Nations Unies

CAT/OP/KAZ/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

7 février 2019

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol, français et russe seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite au Kazakhstan menée du 20 au 29 septembre 2016 : observations et recommandations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Représailles4

III.Mise en œuvre du Protocole facultatif : le mécanisme national de prévention4

IV.Observations générales sur la situation en matière de torture et de mauvais traitements7

V.Cadre de lutte contre la torture et son application7

A.Garanties8

B.Autorisation de mise en détention10

C.Détention et enquêtes sous l’égide d’un seul ministère et transfèrements fréquents entre différents lieux de privation de liberté11

D.Plaintes12

E.Inspections des lieux de détention et enquêtes sur les allégations de torture12

F.Absence de protection, d’indemnisation et de réadaptation des victimes de la torture13

VI.Système pénitentiaire13

A.Centres de détention provisoire13

B.Colonies pénitentiaires16

C.Femmes en détention21

D.Enfants en détention22

VII.Autres institutions relevant du mandat du Sous-Comité22

Annexes

I.List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee24

II.Officials and other persons with whom the delegation met26

I.Introduction

1.Conformément au mandat que lui confère le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectué sa première visite régulière au Kazakhstan du 20 au 29 septembre 2016.

2.Les membres du Sous-Comité qui ont participé à la visite étaient les suivants : Victor Zaharia (chef de la délégation), Arman Danielyan, Marija Definis-Gojanovic et Paul Lam Shang Leen (coordonnateur chargé de la question des représailles). L’équipe était secondée de trois spécialistes des droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), d’agents de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et d’interprètes.

3.La délégation a effectué plus de 40 visites dans des lieux de privation de liberté. Ses membres se sont rendus dans des commissariats de police, des centres de détention temporaire et des centres de détention provisoire (SIZO), des établissements pénitentiaires, des prisons, des centres de détention militaires, des centres de réadaptation pour délinquants, des établissements psychiatriques et instituts médico-légaux et d’autres lieux de détention (voir annexe I). Les membres de la délégation ont tenu des réunions avec les autorités kazakhes compétentes, le Commissaire aux droits de l’homme, des représentants du mécanisme national de prévention, des membres de la société civile et le Coordonnateur résident de l’ONU au Kazakhstan (voir annexe II).

4.À la fin de la visite, le Sous-Comité a soumis oralement ses observations préliminaires confidentielles aux autorités kazakhes. Dans le présent rapport, le Sous‑Comité présente ses conclusions et recommandations concernant la prévention de la torture et des mauvais traitements des personnes privées de liberté au Kazakhstan. L’expression « mauvais traitements » est ici utilisée au sens générique et vise toutes les formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

5.Le Sous-Comité demande aux autorités du Kazakhstan de lui rendre compte de manière détaillée, dans les six mois qui suivront la transmission du présent rapport, des mesures prises par l’État partie pour donner suite aux recommandations formulées.

6.Le rapport du Sous-Comité demeurera confidentiel jusqu’au moment où les autorités kazakhes décideront de le rendre public, conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif. Le Sous-Comité appelle l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial créé en application du Protocole facultatif et sur le fait qu’il peut invoquer les recommandations formulées par le Sous-Comité dans ses rapports de visite rendus publics pour solliciter le soutien financier du Fonds à certains projets.

7. Le Sous-Comité recommande au Kazakhstan de rendre public le présent rapport conformément au paragraphe 2 de l ’ article 16 du Protocole facultatif. Il lui recommande également de distribuer le rapport à tous les ministères et établissements publics concernés.

8.Le Sous-Comité tient à remercier les autorités kazakhes de leur coopération et de leur contribution au bon déroulement de sa visite. Il souhaite en particulier remercier le Gouvernement kazakh pour toutes les informations qu’il a fournies avant et pendant la visite, pour avoir délivré des autorisations d’accès sans restriction aux lieux de privation de liberté et pour avoir désigné plusieurs personnes référentes dans les différents ministères concernés.

9.Les autorités ont permis au Sous-Comité d’accéder à tous les lieux qu’il a visités et la délégation a pu s’entretenir en privé avec les interlocuteurs de son choix dans tous les lieux visités. Cependant, l’accès au Centre de médecine légale à Astana et au Bureau national de lutte contre la corruption à Almaty a été retardé jusqu’à ce que les fonctionnaires responsables, à la demande de la personne référente, se fassent confirmer les autorisations d’accès par leurs supérieurs.

10.Le Sous-Comité rappelle que ses visites ont pour but de porter une appréciation sur le quotidien de personnes privées de liberté. Il est d’avis que des préparatifs complémentaires par les autorités sont susceptibles de fausser la vision d’ensemble, rendant ainsi plus difficile l’évaluation objective par le Sous-Comité de la situation actuelle dans les lieux de privation de liberté.

II.Représailles

11.Le Sous-Comité s’inquiète du risque de représailles auquel sont exposées les personnes avec lesquelles il s’est entretenu. Il tient à souligner que toute forme d’intimidation ou de représailles envers des personnes privées de liberté constitue une violation de l’obligation qui incombe à l’État partie de coopérer avec le Sous-Comité en vertu du Protocole facultatif. Conformément à l’article 15 du Protocole facultatif, le Sous‑Comité demande aux autorités de faire en sorte que nul ne soit l’objet de représailles à la suite de la visite de sa délégation. À cet égard, il appelle l’attention des autorités kazakhes sur sa politique concernant les représailles en lien avec son mandat d’inspection (CAT/OP/6/Rev.1).

12. Le Sous-Comité réitère également les recommandations figurant dans ses observations préliminaires et souligne que les personnes qui fournissent des informations à des organes ou à des institutions nationales ou internationales ne doivent pas être punies ni subir de conséquences négatives pour avoir fourni des informations. Il prie l ’ État partie de lui donner dans sa réponse des informations détaillées sur les mesures qu ’ il aura prises pour protéger d ’ éventuelles représailles les personnes que la délégation a rencontrées, auxquelles elle a rendu visite ou qui lui ont communiqué des renseignements pendant sa visite, et de décrire les mesures qu ’ il aura prises pour enquêter sur les allégations de représailles.

III.Mise en œuvre du Protocole facultatif : le mécanisme national de prévention

13.Le Kazakhstan a ratifié le Protocole facultatif en 2008 ; cependant, il a fait une déclaration au titre de l’article 24, l’autorisant à reporter de trois ans la désignation d’un mécanisme national de prévention. En 2013, la loi visant à modifier et compléter certains textes législatifs nationaux concernant la création d’un mécanisme national de prévention a été adoptée. Selon un courrier officiel de notification en date du 5 janvier 2015 adressé au Sous-Comité par le Commissaire aux droits de l’homme, les premières missions de contrôle relevant du mandat du mécanisme national de prévention ont été effectuées en 2014.

14.Le mécanisme national de prévention du Kazakhstan comprend deux niveaux, sur le modèle « Ombudsman plus ». Le Bureau du Commissaire aux droits de l’homme, désigné par le Gouvernement kazakh comme mécanisme national de prévention, a été établi en vertu du décret présidentiel no 947 du 19 septembre 2002. Conformément à l’article 8 du statut établi par le décret, le Commissaire aux droits de l’homme est nommé et peut être révoqué par le Président de la République. Le Conseil de coordination, créé sous les auspices du Commissaire aux droits de l’homme, est responsable du fonctionnement général du mécanisme national de prévention. L’une de ses principales missions consiste à sélectionner les membres du mécanisme, qui effectuent des visites dans des lieux de privation de liberté. En décembre 2015, en vertu d’une décision du Conseil de coordination, le mécanisme a élu de nouveaux membres pour l’année 2016. Les membres du mécanisme sont élus pour un mandat d’un an, ce qui peut nuire à la continuité et aux capacités institutionnelles de l’organisation.

15.Le Sous-Comité constate que les autorités, au lieu d’adopter une loi distincte relative au mécanisme national de prévention, ont choisi de modifier quelque 16 textes de loi, ce qui rend difficile d’établir avec certitude le périmètre précis du mandat du mécanisme.

16.Le Sous-Comité se félicite de la création du mécanisme national de prévention et salue le fait que des organisations de la société civile y participent. Il est toutefois d’avis que la nomination du Commissaire aux droits de l’homme par le Président du Kazakhstan pourrait porter atteinte à l’impartialité et à l’indépendance du mécanisme.

17. Si le choix de la forme institutionnelle du mécanisme national de prévention est laissé à l ’ appréciation des États parties, il est toutefois impératif que les lois relatives au mécanisme soient pleinement conformes au Protocole facultatif et aux Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention (CAT/OP/12/5). Par conséquent, le Sous-Comité recommande la promulgation d ’ une loi spécifique garantissant l ’ indépendance fonctionnelle et opérationnelle du mécanisme, tenant dûment compte des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

18. Le Sous-Comité recommande en outre que le mandat du Commissaire aux droits de l ’ homme soit décorrélé de celui du mécanisme national de prévention, afin que le mécanisme puisse assumer ses fonctions en toute autonomie, conformément aux directives du Sous-Comité.

19. Le Sous-Comité recommande de prolonger le mandat des membres du mécanisme national de prévention, actuellement d ’ une durée d ’ un an, afin de garantir une certaine continuité. Il conviendrait que tous les participants au mécanisme suivent des formations, notamment sur les techniques d ’ entretien, les procédures de visite et les compétences requises pour déceler les signes et les risques de torture et de mauvais traitements.

20.Le Sous-Comité note en outre que ne figure dans la législation aucune disposition expresse quant à des ressources préaffectées au mécanisme national de prévention ; il y est simplement indiqué que les dépenses engagées par les membres du mécanisme font l’objet d’un renforcement conformément aux règles imposées par les autorités. Le Sous-Comité souligne que le manque d’autonomie budgétaire peut avoir des effets délétères sur l’indépendance du mécanisme.

21. Le Sous-Comité rappelle qu ’ aux termes du paragraphe 3 de l ’ article 18 du Protocole facultatif, les États parties sont tenus de dégager les ressources nécessaires au fonctionnement des mécanismes nationaux de prévention. Par conséquent, il recommande que des crédits soient dégagés pour assurer le fonctionnement du mécanisme par la création d ’ un poste budgétaire spécifique dans le budget annuel de l ’ État afin que le mécanisme soit doté d ’ une autonomie institutionnelle dans l ’ utilisation de ses ressources.

22.Aucune définition unique et générale de la privation de liberté ne figure dans la législation relative au mécanisme national de prévention. Il ressort des modifications apportées aux 16 lois en vigueur que le mécanisme a accès aux prisons, aux centres de détention militaires, aux centres de détention provisoire, aux établissements pour délinquants juvéniles et à divers établissements de santé, tels que les établissements de santé mentale et les centres de désintoxication, entre autres. Pour autant, les modifications précitées ne semblent concerner ni les centres de rétention des demandeurs d’asile et des réfugiés, ni les établissements médico-sociaux fermés, ni d’autres lieux où des personnes sont susceptibles d’être privées de leur liberté.

23.Le Sous-Comité souligne qu’en application de l’article 4 du Protocole facultatif, l’État doit autoriser des visites dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou avec son consentement exprès ou tacite. Par conséquent, tout lieu dans lequel une personne est, ou pourrait être, privée de liberté, au sens où elle n’est pas libre de sortir, devrait être du ressort du mécanisme national de prévention.

24. Le Sous-Comité recommande que les moyens soient donnés, par la voie législative, au mécanisme national de prévention d ’ exercer les fonctions fondamentales d ’ un tel mécanisme, notamment d ’ examiner régulièrement la façon dont sont traitées les personnes privées de liberté dans tous les lieux de privation de liberté, au sens de l ’ article 4 du Protocole facultatif, de formuler des recommandations à l ’ intention des autorités compétentes et de présenter des propositions et des observations sur la législation en vigueur et en projet.

25.Le Sous-Comité note avec préoccupation que selon la législation relative au mécanisme national de prévention, les personnes soupçonnées d’infractions ne peuvent être membres du mécanisme. Non seulement cette disposition est contraire au principe de présomption d’innocence, mais elle peut aussi être source d’abus. Les personnes qui séjourent dans des établissements psychiatriques ou des centres de désintoxication ne sont pas autorisés à être membres du mécanisme. Le Sous-Comité juge cette disposition trop restrictive, voire contraire à l’article 5 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

26.Le Sous-Comité prend note avec une vive préoccupation d’informations selon lesquelles des membres du mécanisme national de prévention feraient l’objet de poursuites pénales au titre d’activités menées dans le cadre du mécanisme. Selon les informations dont dispose le Sous-Comité, des plaintes pour diffamation ont été déposées au civil contre deux membres du mécanisme.

27. Le Sous-Comité recommande qu ’ une enquête impartiale sur les circonstances entourant les cas précités soit conduite et demande à être tenu informé des résultats de l ’ enquête. À ce propos, le Sous-Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur l ’ article 21 du Protocole facultatif.

28.En 2015, le mécanisme national de prévention a effectué 528 visites préventives, dont 19 visites spéciales. Le Sous-Comité se félicite du fait que, d’après le rapport de synthèse des membres du mécanisme national de prévention concernant les visites préventives effectuées en 2015, leur nombre a quasiment doublé par rapport à l’année 2014.

29.Le Sous-Comité a été informé que les visites spéciales urgentes devaient être approuvées par le Commissaire aux droits de l’homme, qui doit également en avaliser les constatations avant publication. Pareille procédure risque de compromettre l’indépendance du mécanisme national de prévention, puisque le Commissaire aux droits de l’homme est nommé par le Président de la République et qu’un décret présidentiel régit ses activités. Le Sous-Comité tient à rappeler la préoccupation exprimée par le Comité contre la torture quant à l’impossibilité pour le mécanisme national de prévention d’effectuer des visites ad hoc en raison de contraintes bureaucratiques (voir CAT/C/KAZ/CO/3, par. 13)

30.Le Sous-Comité constate avec préoccupation que, dans les divers lieux visités, de nombreux détenus ne connaissaient pas l’existence du mécanisme national de prévention et n’en avait rencontré aucun membre.

31. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de mieux faire connaître le Protocole facultatif et le mandat du mécanisme national de prévention afin d ’ améliorer la visibilité de ce dernier. Les recommandations émises par le mécanisme devraient être largement débattues. En outre, le mécanisme devrait participer aux initiatives législatives et aux activités de plaidoyer, comme le prévoit l ’ article 19 du Protocole facultatif.

32. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie et au mécanisme national de prévention de nouer un véritable dialogue permanent afin que soient appliquées les recommandations du mécanisme visant l ’ amélioration du traitement et de la situation des personnes privées de liberté et la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

IV.Observations générales sur la situation en matière de torture et de mauvais traitements

33.Le Sous-Comité accueille avec satisfaction la réduction notable du nombre de personnes privées de leur liberté et, parallèlement, l’amélioration générale des conditions de détention. Toutefois, il a noté qu’il existait un climat général d’intimidation et de répression dans les lieux de privation de liberté visités. Au cours de sa mission, le Sous-Comité a reçu un certain nombre d’informations crédibles faisant état de torture et de mauvais traitements, en particulier aux premiers stades de la privation de liberté. À titre d’exemple, on évoque des cas d’usage excessif de la force lors de l’interpellation et immédiatement après, ainsi que des coups de poing, de bâton et de pied portés pendant l’interrogatoire. Dans certains cas, un certain degré de pression psychologique semble avoir été infligé ; ainsi, la police a menacé de faire du mal aux membres de la famille de l’intéressé(e). Il a également été rapporté au Sous-Comité des cas de passages à tabac « de bienvenue » lors du placement en quarantaine en centre de détention provisoire, ainsi que des mesures disciplinaires et des passages à tabac officieux particulièrement durs infligés lors de fouilles dans des établissements pénitentiaires.

34.Le Sous-Comité est préoccupé par les cas de torture et de mauvais traitements et se félicite de l’annonce par le Gouvernement de la mise en place d’une politique de tolérance zéro à l’égard de la torture. Pour y parvenir, il est nécessaire de prendre en considération les aspects présentés ci-après.

35.Le paysage institutionnel actuel, caractérisé par une concentration des pouvoirs aux mains de deux institutions, le Ministère de l’intérieur et le Bureau du Procureur, dont l’objectif commun est avant tout de résoudre les crimes et qui dépendent l’un de l’autre pour ce faire, ne permet pas un véritable contrôle. En outre, ni les juges ni les avocats de la défense ne constituent un véritable contre-pouvoir. Par conséquent, les garanties, bien que prévues par la loi et, dans nombre de cas, respectées sur la forme, sont inopérantes en pratique.

36.Si la mise en place d’un nouveau dispositif de mise à l’épreuve constitue un pas dans la bonne direction, le système pénitentiaire actuel n’est pas conforme au paragraphe 1 de la règle 5 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), qui dispose que le régime carcéral doit chercher à réduire au minimum les différences qui peuvent exister entre la vie en prison et la vie en liberté. Le Sous-Comité estime que l’importance excessive accordée à la répression et les effets cumulés des restrictions, d’une discipline rigide et l’obligation pour les détenus de se livrer à des parades militaires ne sont pas de nature à concourir à la réalisation des objectifs du système pénitentiaire et peuvent représenter un traitement dégradant. Le Sous-Comité recommande de faire en sorte que le système pénitentiaire privilégie désormais aux punitions disciplinaires excessives la réadaptation et la réinsertion.

V.Cadre de lutte contre la torture et son application

37.Le Sous-Comité note que l’article 17 de la Constitution interdit la torture et les mauvais traitements et reconnaît l’existence d’un cadre normatif élaboré en matière de justice pénale. Toutefois, la définition de la torture dans le Code pénal n’est pas pleinement conforme à celle énoncée dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en ce qu’elle exclut les souffrances physiques ou mentales causées par un agent public agissant dans le cadre de la loi, qui diffèrent des sanctions licites visées par la Convention. En outre, sont seuls concernés par cette définition les actes de torture commis par toute personne agissant dans l’exercice de ses fonctions, sur l’incitation d’une telle personne, ou s’il ou elle en est informé(e) et y consent. La législation kazakhe autorise également des peines d’amende ou non privatives de liberté pour des faits de torture.

38. Le Sous-Comité prend note des informations communiquées par les autorités selon lesquelles une révision de la définition de la torture dans le Code pénal est en cours. Dans ce contexte, le Sous-Comité réitère les recommandations formulées par le Comité contre la torture de rendre cette définition conforme à celle figurant dans la Convention et de veiller à ce que les personnes jugées coupables d ’ actes de torture ou de mauvais traitements soient condamnées à des peines à la mesure de la gravité du crime (voir CAT/C/KAZ/CO/3, par. 9 et 24).

39.Lors des premiers stades de la privation de liberté, lorsque la présomption d’innocence est essentielle, les suspects sont en contact avec deux institutions : le Ministère de l’intérieur et le Bureau du Procureur. Le Ministère de l’intérieur est chargé d’enquêter sur les crimes et d’en poursuivre les auteurs, tout en assurant la gestion de la quasi-totalité des centres de détention, à l’exception d’un petit nombre de centres de détention provisoire, gérés par le Comité de la sécurité nationale (KNB). Les enquêteurs du Ministère disposent de pouvoirs étendus en ce qu’ils peuvent limiter le contact des détenus avec leurs proches, voire l’accès à des avocats privés.

40.Malgré quelques changements apportés aux attributions des procureurs suite aux réformes judiciaires de 2015, les procureurs conservent une double casquette, susceptible de nuire à leur impartialité. En effet, ils prennent part aux poursuites tout en étant mandatés pour vérifier la légalité de la détention et des mesures prises par les fonctionnaires du Ministère de l’intérieur.

41.Le pouvoir judiciaire, qui devrait faire office de mécanisme indépendant de contrôle des deux institutions précitées, a été quelque peu renforcé et les juges d’instruction sont désormais chargés de veiller au respect des droits et des libertés de la personne et de leurs intérêts légitimes dans le cadre des procédures pénales. Dans les faits, les juges semblent ne s’écarter que rarement des décisions prises par les procureurs et ne sont pas considérés par les détenus comme des acteurs indépendants. De même, il existe une défiance à l’égard des avocats de la défense, ce qui conduit, pour l’immense majorité des suspects, à l’absence de véritables voies de réparation. Le Sous-Comité constate avec préoccupation qu’il est largement possible d’exercer des pressions sur les suspects, faute de véritable contrôle par des acteurs indépendants.

42. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de réformer le système de poursuites, de veiller à ce que seuls des juges indépendants décident d ’ imposer des restrictions aux droits de l ’ homme des suspects et des personnes accusées, et de renforcer le contrôle des activités des enquêteurs.

A.Garanties

1.Informations relatives aux droits

43.Des dépliants présentant les droits des personnes détenues étaient affichés de façon visible dans la quasi-totalité des établissements visités. Les détenus ont informé la délégation qu’en temps normal, leurs droits leur étaient officiellement lus ou remis. Le Sous-Comité a reçu des informations faisant état de certains étrangers n’ayant pas eu accès à des interprètes.

44. Le Sous-Comité recommande que tous les individus arrêtés soient immédiatement informés des raisons de leur arrestation et de leurs droits en tant que personnes interpellées, dans une langue qu ’ ils comprennent.

2.Communication de la détention et de renseignements au plus proche parent

45.De nombreux interlocuteurs ont souligné des difficultés quant aux modalités d’information des plus proches parents concernant les détentions. Le Sous-Comité a été informé que, dans certains cas, des enquêteurs retardaient le moment d’informer la famille pour exercer des pressions sur le suspect, afin d’obtenir des aveux. Dans plusieurs cas, des personnes interpellées auraient été autorisées à utiliser le poste téléphonique de l’enquêteur pour appeler la personne de leur choix, sous réserve de coopérer. Visiblement, l’autorisation de visites de proches dépendait également de la coopération de l’intéressé(e). Selon plusieurs personnes retenues, pareilles visites étaient autorisées par l’administration uniquement sur permission de l’enquêteur chargé de l’affaire criminelle.

46. Le Sous-Comité recommande que les personnes privées de liberté puissent immédiatement informer un membre de leur famille ou un autre proche parent de leur détention. L ’ exercice de ce droit ne devrait pas dépendre du bon vouloir du procureur ou de l ’ enquêteur, ni de l ’ administration du lieu de détention. Toute décision prise par des enquêteurs ou procureurs de restreindre le droit d ’ informer le plus proche parent doit être motivée par des raisons objectives et vérifiables liées à l ’ enquête et pouvant faire l ’ objet d ’ un contrôle juridictionnel.

3.Accès à un avocat

47.Le Sous-Comité note l’existence du système d’aide juridictionnelle et l’obligation prévue par la loi qu’un avocat de la défense soit présent dès le premier interrogatoire. Toutefois, selon des informations concordantes, quasiment personne ne fait confiance aux avocats commis d’office en raison d’un manque de diligence, de retards et de l’impression qu’ils travaillent en collusion avec les enquêteurs. Selon certains interlocuteurs, les premiers interrogatoires sont menés en l’absence d’un avocat et les avocats signent parfois des documents antidatés. L’obligation pour les avocats commis d’office de faire signer leurs notes de frais par un juge ou par un enquêteur contribue à affaiblir la confiance qui leur est accordée et à nuire à leur indépendance. Les « défenseurs publics », généralement des proches du détenu, ont régulièrement accès au détenu. La procédure d’obtention du statut de défenseur public a été qualifiée de contraignante et elle est soumise à une autorisation de la police.

48. Les personnes privées de liberté doivent avoir accès à un conseil de leur choix et, si nécessaire, à un avocat commis d ’ office. Le Sous-Comité recommande une révision du dispositif et du mode de rémunération des avocats commis d ’ office afin que les suspects bénéficient d ’ une véritable assistance. Les avocats doivent avoir librement accès à leurs clients, sans que l ’ autorisation d ’ un procureur ou d ’ un enquêteur soit nécessaire.

4.Examen médical

49.Il est normalement procédé à un examen médical initial dès l’arrivée dans un centre de détention temporaire (IVS). Cependant, il semble que l’examen se déroule couramment en présence de policiers et de façon sommaire et que la personne qui effectue l’examen soit hiérarchiquement rattachée au Ministère de l’intérieur. En outre, le Sous-Comité a été informé que l’examen médical initial n’était pas effectué partout dans le pays. Lors des transfèrements, les résultats des examens médicaux sont placés dans les dossiers personnels des détenus, ce qui empêche les mécanismes de contrôle de connaître avec précision le nombre de personnes qui présentaient des blessures lors de leur admission.

50. Le Sous-Comité recommande que les examens médicaux initiaux soient effectués avec rigueur et que des documents clairs et détaillés soient établis et accessibles à tout moment dans le cadre des dossiers tenus par tout centre de détention. Le personnel médical qui procède aux examens devrait être indépendant de l ’ administration carcérale afin de garantir l ’ impartialité des résultats et un véritable suivi. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer la formation de son personnel médical, en particulier concernant le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) et d ’ autres normes internationales. En outre, le Sous-Comité recommande aux professionnels de la santé de signaler immédiatement les soupçons de torture et de mauvais traitements aux autorités compétentes de manière à ce qu ’ un examen indépendant puisse être effectué conformément au Protocole d ’ Istanbul. Le rapport médical confidentiel devrait être remis au détenu et à son conseil.

5.Registres, dossiers et vidéosurveillance

51.Le Sous-Comité salue l’existence et le fonctionnement, sur plusieurs sites, d’un système de base de données électronique et de vidéosurveillance. Toutefois, s’il existe de nombreux documents et registres dans les centres de détention temporaires, y compris des listes des détenus, on constate dans tous les lieux visités que la conservation des dossiers n’est ni systématique ni cohérente, et que dans les postes de police, les registres des visiteurs ne rendent pas compte des arrivées de personnes en provenance d’autres centres de détention provisoire.

52. Le Sous-Comité recommande la mise en place d ’ un registre unique en ligne afin d ’ éviter tout risque de doublon ou de confusion. Le système devrait permettre de rechercher rapidement n ’ importe quelle personne, afin de veiller à ce que les renseignements soient accessibles, en tant que de besoin, par les procureurs, les plus proches parents et les avocats. L ’ État partie doit veiller à ce que tous les individus détenus et arrêtés soient enregistrés et comptabilisés, et que leur localisation exacte soit connue en permanence.

B.Autorisation de mise en détention

53.De façon générale, les interlocuteurs ont fait état du respect des délais procéduraux, tels que la comparution devant un juge dans les soixante-douze heures suivant l’arrestation. Dans certains cas, la comparution avait même lieu avant l’expiration du délai. Selon certaines informations, y compris des statistiques officielles, le juge fait droit à la demande de mise en détention formulée par le procureur dans environ 90 % des cas. Il a été fait état d’audiences courtes et inefficaces ; les juges sont généralement considérés comme une simple chambre d’enregistrement des décisions du procureur. De surcroît, les juges ne posent quasiment jamais de questions quant au traitement de l’intéressé par les agents des services de répression. Si les avocats de la défense sont habituellement présents, il semblerait qu’ils ne cherchent pas activement à obtenir la libération du détenu, à poser des questions ou à faire verser des éléments de preuve au dossier.

54.Il apparaît que, par principe, les détenus ne sont pas présents lorsque sont prises les décisions de prolongation de leur détention. Si la loi autorise un juge à demander que le détenu comparaisse devant lui ou devant elle, nombre des personnes interrogées ont toutefois indiqué que tel n’était pas le cas en pratique. Dans le meilleur des cas, les détenus se voient délivrer des copies de la décision de prolongation de leur détention, sans aucune explication. Ce problème est exacerbé par le fait que les avocats commis d’office ne rendent généralement pas visite à leurs clients dans les centres de détention provisoire. Parfois, ni les avocats de la défense ni les défenseurs publics ne sont informés de la date, de l’heure ou du lieu des audiences relatives à la prolongation de la détention. Le Code de procédure pénale dispose simplement, à l’article 152, que l’avocat ou le défenseur public peut y prendre part, mais que sa participation n’est pas obligatoire. En revanche, en vertu de ce même article, le procureur est tenu d’y prendre part. Dans certains cas, les détenus n’étaient pas informés des motifs de leur mise en détention initiale ou de la prolongation de leur détention par le tribunal. Ils ne connaissaient pas non plus la durée de leur détention, l’état d’avancement de l’enquête les concernant ou l’identité de leur avocat ou de l’enquêteur chargé de leur dossier.

55. Le Sous-Comité recommande la comparution des détenus devant un juge dans les meilleurs délais, sans attendre l ’ expiration du délai de soixante-douze heures prévu par la loi, ainsi que le passage de ce délai de soixante-douze à quarante-huit heures à titre de garantie supplémentaire contre la torture et les mauvais traitements . Il recommande également que toutes les audiences relatives à la mise en détention initiale et à la prolongation de la détention se déroulent en présence des détenus et de leurs avocats. Au cours des audiences, les juges devraient s ’ enquérir des conditions de détention et, en cas de soupçon de torture, ordonner immédiatement une enquête en bonne et due forme. Les personnes détenues doivent avoir la possibilité de contester leur détention à tout moment , selon un calendrier raisonnable. Les procédures de mise en détention initiale, d ’ examen périodique et de prolongation éventuelle devraient être placées sous la supervision d ’ un juge et ainsi échapper au contrôle des enquêteurs, des procureurs et des autorités de détention.

C.Détention et enquêtes sous l’égide d’un seul ministère et transfèrements fréquents entre différents lieux de privation de liberté

56.Alors que le Kazakhstan avait transféré les centres de détention provisoire et les colonies pénitentiaires du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice dès 2004, l’État partie a replacé l’ensemble des lieux de détention sous l’autorité du Ministère de l’intérieur en 2011. Les centres de détention temporaire rattachés aux postes de police de district dépendant du Ministère de l’intérieur sont réservés à une mise en détention initiale de soixante-douzeheures maximum ; or, dans de nombreux cas, les séjours peuvent atteindre trente jours, tant que l’enquête est en cours. Les centres de détention provisoire et les centres de détention temporaire sont régis par la même loi.

57.La délégation a constaté que les détenus faisant l’objet d’une enquête sont fréquemment, voire quotidiennement, transférés de centres de détention provisoire vers des postes de police ou des centres de détention temporaire, avant de revenir au lieu de départ. Lorsqu’en raison de la distance, il est impossible de transférer directement le détenu depuis un centre de détention provisoire vers un poste de police, les détenus sont d’abord transférés vers un centre de détention temporaire, afin d’être ensuite transférés au poste de police.

58.Il n’existe visiblement pas d’obligation pour l’enquêteur de justifier l’extraction d’un suspect d’un centre de détention provisoire, cette mesure étant souvent prise dans le seul but de l’interroger. Les registres tenus par les centres de détention provisoire font état de l’heure du transfèrement, mais pas du lieu où sont emmenés les suspects, et il ne semble pas y avoir dans les postes de police de registres des personnes amenées dans le cadre de l’enquête. En outre, s’il existe un délai maximal de garde à vue au poste de police (trois heures) et une durée maximale d’interrogatoire (deux séances de quatre heures chacune, avec une pause d’une heure), aucun délai maximal ne semble exister concernant le temps passé hors du centre de détention provisoire ; plusieurs suspects ont ainsi été extraits du centre à 10 heures du matin et n’étaient pas encore de retour lorsque la délégation est repartie à 19 h 30. Il s’agit là d’un point particulièrement préoccupant compte tenu des mauvaises conditions généralement constatées dans les cellules des postes de police, où les suspects attendent : la cellule ne compte que des bancs et ne dispose ni de fenêtres ni d’aération, et les personnes détenues ne se voient délivrer ni nourriture ni eau. Certains détenus ont fait savoir que l’enquêteur leur avait donné à manger.

59. Le fait que l’ensemble des lieux de détention et les enquêteurs relèvent du même ministère est problématique. Le Sous-Comité recommande que les autorités chargées de la détention constituent une entité distincte des fonctionnaires chargés des enquêtes, ce qui permettrait un contrôle réciproque et exclurait la possibilité d’utiliser la détention comme un moyen d’enquêter ou de contraindre les détenus à passer aux aveux.

60. Le Sous-Comité juge préoccupants les nombreux transfèrements entre différents établissements. Leur nombre devrait être limité au minimum. Par défaut, les enquêteurs devraient se rendre dans les centres de détention provisoire ou temporaire pour interroger les détenus. Si les enquêteurs estiment qu ’ un transfèrement à l ’ extérieur est strictement nécessaire, ils devraient être tenus de le justifier. Le Sous-Comité recommande que les déplacements des suspects soient enregistrés avec exactitude, afin de savoir où ils se trouvent.

61. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les conditions de détention dans les postes de police soient conformes aux normes internationales, y compris lors des transfèrements, en veillant à ce que les cellules disposent de suffisamment de lumière naturelle et d ’ aération et en fournissant nourriture et eau aux détenus.

D.Plaintes

62.La délégation a pris note de l’existence de plusieurs mécanismes officiels de plainte, y compris des « boîtes aux lettres destinées à recueillir les plaintes » dans la plupart des lieux de privation de liberté. La législation nationale en vigueur précise les procédures à suivre et interdit les représailles à l’encontre des plaignants.

63.Bien que la législation interdise toute censure de la correspondance et exige que tous les courriers soient remis sans avoir été ouverts, nombre des détenus interrogés ont indiqué que leur correspondance était ouverte par l’administration carcérale. Dans certains cas, ils ont subi des représailles suite au dépôt de plaintes, bien que la loi l’interdise. Parallèlement, la quasi-totalité des fonctionnaires interrogés a indiqué n’avoir reçu aucune plainte relative à des actes répréhensibles commis par des agents du Ministère de l’intérieur par ces voies de procédure au cours des dernières années. Seuls de rares détenus semblaient faire confiance au système de boîte aux lettres ou à d’autres mécanismes de plainte. Il a été dit à la délégation que les plaintes restaient souvent lettre morte et que les détenus ne recevaient même pas de numéro d’enregistrement de leur plainte. De nombreux interlocuteurs ont fait savoir que les plaignants ne recevaient que rarement une réponse ou qu’il leur était annoncé, longtemps après, que leur plainte avait été rejetée, sans qu’aucune autre mesure soit prise.

64. Le Sous-Comité conclut qu ’ en pratique, il n ’ existe pas de véritables procédures de dépôt de plaintes, ce qui conduit à une absence totale de confiance et, associée à une crainte des représailles, à un faible nombre de plaintes. Le Sous-Comité recommande par conséquent de veiller à ce que les plaintes parviennent aux autorités compétentes et que leur caractère confidentiel soit respecté .

E.Inspections des lieux de détention et enquêtes sur les allégations de torture

65.La délégation a rencontré plusieurs procureurs chargés de la supervision, qui sont généralement affectés à un lieu de détention donné. La loi leur confie un éventail de tâches visant spécifiquement à prévenir la torture. Si leurs visites quasi quotidiennes dans les lieux de détention sont louables, ils ont indiqué ne jamais recevoir de plaintes quant aux conditions de vie ou au traitement des détenus. Parallèlement, la quasi-totalité des détenus interrogés estime que les procureurs font partie du problème, et non de la solution. Cet état de fait laisse penser que les procureurs conçoivent leurs obligations comme une sorte de formalité et qu’ils sont considérés comme faisant partie du système.

66.Les enquêtes relatives aux cas de torture sont menées par des procureurs spéciaux. Peu de plaintes parviennent jusqu’à ce niveau, et encore moins font l’objet d’une enquête en bonne et due forme, voire d’une enquête tout court, ce qui indique que ces procureurs ne sont pas suffisamment indépendants et/ou qu’ils ne sont pas disposés à enquêter. Par suite, un nombre limité d’affaires est porté devant la justice : 12 sur 600 plaintes, selon les statistiques communiquées par l’État partie. De surcroît, toutes les personnes jugées coupables de torture ne sont pas condamnées à des peines d’emprisonnement.

67.Bien que le Sous-Comité prenne acte du fait que certains cas de torture aient été portés devant la justice ces dernières années, il ressort des entretiens qu’il a menés et du faible nombre de plaintes que les procédures d’enquête et de poursuites sont inaccessibles à de nombreux détenus et sont inefficaces. Ni les procureurs spéciaux ni les procureurs chargés de la supervision ne sont considérés comme des acteurs indépendants en mesure d’engager des poursuites contre des fonctionnaires du Ministère de l’intérieur.

68. Le Sous-Comité recommande que soient ouvertes d ’ office et sans délai des enquêtes impartiales, effectives et indépendantes concernant l ’ ensemble des allégations de torture ou lorsqu ’ il y a des motifs raisonnables de croire qu ’ un acte de torture a été commis, qu ’ une plainte formelle ait été reçue ou non .

F.Absence de protection, d’indemnisation et de réadaptation des victimes de la torture

69.Il n’existe aucune mesure spécifique relative à la protection, à l’indemnisation et à la réinsertion des victimes de la torture. S’agissant de l’indemnisation, les victimes doivent porter plainte au civil au cours de la procédure pénale ou à l’issue de celle-ci. Le dépôt d’une plainte à des fins d’indemnisation hors du cadre d’une affaire pénale est impossible en vertu de la législation en vigueur. Il n’existe aucun mécanisme de fixation du montant précis des indemnités dans les cas de torture. De surcroît, il n’existe pas de programme de réadaptation des victimes de la torture.

70. Le Sous-Comité recommande la mise en place d ’ un système formalisé de protection, d ’ indemnisation et de réadaptation des victimes de la torture. Conformément aux normes internationales, les victimes de la torture doivent se voir garantir le droit d ’ obtenir réparation et de recevoir une indemnisation équitable et adéquate . Même lorsque les auteurs des actes de torture n ’ ont pas été identifiés, l ’ État partie doit verser une indemnisation adéquate lorsqu ’ une plainte civile est déposée à son encontre. Outre la reconnaissance du statut officiel de victime de la torture, l ’ État partie doit fournir à l ’ intéressée(e) les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible . Lorsqu ’ il est établi qu ’ un acte de torture a été commis, des indemnités doivent automatiquement être versées.

VI.Système pénitentiaire

71.Le Sous-Comité a été informé que, du fait des mesures, notamment législatives, adoptées ces dernières années, le nombre de personnes privées de liberté dans les centres de détention provisoire et les colonies pénitentiaires avait largement diminué, passant de 55 000 en 2012 à environ 36 000 en 2016, selon des sources officielles. Placer moins de personnes dans des lieux de privation de liberté est l’un des moyens les plus efficaces de prévenir la torture et les mauvais traitements. La baisse du nombre de personnes concernées a aussi entraîné une amélioration des conditions matérielles de détention.

A.Centres de détention provisoire

72.Le Sous-Comité a visité des centres de détention provisoire relevant du Ministère de l’intérieur et du Comité de la sécurité nationale, ainsi que des centres de détention temporaire relevant du Ministère de l’intérieur. Étant donné que tous ces établissements sont régis par la loi no 353-I relative à la procédure et aux conditions de détention des personnes dans des établissements spécialisés qui ont recours à l’isolement temporaire de la société et que les centres de détention temporaire servent souvent de centres de détention provisoire, les renseignements figurant dans la présente section s’appliquent, sauf mention contraire, aux deux types d’établissements.

73.La délégation a été informée des efforts engagés par le Gouvernement pour recourir davantage à des mesures de substitution à la mise en détention provisoire. Ces efforts ont permis de réduire à 5 500 le nombre de personnes placées en détention dans des établissements relevant du Ministère de l’intérieur, contre 7 000 auparavant. Le Sous‑Comité a constaté que la durée maximale de détention provisoire prévue par la loi (jusqu’à douze mois) était globalement respectée. Conformément aux normes internationales, les individus placés en détention provisoire étaient séparés des condamnés.

1.Régime de détention provisoire et activités quotidiennes

74.Le Sous-Comité a constaté que, dans les centres de détention provisoire, les détenus étaient obligés de marcher les bras dans le dos et tête baissée, de se plaquer contre le mur à l’arrivée d’un fonctionnaire et de décliner leur nom et les articles de loi qu’ils sont accusés d’avoir enfreints lorsqu’ils se présentent. Tous les garçons et les hommes doivent porter un uniforme et sont rasés à leur arrivée dans l’établissement. Plusieurs interlocuteurs ont indiqué ne pas comprendre les motifs du rasage forcé et trouver cette pratique stigmatisante.

75.La loi no 353-I autorise les détenus à travailler lorsque cela est possible (art. 16, par. 3). De manière générale, peu d’activités sont proposées en détention provisoire et nombre des détenus passent vingt-trois heures par jour dans leur cellule sans réelles occupations. La plupart des détenus ont indiqué qu’ils étaient autorisés à sortir en promenade pour une durée maximale d’une heure. Dans la plupart des centres de détention provisoire, conformément à la loi, les détenus semblent avoir accès à des téléviseurs, des postes de radio et des bibliothèques. Alors que la loi garantit la liberté religieuse, des restrictions à la prière et à l’accès à des écrits religieux ont été signalées dans certains établissements.

76. Le Sous-Comité recommande que soit proposée aux détenus la possibilité d ’ exercer un travail rémunéré, de faire de l ’ exercice physique et de pratiquer des activités éducatives, de loisirs et culturelles et que soit respectée la liberté religieuse et de conviction. Il conviendrait de mettre fin à l ’ obligation pour les détenus de baisser la tête, de décliner les articles de loi qu ’ ils sont accusés d ’ avoir enfreints, de porter un uniforme et de subir un rasage de force.

2.Contact avec le monde extérieur

77.Pour les personnes placées en centres de détention provisoire ou en centres de détention temporaire, les enquêteurs, en vertu de l’article 17 de la loi no 353-I, ne peuvent autoriser que deux visites mensuelles (trois pour les mineurs) d’une durée maximale de trois heures, par les proches de l’intéressé(e) ; l’autorisation doit être écrite.

78.De nombreux individus placés en centres de détention provisoire ont indiqué à la délégation ne pas avoir revu leur famille. Certains n’étaient même pas sûrs que leur famille avait été informée de leur détention. Si les appels téléphoniques peuvent être autorisés, certains détenus n’ont pas les moyens d’acheter les cartes payantes nécessaires pour passer des appels. Les règles relatives aux appels téléphoniques n’étaient pas claires et différaient d’un lieu à un autre. Dans l’ensemble, le Sous-Comité a eu l’impression que l’accès aux téléphones était plutôt restreint, ce qui est problématique compte tenu des distances au Kazakhstan.

79. Bien que les règles et normes internationales prévoient certaines restrictions quant aux contacts avec la famille au cours de la détention provisoire, le Sous-Comité recommande que ces restrictions soient justifiées et fassent l ’ objet d ’ un examen régulier. Les règles en vigueur semblent trop restrictives.

3.Mise en quarantaine et mesures disciplinaires

80.À leur arrivée, tous les détenus placés dans un centre de détention provisoire subissent deux semaines de quarantaine. Dans certains cas, les périodes semblent avoir été plus longues ; par exemple, dans le centre de détention provisoire no 18 d’Almaty, une personne avait été placée en quarantaine dans une cellule relativement sombre pendant trente-sept jours. Le Sous-Comité a reçu des informations faisant état de « passages à tabac de bienvenue » dans plusieurs centres de détention provisoire, soi-disant infligés pour veiller au respect des règles. Dans de tels cas, les détenus sont battus à coups de poing ou de marteau, souvent sous les pieds, sur la paume des mains ou sur d’autres parties du corps où les coups ne laissent pas de traces visibles. Dans certains cas, des auxiliaires de l’administration (des « militants bénévoles ») semblent prendre part à ces mauvais traitements.

81.Des mesures disciplinaires sont appliquées pour des infractions mineures, comme le fait de s’allonger sur le lit, qui peut entraîner deux avertissements, puis la mise à l’isolement. Ces avertissements doivent être donnés par écrit et peuvent faire l’objet d’un recours auprès d’un responsable pénitentiaire plus haut placé, du procureur ou du juge. Conformément à l’article 31 de la loi no 353-I, les suspects et les accusés peuvent être placés à l’isolement ou en cellule disciplinaire pour une durée supérieure à vingt-quatre heures sur justification écrite du directeur du lieu de détention et, conformément à l’article 37 de la même loi, pour une période pouvant atteindre quinze jours (sept jours pour les délinquants juvéniles). Toutefois, la délégation n’a guère trouvé de traces écrites de l’utilisation de tels placements.

82.Dans certaines cellules disciplinaires, les conditions de vie étaient inhumaines en raison de la taille de la cellule, de l’absence d’aération et de toilettes dégradantes. Dans le centre de détention provisoire no 1 d’Almaty, un homme aurait été placé à l’isolement dans des circonstances dégradantes pendant trois semaines, alimenté de force et sans être autorisé à accéder à une douche.

83. Le Sous-Comité prend note avec préoccupation des allégations de « passages à tabac de bienvenue » et recommande l ’ arrêt de toute pratique de cette nature, la révision du système de sanctions disciplinaires afin d ’ en garantir la proportionnalité et la mise en conformité des cellules disciplinaires avec les normes internationales.

4.Conditions matérielles de détention

84.Si les conditions matérielles étaient globalement acceptables, dans certains des lieux visités, elles n’étaient toutefois pas à la hauteur des normes internationales ; à titre d’exemple, dans certains centres, les cellules étaient équipées de toilettes ouvertes, rendant impossible toute intimité, et les détenus n’avaient droit qu’à une seule douche par semaine. Dans de nombreux centres de détention provisoire, la présence de plusieurs épaisseurs de barreaux aux fenêtres empêchait la lumière naturelle de pénétrer dans les cellules. Peu de plaintes ont été enregistrées concernant la quantité de nourriture, bien que de nombreux détenus se soient plaints de sa qualité et du manque de variété, en particulier de l’absence de fruits et de légumes, et ont fait savoir qu’ils préféraient que leurs proches leur apportent de la nourriture.

85. Le Sous-Comité a été informé que le nouveau centre de détention provisoire de la province d ’ Almaty pourrait servir de modèle aux futurs centres de même catégorie. Le Sous-Comité a constaté que les zones de promenade de ce centre, situées au cinquième étage, étaient inadaptées et inaccessibles aux personnes handicapées ou ayant des problèmes de santé. Le Sous-Comité recommande que soit garantie l ’ accessibilité des zones de promenade pour tous, y compris les handicapés.

86. Le Sous-Comité recommande de supprimer les volets afin de faire pénétrer la lumière naturelle dans les cellules et d ’ autoriser les douches plus d ’ une fois par semaine, en particulier en saison chaude. Si , dans certains cas, la présence de caméras dans les cellules peut être justifiée, par exemple pour réduire le risque de suicide, elle risque toutefois de porter atteinte au droit à la vie privée, en particulier dans les cellules de femmes.

5.Santé

87.Les services médicaux généraux dans les centres de détention provisoire sont sommaires et élémentaires. Nombre d’interlocuteurs ont indiqué que la qualité des services médicaux n’était pas à la hauteur de leurs attentes. Sur le plan de la prévention de la torture et des mauvais traitements, il est problématique que le personnel médical relève du Ministère de l’intérieur.

88. Le Sous-Comité recommande qu ’ une assistance et des soins médicaux soient garantis et accessibles à tous les détenus sur leur demande et que le personnel médical ne relève pas de la même autorité que le ministère chargé des enquêtes, des poursuites et de la détention.

6.Lieux de détention relevant du Comité de la sécurité nationale

89.La délégation a constaté que le centre de détention provisoire d’Almaty relevant du Comité de la sécurité nationale servait d’établissement de mise en détention initiale puisque, d’après les registres, la plupart des détenus y étaient amenés avant que soit délivrée une quelconque autorisation d’arrestation. Le Comité est chargé d’enquêter sur les suspects, de les poursuivre et de les placer en détention, ce qui n’autorise aucun contrôle extérieur.

90.Les contacts avec le monde extérieur sont plus restreints dans ces centres de détention provisoire que dans d’autres établissements. De nombreux détenus ne disposent d’aucune information concernant leurs proches et, dans certains cas, ne sont même pas certains que leurs proches savent où ils se trouvent. Le dépistage médical est insuffisant. Dans le centre de détention provisoire no 1 d’Almaty, la délégation a vu une personne présentant des blessures clairement visibles dues à sa détention, qui ne figuraient nulle part dans le registre médical ou la fiche médicale.

91. Le Sous-Comité recommande que l ’ autorité chargée de la détention soit dissociée de celle chargée des poursuites et que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales. Le dépistage médical devrait gagner en efficacité et être effectué par du personnel médical indépendant.

B.Colonies pénitentiaires

92.Selon des chiffres officiels, au moment de la visite, seules 33 % de l’ensemble des personnes jugées coupables étaient condamnées à une peine de privation de liberté, contre 42 % avant la réforme judiciaire de 2015. Environ 40 % des personnes condamnées se voient imposer une peine de restriction de liberté et les peines d’amende sont utilisées de façon bien plus courante. Le taux d’incarcération est actuellement d’environ 210 pour 100 000 personnes ; selon l’État partie, ce chiffre le place en soixante-deuxième position dans le monde et a eu des effets positifs sur les conditions dans les prisons. Les services de l’État ont également annoncé que deux colonies avaient fermé et qu’il était prévu d’en fermer sept autres.

93.Les objectifs fixés par le Code de l’exécution des peines (art. 4 et 7) sont conformes aux normes internationales en vigueur, y compris aux Règles Nelson Mandela. Toutefois, le Sous-Comité a noté qu’à l’exception des fonctionnaires de la colonie juvénile d’Almaty, les fonctionnaires pénitentiaires estimaient généralement que leur mission était d’assurer le bon fonctionnement du système et la sécurité du personnel, et non la réadaptation et la réinsertion des détenus.

1.Régime, « conditions » et activités quotidiennes

94.De manière générale, les colonies disposent de régimes de sécurité différents qui sont imposés aux condamnés par décision judiciaire, en fonction de la gravité du crime commis et de leurs condamnations antérieures. L’imposition d’un régime de sécurité ne tient pas compte des risques que représente un condamné donné. Outre les niveaux de sécurité, un système complexe de « conditions » (privilégiées, souples, courantes, strictes et spéciales) est en vigueur et impose différents degrés de restrictions, y compris en matière d’accès à l’emploi, ainsi qu’au nombre de colis, d’appels téléphoniques et de visites familiales dont un détenu est autorisé à bénéficier. Le passage d’un détenu à une autre catégorie de conditions est décidé par des commissions internes.

95.Tous les détenus sont régulièrement rasés. Ils sont tenus de se raser la barbe, bien qu’aucun rasoir ne leur soit fourni. Tous les détenus, à l’exception de ceux purgeant leur peine dans des colonies à sécurité minimale, doivent porter un uniforme en permanence. Dans de nombreux lieux, les détenus doivent porter des badges faisant état du crime commis et de la durée de la peine et décliner ces renseignements lorsqu’ils se présentent. Les mêmes badges sont également fixés sur les lits. Dans certains lieux, la délégation a constaté que les détenus devaient saluer le fonctionnaire à l’unisson dès qu’il ou elle pénétrait dans la pièce.

96.Le Sous-Comité a été informé qu’avaient lieu, dans le cadre du maintien de la discipline, des exercices quotidiens de « parades » au cours desquels les détenus doivent défiler et chanter l’hymne national pendant plus de trente minutes. Ces défilés ont lieu tous les jours, sauf en cas de chute importante des températures. Tous les détenus, même les personnes âgées ou handicapées doivent y prendre part. Les mêmes interlocuteurs ont dit avoir vu ces personnes s’évanouir pendant le défilé.

97.L’article 13 du Code de l’exécution des peines garantit la liberté de conscience et de croyance et autorise certains ecclésiastiques religieux à accéder aux prisons. En pratique, cependant, la délégation a reçu des informations selon lesquelles les détenus croyants faisaient l’objet d’une surveillance étroite, qu’ils étaient souvent punis et qu’ils n’avaient que peu de moyens de pratiquer leur religion, y compris de prier. Dans certains lieux, des plaintes ont été enregistrées concernant l’absence d’accès à des écrits religieux et des restrictions à la prière.

98.Malgré les efforts engagés par le Gouvernement afin d’offrir davantage de possibilités d’emploi et de formation aux détenus, l’absence d’occupations réelles pour nombre d’entre eux demeure un problème majeur.

99. Afin de garantir le respect de la liberté religieuse dans tous les lieux de privation de liberté, le Sous-Comité recommande que les détenus aient accès à des offices religieux, à des livres de culte et à une instruction en prison conformément aux normes internationales, et notamment à la règle 66 des Règles Nelson Mandela.

100. Le Sous-Comité recommande l ’ arrêt des parades et des défilés, de l ’ obligation pour les détenus de décliner la liste des crimes pour lesquels ils ont été condamnés et de répondre à l ’ unisson, ainsi que du rasage forcé, car ils ne constituent pas des moyens efficaces d ’ atteindre les objectifs de la loi et ne sont pas conformes à la règle 36 des Règles Nelson Mandela.

101. Le Sous-Comité a constaté que l ’ enregistrement des mouvements internes et externes des prisons n ’ était ni méthodique ni systématique, ce qui conduit à des failles. Le Sous-Comité recommande par conséquent d ’ améliorer le système de registres afin que l ’ on puisse s ’ assurer à tout moment de qui est responsable d ’ un détenu.

102. Le Sous-Comité salue les efforts engagés pour proposer aux détenus de réelles occupations et leur offrir la possibilité de se former ou de travailler et recommande d ’ intensifier ces efforts, car le nombre de détenus désirant travailler est supérieur au nombre d ’ emplois disponibles.

2.Contact avec le monde extérieur

103.Le contact avec le monde extérieur dépend des « conditions », elles-mêmes tributaires du comportement des détenus. Pour les détenus bénéficiant des meilleures conditions, quatre visites courtes et quatre visites longues (de deux jours) sont autorisées par an, tandis que les détenus soumis à des conditions strictes dans des établissements de sécurité maximale n’ont droit qu’à trois visites courtes par an. Le placement sous conditions strictes signifie en outre que l’usage du téléphone est réservé à des situations exceptionnelles, notamment en cas d’urgence. Les détenus soumis à des conditions strictes ne sont pas autorisés à travailler. Le nombre de colis qu’un détenu peut recevoir dépend également des conditions auxquelles il ou elle est soumis(e). Le passage de conditions strictes à des conditions courantes peut avoir lieu au plus tôt un an après la punition infligée en cas de violation.

104.Dans la plupart des établissements, l’accès aux téléphones doit être autorisé par l’administration. Dans certains cas, même lorsque le régime appliqué autorise l’accès au téléphone conformément à l’emploi du temps de l’établissement, il n’y a pas suffisamment de téléphones ; l’accès de fait est ainsi encore plus restreint.

105. Le Sous-Comité s ’ inquiète de l ’ approche excessivement restrictive du contact avec les familles. Les récentes modifications du Code de l ’ exécution des peines ont encore exacerbé des restrictions déjà drastiques quant au contact avec le monde extérieur. Par conséquent, le Sous-Comité recommande que les détenus soient autorisés à cultiver ou à établir des relations avec des personnes ou des organismes extérieurs à la prison qui puissent favoriser leur réadaptation .

3.Maintien de la discipline

106.Dans les colonies pénitentiaires, le régime disciplinaire est fondé sur le passage de conditions courantes à des conditions souples ou strictes, qui sont elles-mêmes tributaires du respect par les détenus du règlement carcéral. Cependant, les punitions pour des infractions même relativement mineures sans violence, telles que des conflits verbaux avec d’autres détenus, le fait de jurer, le refus de la fouille ou la possession d’un téléphone, sont drastiques. L’intéressé est d’abord transféré en cellule disciplinaire et soumis au régime strict pendant une longue période. Ce dispositif peut aller jusqu’à une décision judiciaire de prolongation de la peine d’emprisonnement, pour désobéissance aux ordres légitimes de l’administration pénitentiaire, pouvant aller jusqu’à cinq ans au premier incident, et sept ans en cas de récidive. Par ailleurs, il apparaît que les menaces de passage à des conditions plus strictes sont employées pour intimider les détenus. Il a été dit au Sous-Comité qu’il n’existait pratiquement aucun mécanisme d’examen digne de ce nom.

107.Il est difficile d’échapper à l’enchaînement des punitions, qui est indissociable de systèmes sophistiqués de punitions informelles, parfois administrées par des « auxiliaires », qui participent à des mesures disciplinaires informelles en échange de récompenses de la part de l’administration carcérale. D’autres moyens informels d’intimidation existent, comme les menaces de viol, qui visent en particulier les détenus qui ne craignent pas de subir des conditions de détention plus dures, et de transfèrement vers des colonies pénitentiaires plus dures à titre de mesure de punition, ce qui suscite la peur et décourage les détenus de porter plainte. Ces systèmes officieux et officiels sont étroitement liés : en effet, les auxiliaires bénévoles provoqueraient parfois des conflits, qui déclenchent par suite une mesure disciplinaire officielle.

108. Le Sous-Comité rappelle que les punitions disciplinaires devraient faire l ’ objet d ’ une stricte proportionnalité et recommande de revoir le système de punition disciplinaire, dont les modalités actuelles sont de toute évidence excessives. En outre, les détenus devraient avoir la possibilité de contester les sanctions disciplinaires auprès d ’ un organe indépendant. L ’ imposition de sanctions pénales, en l ’ occurrence des peines de prison supplémentaires de plusieurs années, pour des infractions disciplinaires, est excessive et porte à croire à des lacunes du système pénitentiaire quant au traitement des infractions commises par les détenus. Compte tenu de ces constatations, le Sous-Comité recommande une révision de l ’ article 428 du Code pénal. Le Sous-Comité rappelle en outre que les sanctions disciplinaires ne devraient pas consister en une interdiction de contacts avec la famille et qu ’ aucun détenu ne devrait occuper dans la prison un emploi qui lui confère des pouvoirs disciplinaires .

4.Conditions

109.Dans l’ensemble, les conditions matérielles étaient conformes aux normes internationales et il n’y avait pas de surpopulation, bien que dans certains cas, les conditions dans les petites cellules et les cellules disciplinaires puissent être qualifiées de dégradantes. De surcroît, des structures hiérarchiques au sein de la population pénitentiaire semblent perdurer : ainsi, les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres et les intersexués, auparavant mis à part, sont désormais intégrés à la population générale, mais font toujours l’objet de stigmatisation. Une priorité trop importante est généralement accordée à la sécurité, comme en témoigne le nombre élevé d’agents chargés du maintien de la sécurité et de nombreuses mesures de contrôle et de comptage des détenus.

110.Peu de plaintes ont été enregistrées concernant la quantité de nourriture, bien que de nombreux détenus se plaignent de sa qualité. Dans les régions du nord du Kazakhstan, de nombreux détenus ont fait état de la rudesse du climat et d’un problème de manque de vêtements chauds.

111. Le Sous-Comité rappelle le paragraphe 2 de la règle 12 des Règles Nelson Mandela, qui exige que les dortoirs soient occupés par des détenus soigneusement sélectionnés.

5.Santé

112.Si les médicaments de base sont disponibles quasiment partout, les stocks de médicaments spécialisés et l’accès à une prise en charge spécialisée sont variables et parfois exagérément restreints, en particulier s’agissant des soins dentaires. Dans plusieurs établissements, l’administration a informé le Sous-Comité qu’il était difficile de recruter et qu’il fallait recourir à des médecins extérieurs. Il a été dit à plusieurs reprises à la délégation que l’administration carcérale n’envoyait pas les détenus souffrants dans des établissements de santé spécialisés. Dans les lieux visités, aucun traitement médicamenteux n’était disponible. Le traitement du VIH était géré par les centres régionaux de prise en charge du VIH.

113.Le Sous-Comité a constaté que les conditions dans les unités médicales étaient souvent plus strictes que dans les autres secteurs des colonies, les détenus n’ayant aucune activité. Il a également reçu des informations selon lesquelles la confidentialité des dossiers médicaux ne serait pas toujours respectée.

114. Le Sous-Comité recommande de veiller à ce que les détenus bénéficient de la même qualité de soins de santé que les personnes libres, sans discrimination, y compris l ’ accès à des dentistes . L ’ accès rapide aux soins médicaux en cas d ’ urgence doit être garanti, y compris par un transfert vers des établissements spécialisés ou des hôpitaux civils . La confidentialité des dossiers médicaux devrait être assurée . Les autorités sont vivement engagées à encourager les personnes atteintes de troubles liés à l ’ usage de drogues à participer volontairement à des programmes de traitement après que celles-ci aient donné leur consentement éclairé .

115. Le Sous-Comité recommande de prendre des mesures pour lutter contre la discrimination à l ’ égard des détenus sur le fondement de la maladie, notamment en veillant à ce que les personnes en unité médicale ne soient pas soumises à des conditions plus strictes que celles imposées aux autres détenus.

6.Personnes condamnées à la réclusion à perpétuité

116.Lors de la visite de l’établissement de sécurité spéciale UK-161/3 de Zhitykara, le Sous-Comité a dénombré 121 détenus condamnés à la réclusion à perpétuité, dont 28 avaient vu leur condamnation antérieure à la peine capitale commuée en réclusion à vie. Suite à l’abolition de la peine capitale et à la mise en place de la réclusion à perpétuité, le nombre de détenus purgeant des peines de réclusion à vie a continué d’augmenter. L’administration carcérale a informé le Sous-Comité que des quartiers supplémentaires réservés à ces détenus devaient être construits prochainement. Les deux bâtiments existants sont des quartiers de sécurité maximale.

117.Les détenus peuvent être soumis à des conditions strictes, courantes ou souples, ce qui détermine, entre autres, les sommes d’argent qu’ils peuvent dépenser, la durée de leurs promenades (entre une et deux heures) et le nombre de visites et de colis autorisés, par exemple, six colis, quatre visites courtes et quatre visites longues par an en cas de conditions souples, contre seulement deux colis et trois visites courtes par an en cas de conditions strictes. Le dispositif présente une autre caractéristique, à savoir que le passage de conditions strictes à des conditions assouplies a lieu au bout de dix ans : toute infraction conduit donc à une prolongation de conditions strictes de détention pour dix ans.

118.Le Sous-Comité a constaté que toutes les personnes condamnées à la réclusion à perpétuité étaient considérées comme dangereuses, ce qui entraînait de sévères mesures de sécurité, dont certaines stigmatisantes. Des descriptions détaillées des crimes commis sont affichées sur les portes des cellules. Les individus condamnés à la réclusion à perpétuité se voient remettre des uniformes spécifiques qui font état de leur statut ; lorsqu’ils se présentent, ils doivent décliner l’article du Code pénal qu’ils ont enfreint ainsi que la durée de leur peine.

119.La procédure de sortie de cellule, pour se rendre où que ce soit, s’accompagne de nombreux hurlements de la part des fonctionnaires ; le détenu est menotté et doit baisser la tête, et il est procédé à une vérification de sa bouche. L’ensemble de la procédure se déroule en présence de nombreux fonctionnaires lourdement armés et de gardiens munis de gilets pare-balles, qui escortent le détenu menotté jusqu’à la cour de promenade, d’où il est quasiment impossible de s’évader. Afin d’éviter de faire subir cette procédure à d’autres personnes, la délégation ne s’est entretenue qu’avec un détenu. Les détenus condamnés à la réclusion à vie ne sont autorisés à communiquer que depuis des cages situées dans le bureau du chef de section, y compris en cas de visite d’un médecin ou d’un ecclésiastique, ce qui est dégradant.

120.Si les conditions concernant notamment la lumière naturelle et la nourriture semblaient acceptables, les multiples épaisseurs de barreaux à l’intérieur des cellules et les lourdes portes verrouillées à plusieurs reprises semblaient en revanche excessives. Le matériel sportif était interdit. Les mesures de sécurité appliquées dans les cours de promenade étaient excessives et sur 10 cours visitées, une seule était équipée d’un banc pour les personnes handicapées. Il a été dit au Sous-Comité qu’en raison de « problèmes techniques », les prisonniers condamnés à la réclusion à vie n’avaient pas la possibilité de passer des appels téléphoniques.

121. Le Sous-Comité recommande une révision du traitement des détenus purgeant une peine de prison à vie afin de veiller à ce qu ’ il soit fondé sur une estimation individuelle des risques et non sur la peine. Le traitement doit être adapté aux besoins de cette catégorie de détenus et doit permettre le contact avec le monde extérieur.

122. Dans le même esprit, le Sous-Comité recommande de faire cesser l ’ importance excessive accordée à la sécurité et, en particulier, la procédure dégradante suivie pour faire sortir de leur cellule les détenus purgeant une peine de prison à vie, ainsi que le recours excessif à des mesures de sécurité systématiques.

123. Le Sous-Comité recommande également d ’ abolir la pratique de séparation des détenus purgeant une peine de prison à vie d ’ avec les détenus purgeant de longues peines. Comme c ’ est le cas pour tous les détenus, les objectifs premiers restent la réadaptation et la réinsertion. Par conséquent, le contact avec le monde extérieur ne devrait pas être restreint en fonction de la peine ou du régime disciplinaire.

7.Libération conditionnelle anticipée

124.Un service de probation a été créé en 2015 et un projet de loi définissant l’ensemble de ses attributions est en cours d’examen. Dans cette attente, le régime de la probation est de plus en plus utilisé : selon les autorités, plus de 20 000 personnes relèvent de ce régime. Le service de probation assiste les détenus sur le plan de l’aide sociale, de l’assurance maladie et de l’emploi.

125.Le Sous-Comité prend note des mesures prises depuis 2012 pour veiller à une application plus large de la libération conditionnelle anticipée, qui a pour but d’encourager les détenus à prendre part à des activités et à travailler, ce qui est positif pour leur dossier. Selon les autorités, en application d’une ordonnance spéciale de la Cour suprême, les juges doivent désormais autoriser la libération anticipée. Cependant, de nombreux détenus, en particulier dans les régions du nord du pays, avaient clairement le sentiment que les décisions relatives à une éventuelle libération anticipée étaient arbitraires et que seul un faible pourcentage des détenus en bénéficiait.

126.Par ailleurs, l’existence d’actions en justice pendantes peut constituer un obstacle à une libération conditionnelle anticipée. Compte tenu des salaires faibles (15 000 tenge, par exemple, dans les colonies pour femmes), il est difficile pour de nombreux détenus d’accumuler suffisamment d’argent pour rembourser leurs dettes, ce qui constitue un autre obstacle à leur libération. Le Sous-Comité a reçu des plaintes de ressortissants étrangers selon lesquelles leur demande de libération anticipée avait été rejetée par crainte qu’ils ne repartent dans leur pays d’origine.

127. Le Sous-Comité salue la mise en place d ’ un système de probation destiné à faciliter la réadaptation et la réinsertion sociales des détenus bénéficiant d ’ une libération anticipée. Il prend également acte du recours plus important à la libération conditionnelle anticipée, qui est un élément positif. Le Sous-Comité recommande davantage de transparence dans la mise en œuvre de ce type de libérations.

C.Femmes en détention

128.Comme c’est le cas dans d’autres colonies, les détenues de la colonie pour femmes du village de Zhaugashty dans la province d’Almaty vivaient en dortoirs. Dans cette colonie, les femmes accompagnées d’enfants de moins de 3 ans bénéficient d’un dispositif particulier grâce auquel elles peuvent passer la majeure partie de la journée avec leurs enfants. La loi autorise des « maisons pour enfants », dans lesquelles les conditions nécessaires à une vie normale et à l’épanouissement des enfants doivent être garanties. Hors des heures de travail, les condamnées peuvent y rendre visite à leurs enfants, sans restrictions. À la demande de la mère, ou au plus tard aux 3 ans de l’enfant, les enfants partent vivre chez des proches ou dans des orphelinats et les conditions habituelles et restrictives de visite s’appliquent alors.

129.De manière plus générale, le système pénitentiaire n’est pas suffisamment souple pour répondre aux besoins des femmes et, comme il y a moins de colonies réservées aux femmes, celles-ci sont souvent encore plus isolées de leur famille et leurs amis que les détenus de sexe masculin. Les femmes ont également indiqué qu’elles trouvaient les défilés et les parades difficiles.

130. Le Sous-Comité recommande d ’ autoriser les mères et leurs jeunes enfants à vivre ensemble dans des conditions les plus proches possible de la vie à l ’ extérieur. Compte tenu du paragraphe 3 de la règle 52 des Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), des mesures spéciales de transition visant à garantir le maintien du contact devraient être envisagées une fois que les enfants atteignent l ’ âge de 3 ans. Conformément à la règle 59 des Règles Nelson Mandela, les détenus devraient être placés, dans la mesure du possible, dans des prisons situées près de leur domicile.

D.Enfants en détention

131.Le Sous-Comité salue les nombreux efforts engagés pour réduire le nombre d’enfants en détention et les améliorations apportées concernant leur réinsertion et leur éducation. La délégation prend note des conditions globalement bonnes de la colonie juvénile d’Almaty, en particulier la présence importante de personnel spécialisé, la qualité des équipements médicaux et le bon accès à la scolarisation et à des installations sportives, ainsi que des efforts en faveur de la réadaptation et de la réinsertion des détenus. Il est également apparu que la cellule disciplinaire n’avait pas été utilisée depuis un certain temps. Parallèlement, certaines pratiques stigmatisantes perduraient, telles que le rasage forcé des cheveux et le port d’uniformes et de badges énumérant les crimes commis et la peine.

132.Lors de la visite de la délégation, quatre filles détenues dans la prison pour femmes l’étaient séparément des adultes et suivaient des cours. Les garçons détenus dans plusieurs centres de détention provisoire visités par le Sous-Comité partageaient leur cellule avec un ou plusieurs hommes adultes qui n’étaient pas de leur famille. Certaines de ces cellules, par exemple dans le centre de détention provisoire de Kostanaï, ne bénéficiaient d’aucune lumière naturelle ni d’aération.

133. S ’ agissant de la colonie juvénile visitée, le Sous-Comité recommande de prendre des mesures supplémentaires afin de veiller à ce que la vie au sein de l ’ établissement prépare les enfants à vivre à l ’ extérieur, en particulier par la mise en place de contacts plus réguliers avec la collectivité et l ’ arrêt de toutes les mesures stigmatisantes, parmi lesquelles le rasage des cheveux et le port d ’ uniformes et de badges. Lorsque des garçons sont placés en contact étroit avec des adultes, comme c ’ est le cas en détention provisoire, la décision doit en être prise dans leur intérêt supérieur et devrait s ’ inscrire, ainsi que le précisent les Règles minima des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, dans un programme spécial de traitement qui présente pour eux des avantages certains.

VII.Autres institutions relevant du mandat du Sous-Comité

Ministère de la santé

134.Le Sous-Comité a visité un certain nombre d’établissements psychiatriques et de centres de désintoxication. Selon des statistiques officielles, lors de la visite, environ 3 000 personnes étaient accueillies dans des établissements psychiatriques, de désintoxication et de prise en charge de la tuberculose. Dans tous les établissements que la délégation a visités, les conditions matérielles étaient satisfaisantes, même si elles ne permettaient aucune intimité, aucun élément décoratif ou espace de stockage privatif.

135.Le centre de soins de santé mentale d’Astana accueille des patients hospitalisés sous contrainte (ceux qui présentent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui) et cinq patients hospitalisés sur décision judiciaire. Le même formulaire est utilisé pour recueillir le consentement à l’hospitalisation et au traitement. Si un patient refuse un traitement, une commission interne à l’hôpital décide d’administrer ou non le traitement ; toutefois, le patient peut former un recours par voie d’avocat et bénéficier d’un service d’assistance aux patients. Les contentions mécaniques ne sont utilisées que sur ordre d’un médecin, dans de rares cas, mais aucun registre spécifique n’en est tenu. Le Bureau du Procureur effectue des inspections quotidiennes.

136. Le Sous-Comité recommande de recueillir le consentement à l ’ hospitalisation séparément du consentement au traitement et de mettre en place une commission indépendante de traitement des plaintes. Un registre spécifique de l ’ utilisation de mesures de contention devrait être mis en place et comporter tous les renseignements nécessaires, tels que l ’ identité de la personne ayant ordonné la contention, le motif, la durée et l ’ encadrement fourni, et l ’ approche thérapeutique devrait être individualisée. Le centre de soins de santé mentale d ’ Astana devrait également faire en sorte que les chambres de patients favorisent l ’ intimité et puissent être décorées.

137.Le Sous-Comité a également visité le centre de désintoxication pour alcooliques et toxicomanes d’Astana, qui peuvent y être placés sans leur consentement sur décision judiciaire. La durée maximale du traitement est de douze mois. Selon les détenus, il n’existe pas de véritable procédure d’appel, bien que l’article 132 du Code de la santé publique et du système de santé (loi no 193-IV) dispose qu’une décision qualifiant une personne d’alcoolique, de toxicomane ou de consommateur d’autres substances peut faire l’objet d’un recours auprès d’un établissement de santé de niveau supérieur ou d’un tribunal. Conformément à l’article 133 du Code précité, un toxicomane ou son représentant juridique a le droit de refuser une désintoxication médicale ou une réadaptation sociale à tout moment. Pareil refus doit être signé par le patient ou son représentant juridique et par le médecin.

138. En pratique, les personnes détenues dans les centres concernés ont indiqué qu ’ elles ne disposaient d ’ aucune possibilité de faire annuler les décisions les qualifiant de personnes abusant de substances nocives. Le Sous-Comité recommande la mise en place d ’ une véritable procédure de recours conforme au droit international.

Annexe I

[Anglais seulement]

List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee

Astana

Establishment ETs-166/1 (SIZO)

Strict regime establishment ETs – 166/10, Astana

Special regime establishment, ETs-166/5, Arshaly-2 village, Akmolinskaya Oblast

Investigation Isolator of Security Services, Astana

Temporary isolator (IVS), Astana

Reception dispatch center, Astana

Special reception centre, Astana

Adaptation center for adolescents, Astana

Medical center for mental health, Astana

Drug rehabilitation center, Astana

Police station 17

Police station 18

Police station 25

Investigation isolator of railways (SIZO)

Department of Internal Affairs of Saryarikinskiy rayon (ROVD)

Department of Internal Affairs of Esilskiy rayon (ROVD)

Department of Internal Affairs of Almaatinskiy rayon (ROVD)

Forensic center of Astana

Military isolation cells of military police of Astana

Kostanay

Investigation isolator, UK-161/1

Special security establishment – UK-161/3, Zhetygara

Central Police Station and temporary isolator IVS Kostanay – detention facilities moved to IVS Rudny

ROVD, Zatobolsk

Reception dispatch center, Zatobolsk

Temporary isolator, IVS, Rudny

Adaptation and detoxification centre, Zatobolsk

Pavlodar

Investigation isolator AP-162/1 (SIZO) (visited twice to prevent reprisals)

Temporary isolator (IVS) Pavlodar

UVD Pavlodar

Strict regime establishment AP-162/4

General regime establishment AP-162/3

Police station No. 10

Almaty

Establishment LA-155/1 (visited twice to prevent reprisals)

Correctional/educational establishment for minors LA 155/6

Investigation Isolator of National Security, Almaty

Temporary isolator, IVS, DVD Almaty

Department of National Anti – Corruption Bureau, Almaty

Women’s colony, LA-155/4, Zhaugashty village

Establishment LA-155/18, Almaty

UVD, Altanisky rayon

UVD, Zhetysuyskii Rayon

Establishment of strict security regime LA-155/8, Kapchagai

Psychiatric ward of the establishment LA-155/14, Kapchagai

GOVD Kopchagai

Annexe II

[Anglais seulement]

Officials and other persons with whom the delegation met

Abdiev Zhazbek Nietovich, Deputy Head of Department, Supreme Court;

Abdukarim Manshuk Sametovna, a.i. Chair of the Committee on Children’s Rights, Ministry of Education and Science;

Akhmetzhanov Marat Muratovich, Deputy Prosecutor General;

Amirov Mukharan Serikovich, Head of Investigation Department, Ministry of Internal Affairs;

Azimova Elvira Abilkhasimova, Deputy Minister of Justice;

Bashev Talgat Mamyrbekovich, Head of Department of Prevention and Control, State Revenues Committee, Ministry of Finance;

Berdalin Baurzhan Maratovich, Head of the Committee of the Criminal Execution System, Ministry of Internal Affairs;

Bisenkulov Berik Baibulovich, Deputy Minister of Internal Affairs;

Irgaliev Ruslan Iskandarovich, Director of the Department of International Law and Cooperation, Ministry of Justice;

Izanova Dinara Tulegenovna, Head of Division, Ministry of Foreign Affairs;

Kozhamberdiev Berik Myrzakhanovich, Deputy Head of Investigation Department, Ministry of Internal Affairs;

Kurmashaeva Dana Abylevna, Political Adviser to the Minister of Foreign Affairs;

Lepekha Igor Vladimirovich, Head of Administrative Police Department, Ministry of Internal Affairs;

Nurumov Askar Eltaevich, Deputy Head of the Investigation Isolator of the Committee of National Security;

Ospanov Kuat Kalievich, Head of Security Department, Ministry of Internal Affairs;

Rakhimov Rishat Akhmetovich, a.i. Director of the National Centre for Human Rights;

Satybaldiev Ruslan Kusainovich, Deputy Director of Forensic Medicine of the Ministry of Justice;

Shakirov Askar Orazalievich, Human Rights Commissioner of the Republic of Kazakhstan;

Shimomura Norimasa, UN Resident Coordinator/UNDP Resident Representative in Kazakhstan;

Suinbaev Serik Koisarievich, Head of Staff, Ministry of Internal Affairs;

Tanybekov Kairat Sagatkhanovich, Head of Operational Planning Department, Ministry of Internal Affairs;

Tastanova Aigul Kapanovna, Deputy Head of Medical Aid Department, Ministry of Health and Social Development;

Tlenov Yermek Kumisbekovich, a.i. Deputy Head of Special Department, State Anti-corruption Agency;

Zhanbirov Rustem Makatovich, Head of Public Safety Department of the Military Police, Ministry of Defense;

Zhangarashev Tleu Kasenovich, Deputy Head, State Revenues Committee, Ministry of Finance;

Members of the Coordinating Council and Heads of national preventive mechanism groups.