Nations Unies

CCPR/C/SEN/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

6 novembre 2018

Original : français Anglais, espagnol et français seulement

Comité des droits de l’homme

Cinquième rapport périodique soumis par le Sénégal en application de l’article 40 du Pacte, attendu en 2000 *

[Date de réception : 30 août 2018]

Table des matières

Page

Sigles et abréviations3

Introduction générale5

Première partie : Eléments de réponses aux observations finales du Comite à l’issue de la présentation du dernier rapport du Sénégal en 19975

Chapitre premier : Sur le point relatif à la paix et la stabilité en Casamance5

A.Cas d’arrestations massives et les détentions6

B.Les allégations d’extorsion d’aveux par la torture6

C.Les efforts en faveur de la paix en Casamance6

Chapitre II : Sur le point relatif aux comportements négatifs à l’égard des femmes7

A.Évolution du cadre normatif de protection7

B.Le renforcement de la protection des droits des femmes8

C.Lutte pour une égalité absolue entre Homme et Femme au Sénégal11

Chapitre III : Sur le point relatif aux conditions de vie des détenus11

A.Statistiques démographiques dans les prisons sénégalaises11

B.La réhabilitation des lieux de détention au Sénégal12

C.Amélioration des conditions de vie des détenus12

D.La nouvelle politique de réinsertion sociale13

E.Amélioration des conditions de travail du personnel pénitentiaire14

Chapitre IV : Sur le point relatif aux droits des minorités religieuses et ethniques15

A.Cadre normatif de protection des minorités15

B.Le cadre factuel de protection des droits des minorités ethniques et religieuses16

Deuxième partie : Eléments d’information sur la mise en œuvre du Pacte au Sénégal18

Chapitre I : La mise en œuvre des droits civils et politiques18

A.Le respect des règles de non-discrimination18

B.Le droit au respect de la dignité humaine et l’interdiction de la torture20

C.Administration de la justice et droit à un procès équitable24

D.Des droits collectifs et des libertés individuelles30

E.L’égale participation des citoyens à la direction des affaires publiques et à la vie politique35

Chapitre II : Les difficultés de mise en œuvre des dispositions du Pacte36

A.Droit des femmes36

B.Les droits des détenus37

C.Des droits collectifs et des libertés individuelles37

Chapitre III : Initiatives et engagements pour surmonter les difficultés37

Conclusion37

Sigles et abréviations

ANPEJ

Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes

AOF

Afrique Occidentale Française

APJ

Agent de Police Judiciaire

ARTP

Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes

CADHP

Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

CAE

Chambres Africaines Extraordinaires

CAP

Comités d’Aménagement des Peines

CEDEAO

Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest

CEDEF

Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes

CEDAF

Centre Départemental d’assistance et de Formation pour la Femme

CEDR

Convention internationale sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination Raciale

CENAF

Centre National d’assistance et de Formation pour la Femme

CESE

Conseil Economique, Social et Environnemental

CFA

Communauté financière africaine

CNGF

Commission Nationale de Gestion des Frontières

CNLTP

Cellule Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes

CNRA

Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel

COCC

Code des Obligations Civiles et Commerciales

CORED

Conseil pour le Respect de l’Ethique et de la Déontologie

CP

Code Pénal

CPI

Cour Pénale Internationale

CPP

Code de Procédure Pénale

CRDH

Convention relative aux Droits des personnes Handicapées

CSRRPD

Comité national chargé de la Gestion de la Situation des Réfugiés, Rapatriés et Personnes Déplacées

DACG

Direction des Affaires Criminelles et des Grâces

DACS

Direction des Affaires Civiles et du Sceau

DAP

Direction de l’Administration Pénitentiaire

DDR

Désarmement, Démobilisation et Réinsertion

DH

Droits Humains

DUDH

Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

ENAP

Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire

EOGN

Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale

FSP

Fonds de Solidarité Prioritaire

FNUAP

Fonds des Nations Unies

HCCT

Haut Conseil des Collectivités Territoriales

IPRES

Institution de Prévoyance Sociale

MAC

Maison d’Arrêt et de Correction

MFDC

Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance

MJ

Ministère de la Justice

ODD

Objectif pour le Développement Durable

OERS

Organisation des États Riverains du fleuve Sénégal

OIT

Organisation Internationale Du Travail

OMVS

Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal

ONFP

Office National de Formation Professionnelle

ONG

Organisation non Gouvernementale

ONLPL

Observateur National des Lieux de Privation de Liberté

ONU

Organisation des Nations Unies

ONUDC

Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime

OPJ

Officier de Police Judiciaire

OSC

Organisation de la Société Civile

OUA

Organisation de l’Unité Africaine

PADEC

Programme d’Appui au Développement de la Casamance

PAN

Plan d’Action National

PNDL

Programme National de Développement Local

POS

Procédures Opérationnelles Standardisées

PPDC

Projet du Pôle de Développement de la Casamance

PR

Procureur de la République

PRECOL

Programme de Renforcement et d’Equipement des Collectivités locales

PSE

Plan Sénégal Emergent

PV

Procès-verbal

RTS

Radiodiffusion Télévision Sénégalaise

SNEEG

Stratégie Nationale pour l’Equité et l’Egalité de Genre

SYSTRAITE

Système de collectes de données en matière de Traite des Personnes

TGI

Tribunal de Grande Instance

TI

Tribunal d’Instance

UEMOA

Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

UNICEF

United Nations International Children’s Emergency Fund

USAID

United States Agency for International Development

VBG

Violences Basées sur le Genre

Introduction générale

1.À l’instar des autres États parties, l’État du Sénégal a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) le 13 février 1978. À cet effet, le gouvernement soumet, conformément à l’article 40 du dudit Pacte, son cinquième rapport.

2.Depuis sa ratification, le PIDCP est devenu un élément-clé de l’ordonnancement juridique interne du Sénégal où il a acquis « une autorité supérieure à celle des lois » suivant les dispositions de l’article 98 de la Constitution. Le Pacte fait partie du corpus juridique national que les institutions de l’État ont l’obligation d’appliquer. La protection des droits civils et politiques a toujours été une préoccupation majeure du gouvernement du Sénégal.

3.L’élaboration du présent rapport, rendant compte des efforts réalisés par l’État du Sénégal dans la mise en œuvre de ses engagements internationaux au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, depuis le dernier rapport rendu au Comité en 1997, a été facilité par la contribution de tous les acteurs gouvernementaux, ONG, société civile et partenaires intéressés par ces questions. Cette conjugaison des efforts a rapidement permis de faire un état des lieux du cadre juridique, judiciaire et administratif existant.

4.Toutefois, une difficulté majeure s’est révélée dans le recensement des données statistiques et la description des conditions réelles de mise en œuvre de certains droits.

5.La Constitution du Sénégal, affirme dans son préambule : « l’adhésion du peuple sénégalais à la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et aux instruments internationaux adoptés par l’Organisation des Nations Unies ».

6.Au-delà du préambule, un ensemble homogène de dispositions consacrent l’attachement du Sénégal aux principes des Droits de l’Homme. Il s’agit du titre II de la Constitution intitulé : « Des libertés publiques et de la personne humaine, des Droits économiques et sociaux et des Droits collectifs ».

7.Ce cinquième rapport périodique du Sénégal commence par une première partie entièrement consacrée aux réponses apportées aux pertinentes recommandations contenues dans les observations finales que le Comité avait fait parvenir au gouvernement à l’issue de l’Examen de son dernier rapport, en 1997. Le rapport s’intéresse dans une deuxième partie à la mise en œuvre des dispositions pertinentes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi qu’aux difficultés entravant sa mise en œuvre.

Première partie : Éléments de réponses aux observations finales du Comite à l’issue de la présentation du dernier rapport du Sénégal en 1997

8.En 1997, le Comité avait demandé aux autorités sénégalaises de lui fournir des informations complémentaires sur un certain nombre de questions. Plus spécifiquement, il s’agissait de :

Fournir au comité toutes les informations concernant les événements en Casamance ;

Mettre fin aux comportements négatifs à l’égard des femmes ;

Améliorer les conditions de vie de détenus ;

Fournir des informations sur les droits des minorités religieuses et ethniques ;

Fournir des informations sur l’application effective en droit et en pratique des dispositions du Pacte et sur les facteurs et difficultés entravant sa mise en œuvre.

Chapitre premier : Sur le point relatif à la paix et la stabilité en Casamance

9.La situation d’insécurité qui a marqué cette région méridionale du Sénégal pendant les décennies 80-90 s’est apaisée grâce aux efforts déployés par le gouvernement.

10.L’Accord Général de Paix du 30 décembre 2004 signé entre le gouvernement du Sénégal et le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) a considérablement pacifié la situation même s’il est regrettable de constater, à intervalles irréguliers, des violences commises par des bandes armées isolées et d’identifier des victimes des mines antipersonnel.

11.Avec ce nouveau contexte, l’État du Sénégal est animé d’une volonté politique de lutter contre les actes de torture et l’impunité s’accorde parfaitement avec l’affirmation selon laquelle « qu’une démocratie doit en tout état de cause veiller à ce que, seuls des moyens légitimes soient employés pour assurer la sécurité de l’État, la Paix et la stabilité ».

A.Cas d’arrestations massives et les détentions

12.Les arrestations opérées en Casamance concernent, outre les combattants du MFDC, d’autres individus identifiés comme apportant, d’une manière quelconque, leur concours à l’action des combattants, soit en les renseignant, soit en leur fournissant des moyens, soit, en les abritant. Ces arrestations et détentions des personnes soupçonnées d’être partisans du MFDC font suite à des enquêtes et ne sont nullement arbitraires.

13.Dans ces circonstances, il est normal que des interpellations interviennent, sur la base de renseignements crédibles obtenus par le biais d’autres détenus ou de personnes de bonne volonté à la suite d’une dénonciation.

B.Les allégations d’extorsion d’aveux par la torture

14.Conformément aux articles 6 et 7 du Pacte, les dispositions législatives et réglementaires en vigueur interdisent formellement les sévices et les tribunaux sanctionnent une telle pratique par l’annulation de toute procédure établie sur cette base, sans compter les poursuites judiciaires auxquelles s’exposent ses auteurs.

15.Dans le cas des affaires dites « de Casamance », les allégations revêtent une généralité telle qu’elles sont très vagues, et aucune des personnes inculpées par le juge d’instruction ne s’est jamais plainte, ne serait-ce que pour donner au Procureur de la République l’opportunité d’ouvrir une information judiciaire de ce chef.

16.Il est utile de rappeler qu’au Sénégal personne ne peut être incarcérée sans mandat de justice ; que son arrestation intervienne dans le cadre d’une enquête de police judiciaire effectuée par la police, la gendarmerie ou sur délégation judiciaire du juge d’instruction.

C.Les efforts en faveur de la paix en Casamance

17.Pour consolider la paix durable et le développement de la Casamance, le gouvernement a initié, entre autres, les projets et programmes suivants :

18.Le Programme d’Appui au Développement de la Casamance (PADEC) mis en œuvre jusqu’en 2015 qui a permis d’améliorer les conditions de vie des femmes et des hommes par l’augmentation des revenus générés par les opérateurs, des offres de services, de l’encadrement des capacités d’intervention des structures techniques. Concrètement, les facteurs de production sont plus performants et les circuits de commercialisation sont rémunérateurs.

19.Le Projet du Pôle de Développement de la Casamance (PPDC) s’articule autour de trois composantes :

Le soutien de la production agricole et commercialisation des chaînes de valeur ;

L’accessibilité rurale ;

Le Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR).

Chapitre II : Sur le point relatif aux comportements négatifs à l’égard des femmes

20.Le Sénégal a modifié, le 28 juin 2013, son Code de la nationalité mettant ainsi fin au traitement différencié entre l’homme et la femme quant à la transmission de la nationalité sénégalaise par le mariage, la filiation et l’adoption.

21.Désormais, la femme peut transmettre sa nationalité à son enfant et à son époux. C’est une grande avancée dans la lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. C’est assurément le domaine dans lequel le pays est en phase avec la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et à son Protocole relatif aux droits des femmes.

22.En effet, le Sénégal s’est toujours préoccupé de la condition des femmes sur son territoire et cette volonté s’est, notamment, matérialisée par l’adoption progressive d’un cadre normatif protecteur et la mise en place de politiques visant l’élimination des inégalités entre les hommes et les femmes même s’il reste encore des conquêtes à mener pour que l’égalité de genre soit pleinement effective.

A.Évolution du cadre normatif de protection

1.L’amélioration du statut de la femme dans la constitution

23.Plusieurs dispositions de la Constitution renforcent la jouissance égalitaire des droits de la femme parmi lesquelles :

L’égalité entre les deux sexes, notamment dans l’accès aux mandats et aux fonctions électives (articles 1 et 7) ;

Le droit à l’éducation, à savoir lire et écrire, au travail, à la santé et à un environnement sain (article 8) ;

Le droit d’accéder à la possession et à la propriété de la terre (paragraphe 2 de l’article 15) ;

Le droit à l’allégement des conditions de vie de la femme en milieu rural (article 17);

L’interdiction du mariage forcé (article 18) ;

Le droit de la femme mariée d’avoir son patrimoine propre comme son mari et de gérer personnellement ses biens (article 19) ;

Le droit des enfants des deux sexes d’accéder à l’école (paragraphe 2 de l’article 22) ;

L’interdiction de toute discrimination entre l’homme et la femme devant l’emploi, le salaire et l’impôt (paragraphe 2 de l’article 25).

2.L’harmonisation de la législation nationale avec les engagements internationaux

24.En outre, plusieurs textes législatifs et règlementaires ont été adoptés afin de concrétiser les engagements conventionnels notamment :

La loi no 1999-05 du 29 janvier 1999 qui a augmenté les peines applicables à certaines infractions comme le viol, l’excision, l’attentat à la pudeur, l’inceste et le harcèlement sexuel ;

La loi no 1982-019 du 22 janvier 1982 relative à l’accès des femmes à certains corps militaires et paramilitaires (Forces armées, Douane, Aviation civile) ;

Le Code pénal (CP), à travers l’alinéa 2 de l’article 294 issu de la loi no 99-05 du 29 janvier qui aggrave les sanctions contre les auteurs de violences faites sur « une personne de sexe féminin ...» ;

Le Code du travail qui prend en compte les droits de la femme en cas de maternité ;

Le Code de sécurité sociale qui assure la prise en charge médicale de l’époux et des enfants de la femme salariée ;

La loi no 2008-01 du 8 janvier 2008 portant modification de certaines dispositions du Code des impôts qui supprime l’imposition commune dans le couple et assure à l’épouse une autonomie fiscale complète ;

La loi no 2010-11 du 28 mai 2010 instituant la parité absolue Homme-Femme dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives ;

La loi no 2015-15 du 16 juillet 2015 autorisant le Président de la République à ratifier la Convention no 183 de l’OIT sur la protection de la maternité ;

La loi no 2016-30 du 8 novembre 2016 portant code minier (en son article 109 qui interdit toute discrimination entre l’homme et la femme devant le salaire) ;

La loi no 2013-05 portant modification de la loi no 61-10 du 7 mars 1961 déterminant la nationalité sénégalaise ;

Le décret no 2006-515/PR du 9 juin 2006 relatif à l’accès des femmes à la gendarmerie ;

Le décret no 2017-313 du 15 février 2017 instituant les cellules genres au niveau des secrétariats généraux des ministères ;

Les décrets no 2006-1309 et 1310 du 23 novembre 2006 permettant respectivement à la femme fonctionnaire et la femme salariée du secteur privé de prendre en charge médicalement son mari et ses enfants ;

La Circulaire primatoriale no 009159 du 26 mars 2013 invitant les ministères sectoriels à intégrer le genre dans leurs interventions dont l’application a favorisé la mise en place de 22 cellules genre dans l’Administration publique.

B.Le renforcement de la protection des droits des femmes

1.Les politiques et programmes pour le renforcement des droits des femmes

25.Le Sénégal vient de disposer de son premier Plan d’Action National pour l’éradication des Violences Basées sur le Genre et la promotion des Droits humains (PAN/VBG/DH). Ce document multisectoriel pluri acteurs (2017-2021) a connu un début de mise en œuvre et a généré comme résultats primaires les plans d’actions régionaux.

26.Le PAN/VBG/DH (Plan d’Action National) prend en compte tous les aspects permettant de lutter contre la violation des droits de la femme et de la violence intra familiale à travers des forums et causeries avec les acteurs communautaires. La société civile mène aux côtés de l’État un travail remarquable dans ce sens. On notera :

La mise en place de plans d’action nationale de la femme (PANAF) de 1997 à 2003 ;

La Stratégie nationale pour l’égalité et l’équité de genre pour la période 2005-2015 ; la deuxième phase couvrant 2016-2026 est en cours de mise en œuvre ;

L’accès des femmes aux équipements d’allègement des travaux domestiques :

Entre 2000 et 2005, près de 4,5 milliards de FCFA ont été injectés dans le cadre de ce programme qui concerne des moulins à mil, des machines à coudre, des unités de transformation des produits agricoles et des kits de cuisines ;

Depuis 2006, le Chef de l’État a pris l’engagement de mettre mille (1 000) moulins par an à la disposition des organisations de femme ;

L’accès des femmes aux infrastructures sociales de base ;

Près de 18 milliards de FCFA ont été injectés dans la réalisation d’infrastructures sociocommunautaires grâce aux projets de lutte contre la pauvreté et de CENAF-CEDAF.

Le renforcement des capacités institutionnelles et organisationnelles des femmes :

Il concerne environ 25 000 organisations de femmes regroupant plus d’un million de femmes disséminées sur le territoire national ;

85 813 femmes ont ainsi été formées au leadership féminin entre 2000 et 2009 ;

730 microprojets encadrés par les techniciens du ministère de la famille ont été appuyés.

La généralisation de la gratuité de la césarienne et des accouchements ;

La diminution de la pratique de l’excision est constatée entre 2009 et 2011 : sur les 5 000 recensées en 1997, 4 452 communautés ont abandonné la pratique de l’excision grâce à l’impact du Programme de renforcement des capacités communautaires (PRCC) fondé sur une stratégie d’éducation aux droits de la personne impulsée par la société civile et appuyée par UNICEF ;

Le renforcement des capacités communautaires a largement favorisé l’éveil des consciences des populations. Ces résultats obtenus ont motivé l’UNICEF, le FNUAP et l’USAID à appuyer le Plan d’action national pour l’accélération de l’abandon de l’excision (2010-2015) lancé en février 2010 ;

La gestion par un Conseil national présidé par le Premier ministre et un Comité de pilotage au sein duquel siègent différents ministères intéressés et des organisations de la société civile intervenant dans le secteur, le Plan a permis l’installation dans 11 des 12 zones de prévalence, des comités régionaux supervisés par les gouverneurs qui sont parvenus à faire passer, entre 2010 et 2011, le taux d’abandon de l’excision de 71 % à 89,04 %. Le Plan d’action essaie de reconvertir les exciseuses dans des activités entrepreneuriales telles que l’énergie solaire, l’artisanat et le micro-jardinage.

27.L’État a initié dans le cadre du Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP), un projet « d’appui à la lutte contre les violences de genre en milieu scolaire » pour une approche multisectorielle, interministérielle et multi-niveaux, à l’école comme en dehors. Ce projet entend améliorer l’accès et la rétention des filles à l’école par notamment :

La mise en place d’environnements d’apprentissage sûrs et sensibles au genre et la réduction des inégalités de genre dans l’accès et le maintien à l’école, en particulier des filles ; et

L’amélioration des connaissances de l’impact des VBG sur la scolarisation et sa qualité au sein des responsables ministériels, du personnel éducatif, des communautés, femmes et hommes compris.

28.En 2015, les Procédures Opérationnelles Standards (POS) ont été vulgarisées dans les 14 régions du Sénégal avec les acteurs à la base qui travaillent sur la problématique des Violences basées sur le Genre (VBG). La cartographie de ces acteurs a été élaborée et finalisée, de même que les circuits de prise en charge des victimes/survivantes de VBG.

29.Pour mieux renforcer la protection et la promotion des droits des femmes, des plans d’actions régionaux de lutte contre les VBG sont élaborés dans les 14 régions pour une prise en charge spécifique de cette question au niveau communautaire.

30.La loi no 99-05 réprimant toutes les formes de pratiques néfastes a été traduite en langues nationales et vulgarisée dans les 14 régions du Sénégal. Les procureurs, les commandants de brigade de Police et de Gendarmerie des régions à forte prévalence (Nord, Sud et Sud-est) ont reçu des sessions de mise à niveau, en collaboration avec certaines OSC, pour une meilleure sensibilisation sur l’application de la loi. Des séminaires de vulgarisation de la loi ont été organisés à l’endroit des imams, des présidentes de Groupement de promotion féminines et autres organisations communautaires. D’autres mesures portent sur :

L’adoption de la deuxième SNEEG pour la période 2016-2026, articulée autour du Plan Sénégal Emergent (PSE) ;

L’organisation de sessions de formation des femmes parlementaires et de celles investies sur les listes électorales, en technique de plaidoyer et de négociation. Ces formations ont porté sur les concepts clés : la planification et la budgétisation sensibles au genre, le leadership, le plaidoyer et le lobbying, ainsi que sur la sensibilisation sur les enjeux de l’intégration du genre dans les politiques publiques ;

La mise en place d’un Comité de Révision des Textes législatifs et réglementaires discriminatoires à l’égard des femmes en 2016 par arrêté du Ministre de la Justice.

31.Le rapport des travaux proposant d’autoriser l’avortement médicalisé et l’intégration de la définition de la discrimination, à l’égard des femmes fait actuellement l’objet d’un large partage. Parmi les mesures prises, il est à noter :

La traduction de la CEDEF en six langues nationales et vulgarisée sur l’ensemble du territoire national pour permettre aux populations en général, aux femmes rurales en particulier de mieux connaitre leurs droits ;

Les rencontres techniques sur les enjeux spécifiques à chaque catégorie d’acteurs relativement à la mise en œuvre de la SNEEG ont été tenues au profit des ministères sectoriels, à travers les Cellules d’Etudes et de Planification, les Cellules genre et les Organisations de la Société civile (OSC) ;

L’organisation d’ateliers régionaux de vulgarisation de cette stratégie ont à l’effet de susciter l’engagement des acteurs locaux à se l’approprier et de contribuer effectivement à sa mise en œuvre ;

La production de supports : guide méthodologique d’institutionnalisation du genre, le module multigrade sur Genre/Santé de la Reproduction et de la Planification familiale ;

L’appui technique aux ministères sectoriels dans le cadre de sa mission de coordination des initiatives en faveur du genre.

2.L’évolution de la participation des femmes à tous les niveaux de prise de décisions

32.Toutes ces initiatives ont produit des résultats importants dont les plus remarquables sont :

L’accroissement de la représentation des femmes députés est passée en 2012 de 33 (soit 24 %) à 64 députés (soit 44,6 %) sur 150 que compte l’Assemblée nationale ;

Les élections législatives de 2017 ont augmenté la représentation des femmes au parlement même si en valeur relative le taux a baissé. Ainsi 69 femmes furent élues en 2017 contre 64 en 2012. Le Conseil économique, social et environnemental, présidé par une femme, totalise 23 femmes sur les 120 conseillers soit 19,2 % de femmes. Son bureau est composé de 6 femmes et 6 hommes ;

Suite aux élections locales de juin 2014, le taux de présence des femmes dans les collectivités a triplé, passant de 15,9 % en 2009, à 47,2 % en 2014, représentant près de 13 103 femmes élues locales sur un total de 27 760 conseillers locaux ;

L’enrôlement dans l’armée sénégalaise d’un nombre important de jeunes filles. Entre septembre 2007 et janvier 2008, 300 jeunes filles de 18 à 23 ans ont intégré l’armée sénégalaise ;

L’amélioration, de façon plus générale, de la représentation féminine dans la fonction publique. Elle est passée de 15 584 (18,40 %) à 16 346 (19,09 %) de 2009 à 2010. Les femmes représentaient, en 2010, 17,29 % du corps judiciaire et 1,58 % des agents du commandement territorial. Le Sénégal n’a pas encore de gouverneur et de sous-préfet femme mais cela ne saurait tarder si l’on sait qu’en 2004, le commandement territorial n’était pas ouvert à la gente féminine ;

Le niveau de représentation féminine est passé de 11 % à 47,2 %. Concernant le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT), il y a 33 % de femmes, soit le tiers (50) de l’effectif global. Quant au Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) il est présidé par une femme et son bureau est paritaire avec 6 femmes et 6 hommes de même que celui du HCCT ;

Dans les Conseils départementaux et municipaux, des avancées importantes ont été notées aux élections de 2014 avec un bond de 36,2 points.

C.Lutte pour une égalité absolue entre Homme et Femme au Sénégal

1.Au plan juridique

33. En ce qui concerne le Code de la famille, les actions prioritaires de renforcement des droits des femmes pour une égalité absolue homme/femme au Sénégal portent sur :

Le choix du domicile conjugal du couple qui reste encore un droit exclusif du mari (article 153) ;

La modification de l’article 152 relatif à la puissance paternelle ;

L’âge de mariage de la femme (article 111) ;

La lutte contre l’interdiction de la recherche judiciaire de paternité ;

La discrimination basée sur le sexe dans l’attribution des droits successoraux établie par l’article 637 et suivants régissant les successions de droit musulman. Le Sénégal est en train d’harmoniser sa législation nationale avec les prescriptions du Protocole de MAPUTO.

34.En ce qui concerne le Code pénal, il s’agit :

D’une législation adéquate sur l’avortement médicalisé en cas de viol ou d’inceste ;

De la qualification des agressions sexuelles en crimes (article 320).

2.Au plan politico-social

35.La lutte pour l’égalité absolue homme-femme est confrontée, dans les domaines économique, social et culturel, à des défis liés à l’exercice égalitaire des droits garantis par la Charte africaine et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est à relever parmi ces défis :

L’insuffisance de la mobilisation des ressources pour les actions en faveur des femmes ;

La persistance des stéréotypes, des inégalités et des discriminations dont sont victimes les femmes dans la société sénégalaise.

Chapitre III : Sur le point relatif aux conditions de vie des détenus

36.Dans le but de donner une suite aux recommandations contenues dans les dernières observations finales, les autorités sénégalaises ont initié une série d’actions visant à améliorer les conditions de vie des détenus et surtout préparer leur réinsertion sociale.

37.Elles visent notamment la réhabilitation des lieux privatifs de liberté, l’amélioration du quotidien des détenus, la mise en place d’une véritable politique de réinsertion sociale et l’amélioration des conditions de travail et de vie du personnel pénitentiaire.

A.Statistiques démographiques dans les prisons sénégalaises

38.La population carcérale présente des caractéristiques démographiques spécifiques résultant pour une large part de la diversité des personnes impliquées, hommes, femmes, enfants, nationaux et étrangers, ainsi que de la nature des crimes et des délits commis.

39.Elle est essentiellement composée d’adultes car sur 10 045 individus à la date du 31/12/2017, 94,69 % sont composés d’hommes, 3,45 % de femmes et 3 % de mineurs. Parmi les détenus, 4 175 (soit 41,6 %) sont en détention provisoire dont 92 % d’hommes, 5 % de femmes et 3 % de mineurs.

40.L’effectif des condamnés, à la date du 31 décembre 2017, s’élève à 5 870, soit 58,4 %. Cet effectif est constitué de 96,6 % d’hommes, 2,7 % de femmes et 0,7 % de mineurs.

41.Les statistiques pénitentiaires révèlent qu’à la date du 31 décembre 2017 les étrangers représentent 9,8 % de la population carcérale totale au Sénégal dont les 70 % sont des condamnés.

B.La réhabilitation des lieux de détention au Sénégal

42.C’est pour cette raison que les nouvelles autorités sénégalaises, soucieuses du respect de leurs engagements conventionnels, se sont engagées à « améliorer les conditions de séjour dans les prisons » car pour elles, « l’univers carcéral doit être humanisé et devenir un espace préparant une future réinsertion sociale du détenu ».

43.À cet effet, des mesures ont été prises afin de désengorger et de réfectionner les établissements carcéraux. Ces mesures portent notamment sur :

La construction de deux (2) nouvelles chambres, d’un quartier des mineurs et d’un quartier des femmes avec un aménagement d’un espace pour celles emprisonnées avec leurs enfants dans la Maison d’Arrêt et de Correction de Thiès ;

La réhabilitation de trois (3) chambres en 2017 à la Maison d’Arrêt et de Correction de Foundiougne ;

La construction d’un quartier pour femmes en 2017 à la Maison d’Arrêt et de Correction de Fatick ;

La construction d’une prison de 1 500 places en cours de finition à Sébikotane ;

La construction de huit (8) chambres d’une capacité totale de 480 places au Camp pénal de Koutal dont les travaux ont démarré en fin 2017 ;

La Construction de six (6) Maisons d’arrêt et de Correction départementaux de 500 places chacune ainsi que la mise en place d’un programme annuel de réhabilitation des établissements restants.

44.Grâce à ces mesures la capacité officielle des établissements pénitentiaire est passée de 3 815 mètres carrées en 2014 à 4 224 mètres carrées en 2017. L’Administration Pénitentiaire a élaboré un vaste programme de construction et de réhabilitation des établissements pénitentiaires dans le cadre de la lettre de politique sectorielle du Ministère de la justice (2018-2022).

45.Dans ce programme, il est prévu de construire dix (10) nouveaux établissements pénitentiaires, dont neuf (9) unités hospitalières et huit (8) établissements pénitentiaires.

C.Amélioration des conditions de vie des détenus

46.Afin de mettre les détenus dans les meilleures conditions possibles, des bibliothèques, des cabines téléphoniques, des téléviseurs, des ventilateurs et des extracteurs d’air ont été installés à la MAC de Rebeuss et au Camp Pénal de Liberté 6 et dans quelques établissements pénitentiaires de l’intérieur du pays. De nouvelles toilettes ont été aménagées dans ces MAC et la sécurité intérieure comme extérieure a été renforcée.

47.Il est noté également une réhabilitation du système informatique des établissements pénitentiaires ainsi que la dotation à leur profit de fournitures utiles à la commodité du cadre de vie des pensionnaires.

48.En vue de matérialiser sa volonté qu’est d’assurer à tous les détenus une bonne santé ainsi qu’un cadre hygiénique convivial, le gouvernement sénégalais a aussi finalisé la construction d’un centre médico-social à la Maison d’arrêt et de correction de Liberté VI sise à Dakar. Ce centre vise à fournir des soins de santé aux détenus mais aussi à désengorger le pavillon spécial de l’hôpital Aristide Le Dantec.

49.Un cabinet dentaire a été aussi mis en place pour faire face à la maladie dentaire dont souffre la plupart des détenus et qui s’avère être la deuxième pathologie en milieu carcéral après les maladies dermatologiques.

50.Le dispositif médico-social de l’Administration Pénitentiaire est depuis quelques années dirigé par un médecin, officier de l’armée sénégalaise. Le détenu malade est totalement pris en charge tant du point de vue de ses consultations, de son traitement que de ses produits pharmaceutiques. Chaque établissement pénitentiaire dispose, à cet effet, d’une infirmerie et les infections les plus graves sont traitées au niveau du Pavillon spécial de l’hôpital Aristide Le Dantec.

51.En ce qui concerne l’alimentation des détenus, les autorités sénégalaises ont augmenté l’indemnité journalière d’entretien des détenus. Ainsi en vue de leur donner une alimentation en quantité et qualité suffisante, la prime journalière d’entretien est passée de 600 FCFA en 2013 à 1 023 FCFA en 2018, soit une hausse de 423 FCFA en l’espace de six (06) ans. Désormais, grâce à ces efforts considérables consentis, les détenus reçoivent aux heures habituelles une alimentation suffisante.

52.Des mesures d’aménagement des peines sont aussi prévues. À ce sujet, le Code pénal a introduit, depuis sa dernière modification intervenue en 2016, des peines alternatives à l’incarcération du condamné qui consistent généralement à l’accomplissement de travaux d’intérêt général au bénéfice de la société. Le ministère de la Justice s’est attelé à rendre fonctionnel tout le dispositif d’aménagement des peines avec la mise en place des comités d’Aménagement des Peines (CAP) au sein de chaque Cours d’appel.

53.Par ailleurs, la Commission consultative pénitentiaire installées dans les TGI, est très active dans les procédures de libération conditionnelle. À ce propos, le Ministère de la Justice a instruit, en 2017, 111 dossiers de demande de libération conditionnelle et a mis un avis favorable pour 67 condamnés qui ont bénéficié de la mesure. Les grâces collectives accordées aux milliers de condamnés ont contribué à la réinsertion et au désengorgement des milieux carcéraux.

D.La nouvelle politique de réinsertion sociale

54.La réinsertion des détenus est aussi une préoccupation majeure dans les nouvelles orientations du Ministère de la justice qui a pris plusieurs mesures dans le domaine de l’éducation, de la formation, de l’apprentissage mais aussi de l’emploi et du travail.

55. Ces mesures se traduisent par :

L’ouverture de trois (03) nouvelles classes d’alphabétisation dans les établissements pénitentiaires de Dakar et de Thiès en 2017, dans le cadre du programme national d’Education de Base des Jeunes et des Adultes analphabètes (PNEBJA) ;

La sélection de détenus pour une formation professionnelle dans le cadre du partenariat entre la Direction de l’Administration pénitentiaire (DAP) et l’Office national de formation professionnelle (ONFP).

56.Ainsi en 2016, 2 712 détenus ont subi une formation ou un apprentissage, soit 50,35 % de l’ensemble des condamnés qui étaient de 5 695 au 31 décembre 2016 et 29,13 % de l’effectif carcéral total (9 310 détenus) des 37 établissements pénitentiaires à la même date. En plus de ces mesures, des accords de partenariat sont aussi signés pour une meilleure efficacité de la réinsertion des détenus, notamment :

Convention de financement signée entre l’Inspection d’Académie de Dakar et la DAP. Elle a pour objectif de fixer les conditions de réalisation de classes spécifiques et de définir les relations entre les deux structures ciblées ;

Convention de partenariat signée avec l’Agence nationale pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes (ANPEJ). Elle a pour objectif de mettre en place un dispositif d’accompagnement de détenus.

57.Comme complément à ces mesures, l’État sénégalais a, dans le cadre du budget de l’année 2013, doté tous les 37 établissements pénitentiaires du pays de services socio-éducatifs. Les femmes incarcérées bénéficient de formation sur les métiers de décoration et les enfants détenus avec leurs mères, disposent d’un espace aménagé.

58.Dans toutes les maisons de correction les détenus bénéficient de programmes de formation aux métiers de menuiserie, tapisserie, boulangerie (boulangerie de réinsertion au camp pénal de liberté 6).

59.Des jardins potagers ont été également aménagés dans lesdits établissements dans le but de contribuer à l’amélioration du menu des pensionnaires. Le périmètre maraîcher de Sébikotane a été réhabilité à cet effet et la MAC de Sédhiou expérimente l’exploitation d’un périmètre de pisciculture.

60.La substitution des courtes peines au travail au bénéfice de la société à côté des autres modes d’aménagement des peines prévues par les lois no 2000-38 et no 2000-39 du 29 décembre 2000 et le décret d’application de 2001 facilitent la réinsertion du condamné dans une logique sociale de travail. Cette substitution de peine permet au bénéficiaire de réaliser des actions positives et réparatrices pour la société et de prévenir la récidive. À cet égard, le juge de l’application des peines préside la Commission Pénitentiaire Consultative de l’Aménagement des peines, qui est chargée de l’assister dans la détermination des principales modalités du traitement auquel sera soumis chaque condamné.

E.Amélioration des conditions de travail du personnel pénitentiaire

61.Pour ce qui est de l’amélioration des conditions de travail du personnel, on peut retenir entre autres comme mesures prises : le renforcement de l’effectif (1), les reformes juridiques et institutionnelles (2) et l’équipement (3).

1.Renforcement de l’effectif du personnel

62.Les mesures suivantes ont été prises :

Recrutement de 226 agents pénitentiaire tous grades confondus qui ont terminé leur formation à l’école nationale d’Administration pénitentiaire (ENAP) ;

Recrutement de 300 agents pénitentiaires tous grades confondus dont le concours a été organisée au mois de novembre 2017.

2.Réformes juridiques et institutionnelles

63.Elles portent sur les mesures suivantes :

Projet de loi modifiant et complétant la loi de 72-23 du 19 avril 1972 modifiée, relative au statut du personnel ;

Création de la cellule pluridisciplinaire de prise en charge psycho-sociale des personnes en détention avec l’arrêté no 11160 du 30 juin 2017 ;

Obtention d’un site fonctionnel pour l’école nationale d’Administration pénitentiaire (ENAP) qui a ouvert ses portes en janvier 2017 ;

Création d’un logiciel de gestion des greffes des établissements pénitentiaires.

3.L’équipement du personnel

64.Les efforts ci-dessus ont été fournis :

Plan spécial d’équipement du personnel dont la première tranche est obtenue ;

Acquisition de mobilier de bureau ;

Installation de réseau téléphonique interne à l’Inspection régionale de l’Administration pénitentiaire de Thiès et dans les établissements pénitentiaires de son ressort ;

Réalisation d’une salle de conférence à l’inspection régionale de l’Administration pénitentiaire de Tambacounda.

Chapitre IV : Sur le point relatif aux droits des minorités religieuses et ethniques

A.Cadre normatif de protection des minorités

65.La protection de tous ces principes constitutionnels est effective au Sénégal grâce aux lois adoptées dans divers domaines. Il s’agit notamment :

De la loi no 1981-77 du 10 décembre 1981 relative à la répression des actes de discrimination raciale, ethnique ou religieuse ;

Du Code des obligations civiles et commerciales (COCC) (articles 812 sur l’exercice pratique de la liberté d’association et 824 sur les associations étrangères) ;

De la loi no 96-04 du 22 février 1996 relative aux organes de la communication et aux professions de journaliste et de technicien ;

De l’arrêté ministériel portant cahier des charges des entreprises titulaires du droit de diffuser des émissions radiophoniques. Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 19 de ce texte « Les questions liées à la diversité culturelle et linguistique et aux langues nationales doivent faire l’objet d’une attention particulière »;

Des lois no 92-02 du 6 février 1992 sur les statuts de la radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS) et no 92-57 du 3 septembre 1992 relative au pluralisme à la radio ;

De la loi no 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), pour veiller au respect par les organes de communication, de leurs obligations résultant des lois, conventions et cahiers de charge.

66.Même s’il n’existe pas de loi spécifiquement destinée aux droits des personnes appartenant à des minorités religieuses, ethniques et linguistiques au Sénégal, l’ensemble des textes ci-dessus permettent de garantir le respect de leurs droits.

67.S’agissant de la représentation ethnique et religieuse dans les institutions politiques et publiques sénégalaises, l’État examiné voudrait rappeler ces dispositions de sa Constitution.

68.Son article premier dispose « la République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances ».

69. Il résulte de l’article 4 que : « les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils sont tenus de respecter la Constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Il leur est interdit de s’identifier à une race, à une ethnie, à un sexe, à une religion, à une secte, à une langue ou à une religion ».

70.Au niveau africain, l’obligation pour les États de promouvoir les droits des personnes appartenant à des minorités religieuses, ethniques et linguistiques trouve son fondement dans les articles 2 et 25 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP). En effet, aux termes de l’article 2, « Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».

71.Selon l’article 25, « Les États parties à la présente Charte ont le devoir de promouvoir et d’assurer, par l’enseignement, l’éducation et la diffusion, le respect des droits et des libertés contenues dans la présente Charte, et de prendre des mesures en vue de veiller à ce que ces libertés et droits soient compris de même que les obligations et devoirs correspondants ». Or, parmi ces libertés, il y a les libertés de conscience, de profession, et de pratiquer la religion, qui sont prévues à l’article 8. Les libertés d’association, d’expression, le droit à l’éducation, la liberté de prendre part à la vie culturelle de la Communauté sont aussi garantis.

72.Ces instruments qui sont d’ordre général promeuvent les droits de l’homme, y compris ceux des personnes appartenant à des minorités religieuses, ethniques ou linguistiques.

73.C’est d’ailleurs dans le cadre de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution no 47/135 du 18 décembre 1992, que les Nations Unies ont insisté sur la nécessité pour les États, de protéger l’identité nationale ou ethnique, culturelle, religieuse ou linguistique des minorités, sur leurs territoires respectifs, et favorisent l’instauration des conditions propres à promouvoir cette identité.

74.Pour mieux assurer le respect des droits des personnes appartenant à des minorités religieuses, ethniques ou linguistiques, le Sénégal a pris un ensemble de mesures législatives sur la base desquelles toute activité de promotion doit être fondée.

75.En effet, après avoir posé le principe de l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, et affirmé que la République respecte toutes les croyances dans son article premier, la loi fondamentale pose en son article 5, le principe de l’incrimination de tout acte de discrimination raciale, ethnique ou religieuse. Ces dispositions sont renforcées par les articles 8 et 9 qui, respectivement, citent les libertés individuelles fondamentales, les droits économiques et sociaux, et les droits collectifs, et prévoient que toute entrave volontaire et toute atteinte à l’exercice de celles-ci sont punies par la loi.

76.Les libertés d’expression et d’association, qui sont des moyens pour promouvoir les pratiques religieuses et culturelles, mais aussi les langues, pour les personnes appartenant à des minorités, sont reconnues à tous les citoyens. Il en est ainsi aussi du droit à l’éducation. La liberté de conscience, de religion est quant à elle, consacrée à l’article 23 de la Constitution.

B.Le cadre factuel de protection des droits des minorités ethniques et religieuses

77.Sur le plan de la pratique, le climat social est favorable à l’exercice de la liberté religieuse. Au-delà de la ratification d’instruments internationaux et régionaux de protection et de promotion des droits de l’homme, qui garantissent la liberté de religion, mais également de son arsenal juridique national, le Sénégal a toujours mis en œuvre une politique de promotion et de protection de la liberté religieuse.

78.Cette gestion pratique de la diversité religieuse se traduit par les efforts permanents que le gouvernement consent pour assurer un meilleur respect de la liberté religieuse.

79.Aussi, il accorde souvent une aide matérielle et financière directe aux organisations religieuses, essentiellement pour l’entretien ou la restauration des lieux de culte ou pour l’appui à l’organisation d’évènements particuliers comme le magal de Touba qui célèbre le retour, de sa déportation au Gabon par les colons, de Cheikh Ahmadou Bamba, guide des mourides, le gamou de Tivaouane pour les tidianes fêtant la naissance du prophète Mahomet (Paix et Salut sur Lui), et le pèlerinage mariale de Popenguine pour les chrétiens.

80.Ces aides sont accessibles à tous les groupes religieux. Pour ce qui est des pèlerinages religieux comme le hajj à la Mecque et le pèlerinage catholique annuel au Vatican et en Terre Sainte, le gouvernement accorde aussi une aide financière à travers l’octroi de billets d’avion gratuits. Lors de ces évènements le gouvernement est toujours représenté par une forte délégation composée notamment des représentants consulaires et diplomatiques.

81.C’était le cas par exemple à l’occasion du décès du souverain pontife le Pape Jean Paul II durant lequel le gouvernement avait envoyé une délégation composée de hauts fonctionnaires et des dirigeants de la communauté chrétienne, pour assister aux funérailles. De surcroit de confession catholique, religion minoritaire au Sénégal, le défunt Président Léopold Sédar Senghor a présidé, pendant une vingtaine d’années, l’État du Sénégal, composé majoritairement de wolofs et plus de 90 % de musulmans. Dans la Constitution, le Président de la République prête serment devant Dieu sans référence à aucune religion, à une secte, à un sexe ou une ethnie.

82.Le Sénégal fait partie des pays de vieille tradition de coexistence harmonieuse des cultures et de dialogue des religions. Le gouvernement observe les fêtes religieuses, aussi bien musulmanes, que catholiques, en les décrétant jours fériés : Tabaski (Aid-El Kebir), Tamkharite (Nouvel an musulman), Maouloud (Naissance du Prophète Mahomet), Magal, Korité (Aid-El Fitre), Lundi de Pâques, Ascension, Assomption, Toussaint, Noël.

83.Les organisations religieuses quant à elles, mènent librement leurs activités et gèrent leurs affaires sans ingérence de l’État. Il convient à ce niveau de rappeler qu’elles sont exonérées de nombreuses formes d’impôts. Ce qui constitue un moyen pour l’État, de promouvoir la liberté d’association, et au-delà, la liberté religieuse. Des institutions caritatives religieuses bénéficient souvent de l’appui du gouvernement.

84.Sur le plan de l’éducation religieuse, l’État reconnait aux institutions et aux communautés religieuses, le droit de se développer sans entrave. C’est ainsi qu’elles règlent et administrent leurs affaires sans ingérence de l’État, conformément à l’article 24 de la constitution.

85.Le gouvernement permet aux établissements d’enseignement public de dispenser jusqu’à quatre heures d’instruction religieuse facultative par semaine au niveau du cycle primaire. Les parents choisissent entre le programme d’instruction chrétienne et le programme musulman. Déjà en 2011, sept cent mille (700 000) élèves avaient suivi ces programmes au cours de l’année. Le même droit est reconnu aux établissements d’enseignement privé.

86.Le Ministère de l’Education Nationale accorde des subventions aux établissements administrés par des institutions religieuses qui satisfont aux normes de l’éducation nationale. Les écoles chrétiennes établies depuis longtemps et jouissant d’une bonne réputation pour la qualité de leur enseignement reçoivent la plus grande part de ces subventions. Ce qui, au regard du caractère largement minoritaire de ce groupe religieux, marque l’objectivité dans la distribution des fonds.

87.Il convient aussi de noter que suivant le rapport précité, la majorité des élèves fréquentant ces écoles, sont des musulmans. En sus du cursus national, ces établissements dispensent une instruction religieuse aux élèves chrétiens et une instruction morale aux non chrétiens et ces derniers sont exemptés des cours de religion chrétienne.

88.La politique et les pratiques gouvernementales contribuent de manière significative à la libre pratique de la religion. Les chefs religieux, majoritaires comme minoritaires, mènent leurs activités et ont voix au chapitre sur les questions sociales et politiques, comme les violences politiques à l’occasion d’élections. Ils sont même souvent consultés par les membres du gouvernement.

89.Les groupes religieux ont largement accès aux médias publics pour promouvoir les activités religieuses, prêcher et dispenser une éducation religieuse. Compte tenu de tout ce qui précède et, eu égard, au fait que le Sénégal est un modèle de démocratie reconnu, la représentativité ethnique ou religieuse ne saurait être une question pertinente pour lui. L’un des fondements majeurs en démocratie est le mérite en matière de promotion.

90.Cette caractéristique, qui est loin d’être un vœu pieux confiné dans les textes de la République, se vérifie, au plan factuel. Le Sénégal, pour son attachement à la tolérance religieuse et raciale, a été désigné comme pays africain de l’année 2006 par la Fondation américaine Celebrate Africa ayant vocation à promouvoir le continent à travers ses percées dans différents domaines.

91.Cette diversité culturelle est accompagnée par un dynamisme culturel alimenté par des traditions séculaires propres à chaque groupe. Il a été toujours mené au Sénégal des politiques de valorisation des cultures traditionnelles et le développement des différentes langues nationales a été considéré comme une priorité par les différents gouvernements.

Deuxième partie : Éléments d’information sur la mise en œuvre du Pacte au Sénégal

Chapitre I : La mise en œuvre des droits civils et politiques

A.Le respect des règles de non-discrimination

92.L’État du Sénégal a ratifié l’ensemble des conventions prohibant les discriminations, tant au niveau international avec notamment la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CEDR), la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRDH) qu’au niveau régional, avec la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l’enfant et le Protocole de la Charte relatif aux droits des femmes en Afrique.

93.En plus des dispositions pertinentes de sa Constitution, sont consacrées, sans équivoque, l’élimination et la condamnation de toutes formes de discrimination. En effet, l’article premier de la Constitution dispose que « la République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances. Aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté ».

94.L’article 3 du même texte complète cette interdiction en précisant que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum ». Cette interdiction est étendue à l’exercice du suffrage qu’il est interdit aux partis politiques et coalitions de partis politiques qui concourent à l’expression du suffrage de « s’identifier à une race, à une ethnie, à un sexe, à une religion, à une secte, à une langue ou à une région ».

95.La Constitution prévoit également que « tout acte de discrimination raciale, ethnique ou religieuse et tout acte de propagande régionaliste pouvant porter atteinte à la sécurité intérieure de l’État ou à l’intégrité du territoire de la République » sont sévèrement punis par la loi. Au Sénégal, il n’y a « ni sujet, ni privilège de lieu de naissance, de personne ou de famille. ».

96. Tout en consacrant, par la révision Constitutionnelle de 2008, la parité homme-femme dans les mandats électifs, la Constitution a interdit expressément « toute discrimination entre l’homme et la femme devant l’emploi, le salaire et l’impôt ».

97.Au plan législatif, la mise en œuvre de ces règles impératives a nécessité l’élaboration, la promulgation et la révision de plusieurs lois, notamment :

La loi no 79-02 du 4 janvier 1979 abrogeant et remplaçant les alinéas 2 et 3 de l’article 814 du Code des obligations civiles et commerciales, et l’article 2 de la loi no 68-08 du 26 mars 1968 modifiant le chapitre II relatif aux associations du livre VI du Code des obligations civiles et commerciales et réprimant la constitution d’associations illégales ;

La loi no 79-03 du 4 janvier 1979 abrogeant et remplaçant l’alinéa premier de l’article 5 de la loi no 65-40 du 22 mai 1965 sur les associations séditieuses ;

La loi no 81-17 du 15 mai 1981 relative aux partis politiques ;

La loi no 81-77 du 10 décembre 1981 relative à la répression des actes de discrimination raciale, ethnique ou religieuse ;

Le Code pénal, dans lequel sont insérées de nouvelles dispositions à travers les articles 166 bis, 256 bis et 257 bis ;

La loi no 2010-11 du 28 mai 2010 instituant la parité absolue Homme-Femme dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives ;

Le Code minier de 2016 en son article 109.

98.De manière plus spécifique, la loi no 61-10 du 7 mars 1961, modifiée par la loi no 89-42 du 26 décembre 1989, déterminant la nationalité sénégalaise dispose que « peut opter pour la nationalité sénégalaise à partir de l’âge de 18 ans et jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de 25 ans :

L’enfant légitime né d’une mère sénégalaise et d’un père de nationalité étrangère ;

L’enfant naturel lorsque celui de ses parents à l’égard duquel la filiation a été établie en second lieu est sénégalais si l’autre parent est de nationalité étrangère ».

99.La femme étrangère qui épouse un Sénégalais peut acquérir la nationalité sénégalaise, sauf si elle y a renoncé expressément lors de la célébration du mariage. Inversement, la femme sénégalaise qui épouse un étranger ne perd pas sa nationalité d’origine, sauf si en vue de son mariage, elle demande expressément à en être déchue sur requête écrite de renonciation à la nationalité. Dans ce cas, la déchéance ne joue que si elle peut acquérir la nationalité du futur époux pour éviter toute situation d’apatridie.

100.En outre, dans les domaines de l’emploi et de la sécurité sociale, la loi no 61-33 du 16 juin 1961 portant statut général de la fonction publique coexiste avec des statuts particuliers aux catégories de fonctionnaires. De même, il existe la loi no 59-64 du 6 novembre 1959, modifiée par la loi no 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du travail et la loi no 75-50 du 03 avril 1975 relative aux Institutions de Prévoyance Sociale (IPRES) qui disposent chacune qu’aucune distinction n’est faite entre l’homme et la femme en ce qui concerne leur application.

101.La loi no 72-61 du 12 juin 1972 portant Code de la famille a institué le divorce par consentement mutuel, mettant ainsi à égalité l’homme et la femme. Par ailleurs, la même loi a proscrit la répudiation, les injures graves et les violences à l’endroit de la femme.

102.Les réformes ont permis la prise en charge médicale du mari par son conjoint notamment par le biais de la loi no 89-01 du 17 janvier 1989, qui a abrogé les dispositions du Code de la famille paraissant discriminatoires à l’égard de la femme. Ainsi, l’alinéa premier de l’article 371 modifié dispose désormais que « la femme, comme le mari, a le plein exercice de sa capacité civile ». Ce qui a, d’ailleurs, entraîné l’abrogation de l’article 13 qui fixait le domicile légal de la femme au domicile choisi par le mari.

103.De même, l’article 154 qui donnait pouvoir au mari de s’opposer à l’exercice d’une profession séparée par son épouse, a été abrogé. L’article 19 a aussi été modifié pour permettre à l’épouse d’administrer provisoirement les biens de son conjoint absent. Aux termes dudit article, « dès le dépôt de la déclaration d’absence, le tribunal désigne un administrateur provisoire des biens qui peut être le conjoint resté au foyer. ». L’article 80, qui réservait au seul mari la délivrance du livret de famille, a été également modifié et complété par la mention suivante : « copie conforme du livret de famille sera remise à l’épouse au moment de l’établissement de l’acte de mariage ».

104.La législation a été aussi enrichie pour mieux protéger les groupes vulnérables contre toutes formes de discrimination. Les textes juridiques suivants en constituent une illustration :

La loi no 99-05 du 29 janvier 1999, interdisant la pratique des mutilations génitales est complétée, par l’adoption de deux plans d’action nationaux pour l’abandon de cette pratique ;

Le Code pénal en son article 299 bis ;

La loi no 2005-06 du 10 mai 2005, relative à la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées ainsi que la protection des victimes ;

La loi no 2008-01 du 8 janvier 2008 portant modification des dispositions pertinentes du Code général des impôts qui fait de l’égalité de traitement fiscal entre hommes et femmes une réalité au Sénégal ;

La loi d’orientation sociale relative à la promotion et la protection des Droits des personnes handicapées.

B.Le droit au respect de la dignité humaine et l’interdiction de la torture

1.Le respect de la dignité humaine

105.Aux termes de l’alinéa premier de l’article 7 de la Constitution, « La personne humaine est sacrée. Elle est inviolable. L’État a l’obligation de la respecter et de la protéger. Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, au libre développement de sa personnalité, à l’intégrité corporelle notamment à la protection contre toutes mutilations physiques ».

106.Ces prescriptions de la charte fondamentale font l’objet d’un respect scrupuleux et justifient les mesures suivantes :

L’abolition de la peine de mort avec l’adoption de la loi no 2004-38 du 28 décembre 2004 ;

La ratification, le 28 novembre 2008, de la Convention sur les disparitions forcées ou involontaires ;

L’inclusion dans le Code pénal, par la loi no 96-15 du 28 août 1996 d’une définition de la torture à travers le paragraphe premier de l’article 295-1 ;

L’adoption de la loi no 99-05 du 29 janvier 1999 modifiant certaines dispositions du Code pénal sénégalais par l’insertion d’un article 297 bis, notamment pour assurer une meilleure protection de l’intégrité corporelle.

107. Prenant, par ailleurs, conscience de l’ampleur du phénomène de la traite des personnes dans la sous-région ouest-africaine et dans le pays, le gouvernement sénégalais a ratifié la plupart des conventions relatives à cette question et plus particulièrement :

La Convention des Nations Unies relative aux Droits de l’Enfant de 1989 et son Protocole additionnel relatif à la vente d’enfants, la prostitution des enfants, la pornographie mettant en scène des enfants de 2000 ;

La convention no 138 sur l’âge minimum d’admission à l’emploi de 1973 ;

La Convention de la Haye sur la Protection des Enfants et la Coopération en matière d’adoption internationale de 1993 ;

La Convention no 182 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) de 1999 sur les pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination ;

La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée adoptée en 2000 et ses Protocoles additionnels, notamment le Protocole 1 visant à prévenir et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et le Protocole II relatif à la lutte contre le trafic illicite de migrants par terre, air ou mer.

108.Structure centrale de coordination dans la lutte contre la traite des personnes, la CNLTP a assuré la formation de plusieurs acteurs de la chaîne pénale relevant de la police, de la gendarmerie, de la magistrature, des administrations centrale et territoriales ainsi que des membres de la société civile.

109.Depuis sa création, la CNLTP n’a cessé de mener des actions en vue de disposer d’informations sur le traitement judiciaire et administratif de la traite en collaboration avec les différents services publics et privés qui interviennent dans le domaine de la migration, la traite et le trafic. À titre illustratif, par lettre no 532/MJ/CNLTP du 18 janvier 2016, la CNLTP a demandé aux procureurs, par le canal de procureurs généraux, la communication des données sur les poursuites engagées et jugements rendus en matière de traite des personnes. À la suite, les états statistiques parcellaires ci-après ont été recueillis par la CNLTP :

Dans le ressort de la Cour d’appel de Saint-Louis

Tribunal de Grande Instance de Saint –Louis

110.Six (6) affaires ont été relevées durant la période 2009-2016. Une affaire portant sur nouvelle enquête en matière de traite. Il s’agit de l’Affaire MP contre Amadou Dila DIALLO pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort su un enfant de moins de 15 ans, article 298 et 299 du Code pénal.

Trois (3) jugements ont abouti à des condamnations. Il s’agit des affaires suivantes :

1.Affaire MP contre Thioumo KANDE prévenu d’exploitation de la mendicité d’autrui, violences et voies de fait, prévues et punies par l’article 3 de la loi no 2005-06 du 10 mai 2005, 298 Code pénal. Jugée le 7 avril 2011 avec comme peine 15 jours ferme et 100 000 francs d’amende ;

2.Affaire MP contre Mouhamed WILANE, prévenu de coups et blessures volontaires sur un enfant de moins de 15 ans. Le TGI de Saint–Louis a disqualifié en coups et blessures volontaires avec ITT de 10 jours puis condamné WILANE à trois mois ferme et réservé les intérêts de la victime partie civile ;

3.Affaire MP contre Alpha Amadou DIALLO, prévenu de violences et voies de fait sur mineur de 15 ans et incitation à la mendicité. Le TGI a relaxé le prévenu du chef d’incitation à la mendicité puis condamné pour violences et voies de fait et donné acte à la partie civile de son désistement ;

4.Affaire MP contre Samba BA, prévenu de coups et blessures sur un enfant de 15 ans. Jugée le 24 août 2011, le TGI a relaxé au bénéfice du doute et retenu une faute du sieur BA sur le fondement de l’article 457 du Code pénal.

Dans le ressort de la Cour d’appel de Dakar

Tribunal de Grande Instance Hors Classe Dakar

111.En réponse à la lettre no 072/PG du 26 janvier 2016 du Procureur général près la Cour d’Appel de Dakar, le parquet du tribunal de Grande instance de Dakar a fourni les états des affaires de traite pendantes devant les cabinets d’instruction courant année 2014-2015. Il s’agissait de 5 procédures dont deux jugées et deux en cours d’instruction. Il s’agit de :

1.Affaire MP contre Boubacar Kassé SANE objet du procès-verbal no 350/ Dieuppeul du 9 juin 2014 et du réquisitoire introductif du 10 juillet 2014;instruction en cours devant le 8e cabinet ;

2.Affaire MP contre Oumou Khaïry SANE et Cheikh Seydi Elhadji Malick SANE objet du procès-verbal no 49/ CS Port du 30 août 2014 et jugée le 24 septembre avec relaxe des prévenus ;

3.Affaire MP contre Mor Seyni FAYE objet du procès-verbal d’enquête no 128/ DIC/ BAC du 27 mars 2015 jugée à l’audience du 3 avril 2015 avec relaxe du prévenu ;

4.Affaire MP contre Boubacar Kassé objet du procès-verbal no 350/ du commissariat de Dieuppeul du 9 juin 2014 et du réquisitoire introductif du 10 juillet 2014 ;

5.Affaire MP contre Mouhamed Abderrahmane ADDA, Alioune Badara GAYE et Fatou NDIAYE objet du procès-verbal no 232/ Section Recherches de la gendarmerie du 20 avril 2015 et du réquisitoire introductif du 24 avril 2015 ;

6.Affaire MP contre David Omayeni OGISI et 27 autres objet du procès-verbal no 019/ commissariat spécial du Port du 13 février 2015 et du réquisitoire introductif du 18 février 2015; instruction en cours devant le 2e cabinet d’instruction.

Dans le ressort de la Cour d’appel de Kaolack

Tribunal de Grande Instance de Tambacounda

112.Un état statistique des affaires de traite connues par le TGI de Tambacounda durant la période du 1er avril 2012 au 28 janvier 2013 fait ressortir les données suivantes :

1-Affaire MP contre Prince OMO OBA, de nationalité nigériane, prévenue de proxénétisme par embauche de prostituées maliennes, jugée le 27 juin 2012 par le TGI qui a condamné la prévenue à 45 jours ferme avec interdiction de séjour pour 5 ans ;

2-Affaire MP contre Maciré CISSE, de nationalité sénégalaise, prévenue de proxénétisme par embauche de prostituées maliennes et nigérianes, jugée le 13 juin 2012 par le TGI qui l’a condamné à 45 jours ferme avec interdiction de séjour pour 5 ans ;

3-Affaire MP contre Happy ASIKHEMHEN, de nationalité nigériane, prévenue de proxénétisme par embauche de prostituées maliennes et nigérianes, article 323 du Code pénal ; jugée le 27 juin 2012 par le TGI qui condamné la prévenue à une amende ferme de 500 000 francs ;

4-Affaire MP contre Adun QUEEN, de nationalité nigériane, prévenue de traite des personnes aux fins d’exploitation sexuelle commise en réunion et proxénétisme, article premier et 2 de la loi no 2005-06 du 10 mai 2005 et 323 et suivants du Code pénal ; jugée le 23 janvier 2013 par le TGI qui a relaxé le prévenu.

Tribunal de Grande Instance de Fatick

113.Un état statistique du TGI de Fatick en date du 28 janvier 2013 fait état sept dossiers traités dont 5 cas de violences et voies de fait et 2 cas de coups et blessures volontaires. Il s’agit des dossiers ci-après :

1-Affaire RP 67/12- MP contre Christian CISSE et Béatrice CISSE, prévenues de violences et voies de fait ; condamnées à 1 mois sursis chacune, victime Rosalie Maguette CISSE ;

2-Affaire RP 99/12, MP contre Birane SARR, prévenu de coups et blessures volontaires condamné à 1 mois ferme et 30 000 francs d’amende ferme, victime Andi NDONG ;

3-Affaire RP 182/12, MP contre Baye Saliou LO, prévenu de coups et blessures volontaires, condamné à 1 mois sursis, victime Baye Mor GUEYE, mineur ;

4-Affaire RP 95/12, MP contre Amadou SIDIBE, prévenu de violences et voies de fait, condamné à 3 mois ferme, victime Awa DIALLO, Marieme SIDIBE, Gniilane DIOUF ;

5-Affaire RP 205/12, MP contre Mamadou DIOP, prévenu de violences et voies de fait, condamné à 3 mois sursis, victime Mossane THIOR, Salimata THIOR ;

6-Affaire RP 239/12, MP contre Lamine DIOUF et Soda DIOUF, prévenus de violences et voies de fait, prévenus relaxés, victime Amy TINE ;

7-Affaire RP 268/12, MP contre Moussa KA, prévenu de violences et voies de fait, relaxe, victime Ndimbaté BA.

114.Devant l’ampleur du phénomène de la traite des personnes, la CNLTP a, après une étude sur l’évaluation de la loi no 2005-06 du 10 mai 2005, élaboré un projet de réforme soumis pour adoption, et prenant en compte la conformité technique et l’efficacité dans l’application.

115.La difficulté rencontrée dans le cadre des recueils de données sur les mesures de prévention, d’assistance et de prise en charge des victimes et de répression a motivé la Cellule nationale de Lutte contre la Traite des Personnes (CNLTP) à concevoir, avec l’appui de partenaires, la conception d’un mécanisme de collecte de statistiques. Ce système électronique de collecte de données dénommé SYSTRAITE a été validé depuis 2016 et les acteurs judiciaires ont été formés pour s’y familiariser. Le Sénégal est aujourd’hui à la mise en œuvre de son troisième plan d’action biannuel de lutte contre la traite des êtres humains couvrant la période 2018-2020.

116. Le renforcement des capacités des magistrats et autres acteurs se poursuit et le nombre de ceux spécialisés augmente. Les actions suivantes pour la lutte contre le travail des enfants sont menées :

La redynamisation des six comités intersectoriels régionaux de lutte contre le travail des enfants (Dakar, Thiès, Diourbel, St Louis, Kaolack et Fatick) ;

Le renforcement des capacités des acteurs étatiques et de la société civile à Kédougou sur les pires formes de travail des enfants dans l’orpaillage traditionnel ;

Le renforcement des moyens de travail de la Cellule de Coordination de la lutte contre le travail des enfants en mobilier de bureau, matériel informatique et l’affectation d’un véhicule (2015) ;

L’allocation d’une enveloppe financière par l’État depuis 2014 pour appuyer la mise en œuvre partielle du plan d’actions du plan Cadre, axé principalement sur le renforcement et l’harmonisation du cadre juridique national avec les conventions pertinentes de l’OIT ;

Le renforcement des capacités des inspecteurs du travail sur la traite des personnes en partenariat avec l’ONUDC en 2016.

117.L’objectif d’éliminer les pires formes de travail des enfants dans le monde en 2016 n’ayant pas été encore atteint, la nouvelle stratégie se projette à l’horizon 2030 à travers la cible 8.7 des ODD visant à prendre des mesures immédiates et efficaces pour « supprimer le travail forcé, mettre fin à l’esclavage moderne et la traite des personnes, interdire et éliminer le travail des enfants sous toutes ses formes d’ici à 2025 ».

2.La lutte contre la torture

118.Parce qu’il partage pleinement votre position selon laquelle la répression des auteurs d’actes de torture est aussi importante que la prise de mesures préventives « comme l’arrêt des détentions au secret, la recherche de solutions efficaces dans un système légal transparent, indépendant et efficace, et la poursuite des enquêtes sur les allégations de torture », le Sénégal a, au lendemain de la ratification, le 21 août 1986, de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, initié un certain nombre d’actions visant à concrétiser ses engagements conventionnels.

119.C’est ainsi que conformément aux prescriptions de l’article 4 de cette même Convention, il a adopté la loi no 96-15 du 28 août 1996 portant adjonction au Code pénal d’un article 295-1 qui, s’inspirant de la définition consacrée à l’article premier de la Convention incrimine la torture. Depuis, la tentative de torture est punie comme l’infraction consommée et les personnes coupables de torture ou de tentative sont punies d’un emprisonnement de 5 à 10 ans et d’une amende de 100 000 à 500 000 FCFA. La répression de la complicité de l’infraction de torture ne pose aucune difficulté en droit sénégalais. Sur cette base légale, des membres des services de sécurité ont été arrêtés ou condamnés pour des faits de torture et de mauvais traitements.

120.La complicité est réglementée par les articles 45, 46 et 47 alinéa 1 du Code pénal. Elle est toujours punissable, à moins qu’une disposition spéciale expresse n’en décide autrement. Par ailleurs, le principe de l’emprunt de criminalité bien ancré dans le système juridique sénégalais fait encourir au complice la même peine que l’auteur principal.

121.Le Sénégal est le premier État qui a ratifié le Statut de Rome portant création de la Cour Pénale Internationale (CPI), le 1er février 1999. Il a auparavant activement soutenu cette juridiction en menant une vaste campagne de signatures puis de ratifications auprès des pays africains et versé une contribution volontaire de cinquante (50) millions de FCFA au profit du Fonds des victimes de cette juridiction. Le Sénégal est aussi lié par la CPI par un accord de coopération judiciaire pour faciliter à cette juridiction l’exécution de ses mandats de justice.

122.Pour mieux prévenir la torture et renforcer les droits de la défense, le Sénégal a modifié l’article 55 du CPP en vertu de la loi no 2016-30 du 8 novembre 2016 et pris récemment une circulaire no 00179/MJ/DACG/MN du 11 janvier 2018 précisant les modalités d’application de l’article 5 du Règlement no 05/CM/UEMOA relatif à l’assistance de l’avocat dès l’interpellation.

123.Des condamnations sont prononcées contre des agents d’application de la loi pour des abus. Des actes de procédures judiciaires ont été annulés par les juridictions pour violation de l’article 55 susvisé.

124.La sensibilisation et la formation des agents de l’État sur la prohibition de la torture sont assurées. Les programmes de formation initiale de l’ENAP, de l’ENP, de l’EOGN ont intégré un module sur les droits de l’homme.

125.Il existe aujourd’hui des locaux séparés de garde à vue pour femmes et pour enfants dans les commissariats de police et brigades de gendarmerie.

C.Administration de la justice et droit à un procès équitable

1.Indépendance de la justice

126.L’accès sans entrave à une justice impartiale et indépendante avec des garanties de procédure est une préoccupation constante de l’État du Sénégal. L’article 91 de la Constitution fait du pouvoir judiciaire le gardien des droits et des libertés et le principe de son indépendance est posé par l’article 88 de cette même Constitution.

127.Aujourd’hui, la nouvelle loi organique no 2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut de la magistrature a institué dans le cadre de l’évaluation de l’activité professionnelle du magistrat un droit de recours contre une notation faite par le supérieur hiérarchique. Ce droit vient s’ajouter au droit de recours pour chaque magistrat faisant l’objet de sanction disciplinaire. Le nombre de membres élus au sein du Conseil supérieur de la magistrature a augmenté et le Conseil de disciplinaire composé exclusivement de magistrats ne peut prononcer la radiation d’un magistrat qu’avec la majorité des voix de ses membres.

128.La Constitution garantit à chaque citoyen le droit à ce que sa cause soit entendue dans le cadre d’un procès équitable. Elle reconnait le principe de la légalité des infractions et des peines et le droit de la défense, qui est absolu à toutes les étapes de la procédure judiciaire.

129.Ces dispositions sont complétées par deux textes importants, le CP et le CPP. L’un garantit la légalité des infractions et des peines et l’autre précisant dans ses différentes dispositions les voies et moyens que les victimes doivent mettre en œuvre pour saisir le service public de la justice.

130.Les juridictions sénégalaises rendent leurs décisions en toute indépendance et au cas où l’une des parties à un procès n’est pas satisfaite, elle peut faire appel devant une juridiction de fond supérieure et au besoin, se pourvoir en cassation.

131.Le droit sénégalais aménage le mécanisme de l’exception d’inconstitutionnalité qui permet à une partie de soulever devant la Cour suprême l’inconstitutionnalité d’une loi ou d’une convention internationale ratifiée par le Sénégal.

132.Dans un souci de protection des droits et libertés des administrés contre l’arbitraire de l’administration, l’article 92 de la Constitution aménage :

Le recours pour excès de pouvoir qui permet à toute personne ayant un intérêt à l’annulation d’une décision d’une autorité administrative de saisir la Chambre administrative de la Cour suprême d’une requête à cette fin ;

Le recours en plein contentieux ouvert aux administrés qui veulent faire réparer les dommages qu’ils auraient subis de la part de l’État.

2.Accès à la justice

133.L’accès à la justice et au droit est l’un des axes importants définis dans le Plan Sénégal Emergent dont la mise en œuvre est assurée par le ministère de la Justice à travers plusieurs mesures. Ces mesures sont notamment l’établissement d’une nouvelle carte judiciaire, le développement de la justice de proximité mais également l’accès aux documents sur l’état civil.

134.La volonté de l’État de réformer et de moderniser l’institution judiciaire a pris corps avec la définition d’une nouvelle carte judiciaire par l’adoption de la loi no 2014-26 du 3 novembre 2014 fixant l’organisation judiciaire.

135.Au titre des innovations qui ont été apportés, il est à noter notamment :

Le changement d’appellation : tribunaux régionaux en tribunaux de grande instance et tribunaux départementaux en tribunaux d’instance ;

Le relèvement des taux de compétence ;

La création des chambres administratives ;

La création des chambres criminelles ;

La création de nouvelles juridictions.

136.La carte judiciaire comprend, à ce jour, une Cour suprême, six (06) Cours d’Appel, dix-neuf (19) Tribunaux de Grande Instance, dix-neuf (19) Tribunaux du Travail et quarante-cinq (45) Tribunaux d’Instance (TI). Avec la loi no 2017-23 du 28 juin 2017 modifiant loi no 2014-26 du 03 novembre 2014 fixant l’organisation judiciaire, les tribunaux de commerce ont été intégrés et pris en compte dans la carte judiciaire. Les nouveaux TGI de Pikine-Guédiawaye, TGI de Mbour, TGI de Kédougou et les TI de Salémata, Saraya, Koungheul sont installés dans la même période.

137. Au Sénégal, l’accès à la justice est considéré au moins depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (articles 7 à 10) comme un droit fondamental. Le Ministère de la Justice, a fait de l’accessibilité de la justice un des axes stratégiques du Programme Sectoriel Justice ; ce qui s’est traduit par la mise en place d’un « Dispositif justice de proximité » dont le but est de rapprocher la justice du justiciable.

138.Cette politique est inscrite dans l’axe III du Plan Sénégal Emergent (PSE) qui est articulé autour du renforcement de la sécurité, de la stabilité, de la gouvernance, de la protection des droits et libertés et de la consolidation de l’État de droit, afin de créer les conditions d’une paix sociale durable et de favoriser ainsi le plein épanouissement des potentialités de chaque citoyen.

139.Dans le domaine du renforcement des capacités des acteurs, plusieurs sessions de formations ont été organisées. Ces sessions ont touché les différents acteurs des maisons de justice à travers le territoire national. Elles ont permis de doter plus de cent soixante-quinze (175) acteurs du dispositif de connaissances spécifiques leurs permettant de mieux accomplir les missions qui leurs sont assignées. Les séances de restitution ont été organisées par chaque maison de justice au profit des membres de son comité de coordination.

140.Le règlement des conflits à travers la médiation conciliation constitue l’activité principale des maisons de justice. En 2017, les dix-huit (18) maisons de justice installées à travers le territoire national ont traité douze mille soixante-six (12 066) dossiers de médiation dont six mille huit cent quarante-huit (6.848) réussies.

141.En ce qui concerne l’assistance administrative, elle porte essentiellement sur la facilitation de l’obtention de certains actes administratifs mais aussi à la rédaction de plaintes. En effet, durant l’année 2017, il a été noté vingt et un mille quatre cent cinquante (21 450) demandes d’assistance pour l’obtention d’actes divers d’état civils.

142.Pour ce qui est de l’accueil, l’information et l’orientation des justiciables, les maisons de justice ont informé pour l’année 2017, quinze mille quatre cent quarante-trois (15 443) personnes sur leurs droits.

143.Pour la même période, des activités de communication et de vulgarisation ont été organisées. Il s’agit, entre autres, d’émissions télévisées (18) et radiophoniques portant sur des thématiques juridiques, de rencontres de sensibilisation et de vulgarisation sur le droit et de journées portes ouvertes et de consultations juridiques gratuites. Toutes ces activités ont permis de faire connaître l’existence et les missions des maisons de justice au grand public mais aussi d’informer les populations sur leurs droits.

3.Les garanties de procédure en matière pénale

144.L’un des grands principes qui sous-tend la procédure pénale, est que toute limitation à l’exercice d’une liberté ne peut être ordonnée que par une autorité habilitée par la loi, à savoir le corps des magistrats et celui des officiers de Police judiciaire. Aussi, le CPP a-t-il mis en place à l’origine, des mesures très strictes concernant la garde-à-vue ordonnée par l’Officier de police judiciaire (OPJ), et la détention relevant de la compétence du magistrat. Des sanctions disciplinaires et pénales sont prévues en cas de violation de ces règles.

145.Selon l’article 69 du CPP, l’officier de police judiciaire peut retenir toute personne contre laquelle existent des indices de culpabilité pour une durée de 48 heures. Ce délai peut être prorogé sur ordre du procureur compétent pour une durée supplémentaire de 48 heures à la suite de laquelle la personne retenue devra être immédiatement conduite devant le procureur de la République. Ces délais peuvent être doublés en cas de crimes ou de délits contre la sureté de l’État ou bien en cas de période d’état de siège, d’état d’urgence ou de période exceptionnelle ou encore en matière de terrorisme.

4.Les règles régissant la garde à vue

146.Si, pour les nécessités de l’enquête, l’OPJ est amené à garder à sa disposition une ou plusieurs personnes, il ne peut les retenir plus de 24 heures. Cette durée est prolongée de 24 heures s’il existe contre la ou lesdites personnes des indices graves et concordants, de nature à motiver son (leur) inculpation à l’issue de laquelle l’OPJ doit la (les) conduire devant le Procureur de la République (PR) ou son délégué. Et en cas de difficulté matérielle relative au transfert, le PR doit immédiatement être averti des conditions et délais de transfèrement.

147.Dans les deux cas, l’OPJ doit immédiatement informer le PR, son délégué ou le cas échéant le Président du Tribunal départemental investi des pouvoirs du PR de la mesure dont il a l’initiative et faire connaître à la personne retenue les motifs de sa mise en garde-à-vue.

148.Lorsque la personne gardée est un mineur de 13 à 18 ans, l’OPJ doit la retenir dans un local spécial isolé des détenus majeurs.

149.La mesure de garde-à-vue s’applique sous le contrôle effectif du PR, de son délégué ou le cas échéant du Président du Tribunal de première instance investi des pouvoirs du Procureur. Dans tous les lieux où elle s’applique, les OPJ sont astreints à la tenue d’un registre de garde-à-vue côté et paraphé par le Parquet et qui est présenté à toute réquisition des magistrats chargés du contrôle de la mesure.

150.Le délai prévu peut être prolongé d’un nouveau délai de 48 heures par autorisation du PR, de son délégué ou du juge d’instruction, confirmé par écrit. Les délais prévus sont, toutefois, doublés en cas de crimes et délits contre la sûreté de l’État, de crimes et délits commis en période d’état de siège, d’état d’urgence ou d’application de l’article 47 de la Constitution sans que ces deux causes de doublement puissent se cumuler.

151.En cas de prolongation de la garde-à-vue, l’OPJ informe la personne gardée à vue des motifs de la prorogation en lui donnant connaissance des dispositions de l’article 56. Il lui notifie le droit qu’elle a de constituer conseil parmi les avocats inscrits au tableau ou admis en stage. Mention de ces formalités est faite obligatoirement dans le procès-verbal d’audition sous peine de nullité.

152.L’avocat désigné est contacté par la personne gardée à vue ou toute autre personne par elle désignée ou par défaut, par l’OPJ. L’avocat peut communiquer, y compris par téléphone ou par tous les autres moyens de communication, s’il ne peut se déplacer dans les meilleurs délais, avec la personne gardée à vue dans des conditions garantissant la confidentialité de l’entretien.

153.Si l’avocat choisi ne peut être contacté, l’OPJ en fait mention dans le procès-verbal (PV) d’audition de la personne gardée à vue. L’avocat est informé par l’OPJ ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire (APJ) de la nature de l’infraction recherchée.

154.À l’issue de l’entretien qui ne peut excéder 30 minutes, l’avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure. L’avocat ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde-à-vue. L’OPJ mentionne dans le PV d’audition de toute personne gardée à vue les informations données et les demandes faites en application de la loi. Ces mentions doivent être spécialement émargées par la personne intéressée et, en cas de refus, il en est fait mention. Ces mentions sont prescrites à peine de nullité du PV.

5.Les mesures de prévention de la torture durant la garde à vue

155.D’après la législation actuelle, si le Procureur ou son délégué l’estime nécessaire, il peut faire examiner la personne gardée à vue par un médecin qu’il désigne, à n’importe quel moment des délais légaux de garde-à-vue. Il peut également être saisi aux mêmes fins et dans les mêmes délais par la personne gardée à vue sous le couvert de l’OPJ, par toute personne ou par son conseil ; dans ce cas, il doit ordonner l’examen médical demandé. Cet examen médical est pratiqué sur les lieux mêmes où la personne est gardée à vue, et lorsqu’il n’est pas demandé d’office par le Procureur, aux frais consignés préalablement par la partie requérante. Dans ce dernier cas, l’acte de désignation porte mention de l’existence de cette consignation.

156.Le procès-verbal d’audition de toute personne gardée à vue doit mentionner le jour et l’heure à partir desquels elle a été placée dans cette position, les motifs de mise sous garde-à-vue, la durée des interrogatoires, la durée des repos ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit conduite devant le magistrat compétent. Cette mention doit être spécialement émargée par les personnes intéressées et en cas de refus, il en est fait mention, sous peine de nullité, du procès-verbal.

157.Dans les corps ou services où les OPJ sont astreints à tenir un carnet de déclarations, les mentions et émargements doivent être portés sur ledit carnet. Seules les mentions sont reproduites au PV transmis à l’autorité judiciaire.

158.Lorsque des abus sont constatés de la part des OPJ dans l’application des mesures de garde-à-vue, le PR ou son délégué en informe le Procureur général qui saisit la Chambre d’accusation. La victime desdits abus peut également saisir par requête la Chambre d’accusation. Celle-ci, en vertu de ses pouvoirs prévus aux articles 213, 216 et 217 du CPP peut soit retirer temporairement ou définitivement la qualité d’OPJ à l’auteur présumé des abus, soit, retourner le dossier au Procureur général pour intenter des poursuites, s’il relève qu’une infraction à la loi pénale a été commise.

159.A ces dispositions, il faudra ajouter les articles 213 et suivants du même code relatifs au contrôle par la Chambre d’accusation des activités des OPJ.

160.Pour compléter ce dispositif préventif contre la torture, le législateur sénégalais, après avoir ratifié le 18 octobre 2006, le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a adopté la loi no 2009-13 du 2 mars 2009 instituant, l’Observateur national des lieux de privation de liberté (ONLPL), qui est une autorité indépendante, habilitée à exercer un contrôle sur tous les lieux de détention.

161.Pour prévenir la torture, la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention contre la torture de 1984 ainsi que diverses résolutions des Nations Unies recommandent aux États d’enseigner les normes contenues dans leurs instruments aux responsables chargés de l’application des lois afin de leur permettre d’assurer un juste équilibre entre leurs missions essentielles de sauvegarde de l’ordre public et celles du respect des droits fondamentaux de la personne. Au Sénégal, ces enseignements sont assurés notamment par les écoles de formation des forces de défense et de sécurité et les universités.

6.Les garanties en matière de détention provisoire

162.Le même souci de préserver la liberté de la personne apparaît au niveau de la décision de mise en détention d’un inculpé dans les cas suivants :

En matière correctionnelle, lorsque le maximum de la peine encourue est inférieur ou égal à 3 ans, l’inculpé régulièrement domicilié au Sénégal ne peut être détenu provisoirement au-delà de 5 jours ;

Dans les mêmes types de cas, l’inculpé régulièrement domicilié dans le ressort du tribunal saisi ne peut faire l’objet d’aucune détention provisoire ;

Le mandat de dépôt du juge d’instruction n’est valable que pour une durée de 6 mois maximum ;

Une Commission juridictionnelle est créée auprès de la Cour suprême pour « statuer sur les demandes d’indemnités présentées par les personnes ayant fait l’objet d’une décision de détention provisoire et qui ont bénéficié d’une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement ».

7.L’affaire Hisène Habré

163.Comme précisé plus haut, le Sénégal est partie à la convention de New York du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il a ratifié cette convention le 21 août 1986 et a fait la déclaration prévue à l’article 22 en reconnaissant la compétence du Comité contre la torture à statuer sur les violations des articles 5 paragraphe 7 de ladite convention. En vertu de ces dispositions, le Sénégal en tant qu’État partie devait d’abord prendre des mesures nécessaires pour établir sa compétence à connaitre de ces infractions et poursuivre les auteurs présumés qui se trouvent sous sa juridiction ou procéder à leur extradition.

164.Par la loi no 96-15 du 26 août 1996 mentionné plus haut, le Sénégal a inséré dans son Code pénal un article 295-1 qui incrimine la torture conformément à la définition consacrée par la convention.

165.Cette réforme devait être complétée par la révision du Code de procédure pénale pour asseoir l’effectivité de la compétence universelle des tribunaux sénégalais en la matière. C’est ce qui ressort de l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 20 mars 2001 qui a mis fin aux poursuites engagées contre M. Habré suite à la plainte avec constitution de partie civile déposée par les victimes le 25 janvier 2000. La Cour avait estimé qu’« aucun texte de procédure ne reconnait une compétence universelle aux juridictions sénégalaises en vue de poursuivre et de juger, s’ils sont trouvés sur le territoire de la République les présumés auteurs ou complices de faits de tortures lorsque ces faits ont été commis hors du Sénégal par des étrangers ; que la présence au Sénégal d’Hissein Habré ne saurait à elle seule justifier les poursuites intentées contre lui ».

166.Le Comité des Nations unies contre la torture fut saisi le 18 avril 2001 par les victimes de Hissein Habré pour violation par le Sénégal de la convention contre la torture. Il a conclu dans sa décision du 17 mai 2006 que le Sénégal État partie, a manqué à ses obligations découlant des articles 5 et 7 de la convention et demandé que lui soit donné des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses recommandations de poursuivre ou d’extrader Hissein Habré.

167.Par la loi no 2007-05 du 12 février 2007, le Sénégal a modifié l’article 669 de son Code de procédure pénale en étendant la compétence de ses juridictions à la torture, aux crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide qui serait commis par tout étranger hors du territoire de la République lorsque celui-ci est arrêté au Sénégal ou si une victime réside sur le territoire de la République du Sénégal, ou si le gouvernement obtient son extradition.

168.Pour assurer la poursuite de ces crimes internationaux, le Sénégal se fondant sur les dispositions de l’article 15 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques, a réaffirmé à l’article 9 de sa Constitution modifiée le 7 août 2008, le principe de la non rétroactivité tout en précisant que ce principe ne s’oppose pas au jugement et à la condamnation de tout individu en raison d’actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels d’après les règles du droit international relatives aux faits de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

169.L’adoption de l’ensemble de ces textes permettait au Sénégal de respecter ses engagements découlant tant des conventions internationales que de l’arrêt de la Cour internationale de justice rendu le 20 juillet 2012 qui a enjoint notre pays à soumettre, sans autre délai, cas de M. Hissein Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale, s’il ne l’extrade pas.

170.Mais déjà le 6 octobre 2008, estimant que ces droits étaient violés par les réformes législatives et constitutionnelles, Hissein Habré a saisi la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest qui dans un arrêt no ECW/CCJ/JUD/06/10 rendu le 8 novembre 2010 a abordé le mandat de l’Union africaine donné au Sénégal en indiquant que ledit mandat conférait plutôt au Sénégal une mission de conception et de suggestion de toutes modalités propres à poursuivre et à faire juger M. Habré dans le cadre strict d’une procédure spéciale ad hoc à caractère international. Ce mandat fait suite à différentes péripéties dans le traitement du cas Habré. Le 26 novembre 2005, le Ministre de l’intérieur du Sénégal prend un arrêté mettant Habré à la disposition du Président de l’Union africaine, Olusegun Obasanjo, Président du Nigéria. En juillet 2006, la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine décide « de considérer le dossier Hissène Habré comme le dossier de l’Union africaine, … et donne mandat à la République du Sénégal de poursuivre et de faire juger, au nom de l’Afrique, Hissène Habré par une juridiction sénégalaise compétente avec les garanties d’un procès juste et donne mandat au président de l’Union africaine, en concertation avec le président de la Commission, d’apporter au Sénégal l’assistance nécessaire pour le bon déroulement et le bon fonctionnement du procès ».

171.La conférence des Chefs d’état de janvier 2011 a « demandé à la Commission d’entreprendre des consultations avec le gouvernement du Sénégal afin de finaliser les modalités pour l’organisation rapide du procès de Hissein Habré par un tribunal spécial à caractère international, conformément à la décision de la Cour de justice de la CEDEAO sur la question» et lors de sa 17e session, tenue en juillet 2011, la conférence a « confirmé le mandat confié au Sénégal de juger Hissein Habré au nom de l’Afrique ».

172.Au moment où les experts de la Commission de l’Union africaine et le Sénégal étaient en train de finaliser les documents portant projet de création d’une Cour pénale internationale ad hoc, l’arrêt de la Cour internationale de justice intervint et enjoint à l’État du Sénégal d’engager sans délai des poursuites ou d’extrader le concerné.

173.Le 22 août 2012, un mois après l’arrêt de la Cour internationale de justice, un Accord est signé entre le gouvernement de la République du Sénégal et l’Union africaine (UA) sur la création des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises chargées de poursuivre le ou les principaux responsables des crimes et violations graves du droit international, de la coutume internationale, et des Conventions internationales ratifiées par le Tchad et le Sénégal commis sur le territoire tchadien du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990. Le Statut desdites Chambres sont aussi adoptées et annexés à l’Accord. Une loi de ratification est votée et l’organisation judiciaire du Sénégal modifié.

174.Installées officiellement, le 08 février 2013, la Parquet général a saisi la commission d’Instruction de la Chambre d’assises après l’exécution de deux demandes d’entraide internationale à Bruxelles (Belgique) et au Tchad. L’information judiciaire ouverte le 2 juillet 2013 a été définitivement clôturée le 13 juillet 2015 par une ordonnance de renvoi d’Hissein Habré devant la Chambre africaine extraordinaire d’assises.

175.En première instance, la Chambre d’Assises a, par arrêt en date du 30 mai 2016 déclaré Hissein Habré coupable pour actes de torture, crimes de guerre et crimes contre l’humanité et l’a condamné à l’emprisonnement à la réclusion à perpétuité. Sur appel interjeté par les avocats de Hissein Habré, la Chambre d’Appel d’Assises a, le 27 avril 2017, confirmé la peine de réclusion à la perpétuité.

D.Des droits collectifs et des libertés individuelles

176.La République du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales, les droits économiques et sociaux ainsi que les droits collectifs. Ces libertés et droits sont notamment : les libertés civiles et politiques : liberté d’opinion, liberté d’expression, liberté de la presse, liberté d’association, liberté de réunion, liberté de déplacement, liberté de manifestation, (…).

1.Liberté d’association

177.L’article 8, alinéa premier de la Constitution en pose le principe, tout en soumettant ses conditions d’exercice à la loi. La liberté d’association est garantie plus spécifiquement par les articles 7 et 29 du Code du travail ainsi que l’article 12 de la Constitution sénégalaise qui encadrent rigoureusement l’exercice de ce droit pour les groupements dont le but ou l’activité serait contraire aux lois pénales ou dirigé contre l’ordre public.

178.La liberté de créer des associations syndicales et professionnelles est reconnue à tous les travailleurs par l’article 25, alinéa 3 de ladite constitution. Cependant, aucune disposition n’a été prise dans l’optique d’autoriser les travailleurs étrangers à occuper des postes officiels de représentation au sein des syndicats.

2.Liberté d’expression et de presse

179.La liberté d’expression est expressément consacrée par la constitution en ses articles 8,10 et 11. Elle est renforcée par le nouveau Code de la presse adopté le 20 juin 2017 qui promeut l’entreprise audiovisuelle et la liberté d’expression.

180.Dès son accession à l’indépendance, le Sénégal, conscient de l’importance et du rôle que doit jouer la liberté d’opinion dans la construction et la consolidation d’un État de droit, a adhéré aux principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et consacré les bases du droit de la communication dans sa charte fondamentale. La Constitution de 1963 posait dans son article 8 le principe de la liberté d’expression. Ce principe est repris dans la Constitution du 22 janvier 2001, qui réaffirme dans son préambule son « adhésion à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et aux instruments internationaux adoptés par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) du 10 décembre 1948, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979, la Convention relative aux Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 et la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981 ».

181.La Constitution sénégalaise reconnait en son article 8 les « libertés individuelles fondamentales », les « libertés civiles et politiques » parmi lesquelles figurent en bonne place la liberté d’opinion et d’expression, et affirme en son article 10 que « chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public ». Cette affirmation est consolidée et complétée par l’article 11 qui dispose que « la création d’un organe de presse pour l’information politique, économique, culturelle, sportive, sociale, récréative ou scientifique est libre et n’est soumise à aucune autorisation préalable ».

182.La liberté de presse est donc une liberté constitutionnelle au Sénégal, une liberté fondamentale d’autant plus précieuse que son existence est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale. La liberté d’expression est une condition et une garantie de la démocratie.

183. Par ailleurs, l’État a mis en place des autorités administratives indépendantes pour réguler le secteur. Ces autorités sont :

L’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP), loi no 2006-4 du 4 janvier 2006 ;

Le CNRA créé et remplaçant le Haut Conseil de l’Audiovisuel.

184.À côté de ces instances publiques, s’ajoute le Conseil pour le Respect de l’Ethique et de la Déontologie (CORED), qui est un organe d’autorégulation du métier de journaliste.

185.Au Sénégal, les organes de presse jouissent, grâce à la libéralisation du secteur, d’un climat favorable qui leur garantit un haut niveau de liberté d’expression. Le paysage médiatique est particulièrement riche et diversifié. Il a été recensé une vingtaine de quotidiens, une douzaine d’hebdomadaires et mensuels, et une centaine de radios commerciales privées et communautaires.

186.Les radios privées jouent un rôle important non seulement dans l’information des citoyens mais aussi dans le développement d’un véritable débat public au sein de la société, grâce à des émissions interactives offrant au public la possibilité d’intervenir à l’antenne par téléphone et en directe. Le secteur télévisé a connu, pour sa part, une multiplication des chaînes depuis la création, en 2003, de la 2sTV, la première chaine privée. À ce jour, le Sénégal compte douze chaînes de télévision publiques et privées. À côté de ces médias traditionnels, la presse en ligne connait aussi une croissance rapide et constante, avec plus de vingt sites d’information. Contribuant à la stratégie mondiale de lutte contre la cybercriminalité et la cyber sécurité, le Sénégal a adopté en 2008 une loi d’orientation, une sur les données à caractère personnel et une autre pour lutter contre la cybercriminalité.

3.Liberté de manifestation et de réunion

187.La liberté de réunion et la liberté d’association sont garanties par la Constitution, les articles 811 et suivants, la loi no 68-98 du 26 mars 1968 portant Code des obligations civiles et commerciales et l’article 7 de la loi no 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du travail.

188.Au Sénégal, le droit de manifester par une marche pacifique n’est pas soumis à autorisation préalable mais à une simple déclaration préalable. Toutefois, pour la sauvegarde de l’ordre et de la sécurité publique, l’autorité administrative habilitée à encadrer les réunions publiques en vertu de ses attributions de police peut circonscrire l’itinéraire des manifestants ou différer la manifestation par décision dûment motivée susceptible de recours administratif et judiciaire.

189.Les statistiques sur l’exercice des droits de manifester font ressortir pour l’année 2016 que sur 999 demandes de manifestation reçues, 981 ont été effectivement tenues, 18 seulement ont été interdites par arrêtés dûment motivés.

4.La liberté de religion

190.Le Sénégal est particulièrement caractérisé par la liberté et la tolérance religieuses. Le droit pour chaque citoyen d’avoir les convictions religieuses de son choix, loin d’être une chimère, est une réalité tangible. C’est pourquoi, il existe plusieurs religions dans notre pays, même si l’islam y est la religion dominante, et que le christianisme et l’animisme y ont des adeptes. L’islam sénégalais est confrérique ; les principales confréries étant le Mouridisme, le Tidjanisme, et la Khadrya. De même, il existe plusieurs cités religieuses dont Touba et Tivaoune sont les plus importantes pour les musulmans et Popenguine pour les chrétiens.

191.Malgré la pluralité religieuse, le Sénégal n’est pas une théocratie. À ce titre, tout en respectant toutes les confessions religieuses, l’État est sans religion. En effet, l’article 1er de la Constitution dispose que « la République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale ». La laïcité est la première caractéristique attribuée par le constituant à la République du Sénégal. Cette laïcité, qui procède de la séparation entre le spirituel et le temporel, ne signifie nullement prohibition des religions, mais plutôt égalité de ces dernières devant l’État.

192.L’article 4 de la Constitution interdit aux partis politiques de s’identifier, entre autres, à une religion. Cette interdiction est aussi contenue dans la loi no 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques, modifiée. Il en ressort que les partis politiques qui, aux termes de la Constitution, concourent à l’expression du suffrage, ne sauraient faire référence à une religion dans leurs activités ou statuts. L’absence de référence religieuse dans la vie politique sénégalaise peut être confortée par le fait que le premier Président de la République du Sénégal a été un chrétien qui a dirigé pendant une vingtaine d’années un pays majoritairement composé de musulmans, sans que sa confession religieuse ne lui ait été reprochée dans le discours politique.

193.Aussi, sur les quatre premières dames connues du Sénégal, trois sont des chrétiennes. La pluralité religieuse est bien reflétée par la composition de toutes les institutions, l’appartenance à une religion n’étant ni un critère d’accès à une responsabilité publique, ni un obstacle. Pour les citoyens, la mention de la religion n’est exigée sur aucun document administratif. C’est dire que l’appartenance religieuse est tout simplement neutre.

194.La liberté religieuse se traduit aussi par l’absence de discrimination fondée sur la religion aussi bien au niveau du recrutement dans la Fonction publique que dans le secteur privé. De même, les fêtes religieuses sont reconnues par l’État, qu’il s’agisse de fête musulmane ou chrétienne.

195.Il existe même un répertoire des manifestations religieuses. Lors des cérémonies religieuses, l’État intervient en appui en vivres et matériels divers et à la sécurité des pèlerins pour la bonne organisation desdites cérémonies. En outre, l’État soutient les écoles coraniques appelées Daraas.

196.L’État du Sénégal a initié des programmes de modernisation des capitales religieuses dont l’exécution a déjà commencé à Touba et à Tivaoune. C’est le lieu de signaler également la réfection de la Cathédrale de Dakar entreprise par l’État du Sénégal et les travaux de rénovation de Popenguine pour l’amélioration des conditions d’accueil des fidèles chrétiens. Il faut inscrire dans ce registre le parachèvement des travaux de la grande Mosquée Omarienne, de la mosquée Médina Gounass de Bopp, à Dakar, de la grande Mosquée de Thiénaba et de Tivaoune ainsi que la rénovation de la Mosquée de la cité religieuse de Léona niassène à Kaolack. À cela, s’ajoute l’octroi d’un terrain de plusieurs milliers de mètres carrés pour l’édification du complexe islamique Massalikoul Djinane, comprenant une grande mosquée, un institut islamique et la résidence de Serigne Touba.

197.Sur un autre registre, notons que les religions sont pratiquées dans une parfaite symbiose comme en atteste le dialogue islamo-chrétien. Soulignons que des foules convergent le vendredi vers les mosquées tout comme le dimanche vers les églises. Lors des fêtes musulmanes, les autorités de l’église posent des actes de raffermissement des relations entre les deux religions. Au sein de beaucoup de familles, une partie est constituée de musulmans et l’autre de chrétiens. Certains cimetières sont communs aux musulmans et chrétiens. Les pratiques animistes ne rencontrent pas d’obstacles institutionnels.

198.Lors des grandes fêtes religieuses, les autorités administratives assurent la représentation de l’État au niveau de certains lieux de culte ou cérémonies. L’État assure la protection des cultes et, au sein du gouvernement, c’est le ministre de l’intérieur qui en a la charge. Sur le plan pénal, les articles 230 et suivants du Code pénal répriment l’entrave au libre exercice des cultes.

199.En définitive, au Sénégal la liberté de pratiquer la religion de sa convenance est effective. Il s’y ajoute que les guides religieux peuvent être des relais sociaux importants pour véhiculer certains messages comme la sensibilisation pour la vaccination des enfants ou les appels à la paix et à la concorde nationale.

5.Liberté de déplacement et de circulation

200.L’article 12 du PIDCP dispose « quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler et d’y choisir librement sa résidence. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien. Les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le présent Pacte. Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays ».

201.L’article 13 du même Pacte quant à lui dispose : « un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d’un État partie au présent Pacte ne peut en être expulsé qu’en exécution d’une décision prise conformément à la loi et, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ne s’y opposent, il doit avoir la possibilité de faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion et de faire examiner son cas par l’autorité compétente, ou par une ou plusieurs personnes spécialement désignées par ladite autorité, en se faisant représenter à cette fin ».

202.La position géostratégique du Sénégal, à la croisée des voies maritimes et aériennes ouvertes vers le continent américain, européen et son héritage historique comme principale capitale de l’ancienne Afrique occidentale française (AOF), font de ce pays, un lieu privilégié de transit et de destination de flux migratoires importants provenant principalement de la région de l’Afrique de l’Ouest. Il s’y ajoute que l’effondrement progressif des économies des pays de la région ouest-africaine secoués par des crises politiques récurrentes, a considérablement augmenté le flux migratoire vers le Sénégal.

203.L’immigration y est importante à cause des taux de fiscalité attrayants, de l’importance du secteur informel, notamment le commerce, de la main d’œuvre à bon marché, mais aussi de l’installation de plus en plus croissante de nouvelles entreprises, du fait du dynamisme de l’économie sénégalaise. La stabilité sociopolitique est également un facteur explicatif des migrations au Sénégal où la situation des migrants est régie par un arsenal juridique constitué aussi bien de textes de droit international que de droit interne.

204.Le Sénégal a ainsi ratifié plusieurs conventions et traités internationaux et sous- régionaux en matière de migration qui viennent compléter son dispositif juridique interne. À ce titre les instruments internationaux suivants sont applicables :

La convention no 19 relative à l’égalité de traitement des travailleurs étrangers et nationaux signée à Genève le 5 juin 1925, ratifiée par le Sénégal le 22 novembre 1962 ;

La convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;

La convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée à New York le 18 décembre 1990 et ratifiée par le Sénégal le 9 juin 2003 ;

La convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que ses deux protocoles additionnels visant l’un à prévenir, réprimer, et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants tandis que l’autre lutte contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer. Cette convention adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 15 novembre 2000 a été ratifiée par le Sénégal le 27 octobre 2003.

205.En outre, le Sénégal figure parmi les États membres fondateurs de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). À ce titre, il est partie prenante des différents protocoles d’accords adoptés par cette organisation régionale qui s’est préoccupée très tôt des questions de migrations, compte tenu des importants flux enregistrés au sein de la communauté. Il s’agit principalement du Protocole A/P1/5/79 du 29 mai 1979 de la CEDEAO qui fixe les principes généraux de la libre-circulation des personnes et du droit de résidence et d’établissement, de la circulation des véhicules de transport et surtout le principe de l’abolition des visas et le permis d’entrer pour les citoyens de la Communauté.

206.Il s’agit également des protocoles additionnels suivants :

Le protocole A/SP1/7/85 du 6 juillet 1985 sur les droits et obligations des migrants, les conditions et procédures d’expulsion ;

Le protocole A/SP1/7/86 du 1er juillet 1986 sur le droit de résidence et les dispositions particulières relatives aux travailleurs frontaliers et saisonniers ;

Le protocole A/SP1/6/89 du 30 juin 1989 sur le règlement des différends entre États membres au sujet de l’interprétation ou de l’application du protocole ;

Le protocole A/SP2/5/90 du 29 mai 1990 sur les modalités d’application du droit d’établissement et les dispositions relatives à la protection et à la promotion des investissements.

207.L’acte constitutif de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et ses différents accords, garantissent dans la zone une libre circulation des biens et des personnes.

208.Les instruments de l’Union Economique et Monétaire de l’Ouest Africain (UEMOA) ont renforcé d’avantage le droit d’établissement des ressortissants de la Zone. Le respect de ces règles communautaires est contrôlé par des Cours de justice commune. Le Sénégal est membre fondateur de l’Organisation des États Riverains du fleuve Sénégal (OERS) qui est devenu plus tard l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) par le Traité signé le 11 mars 1972 à Nouakchott. Une convention signée le même jour déclare : « cours d’eau international » le fleuve Sénégal et ses affluents, garantit aux États signataires la liberté de navigation et l’égalité dans toutes les formes d’utilisation de l’eau du fleuve.

209.Par ailleurs, le Sénégal est signataire du Traité du 10 janvier 1994 instituant l’Union Economique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA). Ce traité a pour objectif, entre autres, de créer entre États membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, biens et services, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale. Ce traité modifié le 25 janvier 2003 consacre une série d’articles à la libre circulation des personnes, au droit de résidence et au droit d’établissement.

210.Les principaux instruments applicables sont la convention d’établissement signée le 27 mars 1964 entre le Sénégal et le Maroc, l’Accord entre le Sénégal et la Mauritanie signé en 1992 relatif à la circulation des ressortissants des deux pays et fixant les points de passage officiels à la frontière et l’Accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Sénégal et la France signé le 23 septembre 2006 et modifié par avenant le 25 février 2008.

211.La Constitution du Sénégal garantit à toute personne la liberté de mouvement. Sous réserve de remplir les formalités administratives, toute personne peut quitter le Sénégal et y retourner. En effet, elle dispose en son article 14 que « tous les citoyens de la République ont le droit de se déplacer et de s’établir librement aussi bien sur toute l’étendue du territoire national qu’à l’étranger ».

212.L’afflux important de migrants venant des pays de la sous-région dans les années 70 a amené l’État du Sénégal à adopter la loi no 71-10 du 25 janvier 1971 relative aux conditions d’admission, de séjour et d’établissement des étrangers au Sénégal et son décret d’application no 71-860 du 28 juillet 1971. Cette loi qui peut être considérée comme la loi-cadre dans ce domaine, n’a connu depuis son adoption que de légères modifications. Il s’agit d’abord de la loi no 78-12 du 29 janvier 1978 qui renforce les peines à l’encontre des étrangers en situation irrégulière, ensuite de la loi no 82-06 du 30 juin 1982 insérant un article 831 bis dans le Code général des impôts qui aggrave les sanctions pour défaut de présentation des cartes d’identité d’étrangers au visa annuel. On peut citer aussi la loi no 2005-06 du 10 mai 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées à la protection des victimes, qui prévoit de lourdes peines à l’encontre des mis en cause.

213.Il s’y ajoute que les migrants peuvent travailler au Sénégal et bénéficier d’une protection juridique appropriée. Dans la législation sénégalaise, l’admission de tout travailleur migrant à un emploi salarié est subordonnée à une autorisation administrative préalable valant permis de travail.

214.De plus, l’article 13 du décret d’application dispose expressément « l’autorisation de séjour ou d’établissement est individuelle. Elle s’étend toutefois aux enfants de moins de quinze ans de l’étranger, si le requérant en a fait la demande et sous réserve que ses enfants l’accompagnent lors de son entrée au Sénégal ».

215.Le Code du travail, après avoir interdit toute discrimination dans le cadre du travail, oblige en son article L159 l’employeur à prendre en charge les frais de transports du travailleur, de son conjoint et de ses enfants mineurs.

216.Soulignons aussi la possibilité de naturalisation des étrangers établis au Sénégal, avec la loi no 61-10 du 7 mars 1961, modifiée par la loi no 89-42 du 26 décembre 1989 relative à la nationalité sénégalaise. L’acquisition de la nationalité sénégalaise pour les étrangers, procède d’une décision de l’autorité publique sur demande du requérant. Celui-ci doit avoir séjourné de manière continue au Sénégal pendant 10 ans au moins. Ce délai est réduit à 5 ans pour ceux qui sont mariés à un ressortissant sénégalais, ou ont rendu un service exceptionnel à la Nation ou travaillé cinq ans dans l’administration ou dans un Etablissement public.

217. Aussi, « peut opter pour la nationalité sénégalaise à partir de 18 ans et jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de 25 ans :

1.l’enfant légitime né d’une mère sénégalaise et d’un père de nationalité étrangère ;

2.l’enfant naturel lorsque celui de ses parents à l’égard duquel la filiation a été établie en second lieu est sénégalais si l’autre parent est de nationalité étrangère ».

218.Diverses structures de l’État interviennent dans la gestion des migrations. Il s’agit principalement des services de la police, notamment la Direction de la Police de l’Air et des Frontières, la Direction de la Police des Etrangers et des Titres de Voyage et la Direction de la Surveillance du Territoire. D’ailleurs, l’objectif sectoriel no 1 de la Lettre de Politique Sectorielle de la Gouvernance intérieure est le renforcement et la consolidation de la sécurité intérieure qui prend en charge, entre autres, toutes les activités relatives à la lutte contre l’émigration clandestine, la criminalité transfrontalière et le renforcement de la répression contre le trafic illicite de stupéfiants.

219.La Commission Nationale de Gestion des Frontières (CNGF) a été créée par le décret no 94-370 du 3 juin 1994, complété par le décret no 96-96 du 1er février 1996 puis remplacé par le décret no 97-570 du 2 juin 1997. La Commission, aux termes de l’article 2 dudit décret, « a pour mission de faire des études, de préparer les négociations nécessaires et de présenter au Chef de l’État, les propositions appropriées concernant la gestion des frontières entre le Sénégal et les États voisins ».

220. Le Comité national chargé de la Gestion de la Situation des Réfugiés, Rapatriés et Personnes Déplacées (CSRRPD) a été mis sur pied par le décret no 2003-291 du 8 mai 2003. Sa composition, les attributions et le fonctionnement de ses organes ont été définis par l’Arrêté présidentiel no 3809 du 13 avril 2004. Ce comité travaille en étroite collaboration avec la représentation régionale de l’Afrique de l’Ouest du Haut -Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), avec qui il a pu finaliser le processus de rapatriement volontaire et organisé de près de 2 400 réfugiés négro-mauritaniens qui vivaient au Sénégal depuis le déclenchement de la crise sénégalo-mauritanienne de 1989. Ceux, parmi les réfugiés, qui ne désirent pas rentrer en Mauritanie sont orientés vers l’intégration locale devant déboucher sur la naturalisation. Dans ce sillage, les réfugiés rwandais et libériens s’acheminent vers la signature de la clause de cessation.

E.L’égale participation des citoyens à la direction des affaires publiques et à la vie politique

221. La Constitution Sénégalaise assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances. Aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté. Aux termes de l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum ».

222.L’article 7 de la loi fondamentale proclame avec force que « le peuple sénégalais reconnaît l’existence des droits de l’homme inviolables et inaliénables comme base de toute communauté humaine, de la paix et de la justice dans le monde. Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Les hommes et les femmes sont égaux en droit. Il n’y a au Sénégal ni sujet, ni privilège de lieu de naissance, de personne ou de famille ».

223.L’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables :

De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis ;

De voter et d’être élu, au cours d’élection périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ;

D’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.

224.C’est pour donner plein effet à cette disposition du Pacte qu’au Sénégal, la création de partis politiques est libre et ceux-ci sont considérés comme des associations régies par le droit commun.

225.Le Sénégal est un pays où la culture démocratique s’est installée depuis longtemps. Cela se vérifie notamment au niveau de l’expression du suffrage universel, au moyen d’élections libres et transparentes.

226.C’est ainsi que, faut-il le rappeler, le Sénégal s’est doté d’un Code électoral qui a fait l’objet d’un large consensus. Ce Code a confié le recensement des votes à des commissions composées de représentants des partis politiques et présidées par les magistrats. Il a placé le scrutin sous la surveillance du pouvoir judiciaire et a confié le contentieux électoral au Conseil constitutionnel pour les élections présidentielles et législatives. Pour la première fois dans l’histoire du pays, les militaires et paramilitaires ont maintenant le droit de vote.

227.La culture démocratique, c’est aussi la liberté dont bénéficient les partis politiques dans leur constitution et fonctionnement.

228.En effet, depuis 1981, le Sénégal a renoué avec le multipartisme intégral. Il est dénombré plus d’une centaine de formations politiques dont certains ont des difficultés de financement pour leurs activités.

229.Les mesures prises depuis 2013 par le Ministère de la Gouvernance territoriale s’inscrivent dans une politique de refondation de la décentralisation. Cette réforme du développement territorial en 2013 appelé « ACTE 3 DE LA DECENTRALISATION » vise les objectifs suivants :

La communalisation intégrale sur l’étendue du territoire ;

Le renforcement de leur autonomie financière et leur personnalité juridique pour mieux concevoir, programmer et mettre en œuvre leurs actions de développement ;

L’augmentation des fonds et infrastructures de base des collectivités territoriales.

230.Cette réforme a l’avantage de répartir judicieusement des compétences, jusqu’ici exercées par l’État, entre les collectivités territoriales dans la perspective d’une meilleure harmonie du développement local du Sénégal.

231.En matière de gouvernance locale, le Sénégal s’est doté d’un cadre de participation directe des citoyens à la base avec un processus de décentralisation.

232.Les collectivités territoriales disposent de ressources mises à leur disposition par l’État à travers le Programme national de Développement local (PNDL) et le Programme de Renforcement et d’Equipement des Collectivités locales (PRECOL), en plus des moyens traditionnels que sont le Fonds d’Equipement des collectivités locales et le Fonds de Dotation à la Décentralisation. Nul doute que cette nouvelle approche, caractérisée par un renforcement de la décentralisation rapproche la République du Sénégal de cette trilogie : droits de l’homme, paix et développement.

233.Le Sénégal a mis en place une agence de développement local chargée d’impulser et d’approfondir le processus de décentralisation et de développement durable au niveau des collectivités locales.

Chapitre II : Les difficultés de mise en œuvre des dispositions du Pacte

A.Droit des femmes

234.Le Sénégal est un pays qui promeut et protège le droit des femmes conformément aux dispositions du Pacte.

235.La prise en charge des droits des femmes a mis l’accent sur et l’autonomisation des femmes, la lutte contre les violences sexuelles et conjugales. C’est dans cette optique que le gouvernement a institué de cellules genre dans les ministères afin de développer dans l’administration une culture des droits des femmes même si les pesanteurs culturelles, religieuses et économiques demeurent des obstacles.

B.Les droits des détenus

236.Les mesures d’extension, de réhabilitation, de construction et celles relatives à l’aménagement des peines et des mesures alternatives à l’incarcération ont contribué considérablement au désengorgement des prisons. D’autres mesures sur le plan de la santé, de l’alimentation et de la protection de l’intégrité physique des détenus ont été prises. Cependant la satisfaction de l’ensemble des droits des détenus reste dépendante du niveau économique faible du pays.

C.Des droits collectifs et des libertés individuelles

237.Le Sénégal dispose de tout un arsenal de textes et de lois relatives à la presse. Mais ces textes dans bien des cas ne s’adaptent pas au contexte médiatique actuel. En effet, on trouve dans ces législations des dispositions limitant ou restreignant l’accès aux informations officielles ou des dispositions pénales sur les activités séditieuses et subversives, la sécurité nationale, la diffamation et la diffusion de fausses nouvelles. D’autres contraintes non moins importantes comme l’environnement économique, social et culturel influent également sur la liberté de la presse.

238.Par ailleurs, la pluralité des organes de presse ne s’accompagne pas toujours d’un niveau adéquat de professionnalisme. Malgré l’existence d’écoles de formation de qualité, plusieurs praticiens du métier de journaliste n’ont reçu aucune formation professionnelle.

239.L’État apporte des soutiens multiformes à la presse. Ces derniers sont orientés vers les entreprises de presse, le renforcement des capacités des journalistes, l’effective liberté de la presse et la promotion du pluralisme qui en constitue un élément indissociable.

Chapitre III : Initiatives et engagements pour surmonter les difficultés

240. Pour surmonter les difficultés de mise en œuvre des droits de l’homme au niveau national, l’État s’est fixé comme priorités de :

Renforcer les organes nationaux de droits de l’homme ;

Renforcer et protéger les droits des groupes vulnérables ;

Harmoniser la législation nationale avec les instruments internationaux ;

Former davantage les acteurs étatiques et de la société civile ;

Renforcer la coopération avec tous les mécanismes internationaux ;

Instaurer une culture citoyenne des droits de l’homme par la sensibilisation des populations et la vulgarisation des instruments ;

Assurer la protection des droits l’homme par la sanction des auteurs de violations.

241.Au titre des engagements, le Sénégal, partie à la quasi-totalité des instruments de droits de l’homme, réitère son engagement à soumettre ses rapports et à assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations des mécanismes.

Conclusion

242.Le respect des droits de l’homme est l’une des valeurs cardinales inscrite dans la politique de l’État et dans son ordre juridique et institutionnel interne. Les droits de l’homme sont ancrés dans les traditions du pays et dans sa Constitution comme une valeur essentielle que le Sénégal doit défendre et promouvoir dans sa politique interne comme dans sa politique extérieure. C’est grâce à la promotion de ces droits, que tous les sénégalais et tous ceux qui se trouvent sous juridiction sénégalaise jouissent d’une terre d’accueil stable où vit paisiblement un ensemble de sujets de droits de l’homme dans la diversité, la liberté, le respect de l’autre.

243.En définitive, le Sénégal renouvelle son engagement à poursuivre sa coopération avec les organes de traités et les procédures spéciales sur le PIDCP et à mettre en œuvre les recommandations qui seront issues du dialogue constructif.