* Adopté par le Comité à sa soixante-troisième session (15 février-4 mars).

Observations finales concernant le rapport unique du Japon valant septième et huitième rapports périodiques *

Le Comité a examiné le rapport unique du Japon valant septième et huitième rapports périodiques (CEDAW/C/JPN/7-8) à ses 1375e et 1376e séances, le 16 février 2016 (voir CEDAW/C/SR.1375 et 1376). On trouvera dans le document CEDAW/C/JPN/Q/7-la liste des points et questions soulevés par le Comité, et dans le document CEDAW/C/JPN/Q/7-8/Add.1 les réponses du Gouvernement japonais.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté son rapport unique valant septième et huitième rapports périodiques; il remercie également l’État partie de ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par son groupe de travail présession ainsi que de l’exposé oral fait par la délégation japonaise et des nouveaux éclaircissements apportés aux questions que lui-même avait posées oralement au cours du dialogue.

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir envoyé une importante délégation placée sous la conduite de M. Shinsuke Sugiyama, Vice-Ministre des affaires étrangères, et qui comprenait des représentants de divers ministères et organismes gouvernementaux, dont le Ministère de la justice, le Ministère des affaires étrangères, le Ministère de l’éducation, de la culture, des sports, de la science et de la technologie, le Ministère de la santé, du travail et de la protection sociale, le Bureau du Cabinet, la police nationale et la Mission permanente du Japon auprès de l’Organisation des Nations Unies à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès enregistrés depuis l’examen, en 2009, du sixième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/JPN/6) en matière de réformes législatives, et notamment de l’adoption des textes ci-après :

a)Version révisée de 2014 de la loi relative à l’emploi à temps partiel destinée à améliorer le traitement des travailleurs à temps partiel, dont la plupart sont des femmes;

b)Loi de 2015 sur la promotion de la participation et l’avancement des femmes dans l’emploi;

c)Loi de 2014 relative à la réglementation et à la répression d’actes liés à la prostitution d’enfants et à la pédopornographie, et à la protection des enfants;

d)Loi de 2013 modifiant la loi relative à la lutte contre le harcèlement;

e)Loi de 2012 sur les enfants et l’aide liée à la garde des enfants.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre législatif visant à accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir les droits des femmes, notamment grâce à l’adoption des textes ci-après :

a)Plan d’action de 2014 pour la lutte contre la traite d’êtres humains;

b)Stratégie de 2013 relative à la revitalisation du Japon;

c)Troisième plan de base pour l’égalité des sexes de 2010;

d)Quatrième plan de base pour l’égalité des sexes de 2015.

Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci-après depuis l’examen du rapport périodique précédent :

a)Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2014;

b)Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

Le Comité souligne le rôle crucial du pouvoir législatif dans la garantie d ’ une mise en œuvre pleine et entière de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses liens avec les parlementaires qu ’ il a adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le parlement à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales d ’ ici à la présentation du prochain rapport au titre de la Convention.

Statut juridique de la Convention, visibilité et ratification du Protocole facultatif s’y rapportant

Le Comité note qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article 98 de la Constitution de l’État partie, les traités qui sont conclus et promulgués ont un effet juridique car faisant partie du droit interne. Le Comité s’inquiète cependant du fait que la Convention n’ait pas été entièrement intégrée au droit national et que, le 28 mars 2014, la Haute Cour de Tokyo ait décidé que la Convention n’était pas directement applicable ou ayant automatiquement force de loi. Le Comité s’inquiète également de ce qui suit :

a)En dépit des efforts de sensibilisation réalisés par l’État partie, les dispositions de la Convention n’y sont pas suffisamment connues;

b)Aucune information n’a été fournie concernant les délais dans lesquels l’État partie se propose de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention;

c)Les recommandations antérieures du Comité (CEDAW/C/JPN/CO/6) n’ont pas été pleinement appliquées par l’État partie.

Le Comité exhorte l ’ État partie à  :

a) Intégrer pleinement les dispositions de la Convention au droit national;

b) Intensifier les programmes existants de sensibilisation à la Convention et aux recommandations générales du Comité lui-même ainsi qu ’ aux droits fondamentaux des femmes auprès des parties prenantes concernées dans l ’ État partie, notamment les agents de l ’ État, les parlementaires, les membres des professions juridiques, les agents des services chargés de faire respecter la loi et les dirigeants communautaires;

c) Envisager de ratifier le Protocole facultatif et de former les membres des professions juridiques et des services chargés de faire respecter la loi à la jurisprudence du Comité liée au Protocole facultatif;

d) Envisager d ’ adopter un plan d ’ action national relatif à la mise en œuvre des présentes observations finales du Comité comportant des cibles et des indicateurs bien définis.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité reste préoccupé par l’absence d’une définition explicite de la discrimination à l’égard des femmes englobant à la fois la discrimination directe et indirecte dans les domaines public et privé, conformément à l’article 1 de la Convention. Il rappelle que l’absence d’une définition de cette nature constitue un obstacle à la pleine application de la Convention dans l’État partie.

Le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/JPN/CO/6 , par. 22) et exhorte l ’ État partie à adopter une définition explicite et détaillée de la discrimination à l ’ égard des femmes, conformément à l ’ article premier de la Convention, afin de garantir aux femmes une protection contre la discrimination à la fois directe et indirecte dans tous les domaines de la vie.

Lois discriminatoires et manque de protection juridique

Le Comité regrette que ses précédentes recommandations concernant l’existence de dispositions discriminatoires n’aient pas été suivies d’effet. Il est particulièrement préoccupé par ce qui suit :

a)Le Code civil contient toujours des dispositions discriminatoires concernant l’âge minimum du mariage, qui est respectivement de 16 ans pour les femmes et de 18 ans pour les hommes;

b)Le Code civil interdit toujours, mais aux femmes seulement, de se remarier pendant un certain temps après un divorce, bien que la Cour suprême ait ramené cette période de 6 mois à 100 jours;

c)Le 16 décembre 2015, la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité de l’article 750 du Code civil, qui exige que les couples mariés utilisent le même nom de famille, ce qui oblige souvent les femmes, dans la pratique, à adopter le nom de leur mari;

d)Malgré l’abolition, en décembre 2013, de la disposition qui constituait une discrimination à l’égard des enfants nés hors mariage en matière d’héritage, diverses dispositions discriminatoires subsistent, notamment celle de la loi sur le registre de famille qui comporte une description discriminatoire dans la notification de naissance; et

e)Il n’existe aucune loi antidiscriminatoire détaillée portant sur la discrimination croisée dont sont victimes les femmes issues de diverses minorités ethniques qui doivent fréquemment affronter le harcèlement, la stigmatisation et la violence.

Le Comité réitère ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/JPN/CO/5 et CEDAW/C/JPN/CO/6 ) et exhorte l ’ État partie à prendre immédiatement les mesures suivantes  :

a) Modifier le Code civil en vue de fixer l ’ âge minimum du mariage à 18 ans pour les femmes, comme il l ’ est pour les hommes, à réviser la législation concernant le choix du nom de famille de manière à autoriser les femmes à garder leur nom de jeune fille, et à abolir tout délai que les femmes devraient observer avant de pouvoir se remarier après un divorce;

b) Abroger toutes les dispositions discriminatoires concernant les enfants nés hors mariage et veiller à ce que la loi les protège ainsi que leur mère contre la stigmatisation et la discrimination au sein de la société;

c) Promulguer un ensemble de lois pour interdire les formes multiples/croisées de discrimination à l ’ égard des femmes appartenant à divers groupes minoritaires et les protéger contre le harcèlement et la violence, conformément à la recommandation générale n o  28 (2010) sur les obligations fondamentales des États parties aux termes de l ’ article 2.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité se dit à nouveau préoccupé par le fait que l’État partie n’ait pas établi une institution nationale indépendante des droits de l’homme, conformément aux principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) dotées d’un large mandat comprenant notamment la protection contre les multiples formes de discrimination.

Le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/JPN/CO/6 , par. 24) visant à ce que l ’ État crée, dans des délais bien précis, une institution nationale indépendante de défense des droits de l ’ homme conformément aux Principes de Paris, en veillant à ce que son mandat s ’ étende aux droits des femmes et à l ’ égalité des femmes et des hommes.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité note l’information communiquée par l’État partie selon laquelle « la loi portant création du Bureau du Cabinet » précise les missions confiées au Ministre d’État pour l’égalité des sexes en tant que responsable du mécanisme national de promotion de la femme. Il s’inquiète toutefois que les rôles respectifs du Conseil pour l’égalité des sexes et de la Conférence de liaison pour la promotion de l’égalité entre les sexes ne soient pas clairement définis. Le Comité s’inquiète également du manque de clarté concernant la coordination et la mise en œuvre des politiques, notamment en matière de budgétisation favorisant l’égalité des sexes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à renforcer le mécanisme national de promotion de la femme en précisant les rôles respectifs des différents éléments qui le composent afin de lui permettre de mener efficacement ses activités, notamment en matière d ’ intégration des questions d ’ égalité des sexes et de budgétisation favorisant l ’ égalité des sexes.

Mesures spéciales temporaires

Le Comité note les efforts réalisés par l’État partie pour intégrer des objectifs chiffrés dans les troisième et quatrième plans de base sur l’égalité des sexes afin d’accélérer la réalisation de l’égalité de facto entre les sexes. Le Comité s’inquiète toutefois de l’absence de mesures spéciales temporaires, notamment de quotas, pour lutter contre la sous-représentation des femmes, y compris dans les minorités ethniques et autres, à des postes de direction dans les secteurs public et privé ainsi que dans la vie politiques, en particulier au parlement. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que, plutôt que des quotas obligatoires, l’État partie continue à utiliser des initiatives volontaires et autres incitations moins efficaces telles que des évaluations majorées pour les sociétés dans les appels d’offres dans les marchés publics.

Le Comité réitère sa recommandation antérieure (CEDAW/C/JPN/CO/6, par. 28) et demande instamment à l’État partie d’envisager d’adopter, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa propre recommandation générale no 25 (2004), des mesures spéciales temporaires comme stratégie nécessaire pour accélérer la concrétisation d’une large égalité entre les hommes et les femmes, et en particulier pour renforcer les droits des femmes appartenant à des minorités ethniques et autres ainsi que des femmes handicapées dans tous les domaines auxquels s’applique la Convention.

Stéréotypes et pratiques néfastes

Le Comité demeure préoccupé par la persistance des attitudes patriarcales et des stéréotypes profondément enracinés sur les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société. Il relève en particulier avec préoccupation que :

a)Ces stéréotypes continuent d’être véhiculés par les médias et les manuels scolaires, ce qui a une incidence sur le choix des filières d’enseignement et le partage des responsabilités et des tâches ménagères au sein du foyer entre les femmes et les hommes;

b)Les médias dépeignent souvent les femmes et les hommes de manière stéréotypée et présentent la femme comme un objet sexuel;

c)Les stéréotypes constituent toujours les causes profondes des actes de violence sexuelle dont les femmes sont victimes, et la pornographie, les jeux vidéo et les dessins animés tels que les mangas encouragent la violence sexuelle à l’égard des femmes et des filles;

d)Les femmes et, notamment, les femmes de minorités ethniques telles que les Aïnous, les Burakumin et les Zaïnichis coréens ainsi que les immigrées continuent d’être la cible de propos sexistes.

Le Comité réitère la recommandation qu ’ il a faite précédemment ( CEDAW/C/JPN/CO/6 , par. 30) et invite instamment l ’ État partie à  :

a) Redoubler d ’ efforts pour modifier les normes sociales qui renforcent les rôles traditionnels des hommes et des femmes et à promouvoir les traditions culturelles favorables aux droits fondamentaux des femmes et des filles;

b) Donner pleinement effet aux mesures d ’ ordre législatif et aux programmes de surveillance adoptés pour réglementer la production et la distribution de matériels pornographiques, de jeux vidéo et de dessins animés qui accentuent les stéréotypes sexistes discriminatoires et encouragent la violence sexuelle contre les femmes et les filles;

c) Revoir les manuels scolaires et les autres supports pédagogiques afin d ’ éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires;

d) Adopter une législation interdisant et réprimant les propos sexistes et les discours de propagande prônant la supériorité ou la haine raciale, y compris les attaques verbales contre les femmes des minorités ethniques et autres telles que les Aïnous, les Burakumin et les Zaïnichis coréennes ainsi que les immigrées;

e) Suivre et évaluer régulièrement l ’ incidence des mesures prises pour éliminer les stéréotypes sexistes et les préjugés discriminatoires à l ’ égard des femmes aïnous et burakimin, des Zaïnichis coréennes et des immigrées, par l ’ intermédiaire d ’ un organe composé d ’ experts indépendant.

Violences à l’égard des femmes

Le Comité relève que le Ministère de la justice a créé un comité chargé de réviser le Code pénal afin, notamment : a) d’élargir la définition étroite du crime de viol, qui se limite à la pénétration péno-vaginale; b) d’alourdir les peines applicables aux infractions sexuelles; c) d’adopter des dispositions juridiques érigeant expressément en infraction le viol conjugal; et d) d’instituer des poursuites d’office pour toutes les infractions sexuelles. Le Comité constate cependant avec inquiétude que le comité susmentionné qui a examiné le Code pénal n’a pas jugé nécessaire d’ériger le viol conjugal en infraction spécifique. Il est également préoccupé par le fait que l’âge du consentement à des relations sexuelles est toujours fixé à 13 ans et que la peine minimale pour le délit d’atteinte sexuelle sur mineur n’est que de trois ans d’emprisonnement. Le Comité est en outre préoccupé par ce qui suit :

a)L’absence de dispositions dans le Code pénal érigeant l’inceste en infraction spécifique;

b)Les informations faisant état de retards excessifs dans la délivrance par les tribunaux d’ordonnances de protection, ce qui peut mettre davantage en danger la vie des victimes, y compris de violence intrafamiliale;

c)Les informations selon lesquelles les immigrées, les femmes appartenant à des minorités ethniques ou autres et les femmes handicapées victimes de violence, notamment de violence au sein de la famille, sont souvent réticentes à signaler ces faits aux autorités, et que les immigrées en particulier refusent de le faire parce qu’elles risquent de perdre leur statut de résidence, du fait qu’elles sont tenues de fournir des « raisons valables » pour pouvoir être protégées au titre de la loi relative au contrôle de l’immigration et à la reconnaissance des réfugiés;

d)L’incertitude concernant l’application de la loi relative à la violence conjugale à toutes les femmes dans toutes les situations de cohabitation familiale et la réticence de la magistrature à émettre des ordonnances de protection dans ces situations.

Rappelant sa recommandation générale n o 19 (1992) sur la violence à l ’ égard des femmes et ses recommandations antérieures ( CEDAW/C/JPN/CO/6 , par. 30), le Comité invite instamment l ’ État partie à  :

a) Tirer pleinement parti de la Convention, de sa recommandation générale n o  19 (1992), et de sa jurisprudence, lorsqu ’ il modifiera son Code pénal, afin de s ’ assurer qu ’ il traite de façon exhaustive la violence à l ’ égard des femmes, notamment la violence au sein de la famille, et érige l ’ inceste en infraction spécifique;

b) Accélérer la modification du Code pénal afin d ’ élargir la définition du viol et instaurer des poursuites d ’ office pour les infractions sexuelles;

c) Modifier le Code pénal afin d ’ interdire expressément le viol conjugal et d ’ alourdir la peine minimum applicable aux atteintes sexuelles sur mineurs;

d) Accélérer la procédure d ’ émission d ’ ordonnances judiciaires de protection pour les situations d ’ urgence;

e) Encourager les victimes de toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et des filles à signaler les actes commis à leur encontre, en particulier les immigrées, et veiller à ce que des refuges soient prévus et correctement équipés pour accueillir les femmes victimes de violence;

f) Assurer la formation du personnel de première ligne et veiller à ce que tous les cas de violence contre les femmes et les filles fassent l ’ objet d ’ une enquête approfondie et effective, à ce que leurs auteurs soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, à ce qu ’ ils reçoivent la sanction appropriée;

g) Veiller à ce que la loi relative à la prévention de la violence conjugale s ’ applique à toutes les femmes dans toutes les situations de cohabitation familiale.

Le Comité note qu’en vertu de la loi de protection eugéniste, l’État partie, par l’intermédiaire du Comité préfectoral de protection eugéniste, a tenté d’empêcher la naissance d’enfants atteints de maladies et de handicaps et a, à cet effet, soumis des personnes handicapées à une stérilisation forcée. Le Comité note que sur les quelque 16 500 cas de stérilisation forcée, 70 % concernent des femmes, et que l’État partie n’a pris aucune mesure pour permettre aux victimes d’obtenir réparation, que ce soit par le biais d’une indemnisation, d’excuses officielles ou d’une réadaptation.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mener une étude sur l ’ ampleur des violations des droits de l ’ homme commises par le passé, sous la forme de la stérilisation forcée de femmes en vertu de la loi de protection eugéniste, de poursuivre les responsables de ces pratiques et, s ’ ils sont reconnus coupables, de les punir comme il convient. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de prendre des mesures spécifiques pour fournir une aide à toutes les victimes de stérilisation forcée afin qu ’ elles aient accès à des voies de recours, à une indemnisation et à des services de réadaptation.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité note que l’État partie a adopté en décembre 2014 un plan d’action pour la lutte contre la traite des personnes et établi le Conseil pour la promotion de mesures de lutte contre la traite des personnes. Il salue les efforts déployés par l’État partie pour réformer le Programme d’apprentissage professionnel ou de stages techniques moyennant un projet de loi actuellement en instance au parlement (Diète). Il constate toutefois avec préoccupation que l’État partie demeure un pays d’origine, de transit et de destination pour la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles à des fins d’exploitation servile ou sexuelle. Il est également préoccupé par le fait que :

a)Les femmes continuent d’être victimes d’exploitation sexuelle dans l’industrie du spectacle, en particulier à des fins de prostitution et de production de films pornographiques;

b)Les femmes et les filles qui arrivent dans l’État partie au titre du Programme d’apprentissage professionnel ou de stages techniques continuent d’être assujetties au travail forcé et à l’exploitation sexuelle.

Le Comité recommande ce qui suit à l ’ État partie  :

a) Procéder régulièrement à des inspections du travail, d ’ en multiplier le nombre, et d ’ intensifier les autres mesures de lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles recrutées dans le cadre du Programme d ’ apprentissage professionnel ou de stages techniques;

b) Intensifier les programmes de surveillance et d ’ inspection des établissements de divertissement pour adultes et produisant des films pornographiques, afin de prévenir l ’ exploitation sexuelle;

c) Poursuivre l ’ action menée pour développer une coopération bilatérale, régionale et internationale en matière de prévention de la traite, notamment grâce à l ’ échange d ’ informations avec d ’ autres pays de la région et à l ’ harmonisation des procédures judiciaires visant à poursuivre les trafiquants;

d) Fournir des renseignements dans son prochain rapport périodique sur la mise en œuvre des réformes envisagées dans le cadre du Programme d ’ apprentissage professionnel ou de stages techniques;

e) Ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

« Femmes de réconfort »

Le Comité rappelle ses observations finales précédentes (CEDAW/C/JPN/CO/6, par. 37 et 38) et les nombreuses recommandations sur le problème non résolu des « femmes de réconfort » qu’ont formulées d’autres mécanismes onusiens relatifs aux droits de l’homme comme le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD/C/JPN/CO/7-9), le Comité des droits de l’homme (CCPR/C/JPN/CO/6), le Comité contre la torture (CAT/C/JPN/CO/2), le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/JPN/CO/3), ainsi que plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et de l’Examen périodique universel (A/HRC/22/14/Add.1, par. 147-145 et seq.). Le Comité note les efforts certes consentis par l’État partie pour tenter de résoudre le problème posé par la question des « femmes de réconfort » tout récemment, notamment par l’accord bilatéral passé le 28 décembre 2015 avec la République de Corée, mais il regrette que l’État partie ne soit pas arrivé à mettre en œuvre les recommandations mentionnées ci-dessus et trouve regrettable la position de l’État partie selon laquelle la question des « femmes de réconfort » ne relève pas de la compétence du Comité, au motif que les violations dont il est question se sont produites avant l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie, en 1985. Le Comité constate aussi avec regret que :

a)Récemment, les déclarations faites par des fonctionnaires du Gouvernement ou des dirigeants au sujet de la responsabilité de l’État partie dans les violations commises à l’encontre des « femmes de réconfort » se sont multipliées et l’annonce de l’accord bilatéral conclu avec la République de Corée, aux termes duquel la question des « femmes de réconfort » « est réglée de manière définitive et irréversible », adopte une approche qui n’est pas axée sur les victimes;

b)Certaines « femmes de réconfort » sont décédées sans avoir obtenu la reconnaissance claire et officielle de la responsabilité de l’État partie pour les graves violations de leurs droits fondamentaux qu’elles avaient subies;

c)L’État partie n’a pas fait face aux obligations qui lui incombent en vertu du droit international des droits de l’homme à l’égard des « femmes de réconfort » dans les autres pays concernés;

d)L’État partie a supprimé toute mention de la question des « femmes de réconfort » dans les manuels scolaires.

Le Comité réitère les recommandations qu ’ il a faites précédemment ( CEDAW/C/JPN/CO/6 , par. 37 et 38) et note que la question des « femmes de réconfort » donne lieu à de graves violations qui continuent d ’ avoir des répercussions sur les droits des victimes/survivantes des crimes d ’ esclavage sexuel commis par l ’ armée de l ’ État partie au cours de la Seconde Guerre mondiale car il n ’ y a toujours pas de recours utiles pour les victimes. Le Comité considère donc qu ’ il n ’ est pas empêché ratione temporis d ’ examiner de telles violations, et prie instamment l ’ État partie de faire ce qui suit  :

a) Veiller à mettre fin aux déclarations contradictoires de ses dirigeants et responsables publics concernant cette responsabilité, qui ont des effets doublement traumatisant pour les victimes;

b) Reconnaître pleinement le droit des victimes à réparation et accorder à celles-ci un recours plein et utile et une réparation, notamment sous la forme d ’ une indemnisation, de la satisfaction, d ’ excuses officielles et de services de réadaptation;

c) Veiller à ce que, dans l ’ application de l ’ accord bilatéral avec la République de Corée annoncé conjointement en décembre 2015, l ’ État partie tienne dûment compte des opinions des victimes/survivantes et garantisse leurs droits à la vérité, à la justice et à la réparation;

d) Intégrer de manière appropriée la question des « femmes de réconfort » dans les manuels scolaires et veiller à ce que les faits historiques soient présentés objectivement aux étudiants et à la population dans son ensemble;

e) Donner des renseignements dans son prochain rapport périodique sur l ’ ampleur des consultations et autres mesures prises pour garantir les droits des victimes/survivantes à la vérité, à la justice et à la réparation.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité note l’action menée par l’État partie pour promouvoir la participation des femmes à la vie politique et publique, dont l’adoption des troisième et quatrième plans de base sur l’égalité des sexes, qui établissent des cibles chiffrées et un objectif précis, celui d’atteindre une proportion de 30 % de femmes dans la vie politique, publique et privée pour 2020. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par :

a)La faible présence des femmes dans les organes législatifs, ministériels et d’administration locale (fonction de maire) ainsi que dans le système judiciaire, la diplomatie et les universités;

b)Le manque de mesures spéciales temporaires à caractère légal visant à accélérer l’égalité de facto entre hommes et femmes dans la vie politique et publique;

c)La sous-représentation des femmes handicapées ou issues des minorités ethniques (Aïnous, Burakumin et Zaïnichis coréens) à des postes de direction.

Le Comité réitère les recommandations qu ’ il a formulées précédemment ( CEDAW/C/JPN/CO/6 , par. 42) et engage l ’ État partie à  :

a) Adopter davantage de mesures spéciales temporaires, telles que les quotas obligatoires, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et des recommandations générales n o  25 (2004) et n o  23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique formulées par le Comité, pour accélérer la participation pleine et égale des femmes à des postes pourvus par voie d ’ élection ou de nomination;

b) Veiller à l ’ application efficace de l ’ objectif fixé dans les troisième et quatrième plans de base sur l ’ égalité des sexes, soit 30  % de présence féminine pour 2020 à tous les niveaux, législatif, ministériel, ou encore dans l ’ administration locale (fonction de maire) ainsi que dans le système judiciaire, la diplomatie et les universités;

c) Prendre des mesures précises, notamment des mesures spéciales temporaires, pour promouvoir la représentation des femmes handicapées ou issues de minorités ethniques ou autres telles que les Aïnous, les Burakumin et les Zaïnichis coréens à des postes de direction.

Éducation

Le Comité salue la décision de l’État partie de faire une priorité de l’accès égal des femmes et des filles à tous les niveaux de l’éducation et d’encourager la scolarité primaire et secondaire des filles. Il est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)L’important écart qui sépare filles et garçons dans la scolarisation au niveau supérieur de l’enseignement, particulièrement à l’université et dans les écoles supérieures, ainsi que dans les domaines d’étude traditionnellement dominés par les hommes tels que les sciences, l’ingénierie technique et la médecine;

b)La grande proportion de femmes qui mènent des études supérieures mais ne terminent pas les quatre années d’études universitaires, ce qui les défavorise sur le marché du travail;

c)La faible présence de femmes à des postes à haute responsabilité dans les établissements scolaires et leur concentration aux postes à faible responsabilité ainsi que le nombre réduit de femmes qui sont titulaires d’une chaire de professeur;

d)La sensibilité déplacée des hommes politiques et des responsables publics concernant le contenu des cours d’éducation à la santé et aux droits sexuels et de la procréation en fonction de l’âge;

e)Les informations qu’il reçoit sur les faibles taux d’alphabétisation dans les communautés appartenant aux minorités ethniques et autres, en particulier les femmes âgées issues des groupes ethniques des Aïnous et des Burakumin;

f)Le manque de données sur le niveau éducatif des migrantes et des handicapées ainsi que le manque d’information sur les mesures visant à lutter contre le harcèlement et l’expression de sentiments racistes à l’école, qui visent particulièrement les femmes et les filles zaïnichis coréennes.

Le Comité recommande ce qui suit à l ’ État partie  :

a) Intensifier les activités d ’ orientation professionnelle pour encourager les filles à s ’ inscrire dans des filières non traditionnelles (sciences, ingénierie technique et médecine) et sensibiliser le personnel pédagogique sur le fait qu ’ il est important que les filles terminent leurs études supérieures;

b) Prendre des mesures particulières, dont des mesures spéciales temporaires, pour renforcer la présence des femmes aux postes de haute direction dans le secteur de l ’ enseignement et accroître le nombre de femmes titulaires d ’ une chaire de professeur;

c) Faire face aux préoccupations de la population concernant le contenu des cours sur la santé et les droits sexuels et de la procréation en fonction de l ’ âge, afin qu ’ ils soient intégrés systématiquement dans le programme scolaire;

d) Supprimer tout obstacle à l ’ accès à l ’ éducation pour les femmes et les filles handicapées, migrantes ou issues de minorités ethniques et autres (Aïnous, Burakumin et Zaïnichis coréens), et donner des informations dans le prochain rapport périodique sur l ’ accès de ces femmes à l ’ éducation ainsi qu ’ aux bourses;

e) Renforcer les mesures destinées à prévenir, sanctionner et éliminer toute sorte de violence contre les femmes et les filles, notamment le harcèlement et les expressions de sentiments racistes, dans les établissements scolaires, visant particulièrement les femmes et les filles zaïnichis.

Emploi

Le Comité salue l’adoption en 2015 de la « loi relative à la promotion de la participation des femmes au monde du travail et de leur progression professionnelle », qui vise à renforcer la place des femmes au travail, y compris pour les travailleuses du secteur non officiel et les femmes issues des minorités ethniques et autres. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)L’écart salarial grandissant entre hommes et femmes, qui s’explique en partie par des raisons liées aux lacunes de la mise en œuvre du principe à travail égal salaire égal;

b)La persistance de la ségrégation horizontale et verticale sur le marché du travail et la concentration des femmes dans les secteurs d’emplois peu rémunérés, qui s’explique partiellement par le système d’emploi par filières;

c)La persistance de la concentration des femmes dans l’emploi à temps partiel, liée aux responsabilités familiales, situation qui explique la modicité du montant de leur pension de retraite et contribue à la pauvreté chez les retraitées, ainsi que des informations reçues concernant des phénomènes de harcèlement liés à la maternité et à l’accouchement;

d)L’absence de l’interdiction du harcèlement sexuel et de sanctions appropriées à ce sujet et le fait que l’État partie n’a pas ratifié la Convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, de l’Organisation internationale du Travail (OIT);

e)La persistance des formes multiples et croisées de discrimination dans le secteur de l’emploi en ce qui concerne les femmes autochtones, les femmes issues de minorités (burakumin, coréenne, okinawaise), des femmes handicapées ou encore des travailleuses migrantes;

f)Le manque d’informations sur la situation des travailleuses domestiques dans l’État partie.

Le Comité prie instamment l ’ État partie de faire ce qui suit  :

a) Intensifier l ’ action menée en application de la « loi de 2015 relative à la promotion de la participation des femmes au marché du travail et de leur progression professionnelle », de la loi relative aux normes du travail et des autres lois pertinentes, afin d ’ éliminer les inégalités structurelles et la ségrégation professionnelle, et de réduire l ’ écart salarial qui existe entre hommes et femmes en mettant en vigueur le principe à travail égal salaire égal;

b) Intensifier l ’ action menée pour promouvoir le recours aux solutions souples de travail, introduire le congé parental partagé pour encourager les hommes à participer de manière égale à la prise en charge des enfants et garantir la disponibilité des systèmes voulus pour la garde des enfants;

c) Adopter des dispositions légales interdisant le harcèlement sexuel au travail et prévoyant les sanctions voulues pour le décourager, et garantir l ’ accès des femmes à la justice dans les cas de discrimination à l ’ emploi, notamment au motif de la grossesse et de la maternité;

d) Mener régulièrement des inspections du travail destinées à renforcer le respect du droit du travail et des codes de conduite relatifs au harcèlement sexuel;

e) Mener une étude du secteur de l ’ emploi et produire des statistiques ventilées par sexe concernant en particulier les femmes autochtones et issues de minorités ainsi que les femmes handicapées et les travailleuses migrantes;

f) Donner des informations dans le prochain rapport périodique sur la situation des travailleuses domestiques dans l ’ État partie;

g) Envisager de ratifier la Convention (n o 111) de 1958 concernant la discrimination (emploi et profession) et la Convention (n o 189) de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques, de l ’ OIT.

Santé

Le Comité note l’action menée par l’État partie pour faire face aux problèmes sanitaires liés aux radiations à la suite de l’accident survenu en 2011 à la centrale nucléaire de Fukushima Dai-Chi. Le Comité note cependant avec préoccupation que l’État partie se propose de ne plus désigner comme zones d’évacuation les régions contaminées présentant un niveau d’irradiation inférieur à 20 millisieverts par an, ce qui pourrait avoir des effets disproportionnés sur la santé des femmes et des filles.

Le Comité recommande à l ’ État partie de confirmer que la levée de la désignation comme zones d ’ évacuation des régions contaminées par des radiations est conforme aux connaissances internationalement acceptées sur les facteurs de risque pour les femmes et les filles, sachant que les femmes sont plus sensibles aux radiations que les hommes. Il recommande également à l ’ État partie d ’ intensifier la prestation de services médicaux et autres aux femmes et aux filles exposées à des radiations, en particulier les femmes enceintes dans la préfecture de Fukushima.

Le Comité s’inquiète du taux élevé d’avortements et de suicides parmi les adolescentes et les femmes dans l’État partie. Il s’inquiète tout particulièrement de ce qui suit :

a)Aux termes de l’article 14 de la loi relative à la protection de la maternité, lu en parallèle avec l’article 212 du Code pénal, les femmes ne peuvent se faire avorter que lorsque la poursuite de la grossesse ou l’accouchement risquent de porter gravement atteinte à leur santé physique ou lorsqu’une personne devient enceinte du fait d’un viol commis dans des conditions violentes ou menaçantes ou à un moment où elle ne pouvait ni résister ni refuser;

b)Les femmes sont tenues d’obtenir l’autorisation de leur conjoint pour avoir le droit de se faire avorter;

c)Les taux de suicide parmi les femmes et les filles demeurent élevés dans l’État partie.

Conformément à la recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé ainsi qu ’ à la Déclaration et au Programme d ’ action de Beijing, le Comité recommande ce qui suit à l ’ État partie  :

a) Modifier le Code pénal et la loi relative à la protection de la maternité afin d ’ autoriser l ’ avortement non seulement lorsque la vie et/ou la santé de la femme enceinte se trouvent menacées, mais également dans tous les cas de viol, indépendamment du recours à la violence ou à des menaces à l ’ encontre de la victime ou de la résistance opposée par celle-ci, d ’ inceste et de malformation grave du fœtus, et de dépénaliser l ’ avortement dans tous les autres cas;

b) Réviser la loi relative à la protection de la maternité afin de supprimer l ’ obligation pour les femmes enceintes d ’ obtenir l ’ autorisation de leur conjoint avant de pouvoir se faire avorter, et veiller à ce que, lorsqu ’ un avortement est demandé en cas de malformation grave du fœtus, le consentement libre et éclairé de la femme enceinte a été obtenu;

c) Adopter un plan d ’ ensemble assorti de cibles et d ’ indicateurs précis destiné à prévenir les suicides parmi les femmes et les filles.

Avantages économiques et sociaux

Le Comité note les efforts réalisés par l’État partie en vue d’élaborer des stratégies de réduction de la pauvreté par le biais d’activités génératrices de revenu et d’accès au microcrédit. Le Comité s’inquiète toutefois des cas de pauvreté signalés parmi les femmes, en particulier parmi les femmes chefs de famille, les veuves, les femmes handicapées et les femmes âgées. Le Comité s’inquiète tout particulièrement de leurs conditions de vie en raison de fortes disparités entre les sexes en matière de prestations de retraite. Le Comité s’inquiète également du fait que la loi sur le versement d’indemnités de veuvage en cas de catastrophe creuse l’écart de revenu entre les hommes et les femmes étant donné que : a) le montant de ces indemnités est doublé pour les personnes qui sont la « principale source de revenus », et b) la priorité pour l’accès aux aides en cas de catastrophe est donnée aux chefs de famille, qui sont souvent des hommes.

Le Comité exhorte l ’ État partie à intensifier son action en faveur de la réduction de la pauvreté et du développement durable. Il l ’ invite à accorder une attention spéciale aux besoins des femmes chefs de famille, des veuves, des femmes handicapées et des femmes âgées, et à étudier la possibilité de revoir le régime des retraites afin de leur garantir le minimum vital. Le Comité recommande également à l ’ État partie de réviser la loi sur le versement d ’ indemnités de veuvage en cas de catastrophe afin d ’ y intégrer la notion de parité hommes-femmes.

Femmes rurales

Le Comité note l’adoption par l’État partie d’un nouveau plan-cadre pour l’alimentation et l’agriculture en milieu rural en 2015. Il s’inquiète toutefois de la faible participation des femmes rurales à la prise de décisions, notamment à l’élaboration des politiques, et du fait que la loi relative à l’impôt sur le revenu ne comptabilise pas les revenus des conjoints et des membres de la famille des travailleurs indépendants et des agriculteurs en tant que coûts d’exploitation, ce qui fait effectivement obstacle à l’indépendance économique des femmes.

Le Comité invite l ’ État partie à éliminer tous les obstacles à la participation des femmes rurales à l ’ élaboration des politiques, et à envisager de réviser la loi relative à l ’ impôt sur le revenu afin de comptabiliser le travail des femmes dans les entreprises familiales afin de promouvoir leur autonomisation économique.

Réduction et gestion des risques en cas de catastrophe

Le Comité félicite l’État partie pour sa direction des activités de réduction et de gestion des risques de catastrophe et pour sa contribution à l’ensemble des efforts menés en vue de l’adoption du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030). Le Comité félicite également l’État partie d’avoir su intégrer des points de vue sexospécifiques dans ses politiques de réduction des risques de catastrophe et d’avoir adopté un plan cadre de gestion des catastrophes. Il s’inquiète toutefois de la faible représentation des femmes aux postes de direction dans le domaine de la réduction et de la gestion des risques de catastrophe aux échelons national et local après le grave séisme qui a frappé l’est du Japon en 2011.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier la participation des femmes à la prise de décisions et aux activités de redressement à la suite de catastrophes à tous les niveaux, et en particulier au niveau local. L ’ État partie devrait aussi poursuivre ses efforts en vue d ’ intégrer une perspective sexospécifique dans toutes les politiques de développement durable, ainsi que dans la réduction des risques de catastrophe et dans la gestion du relèvement.

Groupes de femmes désavantagées

Le Comité a appris avec inquiétude que pas seulement les minorités autochtones et ethniques telles que les Aïnous, les Burakumin et les Zaïnichis coréennes, mais aussi les femmes handicapées, les lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles et les migrantes continuent de faire l’objet de formes multiples et croisées de discrimination. Il s’inquiète tout particulièrement du fait que ces femmes continuent d’avoir un accès limité à la santé, à l’éducation et à l’emploi.

The Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre avec vigueur ses efforts en vue d ’ éliminer les formes multiples et croisées de discrimination dont sont victimes les femmes appartenant à des minorités autochtones et ethniques telles que les Aïnous, les Burakumin et les Zaïnichis coréennes, mais aussi les femmes handicapées, les lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles et les migrantes, au détriment de leur accès à la santé, à l ’ éducation, à l ’ emploi, de leur participation à la vie publique, de leurs rapports avec les services de santé et d ’ éducation et de leur expérience sur le lieu de travail.

Mariage et relations familiales

Le Comité est préoccupé par l’absence de législation régissant la répartition des biens en cas de dissolution du mariage dans l’État partie. Il note qu’en conséquence, la répartition des biens se fait par voie de négociation et d’accord entre les époux sur la base d’un régime de communauté différée issu de la jurisprudence, dans lequel tout bien dont il est établi qu’il a été acquis pendant la durée de la vie commune du couple doit être également réparti entre eux, quel qu’en soit le propriétaire. Le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)Les négociations et les accords concernant la répartition des biens interviennent en dehors de toute réglementation juridique, là où existent des inégalités dans les rapports de force entre les femmes et les hommes, et où les femmes sont donc désavantagées;

b)Il semblerait que la plupart des femmes qui divorcent ne disposent pas des informations et des moyens nécessaires pour exiger la divulgation de la situation financière de leur conjoint, y compris les avoirs commerciaux et acquis professionnels, la loi ne prévoyant pas de procédures et de directives à ce sujet;

c)Dans le régime du divorce par consentement mutuel, la loi ne prévoit pas de procédure de révision juridictionnelle pour les questions de garde et de pension alimentaire pour les enfants, à telle enseigne qu’en l’absence d’un accord sur le versement d’une pension alimentaire, les enfants se retrouvent complètement démunis.

Conformément à la recommandation générale n o  29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution, le Comité recommande ce qui suit à l ’ État partie  :

a) Adopter une législation d ’ ensemble régissant la répartition de toutes les formes de biens matrimoniaux, selon des procédures claires et bien définies pouvant être suivies par les époux qui demandent le divorce;

b) Veiller à ce que les femmes qui demandent le divorce aient accès aux informations qui leur permettront d ’ exiger et d ’ obtenir que la situation financière de leur conjoint leur soit communiquée;

c) Modifier la législation applicable à la garde des enfants et à la pension alimentaire à leur verser afin de prévoir une procédure de révision juridictionnelle lorsque le divorce est obtenu par consentement mutuel des parties, et veiller à garantir le bien-être des enfants, y compris leurs besoins économiques, par le biais du versement d ’ une pension alimentaire.

Protocole facultatif se rapportant à la Convention

Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

Déclaration et Plan d’action de Beijing

Le Comité exhorte l ’ État partie à utiliser la Déclaration et le Plan d ’ action de Beijing dans ses efforts pour mettre en œuvre la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité appelle à la réalisation de l ’ égalité effective entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l’État partie de veiller à la diffusion rapide des présentes observations finales, dans sa ou ses langues officielles, auprès des institutions publiques pertinentes de tous niveaux (national, régional, local), en particulier du Gouvernement, des ministères, du Parlement et de l’appareil judiciaire, afin d’en assurer l’application intégrale.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme est de nature à renforcer la jouissance par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Il invite donc le Gouvernement de l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Suivi des observations finales

Le Comité invite l ’ État partie à fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant aux paragraphes 13 a) et 21 d) et e) ci-dessus.

Préparation du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son neuvième rapport périodique en mars 2020.

Le Comité demande à l ’ État partie de suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap .  I).