Observations finales concernant les quatrième à septième rapports périodiques (présentés en un seul document) du Panama

Additif

Renseignements reçus de Panama au sujet de la suite donnée aux observations finales *

[Date de réception : 27 août 2015]

Le Comité a examiné les quatrième à septième rapports périodiques (présentés en un seul document) du Panama à ses 922e et 923e séances, le 1er février 2010, et a remercié le Panama d’avoir rédigé ces rapports dans le respect des directives applicables.

Le Comité a apprécié la franchise avec laquelle le Panama a décrit les obstacles à l’application de la Convention, mais a déploré que le pays n’ait pas présenté de rapports périodiques au cours de la période considérée, rendant ainsi plus difficile le suivi des progrès accomplis vers la concrétisation de l’égalité des sexes.

Introduction

Le Comité a invité le Gouvernement panaméen à présenter un rapport sur les mesures juridiques adoptées en vue de promouvoir l’égalité des sexes, de définir et combattre la discrimination, de protéger la santé sexuelle des femmes et les droits de celles-ci en matière de procréation et de garantir l’accès des adolescentes aux services de santé, notamment dans les zones rurales, où le nombre de grossesses précoces est élevé.

Par l’intermédiaire de diverses organisations de la société civile, le Panama a diffusé les recommandations que le Comité avait formulées en 2010, notamment celles concernant l’incrimination du féminicide dans le Code pénal et la collecte de données fiables sur les actes de féminicide.

Recommandation concernant le féminicide

Le Comité salue l’adoption de la loi n°4 de 1999 et l’incorporation, dans le droit interne, d’une définition de la discrimination conforme à celle donnée dans la Convention. Il se félicite également de la promulgation, par l’État partie, de nombreuses lois visant à promouvoir l’égalité des sexes et la non-discrimination, mais déplore toutefois que bon nombre de celles-ci ne soient pas véritablement appliquées.

S’il se félicite que l’État partie continue de s’intéresser au fléau qu’est le féminicide, le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que cet acte n’est pas dûment incriminé, notamment par la législation pénale, et qu’il n’existe pas de données fiables sur les cas survenus au Panama.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues, y compris sur le plan financier, pour garantir l ’ application de l ’ ensemble des dispositions juridiques visant à consacrer, en droit et en fait, les principes de l’égalité des sexes et de la non-discrimination. Il demande instamment à l’État partie d’allouer les ressources humaines et financières nécessaires au suivi et à l’évaluation de l’application desdites dispositions. Le Comité engage en outre l ’ État partie à prendre les mesures qui s ’ imposent pour que le féminicide soit incriminé dans le Code pénal et les autres lois pertinentes dans un délai précis, ainsi qu ’ à recueillir des données fiables sur les cas survenus.

Réponse

La loi no 82 du 24 octobre 2013 comporte des dispositions visant à prévenir les violences faites aux femmes et prévoit que le Code pénal sera réformé pour incriminer le féminicide et les autres actes de violence sexiste. Son adoption montre que le Panama accorde une grande importance aux droits des femmes et est déterminé à s’attaquer de manière globale aux violations de ces droits.

L’adoption de la loi n° 82 est le fruit des efforts déployés par les associations féminines, qui ont milité pendant plus de dix ans pour que les actes de violence commis contre les femmes, au premier rang desquels le féminicide, soient punis en droit et que l’État puisse ainsi adopter des politiques beaucoup plus efficaces en matière de prévention et d’élimination de la violence à l’égard des femmes.

La loi no 82 durcit les peines dont sont passibles les auteurs d’actes de violence sexiste et incrimine des comportements qui auparavant n’étaient pas sanctionnés. Son adoption a été motivée par le fait que les violences portent atteinte à l’intégrité physique et psychique, à la liberté sexuelle et à la vie même des femmes qui en sont victimes.

Cette loi, qui comporte 13 chapitres, définit, outre les principes qui la sous-tendent et ses conditions d’application, les différentes formes de violence contre les femmes, les droits des victimes et les obligations de l’État, les règles de procédure et les sanctions pénales applicables, et les mesures de protection et de réparation pouvant être ordonnées.

En outre, la loi n° 82 porte création du Comité national de lutte contre la violence envers les femmes, qui relève de l’Institut national de la femme. Par ailleurs, le Bureau du médiateur pour les droits de l’homme préside le Conseil consultatif sur l’égalité des sexes et l’Observatoire panaméen contre les violences sexistes, qui travaillent ensemble à prévenir les violences faites aux femmes.

Aux termes de la loi, le ministère public charge des procureurs spéciaux d’enquêter sur les féminicides, par juridiction. En novembre 2014, 23 féminicides et 14 tentatives avaient été signalés dans l’ensemble du pays.

Avant que les violences faites aux femmes ne soient sanctionnées par le Code pénal, les médias avaient déjà mis en avant l’étendue du problème et l’Observatoire panaméen de la violence sexiste y avait consacré plusieurs rapports. Entre 2009 et 2013, 317 femmes sont décédées d’une mort violente, dont 204 victimes de meurtre. En outre, pendant la même période, 350 personnes, dont une majorité de mineurs, sont devenues orphelines de mère.

L’Organe judiciaire s’emploie à promouvoir la prise en compte de la problématique hommes-femmes dans l’administration de la justice. C’est pourquoi il a créé un comité de coordination des projets d’aide aux groupes vulnérables et un groupe chargé de favoriser l’accès à la justice et l’égalité des sexes. En outre, en application de la loi n° 82, le Bureau de l’aide juridictionnelle aux victimes de crimes fournit aux femmes victimes de violences une assistance juridique gratuite, et ce, indépendamment de leur situation socioéconomique.

L’école de la magistrature organise, à l’intention des magistrats et des membres de diverses instances liées au monde judiciaire, des formations visant à éliminer les inégalités entre les sexes et la discrimination envers les femmes, à améliorer l’accès à la justice des personnes vulnérables, en particulier les femmes victimes de violences sexistes, et à faire connaître les règles applicables en la matière.

Pour renforcer les compétences spécialisées des procureurs et des autres fonctionnaires compétents, par l’intermédiaire de l’école Clara González de Behringer, le ministère public organise des formations sur le problème public que représente la violence contre les femmes et les moyens d’appliquer véritablement le cadre juridique existant lors des enquêtes, conformément aux normes internationales.

Recommandation relative à l’éducation et à la santé sexuelleet procréative

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’accorde pas davantage d’importance aux droits des femmes en ce qui concerne la santé sexuelle et procréative et ne protège pas suffisamment ces droits, et déplore notamment qu ’ il ait pris du retard dans l ’ examen du projet de loi n o 442, consacré à cette question.

Le Comité engage l ’ État partie à prendre les mesures nécessaires pour sortir le débat sur le projet de loi n o 442 de l ’ impasse et promulguer la loi dès que possible.Il l’engage également à améliorer les programmes et politiques de planification familiale et de santé procréative visant à faciliter l’accès des femmes et des adolescentes, en particulier celles qui vivent en milieu rural, à l’information relative aux services de santé, et notamment à la santé procréative et aux moyens de contraception, conformément à la recommandation générale no 24 du Comité relative aux femmes et à la santé et à la Déclaration et au Programme d’action de Beijing.

Le Comité constate avec préoccupation que le taux de mortalité maternelle est élevé, principalement en raison du manque de soins médicaux adéquats, dont souffrent surtout les femmes et les adolescentes vivant en milieu rural et les femmes autochtones. Il s’inquiète en outre du fait que, compte tenu des difficultés rencontrées dans l’application de la législation relative à l’avortement, bon nombre de femmes sont contraintes de se faire avorter illégalement.

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ adopter sans tarder des mesures permettant véritablement de faire baisser le taux de mortalité maternelle, et notamment de veiller à ce que les femmes puissent bénéficier des soins médicaux nécessaires durant la grossesse, l ’ accouchement et le post-partum et aient accès aux infrastructures de santé et à une assistance médicale qualifiée dans toutes les régions du pays, y compris dans les zones rurales. Le Comité demande à l’État partie de prendre des règlements visant à garantir l’application des lois relatives au droit des femmes à l’avortement et de faire en sorte que les femmes aient accès à des services de qualité en cas de complications liées à un avortement pratiqué dans des conditions dangereuses. Il invite le Ministère de la santé à entreprendre une enquête ou une étude de fond sur les avortements pratiqués dans des conditions dangereuses et leurs effets sur la santé des femmes, notamment en ce qui concerne la mortalité maternelle, et à adopter des mesures législatives et normatives sur la base des résultats obtenus. En outre, il engage l’État partie à favoriser l’ouverture d’un dialogue national sur le droit des femmes en matière de santé procréative, et notamment sur les conséquences de la législation restrictive en matière d’avortement. Le Comité déplore le manque d ’ informations disponibles sur le VIH/sida et s’inquiète du fait que ce fléau semble toucher plus particulièrement les femmes et les filles, surtout celles vivant dans les zones rurales et les autochtones.

Le Comité demande à l’État partie de s’employer à freiner la propagation du VIH/sida, notamment en équilibrant le rapport de forces entre les hommes et les femmes, ces dernières n’ayant bien souvent pas le pouvoir d’imposer des pratiques sexuelles sûres et responsables. Il invite l’État partie à redoubler d’efforts, en particulier dans les zones rurales, pour sensibiliser les femmes et les filles au VIH/sida et leur apprendre à se protéger. Le Comité invite également l ’ État partie à veiller à ce que les femmes et les filles aient les mêmes droits que les hommes en ce qui concerne l ’ accès aux services de dépistage du VIH/sida, ainsi qu ’ aux services sociaux et aux services de santé connexes. Le Comité demande à l’État partie de fournir des données ventilées par sexe sur le VIH/sida dans son prochain rapport périodique.

Réponse

La Constitution politique de la République de Panama dispose qu’une des principales fonctions de l’État est de veiller sur la santé de la population. Chacun a le droit de bénéficier de services visant à promouvoir, protéger, conserver et retrouver la santé et, parallèlement, l’obligation d’entretenir son bien-être physique, mental et social.

En août 2014, l’Assemblée nationale a été saisie du projet de loi no 61. Ce projet vise à poser les bases d’une législation qui garantira et protégera la santé sexuelle et procréative. Reprenant plusieurs dispositions du projet de loi no 442, abandonné en 2008, il bénéficie du soutien d’organisations de la société civile et de certains organismes publics tels que le Bureau du Médiateur pour les droits de l’homme.

Conformément à sa législation interne, notamment la Constitution politique, et aux accords internationaux auxquels il a adhéré, le Panama a établi des lignes directrices aux fins de la mise en place de programmes d’éducation sexuelle complets dans les écoles publiques et les écoles privées, l’objectif étant d’encourager le bon exemple chez les jeunes et de permettre aux centres éducatifs de mener des activités liées aux projets professionnels et personnels, notamment à la famille, à la sexualité et aux rencontres.

En collaboration avec l’OPS, le FNUAP, ONUSIDA et des organisations non gouvernementales telles que PROBIDSIDA, le Panama s’emploie à élaborer une stratégie de promotion de la santé axée sur la prévention, ainsi qu’à mettre en place des mécanismes qui permettront aux malades de se procurer des antirétroviraux en temps voulu et ainsi de bien suivre leur traitement. Il s’attache également à développer et à mettre à niveau les moyens permettant de recueillir au niveau national des données sur les maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida.