans tous les autres cas  ;

ii) Le motif de la détention soit précisé dans chaque cas, en exposant pour quelles raisons précises des mesures de substitution ne peuvent être décidées  ;

iii) La mesure soit examinée dans les vingt-quatre heures par une autorité judiciaire indépendante et impartiale  ;

iv) Des mesures de substitution à la détention soient, conformément à ses obligations en matière de droits de l ’ homme, envisagées et utilisées avant d ’ imposer un placement en détention . Le Comité reconnaît comme solutions de substitution à la détention toutes les mesures de prise en charge communautaire ou les solutions d ’ hébergement non privatives de liberté −  en droit, en fait ou en pratique  − qui sont moins restrictives que la détention et doivent s ’ inscrire dans le cadre des procédures judicaires de prise de décision s de placement en détention pour faire en sorte que la détention soit nécessaire et proportionnée dans tous les cas, dans le but de respecter les droits de l ’ homme et d ’ éviter la détention arbitraire des migrants, des demandeurs d ’ asile, des réfugiés et des apatrides  ;

d) De veiller à ce que des mesures de substitution à la détention soient appliquées aux demandeurs d’asile, aux réfugiés et dans tous les cas de retour volontaire  ;

e) D ’ établir une distinction stricte entre régimes de détention et placement « volontaire » en centre d ’ hébergement, y compris dans la législation, et de prévoir des centres d ’ hébergement gérés par l ’ État ou par la communauté, qui soient séparés physiquement d ’ un centre de détention d ’ immigrants et ne soient pas situés dans les mêmes locaux .

Expulsion

37.Le Comité prend note de la suspension temporaire des arrêtés d’expulsion durant la pandémie de COVID-19 et des informations fournies par l’État partie indiquant qu’il est possible de former un recours contre ces arrêtés. Il est néanmoins préoccupé par :

a)Le fait que, en vertu de l’article 79 (par. 8) du Code des migrations, les recours en justice contre les arrêtés n’ont pas d’effet suspensif ; il prend note de l’information fournie par l’État partie selon laquelle dans la pratique le Service national des migrations accorde à l’occasion une prolongation de la durée de séjour autorisée dans le pays ;

b)Le manque d’informations sur la mesure dans laquelle les travailleurs migrants visés par une procédure d’expulsion font usage de ce droit de recours et sur les dispositions permettant d’offrir des solutions de substitution à l’expulsion ou au retour.

38. Conformément à la note conjointe d ’ orientation sur les impacts de la pandémie de COVID-19 sur les droits de l ’ homme des migrants, publiée par le Comité et par le Rapporteur spécial sur les droits de l ’ homme des migrants, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De continuer à adopter des mesures de suspension temporaire des expulsions ou des retours forcés durant la pandémie de COVID-19  ;

b) De prendre les mesures législatives requises pour conférer un effet suspensif automatique aux recours contre les arrêtés d’expulsion devant les tribunaux, de garantir la régularité de la procédure et d’assurer le respect des garanties procédurales, et de veiller à ce que les travailleurs migrants visés par un arrêté d’expulsion connaissent leur droit de faire appel de cet arrêté et puissent l’exercer  ;

c) De recourir davantage aux mesures et mécanismes de substitution à l’expulsion ou au retour prévus par la loi, dont les procédures d’asile et de protection internationale , l ’ octroi d ’ un permis de séjour pour raisons humanitaires et les mécanismes ordinaires de régularisation, conformément à l ’ article 69 de la Convention, et de les appliquer à tous les migrants, quel que soit leur statut migratoire .

Syndicats

39.Le Comité note que le cadre législatif de l’État partie permet aux travailleurs migrants en situation régulière de participer à des activités syndicales et de s’affilier librement à un syndicat. Il constate en revanche avec préoccupation qu’en raison de la complexité des dispositions du Code du travail régissant les conflits collectifs, il n’y a pas eu de grève autorisée dans l’État partie depuis des décennies et que des grèves ont été déclarées illégales, cas dans lequel les travailleurs, y compris les travailleurs migrants, voient leur responsabilité engagée pour inexécution des obligations professionnelles, en vertu de l’article 70 du Code du travail.

40. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des modifications législatives, pour garantir à tous les travailleurs migrants le droit de participer à des activités syndicales et d ’ adhérer librement à un syndicat, conformément à l ’ article 26 de la Convention et à la Convention de l ’ OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical de 1948 ( n o 87) .

Sécurité sociale

41.Le Comité note avec satisfaction que les travailleurs migrants qui résident à titre permanent dans l’État partie jouissent des mêmes droits que les citoyens azerbaïdjanais en matière de protection sociale, y compris pour ce qui est des pensions de retraite. Le Comité constate cependant avec préoccupation que :

a)Les régimes de protection sociale spécifiques aux travailleurs migrants, y compris les pensions de retraite, sont régis principalement par des accords bilatéraux conclus entre l’Azerbaïdjan et les États d’origine respectifs des travailleurs migrants ;

b)Certains travailleurs migrants ayant pris leur retraite auraient éprouvé des difficultés à accéder à leur pension en l’absence d’un tel accord.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller dans la pratique à ce que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille puissent souscrire aux régimes de sécurité sociale, y compris les caisses de pension, et à ce qu’ils soient informés de leurs droits en la matière  ;

b) De conclure avec tous les pays concernés des accords bilatéraux et multilatéraux sur la sécurité sociale qui intègrent le genre et soient non discriminatoires, afin de garantir la protection sociale à tous les travailleurs migrants .

Soins médicaux

43.Le Comité note que le cadre législatif prévoit l’égalité des droits en matière de soins de santé entre les citoyens et les étrangers et apatrides qui résident à titre permanent dans l’État partie et que les soins médicaux sont gratuits dans les établissements de santé publics. Le Comité est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur l’accès des travailleurs migrants en situation irrégulière aux soins médicaux.

44. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, aient accès au système de soins de santé, et de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique  ;

b) D’établir un mécanisme garantissant que les informations personnelles fournies par les migrants lors de leur enregistrement auprès des services de santé et d ’ autres services sociaux ne soient pas utilisées contre eux à des fins de signalement ou de discrimination en raison de leur nationalité ou de leur origine ou de leur statut de migrant en situation irrégulière .

Enregistrement des naissances et nationalité

45.Le Comité note que les enfants qui naissent à l’étranger de parents travailleurs migrants azerbaïdjanais peuvent être enregistrés auprès des représentations diplomatiques azerbaïdjanaises, qui délivrent alors un certificat de naissance, et il se réjouit de l’abrogation de la disposition législative de l’État partie qui faisait obligation aux parents étrangers ou apatrides de présenter un certificat de domiciliation lors de la déclaration d’une naissance, car cette abrogation réduit le risque d’apatridie pour leurs enfants. Le Comité constate toutefois avec préoccupation :

a)Que dans certains cas, en particulier si les parents sont dépourvus de pièces d’identité, l’enregistrement de la naissance d’un enfant né de demandeurs d’asile doit être prononcé par un tribunal ; le Comité note que depuis ses précédentes observations finales l’État partie a pourtant fait des progrès dans l’enregistrement de tous les enfants qui naissent sur son territoire ;

b)Qu’il n’a pas été institué de procédure d’octroi du statut d’apatride, alors que la Convention de 1954 relative au statut des apatrides le recommande.

46. Conformément aux observations générales conjointes n o 3 et n o 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o 22 et n o 23 (2017) du Comité des droits de l ’ enfant sur les droits fondamentaux des enfants dans le contexte des migrations internationales, et conformément à la cible 16 . 9 des Objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que tous les enfants de travailleurs migrants azerbaïdjanais expatriés et les enfants nés sur le territoire de l’État partie, en particulier les enfants nés de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile, soient enregistrés à la naissance et reçoivent des documents d’identité personnels, et de sensibiliser ces travailleurs à l’importance que revêt l’enregistrement des naissances  ;

b) De mettre en place une procédure efficace d ’ octroi du statut d ’ apatride, assortie de considérations et de garanties procédurales spécifiques compte tenu du rôle essentiel de la nationalité pour tous, y compris les travailleurs migrants et les membres de leur famille, et de fournir dans son prochain rapport périodique des informations, notamment des statistiques, sur l ’ ampleur du phénomène .

Éducation

47.Le Comité constate avec satisfaction que le Code des migrations dispose que suivre un enseignement secondaire à plein temps ouvre droit à la délivrance d’un permis de séjour temporaire à un élève. Le Comité note cependant avec préoccupation que :

a)La Constitution ne garantit le droit à l’éducation qu’aux citoyens de l’État partie et le cadre législatif ordinaire ne garantit qu’aux travailleurs migrants en situation régulière et aux membres de leur famille l’accès à l’éducation ;

b)Des parents en situation irrégulière n’envoient pas leurs enfants à l’école par crainte d’être repérés par les autorités, d’être mis en détention et expulsés, alors que le statut migratoire de leurs enfants pourrait être régularisé au regard de considérations liées à leur éducation, tout en prenant note des assurances données par l’État partie au cours du dialogue selon lesquelles il existe des pare-feux entre le Ministère de l’éducation et le Service national des migrations en matière de communications de données ;

c)Le défaut d’informations sur les taux de scolarisation des enfants de travailleurs migrants en situation irrégulière.

48. Renvoyant à ses précédentes recommandations et eu égard aux observations générales conjointes n o 3 et n o 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o 22 et n o 23 (2017) du Comité des droits de l ’ enfant, et en ayant à l ’ esprit la cible 4 . 1 des Objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que tous les enfants de travailleurs migrants, quel que soit leur statut, aient accès à l’enseignement préscolaire, primaire et secondaire sur la base de l’égalité de traitement avec les citoyens de l’État partie, conformément à l’article 30 de la Convention  ;

b) D’améliorer les pare-feux en matière de communications de données entre, d’une part, les autorités des forces de l’ordre et de l’immigration et, d’autre part, les services d’éducation, afin que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière scolarisent leurs enfants  ;

c) D’inclure dans son prochain rapport périodique des informations complètes sur les mesures prises à cet effet, ainsi que des statistiques sur les taux de scolarisation des enfants des travailleurs migrants en situation irrégulière .

Droit de transférer les revenus du travail et de l’épargne

49.Le Comité regrette l’inexistence de mécanismes ou de partenariats spécifiques avec des institutions financières destinés à faciliter les envois de fonds vers l’Azerbaïdjan par les travailleurs azerbaïdjanais expatriés et vers leur pays d’origine par les migrants travaillant en Azerbaïdjan. Il prend note à ce propos des informations fournies par l’État partie concernant une proposition gouvernementale qui va dans ce sens et est en cours d’examen.

50. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De rendre encore plus faciles les envois de fond vers l’Azerbaïdjan par les travailleurs azerbaïdjanais expatriés  ;

b) De prendre rapidement des mesures pour faciliter les envois de fonds vers leur pays d’origine par les migrants travaillant en Azerbaïdjan, en appliquant des frais de transfert et de réception préférentiels, conformément à la cible 10 . 3 des Objectifs de développement durable, et de rendre l ’ épargne à l ’ étranger plus accessible aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille dans l ’ État partie .

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille en situation régulière (art. 36 à 56)

Permis de travail et résidence

51.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour simplifier et accélérer les procédures de délivrance des permis de travail et de résidence, y compris par des moyens électroniques et en plusieurs langues, et de la prolongation automatique des permis de résidence temporaire durant la pandémie de COVID-19, y compris pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille. Il prend note aussi de l’ajout de certains types de travaux domestiques à la liste des activités pour lesquelles des permis de travail peuvent être délivrés. Le Comité constate cependant avec préoccupation que :

a)Les travailleurs migrants doivent quitter le pays dans les dix jours ouvrables suivant la résiliation de leur contrat de travail après préavis d’un mois, sauf s’il existe d’autres motifs pour eux de rester, ce qui rend leur statut migratoire entièrement dépendant de l’employeur ; il prend note de l’information fournie par l’État partie au cours du dialogue selon laquelle le Service national des migrations peut, dans la pratique, prolonger la période de séjour autorisée au cas par cas, y compris jusqu’à la fin d’une procédure judiciaire ;

b)Le Code des infractions administratives prévoit des sanctions contre les travailleurs migrants en situation irrégulière qui exercent une activité professionnelle sans avoir obtenu le permis de travail requis, alors que c’est l’employeur qui est tenu de solliciter ce permis ;

c)Selon certaines informations, des employeurs déduiraient indûment du salaire de leurs travailleurs migrants les frais de délivrance de leur permis de travail.

52. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir et d ’ améliorer son système de délivrance permis de travail en vue de prévenir l ’ imposition de conditions de travail abusives et l ’ exploitation par le travail, notamment  :

a) En introduisant dans sa législation une disposition garantissant aux travailleurs migrants qui perdent leur emploi un délai suffisant pour exercer des recours juridiques contre leur licenciement ou chercher un autre emploi, ainsi qu’en s’abstenant de les expulser  ;

b) En abrogeant les dispositions qui sanctionnent les travailleurs migrants quand leur employeur n’a pas sollicité de permis de travail  ;

c) En veillant à ce que les travailleurs migrants ne subissent pas de représailles ou ne perdent pas leur emploi pour avoir dénoncé aux autorités des employeurs qui ont déduit de leur salaire les frais de délivrance de leur permis de travail .

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne la migration internationale des travailleurs et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Coopération internationale avec les pays de transit et de destination

53.Le Comité prend note des difficultés qu’éprouve l’État partie à assurer la protection des droits des travailleurs migrants azerbaïdjanais expatriés, du fait qu’un certain nombre de pays de destination n’ont pas encore ratifié la Convention. Il prend note aussi de la conclusion par l’État partie d’une série d’accords bilatéraux, le plus récemment avec le Bélarus, la Belgique, le Kazakhstan et le Turkménistan, qui octroient à titre réciproque des droits aux travailleurs migrants en situation régulière et note que l’État partie entend conclure de tels accords avec d’autres pays. Il note avec préoccupation que certains de ces accords sont inadaptés aux tendances actuelles car ils remontent à plusieurs années, notamment celui conclu en 2003 avec la Fédération de Russie, et que des informations manquent sur la question de savoir si un quelconque de ces accords protège les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille en situation irrégulière.

54. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De garantir, dans le cadre de l’application de tout accord bilatéral ou multilatéral, la vie et l’intégrité physique des migrants, notamment des travailleurs migrants et des membres de leur famille, au regard des circonstances présentes dans l’État partie, et de veiller à ce que ces accords bilatéraux ou multilatéraux soient en pleine conformité avec la Convention, avec les observations générales n o 1 (2011) et n o 2 (2013) du Comité et avec les observations générales conjointes n o 3 et n o 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o 22 et n o 23 (2017) du Comité des droits de l’enfant  ;

b) De dialoguer avec le HCDH et de solliciter une assistance technique pour l ’ application desdits accords et la négociation de futurs accords afin d ’ en assurer la compatibilité avec la Convention .

Agences de recrutement

55.Le Comité prend note des informations fournies concernant le cadre réglementaire et le système d’agrément des agences de recrutement privées opérant dans l’État partie. Il est toutefois préoccupé par les informations qu’il a reçues selon lesquelles les organes de contrôle compétents n’interviennent que s’ils reçoivent des plaintes pour violation.

56. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer le cadre réglementaire applicable aux agences de recrutement privées, de consolider le système en place d ’ agrément des agences de recrutement et d ’ intensifier la surveillance et l ’ inspection de ces agences pour garantir les droits des travailleurs migrants, conformément à la Convention .

Retour et réintégration

57.Le Comité note que l’État partie a conclu des accords de mobilité et de réadmission avec l’Union européenne, certains États membres de l’Union européenne, le Monténégro, la Norvège et la Suisse, que des négociations sont en cours avec d’autres pays sur la réadmission des personnes résidant sans autorisation et que des mesures ont été prises pour assurer la réintégration de telles personnes dans l’État partie, notamment avec la mise en œuvre du projet d’aide à la réintégration des Azerbaïdjanais de retour. Le Comité regrette le manque d’informations sur les garanties procédurales dont bénéficient les travailleurs migrants et les membres de leur famille visés par ces accords.

58. Renvoyant à ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre les mesures requises pour faire en sorte que tout accord bilatéral ou multilatéral de mobilité ou de réadmission, ainsi que l’application de ces accords, soient conformes à la Convention, et en particulier que ces accords prévoient des garanties procédurales adéquates  ;

b) De prendre des mesures aptes à faciliter, conformément aux principes de la Convention, la réintégration durable des travailleurs migrants de retour et des membres de leur famille dans la vie économique, sociale et culturelle de l’État partie, comme le prévoit l’article 67 de la Convention  ;

c) De veiller à ce que le retour et la réintégration des travailleurs migrants et des membres de leur famille s’accompagnent de mesures de soutien tenant compte du genre, en vue de répondre aux besoins spécifiques en matière de santé physique et mentale des personnes qui ont subi des violences, des abus ou une exploitation sexuelle, en particulier les femmes victimes de la traite  ;

d) De fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur la situation des travailleurs migrants qui auraient été déplacés à l ’ intérieur du pays .

Trafic d’êtres humains

59.Le Comité prend acte des diverses mesures que l’État partie a prises depuis ses précédentes observations finales en vue de combattre la traite des personnes, notamment : les modifications apportées à la législation pour renforcer la protection des enfants contre le risque de traite et permettre la délivrance de permis de séjour temporaires aux victimes de la traite ; la mise en œuvre du plan d’action national contre la traite des êtres humains en Azerbaïdjan 2020-2024 ; la collecte de données sur les enquêtes, les verdicts et l’assistance fournie aux victimes de la traite des êtres humains ; la formation idoine dispensée aux fonctionnaires avec le soutien d’organisations internationales et d’organisations de la société civile ; l’ouverture de nouveaux refuges et centres d’assistance publics et privés pour les victimes de la traite ; les mesures destinées à renforcer la protection des travailleurs domestiques, dont la plupart sont des femmes. Le Comité reste pourtant préoccupé par :

a)Le fait que les travailleurs migrants victimes de la traite, notamment à des fins d’exploitation par le travail, risquent, s’ils ne sont pas dûment identifiés en tant que victimes, de se voir infliger des sanctions pénales ou d’être expulsés ;

b)Le faible taux de poursuites et de condamnations et la clémence des sanctions pénales infligées aux personnes se livrant à la traite d’êtres humains ou au trafic illicite de migrants ;

c)L’absence de données ventilées sur l’ampleur du phénomène, notamment le nombre de victimes de la traite et du trafic illicite de migrants qui ont demandé et obtenu un permis de séjour temporaire ou permanent ;

d)Le nombre limité d’accords bilatéraux et multilatéraux de coopération conclus par l’État partie dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains.

60. Rappelant ses précédentes recommandations , et conformément aux Principes et directives recommandés par le HCDH sur les droits de l ’ homme et la traite des êtres humains, le Comité recommande à l ’ État partie, eu égard à la cible 5 . 2 des Objectifs de développement durable  :

a) De revoir sa législation et de la modifier pour faire en sorte que les victimes de la traite soient dûment identifiées et ne soient ni détenues, ni inculpées ni poursuivies pour entrée ou séjour irréguliers, y compris dans les pays de transit et de destination, ou pour leur participation à des activités illicites dans la mesure où cette participation est la conséquence directe de leur situation de victimes de la traite, en mettant l’accent sur leur statut de victimes plutôt que sur leur criminalisation  ;

b) De veiller à l’efficacité des enquêtes et des poursuites dans les affaires de traite et d’imposer aux auteurs des peines proportionnées à la gravité de l’infraction  ;

c) De renforcer la coopération internationale, régionale et bilatérale en concluant avec les pays d’origine, de transit et de destination des accords sur la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains  ;

d) De recueillir et publier régulièrement des données ventilées sur l’ampleur du phénomène de la traite des êtres humains, notamment sur le nombre de victimes de la traite des êtres humains et de migrants clandestins qui ont sollicité un titre de séjour temporaire ou permanent, et le nombre de permis accordés, ainsi que de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique .

Mesures en faveur des travailleurs migrants en situation irrégulière

61.Le Comité prend note du nombre élevé de travailleurs migrants et de membres de leur famille en situation irrégulière dans l’État partie. Il est préoccupé par le manque de clarté concernant les mesures concrètes prises pour faire en sorte que la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille sur son territoire ne perdure pas, tout en notant l’information fournie par l’État partie selon laquelle il a depuis 2016 régularisé 12 862 migrants, dont des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

62.Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément aux Principes et directives recommandés par le HCDH sur les droits de l ’ homme aux frontières internationales  :

a) De prendre des mesures, autres que de simples mesures de protection des frontières et d’application de la loi, en vue de mettre en place des procédures spéciales de régularisation des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille et éviter ainsi qu’une telle situation perdure  ;

b) De sensibiliser les travailleurs migrants en situation irrégulière à ces procédures  ;

c) De fournir dans son prochain rapport périodique des informations à ce sujet .

6.Diffusion et suivi

Diffusion

63. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ assurer la diffusion rapide des présentes observations finales, dans la langue officielle de l ’ État partie, aux institutions d ’ État concernées à tous les niveaux, notamment auprès des ministères, du Parlement, de l ’ appareil judiciaire et des autorités locales compétentes, ainsi qu ’ aux organisations non gouvernementales et autres membres de la société civile .

Assistance technique

64. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire appel davantage à l ’ assistance internationale et intergouvernementale pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans les présentes observations finales, conformément au Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 . Il recommande également à l ’ État partie de poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et programmes des Nations Unies .

Suivi des observations finales

65. Le Comité invite l ’ État partie à lui fournir, dans les deux ans (c ’ est-à-dire le 1 er novembre 2023 au plus tard) des informations écrites sur la mise en œuvre des recommandations figurant au paragraphe 16 (politique et stratégie globales), au paragraphe 36 (garanties d ’ une procédure régulière, détention et égalité devant les tribunaux), au paragraphe 60 (traite des personnes) et au paragraphe 62 (mesures visant les travailleurs migrants en situation irrégulière) ci-dessus .

Prochain rapport périodique

66.Le Comité demande à l’État partie de soumettre son quatrième rapport périodique d’ici au 1 er novembre 2026 . Pour ce faire, l’État partie souhaitera peut-être suivre la procédure simplifiée de présentation des rapports . Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur ses directives harmonisées.