Nations Unies

CAT/C/VNM/CO/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

28 décembre 2018

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le rapport initialdu Viet Nam *

1.Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial du Viet Nam (CAT/C/VNM/1) à ses 1685e et 1688e séances (voir CAT/C/SR.1685 et SR.1688), les 14 et 15 novembre 2018, et a adopté les présentes observations finales à sa 1708e séance (voir CAT/C/SR.1708), le 29 novembre 2018.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie ainsi que des réponses orales et écrites qui lui ont été fournies en réaction à ses préoccupations.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adhéré aux instruments internationaux ci-aprèset les a ratifiés :

a)La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, le 11 août 1950 ;

b)La Convention relative à l’esclavage, le 14 août 1956;

c)Les Conventions de Genève relatives à la protection des victimes des conflits armés internationaux, le 28 juin 1957;

d)Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, le 19 octobre 1981;

e)La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 17 février 1982;

f)La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le 9 juin 1982;

g)Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le premier Protocole facultatif s’y rapportant, le 24 septembre 1982;

h)Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le 24 septembre 1982;

i)La Convention relative aux droits de l’enfant, le 28 février 1990;

j)La Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, le 19 décembre 2000;

k)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 20 décembre 2001;

l)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 20 décembre 2001;

m)La Convention des Nations Unies contre la corruption, le 19 août 2009;

n)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 8 juin 2012;

o)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 8 juin 2012;

p)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 5 février 2015.

4.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation dans des domaines intéressant la Convention, notamment l’adoption des textes suivants :

a)La loi sur la traite des êtres humains, qui interdit explicitement le travail forcé et l’exploitation sexuelle, en 2011;

b)La modification de la loi relative à la nationalité vietnamienne, qui facilite l’acquisition de la nationalité vietnamienne par les réfugiés et les apatrides, en 2014;

c)La modification de la loi relative à l’exécution des décisions de placement en garde à vue et en détention provisoire, qui prévoit notamment le droit aux visites des familles et à l’assistance d’un avocat, en particulier pendant les enquêtes de police, en 2015;

d)La modification de la loi relative à l’aide juridictionnelle, qui a étendu la liste des bénéficiaires de cette aide, en 2017 ;

e)Les modifications du Code pénal et du Code de procédure pénale qui, entre autres choses, prévoient le droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat à tous les stades de la procédure pénale, élargissent les possibilités d’accès à l’assistance gratuite d’un conseiller juridique et introduisent l’enregistrement vidéo et audio des interrogatoires des accusés par les autorités chargées des enquêtes dans les locaux officiels, en 2015, entrées en vigueur le 1er janvier 2018.

5.Le Comité salue également les initiatives que l’État partie a prises pour modifier ses politiques, programmes et mesures administratives afin de donner effet à la Convention, notamment :

a)Le Plan d’action national contre la traite des êtres humains (2011-2015) ;

b)Le projet, mené par le Ministère de la justice, de sensibilisation à la Convention, et l’organisation de formations pour le personnel chargé de diffuser les lois et d’enseigner les droits de l’homme en général, et en particulier le droit de ne pas être soumis à la torture, en 2015 ;

c)La création de tribunaux de la famille et des mineurs à Hô Chi Minh-Ville et dans la province de Dong Thap en application de la loi de 2014 sur l’organisation des tribunaux populaires (art. 30, 38 et 45), en 2016 ;

d)La diffusion, par le Ministère de l’information et de la communication, d’informations sur la Convention lors d’ateliers et de conférences organisés par le Ministère des affaires étrangères en 2014 et par le Ministère de la sécurité publique en 2016.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et incrimination de la torture en droit interne

6.S’il note que le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres infractions assimilables à la torture, telles que l’imposition de châtiments corporels et l’obtention de témoignages par la contrainte, est consacré par la Constitution et par d’autres lois, le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que la législation pénale de l’État partie, et en particulier la version modifiée du Code pénal, ne contient aucune disposition expressément consacrée à l’interdiction de la torture et ne définit pas ce crime. En outre, le Comité s’inquiète des informations selon lesquelles la législation de l’État partie ne couvre pas la commission d’actes de torture à l’instigation d’un agent de la fonction publique ou d’une autre personne agissant à titre officiel ou avec son consentement exprès ou tacite, comme le dispose l’article premier de la Convention (art. 1, 2 et 4).

7. L ’ État partie devrait :

a) Modifier la législation nationale, y compris le Code pénal de 2015, afin qu ’ elle couvre et incrimine expressément les actes de torture ;

b) Adopter une définition de la torture comprenant tous les éléments figurant à l ’ article premier de la Convention. À cet égard, l e Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  2 (2007) concernant l’application de l’article 2 , dont il ressort que si la définition de la torture en droit interne est trop éloignée de celle donnée dans la Convention, le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l ’ impunité (par. 9).

Punition du crime de torture et impunité

8.S’il note que l’article 9 du Code pénal de 2015 prévoit des peines d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans pour les infractions les moins graves, sept ans pour les infractions graves, quinze ans pour les infractions très graves et vingt ans pour les infractions les plus graves, voire la perpétuité ou la peine de mort pour ces dernières, le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que ces peines visent toutes les infractions, et pas seulement les infractions participant de la torture, qui sont de surcroît définies dans différents articles et de manière vague. Le Comité est également préoccupé par le fait qu’aux termes de l’article 373 du Code pénal, qui porte sur l’emploi de la torture, toute personne qui, dans le cadre d’une procédure judiciaire ou de l’exécution d’une mesure telle que l’enfermement dans un établissement correctionnel ou un centre de désintoxication, torture, traite brutalement ou insulte autrui de quelque manière que ce soit est passible d’une peine d’emprisonnement de six à trente-six mois que ne vient alourdir aucune circonstance aggravante. De ce fait, il est possible que la perpétration d’actes de torture dans les établissements correctionnels et les centres de désintoxication soit punie par six mois d’emprisonnement à peine (art. 1, 2 et 4).

9. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que, indépendamment de l ’ existence de circonstances aggravantes, le crime et la tentative de crime de torture soient passibles de peines appropriées et proportionnées à leur gravité, en application de l ’ article 4 (par. 2) de la Convention ;

b) Faire savoir au Comité si l ’ entrée en vigueur, le 1 er janvier 2018, de la version modifiée du Code pénal a entraîné une augmentation du nombre de cas de torture qui ont donné lieu à des poursuites, et s ’ il est envisagé de modifier encore ce code en vue de définir plus clairement et plus simplement les modalités de l ’ exercice de l ’ action pu blique dans les cas de torture.

Prescription du crime de torture

10.Le Comité est préoccupé par le fait que les infractions les moins graves sont prescrites après cinq ans et les infractions les plus graves après vingt ans, et que ces catégories peuvent inclure les actes de torture, ce qui peut entraîner l’impunité d’actes de torture et constituer une violation de la Convention (art. 1, 2 et 4).

11. L ’ État partie devrait modifier le Code pénal afin que le crime de torture soit imprescriptible et que tous les actes de torture puissent donner lieu à des poursuites et des sanctions indépendamment du laps de temps écoulé depuis leur perpétration. Il devrait également modifier la législation de sorte que les auteurs de crimes de torture ne puissent bénéficier d ’ aucune mesure d ’ amnistie ou de grâce.

Ordres émanant d’un supérieur hiérarchique et complicité dans des actes de torture

12.Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait que la loi sur les membres des forces populaires de sécurité publique, la loi sur les membres de l’armée du peuple et la loi sur les cadres et les fonctionnaires disposent que ces personnes sont tenues d’exécuter strictement les ordres, instructions et directives de leurs supérieurs et ne sont pas responsables des conséquences, mais doivent informer rapidement leurs supérieurs directs ou l’autorité dont les donneurs d’ordres relèvent si elles ont des raisons de penser que l’ordre donné est illicite ;

b)Le fait que le Code pénal prévoie que le complice, qui peut être l’organisateur, l’auteur, l’instigateur ou le complice par instigation, n’est pas tenu responsable du recours injustifié à la force par l’auteur, et que le complice d’actes de torture ou la personne qui participe à des infractions qualifiées de torture ou à des infractions connexes est pénalement responsable en fonction de son degré de participation et de la nature de celle-ci, en conséquence de quoi il est possible que la personne qui a ordonné la torture ne soit pas poursuivie.

13. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que le principe de l ’ interdiction absolue de la torture soit incorporé dans la législation nationale et strictement respecté, en application des dispositions de l ’ article 2 (par. 2) de la Convention ;

b) Veiller à ce que la législation nationale incrimine expressément la complicité de torture afin que toute personne ayant participé à des actes de torture, qu ’ elle en ait été organisatrice, instigatrice ou complice, voie sa responsabilité pénale engagée, même si elle n ’ est pas un agent de l ’ État et a seulement agi à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d ’ un tel agent  ;

c) Veiller à ce que le principe de la responsabilité d e celui qui donne des ordres ou du supérieur hiérarchique pour les actes de torture commis par ses subordonnés soit reconnu dans la législation nationale ;

d) Assurer la protection des subordonnés contre les représailles et les mesures de rétorsion qui pourraient leur être infligées par un supérieur hiérarchique parce qu ’ ils ont refusé d ’ obéir à un ordre contraire aux dispositions de la Convention, et notamment établir un mécanisme à cet effet ;

e) Veiller à ce que toutes les personnes reconnues coupables d ’ actes de torture fassent l ’ objet non seulement de mesures disciplinaires, mais aussi de poursuites pénales proportionnées à la gravité du crime commis ;

f) Faire en sorte que, dans le respect de l ’ article 2 (par. 3) de la Convention, l ’ obéissance aux ordres d ’ un supérieur ne puisse pas être invoquée pour justifier la torture, et garantir dans la pratique le droit de tous les policiers, militaires et autres fonctionnaires de refuser de se plier à l ’ ordre d ’ un supérieur dont l ’ exécution donnerait lieu à une violation de la Convention .

Allégations de torture et de mauvais traitements

14.Le Comité est gravement préoccupé par :

a)Les allégations faisant état de l’emploi généralisé de la torture et des mauvais traitements, en particulier dans les postes de police mais aussi dans d’autres lieux de privation de liberté ;

b)Les informations selon lesquelles, dans l’écrasante majorité des cas de torture signalés, les actes sont commis dans les commissariats de police, et visent à obtenir des aveux ou des informations qui serviront dans le cadre de procédures pénales, et entraînent parfois la mort en garde à vue des suspects quelques heures seulement après leur arrestation ;

c)Les informations selon lesquelles des médecins ont pris part à des actes de violence physique sur des détenus afin de les contraindre à avouer ou ont refusé de les soigner ;

d)Le faible nombre d’enquêtes et de poursuites dans les affaires de torture et de mauvais traitements, avec seulement 10 affaires de torture portées devant les tribunaux nationaux entre 2010 et 2015 ;

e)Les sources faisant état de représailles contre les victimes ou leurs proches lorsqu’elles se plaignent d’actes de torture (art. 2, 12, 13 et 16).

15. L ’ État partie devrait  :

a) Reconnaître et condamner publiquement et sans équivoque, au plus haut niveau, tous les actes de torture et les mauvais traitements infligés à toute personne privée de liberté  ;

b) Faire en sorte que des enquêtes soient systématiquement menées, que les responsables soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes, conformément à l ’ article 4 de la Convention, et que les victimes se voient accorder une réparation appropriée  ;

c) Instaurer un mécanisme indépendant chargé d ’ exercer un contrôle sur la police et les autres autorités concernées afin qu ’ il n ’ y ait aucun lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs et les auteurs présumés de faits, et veiller à ce que toute personne faisant l ’ objet d ’ une enquête pour actes de torture ou mauvais traitements soit immédiatement suspendue de ses fonctions et à ce que cette suspension soit maintenue tout au long de l ’ enquête, tout en garantissant le respect du principe de la présomption d ’ innocence  ;

d) Poursuivre et punir les médecins qui participent à des actes de violence physique sur des détenus ou qui refusent de leur fournir des soins médicaux  ;

e) Veiller à ce que les médecins suivent une formation obligatoire sur les Principes d ’ éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants  ;

f) Créer une base de données sur le nombre d ’ enquêtes ouvertes, de poursuites engagées, de condamnations prononcées, de sanctions imposées et de réparations accordées aux victimes de torture et aux membres de leur famille, et faire figurer ces données dans son prochain rapport au Comité.

Garanties juridiques fondamentales

16.S’il note que les modifications apportées au Code de procédure pénale ont renforcé les droits des personnes privées de liberté, notamment parce qu’elles ont établi le principe de la présomption d’innocence et garanti le droit de garder le silence, le droit d’être assisté par un conseil et le droit de présenter des éléments de preuve à décharge, le Comité est néanmoins préoccupé par les informations selon lesquelles les personnes privées de liberté ne bénéficient pas, dans la pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales, à savoir le droit d’être informées des motifs de leur arrestation et de leur détention, le droit de contacter des membres de leur famille ou d’autres personnes de leur choix pour leur signaler leur détention, le droit d’être examinées, à leur demande, par un médecin indépendant, le droit de bénéficier rapidement des services d’un avocat ou de l’aide juridictionnelle, et le droit de voir leur détention consignée sur un registre. Dans ce contexte, le Comité est gravement préoccupé par le fait que les personnes accusées d’atteintes à la sécurité nationale ne bénéficient pas dans la pratique de garanties juridiques telles que le droit d’être assistées d’un avocat et de contacter leur famille et sont donc détenues dans des conditions équivalant à celles de la détention au secret (art. 2).

17. L ’ État partie devrait :

a) Garantir que tous les détenus bénéficient, en droit et en pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur privation de liberté, notamment le droit d ’ être informés immédiatement des faits qui leur sont reprochés, le droit d ’ avoir rapidement accès à un avocat ou à l ’ aide juridictionnelle pendant toute la durée de la procédure, le droit d ’ informer un membre de leur famille ou toute autre personne de leur choix de leur arrestation ou de leur détention, le droit d ’ être, à leur demande, examinés par un médecin indépendant de leur choix, et le droit de faire consigner leur privation de liberté sur un registre à tous les stades de la détention ;

b) Établir un registre central sur lequel seront consignés tous les placements en détention à tous les stades de la privation de liberté, y compris les transfèrements entre établissements, et informer le Comité du type d ’ informations enregistrées et des mesures prises pour assurer la rigueur de la tenue de ce registre, qui est une importante garantie contre la détention au secret et la disparition forcée ;

c) S ’ assurer que tous les agents de l ’ État respectent les garanties juridiques fondamentales pour les détenus et ouvrir des enquêtes, lancer des poursuites et appliquer des sanctions en cas de manquement à cet égard  ;

d) Fournir des informations sur le nombre de plaintes reçues pour non ‑ respect des garanties juridiques fondamentales et sur la suite donnée à ces plaintes depuis l ’ entrée en vigueur de la version modifiée du Code de procédure pénale.

Application directe de la Convention par les juridictions nationales

18.Le Comité constate que, en cas de conflit entre la législation interne, à l’exception de la Constitution, et un traité international auquel le Viet Nam est partie, c’est le traité international qui prime, mais il est néanmoins préoccupé par le fait que, en l’absence de loi d’application, la Convention n’est pas directement applicable par les tribunaux nationaux (art. 2, 4 et 12).

19. L ’ État partie devrait :

a) Modifier sa législation de sorte que les dispositions pertinentes de la Convention soient pleinement et directement applicables dans la législation nationale et puissent être invoquées devant les tribunaux nationaux ;

b) Diffuser largement la Convention auprès de tous les fonctionnaires concernés, dans toutes les langues officielles et les autres langues utilisées.

Emploi excessif de la force et morts en détention

20.Le Comité est préoccupé par :

a)Les informations selon lesquelles nombre de personnes ont trouvé la mort pendant leur détention dans un établissement administré par la police. Le Comité s’inquiète en particulier du cas des 14 gardés à vue morts des suites de violences policières au cours de la période 2010-2014, des 4 personnes mortes de manière inexpliquée, également pendant leur garde à vue, et des 9 morts en garde à vue attribuées à un suicide ou à une maladie alors que le corps du défunt présentait des signes visibles ou des preuves de torture et de mauvais traitements, et est préoccupé par le fait que le nombre de cas de ce type serait en réalité bien plus élevé. À titre d’exemple, un mineur de 17 ans, Do Dang Du, soupçonné d’avoir commis une infraction parmi les moins graves, serait mort en détention le 5 février 2015 des suites de graves blessures à la tête et au corps infligées par trois de ses codétenus adolescents qui auraient été chargés de l’attaquer pendant sa garde à vue ;

b)Les informations selon lesquelles la police a fait un emploi excessif de la force lors de la dispersion des manifestations de juin 2018 et a notamment infligé de graves mauvais traitements et humiliations à certains manifestants (art. 2, 10 à 14 et 16).

21. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que tous les décès en détention et toutes les plaintes pour emploi excessif de la force, que ce soit dans des établissements ou dans la rue, donnent lieu rapidement à une enquête efficace et impartiale menée par un mécanisme indépendant , sans lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs et les auteurs présumés ;

b) Faire en sorte que les responsables présumés d ’ actes de torture ou autres mauvais traitements et de morts en détention soient relevés de leurs fonctions immédiatement et pour toute la durée de l ’ enquête, à plus forte raison lorsque le maintien en poste risque d ’ entraîner la récidive, et veiller à ce que les coupables se voient infliger une peine proportionnée à la gravité de leurs actes ;

c) Faire la lumière sur la mort en garde à vue de Do Dang Du et informer le Comité de ce qui s ’ est passé ;

d) Prendre des mesures de prévention, et notamment é tablir un mécanisme de contrôle , pour veiller à ce que, lorsqu ’ ils recourent à la force, les policiers respectent les principes de nécessité et de proportionnalité compte tenu de la situation, et aussi faire en sorte que les policiers suivent une formation obligatoire sur les Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois , l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement et l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ;

e) Établir une commission indépendante chargée de recevoir les plaintes des citoyens visant la police ;

f) Veiller à ce que toutes les victimes d ’ actes de torture et d ’ autres mauvais traitements bénéficient de mesures de réparation et de réadaptation, notamment d ’ une assistance médicale et psychologique, et à ce que les familles des défunts obtiennent réparation ;

g) Recueillir et communiquer au Comité des données statistiques nationales exhaustives sur le nombre de morts en détention, ventilées par lieu de privation de liberté, sexe, âge, appartenance ethnique ou nationalité du défunt et cause de la mort, ainsi que des données sur l ’ issue des enquêtes menées sur ces décès pendant la période considérée et sur toutes mesures de réparation accordées aux proches des victimes.

Détention de membres de communautés religieuses et ethniques dans des proportions démesurées

22.Le Comité est préoccupé par :

a)Le nombre disproportionné de détentions et le nombre élevé de décès en détention de membres de minorités ethniques et religieuses, en particulier celles qui vivent dans des régions reculées du pays, à la suite de tortures et de mauvais traitements dans les postes de police et autres lieux de privation de liberté, qui sont signalés;

b)Le traitement réservé à des personnes associées à des communautés religieuses ou ethniques minoritaires et, ensuite, leur décès suspect en détention, notamment:

i)Nguyen Huu Tan, un bouddhiste qui avait été arrêté et qui, selon la police, s’est suicidé pendant sa garde à vue. Ce décès n’a donné lieu à aucune enquête indépendante et la famille du détenu a fait l’objet de représailles de la part de la police locale après s’être plainte auprès des autorités;

ii)Ma Seo Sung, un chrétien hmong arrêté et détenu par la police, qui se serait suicidé par pendaison et dont la famille a également reçu des menaces de représailles;

iii)Le pasteur Ksor Xiem de l’Église évangélique des Montagnards, décédé de blessures subies en garde à vue;

iv)Y Ku Knul, un chrétien montagnard mort alors qu’il était en état d’arrestation et dont le corps présentait des signes de chocs électriques;

c)La situation des dirigeants de l’Église bouddhique unifiée du Viet Nam, parmi lesquels Thich Quang Do, qui serait assigné à résidence dans un monastère (art. 1er, 2, 11 à 14 et 16).

23. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que le traitement des membres des communautés religieuses et ethniques par des agents de l ’ État ou d ’ autres personnes agissant à titre officiel ne soit fondé sur aucune forme de discrimination contraire à la Convention  ;

b) Faire en sorte que tous les cas présumés de torture et de mauvais traitements infligés par des responsables de l ’ application des lois, tous les décès en détention et toutes les plaintes pour emploi excessif de la force donnent lieu rapidement à une enquête efficace et impartiale, que les auteurs présumés soient immédiatement relevés de leurs fonctions pendant la durée de l ’ enquête, à plus forte raison lorsque le maintien en poste risque d ’ entraîner la récidive, et que les coupables se voient infliger une peine proportionnée à la gravité de leur crime ;

c) Faire la lumière sur les décès en garde à vue du bouddhiste Nguyen Huu Tan, du chrétien hmong Ma Seo Sung, du pasteur Ksor Xiem de l ’ Église évangélique montagnarde et du chrétien montagnard Y Ku Knul , et informer le Comité de ce qui s ’ est passé ;

d) Fournir des informations actualisées sur la situation de Thich Quang Do, dirigeant de l ’ Église bouddhique unifiée du Viet Nam.

Détention provisoire

24.Le Comité est préoccupé par le recours généralisé et prolongé à la détention provisoire. Il constate avec inquiétude, même si la détention provisoire des suspects aux fins d’enquête ne doit pas dépasser deux, trois ou quatre mois, respectivement, pour les infractions mineures, les infractions graves, et les infractions très graves et particulièrement graves, que ces périodes de détention peuvent être prolongées et que les suspects en détention provisoire, en particulier ceux qui sont accusés d’atteinte à la sécurité nationale, peuvent dans la pratique être détenus au secret et pour des périodes beaucoup plus longues. Le Comité est gravement préoccupé par le fait que le Code de procédure pénale ne prévoit pas de recours contre les décisions de détention provisoire et ne permet pas de faire réexaminer la légalité de ces décisions par un tribunal (art. 2, 11 et 16).

25. L ’ État partie devrait :

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que la pratique de la détention provisoire soit étroitement surveillée afin qu ’ elle ne devienne pas systématique et généralisée, que cette détention ne soit pas prolongée arbitrairement et qu ’ en cas d ’ atteinte présumée à la sécurité nationale, elle n ’ entr aîne pas de détention au secret  ;

b) Modifier le Code de procédure pénale afin de prévoir la possibilité de faire appel des décisions de détention provisoire et de faire réexaminer ces décisions par un tribunal ;

c) Surveiller le recours à la détention provisoire et faire en sorte que les personnes en détention provisoire soient séparées des condamnés , que les mineurs ne soient pas détenus avec des adultes  et que cette forme de détention ne soit utilisée qu ’ en dernier recours ;

d) Promouvoir des mesures de substitution à la détention provisoire, conformément aux R ègles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo).

Détention administrative

26.Le Comité constate avec préoccupation que des personnes considérées comme une menace pour la sécurité, l’ordre social ou la sûreté publique mais dont la responsabilité pénale n’est pas engagée peuvent être placées, sans faire l’objet d’un jugement, dans des établissements de détention administrative, y compris des établissements d’enseignement obligatoire, des maisons de redressement, des centres de protection sociale et des centres de désintoxication obligatoire. Il est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles ces détenus ne jouissent pas de garanties juridiques fondamentales telles que l’accès à un avocat et la notification des membres de la famille et ne bénéficient pas des mêmes conditions de détention que les autres personnes privées de liberté et, dans certains de ces établissements, les détenus sont obligés de travailler de longues heures. Le Comité constate également avec inquiétude que dans ces établissements, les personnes peuvent être détenues sans faire l’objet d’un jugement pendant plusieurs années, dans des conditions qui peuvent s’apparenter à une détention au secret (art. 2, 11 et 16).

27. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De fournir des informations sur le nombre et le type d ’ établissements et d ’ institutions où des personnes sont placées en détention administrative sans procès , ainsi que sur le nombre et le profil de ces détenus ;

b) De veiller à ce que les personnes placées en détention administrative jouissent de s garanties juridiques fondamentales , telles que l ’ accès à un avocat ou à l’ aide juridictionnelle et le droit d ’ informer leur famille de leur détention , et à ce que leurs conditions de détention et de traitement ne soient pas moins bonnes que celles des autres personnes privées de liberté ;

c) De prévoir une procédure judiciaire, et pas seulement administrative, pour placer des personnes dans ces institutions et de veiller à ce que la détention administrative ne remplace pas la détention pénale ordinaire ;

d) De veiller à ce que toutes les personnes placées en détention administrative aient le droit de faire appel de ce placement.

Irrecevabilité des déclarations obtenues par la torture

28.Le Comité prend note des récentes modifications apportées à la législation, mais il est gravement préoccupé par les informations faisant état d’une pratique généralisée de la torture et des mauvais traitements contre les personnes privées de liberté en vue de leur extorquer des aveux et d’autres informations. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles, de 2010 à 2015, les tribunaux populaires n’ont eu à connaître d’aucune affaire de recours à la contrainte pour obtenir un témoignage, ni de corruption ou de pression exercée sur autrui pour le déterminer à faire une fausse déposition ou produire des documents falsifiés. Le Comité s’inquiète également des informations selon lesquelles des détenus sont contraints de signer des déclarations préparées à l’avance par des agents de l’État ainsi que de lire des aveux en public, et des procureurs et juges d’instruction n’enquêteraient pas sur les allégations de torture et de mauvais traitements. Il s’inquiète en outre de ce que des aveux de suspects obtenus par la torture auraient donné lieu à des condamnations à mort (art. 2 et 15).

29. L ’ État partie devrait :

a) Modifier son droit interne, notamment le Code de procédure pénale, en vue de garantir en droit et en fait qu ’ aucun aveu obtenu par la torture ou par des traitements cruels, inhumains ou dégradants ne puisse être invoqué comme preuve, sauf contre les personnes qui ont commis de tels actes ;

b) Veiller à ce qu ’ en pratique, les tribunaux déclarent irrecevable tout élément de preuve obtenu par la torture , et à ce que les procureurs et les juges enquêtent sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, et poursuivent les auteurs de tels actes ;

c) Poursuivre et punir tous les agents de l ’ État qui ont permis que des éléments de preuve soient obtenus par la torture et les personnes qui fournissent de faux témoignages et de faux documents ;

d) Veiller à ce que tous les agents de la force publique, les enquêteurs, les magistrats et les médecins soient pleinement informés des dispositions de la Convention concernant l ’ irrecevabilité en justice des aveux obtenus par la contrainte ;

e) Informer le Comité de toutes les affaires qui ont été classées sans suite au cours de la période considérée parce que des preuves avaient été obtenues par la torture.

Conditions de détention

30.Le Comité est préoccupé par les informations concernant les éléments suivants :

a)L’augmentation spectaculaire, ces dernières décennies, du taux d’incarcération et de la population carcérale dans l’État partie ;

b)Les conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires qui ne répondent pas aux normes internationales minimales ; il est fait état notamment de l’absence d’installations sanitaires et d’hygiène appropriées, du manque d’éclairage et de ventilation, de l’insuffisance de la qualité et de la quantité de nourriture, du manque d’exercice physique à l’extérieur, de l’inadéquation des soins de santé et de la forte surpopulation, conditions qui peuvent être assimilées à des mauvais traitements, voire à de la torture ; dans certains cas, les choses seraient délibérément laissées en l’état pour punir encore davantage les détenus ;

c)L’utilisation de « salles de sécurité » et de « salles disciplinaires » où les détenus peuvent être placés à l’isolement ou en petits groupes pendant des périodes pouvant aller jusqu’à trois mois et le recours à des châtiments corporels, à l’entravement et à des mesures disciplinaires sévères contre les détenus par des agents pénitentiaires ou d’autres détenus qui agissent sous leurs ordres ;

d)Les restrictions en matière de communication entre les détenus et avec la famille, les transfèrements punitifs, parfois multiples, de détenus entre plusieurs centres de détention, de sorte qu’ils sont éloignés de leur famille, sans avoir la possibilité d’en informer celle-ci, et le vol par le personnel pénitentiaire de denrées alimentaires, de médicaments et d’effets personnels envoyés aux détenus par leur famille ;

e)La médiocrité des soins médicaux, la négligence et l’interruption délibérée du traitement médical par le personnel médical pénitentiaire, la non-séparation des détenus en bonne santé de ceux qui sont atteints de maladies contagieuses et le manque d’indépendance des médecins employés par l’administration pénitentiaire ;

f)La soumission des prisonniers dissidents à la torture psychologique et l’administration de drogues et de médicaments non prescrits ayant des effets néfastes ;

g)La soumission des prisonniers au travail à l’usine et dans les champs ainsi que dans des secteurs industriels dangereux tels que la transformation des noix de cajou (art. 2, 11 et 16).

31. L ’ État partie devrait :

a) P rendre d ’ urgence toutes les mesures nécessaires pour améliorer les conditions matérielles dans tous les lieux de privation de liberté, y compris s’agissant de la surpopulation, conformément aux Règles Nelson Mandela , et envisager de recourir à des mesures de substitution à l ’ emprisonnement conformément aux Règles de Tokyo afin de réduire la population carcérale ;

b) A bolir la pratique consistant à se servir des mauvaises conditions de détention pour punir encore davantage les détenus , et veiller à ce que les condamnés à mort soient soumis au même régime que les autres détenus ;

c) Ét ablir des règles strictes pour l ’ utilisation des «  salles de sécurité  » et des «  salles disciplinaires  » et s ’ abstenir de recourir à des châtiments corporels, à l ’ entravement et à des mesures disciplinaires sévères , et informer les agents pénitentiaires qu ’ eux-mêmes et les détenus agissant sous leurs ordres seront tenus responsables des actes de torture et des mauvais traitements qui auront été commis ;

d) É viter de recourir à des transfèrements punitifs pour éloigner les détenus de leur famille ;

e) Veiller à ce que le personnel pénitentiaire soit en nombre suffisant et dispose des capacités voulues pour gérer les établissements pénitentiaires ;

f) Faire en sorte, au moyen d’une gestion rigoureuse des stocks, que le personnel pénitentiaire ne vole pas les denrées alimentaires et les effets personnels envoyés aux détenus par leur famille , que les détenus reçoivent des soins médicaux et des médicaments appropriés et que le personnel pénitentiaire ne leur refuse pas délibérément les médicaments envoyés par leur famille ;

g) E mbaucher davantage de médecins et d ’ infirmiers compétents et investis dans leur travail et veiller à ce que les détenus qui en ont besoin soient rapidement adressés à un spécialiste et à ce que des ambulances soient disponibles pour les transporter ;

h) V eiller à ce que le personnel médical pénitentiaire ne refuse pas délibérément un traitement médical et ne se livre pas à des actes de négligence, et assurer l ’ indépendance des médecins employés par des établissements pénitentiaires ;

i) F aire en sorte que les détenus ne contractent pas de maladies infectieuses en détention, notamment en séparant les détenus en bonne santé de ceux qui souffrent de maladies contagieuses graves ;

j) M ettre en place le dépistage médical des détenus dès leur arrivée en détention , et notamment repérer rapidement les cas de mauvais traitements et de torture, et prendre des mesures pour fournir un traitement approprié aux personnes infectées par le VIH/sida, l ’ hépatite et la tuberculose, ainsi qu ’ aux personnes ayant des handicaps psychosociaux ;

k) V eiller à ce qu’aucun prisonnier , y compris les prisonniers dissidents, ne soit soumis à la torture ou à l ’ administration de drogues et de médicaments non prescrits ayant des effets néfastes sur leur santé.

Condamnés à mort

32.Le Comité est préoccupé par les informations concernant les souffrances physiques et psychologiques que subissent des personnes condamnées à mort en raison de l’extrême dureté de leurs conditions de détention, qui peuvent être assimilées à des actes de torture ou à des mauvais traitements, notamment l’isolement dans des cellules non ventilées, le manque d’aliments et de boissons, l’enchaînement 24 heures sur 24 et le fait d’être soumises à des actes de violence physique ; il arrive ainsi souvent que ces détenus se suicident ou développent des troubles psychologiques (art. 2, 11 et 16).

33. L ’ État partie devrait prendre d ’ urgence des mesures pour rendre les conditions matérielles de détention des personnes condamnées à mort équivalentes à celles qui prévalent pour les autres détenus et les mettre en conformité avec les R ègles Nelson M andela, notamment en garantissant l ’ accès à des aliments et à des boissons en quantité suffisante et la possibilité réelle d ’ avoir des contacts avec d ’ autres personnes, sans faire l ’ objet d ’ entraves, et en protégeant ces condamnés à mort contre la violence physique.

Surveillance des lieux de détention

34.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas mis en place un système national de surveillance et d’inspection indépendantes de tous les lieux de détention et de réception des plaintes. Il est en outre préoccupé par l’absence de visites d’organisations internationales, notamment par le fait que le Comité international de la Croix-Rouge n’a pas accès aux prisons (art. 2, 11 à 13 et 16).

35. L ’ État partie devrait :

a) Envisager d’adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture ;

b) M ettre en place un mécanisme national qui permette de surveiller et d ’ inspecter sans préavis et de manière indépendante, efficace et régulière tous les lieux de détention , qui permette de s ’ entretenir en privé avec les détenus et de recevoir des plaintes  et qui jouisse d ’ une indépendance institutionnelle . Ce mécanisme devrait rend r e compte publiquement de ses conclusions et être en mesure d ’ aborder avec les autorités la question des conditions de détention ou des comportements qui sont assimilables à des actes de torture ou des mauvais traitements ;

c) D onner à des organisations indépendantes, en particulier le Comité international de la Croix-Rouge , accès à tous les centres de détention du pays.

Châtiments corporels infligés aux enfants

36.Le Comité constate avec préoccupation que l’administration de châtiments corporels aux enfants à la maison, dans les structures de protection de remplacement et dans les garderies n’est pas interdite (art. 2 et 16).

37. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier sa législation afin d ’ interdire expressément l’administration de châtiments corporels aux enfants dans tous les contextes, y compris à la maison et en particulier dans les institutions publiques, du fait d ’ actes ou d ’ omissions d ’ agents de l ’ État ou d ’ autres personnes qui engagent la responsabilité de l ’ État au regard de la Convention. Dans ce contexte, il invite l ’ État partie à inclure une disposition interdisant les châtiments corporels dans tous les contextes dans un amendement à la loi sur l es enfants (2017) .

Expulsion, asile et assurances diplomatiques

38.Le Comité constate avec préoccupation que la législation de l’État partie ne contient pas de dispositions spécifiques concernant la non-expulsion des personnes qui doivent être expulsées pour des raisons pénales ou administratives lorsqu’il y a des motifs de croire qu’elles pourraient être soumises à la torture dans le pays de retour, ce qui pourrait constituer une violation de la Convention et du principe de non‑refoulement. En outre, il s’inquiète de ce que l’État partie ne dispose pas d’une loi sur l’asile ou d’un système de protection des réfugiés. Enfin, il relève avec préoccupation que l’État partie a accepté des assurances diplomatiques dans de tels cas (art. 3).

39. L ’ État partie devrait :

a) Se doter d ’ une législation en matière d ’ asile et mettre en place un système national d ’ asile assurant un accès rapide à des procédures justes et efficaces de détermination du statut de réfugié, conformément aux normes internationales ;

b) Désigner ou créer un organisme public qui serait chargé de recevoir et d ’ instruire les requêtes des demandeurs d ’ asile et des autres personnes pouvant avoir besoin d ’ une protection internationale ;

c) Demander l ’ assistance du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) afin de dispenser des formations sur le droit des réfugiés et les procédures de détermination du statut de réfugié ;

d) Se conformer à l ’ obligation de non-refoulement qui lui incombe au titre de l ’ article 3 de la Convention en veillant, avant toute expulsion pour raisons pénales ou administratives , à examiner comme il se doit la situation des personnes concernées afin d ’ éviter qu ’ elles soient renvoyées vers des pays où elles risqueraient d ’ être soumises à la torture ;

e) Examiner de manière approfondie le bien-fondé de chaque cas individuel d ’ expulsion, y compris la situation générale en ce qui concerne la torture dans le pays concerné.

Formation et instruction

40.Tout en constatant que les capacités juridiques et professionnelles des agents de la fonction publique sont inégales et que les autorités compétentes rencontrent certains problèmes de gestion et de formation des cadres, le Comité est préoccupé par l’absence grave de compétences et de capacités d’enquête des agents publics compte tenu du grand nombre de cas d’aveux obtenus par la contrainte et de décès suspects en détention. Il remarque également avec préoccupation que les policiers et les autres membres des forces de l’ordre, les enquêteurs, le personnel judiciaire, les militaires et le personnel pénitentiaire ne reçoivent pas de formation sur les dispositions de la Convention, et notamment sur l’interdiction absolue de la torture. Le Comité constate en outre avec préoccupation que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) n’est pas inclus dans la formation obligatoire du personnel médical et des autres personnes qui peuvent intervenir dans la garde, l’interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit (art. 10).

41. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que les policiers et les membres des forces de l ’ ordre, les enquêteurs, le personnel judiciaire, les militaires et le personnel pénitentiaire reçoivent une formation et une instruction sur les dispositions de la Convention et en particulier sur l ’ interdiction absolue de la torture ;

b) Dispenser aux enquêteurs une formation spécifique sur l ’ utilisation de méthodes d ’ enquête et d ’ interrogatoire non coercitives et conformes aux normes internationales, afin qu ’ ils évitent de commettre des actes qui peuvent être assimilés à de la torture ;

c) Faire savoir à tous les agents publics concernés que les violations de la Convention ne seront pas tolérées et feront l ’ objet d ’ enquêtes et de poursuites ;

d) Veiller à ce que le personnel médical et les autres personnes qui peuvent intervenir dans la garde, l ’ interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit reçoivent une formation obligatoire sur le Protocole d ’ Istanbul ;

e) Élaborer et appliquer une méthode permettant de mesurer l ’ efficacité et les effets de cette formation.

Collecte de données

42. Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ établir un système efficace de collecte de données statistiques au niveau national, ventilées par sexe, âge, appartenance ethnique ou nationalité, lieu, statut socioéconomique et autre statut pertinent, qui devraient fournir des informations sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites, les procès et les condamnations relatives à des actes de torture ou des mauvais traitements, ainsi que sur les mesures de réparation, en particulier d’ indemnisations et de réadaptation, prises en faveur des victimes ou de leurs proches. Ce système devrait en outre inclure des informations ventilées sur le recours à la peine de mort et le nombre de condamnés à mort, sur l ’ ensemble de la population carcérale, y compris le nombre de détenus non condamnés, et sur la traite des personnes.

Procédure de suivi

43. Le Comité demande à l ’ État partie de lui faire parvenir au plus tard le 7 décembre 2019 des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée à ses recommandations concernant les enquêtes sur tous les cas de recours excessif à la force, y compris les cas de torture et de mauvais traitements par les membres des forces de l ’ ordre et les décès en détention, sur la création d ’ un registre central dans lequel seront consignés tous les placements en détention à tous les stades de la privation de liberté, et sur l’engagement de poursuite s et la prise de sanction s contre tous les agents de l ’ État qui auraient permis que des éléments de preuve soient obtenus par la torture, y compris les personnes ayant fourni de faux témoignages et de faux documents (voir par. 21 a), 17 b) et 29 c) ci-dessus). Dans ce contexte, l ’ État partie est invité à informer le Comité des mesures qu ’ il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d ’ ici à la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

44. Le Comité encourage l ’ État partie à étudier la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention et à envisager de retirer toute déclaration qui limite la portée de la Convention.

45. Le Comité invite l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention ainsi que les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie.

46. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inviter le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Groupe de travail sur la détention arbitraire et le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l ’ homme à visiter le pays.

47. L ’ État partie est invité à soumettre son document de base commun conformément aux instructions qui figurent dans les directives harmonisées pour l ’ établissement des rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (HRI/GEN.2/Rev.6).

48. Le Comité invite l ’ État partie à envisager d ’ avoir recours au soutien technique et aux activités de renforcement des capacités et de formation proposées par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme et, selon les cas, par le HCR.

49. L ’ État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l ’ intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales, et à informer le Comité des activités de diffusion menées.

50. Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le deuxième, le 7 décembre 2022 au plus tard. À cette fin, il invite l ’ État partie à accepter d ’ ici au 7 décembre 2019 la procédure simplifiée d ’ établissement des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité communique à l ’ État partie une liste de points avant que celui-ci ne soumette le rapport attendu. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront alors le deuxième rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 19 de la Convention.