* Adoptées par le Comité à sa cinquante-neuvième session (20 octobre-7 novembre 2014).

Observations finales concernant le rapport unique de la Pologne valant septième et huitième rapports périodiques *

Le Comité a examiné le rapport unique de la Pologne valant septième et huitième rapports périodiques (CEDAW/C/POL/7-8) à ses 1249e et 1250e séances, tenues le 22 octobre 2014 (voir CEDAW/C/SR.1249 et 1250). La liste des questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/POL/Q/7-8 et les réponses de la Pologne sont reproduites dans le document CEDAW/C/POL/Q/7-8/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission par l’État partie du rapport unique valant septième et huitième rapports périodiques, dont la teneur est, d’une manière générale, conforme à ses directives. Il apprécie également les réponses écrites de l’État partie à la liste de questions soulevées par le groupe de travail d’avant-session. Il se félicite de l’exposé oral présenté par la délégation et des précisions apportées dans les réponses à ses questions orales.

3.Le Comité salue par ailleurs le haut niveau de la délégation de l’État partie, dirigée par la Secrétaire d’État au cabinet du Premier Ministre et représentante spéciale du Gouvernement pour l’égalité de traitement, Mme Malgorzata Fuszara, et composée de représentants de divers ministères et organismes publics, et de la Mission permanente de la Pologne auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève. Il apprécie le caractère constructif du dialogue qui s’est établi entre la délégation et le Comité.

B.Aspects positifs

4.Le Comité relève avec satisfaction les progrès accomplis dans le domaine législatif depuis l’examen, en 2007, du rapport unique de l’État partie valant

quatrième et cinquième rapports périodiques (CEDAW/C/POL/4-5) et du sixième rapport périodique (CEDAW/C/POL/6), et notamment l’adoption des mesures ci-après :

a)La loi sur les étrangers, de mai 2014, qui permet aux femmes étrangères bénéficiant de divers statuts migratoires de régulariser leur séjour en Pologne et protège également les victimes de la traite des êtres humains;

b)Les modifications apportées en 2013 au Code pénal et au Code de procédure pénale, qui visent à renforcer les poursuites judiciaires en cas de viol et empêche que les victimes de violences sexuelles ne soient victimisées une seconde fois;

c)Les modifications apportées en 2011 à la loi électorale, qui fixent un quota minimum de 35 % de femmes et 35 % d’hommes pour les listes électorales présentées aux élections municipales, de district, de voïvodie (niveau régional), ainsi qu’aux élections nationales et aux élections au Parlement européen;

d)La loi d’avril 2011 sur les services de garde d’enfants âgés de moins de 3 ans, qui vise à améliorer l’accès aux crèches publiques pour concilier travail et vie de famille;

e)La loi de 2010 sur l’égalité de traitement, qui vise à garantir l’égalité de traitement, sans distinction de sexe, race, origine ethnique, nationalité, religion, croyance ou opinion, ou fondée sur le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle;

f)Les modifications apportées au Code pénal qui définissent la traite des êtres humains et l’érigent en infraction pénale.

5.Le Comité se félicite des efforts consacrés par l’État partie à l’amélioration de son cadre institutionnel et réglementaire en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes et notamment de l’adoption des mesures suivantes :

a)Le Plan d’action national en faveur de l’égalité de traitement pour la période 2013-2016, et notamment la nomination de représentants spéciaux pour l’égalité de traitement dans les voïvodies et de coordonnateurs pour l’égalité de traitement dans tous les ministères;

b)Le Plan d’action national contre la traite des êtres humains pour la période 2013-2015;

c)La Stratégie nationale de réglementation de la radiodiffusion pour la période 2014-2016, qui vise à empêcher la représentation stéréotypée des fonctions sociales des femmes dans les médias.

6.Le Comité se réjouit du fait que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants, ou y a adhéré :

a)Le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort (25 avril 2014);

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées (25 septembre 2012).

C.Principaux domaines de préoccupation et recommandations

Parlement

7. Le Comité souligne le rôle déterminant que joue le pouvoir législatif s’agissant d’assurer la mise en œuvre intégrale de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses liens avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement (Sejm) à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport périodique au titre de la Convention .

Diffusion de la Convention, de son Protocole facultatifet des recommandations générales du Comité

8.Le Comité prend bonne note du fait que la Convention est généralement considérée comme une source de droit par les tribunaux et que ses observations finales sont diffusées aux ministères, autorités et organisations non gouvernementales concernés. Il se dit néanmoins préoccupé par les informations faisant état d’une certaine méconnaissance de la Convention en général, des procédures prévues par le Protocole facultatif – qui permettent aux femmes de demander réparation en cas de violation de leurs droits –, de ses recommandations générales, ainsi que de ses avis et recommandations concernant les requêtes individuelles et les enquêtes.

9.Le Comité invite l’État partie à :

a) Diffuser la Convention, son Protocole facultatif et ses recommandations générales auprès de toutes les couches de la société et à faciliter l’accès à l’information sur ses avis et recommandations concernant les requêtes individuelles et les enquêtes, notamment par des programmes de renforcement des capacités à l’intention des juristes, juges, magistrats du parquet, personnels de police et autres agents de la force publique;

b) Sensibiliser les femmes quant aux droits que leur confère la Convention et aux voies de recours judiciaire qui leur sont ouvertes aux niveaux national, régional et local, notamment par les médias et des campagnes d’information.

Cadre législatif

10.Le Comité se félicite des nombreux efforts déployés par le Gouvernement dans le domaine législatif. Il s’inquiète toutefois du fait que la loi sur l’égalité de traitement du 3 décembre 2010 n’offre pas de protection contre les discriminations fondées sur le sexe dans des domaines tels que l’enseignement, les soins de santé et la vie privée et familiale et ne protège pas suffisamment les femmes des formes multiples et convergentes de discrimination fondées sur l’origine ethnique, l’âge, le handicap ou d’autres considérations en l’absence d’une définition juridique de ces formes de discrimination. Le Comité relève que la Convention est directement applicable dans les tribunaux nationaux, mais regrette le manque d’information concernant la jurisprudence pertinente.

11. Le Comité demande instamment à l’État partie de revoir la loi sur l’égalité de traitement afin d’assurer que la législation antidiscrimination comprenne une définition de la discrimination à l’égard des femmes conforme à l’article premier de la Convention couvrant tous les domaines de la Convention et interdisant expressément la discrimination fondée sur le sexe, ainsi que les formes multiples et convergentes de discrimination. Il invite l’État partie à rassembler et à diffuser des informations sur les affaires dans lesquelles la Convention a été invoquée devant les tribunaux nationaux ou directement appliquée par eux.

Accès à la justice et mécanismes juridiques de plainte

12.Le Comité regrette l’insuffisance des renseignements fournis sur les mécanismes juridiques de plainte dont disposent effectivement les femmes qui ont été victimes de discrimination fondée sur le sexe dans des domaines autres que l’emploi et sur la suite donnée à ces plaintes. Il est particulièrement préoccupé par les informations faisant état du faible nombre de plaintes pour discrimination fondée sur le sexe qui ont donné lieu à une indemnisation.

13. Le Comité recommande à l’État partie d’assurer aux femmes qui ont été victimes de discrimination fondée sur le sexe un accès à des voies de recours effectives afin de leur permettre d’obtenir réparation ainsi qu’une indemnisation. Il recommande également à l’État partie de recueillir et de diffuser des informations sur le nombre et le type de plaintes déposées et sur les réparations accordées.

Bureau du Défenseur des droits de l’homme

Le Comité est préoccupé par l’absence de plaintes pour harcèlement sexuel au travail, par le faible nombre de sanctions administratives prises, par le caractère inadéquat des mesures de réparation accordées dans les cas de discrimination fondée sur le sexe et par le manque de données ventilées par sexe concernant les plaintes pour discrimination déposées auprès du Défenseur des droits de l’homme. Le Comité relève également avec préoccupation que le Défenseur des droits de l’homme ne dispose que de ressources financières et humaines limitées.

Le Comité invite l’État partie à :

a) Prendre des mesures pour supprimer les obstacles qui empêchent la soumission de plaintes pour harcèlement sexuel au travail auprès du Défenseur des droits de l’homme;

b) Veiller à ce que le Défenseur des droits de l’homme applique effectivement des sanctions administratives et accorde des réparations dans les affaires de discrimination fondée sur le sexe;

c) Doter le Bureau du Défenseur des droits de l’homme de ressources financières et humaines suffisantes pour lui permettre de s’acquitter pleinement du mandat de protéger les droits des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes dont il est investi, conformément aux principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité prend note du fait que les mandats du Représentant spécial du Gouvernement pour l’égalité de traitement, des représentants spéciaux pour l’égalité de traitement dans les voïvodies et des coordonnateurs chargés de la question de l’égalité des sexes dans tous les ministères constituent le mécanisme national de promotion de l’égalité de traitement, y compris l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Le Comité se dit à nouveau préoccupé par le fait que, depuis 2006, il n’y a pas, en Pologne, d’institution de l’État chargée exclusivement des questions d’égalité des sexes. Il s’inquiète également du peu de ressources dont dispose le Représentant spécial du Gouvernement pour l’égalité de traitement et du fait qu’il ne dispose pas d’un budget distinct. Il relève en outre avec préoccupation l’absence de mécanisme de coordination pour assurer l’intégration à tous les niveaux d’une démarche soucieuse de l’égalité entre les sexes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer le mandat et l’autorité du Représentant spécial du Gouvernement pour l’égalité de traitement, de doter son bureau des moyens nécessaires pour mettre en œuvre les mesures en faveur de l’égalité des sexes et assurer l’application d’une stratégie d’intégration d’une démarche soucieuse de l’égalité des sexes dans tous les ministères et organismes de l’État, ainsi qu’au niveau municipal;

b) D’accroître les ressources financières et humaines mises à la disposition du Bureau du Représentant spécial du Gouvernement pour l’égalité de traitement, d’établir pour celui-ci un budget distinct pour le financement de ses activités et programmes en faveur de l’égalité des sexes et une coordination efficace des politiques gouvernementales relatives à l’égalité des sexes et de veiller à ce que chaque ministère consacre un budget spécial à la mise en œuvre effective du Plan d’action national pour l’égalité de traitement.

Le Comité est inquiet de constater que le Plan d’action national pour l’égalité de traitement établi pour la période 2013-2016, qui a remplacé les précédents plans d’action nationaux en faveur des femmes, ne fait pas une place suffisante aux droits des femmes et à leur protection contre la discrimination. Il regrette l’insuffisance des renseignements fournis sur le suivi du Plan d’action national et l’évaluation de ses effets. Le Comité constate que le financement des organisations non gouvernementales de défense des droits des femmes est inadéquat et que celles-ci n’ont guère participé à l’élaboration et à l’évaluation du Plan d’action national.

Le Comité invite l’État partie à :

a) Évaluer la mesure dans laquelle le fait que le Plan d’action national pour l’égalité de traitement ne fasse pas de distinction entre les sexes entraîne une non-prise en compte des inégalités entre les sexes préexistantes (voir par. 16 de la recommandation générale n o  28 concernant les obligations fondamentales des États parties au titre de l’article 2 de la Convention) et y remédier de manière adéquate;

b) Assurer un suivi efficace et une évaluation des incidences et des résultats de la mise en œuvre du Plan d’action national dans toutes les régions du pays, en se fondant sur des objectifs et indicateurs assortis de délais, revoir, le cas échéant, les priorités de ce plan en consultation étroite avec les organisations non gouvernementales de défense des droits des femmes et mettre au point, sur cette base, les instruments qui seront utilisés après 2016;

c) Assurer un financement suffisant des organisations non gouvernementales de défense des droits des femmes et accroître leur participation à la mise en œuvre du Plan d’action national et de toute autre mesure, programme ou projet qui pourrait être adopté.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité est préoccupé par le manque d’information sur le recours à des mesures temporaires spéciales dans divers domaines visés par la Convention, lequel peut dénoter un manque de compréhension du caractère et de la finalité de telles mesures.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures temporaires spéciales pour promouvoir l’égalité de fait entre les femmes et les hommes dans des domaines tels que l’enseignement, l’emploi et la participation à la vie politique et publique et de remédier à la situation des femmes défavorisées dans tous les domaines visés par la Convention. Il recommande l’établissement d’une procédure pour l’adoption et l’application de telles mesures. Il engage l’État partie à veiller à ce que tous les fonctionnaires concernés connaissent pleinement la notion de mesures temporaires spéciales et à en encourager l’application conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité sur les mesures temporaires spéciales.

Stéréotypes

Le Comité prend note des efforts déployés par le Gouvernement pour prévenir les stéréotypes sur les fonctions sociales des femmes et des hommes dans les médias et dans la société en général. Cependant, il exprime à nouveau la préoccupation que lui inspire la persistance de stéréotypes sexistes profondément ancrés concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société qui continuent d’être véhiculés par les médias et les outils pédagogiques et dont témoignent les choix traditionnellement effectués par les femmes en matière d’études, la situation défavorable de celles-ci sur le marché du travail et les violences dont elles sont fréquemment victimes. Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations faisant état d’un nombre accru de représentations stéréotypées et parfois dégradantes de la femme dans les médias, lesquelles perpétuent la violence sexuelle, notamment le viol, et par le fait que les manuels scolaires n’ont pas été revus. Le Comité s’inquiète également de l’absence de mesures visant à contrer la campagne menée par l’Église catholique polonaise contre l’« idéologie du genre ». Le Comité relève l’efficacité limitée, voire nulle, des mesures visant à combattre les stéréotypes négatifs dont sont l’objet les femmes roms, les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées et les femmes handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire de l’élimination des stéréotypes sexistes – et en particulier des stéréotypes qui perpétuent la violence sexuelle, notamment le viol – l’une des principales priorités du Plan d’action national pour l’égalité de traitement;

b) De placer dans ses priorités la révision des manuels et matériels scolaires à tous les niveaux d’enseignement afin d’en supprimer les stéréotypes sexistes discriminatoires;

c) D’encourager les médias à donner une image positive des femmes et de l’égalité de condition des femmes et des hommes dans la vie privée et la vie publique et de suivre et d’évaluer régulièrement l’image ainsi véhiculée par les médias par l’intermédiaire du Conseil national de la radiodiffusion et du Bureau de la concurrence et de la protection des consommateurs;

d) De prendre des mesures pour promouvoir l’égalité des droits entre hommes et femmes et contrecarrer les efforts de quelque acteur que ce soit – y compris l’Église catholique – qui chercherait à dénigrer ou à minimiser l’importance des actions en faveur de l’égalité des sexes en qualifiant d’« idéologie » les mesures prises à cette fin;

e) D’évaluer et de renforcer les mesures visant à combattre les stéréotypes négatifs dont sont l’objet les femmes roms, les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées et les femmes handicapées.

Violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique

Le Comité note que l’État partie a signé en décembre 2012 la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Il est néanmoins préoccupé par la fréquence élevée des cas de violence à l’égard des femmes dans l’État partie et par l’absence de stratégie globale pour l’élimination de toutes les formes de violence sexuelle et sexiste à l’égard des femmes. Il s’inquiète tout particulièrement des lacunes qui subsistent dans la législation pour lutter contre ce phénomène, du peu d’efficacité des ordonnances de protection et du faible nombre de cas de violence domestique dans lesquels les auteurs ont été poursuivis et se sont vu infliger des peines, lesquels sont autant d’éléments qui entraînent une protection insuffisante des femmes victimes de violence.

Renouvelant sa recommandation précédente relative au rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques et au sixième rapport périodique ( CEDAW/C/POL/CO/6 , par. 19) et rappelant également sa recommandation générale n o  19 sur la violence à l’égard des femmes, le Comité exhorte l’État partie à :

a) Accélérer la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ainsi que l’harmonisation de sa législation avec les dispositions de la Convention;

b) Adopter une stratégie globale visant à prévenir et à éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes – notamment des femmes âgées et des femmes handicapées – tant dans la vie publique que dans la vie privée et mettre en place un mécanisme approprié de coordination et de suivi afin de prévenir et d’éliminer efficacement toutes les formes de violence à l’égard des femmes;

c) Modifier son Code pénal en vue d’expressément ériger en infraction pénale la violence domestique et le viol conjugal et incorporer une définition de la violence à l’égard des femmes dans la loi relative à la lutte contre la violence familiale afin de faire en sorte qu’il soit dûment tenu compte des considérations de sexe dans l’application des lois et politiques pertinentes;

d) Faire appliquer de manière effective les ordonnances de protection rendues contre les auteurs de violences domestiques, en particulier, et vérifier qu’elles sont respectées;

e) Engager systématiquement des procédures pénales, mettre fin au recours à la médiation conciliatrice pour les victimes de violences domestiques et poursuivre et sanctionner les auteurs de tels actes;

f) Mettre en place des centres de crise et des structures directement accessibles offrant aide et protection aux femmes victimes de violence, veiller à une bonne répartition géographique des foyers d’accueil et faire en sorte que les victimes aient accès à une aide juridique et à d’autres formes d’assistance;

g) Recueillir, analyser et publier régulièrement des données sur les affaires de violence à l’égard des femmes et des filles qui ont fait l’objet de plaintes, d’enquêtes et de poursuites.

Traite des personnes et exploitation de la prostitution

Le Comité prend acte des mesures législatives et de politique générale que l’État partie a prises pour lutter contre la traite des êtres humains et des diverses mesures d’aide aux victimes. Il demeure néanmoins préoccupé par le peu de données disponibles sur l’ampleur et la finalité de la traite, l’absence d’informations sur l’origine des victimes et le fait que les mesures prises n’ont guère été évaluées. Le Comité s’inquiète aussi du faible nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour des faits de traite et de prostitution forcée et de l’insuffisance de la formation des agents des forces de l’ordre aux méthodes d’enquête tenant compte des considérations de sexe. Il regrette en outre le manque d’informations sur l’ampleur de la prostitution et le nombre limité de mesures prises par l’État partie pour réduire la demande de prostitution et offrir aux femmes qui veulent sortir de la prostitution d’autres possibilités de s’assurer un revenu.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De recueillir et diffuser des données statistiques sur l’ampleur et la finalité de la traite, ainsi que sur les pays d’origine et de destination des victimes de la traite;

b) De systématiquement suivre et évaluer les effets des mesures de lutte contre la traite;

c) De faire en sorte que les femmes et les filles victimes de la traite soient correctement et rapidement identifiées et qu’elles aient accès à des soins médicaux, à une aide juridique, à des services de conseil psychosocial et à des programmes de réadaptation et de réinsertion, qu’elles aient ou non la capacité ou la volonté de témoigner contre les trafiquants;

d) De veiller à ce que les trafiquants soient effectivement traduits en justice et punis;

e) D’enseigner aux juges, magistrats du parquet, policiers, fonctionnaires des services d’immigration et travailleurs sociaux comment s’occuper des victimes de la traite en tenant dûment compte des considérations de sexe;

f) De s’attaquer aux causes profondes de la traite et de la prostitution forcée en s’attachant davantage à offrir aux femmes et aux filles la possibilité de faire des études ou de gagner leur vie, réduisant ainsi leur vulnérabilité face à l’exploitation;

g) De traiter le volet « demande » de la prostitution et recueillir des informations sur l’ampleur du phénomène.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité constate qu’il existe une forte proportion de femmes dans la fonction publique et les tribunaux de première instance de l’État partie, que le Premier Ministre est une femme et que le Gouvernement compte actuellement cinq femmes ministres. Il est néanmoins préoccupé par le fait qu’à l’exception des quotas fixés pour les listes électorales et de quelques tentatives visant à promouvoir la représentation des femmes au sein des conseils d’administration des entreprises publiques, aucune mesure spéciale n’est actuellement appliquée, dans le cadre d’une stratégie globale, pour remédier à la sous-représentation des femmes dans la vie politique et publique et aux postes de décision, notamment au Parlement (24 % des députés et 13 % des sénateurs sont des femmes), au sein des conseils municipaux et régionaux (25 % des représentants sont des femmes dans la branche exécutive aux différents niveaux) et dans les cours d’appel.

Conformément à sa recommandation générale n o  23 sur les femmes dans la vie politique et publique, le Comité invite l’État partie à :

a) Modifier la loi électorale en vue d’imposer dans la composition des listes électorales des positions en alternance entre hommes et femmes (système dit « de la fermeture éclair ») afin de parvenir à la parité;

b) Prendre des mesures spéciales temporaires, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité sur les mesures spéciales temporaires, notamment l’instauration de quotas, la fixation d’objectifs intermédiaires assortis d’échéances précises et l’organisation de formations afin de parvenir à la participation pleine et égale des femmes à la vie politique et publique et au processus décisionnel à tous les niveaux, notamment dans l’appareil judiciaire, au sein des instances dirigeantes à tous les niveaux et dans les organisations internationales.

Enseignement

Le Comité prend acte des réformes des programmes nationaux de l’enseignement obligatoire de base, qui prévoient notamment des mesures pour promouvoir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes. Il demeure toutefois préoccupé par les obstacles structurels qui s’opposent à l’inscription des filles et des femmes dans les filières d’enseignement général ou professionnel non traditionnelles, par la persistance de la ségrégation entre les sexes dans le système d’enseignement, illustrée par l’écart entre le nombre d’écoles de garçons et le nombre d’écoles de filles, par l’absence, dans les programmes scolaires, de cours obligatoires complets en matière de procréation et de sexualité adaptés à chaque âge et par le faible nombre de femmes occupant des postes de direction ou de professeur dans les établissements d’enseignement. Le Comité est également préoccupé par le fait que les filles roms continuent d’être inscrites dans des écoles ou des classes spéciales, par le nombre élevé de filles roms qui n’achèvent pas leur scolarité primaire et par leur faible fréquentation scolaire.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’éliminer les obstacles structurels et les stéréotypes négatifs susceptibles de dissuader les filles de s’inscrire dans les filières d’enseignement général ou professionnel non traditionnelles, à tous les niveaux;

b) D’envisager de prendre des mesures spéciales temporaires pour inciter les filles à choisir des matières techniques et accélérer la nomination de femmes aux postes les plus élevés de la hiérarchie universitaire;

c) De prévoir dans les programmes scolaires ordinaires, pour les filles comme pour les garçons, un enseignement obligatoire et complet adapté à chaque âge sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, notamment sur les comportements sexuels responsables et la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles, dispensé par du personnel dûment formé;

d) D’assurer la scolarisation des filles et des garçons roms dans les classes ordinaires des écoles primaires, et non dans des écoles ou classes pour enfants ayant des besoins particuliers;

e) De réduire les taux élevés d’abandon scolaire des filles roms dans le primaire, de prendre des mesures efficaces pour maintenir ces filles scolarisées et d’accroître leurs effectifs dans l’enseignement secondaire grâce à des mesures spéciales temporaires et un soutien, par exemple sous forme de bourses d’étude ou de manuels scolaires gratuits.

Emploi

Le Comité est préoccupé par la ségrégation horizontale et verticale entre les femmes et les hommes qui prévaut sur le marché du travail et, en particulier, par la concentration des femmes dans des emplois publics faiblement rémunérés, et notamment des emplois précaires, par le faible taux d’emploi des femmes (53,4 % des femmes en âge de travailler), par le manque de services de conseil à l’intention des filles et des femmes sur les filières non traditionnelles d’enseignement général et professionnel et les possibilités de carrière, et par la non-application du principe de l’égalité de salaire à travail égal. Il constate également avec préoccupation que le mandat des services de l’inspection du travail est limité s’agissant d’enquêter sur les plaintes pour discrimination fondée sur le sexe, et en particulier pour harcèlement sexuel, et qu’il existe des disparités entre zones urbaines et zones rurales en ce qui concerne l’accès aux services de garde d’enfants.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’éliminer la ségrégation horizontale et verticale entre les femmes et les hommes sur le marché du travail, notamment en prenant des mesures spéciales temporaires pour faciliter l’accès des femmes – en particulier des jeunes femmes – à l’emploi et de revoir sa législation et sa politique générale afin de promouvoir l’égalité des chances et l’égalité de traitement dans l’emploi, y compris sur le plan des possibilités de carrière, et de faire en sorte que les femmes soient moins exposées au travail précaire;

b) De mettre en place, à l’intention des filles et des femmes, des programmes de soutien – notamment des services de conseil – sur les choix en matière d’enseignement général et professionnel et les possibilités de carrière dans des domaines non traditionnels, par exemple les sciences ou les technologies;

c) De veiller à l’application effective du principe de l’égalité de la rémunération à travail égal, notamment par l’institution de plans en faveur de l’égalité qui soient contraignants pour les employeurs publics et privés, ainsi que par des inspections du travail, et de remédier à l’efficacité limitée du dispositif juridique relatif à la rémunération, notamment par l’élaboration d’une méthode d’évaluation des disparités de rémunération dans les entreprises, ainsi que par un travail de sensibilisation au sein des organisations patronales et syndicales de l’État partie;

d) De renforcer le mandat de l’inspection du travail pour lui permettre d’enquêter véritablement sur les plaintes pour discrimination fondée sur le sexe, et en particulier pour harcèlement sexuel, notamment en s’attaquant à la question des conditions de divulgation de renseignements concernant les plaintes et leurs auteurs;

e) De réduire les disparités entre zones urbaines et zones rurales en matière d’accès aux services de garde d’enfants, notamment en inversant la tendance à la fermeture de structures d’accueil préscolaires.

Le Comité prend acte des mesures prises pour promouvoir la représentation des femmes au sein des conseils d’administration et de supervision des entreprises du secteur privé, mais il constate avec préoccupation que moins de 15 % des membres des conseils d’administration et de supervision sont des femmes.

Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures pour parvenir à la participation pleine et égale des femmes à la prise de décisions dans la sphère économique, notamment au sein des conseils d’administration et de supervision des entreprises cotées en bourse et des entreprises publiques.

Santé

Le Comité exprime une nouvelle fois ses préoccupations devant le taux élevé d’avortements, dont la plupart sont pratiqués dans l’illégalité en raison des prescriptions strictes de la loi de 1993 relative à la planification familiale, la protection du fœtus humain et les conditions d’admissibilité de l’avortement. Le Comité s’inquiète également de l’application restrictive de cette loi et du recours très fréquent – voire abusif – du personnel médical à la clause d’objection de conscience. Il regrette en outre le manque de données et d’études officielles sur la fréquence des avortements illégaux et non médicalisés en Pologne. Il prend acte des efforts entrepris en vue d’améliorer la loi sur les droits des patients, notamment la fixation d’un nouveau délai pour le traitement des plaintes, mais il estime que cela ne supprimera pas les obstacles auxquels se heurtent les femmes en cas de grossesse non désirée. Le Comité est également préoccupé par l’accès limité aux contraceptifs modernes et s’inquiète notamment des obstacles que les adolescentes peuvent rencontrer pour obtenir des renseignements et accéder aux services de santé procréative, y compris la contraception.

Le Comité invite l’État partie à :

a) Améliorer l’accès des femmes aux services de santé, en particulier aux services de santé procréative et sexuelle, notamment en modifiant la loi de 1993 sur la planification familiale, la protection du fœtus humain et les conditions d’admissibilité de l’avortement afin d’assouplir ces dernières;

b) Établir, dans le cadre de la révision de la loi sur les droits des patientes, des normes claires qui permettent une interprétation uniforme et non restrictive des conditions de l’interruption de grossesse admises par la loi, de façon à ce que les femmes puissent y avoir recours sans que des médecins ou des établissements de santé leur opposent, de manière abusive, la clause dite « d’objection de conscience » et assurer des voies de recours utiles permettant de contester les refus d’avortement;

c) Prescrire, appuyer et financer des recherches, des études et la collecte de données – comme il a été recommandé précédemment ( CEDAW/C/POL/CO/6 , par. 25) – sur l’ampleur, les causes et les conséquences des avortements illégaux non médicalisés et sur leur incidence sur la santé et la vie des patientes, afin de recueillir des éléments factuels en vue d’une révision de la loi;

d) Veiller à ce que les moyens de contraception modernes soient accessibles et abordables pour les femmes et les filles, y compris en milieu rural, en instaurant le remboursement des frais liés aux méthodes de contraception modernes et efficaces pratiquées par le système de santé publique;

e) Veiller à ce que les adolescentes bénéficient d’un accès sans entrave aux services de santé procréative et aux moyens de contraception.

Femmes rurales

Le Comité prend acte du programme de développement rural de l’État partie pour la période 2007-2013. Il est néanmoins préoccupé par le fait que l’accès des femmes rurales aux soins de santé, à l’enseignement, à l’emploi et aux services de protection sociale demeure limité, de même que leur participation aux processus de prise de décisions à l’échelle locale.

39. Le Comité invite l’État partie à élaborer des mesures et programmes généraux destinés à autonomiser les femmes rurales sur les plans politique et économique, à leur garantir un accès aux soins de santé, à l’enseignement, à l’emploi et aux services de protection sociale et à faciliter leur participation aux processus de prise de décisions à l’échelle locale, en particulier dans les conseils des chambres d’agriculture des voïvodies, de manière à remédier au risque élevé de pauvreté chez les femmes des zones rurales.

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité est inquiet au sujet de la participation insuffisante à la vie politique et publique des femmes issues de groupes défavorisés, notamment les femmes roms, les femmes appartenant à d’autres minorités ethniques et les femmes handicapées.

Le Comité invite l’État partie à adopter des mesures spéciales temporaires afin que les femmes issues de groupes défavorisés, notamment les femmes roms, les femmes appartenant à d’autres minorités ethniques et les femmes handicapées, puissent participer de manière pleine et égale à la vie politique et publique et aux processus de prise de décisions à tous les niveaux.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité constate avec satisfaction que, dans l’État partie, le régime matrimonial par défaut est celui de la communauté de biens et que le cadre juridique prend en compte les apports non financiers de l’épouse aux biens matrimoniaux. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait qu’un événement perçu comme une faute de l’un des époux puisse avoir des conséquences financières, notamment le paiement d’une indemnisation ou la perte de la pension alimentaire versée entre époux.

Le Comité demande instamment à l’État partie de revoir sa réglementation relative aux conséquences économiques du divorce en tenant compte de sa recommandation générale n o  29 sur les conséquences économiques du mariage, des rapports familiaux et de leur dissolution et de faire en sorte de séparer les principes et les procédures de dissolution du mariage des aspects économiques de la dissolution.

Données statistiques

Le Comité déplore le manque de données statistiques ventilées par sexe, par âge et par zones urbaines et rurales, lequel complique son évaluation des tendances et des progrès relatifs à la situation réelle des femmes et à l’exercice de leurs droits dans l’ensemble des domaines visés par la Convention.

Le Comité invite l’État partie à améliorer la collecte et l’analyse de données – en les ventilant, le cas échéant, par sexe, par âge et par zones urbaines et rurales – pour l’ensemble des domaines visés par la Convention de manière à lui permettre d’évaluer plus précisément la situation réelle des femmes et l’exercice de leurs droits fondamentaux et d’identifier les tendances qui se dessinent dans le temps, notamment les cas de formes multiples et convergentes de discrimination, afin d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques et programmes visant à promouvoir l’égalité des sexes. Le Comité invite également l’État partie à suivre, au moyen d’indicateurs quantifiables, les effets des lois, politiques et plans d’action et à évaluer les progrès accomplis vers la réalisation de l’égalité de fait entre les hommes et les femmes. Le Comité demande à l’État partie d’inclure de telles données et analyses statistiques dans son prochain rapport.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans les efforts qu’il déploie pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Diffusion

Le Comité rappelle à l’État partie l’obligation qui lui incombe d’appliquer systématiquement et de manière continue les dispositions de la Convention. Il le prie instamment de s’occuper en priorité de la mise en œuvre des présentes observations finales et recommandations d’ici à la présentation de son prochain rapport périodique. Il demande par conséquent que les présentes observations finales soient communiquées dans les meilleurs délais, dans la langue officielle de l’État partie, à toutes les institutions publiques concernées (nationales, régionales et locales), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement (Sejm) et au pouvoir judiciaire, afin d’en permettre la pleine application. Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes concernées, telles que les associations d’employeurs, les syndicats, les organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, les universités, les établissements de recherche et les médias. Il recommande en outre que les présentes observations finales soient diffusées de manière appropriée au niveau des communautés locales afin que celles-ci puissent les mettre en application. De surcroît, le Comité demande à l’État partie de continuer à diffuser, auprès de toutes les parties prenantes, la Convention, son Protocole facultatif et la jurisprudence connexe, ainsi que ses recommandations générales.

Ratification d’autres instruments

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l’État partie à envisager de ratifier la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, auxquelles il n’est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l’État partie de présenter, par écrit et dans un délai de deux ans, des informations concernant les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant aux paragraphes 17 a) et b) et 29 a) et b) ci-dessus.

Élaboration du prochain rapport

50. Le Comité invite l’État partie à soumettre son neuvième rapport périodique en novembre 2018.

51. Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap I).