Observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Pakistan *

Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique du Pakistan (CEDAW/C/PAK/5) à ses 1751e et 1752e séances (voir CEDAW/C/SR.1751 et CEDAW/C/SR.1752), le 12 février 2020. La liste des points et questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session figure dans le document CEDAW/C/PAK/Q/5, et les réponses du Pakistan dans le document CEDAW/C/PAK/RQ/5.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de l’État partie. Il le remercie du rapport sur la suite donnée aux précédentes observations finales du Comité (CEDAW/C/PAK/CO/4/Add.1) et des réponses écrites apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant-session, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Secrétaire d’État du Ministère des droits de la personne, Rabiya Javeri Agha. La délégation comprenait aussi des représentants du Département de la promotion de la femme du Gouvernement du Sind, du Ministère des droits de la personne et de la Mission permanente du Pakistan auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès réalisés depuis l’examen en 2013 du quatrième rapport périodique de l’État partie en ce qui concerne les réformes législatives, en particulier l’adoption de :

a)la loi portant modification du Code pénal, relative aux crimes commis au nom ou au prétexte de l’honneur, et la loi portant modification du Code pénal, relative à la lutte contre le viol, toutes deux en 2016 ;

b)la loi relative au système judiciaire pour mineurs, qui établit un programme de déjudiciarisation pour les délinquants juvéniles, en 2018 ;

c)la loi no XIII de 2018 sur la protection des droits des personnes transgenres, qui reconnaît aux personnes physiques le droit de choisir leur identité de genre et interdit la discrimination et le harcèlement à l’égard des personnes transgenres et des personnes intersexes ;

d)la loi électorale de 2017, qui vise à garantir l’égalité d’accès des femmes à l’inscription sur les listes électorales ;

e)la loi de 2018 sur les crimes commis en utilisant de l’acide ou en infligeant des brûlures, qui incrimine l’utilisation abusive de matières corrosives et prévoit des mesures pour le traitement, la réadaptation et la protection des victimes de ce type d’agressions et pour la fourniture d’une aide juridique à ces victimes.

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour apporter à son cadre institutionnel et politique les améliorations nécessaires à l’accélération de l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à la promotion de l’égalité des genres, notamment l’adoption, l’exécution ou l’établissement :

a)du Plan d’action national pour les droits de la personne en 2016 ;

b)de la Commission nationale des droits de l’homme en 2015 ;

c)du plan-cadre de coopération des Nations Unies pour le développement durable au Pakistan en 2018.

Le Comité se réjouit également de la ratification par l’État partie du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés en 2016.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et appelle au respect de l ’ égalité des genres en droit et dans les faits, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 . Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l ’ État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du Pakistan et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l ’ Assemblée nationale et les assemblées provinciales, dans le cadre de leur mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Retrait de la déclaration faite lors de l’adhésion à la Convention

Malgré les explications détaillées fournies par la délégation, le Comité reste préoccupé par le fait que l’État partie ne soit pas disposé à retirer la déclaration qu’il a faite lors de son adhésion à la Convention, selon laquelle « l’adhésion du Gouvernement de la République islamique du Pakistan à la Convention est sous réserve des dispositions de la Constitution de la République islamique du Pakistan ».

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour retirer rapidement la déclaration qu ’ il a faite lorsqu ’ il a adhéré à la Convention.

Transfert de compétences

Le Comité se déclare préoccupé par les effets de la dix-huitième modification de la Constitution (2010) sur la gouvernance générale de l’État partie et sur la mise en œuvre des droits consacrés par la Convention. Il est d’avis que le transfert du Gouvernement fédéral aux provinces de compétences et du pouvoir de décision en matière de promotion des femmes risque d’entraver la mise en œuvre cohérente et uniforme de la Convention dans l’ensemble de l’État partie.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/PAK/CO/4 , par. 12 ), le Comité souligne qu ’ il incombe au Gouvernement fédéral d ’ assurer la pleine application de la Convention, notamment en fournissant des orientations aux gouvernements provinciaux. Il recommande à l ’ État partie d ’ établir des normes et de créer un mécanisme efficace de coordination afin d ’ assurer une mise en œuvre transparente, cohérente et systématique de la Convention sur l ’ ensemble du territoire.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité félicite l’État partie d’avoir déployé 24 soldates de la paix dans différentes missions de maintien de la paix des Nations Unies et la première équipe de liaison féminine entièrement pakistanaise dans une mission de maintien de la paix des Nations Unies. Toutefois, il est préoccupé par le fait qu’il n’y ait pas de plan d’action national en vue de la mise en œuvre de la résolution 1325(2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité. Il constate également avec inquiétude que, bien que l’État partie se soit employé à accroître la participation des femmes aux initiatives de paix nationales et internationales, les femmes restent sous-représentées dans les processus de prévention des conflits et de consolidation de la paix, ainsi que de justice transitionnelle et de réconciliation nationale.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un plan d ’ action national en vue de la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, en coopération avec les représentants des organisations de femmes de la société civile dans les différentes provinces, et de veiller à ce que ce plan  :

a) prenne en considération l ’ ensemble du programme de travail du Conseil de sécurité concernant les femmes et la paix et la sécurité, tel qu ’ énoncé par le Conseil dans ses résolutions 1325 (2000) , 1820 (2008) , 1888 (2009) , 1889 (2009) , 1960 (2010) , 2106 (2013) , 2122 (2013) , 2242 (2015) , 2467 (2019) et 2493 (2019)  ;

b) soit fondé sur un modèle d ’ égalité réelle, conforme à la Convention, qui aura des effets sur toutes les sphères de la vie des femmes et s ’ attaque à la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre et aux formes de discrimination croisée que subissent les femmes, en particulier les femmes handicapées et les femmes et les filles ahmadies, chrétiennes, dalits, hindoues, roms, sheedis et sikhs  ;

c) garantisse la participation des femmes, y compris celles qui appartiennent à des minorités ethniques et religieuses, aux initiatives de paix, de justice transitionnelle et de réconciliation, notamment en ce qui concerne l ’ élaboration et la mise en œuvre du plan d ’ action national  ;

d) comprenne un budget tenant compte des questions de genre, définisse des indicateurs visant à assurer le suivi régulier de sa mise en œuvre et prévoie des mécanismes de responsabilisation.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité prend note avec satisfaction des informations fournies par la délégation selon lesquelles l’État partie est en train de modifier l’article 25 de la Constitution afin d’élargir la définition de la discrimination à l’égard des femmes et des filles. Toutefois, il reste préoccupé par l’absence d’une définition complète de la discrimination à l’égard des femmes, qui soit conforme à l’article premier de la Convention.

Le Comité, conformément aux deux premiers articles de la Convention, à sa recommandation générale n o 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention et à la cible 5 . 1 des objectifs de développement durable, à savoir mettre fin à toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles partout dans le monde, recommande à l ’ État partie  :

a) de modifier l ’ article 25 de la Constitution et d ’ adopter, sans délai, une définition complète de la discrimination à l ’ égard des femmes dans sa Constitution, qui couvre tous les motifs de discrimination interdits internationalement reconnus et englobe la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, y compris les formes de discrimination croisée à l ’ égard des femmes  ;

b) de faire en sorte que la législation interdisant la discrimination prévoie des mécanismes d ’ application efficaces et des sanctions appropriées.

Visibilité de la Convention

Le Comité se félicite de l’élaboration et de la mise en place du système de gestion de l’information sur les droits de la personne, en application duquel les gouvernements provinciaux sont responsables de la mise en œuvre et du suivi des obligations en matière de droits de la personne concernant les femmes et les filles. Il constate toutefois avec préoccupation que la Convention ainsi que ses observations finales et recommandations générales sont mal connues du grand public et des professionnels du droit dans l’État partie, que ceux-ci y sont peu sensibilisés et qu’il n’y a pas d’exemples de cas où la Convention a été invoquée devant les tribunaux.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de s ’ employer, en collaboration avec les médias et la société civile, à faire mieux connaître la Convention, en mettant l ’ accent sur la notion d ’ égalité réelle  ;

b) de renforcer davantage les programmes de formation juridique et de renforcement des capacités des juges, des procureurs, des avocats et des autres responsables de l ’ application des lois sur la Convention, le Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité et les constatations du Comité sur les communications émanant de particuliers et les enquêtes, afin qu ’ ils et elles puissent directement appliquer et invoquer les dispositions de la Convention ou s ’ y référer et interpréter la législation nationale à la lumière de la Convention.

Accès à la justice

Le Comité salue les efforts que l’État partie déploie pour améliorer l’accès des femmes et des filles à la justice. Il se félicite de la création en 2017 de la première chambre spécialisée dans la violence fondée sur le genre au sein de la Haute Cour de Lahore, qui a traité 123 affaires de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, et de la mise en place de 16 tribunaux des affaires familiales dans les chefs-lieux du district du Penjab. Le Comité note que la loi de 2017 sur le règlement alternatif des différends reconnaît des systèmes de justice parallèles et des mécanismes informels de règlement des différends, notamment les jirgas et les panchayats, en les intégrant dans le système judiciaire ordinaire et en les soumettant à un contrôle judiciaire et administratif. Le Comité constate toujours avec préoccupation que ces systèmes parallèles peuvent être discriminatoires à l’égard des femmes et des filles. Il reste également préoccupé par la connaissance limitée qu’ont les femmes et les filles de leurs droits, ainsi que par les obstacles physiques et économiques auxquels elles se heurtent pour accéder à la justice.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/PAK/CO/4 , par. 16 ) et sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de veiller à ce que les systèmes de justice parallèles et les mécanismes informels de règlement des litiges soient conformes à la Convention et ne soient pas discriminatoires à l ’ égard des femmes  ;

b) de sensibiliser le grand public pour qu ’ il donne la préférence à des recours judiciaires plutôt qu ’ à des mécanismes informels de règlement des différends en cas de violations des droits des femmes  ;

c) de s ’ attaquer aux obstacles économiques et physiques, notamment ceux liés au cadre bâti, et aux obstacles de communication qui entravent l ’ accès des femmes et des filles à la justice en garantissant l ’ accès aux technologies modernes de l ’ information et de la communication et en utilisant les médias, y compris les médias sociaux, pour sensibiliser les femmes et les filles à leurs droits et aux recours qui leur sont ouverts, en coopération avec la société civile et les associations de femmes  ;

d) de renforcer le système judiciaire, notamment en y affectant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes et en menant régulièrement des activités de renforcement des capacités des juges, des procureurs, des avocats, des fonctionnaires de police et des autres agents des forces de l ’ ordre en matière de droits des femmes et d ’ égalité des genres.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité félicite l’État partie d’avoir élaboré et mis en place un système de gestion de l’information sur les droits de la personne. Il salue également le travail de la Commission nationale de la condition de la femme. Il constate toutefois avec préoccupation que, depuis la dix-huitième modification de la Constitution et le transfert de compétences en matière de droits des femmes, l’intégration et la coordination des politiques de promotion des femmes continuent de poser des problèmes. Le Comité reste préoccupé par le manque de capacités et de ressources des commissions provinciales et des départements de promotion des femmes, qui pourrait les empêcher de remplir leur mandat en tant que mécanismes provinciaux de promotion des femmes. Le Comité note, en outre, avec préoccupation, que la Commission nationale de la condition de la femme dispose de ressources humaines et financières limitées pour remplir son vaste mandat de promotion et de protection des droits des femmes et de l’égalité des genres.

À la lumière de la cible  5 .a des objectifs de développement durable et rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/PAK/CO/4 , par. 18 ), le Comité souligne qu ’ il incombe au Gouvernement fédéral d ’ assurer la pleine application de la Convention sur l ’ ensemble de son territoire, y compris au niveau provincial. Il recommande à l ’ État partie  :

a) de faire connaître l ’ existence et le rôle du système de gestion de l ’ information sur les droits de la personne afin d ’ en garantir l ’ accessibilité, en particulier auprès des organisations de la société civile  ;

b) de veiller à ce que le transfert de compétences ne nuise pas à la promotion des femmes dans tous les domaines de la vie et que les institutions fédérales telles que la Commission nationale de la condition de la femme soient dotées de toutes les ressources dont elles ont besoin pour assurer une coordination et un suivi effectifs de l ’ élaboration et de l ’ application de politiques et programmes d ’ égalité des genres et de veiller à ce que les droits des femmes reçoivent un ordre de priorité élevé dans les stratégies de développement, sur tout le territoire de l ’ État partie  ;

c) de modifier le Code de procédure civile (loi V de 1908 ) afin de garantir que les recommandations faites par la Commission nationale de la condition de la femme soient prises en considération dans le cadre de l ’ élaboration des lois, politiques et programmes  ;

d) d ’ instituer un mécanisme de coordination entre les provinces et d ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes aux commissions provinciales et aux départements de promotion des femmes  ;

e) de veiller à ce que la Commission nationale de la condition de la femme dispose de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour remplir son mandat.

Institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme

Le Comité constate avec préoccupation que la Commission nationale des droits de l’homme n’est pas encore conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de veiller à ce que la Commission nationale des droits de l ’ homme soit pleinement conforme aux Principes de Paris  ;

b) de renforcer le mandat de la Commission et de lui permettre d ’ enquêter sur les allégations de violations des droits des femmes  ;

c) de doter la Commission de s ressources humaines et financières qu ’ il lui faut pour s ’ acquitter de son mandat sur tout le territoire de l ’ État partie  ;

d) d ’ encourager la Commission à solliciter son accréditation auprès de l ’ Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l ’ homme (GANHRI).

Défenseuses des droits de la personne

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les défenseuses des droits de la personne et les militantes politiques sont fréquemment la cible de représailles, de harcèlement et de menaces. Il note également avec inquiétude que la procédure que doivent suivre les organisations non gouvernementales pour recevoir des fonds étrangers est opaque, complexe et appliquée de manière discriminatoire.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les défenseuses des droits de la personne et les militantes politiques puissent exercer leurs droits politiques et reçoivent une protection adéquate contre les intimidations, les représailles et la violence, et à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et dûment sanctionnés. Il recommande également à l ’ État partie de revoir la procédure que doivent suivre les organisations non gouvernementales pour recevoir des fonds étrangers et de veiller à ce qu ’ elles puissent mener librement leurs activités de plaidoyer.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie ne recourt pas systématiquement à des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, afin d’accélérer la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées.

Compte tenu du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et rappelant sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ adopter des mesures temporaires spéciales assorties d ’ objectifs définis dans le temps, y compris en matière de quotas, et accompagnées de sanctions en cas de non-respect, afin d ’ accélérer la réalisation de l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes, y compris les femmes rurales, les femmes migrantes et demandeuses d ’ asile et les femmes handicapées, sont sous-représentées ou défavorisées, tels que la vie politique et publique, l ’ éducation et l ’ emploi, y compris aux postes de direction et dans la fonction publique  ;

b) d ’ organiser, à l ’ intention des décideurs et des employeurs, des programmes de renforcement des capacités sur le caractère non discriminatoire des mesures temporaires spéciales visant à réaliser l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité est préoccupé par la persistance de stéréotypes discriminatoires quant aux rôles et responsabilités respectifs des hommes et des femmes dans la famille et dans la société, exacerbés par les divisions religieuses de l’État partie, qui entretiennent la subordination des femmes aux hommes. En particulier, il est profondément préoccupé par la persistance de pratiques préjudiciables qui sont discriminatoires à l’égard des femmes, telles que les mariages d’enfants, les mariages forcés et les crimes dits d’honneur (« karo-kari »).

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/PAK/CO/4 , par. 21 et 22 ) et le texte commun de la recommandation générale n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et de l ’ observation générale n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant ( 2019 ) sur les pratiques préjudiciables, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie globale visant à éliminer les stéréotypes discriminatoires et les pratiques préjudiciables, comme les mariages d ’ enfants, les mariages forcés et les crimes dit s d ’ honneur (« karo-kari »), qui comprenne des actions de sensibilisation et d ’ éducation sur le caractère criminel et les effets néfastes de ces pratiques à l ’ intention du grand public, des parents, des dirigeants religieux et communautaires et des médias, en collaboration avec la société civile et les organisations de femmes.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité est préoccupé par :

a)le fait que le viol conjugal n’est pas considéré comme un crime en vertu de la loi de 2016 portant modification du Code pénal, relative à la lutte contre le viol ;

b)le nombre élevé de cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, l’acceptation sociale de la violence domestique, le sous-signalement des cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre et l’impunité dont bénéficient les auteurs ;

c)le fait que les juges, les procureurs, les fonctionnaires de police et le personnel de santé ne soient pas sensibilisés au problème de la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre ni formés pour y faire face, en conséquence de quoi ils ne peuvent pas intervenir dans les affaires de violence fondée sur le genre en tenant véritablement compte des besoins particuliers des femmes ;

d)le nombre et la capacité insuffisants des foyers d’accueil pour les femmes et les filles victimes de violence fondée sur le genre et l’insuffisance des services de réadaptation médicale et psychologique qui leur sont offerts ;

e)l’insuffisance de données sur le nombre d’ordonnances de protection émises et sur la proportion dans laquelle celles-ci sont respectées.

Rappelant la recommandation générale n o 35 (2017) du Comité sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19 , et ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/PAK/CO/4 , par. 22 ), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ adopter une législation incriminant toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, y compris la violence domestique et le viol conjugal, sans dérogation  ;

b) d ’ adopter un plan d ’ action national pour lutter contre toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, l ’ accent étant mis en particulier sur la violence domestique  ;

c) de créer des programmes de renforcement systématique des capacités à l ’ intention des juges, des procureurs, des avocats, des fonctionnaires de police et des autres responsables de l ’ application des lois afin de garantir l ’ application rigoureuse de la législation pénale relative à la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre et la prise en compte des besoins particuliers des femmes dans les procédures d ’ enquête, ainsi que des programmes obligatoires de formation à l ’ intention du personnel de santé  ;

d) de faire en sorte qu ’ il y ait des foyers d ’ accueil inclusifs et accessibles pour les femmes victimes de violence sur l ’ ensemble du territoire et de renforcer les services de soutien médical et psychologique aux victimes, ainsi que les services de conseil juridique et de réadaptation, en veillant à ce que ces services soient correctement financés, qu ’ ils soient dotés de personnel dûment formé et que la qualité des services fournis soit régulièrement contrôlée  ;

e) de recueillir et d ’ analyser systématiquement des données sur toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, ventilées par âge, région, handicap et nature de la relation entre la victime et l ’ auteur des faits, ainsi que sur le nombre d ’ ordonnances de protection émises, les poursuites engagées et les peines prononcées contre les auteurs des faits, et d ’ inclure ces données dans son prochain rapport périodique.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles, notamment dans le cadre de la coopération internationale. Le Comité prend également note avec satisfaction de l’adoption en 2018 de la loi sur la prévention de la traite des personnes et de la loi sur la prévention du trafic de migrants. Il est toutefois préoccupé par :

a)le nombre élevé de cas de traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé ou servile, y compris la réduction en esclavage en tant qu’employées de maison ;

b)le fait que l’État partie reste un pays d’origine, de transit et de destination pour la traite à des fins de mariage forcé ;

c)l’absence de mécanisme interministériel chargé de coordonner la lutte contre la traite au niveau national ;

d)l’absence de plan d’action national de lutte contre la traite ;

e)la précarité du financement des organisations non gouvernementales qui gèrent des foyers d’accueil et fournissent des services de soutien aux victimes de la traite ;

f)la vulnérabilité des femmes, en particulier de celles qui vivent dans la pauvreté, des femmes au chômage, des femmes rurales et des femmes handicapées, à l’égard de la traite.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de veiller à l ’ application effective de la loi sur la prévention de la traite des personnes et de la loi sur la prévention du trafic de migrants, notamment en dispensant systématiquement une formation aux juges, aux procureurs, aux agents de la police des frontières et des services de l ’ immigration et aux autres responsables de l ’ application des lois et en renforçant les inspections du travail, en particulier dans les secteurs employant des travailleurs saisonniers et chez les particuliers  ;

b) de veiller à ce que les victimes aient accès à des foyers d ’ accueil et à des services de soutien inclusifs, y compris une assistance psychosociale, ainsi qu ’ à des réparations effectives  ;

c) de renforcer la collaboration avec les unités de lutte contre les mariages forcés dans les pays d ’ origine ou de destination des filles et des femmes victimes de la traite à des fins de mariage forcé, et d ’ assurer leur retour dans les meilleurs délais  ;

d) de veiller à ce que les cas de traite fassent bien l ’ objet d ’ enquêtes et de poursuites et que les personnes reconnues coupables soient dûment sanctionnées  ;

e) de hâter la mise en place d ’ un mécanisme interinstitutions spécialisé chargé de coordonner les mesures de lutte contre la traite au niveau national, et de lui affecter des ressources humaines, techniques et financières suffisantes  ;

f) d ’ accélérer l ’ adoption d ’ un plan d ’ action national de lutte contre la traite des personnes et de fournir des informations dans son prochain rapport périodique sur les résultats obtenus dans le cadre de ce plan  ;

g) d ’ augmenter le financement des organisations non gouvernementales qui gèrent des foyers d ’ accueil offrant des services de réadaptation médicale, psychologique et sociale aux victimes de la traite  ;

h) de continuer à sensibiliser l ’ opinion au caractère criminel de la traite des femmes et des filles et aux risques qui y sont liés, de dispenser une formation aux magistrats, aux agents de la force publique et à la police des frontières sur l ’ identification précoce des femmes et des filles victimes de la traite, et de faire en sorte que les victimes soient orientées vers les services appropriés  ;

i) de former les magistrats, les agents de la force publique, les travailleurs sociaux et les professionnels de la santé qui travaillent avec les victimes de la traite sur la façon de prendre en charge ces personnes en tenant compte du genre  ;

j) de recueillir des données statistiques ventilées sur la traite à l ’ intérieur et au-delà des frontières de l ’ État partie, le nombre de procédures pénales engagées et les peines imposées aux auteurs d ’ infractions liées à la traite, et de faire figurer ces données dans son prochain rapport périodique.

Participation à la vie politique et publique dans des conditions d’égalité

Le Comité constate que la Commission électorale pakistanaise a établi un plan stratégique pour la période 2014-2017 en vue de promouvoir la participation des femmes à la vie politique. Il réaffirme cependant la préoccupation que lui inspirent :

a)la faible participation des femmes à la vie politique et publique, en particulier leur faible représentation aux postes de décision et dans les administrations locales et provinciales, ainsi que dans le corps diplomatique ;

b)le fait que seuls 22 % des sièges sont réservés aux femmes à l’Assemblée nationale ;

c)les stéréotypes discriminatoires sur les rôles des femmes et des hommes dans la famille et la société, qui se traduisent par le déni du droit de vote des femmes et les empêchent de se présenter aux élections ;

d)la faible participation des femmes à l’administration de la justice dans les juridictions supérieures et l’absence totale de femmes parmi les juges de la Cour suprême (CEDAW/C/PAK/CO/4, par. 25).

Conformément au paragraphe  1 de l ’ article  4 de la Convention et à sa recommandation générale n o 23 (1997) sur la vie politique et publique et à sa recommandation générale n o 25 , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de modifier son droit électoral en vue d ’ augmenter les quotas minimums afin que les femmes occupent au moins 30 % des sièges à l ’ Assemblée nationale, dans les assemblées provinciales et au Sénat, conformément aux normes internationales  ;

b) d ’ établir une procédure permettant aux femmes de déposer plainte pour déni de droit de vote et d ’ adopter le projet de loi soumis par la Commission électorale du Pakistan prévoyant la tenue de nouvelles élections lorsque moins de 10 % des votes exprimés proviennent de femmes  ;

c) de mener des activités de sensibilisation sur l ’ importance de la participation des femmes à la prise de décisions  ;

d) de prendre des mesures ciblées, notamment des mesures temporaires spéciales, comme le recrutement à titre prioritaire de femmes en cas d ’ égalité des qualifications, afin d ’ accroître le nombre de femmes parmi les juges des juridictions supérieures et de garantir la nomination de femmes à la Cour suprême.

Nationalité

Le Comité relève que l’article 25 de la Constitution de l’État partie garantit l’égalité de ses citoyens et citoyennes. Toutefois, il est préoccupant que l’article 10 de la loi de 1951 sur la citoyenneté prévoie des conditions plus strictes pour les femmes que pour les hommes s’agissant de transmettre la nationalité pakistanaise à leur conjoint ou conjointe d’origine étrangère.

Le Comité recommande que l ’ État partie modifie l ’ article 10 de la loi de 1951 de façon à le rendre conforme à l ’ article 9 de la Convention en accordant des droits égaux aux femmes et aux hommes pour ce qui est de transmettre la nationalité pakistanaise à leur conjoint ou conjointe d ’ origine étrangère. Il l ’ invite aussi à envisager de ratifier la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité salue les efforts que l’État partie déploie pour améliorer l’accès des femmes et des filles à tous les niveaux de l’enseignement. Il est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)selon les statistiques du Gouvernement, on estime que 22,8 millions d’enfants âgés de 5 à 16 ans, dont 12,6 millions de filles, ne sont pas scolarisés ;

b)les filles handicapées et celles vivant dans des zones rurales n’ont qu’un accès limité à l’éducation du fait de l’insuffisance des investissements dans l’éducation, de l’absence d’établissements accessibles et de la tendance des parents à préférer inscrire leurs filles dans une école de filles, en particulier au niveau secondaire, ce qui n’est souvent pas possible en zone rurale ;

c)le taux de persévérance scolaire des filles du primaire au secondaire est de 52 %.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de promulguer les lois et de prendre toutes les mesures nécessaires pour augmenter le taux d ’ inscription des filles à l ’ école et de réduire le taux d ’ abandons chez les filles, en particulier au niveau secondaire, notamment en tenant leurs parents (ou tuteurs) responsables de la fréquentation de l ’ école par leur enfant, en formulant des politiques de réinsertion scolaire permettant aux jeunes femmes de retourner à l ’ école après une grossesse et en établissant des programmes de rétention scolaire à l ’ intention des filles  ;

b) d ’ élaborer et d ’ intégrer dans le programme scolaire  : i) des cours inclusifs et accessibles concernant l ’ égalité des genres, y compris les droits des femmes, qui présentent une image positive des femmes dans la vie publique  ; ii) un cours sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation qui soit adapté à l ’ âge, notamment une éducation sexuelle complète pour les adolescentes et adolescents, l ’ accent étant mis sur les comportements sexuels responsables  ;

c) de renforcer les mesures visant à encourager la scolarisation des filles (inscription, fréquentation scolaire, rétention, réinsertion après un décrochage), surtout aux niveaux secondaire et supérieur, notamment les filles vivant dans la pauvreté, les filles rurales, les adolescentes enceintes et celles qui sont déjà mères, en éliminant les coûts directs de l ’ éducation et en en réduisant les coûts indirects.

Emploi

Malgré les nombreuses initiatives positives observées, comme le programme Benazir de complément de revenu, et les lois adoptées au niveau provincial, le Comité constate avec inquiétude :

a)le large écart de rémunération entre les femmes et les hommes, qui est de 34 %, soit plus du double de la moyenne mondiale ;

b)le très faible taux d’activité des femmes (23,9 %) ;

c)la forte concentration de femmes dans les secteurs non structurés de l’économie, en particulier l’agriculture, où elles ne sont pas protégées par le droit du travail, comme les normes relatives au salaire minimum, au paiement des heures supplémentaires et au congé de maternité, et ne bénéficient pas des programmes de sécurité sociale ;

d)l’absence de données fiables sur le nombre de femmes ayant un emploi, y compris les travailleuses à domicile, les employées de maison, les femmes qui s’occupent de proches sans être rémunérées, les femmes handicapées et les réfugiées ;

e)le très faible niveau de représentation des femmes parmi les cadres moyens et supérieurs en 2018 (4,2 %) ;

f)le très faible pourcentage de femmes parmi les entrepreneurs (estimé à 1 %).

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de faire appliquer effectivement le principe de l ’ égalité de salaire à travail égal, en particulier dans le secteur privé, afin de réduire et de combler l ’ écart salarial femmes-hommes  ;

b) de promouvoir un partage égal entre les femmes et les hommes des tâches familiales et des soins aux personnes, en aménageant les modalités de travail, en augmentant le nombre des structures de garde d ’ enfants et en mettant en place des mesures innovantes permettant, notamment, de mieux faire accepter par la société le fait que les hommes s ’ occupent des enfants et que les femmes choisissent de reprendre leur travail après un accouchement  ;

c) de promouvoir le passage des femmes du secteur non structuré au secteur structuré, d ’ étendre aux femmes travaillant dans le secteur non structuré la protection offerte par le droit du travail et les programmes de sécurité sociale, notamment les régimes de retraite planifiée et d ’ assurance maladie universelle, et de réduire le chômage des femmes en favorisant leur entrée dans le secteur structuré, notamment par la formation professionnelle et technique  ;

d) de continuer d ’ améliorer les systèmes de collecte de données tenant compte du genre afin d ’ établir des statistiques sur l ’ emploi des femmes, notamment les travailleuses à domicile, les employées de maison, les femmes qui s ’ occupent de proches sans être rémunérées, les femmes handicapées et les réfugiées  ;

e) d ’ envisager de ratifier la Convention de 1981 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales (n o 156 ) de l ’ Organisation internationale du Travail ;

f) de promouvoir la présence des femmes aux postes de responsabilité et de direction, notamment en adoptant des mesures temporaires spéciales telles que des quotas ou des méthodes de recrutement accéléré.

Santé

Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté de grandes orientations pour la période 2016-2025 en matière de nutrition, de santé de la procréation et de santé de la mère, du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent, ainsi qu’un plan d’action y relatif. Cependant, il note que ce plan ne comprend pas d’indicateurs, de cibles ni d’engagements budgétaires en vue de son exécution. De plus, le Comité est préoccupé par :

a)le taux de mortalité maternelle très élevé qui est enregistré dans l’État partie ;

b)l’accès limité des femmes aux services de planification de la famille, notamment les méthodes de contraception modernes ;

c)le caractère restrictif de la législation sur l’avortement et le grand nombre de femmes qui ont recours à des avortements non médicalisés ainsi que l’accès insuffisant à des services de soins après avortement ;

d)la forte prévalence de fistules obstétricales dans l’État partie, causées par un travail prolongé en l’absence de professionnels de l’obstétrique, ainsi que de fistules iatrogènes, causées par la négligence des chirurgiens lors de césariennes ou d’hystérectomie ;

e)le fait que les femmes handicapées, en particulier celles vivant en institution, sont stérilisées de force, que les personnes intersexes doivent subir des opérations de réassignation sexuelle aux fins de la reconnaissance juridique de leur identité de genre et que les victimes ont un accès limité à la justice.

Conformément à sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande que l ’ État partie veille à l ’ exécution des grandes orientations nationales pour la période 2016 - 2025 et du plan d ’ action y relatif, en fixant des cibles claires assorties de délais, et établisse un organe permanent chargé d ’ en coordonner et d ’ en surveiller l ’ exécution. Le Comité recommande également à l ’ État partie  :

a) d ’ améliorer l ’ accès des femmes aux centres de soins et à des services médicaux dispensés par un personnel qualifié, en particulier dans les zones rurales et reculées, de veiller à affecter des ressources humaines et financières suffisantes au secteur de la santé dans toutes les provinces et d ’ assurer l ’ accessibilité et la sécurité de tous les services de santé pour les femmes et les filles  ;

b) de redoubler d ’ efforts pour réduire le taux élevé de mortalité maternelle et de garantir l ’ accès à des méthodes de contraception abordables et modernes dans l ’ ensemble du pays  ;

c) de revoir sa législation en matière d ’ avortement en vue de légaliser l ’ avortement en cas de viol, d ’ inceste, de risque pour la vie ou la santé de la femme enceinte ou de risque de malformation fœtale et de dépénaliser cet acte dans tous les autres cas, et d ’ établir des directives afin que les femmes et les filles aient accès en toute sécurité à des soins après avortement  ;

d) de s ’ attaquer à la forte prévalence de fistules obstétricales et aux obstacles physiques et économiques qui limitent l ’ accès des femmes aux soins périnatals  ;

e) de faire en sorte que les auteurs de stérilisations forcées soient poursuivis et sanctionnés de manière adéquate, d ’ empêcher les opérations inutiles de réassignation sexuelle en droit et dans la pratique, de cerner et d ’ éliminer les obstacles qui empêchent les victimes d ’ accéder à la justice, et de veiller à ce qu ’ elles aient accès à des réparations effectives, y compris à une indemnisation.

Femmes rurales

Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption récente de la loi de 2019 sur le respect des droits de propriété des femmes. Il demeure cependant préoccupé par la persistance de coutumes et de pratiques discriminatoires qui empêchent les femmes d’hériter ou d’acquérir des terrains et d’autres biens. En outre, il est aussi préoccupé par les difficultés que les femmes rencontrent lorsqu’elles veulent accéder à des soins de santé et autres services de base, ainsi qu’à l’éducation, et participer à la prise de décisions au niveau local.

Conformément à sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ assurer l ’ application effective de la loi de 2019 sur le respect des droits de propriété des femmes, d ’ accroître l ’ accès des femmes à la propriété foncière par succession, achat ou distribution de terres domaniales et de protéger leurs droits de propriété foncière  ;

b) de faire cesser les pratiques et coutumes discriminatoires qui empêchent les femmes rurales d ’ acquérir ou d ’ hériter des biens, y compris le droit d ’ utiliser des terres, et de participer aux projets d ’ aménagement en tant que décideuses et bénéficiaires  ;

c) de renforcer l ’ accès des femmes rurales aux soins de santé et autres services essentiels, notamment l ’ éducation, de promouvoir leur participation à la prise de décisions et de les associer à la conception, à l ’ élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l ’ évaluation de toutes les politiques et stratégies.

Groupes de femmes défavorisées

Le Comité est préoccupé par :

a)la persistance des stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes et des filles membres de minorités ethniques, en particulier les femmes et filles ahmadies, chrétiennes, dalits, hindoues, roms, sheedis ou sikhs et celles qui sont membres d’une caste répertoriée, qui sont parfois victimes d’enlèvement et de conversion forcée ;

b)l’insuffisance de renseignements et de données sur la situation des femmes victimes de discrimination croisée, notamment les femmes handicapées et les femmes et filles ahmadies, chrétiennes, dalits, hindoues, roms, sheedis et sikhs et celles qui sont membres d’une caste répertoriée.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de combattre la discrimination croisée à l ’ égard des femmes et des filles membres de minorités religieuses et ethniques, en particulier les femmes et filles ahmadies, chrétiennes, dalits, hindoues, roms, sheedis et sikhs et celles qui sont membres d ’ une caste répertoriée  ;

b) de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur les femmes victimes de discrimination croisée, qui soient ventilées par genre, âge, handicap, ethnicité, religion et situation géographique et recueillies au moyen du système de gestion de l ’ information sur les droits de la personne.

Mariage et relations familiales

Le Comité demeure préoccupé par l’existence de multiples systèmes judiciaires en matière de mariage et de rapports familiaux. Il se félicite de la promulgation en 2017 de la loi sur le mariage hindou, ainsi que d’autres lois relatives à la famille et à l’état civil dans les provinces du Sindh, du Baloutchistan et du Penjab. Le Comité se réjouit également que, comme l’en a informé la délégation pakistanaise, l’État partie élabore actuellement une loi sur le mariage des sikhs. Toutefois, il constate un retard dans l’adoption d’un projet de loi visant à modifier la loi sur le mariage chrétien et la loi sur le divorce chrétien. Le Comité est préoccupé par le fait que :

a)le mariage d’enfants et le mariage forcé continuent d’être pratiqués dans l’État partie ;

b)l’âge minimum du mariage est de 16 ans pour les femmes alors qu’il est de 18 ans pour les hommes ;

c)la loi permet la polygamie dans certains cas ;

d)en cas de divorce non consensuel, seules les requérantes sont tenues d’établir la preuve de l’existence d’un motif de divorce et la pension devant être versée en cas de divorce n’est pas harmonisée d’un groupe religieux à l’autre ;

e)les femmes sont encore tenues de demander la tutelle de leurs enfants en cas de décès du père.

Le Comité encourage l ’ État partie à accélérer l ’ adoption d ’ un projet de loi visant à modifier la loi sur le mariage chrétien et la loi sur le divorce chrétien, ainsi que d ’ une loi sur le mariage des sikhs. Il recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ adopter une loi visant à modifier la loi portant restriction du mariage d ’ enfants en fixant à 18 ans l ’ âge minimum du mariage, pour les deux sexes, sans exception, dans tout l ’ État partie  ;

b) de modifier le Code pénal pour rendre passible d ’ une peine les infractions en matière de mariage forcé et pour continuer d ’ informer toutes les communautés et à tous les niveaux du caractère pénal du mariage d ’ enfants et du mariage forcé et des effets préjudiciables qu ’ ils ont sur l ’ éducation, la santé et le développement des filles  ;

c) de modifier l ’ ordonnance sur le droit musulman de la famille et de prendre toutes les mesures nécessaires pour dissuader et interdire la polygamie et pour protéger les droits patrimoniaux des femmes actuellement dans un mariage polygame  ;

d) de faire en sorte que les droits de la famille des différentes religions prévoient une protection financière pour les femmes en cas de divorce qui prenne la forme de pensions alimentaires pour l ’ ex-épouse d ’ un niveau égal et de parts équitables dans le patrimoine conjugal  ;

e) de modifier ou d ’ abroger toutes les dispositions législatives discriminatoires qui accordent aux femmes des droits inégaux en matière de mariage, de divorce, de tutelle, de succession et de propriété.

Collecte de données

Le Comité est préoccupé par l’absence de données statistiques ventilées par genre, âge, appartenance ethnique, religion, handicap, emplacement géographique et situation socioéconomique, qui sont indispensables pour évaluer avec précision la situation des femmes, déterminer l’ampleur et la nature de la discrimination, élaborer des politiques éclairées et ciblées et assurer le suivi systématique et l’évaluation des progrès accomplis dans la réalisation de l’égalité réelle entre femmes et hommes dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité invite l ’ État partie à prendre des mesures de renforcement des capacités pour améliorer la collecte de données ventilées par genre, âge, appartenance ethnique, religion, statut migratoire, handicap et autres facteurs pertinents, qui sont nécessaires pour évaluer l ’ incidence et l ’ efficacité des politiques et programmes visant à faire en sorte que les femmes puissent exercer davantage leurs droits. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention sur sa recommandation générale n o 9 (1989) sur les données statistiques concernant la situation des femmes.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et à continuer d ’ évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention dans le contexte de l ’ examen après 25 ans de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing afin de parvenir à l ’ égalité réelle des femmes et des hommes.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l ’ État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier à l ’ Assemblée nationale, aux assemblées provinciales et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un lien entre l ’ application de la Convention et l ’ action qu ’ il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l ’ invite donc à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n ’ est pas encore partie .

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 32 a), 32 b), 34 a) et 40 a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son sixième rapport périodique en février 2024 . Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).