Observations finales concernant le septième rapport périodique du Paraguay*

1.Le Comité a examiné le septième rapport périodique du Paraguay (CEDAW/C/PRY/7) à ses 1536e et 1537e séances (voir CEDAW/C/SR.1536 et CEDAW/C/SR.1537), le 26 octobre 2017. La liste de points et de questions établie par le Comité figure dans le document CEDAW/C/PRY/Q/7 et les réponses du Paraguay dans le document CEDAW/C/PRY/Q/7/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le septième rapport périodique de l’État partie. Il remercie ce dernier de son rapport de suivi (CEDAW/C/PRY/CO/6/Add.1) et des réponses écrites apportées à la liste de points et de questions établie par le groupe de travail d’avant-session, et apprécie la présentation orale de la délégation ainsi que les éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.

* Adoptées par le Comité à sa soixante-huitième session (23 octobre–17 novembre 2017).

3.Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Ministre de la femme du Paraguay, Ana María Baiardi. La délégation comprenait aussi le Ministre de la Cour suprême, le Ministre de la justice, le Ministre de la Haute Cour de justice électorale, le Ministre du Secrétariat à l’action sociale, le Ministre du Secrétariat général à l’enfance et à l’adolescence, les représentants du Ministère de la femme, du Ministère de la défense publique, du Ministère du travail, de l’emploi et de la sécurité sociale, du Ministère de l’éducation et des sciences, du Ministère de la santé publique et du bien-être social, du Ministère des affaires étrangères, de la police paraguayenne, de la Caisse des prêts agricoles et de la Mission permanente du Paraguay auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B. Aspects positifs

4.Le Comité salue les progrès accomplis depuis son examen du sixième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/PAR/6) en 2011 dans la mise en œuvre des réformes législatives, en particulier l’adoption de :

a)La loi no 5777 de 2016 sur la protection générale des femmes contre toutes les formes de violence;

b)La loi no 5407 de 2015 relative au travail domestique, qui améliore la protection des droits des employées de maison;

c)La loi no 5446 de 2015 sur les politiques publiques en faveur des femmes rurales, qui sauvegarde et promeut les droits économiques, sociaux, politiques et culturels des femmes rurales;

d)La loi no 5344 de 2014 portant institution du congé de maternité pour les titulaires de fonctions électives;

e)La loi no 4788 de 2012 contre la traite des personnes;

f)La loi no 4675 de 2012 élevant le Secrétariat national de la femme au rang de Ministère de la femme.

5.Le Comité accueille avec satisfaction l’engagement pris par l’État partie de mettre en œuvre les objectifs de développement durable ainsi que l’action menée pour instaurer un nouveau mécanisme en vue d’atteindre ces objectifs. Il rappelle l’importance de l’indicateur 5.1.1 et félicite l’État partie d’avoir pris des mesures positives pour mettre en œuvre des politiques de développement durable. Le Comité salue également l’action menée pour améliorer le cadre institutionnel et politique visant à éliminer plus rapidement la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité des sexes, dont l’adoption :

a)Du plan triennal 2016-2018 pour la participation sociale et politique des femmes, en 2015;

b)Du plan national de prévention, prise en charge, protection et suivi concernant la violence à l’égard des femmes, en 2015;

c)Du plan national de développement Paraguay 2030, qui fait de l’égalité des chances entre femmes et hommes une question intersectorielle avec pour objectif spécifique de réduire la pauvreté extrême, en 2014.

6.Le Comité se félicite que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie ait ratifié, en 2013, la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’Organisation internationale du Travail (OIT).

C. Parlement

7. Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Régression de la promotion de l’égalité des genres

8.Le Comité s’inquiète de ce que les mouvements qui dénoncent « l’idéologie du genre » cherchent à faire retirer du discours politique, ainsi que des programmes scolaires et sociaux toute référence au genre dans l’État partie. Il constate également avec préoccupation que, par l’arrêté no 29664, le Ministère de l’éducation et des sciences a interdit toute diffusion et utilisation de matériels pédagogiques faisant référence à « la théorie du genre » ou « l’idéologie du genre », et que le terme « genre » ne figure nulle part dans la loi sur la protection générale des femmes contre toutes les formes de violence. Le Comité est également préoccupé par le projet de loi sur la protection de la famille, dont certaines propositions risquent d’engendrer un recul favorisant des attitudes stéréotypes sexistes sur les rôles et responsabilités respectifs des femmes et des hommes dans la famille. Il est en outre préoccupé par le projet de créer un ministère de la famille, qui pourrait s’immiscer dans le mandat du Ministère de la femme et puiser dans les ressources allouées à ce dernier. Le Comité pense que l’État partie se heurte à une régression des droits des femmes sur le plan législatif, mais aussi dans la vie politique et dans la vie de tous les jours, qui risque de remettre en cause les avancées réalisées ces dernières années en matière d’égalité des sexes.

9. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour éviter que l’égalité des sexes ne soit la cible d’attaques dans le débat public et d’abroger l’arrêté n o  29664 du Ministère de l’éducation et des sciences;

b) De développer les capacités des fonctionnaires, des parlementaires, des dirigeants de partis politiques et de mouvements religieux, ainsi que des intervenants des médias publics et privés en ce qui concerne l’égalité des sexes;

c) De garantir une consultation et une collaboration suffisantes avec un large éventail de représentants de la société civile dans l’élaboration des lois, politiques et programmes visant à mettre fin à la discrimination sexiste et à promouvoir l’égalité des sexes.

Cadre juridique et institutionnel

10.Le Comité demeure préoccupé par les retards pris dans l’adoption de plusieurs textes de loi, notamment le projet de loi contre la discrimination. Il s’inquiète également de ce que les dispositions de la législation en vigueur ne sont pas suffisamment appliquées. Il craint que ce déficit législatif n’ait pour effet d’empêcher la mise en place de mesures précises pour donner effet aux droits des femmes dans l’État partie, notamment celles qui se heurtent à des formes croisées de discrimination.

11. Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/PRY/CO/6 , par. 13), le Comité recommande à l’État partie d’adopter rapidement le projet de loi interdisant toutes formes de discrimination, qui doit comporter une définition de la discrimination, conforme à l’article premier de la Convention, englober la discrimination directe et indirecte, ainsi que la discrimination dans les cadres public et privé, et reconnaître les formes croisées de discrimination, notamment la discrimination contre les femmes lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles et les personnes intersexuées, conformément aux recommandations qui ont recueilli l’appui de l’État partie durant le deuxième cycle de l’Examen périodique universel (voir A/HRC/32/9 , par. 102.38 et 102.52 à 102.56). Le Comité recommande en outre à l’État partie de procéder à un réexamen complet de sa législation en vue de la purger de toutes les dispositions discriminatoires.

Accès à la justice

12.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour décentraliser la justice et mettre en place des services d’aide, notamment avec la création des maisons de la justice et l’élaboration d’un guide juridique consultable sur les téléphones mobiles visant à faciliter l’accès des groupes défavorisés à la justice. Il craint cependant que les allégations de corruption dans l’appareil judiciaire n’entravent l’accès des femmes à la justice et ne suscitent leur défiance à l’égard de la police et de la justice de l’État partie.

13. Rappelant sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie de renforcer son système judiciaire, notamment :

a) En promouvant le professionnalisme, l’indépendance et le sens des responsabilités des juges, des procureurs et des agents de police, notamment dans les procédures de sélection, d’avancement et de licenciement, en renforçant les procédures d’enquête et les poursuites, et en veillant à ce que les cas de corruption au sein du pouvoir judiciaire donnent lieu à des sanctions, de manière à rétablir la confiance des femmes dans le système judiciaire;

b) En accélérant l’action législative de manière à se doter des ressources financières, techniques et humaines spécialisées voulues pour que les affaires portées en justice soient traitées en temps voulu, en tenant compte de la problématique hommes-femmes, de manière non discriminatoire, par des personnes compétentes, et en augmentant le nombre des maisons de justice;

c) En assurant un renforcement systématique des capacités des juges, procureurs, avocats et agents de police, et autres responsables de l’application des lois sur les protocoles mis en place pour améliorer l’accès à la justice de groupes donnés, ainsi qu’une formation sur les droits des femmes, en particulier la Convention et les recommandations générales du Comité et sa jurisprudence au titre du Protocole facultatif.

Mécanisme national de promotion de la femme

14.Le Comité se félicite que le Secrétariat de la femme ait été élevé au rang de ministère et que l’État partie ait mis au point des politiques publiques destinées aux municipalités en matière d’égalité des sexes. Toutefois, il constate avec préoccupation que :

a)Les ressources humaines, techniques et financières allouées au Ministère de la femme sont insuffisantes pour que ce dernier puisse s’acquitter de ses nouvelles responsabilités et être représenté dans toutes les régions de l’État partie;

b)Le budget alloué au troisième plan national pour la promotion de l’égalité des chances n’est pas suffisant pour la bonne mise en œuvre de ce dernier;

c)Le Bureau du défenseur du peuple n’est pas conforme avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et qu’il n’a qu’une compétence limitée pour connaître des plaintes dont il est saisi par des femmes alléguant que leurs droits fondamentaux en matière d’égalité des sexes ont été violés et formuler des recommandations à ce sujet.

15. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire une priorité du mandat du Ministère de la femme et de lui allouer sensiblement plus de ressources humaines, techniques et financières, afin qu’il puisse s’acquitter efficacement de la mission qui lui incombe de suivre de près la situation des femmes, de mettre en œuvre les politiques et les lois relatives à l’égalité des sexes dans toutes les unités administratives de l’État partie et de veiller à leur bonne coordination;

b) De veiller à l’allocation d’un budget distinct et suffisant à la bonne exécution du troisième plan national pour la promotion de l’égalité des chances, ainsi qu’au suivi et à l’évaluation de ses effets;

c) De s’assurer que le Bureau du défenseur du peuple respecte pleinement les Principes de Paris et consacre les moyens humains, techniques et financiers voulus à la pleine exécution de son mandat, qui comporte l’élimination de toutes les formes et motifs de discrimination.

Mesures temporaires spéciales

16.Le Comité note avec satisfaction que des lois et politiques ont été adoptées en faveur des femmes rurales et des femmes handicapées. Toutefois, il est préoccupé par les restrictions à l’utilisation des mesures temporaires spéciales destinées à parvenir rapidement à une égalité réelle des sexes, en particulier dans les domaines où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, conformément au premier paragraphe de l’article 4 de la Convention.

17. Le Comité renouvelle la recommandation qu’il a formulée précédemment ( CEDAW/C/PRY/CO/6 , par. 17), à savoir que l’État partie ait davantage recours aux mesures temporaires spéciales et veille à ce qu’elles soient plus largement appliquées, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, dans le cadre de la stratégie qui s’impose pour parvenir rapidement à une égalité réelle des sexes, en particulier au profit des catégories de femmes qui se heurtent à des formes croisées de discrimination, comme les femmes autochtones, les femmes d’ascendance africaine et les femmes rurales, dans tous les domaines où celles-ci sont sous-représentées ou défavorisées, tels que la santé, l’éducation et l’emploi.

Stéréotypes discriminatoires

18.Le Comité prend note avec satisfaction des initiatives prises par l’État partie pour faire prendre conscience aux médias publics combien il importe de tenir compte des sexospécificités dans ce qu’ils diffusent, et pour dispenser une formation aux directions de la communication des institutions étatiques. Il constate néanmoins avec préoccupation que les stéréotypes discriminatoires se perpétuent dans ce domaine et que les femmes font l’objet de discriminations croisées fondées sur le sexe, l’origine ethnique, le handicap et la situation matrimoniale ou l’orientation sexuelle pour les femmes lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles et les personnes intersexuées. Il constate avec inquiétude que ces stéréotypes sont à l’origine de la discrimination et de violences faites aux femmes, au nombre desquelles la violence sexuelle, la violence familiale et le féminicide, ainsi que les agressions sexuelles à l’école et sur le lieu de travail. Le Comité est en outre préoccupé par l’ampleur des stéréotypes sexistes discriminatoires véhiculés dans les médias, en particulier la manière sexiste dont les femmes y sont représentées.

19. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mette en place, sans plus attendre, une stratégie globale visant à sensibiliser le public à la notion d’égalité des sexes et à faire disparaitre les attitudes patriarcales et stéréotypes constituant une discrimination à l’égard des femmes. Cette stratégie devrait comprendre des campagnes d’éducation et de sensibilisation s’adressant aux femmes et aux hommes à tous les niveaux de la société, notamment aux dirigeants communautaires et religieux, et cherchant en particulier à leur faire prendre conscience de la valeur et de la dignité des femmes et à donner à ces dernières les moyens de participer aux processus de prise de décision à l’échelon de la communauté et dans la société en général. Les organisations de la société civile et les grands médias devraient être associés à la mise en œuvre de cette stratégie;

b) D’encourager l’adoption d’un code de conduite en matière de publicité dans les médias publics et privés, de manière à éviter les stéréotypes et pratiques des médias à caractère discriminatoire ( CEDAW/C/PRY/CO/6 , par. 19) et rétablir un organisme chargé de surveiller la manière dont les femmes sont présentées dans les médias publics et privés;

c) D’étendre la formation des médias au principe d’une communication soucieuse d’équité entre les sexes aux médias privés pour les inciter à véhiculer une image positive des femmes, à relayer l’idée qu’elles sont les égales des hommes dans la vie publique et privée, et à ne plus les présenter comme des objets sexuels.

Violence sexiste à l’égard des femmes

20.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur la protection générale des femmes contre toutes les formes de violence, notamment le féminicide. Il prend note de la création du Forum interinstitutions de prévention, prise en charge, suivi et protection pour les femmes en situations de violence, ainsi que du Registre unique des services publics offerts aux victimes de la violence sexiste. Toutefois, il constate avec préoccupation :

a)Que les moyens alloués à l’exécution du plan national de prévention, prise en charge, protection et suivi concernant la violence à l’égard des femmes sont insuffisants;

b)Que les violences faites aux femmes ne sont pas suffisamment signalées, en partie parce que les services de protection des victimes ne sont pas suffisamment nombreux ou pas suffisamment accessibles;

c)Que les violences faites aux femmes dans le cadre familial représenteraient la moitié des cas de violence sexiste dans l’État partie;

d)Que les femmes transsexuelles sont la cible de discours de haine et d’actes de violence, qui ne donnent lieu à aucune enquête, ni aucune poursuite et que les auteurs de ces actes ne sont pas condamnés;

e)Que l’État partie ne dispose d’aucun système unifié, coordonné et cohérent de collecte de données sur les violences sexistes (CEDAW/C/PRY/CO/6 par. 20), prévu par l’article 29 de la loi sur la protection générale des femmes contre toutes les formes de violence.

21. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’allouer des moyens humains, techniques et financiers suffisants à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation du plan national de prévention, prise en charge, protection et suivi concernant la violence à l’égard des femmes;

b) De faciliter le signalement des cas de violence à l’égard des femmes, notamment en améliorant l’accès aux mécanismes de notification, en augmentant le nombre d’abris pour les victimes et en offrant à celles-ci une protection, une assistance juridique et médicale, ainsi que des programmes de réinsertion et de réadaptation psychosociale, en particulier dans les zones rurales;

c) De faire en sorte que les filles et les femmes soient protégées contre les violences sexistes, en particulier dans le cadre familial, de dispenser une formation sur le Protocole régional pour la prise en compte des disparités entre les sexes dans les enquêtes conduites dans les affaires de violence dans la famille visant des femmes, de surveiller la mise en œuvre dudit Protocole et de tenir compte des résultats de l’enquête sur les violences faites aux femmes dans le cadre familial pour définir des mesures ciblées qui sensibiliseront à la gravité des violences domestiques et inciteront les femmes à signaler de telles violences;

d) De faire en sorte que toutes les allégations de harcèlement sexuel et de violence sexiste, y compris à l’égard des femmes transsexuelles, donnent lieu à l’ouverture d’enquêtes, à l’engagement de poursuites et à l’imposition de peines à la mesure de la gravité des infractions;

e) D’établir un système unifié, coordonné et cohérent de collecte des données sur la violence sexiste ( CEDAW/C/PRY/CO/6 , par. 20) et d’allouer les moyens voulus à son fonctionnement, en veillant à ce que ce système contienne des données, ventilées par âge, sexe et type de relation entre la victime et son agresseur, sur les féminicides, la violence contre les femmes lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles et les personnes intersexuées, les femmes victimes de la traite et les femmes se livrant à la prostitution, ainsi que sur le nombre d’enquêtes ouvertes, d’actions engagées, de condamnations prononcées et de peines imposées aux auteurs de ces actes.

Traite et exploitation de la prostitution

22.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi contre la traite des personnes, d’un plan national pour la prévention et l’élimination de la traite et d’un Protocole général d’aide aux victimes de la traite. Il relève toutefois avec préoccupation que l’État partie continue d’être un pays d’origine, de transit et de destination pour la traite nationale et internationale des filles et des femmes, et que :

a)La problématique hommes-femmes et les différences culturelles ne sont pas prises en compte dans la stratégie de lutte contre la traite des êtres humains, alors que tous les cas de traite à des fins d’exploitation sexuelle qui ont été enregistrés par le ministère public ces dernières années ont concerné des femmes et que les femmes autochtones et migrantes sont des cibles pour les réseaux de trafiquants;

b)Ni le mécanisme interinstitutions chargé de coordonner les mesures de lutte contre la traite des personnes et ni le fonds national de prévention de la traite et de prise en charge des victimes, respectivement prévus par les articles 44 et 50 de la loi contre la traite des personnes, n’ont été constitués;

c)Le dispositif d’identification des victimes, prévu à l’article 30 de la loi contre la traite des personnes, et devant permettre d’orienter plus rapidement les femmes et les filles victimes de la traite vers les services de protection et de réadaptation appropriés, y compris les structures d’hébergement temporaire, n’a pas été mis en place;

d)Les données concernant la traite et les peines imposées aux auteurs d’infractions liées à la traite ne sont pas suffisantes.

23. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De remanier le Plan national en vigueur pour la prévention et l’élimination de la traite des personnes de sorte que celui-ci tienne compte de la vulnérabilité propre aux femmes − surtout les autochtones et les migrantes − face à la traite;

b) De hâter la mise en place du mécanisme interinstitutions spécialisé qui sera chargé de coordonner les mesures de lutte contre la traite des personnes (art. 44 de la loi contre la traite des personnes) et de doter celui-ci de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour tenir compte de la vulnérabilité particulière des femmes et des filles face à la traite;

c) D’instaurer un véritable dispositif d’identification des victimes qui permette d’orienter plus facilement les femmes et les filles victimes de la traite vers les services de protection et de réadaptation appropriés, y compris les structures d’hébergement temporaire;

d) De recueillir des données statistiques ventilées concernant l’ampleur de la traite, à la fois intérieure et transfrontière, le nombre de procédures pénales engagées et les peines imposées aux auteurs d’infractions liées à la traite, et de faire figurer ces données dans son prochain rapport périodique.

24.Le Comité note avec préoccupation qu’aucune information n’a été communiquée au sujet des femmes prostituées dans l’État partie, et que des prostituées auraient fait l’objet de violences, d’extorsions, d’arrestations arbitraires et de placements en détention sans mandats par des fonctionnaires de police. Il est également préoccupé par l’absence de services et de programmes spécialement destinés aux prostituées, notamment pour aider celles qui le souhaitent à sortir de la prostitution.

25. Le Comité recommande à l’État partie d’analyser sans délai les causes profondes et l’ampleur de la prostitution, et de se fonder sur les résultats obtenus pour mettre en place des services et des programmes d’appui à l’intention des prostituées, des mesures propres à protéger celles-ci de l’exploitation et des violences exercées par leurs clients et par les officiers de police, ainsi que des programmes d’aide et d’autres activités rémunératrices pour les femmes qui veulent sortir de la prostitution .

Participation à la vie politique et publique

26.Le Comité note qu’un projet de loi sur la parité démocratique a été soumis au Sénat, que des mesures ont été prises dans le cadre du plan triennal pour la participation des femmes à la vie sociale et politique, et que des formations ont été proposées aux femmes qui sont membres de partis politiques. Il est toutefois préoccupé par le retard pris dans l’adoption du projet de loi susmentionné et par le fait que, 20 ans après l’instauration de quotas électoraux, les femmes sont toujours faiblement représentées au Parlement et dans d’autres instances, dont les cabinets ministériels.

27. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De hâter l’adoption du projet de loi sur la parité démocratique et son application dans l’ensemble des organes législatifs, du Gouvernement et de la fonction publique;

b) De mettre en œuvre des activités visant à sensibiliser le grand public à l’importance de la participation des femmes à la prise de décisions, et de renforcer les programmes ciblés de formation et de mentorat devant permettre l’acquisition de compétences d’encadrement et de négociation aux femmes qui sont candidates ou susceptibles d’être candidates à une charge publique et aux femmes qui sont déjà titulaires d’une telle charge.

Femmes défenseurs des droits de l’homme

28.Le Comité est préoccupé par les actes d’intimidation et de harcèlement dont sont victimes les femmes défenseurs des droits de l’homme, ainsi que des enseignants, des journalistes, des avocats et des membres des organisations non gouvernementales qui travaillent sur les droits des femmes, l’égalité des sexes, la violence à l’égard des femmes et les violences sexuelles. Le Comité est également préoccupé par les pratiques abusives auxquelles se seraient livrés des membres des services de sécurité et de maintien de l’ordre contre des femmes autochtones et des femmes rurales, comme le placement en détention de femmes qui étaient présentes sur les lieux pendant le massacre de Curuguaty (2012), et ce, en l’absence de preuves de leur participation effective.

29. Conformément aux engagements que l’État partie a volontairement pris lors du deuxième cycle de l’Examen périodique universel (voir A/HRC/32/9 , par. 102.115 à 102.120), le Comité recommande :

a) De combattre l’impunité en faisant en sorte que des enquêtes approfondies et transparentes soient ouvertes sans délai sur tous les actes d’intimidation, de harcèlement et d’agression perpétrés contre les femmes défenseurs des droits de l’homme, des enseignants, des journalistes, des avocats, des femmes autochtones et des femmes vivant dans les zones rurales, qui deviennent les victimes de violations de leurs droits fondamentaux et d’atteintes à ces droits;

b) De poursuivre les auteurs des actes susmentionnés, y compris les représentants de l’État, et de garantir aux victimes l’accès à un recours effectif;

c) De hâter l’adoption du projet de loi sur la liberté d’expression et la protection des journalistes, du personnel des services de presse et des défenseurs des droits de l’homme.

Enregistrement des naissances

30.Le Comité prend acte des initiatives entreprises par l’État partie pour promouvoir l’enregistrement des naissances. Il relève toutefois que 30 % des nouveau-nés ne sont pas déclarés aux services de l’état civil. Il craint que cela risque d’interdire aux filles non déclarées l’accès aux services de base, comme la santé et l’éducation, et de les exposer à l’apatridie et à la traite des personnes.

31. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour parvenir à l’enregistrement universel des naissances, y compris en simplifiant les procédures par l’utilisation des technologies modernes.

Éducation

32.Le Comité accueille avec satisfaction l’instauration de programmes d’alphabétisation non formelle pour les communautés autochtones et de programmes de formation professionnelle non formelle pour les jeunes et les adultes qui souhaitent acquérir des compétences dans des métiers donnés. Il est toutefois préoccupé par :

a)Les obstacles structurels qui continuent d’empêcher les filles d’accéder à l’éducation de haute qualité, en particulier dans le secondaire et le supérieur, tels que l’insuffisance des budgets alloués au secteur, qui expliquent également le manque d’infrastructures scolaires, de matériels pédagogiques et d’enseignants qualifiés, surtout dans les zones rurales;

b)Les écarts persistants entre les taux d’alphabétisation des femmes et celui des hommes, et le fort taux d’analphabétisme parmi les femmes autochtones et les femmes rurales;

c)L’absence d’informations communiquées par l’État partie sur les mesures prises pour encourager les filles à suivre des filières d’étude et des parcours professionnels non traditionnels, par exemple, dans les domaines des mathématiques, de l’informatique, des technologies et des sciences.

33. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’augmenter les budgets de l’éducation dans l’optique de revoir les infrastructures scolaires, surtout dans les zones rurales, et d’améliorer la qualité de l’éducation, notamment en garantissant que des installations et des ressources d’enseignement et d’apprentissage essentielles, accessibles et en nombre suffisant accompagnent la hausse du taux de scolarisation;

b) D’établir des programmes spécialement destinés à éliminer l’analphabétisme des femmes dans les communautés autochtones et les zones rurales, aussi bien que dans les zones urbaines, et d’adopter et de mettre en œuvre des mesures ciblées pour assurer plus rapidement aux filles et femmes autochtones un accès à tous les niveaux d’éducation dans des conditions d’égalité;

c) D’élaborer et de mettre en œuvre une campagne nationale d’élimination des stéréotypes traditionnels et des obstacles structurels qui sont susceptibles de dissuader les filles de s’engager dans des filières d’étude et des parcours professionnels non traditionnels (par exemple, dans les domaines des mathématiques, de l’informatique, des technologies et des sciences), y compris par l’octroi de bourses d’études spécialement destinées aux filles.

Emploi

34.Le Comité accueille avec satisfaction la première enquête de l’État partie sur l’utilisation du temps et les actions menées pour adopter un projet de loi qui érige en infraction la pratique du travail domestique non rémunéré des enfants et établit des sanctions pour punir les pires formes de travail des enfants, ainsi que les mesures juridiques prises pour faire bénéficier les travailleurs indépendants d’une protection sociale et des caisses de retraite. Les Comité est toutefois préoccupé par :

a)L’écart marqué de rémunération entre les sexe de 22,2 % et le fait que le salaire minimum légal des travailleurs domestiques est 40 % inférieur au salaire minimum des autres travailleurs et concerne de manière disproportionnée les femmes qui représentent la majorité des travailleurs domestiques;

b)Le non-respect de la législation qui encourage et protège la maternité, en particulier la répartition inéquitable des tâches domestiques et familiales entre hommes et femmes qui force de nombreuses femmes à exercer des activités peu rémunérées dans le secteur informel;

c)La persistance du travail domestique des enfantsdont les conditions d’emploi, assimilables à de l’exploitation, compromettent le plein développement des filles et en font les cibles de violences physiques, psychologiques et sexuelles;

d)L’imposition de tests de grossesse et de dépistage du VIH dans les procédures de recrutement et les conditions de travail inadéquates auxquelles les femmes sont exposées, principalement dans le secteur des maquilas;

e)La non-prise en compte des sexospécificités dans le quota de 5 % instauré par la loi pour les personnes handicapées dans le secteur public, qui conduit à penser à tort que ledit quota est restrictif et qu’il plafonne le nombre de postes destinés aux personnes handicapées, et la tendance à réserver ces postes aux hommes handicapés plutôt qu’aux femmes handicapées.

35. Rappelant ses précédentes observations finales, le Comité ( CEDAW/C/PRY/CO/6 , par. 29) recommande à l’État partie :

a) De réduire l’écart de rémunération entre les sexes en revoyant régulièrement les salaires pratiqués dans les secteurs à forte concentration de main d’œuvre féminine et en mettant en place des mécanismes efficaces de surveillance et de réglementation des pratiques en matière d’emploi et de recrutement en vue de garantir le respect, dans tous les secteurs, du principe d’un salaire égal pour un travail de valeur égale, et d’assurer l’instauration d’un même salaire minimum pour tous les travailleurs, y compris les travailleurs domestiques;

b) De prendre des mesures ciblées pour améliorer l’accès des femmes au secteur structuré de l’économie, notamment aux postes de gestion et de décision, entre autres en surveillant et en faisant respecter la législation qui promeut et protège la maternité et en incitant davantage les hommes à exercer leur droit au congé parental, ainsi qu’en hâtant l’adoption d’une politique nationale en matière de soins, en fournissant les garderies d’enfants voulues et en nombre suffisant, et en encourageant le partage équitable des responsabilités domestiques et familiales entre hommes et femmes;

c) De hâter l’adoption du projet de loi qui érige en infraction le travail domestique non rémunéré des enfants, et de surveiller et d’éliminer cette pratique, notamment en mobilisant les médias et les programmes d’éducation du public pour sensibiliser sur la situation des filles employées de maison et sur leurs droits;

d) De prohiber et dûment sanctionner les tests obligatoires de grossesse et de dépistage du VIH effectués durant les procédures de recrutement, et de renforcer les mécanismes d’inspection du travail pour mieux surveiller les conditions d’emploi des femmes, en particulier dans le domaine du travail domestique et le secteur des maquilas en croissance;

e) D’introduire des mesures temporaires spéciales, comme l’instauration de quotas pour les femmes handicapées visant à encourager leur intégration dans l’emploi public et privé.

Santé

36.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption du plan national en vigueur pour la santé en matière de sexualité et de procréation ainsi que l’introduction de directives relatives à la prestation des services intégrés après avortement, lesquelles directives exigent le respect complet de la confidentialité et du secret médical pour les femmes qui avortent. Il relève également les initiatives menées dans le cadre de la stratégie « Code rouge » pour baisser la mortalité maternelle, ainsi que la distribution de trousses de santé et d’obstétrique aux unités de santé familiale, y compris dans les zones rurales et les communautés autochtones. Il est préoccupé toutefois par :

a)Les retards pris dans l’adoption du projet de loi sur la santé sexuelle, procréative, maternelle et périnatale;

b)Les fortes disparités entre zones rurales et urbaines s’agissant de l’accès à des services abordables et de haute qualité de soins prénatals, postnatals et maternels, qui font que de nombreuses femmes accouchent sans assistance qualifiée et que bien des naissances ne sont pas déclarées;

c)Les taux élevés de mortalité maternelle dus principalement aux avortements pratiqués dans des conditions dangereuses et à l’attitude de certains professionnels de la santé qui refusent d’effectuer des avortements thérapeutiques et qui dénoncent à la police les femmes qui recherchent une assistance pour avorter;

d)La criminalisation de l’avortement et le cadre juridique restrictif qui autorise celui-ci seulement lorsque la vie de la femme est menacée en excluant les autres situations comme les risques pour sa santé, le viol, l’inceste et le cas de grave malformation fœtale;

e)Les taux élevés chez les femmes de décès par cancer du sein et cancer du col de l’utérus dans l’État partie, qui sont parmi les plus forts d’Amérique latine;

f)Les obstacles à l’accès aux services de santé auxquels se heurtent les femmes prostituées, handicapées, lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles, et les personnes intersexuées ainsi que les femmes vivant avec le VIH/sida, de même que la discrimination et les mauvais traitements qu’elles subissent de la part du personnel médical.

37. Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/PRY/CO/6 , par. 31), le Comité recommande à l’État partie :

a) De hâter l’adoption du projet de loi sur la santé sexuelle, procréative, maternelle et périnatale;

b) De prendre des mesures pour surmonter les obstacles au fonctionnement voulu des services de gynécologie et d’obstétrique recensés dans l’étude du Bureau du défenseur du peuple, et de garantir que les femmes vivant en milieu rural ou dans les communautés autochtones ont accès à des services abordables et de haute qualité de soins prénatals, postnatals et maternels, notamment en augmentant le nombre d’unités de santé familiale;

c) D’assurer le respect des directives adoptées concernant l’obligation de confidentialité dans le système de soins de santé, notamment en formant les soignants à ces directives, et d’élaborer d’autres instructions à l’intention des professionnels de la santé sur les conditions et procédures régissant les avortements thérapeutiques, en vue de garantir que les femmes ont réellement accès aux services de soins de santé procréative , y compris l’avortement et les soins après l’avortement;

d) D’abolir les peines infligées aux femmes qui avortent, de légaliser l’avortement au moins dans les cas de risques pour la santé de la femme, de viol ou d’inceste et de grave malformation fœtale, et de le dépénaliser dans tous les autres cas;

e) De s’employer davantage à remédier aux taux élevés des cancers du col de l’utérus et du sein, entre autres en améliorant la prévention, le dépistage précoce, le traitement et le soutien psychologique pour les femmes et les filles atteintes de cancer et en allouant des ressources financières et humaines adéquates à cet effet;

f)De garantir que toutes les femmes et les filles ont accès aux services de santé, notamment les femmes et filles vivant avec le VIH/sida, les femmes et filles handicapées et les femmes et filles prostituées, ainsi que les femmes lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles et les personnes intersexuées, et de prendre les mesures permettant de punir tout traitement discriminatoire à leur égard et de remédier à leur stigmatisation et exclusion sociale.

Autonomisation économique des femmes

38.Le Comité se félicite que le Système national de formation et d’apprentissage professionnels propose une formation aux femmes chefs de ménage vulnérables afin de les doter d’aptitudes à l’entreprise, et que la Caisse des prêts agricoles ait été créée pour fournir des services de prêts novateurs aux femmes. Toutefois, il constate avec préoccupation que :

a)La stratégie nationale d’inclusion financière n’intègre aucune démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes et que son incidence sur les femmes est ainsi limitée;

b)Des obstacles continuent d’entraver l’accès des femmes au crédit financier dans des conditions d’égalité, comme l’absence de pièces d’identité;

c)Les initiatives pour l’autonomisation économique des femmes portent principalement sur leur participation dans les microentreprises, et que leur champ d’action demeure limité.

39. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir la stratégie nationale d’inclusion financière afin d’y intégrer une démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes;

b) D’élargir l’accès des femmes au crédit financier grâce à des mesures de soutien à leur enregistrement et à la délivrance d’extraits d’acte de naissance et de pièces d’identité;

c) D’étendre la portée des mesures ciblées, comme les plans de crédit à faible taux d’intérêt, l’assistance technique et le conseil, et d’encourager les activités entrepreneuriales des femmes dans les petites, moyennes et grandes entreprises, dans toutes les régions de l’État partie, notamment en zones rurales.

Femmes rurales et femmes autochtones

40.Le Comité accueille avec satisfaction la création de l’Organisation nationale des peuples autochtones, ainsi que le recensement des communautés autochtones effectué en 2012 et l’approbation du projet de loi sur les politiques publiques en faveur des femmes rurales. Le Comité constate toutefois avec préoccupation que les femmes rurales, notamment dans les communautés isolées où vivent des femmes autochtones, continuent de subir des formes croisées de discrimination et qu’elles :

a)représentent une part disproportionnée des personnes pauvres, en particulier dans la région du Chaco, et rencontrent des obstacles à l’exercice de leurs droits aux soins de santé, à l’éducation et aux possibilités d’emploi dans le secteur structuré de l’économie, et que cette situation ne fait que les exposer davantage à l’exploitation économique et à la traite;

b)ont un accès limité aux titres de propriété foncière, notamment pour les terres sur lesquelles elles travaillent, faute de pouvoir produire des pièces d’identité;

c)sont mal armées pour résister aux projets du monde des entreprises, notamment agro-industrielles, qui cherchent à acquérir des terres, notamment les terres traditionnelles autochtones;

d)pâtissent en particulier de ce qu’aucun mécanisme approprié ne garantisse leurs consultations préalables sur d’autres moyens de subsistance et sur les indemnisations accordées à la suite de l’acquisition de leurs terres par des tiers;

e)souffrent particulièrement des effets néfastes de l’utilisation abusive des produits phytosanitaires toxiques dans l’agriculture.

41. Dans le droit fil de sa recommandation générale n° 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’allouer davantage de moyens financiers, humains et techniques à la fourniture de services de santé et d’éducation en zones rurales et à l’intention des femmes autochtones, notamment dans la région du Chaco, et de prendre des mesures ciblées pour instaurer une réelle égalité des chances pour les femmes autochtones et rurales sur le marché du travail;

b) De prendre des mesures ciblées pour que les femmes autochtones et rurales acquièrent plus facilement des titres fonciers, notamment en facilitant leur accès aux pièces d’identité;

c) D’instaurer un cadre juridique garantissant que les vastes projets de développement, de l’agro-industrie et des autres secteurs, sont mis en œuvre seulement après la conduite d’une évaluation des incidences pour les hommes et les femmes et la tenue de consultations préalables avec les femmes autochtones et rurales concernées sur leurs nouveaux moyens d’existence et leur indemnisation voulue;

d) de mettre en œuvre la précédente recommandation du Comité ( CEDAW/C/PRY/CO/6 , par. 33) d’entreprendre une étude globale sur les causes négatives probables de l’utilisation abusive de produits phytosanitaires toxiques dans l’agriculture afin d’appliquer les mesures nécessaires pour éliminer leurs effets sur la santé des femmes et de leurs enfants.

Les adolescentes

42.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption d’un plan national pour la santé des adolescents pour la période 2016–2021 et d’une loi visant à lutter contre le harcèlement dans les établissements d’enseignement publics et privés. Le Comité salue également les initiatives menées pour sensibiliser au problème de la violence à l’égard des femmes en milieu scolaire, ainsi que la révision consécutive des manuels scolaires et les projets visant à établir des procédures d’enquête sur les affaires de violence familiale et sexiste. Toutefois, le Comité craint que le développement des adolescentes, en particulier leur santé physique et mentale, ainsi que leur éducation et leurs perspectives de travail décent ne pâtissent :

a)Des taux élevés de grossesse chez les filles âgées de 10 à 19 ans et des taux élevés de mortalité maternelle chez les filles âgées de 15 à 19 ans du fait notamment d’avortements non médicalisés;

b)Des taux élevés de violence sexuelle à l’égard des adolescentes, et des grossesses précoces forcées qui seraient en augmentation, notamment dans les cas d’inceste;

c)De l’absence de données sur les raisons de l’abandon scolaire des filles, de la stigmatisation dont les filles enceintes seraient victimes en milieu scolaire, ainsi que du défaut de structures d’accueil pour enfants et d’autres mesures d’aide à la réinsertion des jeunes mères dans le système éducatif.

43. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accorder la priorité à la mise en œuvre de l’axe stratégique n° 5 du Plan national pour la santé des adolescents, de mieux s’employer à ce que les adolescents et les jeunes femmes et hommes soient précisément informés sur leur santé et leurs droits en matière de sexualité et de procréation, notamment sur l’utilisation des formes modernes de contraception, et de renforcer les mesures visant à faciliter leur accès à des méthodes de contraception abordables et sûres et à des avortements médicalisés;

b) De hâter la mise en place de procédures d’enquête sur la violence intrafamiliale sexiste à l’égard des adolescentes, de dispenser une formation obligatoire adapté au personnel de maintien de l’ordre, aux membres de la magistrature, ainsi qu’aux professionnels de la santé et de l’éducation et aux travailleurs sociaux, laquelle formation portera sur lesdites procédures et sur l’application stricte des dispositions prévues pour poursuivre et dûment sanctionner les actes de violence sexuelle commis contre les adolescentes, et de suivre régulièrement leur mise en œuvre et d’infliger les peines qui s’imposent en cas de non-respect;

c) De recueillir des données sur les raisons de l’abandon scolaire des filles, de sensibiliser les élèves, ainsi que les professionnels de l’éducation et de la santé aux dispositions de la loi n° 4084 sur la protection des élèves enceintes et de la faire appliquer, de fournir des structures d’accueil adaptées aux enfants en milieu scolaire à tous les niveaux et de lutter contre les stéréotypes négatifs et les attitudes discriminatoires concernant la sexualité des adolescents.

Femmes en détention

44.Le Comité se félicite que l’État partie utilise les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) depuis 2013. Le Comité constate toutefois avec préoccupation :

a)Le grand nombre de femmes en détention provisoire, la durée de la détention provisoire et le surpeuplement des lieux où les femmes sont privées de leur liberté;

b)La non-séparation des détenues provisoires et des détenues condamnées, et leur accès limité aux services de santé et articles d’hygiène personnelle;

c)La discrimination dont sont victimes les femmes lesbiennes à qui l’on refuse les visites de leurs compagnes, ainsi que les mères adolescentesprivées du droit de prendre soins de leurs enfants;

d)Des violences qui seraient commises à l’égard des femmes en détention et de mauvais traitements dont seraient victimes les détenues transsexuelles.

45. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De remédier au surpeuplement des lieux où les femmes sont privées de leur liberté, notamment en limitant le recours à la détention provisoire, en appliquant d’autres mesures et en créant un système qui contrôle la durée de la détention préventive;

b) De mieux former aux Règles de Bangkok et d’en surveiller le respect, et d’améliorer les conditions de vies dans les centres de détention des femmes conformément aux règles internationales, notamment en veillant à séparer détenues provisoires et détenues condamnées, et en assurant la fourniture de services de santé adéquats et d’articles d’hygiène personnelle aux femmes détenues;

c) De faire en sorte que les visites de leurs partenaires et des membres de leur famille soient accordées à toutes les femmes, notamment les mères adolescentes, les lesbiennes et les transsexuelles;

d) De s’assurer que les femmes sont en mesure de porter plainte pour toutes violences infligées par les gardiens et le personnel de surveillance des centres de détention, notamment des violences sexuelles ou des actes d’intimidation ou de harcèlement, que ces plaintes font l’objet d’enquêtes et de poursuites rapides, indépendantes et impartiales, et que les auteurs de ces violences sont dûment punis.

Mariage et relations familiales

46.Le Comité prend note de l’augmentation de l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les filles et les garçons. Il est cependant préoccupé par :

a)Les possibilités de dérogation qui continuent d’autoriser le mariage avant l’âge de 18 ans, sous réserve de l’autorisation des parents, des tuteurs légaux ou des autorités judiciaires;

b)L’ignorance où se trouvent les femmes de la possibilité pour elle de bénéficier d’une aide financière à la réalisation de tests ADN dans les actions en reconnaissance de paternité, ainsi que les obstacles administratifs qui les empêchent d’y recourir et le peu de moyens financiers alloués à sa mise en œuvre;

c)Le fait que la notion de régime de la communauté des biens ne recouvre pas les biens incorporels, comme les prestations de retraite et d’assurance et autres prestations liées au travail, et que le partage des biens est ainsi inégal entre hommes et femmes au moment du divorce, alors même qu’aucun mécanisme n’est prévu pour dédommager les femmes de la situation d’infériorité économique où elles se trouvent vis-à-vis de leurs conjoints.

47. Rappelant ses recommandations générales n° 21 (1994) sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux, et n° 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour supprimer les dérogations à l’âge minimum du mariage pour les filles et les garçons, et garantir que toutes dérogations éventuelles peut être accordées uniquement par une autorité judiciaire et uniquement avec le consentement préalable, libre et éclairé des filles concernées;

b) De faire mieux connaître la loi n° 1914 qui accorde une aide financière aux actions en reconnaissance de paternité aux personnes qui n’ont pas les moyens, de lever les obstacles administratifs pour faciliter l’accès des femmes à cette aide et d’allouer des ressources financières suffisantes à la mise en œuvre de ladite loi;

c) De veiller à ce que la notion de régime de la communauté des biens s’étende aux biens incorporels, y compris les prestations de retraite et d’assurance et autres avantages liés à la carrière professionnelle, et de prendre d’autres mesures juridiques, autant que de besoin, pour indemniser les femmes pour la part inégale du travail non rémunéré qu’elles ont effectuée, y compris par le biais de payements effectués par le conjoint après la séparation.

Modification du premier paragraphe de l’article 20 de la Convention

48. Le Comité encourage l’État partie à accepter, dans les meilleurs délais, la modification apportée au premier paragraphe de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

49. Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

50. Le Comité invite l’État partie à instaurer une égalité réelle entre les hommes et les femmes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

51. Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient diffusées en temps voulu, dans les langues officielles de l’État partie, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et à l’appareil judiciaire , afin d’en permettre la pleine application.

Suivi des observations finales

52. Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 9 a), 15 a), 23 b) et 35 c) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

53. Le Comité invite l’État partie à soumettre son huitième rapport périodique en novembre 2021. Ce rapport devrait être présenté en temps voulu. En cas de retard, le rapport devra couvrir toute la période écoulée jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.

54. Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées concernant l’établissement de rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).