Nations Unies

CMW/C/PER/CO/1/Add.1

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

13 août 2018

Français

Original : espagnolAnglais, espagnol et français seulement

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le rapport initial du Pérou

Additif

Renseignements reçus du Pérou au sujet de la suite donnéeaux observations finales *

[Date de réception : 4 juillet 2018]

Paragraphe 11 : Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour élaborer une nouvelle législation sur les migrations, conforme à la lettre de la Convention et à d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme que l’État partie a ratifiés.

1.Le décret-loi no 1350 relatif aux migrations, dont l’application est régie par le décret suprême no 007-2017-IN, établit une nouvelle réglementation des migrations qui simplifie et organise la législation pertinente. Il protège les droits fondamentaux des Péruviens et des étrangers et contribue à renforcer la sûreté nationale.

2.Ce texte lève les obstacles, comble les vides juridiques et modifie les dispositions qui empêchaient l’État péruvien de s’acquitter de ses obligations dans ce domaine. Il structure le cadre législatif applicable et le rend beaucoup plus compréhensible, plus réaliste et plus dynamique, en ce qu’il concilie la protection des droits fondamentaux des ressortissants étrangers et l’intégration de ces derniers à la société péruvienne avec l’effort de développement national et le renforcement de la sûreté nationale.

3.On notera, parmi les principales modifications apportées par ce texte, l’inclusion d’un titre préliminaire qui établit les principes régissant l’application de la réglementation, à savoir : le respect des droits fondamentaux, la prise en compte de la contribution des migrants au développement du pays et le droit à la libre circulation, l’intégration des migrants, le droit des migrants à l’unité de la cellule familiale, l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’adolescent, la non-incrimination des migrations irrégulières, la non-discrimination, la prise en compte du phénomène migratoire dans sa globalité et l’officialisation du statut migratoire.

4.La nouvelle loi prévoit deux statuts migratoires distincts pour les ressortissants étrangers, selon les activités qu’ils exercent dans le pays : i) le statut de migrant temporaire, accordé aux personnes qui entrent sur le territoire sans intention de s’y établir, pour des séjours de courte durée ; et ii) le statut de migrant permanent, qui permet aux étrangers de s’établir au Pérou. Ce statut permet aux ressortissants étrangers hautement qualifiés d’entrer plus facilement au Pérou et d’y rester, et aux membres de leur famille de s’y établir. Il favorise en outre les activités de bénévolat menées par les ressortissants étrangers dans le pays, puisque ceux-ci n’auront plus à quitter le pays tous les quatre-vingt-dix jours pour remplir les formalités nécessaires afin de pouvoir revenir. Enfin, grâce à ce texte, les ressortissants étrangers pourront désormais bénéficier d’un contrat de travail ou de prestations de services dans le secteur public.

5.On notera également que ce texte protège les droits fondamentaux, en particulier ceux des personnes vulnérables et confie à l’Office national des migrations la définition des conditions d’octroi de l’aide à ces personnes.

6.Il porte en outre création du Registre d’information sur les migrations qui viendra renforcer la plate-forme d’interopérabilité de l’État (échange électronique de données entre les différents services de l’État en vue de l’instauration de services en ligne), qui a pour effet de contribuer à la fois à des migrations ordonnées et à la sécurité intérieure.

7.Enfin, le décret-loi établit une procédure administrative de sanction qui garantit les droits des ressortissants étrangers en ce qu’il établit le droit à une procédure régulière en matière administrative.

8.Outre le décret-loi no 1350 et son règlement d’application, l’Exécutif a pris deux décrets suprêmes pour faciliter les migrations et ouvrir plus largement le territoire aux migrants : i) le décret suprême no 001-2017-IN portant adoption des lignes directrices relatives à la délivrance de permis de séjour temporaires aux ressortissants étrangers parents d’enfants péruviens mineurs ou d’enfants péruviens majeurs présentant un handicap permanent ; et ii) le décret suprême no 002-2017-IN portant adoption des lignes directrices relatives à la délivrance de permis de séjour temporaires aux ressortissants vénézuéliens, qui a été pris pour protéger et garantir les droits des ressortissants vénézuéliens se trouvant au Pérou.

9.Un autre décret a été adopté par la suite. Il s’agit du décret suprême no 023-2017-IN portant adoption de nouvelles lignes directrices relatives à la délivrance de permis de séjour temporaires aux ressortissants vénézuéliens. Ce texte a été adopté parce que les ressortissants vénézuéliens continuaient d’affluer au Pérou après l’entrée en vigueur du décret suprême no 002-2017-IN (ils seraient plus de 8 000 d’après les estimations de l’Office national des migrations), ce qui imposait de prendre des mesures pour protéger leurs droits.

10.Plus récemment, un autre décret a été pris : le décret suprême no 001-2018-IN portant adoption des lignes directrices relatives à la délivrance de permis de séjour temporaires visant à garantir les droits des ressortissants vénézuéliens entrés dans le pays avant le 31 décembre 2018. On notera qu’à la différence des deux décrets précédents, celui‑ci n’exige pas que les migrants soient entrés légalement sur le territoire national.

11.Depuis l’entrée en vigueur des deux premiers décrets suprêmes, 12 415 demandes de permis de séjour temporaire ont été déposées au niveau national (951 en vertu du décret suprême no 001-2017-IN et 11 464 en vertu du décret suprême no 002-2017-IN), dont 10 111 ont été approuvées (soit 81,44 %).

12.Par ailleurs, dans le cadre de la consolidation de la réglementation nationale, la gestion institutionnelle a été simplifiée, notamment en ce qui concerne les procédures administratives. Ainsi, l’arrêté ministériel no 1791-2016-IN actualise le document unique de l’Office national des migrations relatif aux procédures administratives, et modifie ou supprime plus de 180 conditions qui entravaient les procédures administratives et prolongeaient les procédures applicables tant aux citoyens péruviens qu’aux ressortissants étrangers.

13.Le décret suprême no015-2017-RE du 27 avril 2017, quant à lui, porte adoption de la politique nationale relative aux migrations pour 2017-2019, qui a vocation à garantir le respect et la protection des droits des migrants, en favorisant l’égalité, l’équité et l’inclusion, ainsi que la prise en compte et le respect de la sûreté nationale, grâce à une gestion efficace et globale du phénomène migratoire.

14.Pour ce qui est des migrants de retour dans le pays, la loi no 30525, publiée le 15 décembre 2016, porte modification des articles 1er, 2 et 3 de la loi no 30001 sur la réinsertion économique et sociale des migrants de retour et rétablit, pour une période de trois ans, les avantages fiscaux qui avaient disparu en août 2016. Compte tenu des modifications apportées par la loi no 30525, un autre texte a été publié le 2 juin 2017, à savoir le décret suprême no 158-2017-EF qui modifie le règlement relatif à l’accès aux incitations fiscales prévues à l’article 3 de la loi no 30001 promulguée par le décret suprême no 205-2013-EF.

15.Si des progrès concrets ont été accomplis, l’État péruvien entend néanmoins continuer à tout mettre en œuvre pour garantir la bonne application du cadre normatif décrit ci-dessus, et notamment renforcer les institutions et veiller à ce que les droits des ressortissants étrangers présents dans le pays soient pleinement respectés. Le Pérou s’est ainsi doté du Plan national 2018-2021 en faveur des droits de l’homme approuvé par le décret suprême 002-2018-JUS. Le Plan national prévoit, en son point 3 relatif à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques en faveur des groupes ayant besoin d’une protection spéciale, notamment les migrants, 10 mesures stratégiques visant à garantir les droits de ces personnes.

Paragraphe 27 : Le Comité recommande à l’État partie de modifier l’article 5 du décret suprême n o 001-2015-IN et toute autre mesure pouvant engendrer une forme quelconque de persécution, de discrimination, voire de racisme, à l’égard des travailleurs migrants. Il l’invite également à prendre immédiatement des mesures efficaces visant à éduquer la population et à mener des campagnes de sensibilisation pour combattre les préjugés et la stigmatisation sociale dont font l’objet les travailleurs migrants, en particulier ceux ayant certaines nationalités.

16.Le décret-loi no 1350 relatif aux migrations établit en son titre préliminaire les principes suivants : i) le principe du respect des droits fondamentaux (art. I) qui veut que, compte tenu du respect dû à la dignité humaine de toute personne qui est consacrée par la Constitution du Pérou, l’État garantisse le respect des droits fondamentaux des ressortissants étrangers conformément au cadre normatif en vigueur ; ii) le principe de la non-incrimination des migrations irrégulières (art. VII), que l’État est tenu d’observer dans l’élaboration et l’exécution de sa politique migratoire ; iii) le principe de non-discrimination (art. VIII), qui veut que l’État œuvre à l’abolition de toute forme de discrimination et de tout type de préjugé liés au statut migratoire et condamne tout particulièrement la xénophobie et le racisme.

17.C’est dans cet esprit que le décret suprême no 007-2017-IN abroge le décret suprême no 001-2015-IN qui prévoyait des mesures destinées à renforcer le contrôle des migrations. Nonobstant ce qui précède, il convient de signaler que l’Office national des migrations n’a jamais appliqué l’article 5 du décret suprême en question (sur le mécanisme d’« alerte citoyenne »).

Paragraphe 31 : Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la détention des travailleurs migrants en situation irrégulière soit une mesure de dernier ressort et qu’elle soit, en toutes circonstances, conforme aux dispositions de l’article 16 et du paragraphe 2 de l’article 17 de la Convention, ainsi qu’à l’observation générale n o 2 du Comité sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille. En outre, le Comité recommande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur ce point, y compris les informations mentionnées au paragraphe précédent.

18.L’article 184.1 du règlement d’application du décret-loi relatif aux migrations, confère un pouvoir répressif à l’Office national des migrations. Dans la limite de ses compétences, celui-ci peut en conséquence prendre des sanctions, conformément à la procédure prévue, contre les ressortissants nationaux ou étrangers, les entreprises de transport international, les personnes morales qui fournissent des services d’hébergement et les opérateurs ou concessionnaires de ports, aéroports ou terminaux terrestres, maritimes, aériens et lacustres, en cas d’infraction au décret-loi ou à son règlement d’application.

19.La procédure administrative de sanction ne prévoit pas le placement en détention en cas d’infraction à la réglementation migratoire. Elle prévoit uniquement que la police nationale du Pérou, dans la limite de ses compétences, peut retenir le contrevenant afin de l’identifier et de déterminer son statut migratoire. Le ressortissant étranger doit être informé de son droit de communiquer avec son représentant consulaire, lequel droit lui est garanti par les traités et les accords internationaux auxquels le Pérou est partie.

20.Néanmoins, afin d’établir des règles claires en ce qui concerne la procédure de placement en détention par la police en cas d’infraction à la réglementation relative aux migrations et l’exécution des mesures de sortie obligatoire du pays ou d’expulsion, dans sa onzième disposition finale complémentaire, le décret suprême portant adoption du règlement d’application diffère l’application des articles 200.4 et 212.2 dudit règlement jusqu’à l’adoption de la réglementation correspondante. L’objectif est d’établir les modalités voulues pour garantir la sécurité juridique nécessaire, conformément aux obligations internationales de l’État.

Paragraphe 33 : Le Comité recommande à l’État partie de garantir l’effet suspensif des recours administratifs et judiciaires déposés contre une mesure d’expulsion ou de sortie obligatoire. Il lui recommande également d’adopter les mesures nécessaires pour garantir le respect du droit à la vie de famille et d’autres droits consacrés par la Convention lorsqu’il s’agit de statuer sur le cas d’un travailleur migrant en situation irrégulière. Il l’invite en outre à définir, dans le cadre du projet de loi sur les migrations, les compétences des institutions concernées afin d’éviter toute criminalisation de la migration irrégulière.

21.Les sanctions dictées par l’Office national des migrations peuvent faire l’objet d’un recours dans un délai de quinze jours ouvrables à compter du lendemain de la notification.

22.L’application de la sanction est à la charge de la police nationale du Pérou, qui est habilitée à retenir le contrevenant afin de s’assurer qu’il quitte le pays. L’intéressé doit être informé de son droit de communiquer avec son représentant consulaire, droit qui lui est garanti par les traités et les accords internationaux auxquels le Pérou est partie.

23.Nonobstant ce qui précède, l’article 185 du règlement soumet le pouvoir répressif de l’Office national des migrations aux principes énoncés à l’article 230 de la loi générale relative à la procédure administrative. L’exercice du pouvoir répressif est également régi par les principes énoncés dans le titre préliminaire du décret-loi no 1350, que sont, notamment : i) le droit des migrants à l’unité de la cellule familiale, qui veut que l’Office national des migrations se soucie en priorité de la sauvegarde de l’unité de la cellule familiale des ressortissants étrangers et nationaux dans l’application des mesures de sortie obligatoire du pays ou d’expulsion ; et ii) le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’adolescent et du respect de leurs droits, dont les autorités migratoires doivent tenir compte lorsqu’elles appliquent des sanctions.

24.Il convient de souligner que, conformément à l’article 64 du décret-loi no 1350 et en application des principes de l’unité de la cellule familiale et de l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’adolescent, l’Office national des migrations envisagera de surseoir à l’application de la mesure de sortie obligatoire, selon les conditions et procédures prévues par le règlement d’application, dans les cas où il est avéré que celle-ci comporte un risque de violation manifeste et imminent. Par ailleurs, les articles 195 et 197 du règlement d’application, qui portent sur l’interdiction de retour dans le pays et sur la durée de cette mesure, précisent que celles-ci seront décidées compte tenu des moyens de subsistance ou des ressources de la personne, de ses liens familiaux et des faits en cause dans la décision d’expulsion ou de sortie obligatoire du pays, respectivement.