* Ont participé à l’examen de cette communication les membres du Comité ci-après : Ferdous Ara Begum, Magalys Arocha Dominguez, Meriem Belmihoub-Zerdani, Saisuree Chutikul, Dorcas Coker-Appiah, Mary Shanthi Dairiam, Cees Flinterman, Naela Mohamed Gabr, Françoise Gaspard, Hazel Gumede Shelton, Ruth Halperin-Kaddari, Tiziana Maiolo, Violeta Neubauer, Pramila Patten, Silvia Pimentel, Fumiko Saiga, Heisoo Shin, Glenda P. Simms, Dubravka Šimonovič, Anamah Tan, Maria Regina Tavares da Silva et Zou Xiaoqiao.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes , institué en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,
Réuni le : 22 janvier 2007
Adopte le texte ci-après :
1.Décision sur la recevabilité
L’auteur de la communication datée du 11 avril 2005 est Mme Constance Ragan Salgado, de nationalité britannique, née le 24 novembre 1927 à Bournemouth (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord), résidant actuellement à Bogota (Colombie). Elle affirme être victime de violations, par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, de l’article premier, de l’alinéa f) de l’article 2 et du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes étant donné qu’elle a été empêchée de transmettre sa nationalité britannique à son fils aîné. L’auteur est représentée par elle-même. La Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour l’État partie le 7 mai 1986 et le 17 mars 2004, respectivement.
2.Rappel des faits présentés par l’auteur
2.1En 1954, l’auteur a quitté l’Angleterre pour s’installer en Colombie avec son mari. Le 16 septembre 1954, son fils aîné, Alvaro John Salgado, est né en Colombie de père colombien. À ce moment-là, l’auteur a fait une demande au Consulat du Royaume-Uni afin d’obtenir la nationalité britannique pour son fils, à quoi il lui a été répondu que la nationalité britannique était transmise par la filiation paternelle et que, le père étant colombien, le fils de l’auteur était considéré comme un étranger.
2.2La loi sur la nationalité britannique de 1981 (British Nationality Act 1981), ou « loi de 1981 », qui est entrée en vigueur en 1983, a modifié une loi antérieure sur la nationalité et a conféré des droits égaux aux hommes et aux femmes en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants âgés de moins de 18 ans. L’auteur a été informée que son fils ne remplissait pas les conditions voulues pour obtenir la nationalité britannique au titre de la loi de 1981. L’auteur a adressé une lettre de protestation au Consul et au Ministère de l’intérieur britanniques, faisant observer que si son fils avait demandé la nationalité britannique par la filiation paternelle et non par la filiation maternelle, aucune limite d’âge ne lui aurait été applicable.
2.3La législation britannique relative à la nationalité a de nouveau changé lorsque la loi de 2002 sur la nationalité, l’immigration et l’asile (Nationality, Immigration and Asylum Act 2002), ou « loi de 2002 », est entrée en vigueur, le 30 avril 2003, ajoutant à la loi de 1981 une section supplémentaire, la section 4C, qui avait trait à l’acquisition de la nationalité par enregistrement dans le cas de certaines personnes nées entre 1961 et 1983 (« Acquisition by Registration: Certain persons born between 1961 and 1983 »). Les enfants – aujourd’hui adultes – nés à l’étranger entre le 7 février 1961 et le 1er janvier 1983 de mère britannique auraient aujourd’hui le droit d’être enregistrés comme ressortissants britanniques sous réserve de remplir certaines autres conditions.
2.4Au début de 2003, le Consul britannique à Bogota a pris contact avec l’auteur pour lui demander si elle avait des enfants nés après le 7 février 1961. L’intéressée a répondu que son plus jeune fils était né en 1966 et avait acquis la nationalité britannique, ce qui n’était toujours pas le cas de son fils aîné. Elle a été informée que celui-ci n’y avait pas droit étant donné qu’il était né avant la date butoir établie par la loi de 2002.
3.Teneur de la plainte
3.1L’auteur soutient qu’elle a été victime de discrimination fondée sur le sexe du fait de la loi de 1948 sur la nationalité britannique, en vertu de laquelle il lui a été impossible d’obtenir l’enregistrement de son fils comme ressortissant britannique étant donné que cette loi permettait l’acquisition de la nationalité par filiation paternelle mais non par filiation maternelle. L’intéressée affirme que cette discrimination persiste puisqu’elle n’a pas été éliminée en vertu de la loi de 1981 ou de la loi de 2002 et que son fils n’a toujours pas le droit, en raison de son âge, d’acquérir la nationalité britannique par voie d’enregistrement. L’auteur considère que la discrimination à l’égard des femmes n’a été que partiellement corrigée sur le plan législatif.
3.2L’auteur affirme que, bien que les femmes soient censées pouvoir transmettre, « dans des conditions d’égalité avec les hommes » leur nationalité à leurs enfants nés à l’étranger, elle-même n’a toujours pas réussi à le faire, parce que la législation en vigueur ne s’applique pas aux enfants qui étaient déjà adultes avant 1981. Elle soutient que la loi de 2002 est discriminatoire à son égard et à l’égard d’autres mères britanniques dont les enfants, de père étranger, étaient nés à l’étranger avant le 7 février 1961.
3.3Tous les efforts déployés par l’auteur pour faire obtenir la nationalité britannique à son fils aîné ont été vains. L’intéressée a écrit à diverses personnalités gouvernementales, y compris à l’ambassade du Royaume-Uni à Bogota et au Ministère de l’intérieur, ainsi qu’au Premier Ministre et à un certain nombre de députés.
4.Observations de l’État partie sur la recevabilité
4.1Dans une communication datée du 13 avril 2006, l’État partie demande que la communication soit rejetée comme étant irrecevable. Il fait observer que le Royaume-Uni a ratifié la Convention le 7 avril 1986, en assortissant de certaines réserves sa ratification, et que la compétence du Comité pour recevoir et examiner cette communication concernant des violations présumées des droits énoncés dans la Convention résulte de ce que l’État partie a adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention à compter du 17 décembre 2004.
4.2En ce qui concerne les faits, l’État partie fait observer que rien n’indique la nature de la demande que l’auteur a adressée en 1954 au consulat du Royaume-Uni à Bogota (Colombie), mais il ressort du résumé figurant dans la communication qu’il s’agissait d’une simple requête demandant que la nationalité britannique soit reconnue à Alvaro John Salgado du fait qu’il était né d’une mère ayant la nationalité britannique. La législation qui était en vigueur à l’époque n’aurait pas permis de donner une suite favorable à cette requête.
4.3L’État partie fait observer qu’à la suite de démarches répétées auprès du Gouvernement du Royaume-Uni, soit directement, soit à travers son ambassade ou son consulat à Bogota, l’auteur a été informée que son fils aîné ne pouvait toujours pas prétendre à la nationalité britannique par enregistrement sur la base du fait qu’il était né d’une mère de nationalité britannique.
4.4Selon l’État partie, rien n’indique que l’auteur ait jamais cherché à contester l’une quelconque de ces décisions devant les tribunaux anglais et, à la connaissance de l’État partie, l’auteur n’a jamais engagé d’action dans ce sens.
4.5En ce qui concerne le droit interne applicable, l’État partie soutient que, par principe, en droit anglais, l’acquisition de la nationalité britannique par la naissance ou par l’ascendance dépend soit de la situation de l’intéressé au moment de sa naissance, soit de la loi en vigueur à ce moment-là. Toute dérogation à ce principe général doit être expressément prévue dans une loi postérieure.
4.6L’État partie fait valoir qu’au moment de la naissance du fils aîné de l’auteur, soit le 16 septembre 1954, la nationalité britannique était régie par la loi de 1948. Aux termes de la section 5 de la loi de 1948, une personne née après l’entrée en vigueur de cette loi (sous réserve d’un certain nombre d’exceptions) avait droit à la nationalité britannique par l’ascendance si son père était un ressortissant britannique au moment de la naissance. Ce droit automatique par l’ascendance n’était pas reconnu aux personnes dont la mère était de nationalité britannique au moment de leur naissance. La loi de 1948 prévoyait d’autres manières d’acquérir la nationalité britannique. L’enfant mineur d’un ressortissant britannique pouvait également être enregistré comme ressortissant britannique si un parent ou un tuteur en faisait la demande selon les modalités prescrites, sous réserve de l’assentiment du Secrétaire d’État pour le Ministère de l’intérieur, qui, en principe, aurait exercé son pouvoir discrétionnaire en fonction de la politique du Ministère au moment considéré. La naturalisation était subordonnée à un certain nombre de conditions, l’une d’elles étant que le postulant devait être émancipé.
4.7L’État partie indique que, dans la deuxième moitié des années 70, le Gouvernement du Royaume-Uni a estimé que la section 5 de la loi de 1948 avait des effets discriminatoires, à la suite de quoi le Ministre de l’intérieur de l’époque, M. Merlyn Rees a annoncé à la Chambre des communes, le 7 février 1979, un changement de politique transitoire applicable aux demandes émanant de femmes qui, nées au Royaume-Uni, souhaitaient que leurs enfants mineurs soient enregistrés comme ressortissants britanniques. Cette politique générale et transitoire devait être applicable à toute personne qui était âgée de moins de 18 ans à la date où la nouvelle politique avait été annoncée (c’est-à-dire à tout enfant né après le 7 février 1961 d’une mère de nationalité britannique).
4.8L’État partie explique en outre que, le 1er janvier 1983, la loi de 1981 est entrée en vigueur, entraînant l’abrogation des dispositions de la loi de 1948. La section 2 1) de la loi de 1981 autorisait l’acquisition de la nationalité par l’ascendance paternelle ou maternelle dans certaines conditions. La loi de 1981 a été modifiée à son tour par la section 13 de la loi de 2002. L’amendement apporté consistait à introduire dans la loi de 1981 une section 4C, qui donnait aux personnes auxquelles s’appliquait la politique annoncée le 7 février 1979 le droit d’être enregistrées comme ressortissantes britanniques – la nouvelle disposition ayant pour effet de permettre aux intéressés de déposer une demande d’enregistrement même après qu’ils ont atteint l’âge de la majorité; le postulant devait être né après le 7 février 1961 et avant le 1er janvier 1983. Ces deux dates renvoient, l’une, au fait que la politique annoncée le 7 février 1979 s’appliquait aux personnes nées après le 7 février 1961 et, l’autre, au fait que le 1er janvier 1983 était la date à laquelle était entrée en vigueur la loi de 1981, et à partir de là une mère de nationalité britannique pouvait transmettre sa nationalité au même titre qu’un père de nationalité britannique.
4.9En ce qui concerne la recevabilité ratione temporis, l’État partie note que l’auteur se plaint que le Royaume-Uni a violé ses droits au titre du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention et qu’elle attire à juste titre l’attention du Comité sur la définition de la discrimination à l’égard des femmes figurant à l’article premier de la Convention, et sur l’obligation contractée en vertu de l’alinéa f) de l’article 2. L’État partie soutient que, pour pouvoir déterminer si la communication est irrecevable ratione temporis, il importe d’étudier avec soin la vraie teneur de la plainte. L’auteur se plaint qu’elle ne jouit pas des mêmes droits que les hommes en ce qui concerne la transmission de sa nationalité à son fils né en 1954. De toute évidence, elle a bénéficié de l’égalité de traitement dans le cas de son plus jeune fils. Il s’ensuit, pour l’État partie, qu’il importe de se demander quels sont les droits que la législation nationale reconnaît (ou reconnaissait) aux hommes en matière de transmission de la nationalité aux enfants et dont les femmes ne bénéficient pas dans des conditions d’égalité.
4.10L’État partie précise qu’aux termes de la section 5 de la loi de 1948, les enfants nés d’un père de nationalité britannique étaient automatiquement, à leur naissance, des ressortissants britanniques par l’ascendance, et qu’il s’agissait là d’un droit qui n’était pas reconnu aux enfants qui étaient nés d’une mère de nationalité britannique (et dont le père n’était pas également britannique). Le changement de politique intervenu le 7 février 1979 n’a pas accordé des droits supplémentaires aux hommes en matière de transmission de la nationalité à leurs enfants. Son but était tout autre, et visait à modifier – longtemps avant la ratification de la Convention par le Royaume-Uni – la pratique existante afin d’atténuer les effets de ce qui avait été considéré comme discriminatoire à l’égard des femmes dans la loi de 1948. La loi de 1981 n’a pas non plus accordé aux hommes des droits différents en matière de transmission de leur nationalité à leurs enfants. Enfin, la section 4C de la loi de 1981, introduite par la loi de 2002, ne prévoyait pas non plus de droits nouveaux ou différents pour les hommes en matière de transmission de la nationalité aux enfants et contenait plutôt des dispositions statutaires concernant les personnes nées de mère britannique auxquelles s’appliquait le changement de politique décidé le 7 février 1979. Il en découle que la plainte de l’auteur ne peut concerner que la section 5 de la loi de 1948, qui prévoyait que les hommes, et eux seuls à l’époque, pouvaient transmettre automatiquement leur nationalité à leur enfant né à l’étranger, et ce, à sa naissance. Si l’on replace les choses dans leur déroulement temporel, la date critique est donc celle de la naissance du fils aîné de l’auteur, à savoir le 16 septembre 1954, soit longtemps avant l’adoption de la Convention par l’Assemblée générale ou son entrée en vigueur, et même plus longtemps encore avant que le Royaume-Uni ait ratifié la Convention ou adhéré à son Protocole facultatif. La démarche en jeu rejoint du reste le principe général qui sous-tend la législation du Royaume-Uni en matière de nationalité et celle de la plupart des États, à savoir que le droit d’une personne à l’acquisition de la nationalité (britannique) par la naissance ou par l’ascendance dépend de la situation de l’intéressé ainsi que de la loi qui était applicable au moment de sa naissance. La référence à la date de naissance de l’enfant (ou tout au moins à la période de temps au cours de laquelle il peut encore être considéré comme un enfant) va aussi de toute évidence dans le sens du libellé du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention, qui parle expressément d’accorder à la femme des droits égaux à ceux de l’homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants. Cette référence aux « enfants » est à rapprocher de l’emploi de ce terme dans d’autres dispositions d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme telles que le paragraphe 3 de l’article 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le paragraphe 1 de l’article 7 de la Convention relative aux droits de l’enfant et les paragraphes 1 et 2 de l’article 6 de la Convention européenne sur la nationalité. Au Royaume-Uni, l’âge de la majorité a été, à toutes les périodes considérées, 18 ans.
4.11L’État partie soutient en outre qu’à tout le moins, depuis la date à laquelle le fils aîné de l’auteur a atteint sa majorité, soit le 16 septembre 1972, l’intéressée a cessé d’être « victime » du refus de la part des autorités compétentes d’accorder la nationalité britannique à son fils aîné. En règle générale, c’est tant qu’il est encore un enfant qu’un individu devrait avoir le droit de bénéficier de la nationalité d’un parent, car une fois qu’il a atteint l’âge de la majorité, sa candidature à la nationalité devrait être fondée sur ses liens personnels avec le pays et non sur les liens de sa mère avec celui-ci. La section 4C de la loi de 1981 représente une exception importante à cette règle générale et s’applique à une catégorie de personnes très limitée. Par conséquent, c’est au fils aîné de l’auteur qu’il appartient de porter plainte, éventuellement, contre la fin de non-recevoir à laquelle continuent de se heurter les efforts déployés pour le faire reconnaître ou enregistrer comme ressortissant britannique.
4.12L’État partie soutient que cette analyse resterait valable même si l’on devait faire valoir que l’auteur a, à maintes reprises, essayé, en vain, de faire enregistrer son fils aîné comme ressortissant britannique, que ce soit au titre de la section 7 de la loi de 1948 telle qu’elle a été appliquée après l’annonce d’un changement de politique le 7 février 1979 ou au titre de la loi de 1981. Le refus d’enregistrer le fils aîné de l’auteur en vertu de ces dispositions ne saurait en soi autoriser l’intéressée à se plaindre qu’on ne lui a pas accordé « des droits égaux à ceux de l’homme » étant donné que ni l’une ni l’autre de ces dispositions ne concerne les hommes ni ne prévoit des droits spécifiques en leur faveur. En tout état de cause, il n’est pas évident que l’auteur ait jamais déposé une demande d’enregistrement de son fils aîné pendant les années où celui-ci était encore un enfant et, si elle en a déposé une, qu’elle ait exercé les voies de recours internes disponibles en s’adressant aux tribunaux anglais.
4.13L’État partie estime que, pour toutes ces raisons, il est impossible de dire qu’il s’agit d’une affaire dans laquelle les faits qui font l’objet de la communication ont persisté après cette date, c’est-à-dire la date à laquelle le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Royaume-Uni; il n’est pas non plus possible de dire que la correspondance la plus récente donne lieu à une nouvelle violation. Les conséquences de la différence de traitement que l’auteur a éprouvée en 1954 (ou entre 1954 et 1972) subsistent, certes, dans la mesure où le fils de l’intéressée n’a toujours pas la nationalité britannique, mais l’État partie soutient que la question de la nationalité du fils ne constitue pas en soi une violation persistante ou une nouvelle violation des droits de l’auteur au titre du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention.
4.14.À propos de l’épuisement des recours internes, l’État partie rappelle le paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif qui pose la règle de l’épuisement de tous les recours internes disponibles, en vertu de laquelle l’auteur « est tenu de faire usage de tous les recours judiciaires ou administratifs lui offrant des perspectives raisonnables d’obtenir réparation ». Rien n’indique dans la communication de l’auteur qu’au moment des faits (en 1954 ou entre 1954 et 1972), elle ait jamais présenté une demande en vue de la reconnaissance de la nationalité britannique à son fils aîné en application de l’article 7 1) de la loi de 1948 – alors qu’elle pouvait très bien le faire. Par ailleurs, tout refus opposé à telle demande aurait pu et aurait dû faire l’objet d’un examen judiciaire devant la Haute Cour, qui avait à l’époque et a encore maintenant compétence de contrôle sur l’exercice par les pouvoirs publics de leurs fonctions statutaires et/ou de leur pouvoir discrétionnaire, y compris s’agissant du Ministère de l’intérieur pour les décisions concernant entre autres les questions d’acquisition de la nationalité. Dans l’exercice de sa compétence, la Haute Cour avait et a toujours le pouvoir de casser les décisions et/ou ordonner la révision des décisions prises si elle estime que les pouvoirs publics ont agi de façon illicite ou irrationnelle. Même si, à l’époque, la Convention n’avait pas été conclue, l’auteur aurait eu toute liberté pour contester tout refus d’exercer le pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 7 1) de la loi de 1948 en faveur de son fils aîné au motif qu’un tel refus n’était pas raisonnable au regard du droit interne. Elle aurait pu invoquer la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui définissait une obligation internationale auquel le Royaume-Uni était soumis et qui aurait pu justifier l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.
4.15 L’État partie fait valoir que, pour qu’il y ait recours effectif, il n’est pas nécessaire que la requête aboutisse; il faut simplement que le système de droit interne offre au requérant la possibilité de faire entendre sa cause et, si les faits le justifient, d’obtenir réparation sans que le Comité ait à être saisi. Si le Comité considérait, contrairement à ce qui est avancé plus haut, que les faits rapportés par l’auteur constituent non pas une violation continue mais une nouvelle violation qui n’est pas irrecevable ratione temporis, l’État partie soutient que la requête est tout aussi irrecevable du fait que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Bien qu’il soit largement prouvé que l’auteur a cherché à épuiser les recours administratifs (et législatifs par le biais de ses démarches auprès du Gouvernement britannique et de députés soutenant sa cause) existants, elle n’a absolument pas épuisé tous les recours judiciaires disponibles. L’État partie affirme également que la règle qui veut que les recours internes aient été épuisés avant qu’une instance internationale puisse être saisie est aussi un principe bien établi du droit international coutumier. Cette règle fait en sorte que « l’État où la lésion a été commise puisse y remédier par ses propres moyens, dans le cadre de son ordre juridique interne » (Cour internationale de Justice, affaire de l’Interhandel, C.I.J. Recueil 1959, p. 27).
4.16L’État partie soutient en outre que les règles du droit international insistent sur le fait que l’ineffectivité des recours possibles doit absolument être prouvée avant que la condition générale de l’épuisement des recours internes cesse de s’appliquer. L’auteur pouvait et aurait dû intenter une action en application de la loi de 1998 sur les droits de l’homme pour contester la légalité du refus continu opposé à sa demande de reconnaissance de la nationalité britannique à son fils aîné.
4.17L’État partie déclare que si la Haute Cour devait conclure à une violation des droits reconnus à l’auteur par la Convention européenne et dans ce seul cas, elle aurait eu deux options : soit interpréter la loi de 1981 dans un sens qui soit favorable à la reconnaissance des droits de l’auteur et de son fils en vertu de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, soit faire une déclaration d’incompatibilité en application de l’article 4 de la loi de 1998 sur les droits de l’homme. Dans ce dernier cas, le Gouvernement britannique aurait pu réparer rapidement le préjudice subi. L’État partie ajoute, que s’il est impossible d’affirmer qu’en fin de compte, la requête adressée à la Haute Cour aurait abouti à coup sûr, nul ne peut mettre en doute le fait que la possibilité de saisir la Haute Cour constitue un recours effectif que l’auteur est tenu d’avoir épuisé.
4.18L’État partie avance de surcroît que la communication est irrecevable car elle est manifestement mal fondée. Lorsqu’il a ratifié la Convention, le Royaume-Uni a émis la réserve suivante au sujet de l’article 9 :
« Le British Nationality Act de 1981, mis en vigueur avec effet au 1er janvier 1983, est fondé sur des principes qui ne permettent aucune forme de discrimination à l’égard des femmes au sens de l’article premier en ce qui concerne l’acquisition, le changement ou la conservation de la nationalité des femmes ou de la nationalité de leurs enfants. Toutefois, l’acceptation par le Royaume-Uni de l’article 9 ne peut être interprétée comme entraînant l’annulation de certaines dispositions temporaires ou transitoires, qui resteront en vigueur au-delà de cette date. »
L’État partie estime que les conséquences persistantes de l’application de l’article 5 de la loi de 1948, principal grief avancé dans la communication, relèvent à l’évidence des « dispositions temporaires ou transitoires » prévues par la loi de 1981. Par conséquent, la réserve a pour effet de ne pas engager la responsabilité du Royaume-Uni au regard de la Convention. L’État partie renvoie à la Déclaration sur les réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée par le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans son rapport sur sa dix-neuvième session (voir A/53/38/Rev.1) dont, à son avis, certains passages reflètent fidèlement la position du droit international à ce sujet, et en particulier celle énoncée aux articles 19 à 23 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, selon laquelle c’est aux États parties et non au Comité qu’il appartient de prendre des décisions juridiquement obligatoires pour ce qui est de savoir si une réserve émise par un autre État partie est interdite car incompatible avec l’objet et le but de la Convention. L’État partie avance que la réserve à l’article 9 ne peut pas être considérée comme « incompatible avec l’objet et le but de la Convention » et être de ce fait interdite par l’article 28, paragraphe 2, de la Convention. Il fait remarquer qu’aucun des États parties à la Convention n’a formulé d’objection ou cherché à mettre en doute la compatibilité de sa réserve avec l’objet et le but de la Convention et que le Comité lui-même bien qu’ayant exprimé de façon générale l’inquiétude que lui inspirait le nombre des réserves à la Convention, dans ses recommandations générales 4, 20 et 21 (par. 41 à 48), sa déclaration sur les réserves et ses observations finales concernant le Royaume-Uni, n’a pas exprimé de préoccupation particulière au sujet de la réserve à l’article 9. Par conséquent, il avance que, à considérer qu’elle ne soit pas déjà inadmissible pour les raisons exposées plus haut, la communication est manifestement mal fondée dans la mesure où le point sur lequel elle porte relève à l’évidence du cas de figure qui fait l’objet de la réserve émise par le Royaume-Uni lors de la ratification.
4.19Pour toutes ces raisons, l’État partie fait valoir que la communication est irrecevable au regard des paragraphes 1 et/ou 2 de l’article 4 du Protocole facultatif; et que, dans la mesure où ce fait est pertinent, au plus tard avec l’adoption de la loi de 1981, le Royaume-Uni s’est acquitté de ses obligations en vertu du paragraphe 2 de l’article 9 lu conjointement avec l’article premier et l’alinéa f) de l’article 2 de la Convention.
5.Commentaires de l’auteur concernant les observations de l’État partie sur la recevabilité
5.1Dans sa communication du 29 mai 2006, l’auteur réaffirme que sa communication devrait être déclarée recevable car les faits qui y sont évoqués ont continué d’exister après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie concerné dans la mesure où la discrimination dont elle était victime a de nouveau été mise en évidence le 7 février 2006 au moment de l’examen en deuxième lecture du projet de loi sur la nationalité, l’immigration et l’asile (2006) lorsque l’amendement no 67, qui mentionnait son nom ainsi que celui d’autres personnes et aurait mis fin à cette discrimination, n’a pas été adopté.
5.2L’auteur fait remarquer que les « dispositions temporaires ou transitoires » auxquelles se réfère la réserve du Royaume-Uni sont en vigueur depuis plus de 20 ans. Elle estime que ces dispositions auraient dû être annulées lors de l’adoption de la loi de 2002 ou bien encore en 2006. Elle ajoute que, par le biais de sa réserve, le Gouvernement s’est délibérément opposé au recours juridique en réparation qu’auraient pu former les mères britanniques d’enfants nés avant 1961 de pères étrangers.
5.3L’auteur soutient que l’État partie n’est pas allé aussi loin qu’il aurait pu raisonnablement et concrètement le faire pour remédier à la situation où se trouvent les personnes, qui comme son fils, sont toujours privées du droit d’acquérir la nationalité britannique de leur mère par filiation.
5.4L’auteur fait observer que la loi de 1981 a reconnu le droit à la nationalité britannique des enfants mineurs nés à l’étranger d’une mère britannique (et d’un père étranger) après le 7 février 1961. Elle soutient que, le Gouvernement ayant reconnu le droit de ces enfants devenus adultes de demander la nationalité en application de la loi de 2002, la date limite du 7 février 1961 n’aurait plus dû s’appliquer. S’il était injuste et discriminatoire de refuser le droit de demander la nationalité britannique à certains enfants (qui avaient alors atteint l’âge de la majorité) nés à l’étranger d’une mère britannique, il était tout aussi injuste et discriminatoire de refuser ce même droit à d’autres enfants. L’auteur se demande pour quelle raison le droit de demander la nationalité britannique ne pouvait pas être également accordé aux adultes victimes de discrimination aux termes de la loi de 1981.
5.5L’auteur réfute l’argument selon lequel la nationalité est déterminée par l’application de la législation en vigueur au moment de la naissance de l’enfant dans la mesure où, en 1981, certaines personnes ont pu demander la nationalité par l’intermédiaire de leur mère en vertu de la loi de 1981 et en leur nom propre en tant qu’adultes en 2002.
5.6L’auteur concède que la loi de 1981 corrige en partie la discrimination fondée sur le sexe qui existait par le passé en reconnaissant, à partir de cette date, le droit des femmes de donner leur nationalité à leurs enfants sur un pied d’égalité avec les hommes. Elle est toutefois à l’origine d’une nouvelle discrimination du fait qu’elle établit une distinction entre certaines mères, celles dont les enfants sont nés avant 1961 et celles dont les enfants sont nés après 1961. Elle avance que la discrimination a persisté même après l’adoption de la loi de 2002 du fait que les enfants nés après 1961 dont la mère n’avait pas fait de demande de nationalité en leur nom en tant que mineurs avaient eu la possibilité de ce faire en leur propre nom en tant qu’adultes.
5.7L’auteur met en doute l’équité d’une loi sur la nationalité à laquelle n’a pas été donné un caractère rétroactif pour le moins vis-à-vis des personnes encore vivantes qui sont affectées par ses dispositions et compare cet état de choses à celui créé par la loi abolissant l’esclavage en vertu de laquelle tous les esclaves ont été émancipés. Elle estime qu’un motif légitime doit être invoqué pour justifier toute différence de traitement et se demande quel motif légitime il peut y avoir de traiter différemment certaines mères par rapport à d’autres. Consciente qu’aucun gouvernement ne peut réparer toutes les injustices de l’histoire dont ont souffert les générations passées, elle n’en pense pas moins que tout gouvernement a l’obligation de redresser les torts qu’il est en mesure de redresser tels que celui que subissent les victimes vivantes d’une discrimination existant encore notamment lorsqu’il s’est engagé formellement à ce faire vis-à-vis du reste du monde aux termes de la loi sur les droits de l’homme et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle avance encore que la seule excuse pouvant être invoquée par un État pour ne pas s’acquitter de ses obligations vis-à-vis de ses nationaux dans le domaine des droits de l’homme serait que l’exécution de ces obligations pourrait avoir des conséquences terriblement dommageables pour le pays (ce qui ne semble certainement pas être le cas en l’espèce) et que, si tel était le cas, le gouvernement aurait le devoir moral d’expliquer ces conséquences de façon détaillée et satisfaisante.
5.8L’auteur affirme qu’une mère a le droit fondamental de donner sa nationalité à son enfant sur un pied d’égalité avec les hommes et les autres mères, que son enfant soit mineur ou adulte, en particulier lorsque le même droit a déjà été reconnu à d’autres personnes, mineures aussi bien qu’adultes, par deux lois différentes sur la nationalité; elle juge inacceptable que l’on perpétue une injustice quelconque sous prétexte qu’à son origine elle était conforme à la loi.
6.Remarques complémentaires de l’État partie sur la recevabilité
6.1Dans sa communication du 21 juillet 2006, l’État partie reprend les arguments concernant la recevabilité qu’il avait avancés le 13 avril 2006.
6.2L’État partie note que l’auteur n’a pas expressément commenté ou contesté les arguments qu’il a avancés à l’appui des conclusions suivantes : la communication est irrecevable ratione temporis du fait que pour le moins à la date à laquelle son fils aîné a atteint l’âge de la majorité, le 16 septembre 1972 (soit bien avant l’adoption de la Convention par l’Assemblée générale et a fortiori sa ratification par l’État partie) l’auteur avait cessé d’être une victime; la communication est irrecevable parce que tous les recours internes disponibles n’ont pas été épuisés; et/ou parce que les dispositions des parties de l’article 5 de la loi de 1948 qui demeurent en vigueur sont clairement couvertes par la réserve émise par l’État partie lors de la ratification de la Convention. Il estime que n’importe laquelle de ces deux argumentations, voire les deux prises ensemble, suffisent à motiver l’irrecevabilité de la communication.
6.3L’État partie déclare que les observations de l’auteur semblent axées essentiellement sur le fait que les mesures législatives couvertes par la réserve vont au-delà de « dispositions temporaires » car elles ont été prolongées plus de 20 ans et sur l’invitation implicite adressée au Comité pour qu’il déclare cette réserve illicite et non valable.
6.4.L’État partie ajoute que, dans ses remarques, l’auteur passe sous silence le fait que la réserve se réfère à certaines dispositions temporaires et transitoires, qui resteront en vigueur au-delà de janvier 1983 et que les conséquences que continue d’avoir l’article 5 de la loi de 1948 relèvent clairement de la définition de ce type de disposition temporaire et plus important encore transitoire. Il explique que le mot « transitoire » a pour but de renvoyer aux mesures en place jusqu’à ce que la transition entre l’ancien et le nouveau régime se soit faite et pas simplement aux dispositions qui restent en place jusqu’à ce que les modifications voulues aient été apportées à la loi. L’article 5 de la loi de 1948 est la seule disposition de l’ancien régime restée en vigueur depuis le passage au nouveau régime non discriminatoire instauré par la loi de 1981. L’État partie ajoute que, depuis l’adoption de la loi de 1981, les femmes peuvent donner leur nationalité à leur enfant à sa naissance au même titre que les hommes.
6.5Par ailleurs, l’État partie fait valoir que l’auteur, dans ses remarques, ne mentionne pas le fait qu’au regard du droit international, le Comité n’est pas habilité à prendre de décision juridiquement obligatoire sur la question de savoir si la réserve est ou non illicite car incompatible avec l’objet et le but de la Convention; et que lui-même soutient que la réserve n’est de toute façon pas incompatible avec l’objet et le but de la Convention.
7.Remarques supplémentaires de l’auteur sur la recevabilité
7.1Dans sa communication du 9 août 2006, l’auteur répète que sa requête ne devrait pas être déclarée irrecevable ratione temporis car elle affirme que la loi sur la nationalité qui était en vigueur au moment de la naissance de son fils en 1954 était discriminatoire et que la loi actuellement en vigueur est elle aussi discriminatoire et qu’elle est toujours victime de cette discrimination.
7.2S’agissant de l’épuisement de tous les recours internes disponibles, l’auteur affirme qu’en demandant de façon répétée la nationalité britannique pour son fils aîné depuis la naissance de ce dernier et ce, par le biais de démarche auprès du Consulat britannique et du Ministère de l’intérieur et de l’échange de correspondance avec des représentants de l’État et des conseillers juridiques, elle a épuisé tous les recours dont elle disposait. Sa réclamation a même été évoquée encore récemment le 7 février 2006 au cours d’un débat de la Chambre des Lords à l’issue duquel un refus ferme lui a été opposé. Elle ajoute que, pour qu’elle puisse obtenir gain de cause, il faudrait que la loi change. De son point de vue, faire appel devant les tribunaux serait long et compliqué et, à son âge et avec ses ressources, serait une tâche insurmontable qui dépasserait ses possibilités et ses forces; demander l’annulation d’une loi adoptée par le Parlement avec tout le travail que cela suppose est une mission qu’il lui est impossible d’accomplir. Elle pourrait facilement passer le temps qu’il lui reste à vivre à épuiser tous les recours internes disponibles et n’obtenir toujours rien. C’est la raison pour laquelle elle a décidé de s’adresser au Comité.
7.3Pour ce qui est des dispositions sur les conséquences que continue d’avoir l’article 5 de la loi de 1948, lesquelles dispositions seraient couvertes par la réserve de l’État partie, l’auteur a du mal à imaginer qu’une violation continue des droits de l’homme puisse être perpétuée indéfiniment au motif qu’il existe une réserve qui l’autorise. Elle ose espérer que ce n’était pas là l’interprétation qu’il était prévu de lui donner lorsque la réserve a été émise.
7.4L’auteur avance que l’État partie joue avec les mots lorsqu’il renvoie au sens des mots « temporaire » et « transitoire ». À son sens, tout ce qui est déclaré « temporaire » et « transitoire » est destiné à terme à être réexaminé et modifié. De son point de vue, pour réparer cette injustice, l’État partie a opté pour la solution qui consiste à laisser faire le temps et attendre que toutes les personnes qui en étaient victimes ne le soient plus suite à leur décès et que le problème soit résolu parce qu’il aurait cessé d’exister – plutôt que d’éliminer les derniers vestiges d’une loi médiévale qui établissait une discrimination entre d’une part des vieilles dames et leurs enfants devenus adultes et d’autre part les hommes et d’autres femmes. Elle estime que cette façon de procéder est contraire à l’objet et au but de la Convention de même qu’aux déclarations officielles de l’État partie selon lesquelles la discrimination n’a pas sa place dans la société britannique.
7.5L’auteur fait valoir que le Comité est bien habilité à prendre une décision juridiquement obligatoire sur la question de savoir si la réserve émise par l’État partie lors de la ratification est illicite et de ce fait non valable et avance aussi que ladite réserve est bien incompatible avec l’objet et le but de la Convention.
8.Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
8.1Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité décide si une communication est ou n’est pas recevable en vertu du Protocole facultatif.
8.2Conformément à l’article 66 de son règlement intérieur, le Comité peut décider d’examiner séparément la question de la recevabilité d’une communication et la communication elle-même quand au fond.
8.3Le Comité s’est assuré que l’affaire n’avait pas été soumise à une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, ou examinée par une telle instance.
8.4Conformément à l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole, le Comité déclare irrecevable toute communication portant sur des faits antérieurs à la date d’entrée en vigueur du Protocole à l’égard de l’État partie intéressé, à moins que les faits persistent après cette date. Le Comité note que le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord le 17 mars 2004. Il estime que la discrimination dont se plaint l’auteur trouve son origine au moment de la naissance de son fils aîné (le 16 septembre 1954) – bien avant que le Protocole facultatif voire la Convention aient été adoptés. À l’époque, la loi britannique sur la nationalité ne reconnaissait pas aux femmes britanniques – notamment à l’auteur – le droit de donner leur nationalité à leurs enfants, contrairement aux hommes. Le Comité note que, le 7 février 1979, une nouvelle politique gouvernementale a été adoptée qui autorisait les femmes britanniques à demander la nationalité de leur pays pour leurs enfants mineurs nés depuis le 7 février 1971. À la suite de ce changement, l’auteur a, en 1980, obtenu le droit de demander la nationalité britannique pour son fils cadet né en 1966 et à l’époque toujours mineur, alors qu’elle n’a pas pu en faire autant pour son fils aîné à cause de son âge. Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que les faits cités à l’appui de la communication de l’auteur à savoir qu’elle serait victime d’une discrimination en raison de l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait – contrairement à un homme britannique – de donner sa nationalité à son fils aîné (et non pas que son fils lui-même serait victime de discrimination) ont pris fin le jour où son fils est devenu majeur, à savoir le 16 septembre 1972. Après cette date, son fils était le principal détenteur du droit soit de conserver la nationalité qu’il avait acquise soit de demander la nationalité d’un autre État, sous réserve des conditions fixées par cet État. De façon plus générale, cette discrimination à l’égard de l’auteur et des autres femmes a pris fin le 7 février 1979 avec l’adoption de la nouvelle politique gouvernementale. Ces deux dates sont antérieures à l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. Le Comité conclut donc à l’irrecevabilité de la communication ratione temporis.
8.5Conformément au paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité n’examine aucune communication sans avoir vérifié que tous les recours internes ont été épuisés, à moins que la procédure de recours n’excède des délais raisonnables ou qu’il soit improbable que le requérant obtienne réparation par ce moyen. Le Comité prend note de l’affirmation, non contestée, de l’État partie selon laquelle, au moment des faits, à savoir en 1954 ou entre 1954 et 1972, l’auteur n’a jamais demandé la nationalité britannique pour son fils aîné en application de l’article 7 1) de la loi de 1948 et que, si elle l’avait fait et que sa demande avait été refusée, elle aurait pu demander un examen judiciaire devant la Haute Cour, qui avait à l’époque et a encore maintenant compétence de contrôle sur l’exercice par les pouvoirs publics de leurs fonctions statutaires et/ou de leur pouvoir discrétionnaire. L’auteur n’a pas non plus depuis 1972 fait appel devant la Haute Cour du refus persistant des autorités britanniques d’accorder à son fils aîné la nationalité britannique. Le Comité des droits de l’homme a dégagé de longue date une jurisprudence dans laquelle les auteurs sont tenus de saisir les tribunaux internes sur le fond en cas de violation supposée des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ce qui permet à un État partie de remédier à une violation présumée avant que la même question soit soulevée devant le Comité. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes se doit d’en exiger autant des victimes présumées de violation des droits garantis par la Convention et de ce fait juge la communication irrecevable au regard du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif.
8.6.Le Comité n’a aucune raison de déclarer la communication irrecevable pour un quelconque autre motif.
8.7Le Comité décide par conséquent que :
a)La communication est irrecevable au regard du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif au motif que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes et, au regard de l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, au motif que les faits faisant l’objet de la plainte se sont produits avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie et n’ont pas perduré après cette date;
b)La présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.