Trente-sixième session

7-25 août 2006

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes : Jamaïque

Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de la Jamaïque (CEDAW/C/JAM/5) à ses 745e et 746e séances, le 11 août 2006 (voir CEDAW/C/SR.745 et 746). La liste des points et des questions soulevés par le Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/JAM/Q/5 et les réponses de la Jamaïque sous la cote CEDAW/C/JAM/Q/5/Add.1.

Introduction

Le Comité se félicite du cinquième rapport périodique de l’État partie, qui a été établi conformément aux directives du Comité concernant l’élaboration de rapports périodiques, tout en notant qu’il ne renvoie pas aux recommandations générales du Comité et ne comporte pas encore suffisamment de données ventilées par sexe. Le Comité remercie également l’État partie de ses réponses écrites aux points et questions soulevés par son groupe de travail présession, de sa déclaration liminaire et des autres précisions apportées en réponse aux questions posées oralement par le Comité.

Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif ayant eu lieu entre ses membres et la délégation, qui a permis de cerner l’évolution de la situation dans l’État partie depuis la présentation de son rapport en 2004, et a tenu compte des précédentes observations finales du Comité et davantage fait la lumière sur l’état actuel de mise en œuvre de la Convention.

Le Comité note que l’État partie a conscience du rôle joué dans le pays par un certain nombre d’organisations non gouvernementales et d’organisations communautaires de femmes qui l’aident dans ses efforts pour éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie de s’être engagé au plus haut niveau à adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et prend acte avec satisfaction du calendrier retenu pour sa ratification mentionné par la délégation.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir modifié en 2004 la loi sur la violence dans les foyers et adopté la même année la loi sur la propriété (droits des époux) et en 2005 la loi sur l’obligation d’entretien. Il prend acte en outre de l’adoption en 2004 de la loi sur les soins à apporter aux enfants et leur protection et de la ratification en décembre 2005 de la Convention de Belém do Pará, de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Le Comité se félicite de la création en 2004 d’un comité consultatif national sur les femmes qui se compose de représentants de ministères et organismes gouvernementaux, d’ONG, d’universitaires et d’intellectuels, de femmes vivant en milieu rural et de jeunes, et fournit des avis au Gouvernement. Il note avec satisfaction que le comité a mis au point une politique nationale sur l’égalité des sexes.

Le Comité félicite l’État partie des progrès accomplis dans le domaine de l’éducation des filles.

Le Comité loue l’État partie d’avoir réduit le taux de mortalité maternelle, qui est passé de 111 pour 100 000 en 2000 à 95 pour 100 000 en 2005, et se félicite de la création d’une commission nationale d’examen de la mortalité.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant l’obligation qui incombe à l’État partie de mettre en œuvre de façon systématique et continue l’ensemble des dispositions de la Convention, le Comité estime que l’État partie doit accorder toute son attention aux sujets de préoccupation et recommandations figurant dans les présentes observations finales entre le moment présent et la présentation du prochain rapport périodique. Il appelle par conséquent l’État partie à faire porter ses efforts sur ces domaines dans ses activités de mise en œuvre et de faire rapport sur les mesures prises et les résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Il lui demande de soumettre les présentes conclusions à tous les ministères compétents ainsi qu’au Parlement, afin d’en assurer la pleine application.

Le Comité est préoccupé par le manque ou l’insuffisance de données ventilées par sexe ayant trait à un certain nombre de domaines de la Convention, nécessaires à l’élaboration de politiques ciblées, ainsi que d’activités de suivi et d’évaluation systématiques des progrès réalisés en vue de parvenir à l’égalité de fait des sexes, d’évaluer précisément la situation des femmes et les tendances dans le temps pour ce qui est de tous les domaines abordés par la Convention.

Le Comité prie l’État partie d’accorder la priorité à la collecte systématique de données générales ventilées par sexe et d’indicateurs quantifiables permettant d’évaluer les tendances concernant la situation des femmes et les progrès réalisés sur la voie de l’égalité de fait des sexes, et appelle son attention à cet égard sur la recommandation générale n o  9. Il invite l’État partie à faire appel à l’assistance de la communauté internationale pour la collecte et l’analyse desdites données, notamment par le biais de ses services nationaux de statistique , et à s’assurer que les efforts déployés répondent aux besoins des utilisateurs des données. Il demande l’inclusion dans le prochain rapport périodique du pays de données statistiques ventilées par sexe et par région – rurale ou urbaine, portant notamment sur l’impact des mesures prises et résultats obtenus, et d’une analyse de ces données.

Le Comité reste profondément préoccupé par la persistance d’attitudes patriarcales marquées et de stéréotypes bien ancrés concernant les rôles, les responsabilités et l’identité des femmes et des hommes dans tous les domaines de la vie, qui sont discriminatoires à l’égard des femmes. La persistance de ces valeurs étaye la discrimination contre les femmes à maints égards et favorise la tolérance vis-à-vis de la violence sexiste et de la promiscuité des hommes. Le Comité déplore qu’aucune mesure durable et systématique n’ait encore été prise par l’État partie pour modifier ou éliminer les stéréotypes et les valeurs et pratiques culturelles négatives qui constituent une discrimination à l’égard des femmes, les empêchent de jouir de leurs droits de l’homme et continuent de constituer un grave obstacle à la pleine mise en œuvre de la Convention.

Le Comité engage l’État partie à mettre en place sans plus tarder une stratégie d’ensemble assortie d’objectifs clairs et de calendriers afin de modifier ou d’éliminer les pratiques culturelles négatives et les stéréotypes qui constituent une discrimination vis-à-vis des femmes, conformément à l’alinéa f) de l’article 2 et à l’alinéa a) de l’article 5 de la Convention. Il prie instamment l’État partie de prendre ces mesures en coordination avec toute une série de parties prenantes et dans tous les secteurs de la société en vue de créer un environnement propice à la transformation des stéréotypes et des valeurs et pratiques culturelles discriminatoires et de faire en sorte que les femmes sont à même de jouir de tous les droits que leur accorde la Convention. Il demande également instamment à l’État partie de mettre en place des mécanismes de suivi et d’évaluer régulièrement les progrès accomplis sur la voie de la réalisation des objectifs fixés.

Le Comité note avec beaucoup de préoccupation la portée, l’intensité et la prévalence de la violence contre les femmes, en particulier la violence sexuelle, à la Jamaïque. Il craint que le caractère inadéquat des dispositions prises sur le plan juridique, la persistance de stéréotypes dévaluant les femmes, l’insuffisance de la formation du personnel de l’appareil de justice pénale et l’absence de mesures coercitives permettant de lutter contre la violence à l’égard des femmes n’aient contribué à l’instauration d’un climat d’impunité de fait, entravant l’accès des femmes à la justice. Le Comité, tout en notant que l’État partie s’est employé à remédier à ce type de violence contre les femmes, notamment en modifiant la loi sur la violence dans les foyers et en ratifiant la Convention de Belém do Pará, constate avec préoccupation qu’à ce jour, le problème n’a pas encore été abordé de manière globale et systématique et que les mesures conçues pour lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et y mettre un terme ne sont pas appliquées dans la pratique. Le Comité note également avec inquiétude que les stéréotypes sexistes prévalents, la culture patriarcale, ainsi que l’image machiste des hommes peuvent contribuer aux niveaux importants de violence s’exerçant contre les femmes. Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des recours judiciaires qui s’offrent aux victimes et le manque de services et de protection dont elles peuvent bénéficier et de l’absence de sanctions effectives imposées aux auteurs de ce type de violence.

Le Comité prie l’État partie d’accorder une attention prioritaire à la conception et à la mise en œuvre d’une stratégie globale de lutte contre la violence à l’égard des femmes et d’élimination de cette dernière, conformément à la recommandation générale n o  19 visant à prévenir la violence, à punir les délinquants et à fournir des services aux victimes. Une stratégie de ce type devrait également comprendre des mesures de sensibilisation, en particulier du personnel judiciaire, des fonctionnaires chargés de l’application des lois et des procureurs ainsi que des enseignants, du personnel de santé et des travailleurs sociaux et des médias. Il appelle l’État partie à faire en sorte que les lois existantes soient effectivement appliquées, et que les projets de loi soient adoptés et mis en œuvre à titre prioritaire. Il encourage également l’État partie à lier les efforts qu’il déploie pour lutter contre les stéréotypes sexistes existants avec les initiatives menées en vue de combattre la violence contre les femmes. Il l’appelle en outre à créer un mécanisme de suivi et d’évaluation lui permettant d’évaluer régulièrement l’impact et l’efficacité des programmes visant à faire appliquer la loi et à prévenir la violence contre les femmes et à remédier au problème. Il encourage l’État partie à fournir des informations sur les progrès réalisés et les obstacles restant à franchir dans son prochain rapport périodique. Le Comité lui recommande par ailleurs d’inviter le Rapporteur spécial sur la violence à l’égard des femmes, ses causes et ses conséquences , qui peut aider le Gouvernement à entreprendre de porter remède comme il convient à la situation tout en continuant à collaborer avec les partenaires du système des Nations Unies et autres organisations internationales, régionales et sous-régionales .

Le Comité note avec préoccupation que le mécanisme national de promotion de la femme n’a pas encore les moyens ni le pouvoir nécessaires pour coordonner la mise en œuvre effective de la Convention et d’une stratégie générale de prise en compte des sexospécificités à la Jamaïque. Tout en prenant acte de la création du Comité consultatif national sur les femmes chargé de formuler une politique nationale sur l’égalité des sexes, le Comité est préoccupé par le temps nécessaire à sa formulation et à son adoption. Il est également préoccupé par le fait que la stratégie de prise en compte des sexospécificités ne soit pas suffisamment utilisée, bien qu’une directive en la matière ait été publiée par le Cabinet en 1996.

Le Comité appelle l’État partie à faire du renforcement du mécanisme national une priorité et à le doter des ressources humaines et financières dont il a besoin et du pouvoir et du mandat politique et organisationnel lui permettant de servir de catalyseur et de coordonner la mise en œuvre de la Convention et de la stratégie de prise en compte des sexospécificités dans l’ensemble des ministères d’exécution et des secteurs. Il demande également que soient parachevées et appliqués rapidement les propositions concernant les arrangements institutionnels et les instruments nécessaires, et le plan de mise en œuvre de la politique nationale sur l’égalité des sexes récemment mise au point. Il prie en outre l’État partie de suivre systématiquement l’impact de ses efforts de prise en compte des sexospécificités et de faire part au Comité dans son prochain rapport des résultats obtenus, des obstacles rencontrés et des mesures prises pour surmonter ces obstacles.

Tout en se félicitant du fait que le projet d’amendement à la Constitution introduisant une charte des droits et des libertés interdise également la discrimination fondée sur le sexe dans sa section 13 3) i) i), le Comité note avec préoccupation que cet amendement ne semble pas comporter de définition de la discrimination à l’égard des femmes, conformément à l’article premier de la Convention, ni couvrir la discrimination tant directe qu’indirecte et les actes des acteurs publics et privés, conformément à l’article 2. Le Comité regrette également les retards importants pris dans l’adoption du projet de charte des droits et des libertés (amendement à la Constitution), devant modifier la disposition antidiscriminatoire de la constitution actuelle.

Le Comité demande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte, avec le Parlement, que le projet de charte des droits et des libertés soit adopté rapidement. Il encourage également l’État partie à pleinement intégrer dans les textes d’application nationale appropriés une définition de la discrimination fondée sur le sexe, conformément à l’article premier de la Convention, et couvrent les actes de discrimination des acteurs publics et privés, conformément à l’article 2. Le Comité invite l’État partie à pleinement utiliser le processus d’examen juridique en cours pour s’assurer que la définition de la discrimination, telle qu’elle existe dans la Convention, est intégrée le plus rapidement possible.

Tout en notant l’adoption récente de l’amendement à la loi sur la violence dans les foyers, la loi sur la propriété et la loi sur l’obligation d’entretien, le Comité demeure préoccupé par les délais importants (plus de 15 ans) accumulés pour éliminer les dispositions discriminatoires, combler les lacunes législatives et adopter des lois permettant au cadre juridique du pays de s’aligner pleinement sur les dispositions de la Convention, et la faible priorité accordée aux réformes juridiques en la matière. Le Comité note en particulier le retard pris dans l’adoption d’amendement à la loi de 1864 sur les délits contre la personne, à la loi de 1948 sur l’inceste (répression) et la loi de 1975 sur l’emploi (égalité des hommes et des femmes en matière de salaire) et l’absence de législation concernant le harcèlement sexuel.

Le Comité demande instamment l’abrogation ou la modification sans délai de toutes les dispositions législatives discriminatoires, conformément à l’article 2 de la Convention, et prie l’État partie de combler les lacunes législatives et d’adopter toute autre loi nécessaire pour aligner pleinement le cadre juridique du pays sur les dispositions de la Convention. Il encourage l’État partie à établir un calendrier précis, à sensibiliser les législateurs et à appeler l’attention du public sur la nécessité de mener en priorité des réformes juridiques permettant d’établir une égalité de jure , entre les hommes et les femmes.

Le Comité est préoccupé par le fait que la Convention n’a pas encore été invoquée devant les tribunaux, et les pouvoirs judiciaires ne sont pas suffisamment familiarisés avec la Convention et les obligations qui incombent à l’État partie à ce titre.

Le Comité demande à l’État partie de s’assurer que la Convention et l’obligation d’interpréter la législation nationale dans le cadre de cette dernière font partie intégrante de l’éducation et de la formation des membres des professions judiciaires, notamment les juges, les avocats et les procureurs. Le Comité prie l’État partie de lui indiquer si la Convention a déjà été invoquée devant les tribunaux nationaux dans son prochain rapport périodique .

Le Comité est préoccupé par la question de l’accès des femmes à la justice et du respect de leurs droits au titre de la Convention et leur possibilité d’obtenir réparation auprès des tribunaux conformément à l’alinéa c) de l’article 2. Il note que l’accès des femmes à la justice est entravé par le fait que les victimes d’actes de discrimination ou de violence sexiste ne peuvent bénéficier d’une aide judiciaire et que la culture juridique ne favorise pas l’égalité des sexes et la non-discrimination.

Le Comité demande à l’État partie de s’assurer que la sensibilisation aux sexospécificités fait partie intégrante de l’éducation et de la formation du personnel judiciaire, notamment des juges, avocats, procureurs et conseillers juridiques afin d’instaurer fermement dans le pays une culture juridique favorisant l’égalité des sexes et la non-discrimination. Il invite l’État partie à sensibiliser les femmes à leurs droits grâce à des programmes leur permettant d’acquérir des notions élémentaires de droit et à faire bénéficier d’une aide judiciaire celles qui souhaitent intenter une action pour discrimination et autres questions ayant trait à l’égalité, notamment en matière de droit civil et de droit familial. Il encourage également l’État partie à continuer de s’employer à largement diffuser et faire connaître la Convention, en particulier la signification et la portée de la discrimination directe et indirecte et de l’égalité de principe et de fait. Le Comité prie l’État partie de faire rapport sur les progrès réalisés à cet égard dans son prochain rapport périodique.

Le Comité note avec préoccupation qu’aucune mesure spéciale temporaire n’a été mise en place par l’État partie pour accélérer la réalisation de l’égalité de fait des hommes et des femmes, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, et que le Gouvernement ne comprend pas bien l’objectif et la nécessité des mesures temporaires spéciales prévues par la Convention.

Le Comité réaffirme sa recommandation faite à l’État partie dans ses précédentes observations finales concernant la compréhension et l’utilisation de mesures temporaires spéciales et prie instamment l’État partie d’utiliser ce type de mesures, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, et à la recommandation générale n o  25 du Comité pour accélérer la réalisation de l’égalité de fait des sexes. Il prie le Gouvernement d’inclure des informations sur le recours à ce type de mesures temporaires spéciales au titre des diverses dispositions de la Convention dans son prochain rapport périodique.

Tout en constatant avec satisfaction que la Jamaïque est gouvernée par son Premier Ministre de sexe féminin, le Comité est préoccupé par la faible participation des femmes à la vie publique et politique aux niveaux les plus élevés du processus de prise de décisions et par le manque de mesures concrètes prises pour remédier aux causes profondes, notamment les attitudes sociales et culturelles prévalentes.

Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre des mesures concrètes afin d’accélérer l’augmentation du nombre de femmes représentées à tous les échelons et niveaux du G ouvernement , conformément aux dispositions de l’article 7 de la Convention et à celles de sa recommandation générale n o  3 sur les femmes dans la vie politique et publique. Il devrait notamment recourir à des mesures temporaires spéciales conformément aux termes du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de la recommandation générale n o  25 du Comité , comme l’établissement d’objectifs et de délais précis . Le Comité se félicite de l’adoption, avec la participation du Service des affaires féminines, d’une résolution parlementaire prévoyant l’instauration d’un système de quotas et encourage l’État partie à en tenir pleinement compte. Il encourage également l’État partie à mener des campagnes visant à sensibiliser l’opinion à l’importance que revêt, pour la société dans son ensemble, la représentation à part entière, à égalité, de la femme aux postes de direction à tous les niveaux. Le Comité invite l’État partie à contrôler attentivement les effets des mesures prises et les résultats obtenus et à les lui présenter dans son prochain rapport périodique.

Le Comité félicite l’État partie de ses réalisations dans le domaine de l’éducation des filles et des femmes mais il juge préoccupante la persistance, dans les faits, d’obstacles structurels tels que la ségrégation fondée sur le sexe, notamment les emplois du temps croisés et les chevauchements dans les emplois du temps qui, en pratique, empêchent les filles de suivre les cursus généralement réservés aux garçons, ce qui réduit les possibilités d’évolution professionnelle des femmes sur le marché de l’emploi. Il juge également préoccupante la persistance de stéréotypes sexistes dans les manuels et les programmes scolaires et dans les méthodes d’enseignement, car elle renforce les comportements de caractère discriminatoire contre les femmes dans la société.

Le Comité demande à l’État partie de renforcer les mesures prises pour lutter, par l’intermédiaire du système éducatif, contre les causes structurelles de la persistance de la discrimination à l’égard des femmes. Il demande à l’État partie de mettre fin rapidement et concrètement à la ségrégation de facto existant dans le système éducatif, d’encourager activement la diversification des choix éducatifs et professionnels proposés aux femmes et aux hommes et d’offrir des avantages aux jeunes femmes souhaitant poursuivre des études dans les domaines traditionnellement réservés aux hommes. Le Comité demande à l’État partie d’établir un calendrier précis en vue de l’introduction d’un programme éducatif et de méthodes d’enseignement respectueux de l’égalité des sexes contribuant à éliminer les causes structurelles et culturelles de la discrimination à l’égard des femmes et d’introduire, avant l’emploi et en cours d’emploi, une formation sensibilisant les enseignants au principe d’égalité des sexes. Il invite également l’État partie à étudier systématiquement l’incidence des mesures prises compte tenu des objectifs fixés et à prendre des mesures correctives si nécessaire.

Le Comité juge préoccupant que des femmes ayant un niveau d’études élevé restent sous-payées et sous-employées et qu’elles subissent, sur le marché de l’emploi, une ségrégation à motivation sexiste à la fois horizontale et verticale. Il déplore également l’absence de législation interdisant le harcèlement sexuel au travail et la situation précaire des employées de maison qui n’ont droit à l’allocation d’un congé de maternité au titre du Programme d’assurance national (NIS) qu’à certaines conditions.

Le Comité encourage l’État partie à commencer de collecter des données réparties par secteur et par sexe sur le marché du travail, à étudier l’absence de lien entre le niveau d’études élevé des femmes et leur situation professionnelle et à prendre des mesures visant à instaurer des conditions permettant aux femmes d’obtenir des postes de direction bien payés. Il demande à l’État partie d’adopter rapidement une loi interdisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et d’adopter l’amendement de la loi sur la condition féminine (égalité des salaires des hommes et des femmes), ainsi que de surveiller la situation réelle des femmes sur le lieu de travail, notamment l’allocation de congés de maternité aux employées de maison au titre du Programme d’assurance national.

Le Comité note avec préoccupation que le rapport ne contient pas de données sur l’accès des femmes aux soins de santé primaires et secondaires et, en l’absence de preuves concrètes du contraire, craint que les besoins différents et particuliers des femmes – en dehors des soins obstétriques et de santé procréative – ne soient pas pris en compte. Le Comité note également avec préoccupation l’absence de données sur l’efficacité des politiques facilitant l’accès des adolescents des deux sexes aux services de planification familiale et de contraception et sur la connaissance de ces services par le public, au vu du taux toujours élevé, chez les adolescentes, de grossesses aboutissant souvent à des avortements non médicalisés. Rappelant que l’avortement est l’une des cinq principales causes de mortalité maternelle et notant qu’en 1975 le Ministère jamaïcain de la santé a adopté une politique en matière d’avortement, le Comité constate avec préoccupation que cette politique n’est ni connue de la population ni appliquée et que les services d’avortement médicalisé ne sont pas toujours disponibles. S’il se félicite des travaux de prévention du sida, d’amélioration de la santé et des droits des femmes en matière de procréation et de sexualité que la Jamaïque mène avec le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida et d’autres organismes internationaux, le Comité note avec préoccupation l’augmentation continue du pourcentage d’adolescentes atteintes du sida et l’absence de stratégie globale de lutte contre l’expansion de l’épidémie. Il regrette que l’État partie ne lui ait pas fourni d’information sur l’efficacité avec laquelle le Plan stratégique national de lutte contre le VIH, le sida et les MST pour la période 2002-2006 a permis de réduire les taux d’infection et l’absence apparente d’indicateurs vérifiables qui permettraient d’évaluer l’efficacité du Plan.

Le Comité demande à l’État partie de s’assurer systématiquement que les femmes ont accès aux soins , notamment les soins primaires et secondaires et que ces données soient ventilées entre les zones urbaines et rurales et par âge et utilisées pour planifier les soins. Tout en notant l’établissement du Groupe consultatif national sur l’avortement et la politique existante relative à l’avortement permettant aux femmes d’interrompre leur grossesse dans de bonnes conditions, le Comité invite l’État partie à appliquer cette politique et à la faire connaître. Il lui demande également d’adopter sans attendre un projet de loi qui encadr er ait cette politique sur le plan juridique. Il recommande à l’État partie de poursuivre ses initiatives de sensibilisation aux questions relatives à la santé des femmes, portant notamment sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, et d’axer ces initiatives sur les adolescentes en mettant l’accent sur la lutte contre le sida. Le Comité encourage une utilisation plus systématique de la recommandation générale n o  24, relative aux femmes et à la santé. Il prie également l’État partie d’adopter des mesures visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes et des filles malades du sida. Il demande au Gouvernement d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations, étayées par des indicateurs mesurables et des données ventilées par sexe, sur l’efficacité des programmes visant la réduction de l’épidémie de VIH/sida et l’amélioration de l’accès à la planification familiale.

Le Comité regrette la méconnaissance de l’effet sur les femmes, en particulier les femmes rurales, des programmes d’ajustement économique et de libéralisation du commerce, qui sont source de pauvreté. Il juge également préoccupantes les conditions de vie difficiles des femmes rurales, en particulier à l’intérieur des terres. Tout en prenant note des nombreuses interventions menées en faveur des femmes rurales, le Comité juge préoccupant que ces actions semblent isolées et davantage orientées vers la garantie du minimum vital que vers l’autonomisation des femmes rurales, ce qui indique l’absence d’une approche intégrée de l’application de l’article 14 de la Convention. Tout en notant que l’État partie accorde un rang de priorité élevé au Programme national d’élimination de la pauvreté, le Comité regrette que le rapport ne contienne aucune donnée décrivant les incidences de ce programme sur la situation des femmes.

Le Comité demande à l’État partie de suivre systématiquement les effets sur la situation des femmes, notamment les femmes rurales, des programmes d’ajustement économique et de libéralisation du commerce – et en particulier du programme national d’élimination de la pauvreté, et d’autres mesures de réduction de la pauvreté. À cette fin, il recommande à l’État partie de lancer une étude des différents effets de toutes ces politiques et du budget national sur les femmes et sur les hommes. Il recommande à l’État partie de mettre au point une approche intégrée prévoyant l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en vue d’appliquer aux femmes rurales les dispositions de l’article 14 de la Convention et de lui présenter les résultats obtenus dans le prochain rapport périodique.

Le Comité juge préoccupant qu’aux termes de la loi sur le mariage, l’âge légal du consentement au mariage soit de 16 ans, avec l’autorisation des parents ou d’un tuteur. Tout en prenant note de la réponse de la délégation indiquant que peu de mariages de jeunes de moins de 18 ans sont officiellement célébrés, il craint que de tels mariages puissent être effectivement célébrés.

Le Comité demande à l’État partie de faire passer sans retard à 18 ans l’âge légal du mariage, conformément aux dispositions de sa recommandation générale n o  21 et de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il demande également que le phénomène des grossesses précoces soit suivi et que des programmes de prévention des grossesses précoces soient exécutés, ainsi que des programmes prévoyant la prestation de services sociaux aux adolescentes enceintes et les aidant à poursuivre leurs études.

Le Comité espère que l’État partie adhérera promptement au Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et demande à l’État partie d’accepter dès que possible l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la durée des réunions du Comité.

Le Comité demande instamment à l’État partie, dans le cadre de ses obligations au titre de la Convention, d’utiliser au mieux la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie d’inclure des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne en outre que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) passe par l’application intégrale et effective de la Convention. Il demande que le souci de l’égalité des sexes et les dispositions de la Convention soient expressément pris en considération dans tous les efforts visant à parvenir aux OMD et prie l’État partie de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité note que l’adhésion des États aux sept grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme permet aux femmes d’exercer plus pleinement leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage donc le Gouvernement jamaïcain à envisager de ratifier les instruments auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leurs familles.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient diffusées largement pour que la population jamaïcaine, et notamment les membres du Gouvernement, la classe politique, les parlementaires, et les organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, aient conscience des mesures prises pour assurer l’égalité des femmes en droit et en fait, ainsi que des nouvelles mesures qui sont nécessaires à cet égard. Il prie également l’État partie de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de son Protocole facultatif, de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et du Document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, dont le thème était intitulé « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle ».

Le Comité prie l’État partie de traiter des sujets de préoccupation soulevés dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra en vertu de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à présenter en 2009, sous forme d’un rapport unique, son sixième rapport périodique prévu en 2005 et son septième rapport périodique prévu en 2009.