Nations Unies

CCPR/C/GC/35

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

16 décembre 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observation générale no 35

Article 9 (Liberté et sécurité de la personne) *

I.Remarques d’ordre général

La présente Observation générale remplace l’Observation générale no 8 (seizième session), adoptée en 1982.

L’article 9 reconnaît et protège à la fois la liberté de la personne et la sécurité de la personne. L’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Il s’agit là du premier droit fondamental protégé par la Déclaration universelle, d’où la très grande importance de l’article 9 du Pacte tant pour les individus que pour la société dans son ensemble. La liberté et la sécurité de la personne sont précieuses en elles-mêmes et aussi parce que la privation de liberté et la négation du droit à la sécurité de la personne ont de tout temps été des moyens d’entraver la jouissance des autres droits.

La liberté de la personne vise le non-enfermement physique et ne signifie pas une liberté d’action générale. La sécurité de la personne vise la protection contre les atteintes corporelles et psychologiques, ou l’intégrité corporelle et mentale, comme il est exposé plus bas au paragraphe 9. L’article 9 garantit ces droits à «tout individu». L’expression «tout individu» recouvre notamment les enfants − filles et garçons −, les soldats, les personnes handicapées, les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres, les étrangers, les réfugiés et les demandeurs d’asile, les apatrides, les travailleurs migrants, les personnes condamnées du chef d’une infraction pénale et les personnes qui ont commis des actes terroristes.

Les paragraphes 2 à 5 de l’article 9 énoncent des garanties précises pour la protection de la liberté et de la sécurité de la personne. Certaines dispositions de l’article 9 (une partie du paragraphe 2 et le paragraphe 3 tout entier) ne s’appliquent que dans le cadre de la commission d’une infraction pénale. Mais le reste, en particulier l’importante garantie énoncée au paragraphe 4 − le droit d’obtenir qu’un tribunal statue sur la légalité de la détention − s’applique à toutes les personnes privées de liberté.

La privation de liberté représente une restriction plus sévère à la circulation, et dans un espace plus étroit, que la simple interférence avec la liberté de déplacement consacrée à l’article 12. Des exemples de privation de liberté sont la garde à vue, l’arraigo , la détention provisoire, l’incarcération après une condamnation, l’assignation à résidence, l’internement administratif, l’hospitalisation sans consentement, le placement des enfants en institution et le maintien dans une zone circonscrite d’un aéroport, ainsi que le transfert d’une personne contre son gré. La privation de liberté est également constituée par certaines autres restrictions imposées à un individu qui est déjà en détention, par exemple le placement à l’isolement cellulaire ou l’application de dispositifs de contention physique. Pendant le service militaire, des restrictions qui représenteraient une privation de liberté pour un civil peuvent ne pas équivaloir à une privation de liberté si elles ne vont pas au-delà des impératifs du service militaire normal ou ne s’écartent pas des conditions de vie normales dans les forces armées de l’État partie concerné.

Pour qu’il y ait privation de liberté, il faut qu’il y ait absence de consentement libre. Les individus qui se présentent spontanément au poste de police pour participer à une enquête et qui savent qu’ils sont libres de partir à tout moment ne sont pas privés de liberté.

Les États parties ont l’obligation de prendre les mesures voulues pour protéger le droit à la liberté de la personne contre les atteintes de tiers. Ils doivent protéger les individus contre l’enlèvement ou la détention par des criminels ou des groupes irréguliers, y compris des groupes armés ou terroristes, qui opèrent sur leur territoire. Ils doivent également protéger les individus contre la privation illégitime de liberté par des organisations légales, comme les employeurs, les établissements scolaires et les hôpitaux. Ils devraient faire tout leur possible pour prendre des mesures appropriées pour protéger les individus contre les privations de liberté résultant de l’action d’autres États sur leur propre territoire.

Quand un État partie habilite ou autorise des individus ou des groupes privés à exercer des pouvoirs d’arrestation ou de détention, il garde la responsabilité de respecter et de faire respecter l’article 9. Il doit limiter rigoureusement ces pouvoirs et assurer un contrôle strict et effectif pour garantir qu’ils ne soient pas utilisés abusivement et ne conduisent pas à une arrestation ou une détention arbitraire ou illicite. Il doit également offrir des recours utiles aux victimes quand une détention ou arrestation arbitraire ou illicite se produit.

Le droit à la sécurité de la personne protège les individus contre toute atteinte corporelle ou mentale intentionnelle, que la victime soit détenue ou ne le soit pas. Par exemple, les agents des États parties violent le droit à la sécurité de la personne quand ils infligent de façon injustifiable des lésions corporelles. Le droit à la sécurité de la personne oblige aussi les États parties à prendre des mesures appropriées face aux menaces de mort contre des personnes dans la sphère publique et, plus généralement, à protéger les individus contre les menaces prévisibles pesant sur leur vie ou leur intégrité corporelle, et qui proviennent d’agents du Gouvernement ou de personnes privées. Les États parties sont tenus de prendre à la fois des mesures visant à prévenir les atteintes corporelles à l’avenir et des mesures rétroactives comme l’application de lois pénales dans le cas d’une atteinte causée dans le passé. Ainsi, ils doivent réagir avec diligence aux violences systématiques qui visent certaines catégories de personnes, comme les actes d’intimidation contre des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, les représailles contre les témoins, la violence à l’égard des femmes, y compris la violence au foyer, le bizutage des conscrits dans les forces armées, la violence à l’égard des enfants, la violence à l’égard de personnes à raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre et la violence à l’égard de personnes handicapées. Ils devraient également prévenir et réparer l’usage illégitime de la force dans les interventions des forces de l’ordre, et protéger leur population contre les brutalités des forces de sécurité privées et contre les risques auxquels elle est exposée lorsque les armes à feu sont trop facilement disponibles. Le droit à la sécurité de la personne ne couvre pas tous les risques pour la santé physique ou mentale et il n’est pas en jeu dans les incidences indirectes que peut avoir sur la santé le fait d’être visé par une procédure judiciaire au civil ou au pénal.

II.Détention arbitraire et détention illégale

Le droit à la liberté de la personne n’est pas absolu. L’article 9 reconnaît que parfois la privation de liberté est justifiée, par exemple dans l’application de lois pénales. Le paragraphe 1 exige que la privation de liberté ne soit pas arbitraire et se déroule dans le respect du droit.

La deuxième phrase du paragraphe 1 interdit l’arrestation et la détention arbitraires tandis que la troisième phrase interdit la privation de liberté illégale, c’est-à-dire la privation de liberté qui n’est pas imposée pour les motifs et selon la procédure prévus par la loi. Les deux interdictions se chevauchent en ce qu’une arrestation ou une détention peut être en violation de la loi applicable mais ne pas être arbitraire, ou être autorisée par la loi mais être arbitraire, ou encore à la fois arbitraire et illégale. Une arrestation ou une détention qui est effectuée sans fondement juridique est également arbitraire. Le maintien en détention sans autorisation de prisonniers qui ont fini d’exécuter leur peine est arbitraire aussi bien qu’illégal; il en va de même de la prolongation sans autorisation d’autres formes de détention. La poursuite de l’incarcération d’un détenu au mépris d’une décision judiciaire ordonnant sa libération est arbitraire et illégale.

Une arrestation ou une détention peut être autorisée par la législation interne et être néanmoins arbitraire. L’adjectif «arbitraire» n’est pas synonyme de «contraire à la loi» mais doit recevoir une interprétation plus large, intégrant le caractère inapproprié, l’injustice, le manque de prévisibilité et le non-respect des garanties judiciaires, ainsi que les principes du caractère raisonnable, de la nécessité et de la proportionnalité. Par exemple, le placement en détention provisoire dans une affaire pénale doit être une mesure raisonnable et nécessaire en toutes circonstances. En dehors des peines d’une durée déterminée prononcées par un tribunal, la décision de maintenir une personne en détention, quelle que soit la forme de cette détention, est arbitraire si les motifs la justifiant ne font pas l’objet d’un réexamen périodique.

Le terme «arrestation» désigne l’interpellation d’une personne qui constitue le début de la privation de liberté et le terme «détention» désigne la privation de liberté qui commence avec l’arrestation et dure de l’interpellation à la remise en liberté. Il peut y avoir arrestation au sens de l’article 9 sans que l’intéressé soit officiellement arrêté selon la législation nationale. Lorsqu’une privation de liberté supplémentaire est imposée à une personne qui est déjà en détention, par exemple si une nouvelle charge est retenue contre elle, le début de cette privation de liberté équivaut également à une arrestation.

Le Pacte n’énumère pas les motifs légitimes pour lesquels quelqu’un peut être privé de liberté. L’article 9 reconnaît expressément qu’un individu peut être arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale et l’article 11 interdit expressément l’emprisonnement pour incapacité d’exécuter une obligation contractuelle. Les autres régimes qui impliquent une privation de liberté doivent être établis par la loi et doivent être accompagnés de procédures qui empêchent la détention arbitraire. Les motifs et les procédures prévus par la loi ne doivent pas porter atteinte au droit à la liberté de la personne. Le régime de détention ne doit pas constituer un dépassement des limites du système de justice pénale en prévoyant l’équivalent d’une peine criminelle sans application des garanties prévues. Les conditions de détention sont traitées principalement aux articles 7 et 10 mais la détention peut être arbitraire si la manière dont les détenus sont traités ne correspond pas au but affiché de la privation de liberté. Prononcer une peine draconienne pour outrage à magistrat, sans explication suffisante ni garanties indépendantes de procédure, est arbitraire.

Dans la mesure où les États parties imposent une détention pour raisons de sécurité (parfois appelée détention administrative ou internement administratif) sans lien avec l’ouverture de poursuites pénales, le Comité considère que cette forme de détention emporte de graves risques de privation arbitraire de liberté. Une telle détention équivaut généralement à une détention arbitraire étant donné que d’autres dispositifs efficaces, notamment le système de justice pénale, sont disponibles pour faire face à la menace. Si, dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, une menace immédiate, directe et inévitable est invoquée pour justifier la détention d’une personne considérée comme présentant une telle menace la charge de la preuve incombe à l’État partie, qui doit montrer que la menace émane de l’individu visé et qu’aucune autre mesure ne peut être prise, et cette charge augmente avec la durée de la détention. L’État partie doit aussi montrer que la détention ne dure pas plus de temps qu’il n’est absolument nécessaire, que la durée totale de la détention possible est limitée et que les garanties prévues à l’article 9 sont pleinement respectées dans tous les cas. Un réexamen rapide et régulier par un tribunal ou un autre organe répondant aux mêmes critères d’indépendance et d’impartialité que les organes judiciaires est nécessaire pour garantir le respect de ces conditions, de même que l’accès à un conseil indépendant, de préférence choisi par le détenu, et la communication au détenu, au minimum, de la nature des preuves sur lesquelles la décision est fondée.

Des exemples flagrants de détention arbitraire sont la détention de membres de la famille d’un criminel présumé qui ne sont pas eux-mêmes accusés d’actes répréhensibles, la prise d’otages et l’arrestation à des fins d’extorsion ou à d’autres fins criminelles.

Il y a arbitraire si l’arrestation ou la détention vise à sanctionner quelqu’un pour l’exercice légitime des droits protégés par le Pacte, comme le droit à la liberté d’opinion et d’expression (art. 19), la liberté de réunion (art. 21), la liberté d’association (art. 22), la liberté de religion (art. 18) et le droit au respect de la vie privée (art. 17). Une arrestation ou une détention fondée sur des motifs discriminatoires, en violation des articles 2 (par. 1), 3 ou 26, est elle aussi en principe arbitraire. Une peine rétroactive sous la forme d’un placement en détention en violation de l’article 15 constitue une détention arbitraire. Les disparitions forcées portent atteinte à de nombreuses règles de fond et de procédure du Pacte et constituent également une forme particulièrement grave de détention arbitraire. L’emprisonnement à l’issue d’un procès manifestement inéquitable est arbitraire, mais toutes les violations des garanties de procédure expressément prévues à l’article 14 pour les personnes accusées d’une infraction pénale ne constituent pas une détention arbitraire.

La détention pendant une procédure aux fins de contrôle de l’immigration n’est pas en soi arbitraire mais elle doit être justifiée, raisonnable, nécessaire et proportionnée compte tenu de toutes les circonstances, et la mesure doit être réévaluée si elle se poursuit. Les demandeurs d’asile qui entrent illégalement sur le territoire d’un État partie peuvent être placés en rétention pendant une brève période initiale, le temps de vérifier leur entrée, d’enregistrer leurs griefs et de déterminer leur identité si elle est douteuse. Les maintenir en détention pendant que leur demande est examinée serait arbitraire en l’absence de raisons particulières propres à l’individu, comme un risque de fuite de l’intéressé, le danger d’atteinte à autrui ou un risque d’acte contre la sécurité nationale. Il faut étudier les éléments utiles au cas par cas et ne pas fonder la décision sur une règle obligatoire applicable à une vaste catégorie de personnes; il faut tenir compte de moyens moins drastiques d’obtenir le même résultat, comme l’obligation de se présenter à une autorité, le versement d’une caution ou d’autres moyens d’empêcher le demandeur de passer dans la clandestinité; il faut en outre que la décision fasse l’objet d’un réexamen périodique et d’un contrôle juridictionnel. Les décisions concernant la détention de migrants doivent également prendre en considération les effets de la détention sur l’état de santé physique ou mentale de l’intéressé. Tout placement en rétention nécessaire doit se faire dans des locaux appropriés et salubres ne donnant pas un caractère punitif à la rétention, qui ne doit pas avoir lieu dans une prison. L’incapacité d’un État partie de procéder à l’expulsion d’une personne parce qu’elle est apatride ou à cause d’autres obstacles ne justifie pas la rétention pour une durée indéterminée. Les enfants ne peuvent être privés de liberté qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible et leur intérêt supérieur doit être une considération primordiale pour ce qui est de la durée et des conditions de la détention, de même qu’il faut tenir compte de l’extrême vulnérabilité et du besoin de prise en charge des mineurs non accompagnés.

Les États parties devraient réviser les textes législatifs désuets et revoir les pratiques dans le domaine de la santé mentale afin d’éviter la détention arbitraire. Le Comité souligne le préjudice inhérent à toute privation de liberté, ainsi que les préjudices particuliers qui peuvent entraîner des situations d’hospitalisation sans consentement. Les États parties devraient mettre en place des services appropriés d’aide sociale communautaires ou autres à l’intention des personnes présentant un handicap psychosocial, afin d’offrir des solutions de substitution qui soient moins restrictives que l’internement. L’existence d’un handicap ne justifie pas en soi une privation de liberté – au contraire, toute privation de liberté doit être nécessaire et proportionnée, afin de protéger l’intéressé de tout préjudice grave ou de prévenir des atteintes à autrui. Cette mesure ne doit être appliquée qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible et doit être entourée de garanties de procédure et de fond suffisantes, établies par la loi. Les procédures doivent être de nature à garantir le respect des opinions des individus et permettre une représentation et une défense effectives de leurs souhaits et de leurs intérêts par un représentant. Les États parties doivent offrir aux personnes placées en institution des programmes de traitement et de réadaptation qui servent les objectifs avancés pour justifier la détention. La privation de liberté doit être réexaminée à intervalles réguliers afin de déterminer si la mesure continue d’être nécessaire. Les personnes doivent être aidées pour obtenir l’accès à un recours utile leur permettant de faire valoir leurs droits, y compris un réexamen judiciaire de la décision initiale de placement puis périodiquement de la légalité du maintien en détention, afin d’éviter des conditions de détention incompatibles avec le Pacte.

Le Pacte admet une diversité de régimes de condamnation pénale. La durée de la peine doit être fixée conformément à la législation interne. L’examen de la situation du condamné aux fins d’une libération conditionnelle ou d’autres formes de libération anticipée doit être conforme à la législation et cette libération ne doit pas être refusée pour des motifs arbitraires au sens de l’article 9. Si cette libération est accordée sous conditions et annulée ultérieurement en raison d’un manquement allégué à ces conditions, l’annulation doit aussi être effectuée conformément à la loi et ne doit pas être arbitraire et, en particulier, ne doit pas être disproportionnée à la gravité du manquement. Prédire la conduite future du prisonnier peut être un facteur pertinent pour déterminer s’il y a lieu d’accorder une libération anticipée.

Quand une condamnation pénale fixe une période punitive suivie d’une période non punitive visant à protéger la sécurité de tiers, une fois que la période punitive est achevée la détention supplémentaire doit, pour ne pas être arbitraire, être justifiée par des raisons impérieuses découlant de la gravité des infractions commises et de la probabilité de la récidive à l’avenir. Les États ne devraient appliquer cette détention qu’en dernier ressort, et la situation doit être réexaminée périodiquement par un organe indépendant afin de décider si le maintien en détention est justifié. Les États parties doivent faire preuve de circonspection et offrir les garanties voulues dans l’évaluation d’un danger futur. Les conditions de cette détention doivent être différentes du régime des prisonniers condamnés exécutant leur peine et doivent viser à assurer la réadaptation et la réinsertion sociale du détenu. Si le prisonnier a exécuté l’intégralité de la peine fixée dans l’arrêt de condamnation, les articles 9 et 15 interdisent une augmentation rétroactive de la peine et les États parties ne doivent pas contourner cette interdiction en ordonnant une mesure de rétention équivalente à la détention pénale sous l’appellation de détention civile.

La troisième phrase du paragraphe 1 de l’article 9 dispose que nul ne peut être privé de liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi. Tous les motifs pour lesquels un individu peut être arrêté ou placé en détention doivent être établis par la loi et devraient être définis avec suffisamment de précision pour éviter une interprétation ou une application trop étendues ou arbitraires. La privation de liberté qui n’est pas autorisée par la loi est illégale. La poursuite de la détention en dépit d’une décision judiciaire exécutoire ordonnant la remise en liberté ou d’une amnistie est également illégale.

L’article 9 exige que les procédures régissant la privation de liberté autorisée par la loi soient elles aussi prévues par la loi et les États parties devraient veiller à ce que les procédures légalement prescrites soient respectées. Il exige aussi le respect des règles de la législation interne qui définissent la procédure à suivre pour toute arrestation, en indiquant quels sont les agents autorisés à procéder à une arrestation ou en précisant les cas dans lesquels un mandat est requis. Il oblige aussi à respecter les règles de la législation nationale qui déterminent quand l’autorisation d’un juge ou d’une autre autorité doit être obtenue pour maintenir une personne en détention, où une personne peut être placée en détention, quand elle doit être déférée devant un tribunal, et les limites imposées par la loi à la durée de la détention. Il exige aussi le respect des règles de la législation nationale qui prévoient des garanties importantes pour les détenus, comme l’établissement d’un procès-verbal d’arrestation et l’accès aux services d’un avocat. Les violations des règles de procédure internes qui ne sont pas liées à ces aspects ne soulèvent pas nécessairement des questions au regard de l’article 9.

III.Notification des motifs de l’arrestation et de toute charge pénale retenue

Le paragraphe 2 de l’article 9 impose deux obligations dans l’intérêt des personnes privées de liberté. Premièrement, ces personnes doivent être informées, au moment de l’arrestation, des raisons de cette arrestation. Deuxièmement, elles doivent recevoir notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre elles. La première obligation s’applique de façon générale aux raisons de toute privation de liberté. Étant donné que l’«arrestation» désigne le début d’une privation de liberté, cette obligation s’applique que l’arrestation ait lieu de façon formelle ou non et indépendamment de la raison légitime ou illégitime sur laquelle elle est fondée. La deuxième obligation, qui vient s’ajouter à la première, ne s’applique qu’aux informations relatives à l’accusation pénale. Si une nouvelle charge est retenue contre une personne déjà détenue du chef d’une infraction pénale, cette charge doit être notifiée à l’intéressé sans délai.

Un objectif majeur de l’obligation exigeant que tout individu arrêté soit informé des raisons de l’arrestation est de permettre à l’intéressé d’obtenir sa libération s’il estime que les raisons avancées ne sont pas valables ou sont mal fondées. Les raisons doivent inclure non seulement le fondement juridique général de l’arrestation mais aussi des éléments de fait suffisants pour donner une indication du fond de la plainte, par exemple l’acte illicite reproché et l’identité d’une victime éventuelle. Les «raisons» concernent le fondement officiel de l’arrestation et ne sont pas les motivations subjectives de l’agent qui procède à l’arrestation.

Une notification orale des motifs de l’arrestation satisfait à la règle. Les motifs doivent être énoncés dans une langue que la personne en état d’arrestation comprend.

L’information doit être donnée immédiatement au moment de l’arrestation. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles, il peut ne pas être possible de le faire immédiatement. Par exemple, il peut être nécessaire d’attendre avant qu’un interprète puisse être présent, mais la durée de l’attente doit être réduite au strict minimum nécessaire.

Pour certaines catégories de personnes vulnérables, l’information directe de la personne en état d’arrestation est nécessaire mais n’est pas suffisante. Dans le cas d’un enfant, la notification de l’arrestation et des raisons doit aussi être adressée directement aux parents, tuteurs ou représentants légaux. Pour certaines personnes ayant un handicap mental, la notification de l’arrestation et des raisons devrait également être faite directement auprès des personnes qu’elles ont désignées ou auprès de membres de la famille voulus. Il peut être nécessaire de disposer de plus de temps pour déterminer quels sont les tiers qu’il convient de prévenir et prendre contact avec eux, mais la notification devrait être donnée dès que possible.

La deuxième obligation faite au paragraphe 2 porte sur la notification des accusations. Les personnes arrêtées aux fins d’enquête sur une infraction pénale qu’elles peuvent avoir commise, ou aux fins de placement en détention en vue d’un procès pénal, doivent être informées dans le plus court délai des infractions dont elles sont soupçonnées ou accusées. Ce droit s’applique dans le cas de poursuites pénales ordinaires et aussi dans le cas de poursuites par un parquet militaire ou d’autres régimes spéciaux de répression pénale.

Le paragraphe 2 impose que la personne arrêtée soit informée «dans le plus court délai» de l’accusation et non pas nécessairement «au moment de son arrestation». Si une charge particulière est déjà envisagée, l’agent qui procède à l’arrestation peut informer l’intéressé à la fois des motifs et des charges, ou bien les autorités peuvent expliquer quelques heures plus tard le fondement juridique de l’arrestation. Les raisons doivent être données dans une langue que l’intéressé comprend. L’obligation de notifier l’accusation faite au paragraphe 2 permet de demander une décision pour déterminer si le placement en détention provisoire est approprié ou non et le paragraphe 2 n’exige pas que la personne en état d’arrestation soit informée des charges de façon aussi détaillée que cela sera nécessaire par la suite pour préparer le procès. Si les autorités ont déjà informé un individu des charges qui font l’objet d’une enquête avant de procéder à l’arrestation, le paragraphe 2 n’entraîne pas l’obligation de répéter rapidement les chefs d’inculpation, pour autant que les raisons de l’arrestation aient été signifiées. Les considérations exposées au paragraphe 28 valent également pour ce qui est de l’obligation d’informer sans délai de l’accusation portée lorsque des mineurs ou d’autres personnes vulnérables sont arrêtés.

IV.Contrôle judiciaire de la détention dans le cadred’une inculpation pénale

La première phrase du paragraphe 3 s’applique à tout individu «arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale» alors que la deuxième phrase vise les personnes «qui attendent de passer en jugement». Le paragraphe 3 s’applique aux procédures pénales ordinaires, aux poursuites engagées par un parquet militaire et à d’autres régimes spéciaux visant à punir des infractions.

Le paragraphe 3 dispose en premier lieu que tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires. Cette règle s’applique dans tous les cas sans exception et n’est pas subordonnée à la volonté ou à la capacité du détenu de s’en prévaloir. Elle s’applique même avant que les charges aient été formellement établies dès lors que l’intéressé est arrêté ou détenu sur un soupçon d’acte criminel. Le droit vise à garantir que la détention d’un individu dans le cadre d’une enquête ou de poursuites pénales soit placée sous contrôle juridictionnel. Si une nouvelle charge est retenue contre une personne déjà détenue du chef d’une infraction pénale, cette personne doit être déférée devant un juge dans le plus court délai pour que soit contrôlée la deuxième détention. Il est inhérent au bon exercice du pouvoir judiciaire que ce contrôle soit assuré par une autorité indépendante, objective et impartiale par rapport aux questions traitées. Ainsi, un procureur ne peut pas être considéré comme une autorité habilitée à exercer des fonctions judiciaires au sens du paragraphe 3.

Si le sens exact à donner à l’expression «dans le plus court délai» peut varier selon les circonstances objectives, le laps de temps ne devrait pas dépasser quelques jours à partir du moment de l’arrestation. De l’avis du Comité, quarante-huit heures suffisent généralement à transférer l’individu et à préparer l’audition judiciaire; tout délai supérieur à quarante-huit heures doit rester absolument exceptionnel et être justifié par les circonstances. Maintenir quelqu’un sous la garde de policiers plus longtemps, sans contrôle judiciaire, augmente inutilement le risque de mauvais traitements. Dans la plupart des États parties la législation fixe un délai précis, qui est parfois inférieur à quarante-huit heures, et ces limites ne devraient pas non plus être dépassées. Un délai particulièrement strict, de vingt-quatre heures par exemple, devrait être appliqué dans le cas des mineurs.

L’intéressé doit comparaître en personne devant le juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires. La présence physique du détenu à l’audience donne l’occasion de l’interroger sur le traitement qu’il a reçu pendant sa garde, et facilite le transfert immédiat dans un centre de détention provisoire si le maintien en détention est ordonné. Elle constitue donc une garantie pour le droit à la sécurité de la personne et le respect de l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Pendant l’audience, et pendant les audiences suivantes où le juge évalue la légalité ou la nécessité de la détention, l’intéressé a le droit d’être assisté d’un conseil, en principe de son choix.

La détention au secret, qui empêche le défèrement sans délai devant un juge, constitue en soi une violation du paragraphe 3. Selon sa durée et en fonction d’autres facteurs, la détention au secret peut également constituer une violation d’autres droits garantis par le Pacte, par exemple les articles 6, 7, 10 et 14. Les États parties doivent permettre et faciliter l’accès à un conseil pour les détenus inculpés d’une infraction pénale, dès le début de la détention.

Une fois que l’individu a été déféré devant le juge, celui-ci doit décider s’il faut le remettre en liberté ou le placer en détention, aux fins d’enquête supplémentaire ou en attendant le jugement. S’il n’y a pas de fondement juridique au maintien de la détention, le juge doit ordonner la remise en liberté. Si un complément d’enquête ou un jugement est justifié, le juge doit déterminer si l’intéressé doit être remis en liberté (avec ou sans conditions) pendant que la procédure se poursuit, parce que la détention n’est pas nécessaire, question développée dans la deuxième phrase du paragraphe 3. De l’avis du Comité, la détention provisoire ne doit pas impliquer un retour dans les locaux de la police mais doit être effectuée dans un centre distinct placé sous une autorité différente, où les risques d’atteintes aux droits du détenu peuvent plus facilement être atténués.

La deuxième obligation énoncée dans la première phrase du paragraphe 3 est que l’intéressé doit être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. Cette obligation vise expressément la période passée en détention avant jugement, c’est-à-dire le laps de temps entre l’arrestation et le moment du jugement en première instance. Une détention avant jugement d’une durée extrême peut également porter atteinte à la présomption d’innocence, garantie au paragraphe 2 de l’article 14. L’inculpé qui n’est pas libéré en attendant son jugement doit être jugé dans le plus court délai, dans la mesure où ses droits à la défense sont assurés. Ce qui est raisonnable concernant le laps de temps avant que l’affaire ne soit jugée doit être apprécié au cas par cas selon les circonstances, en tenant compte de la complexité de l’affaire, du comportement de l’inculpé pendant la procédure et de la façon dont l’affaire a été traitée par les autorités exécutives et judiciaires. Des obstacles rencontrés pour mener l’enquête à bonne fin peuvent justifier un délai supplémentaire, mais les conditions générales de sous-effectif ou de restrictions budgétaires ne le peuvent pas. Quand une prolongation devient nécessaire, le juge doit réexaminer la possibilité d’appliquer une mesure de substitution à la détention avant jugement. La détention avant jugement de mineurs doit être évitée mais lorsque la mesure est décidée, ils doivent être jugés aussi rapidement que possible conformément au paragraphe 2 b) de l’article 10 du Pacte.

La deuxième phrase du paragraphe 3 de l’article 9 dispose que la détention des personnes qui attendent de passer en jugement doit être l’exception et non pas la règle. Elle dispose aussi que la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les autres actes de la procédure et (le cas échéant) pour l’exécution du jugement. Cette règle s’applique aux personnes attendant d’être jugées pour une infraction pénale, c’est-à-dire après que le défendeur a été inculpé, mais la même obligation antérieure à l’inculpation découle de l’interdiction de la détention arbitraire faite au paragraphe 1. Le placement des prévenus en détention dans l’attente de leur procès ne devrait pas être une pratique générale. La détention avant jugement doit reposer sur une évaluation au cas par cas déterminant qu’elle est raisonnable et nécessaire au regard de toutes les circonstances, par exemple pour éviter que l’intéressé ne prenne la fuite, ne modifie des preuves ou ne commette une nouvelle infraction. La loi doit préciser les facteurs qui peuvent justifier la détention et ne doit pas prévoir des motifs imprécis et vastes comme «la sécurité publique». La détention avant jugement ne doit pas être obligatoire pour tous les défendeurs inculpés d’une infraction précise, sans qu’il soit tenu compte des circonstances individuelles. En outre, la détention avant jugement ne doit pas être ordonnée en fonction de la durée de la peine encourue mais doit être déterminée en fonction du critère de nécessité. Les tribunaux doivent étudier la possibilité d’appliquer des mesures de substitution à la détention avant jugement, comme la libération sous caution, le bracelet électronique ou d’autres conditions, qui rendraient la privation de liberté inutile dans le cas précis. Si le défendeur est étranger, ce seul fait ne doit pas être considéré comme suffisant pour estimer qu’il risque de quitter le territoire. Après l’évaluation initiale déterminant que la détention avant jugement est nécessaire, il faut réexaminer périodiquement la mesure pour savoir si elle continue d’être raisonnable et nécessaire, eu égard à d’autres solutions possibles. Si la durée passée en détention provisoire atteint la durée maximale de la peine qui pourrait être prononcée pour l’infraction, le défendeur doit être remis en liberté. La détention avant jugement de mineurs doit être évitée dans toute la mesure possible.

V.Droit d’introduire un recours pour obtenir la libérationsi la détention est illégale ou arbitraire

En vertu du paragraphe 4 de l’article 9, quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui‑ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. Ce paragraphe consacre le principe de l’habeas corpus . L’examen du fondement factuel du placement en détention peut, dans les circonstances appropriées, être limité au contrôle du caractère raisonnable d’une décision antérieure.

Ce droit s’applique à toute détention fondée sur une décision des autorités ou sur une autorisation officielle, y compris la détention dans le cadre d’une procédure pénale, la détention militaire, la détention pour des raisons de sécurité, la détention dans le cadre de la lutte antiterroriste, l’hospitalisation sans consentement, la rétention liée à l’immigration, la détention extraditionnelle et les arrestations totalement sans fondement. Il s’applique aussi dans le cas de la détention pour vagabondage ou toxicomanie et de la détention à des fins éducatives des enfants en conflit avec la loi, et de toute autre forme d’internement administratif. La détention au sens du paragraphe 4 inclut également l’assignation à résidence et l’isolement cellulaire. Quand un détenu exécute la durée minimale d’une peine d’emprisonnement prononcée par une cour de justice à la suite d’une condamnation, que cette durée ait été fixée par le jugement ou qu’elle corresponde à une portion donnée d’une peine potentiellement plus longue, le paragraphe 4 n’exige pas un contrôle ultérieur de la détention.

L’objet de ce droit est la remise en liberté (inconditionnelle ou conditionnelle) si la détention est illégale; la réparation pour une détention illégale qui a pris fin est visée au paragraphe 5. Le paragraphe 4 exige que la juridiction chargée du réexamen ait la faculté d’ordonner la libération en cas de détention illégale. Lorsqu’une décision judiciaire ordonnant la remise en liberté en vertu du paragraphe 4 devient exécutoire, elle doit être appliquée immédiatement, et le maintien en détention serait arbitraire, en violation du paragraphe 1 de l’article 9.

Le droit d’engager une action s’applique en principe dès le moment de l’arrestation et une très longue période d’attente avant qu’un détenu puisse déposer le premier recours pour contester sa détention est inacceptable. En général, le détenu a le droit de comparaître en personne devant le tribunal, en particulier lorsque sa présence facilite l’enquête sur la légalité de sa détention ou lorsque la question de mauvais traitements à son égard est soulevée. Le tribunal doit avoir le pouvoir d’ordonner la comparution du détenu, que l’intéressé l’ait demandé ou non.

La détention illégale peut être également une détention qui était légale à son début mais qui est devenue illégale, parce que le condamné a fini d’exécuter sa peine d’emprisonnement et qu’il est maintenu en détention, ou parce que les circonstances qui justifiaient le placement en détention ont changé. Après que le tribunal a établi que les circonstances justifient la détention, il peut s’écouler un laps de temps approprié, selon la nature des circonstances, avant que l’intéressé ne puisse engager de nouveau une action pour les mêmes motifs.

Par détention «illégale», il faut entendre une détention qui est contraire à la législation nationale aussi bien qu’une détention qui est incompatible avec les prescriptions du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte ou avec toute autre disposition pertinente du Pacte. Les systèmes juridiques internes peuvent certes fixer des modalités différentes pour assurer l’examen juridictionnel d’une détention, mais le paragraphe 4 exige qu’il y ait un recours judiciaire pour toute détention qui est illégale du fait de l’un de ces motifs. Par exemple, la faculté qu’a un tribunal aux affaires familiales d’ordonner la remise en liberté d’un enfant dont la détention n’est pas dans l’intérêt supérieur de celui‑ci peut satisfaire aux prescriptions du paragraphe 4 dans certains cas déterminés.

Le paragraphe 4 donne à l’individu le droit d’introduire un recours «devant un tribunal», qui devrait normalement être un tribunal de l’ordre judiciaire. Exceptionnellement, pour certaines formes de détention, la législation peut prévoir une action devant un tribunal spécialisé, qui doit être établi par la loi et qui doit être indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ou doit pouvoir statuer en toute indépendance sur des questions de droit dans le cadre de procédures à caractère judiciaire.

Le paragraphe 4 donne la possibilité d’introduire un recours aux personnes en détention ou à ceux qui agissent en leur nom; contrairement au paragraphe 3, il n’exige pas l’ouverture automatique d’un réexamen par les autorités qui ont placé l’intéressé en détention. Un texte de loi qui exclut une catégorie déterminée de détenus de la possibilité de réexamen prévue au paragraphe 4 constitue une violation du Pacte. Les pratiques qui dans les faits rendent ce réexamen impossible à obtenir pour un individu, par exemple la détention au secret, constituent également une violation. Pour faciliter la procédure de réexamen, les détenus devraient avoir rapidement et régulièrement accès à un conseil. Ils devraient être informés, dans une langue qu’ils comprennent, de leur droit d’introduire un recours pour qu’il soit statué sur la légalité de leur détention.

Les personnes privées de liberté n’ont pas seulement le droit d’introduire un recours, elles ont le droit d’obtenir une décision, et ce sans délai. Le refus par un tribunal compétent de statuer sur une demande de libération constitue une violation du paragraphe 4. Le jugement devrait avoir lieu le plus rapidement possible. Un retard imputable à la personne qui a déposé la demande n’est pas considéré comme un retard judiciaire.

Le Pacte n’exige pas qu’une décision de justice confirmant la légalité de la détention soit l’objet d’un appel. Si un État partie prévoit cette possibilité de recours ou d’autres instances, le temps mis pour examiner la demande peut refléter la nature différente de chaque procédure, et en tout état de cause ne doit pas être excessif.

VI.Droit à réparation pour une arrestation ou une détention illégales ou arbitraires

Le paragraphe 5 de l’article 9 du Pacte dispose que tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à réparation. Comme le paragraphe 4, le paragraphe 5 énonce un exemple précis de recours utile pour les violations des droits de l’homme, que les États parties sont tenus d’assurer. Ces recours précis ne remplacent pas mais complètent les autres moyens de réparation qui peuvent être exigés dans une situation particulière pour la victime d’une arrestation ou d’une détention illégale par le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte. Alors que le paragraphe 4 prévoit un recours rapide pour obtenir la libération dans le cas d’une détention illégale, le paragraphe 5 précise que les victimes d’une arrestation ou d’une détention arbitraire ont également droit à une indemnisation financière.

Le paragraphe 5 fait aux États parties obligation d’établir le cadre juridique dans lequel une réparation peut être accordée aux victimes, à titre de droit opposable et non pas à titre gracieux ou discrétionnaire. La réparation ne doit pas seulement exister en théorie, elle doit être réelle et le versement de l’indemnité doit être effectué dans un délai raisonnable. Le paragraphe 5 ne spécifie pas la forme précise de la procédure, qui peut être un recours contre l’État lui-même ou contre des agents de l’État responsables individuellement de la violation, pour autant que ce soit un recours utile. Il n’exige pas qu’une procédure unique soit mise en place pour assurer l’indemnisation pour toutes les formes d’arrestation illégale mais dispose seulement qu’un système efficace de procédures doit exister afin d’offrir une indemnisation dans tous les cas visés par le paragraphe 5. Le paragraphe 5 n’oblige pas les États parties à indemniser les victimes de leur propre initiative mais leur permet de laisser l’engagement de la procédure d’indemnisation à l’initiative de la victime.

Une arrestation ou une détention illégale au sens du paragraphe 5 peut se produire dans le cadre d’une procédure pénale ou non pénale, ou en l’absence de toute procédure. Le caractère «illégal» de l’arrestation ou de la détention peut résulter d’une violation de la législation nationale ou d’une violation du Pacte lui-même, comme une détention foncièrement arbitraire et une détention qui s’est déroulée en violation des règles procédurales d’autres paragraphes de l’article 9. Toutefois, le fait qu’un défendeur inculpé d’une infraction pénale ait finalement été acquitté, en première instance ou en appel, ne rend pas en soi la détention qui a précédé «illégale».

L’indemnisation exigée par le paragraphe 5 vise spécifiquement les préjudices d’ordre financier et non financier découlant de l’arrestation ou de la détention illégale. Si l’illégalité de l’arrestation tient à la violation d’autres droits de l’homme, comme la liberté d’expression, l’État partie peut en outre avoir l’obligation d’assurer une indemnisation ou une autre forme de réparation pour ces autres violations, comme l’exige le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte.

VII.Relation de l’article 9 avec d’autres articles du Pacte

Les garanties de procédure et de fond énoncées par l’article 9 coïncident et interagissent avec d’autres garanties du Pacte. Certaines formes de conduite représentent isolément une violation de l’article 9 et d’un autre article, par exemple les retards dans le jugement d’une personne en détention inculpée d’une infraction pénale tels qu’ils violent le paragraphe 3 de l’article 9 et le paragraphe 3 c) de l’article 14. Dans certains cas, le contenu du paragraphe 1 de l’article 9 est complété par le contenu d’autres articles; par exemple, la détention peut être arbitraire du fait qu’elle représente une répression pour l’exercice de la liberté d’expression, en violation de l’article 19.

L’article 9 renforce en outre l’obligation faite aux États parties en vertu du Pacte et du Protocole facultatif de protéger les individus qui ont coopéré ou communiqué avec le Comité contre des représailles, par exemple des actes d’intimidation physique ou des menaces à leur liberté personnelle.

Le droit à la vie garanti par l’article 6 du Pacte, notamment le droit à la protection de la vie consacré au paragraphe 1 de l’article 6, peut recouper le droit à la sécurité de la personne énoncé au paragraphe 1 de l’article 9. Le droit à la sécurité de la personne peut être considéré comme plus étendu dans la mesure où il vise également des atteintes qui ne menacent pas la vie. Les formes extrêmes de détention arbitraire qui sont en soi une menace pour la vie constituent une violation des droits à la liberté de la personne et à la sécurité de la personne, ainsi que du droit à la protection de la vie, en particulier les disparitions forcées.

La détention arbitraire est source de risques de torture et de mauvais traitements et plusieurs des garanties de procédure énoncées à l’article 9 servent à réduire la probabilité de tels risques. Une détention au secret prolongée est une violation de l’article 9 et serait généralement considérée comme une violation de l’article 7. Le droit à la sécurité de la personne protège les intérêts de l’intégrité corporelle et mentale, qui sont également protégés par l’article 7.

Le renvoi d’une personne dans un pays où il existe des motifs sérieux de croire qu’elle court un risque réel d’atteinte grave à sa liberté ou à sa sécurité, par exemple sous la forme d’une détention arbitraire prolongée, peut constituer un traitement inhumain au sens de l’article 7 du Pacte.

Plusieurs garanties qui sont essentielles pour la prévention de la torture sont également nécessaires pour la protection des personnes placées en détention, sous quelque forme que ce soit, contre la détention arbitraire et les atteintes à la sécurité de la personne. Les exemples suivants ne sont pas exhaustifs. Les détenus doivent être placés uniquement dans des établissements officiellement reconnus comme des lieux de détention. Il faut tenir un registre officiel centralisé sur lequel sont inscrits les noms des détenus, les lieux de détention, les dates d’entrée et de sortie des détenus ainsi que les noms des responsables de la détention, qui soit aisément disponible et accessible à tous les intéressés, notamment aux proches. Il faut assurer un accès rapide et régulier à un personnel médical et à des avocats indépendants et, avec une surveillance appropriée lorsque le but légitime de la détention l’exige, aux membres de la famille. Les détenus doivent être rapidement informés de leurs droits dans une langue qu’ils comprennent; de brochures d’information rédigées dans la langue appropriée, y compris en braille, sont souvent utiles pour aider le détenu à conserver l’information. Les détenus étrangers doivent être informés qu’ils ont le droit de prendre contact avec les autorités consulaires de leur pays ou, dans le cas des demandeurs d’asile, avec le Haut‑Commissarait des Nations Unies pour les réfugiés. Il faut établir un système de visite et d’inspection indépendant et impartial de tous les lieux de détention, y compris des établissements de santé mentale.

L’article 10 du Pacte, qui concerne les conditions de détention des personnes privées de liberté, complète l’article 9, qui porte essentiellement sur le fait d’être détenu. En même temps, le droit à la sécurité de la personne au sens du paragraphe 1 de l’article 9 concerne le traitement des détenus aussi bien que des non-détenus. Le caractère approprié des conditions de détention eu égard à l’objectif de la détention est parfois un facteur à prendre en considération pour déterminer si la détention est arbitraire au sens de l’article 9. Certains éléments des conditions de détention (comme le refus de permettre les contacts avec un conseil et avec la famille) peuvent donner lieu à des violations des garanties de procédure énoncées aux paragraphes 3 et 4 de l’article 9. Le paragraphe 2 b) de l’article 10 renforce dans le cas des mineurs l’obligation faite au paragraphe 3 de l’article 9 de juger rapidement les prévenus.

La liberté de circulation protégée par l’article 12 du Pacte et la liberté de la personne protégée par l’article 9 se complètent. La détention est une forme particulièrement sévère de restriction à la liberté de circulation, mais dans certaines circonstances l’un et l’autre article peuvent s’appliquer en même temps. La détention pendant le déplacement d’un migrant contre son gré est souvent utilisée comme moyen d’imposer des restrictions à la liberté de circulation. L’article 9 vise cette utilisation de la détention pour l’exécution de décisions d’expulsion, de renvoi ou d’extradition.

La relation entre l’article 9 et l’article 14 du Pacte dans le cas des procès civils et pénaux a déjà été illustrée. L’article 9 traite des privations de liberté, dont certains cas seulement ont lieu dans le cadre d’une procédure civile ou pénale entrant dans le champ d’application de l’article 14. Les garanties de procédure énoncées aux paragraphes 2 à 5 de l’article 9 s’appliquent dans le contexte d’une procédure régie par l’article 14 uniquement s’il y a effectivement arrestation ou détention.

Conformément au paragraphe 1 de l’article 24 du Pacte, tout enfant «a droit, de la part de sa famille, de la société et de l’État, aux mesures de protection qu’exige sa condition de mineur». L’application de cette disposition nécessite l’adoption de mesures spéciales pour protéger la liberté et la sécurité de tout enfant, en plus des mesures imposées généralement par l’article 9 à l’égard de tous. Dans le cas d’un enfant la privation de liberté doit être une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible. En plus des autres règles applicables à chaque catégorie de privation de liberté, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale chaque fois qu’il est décidé d’appliquer ou de poursuivre une mesure de privation de liberté. Le Comité admet que parfois une forme particulière de privation de liberté pourrait servir l’intérêt supérieur de l’enfant. Le placement en institution équivaut à une privation de liberté au sens de l’article 9. La décision de priver un enfant de liberté doit être réexaminée périodiquement afin de déterminer si la mesure continue d’être nécessaire et appropriée. L’enfant a le droit d’être entendu, directement ou par l’intermédiaire d’un conseil ou d’une autre personne qui offre une assistance appropriée, en ce qui concerne toute décision de privation de liberté, et les procédures appliquées doivent être adaptées aux enfants. Le droit d’être libéré en cas de détention illégale peut donner lieu au retour de l’enfant dans sa famille ou à sa prise en charge selon d’autres modalités conformes à son intérêt supérieur, plutôt qu’à une situation dans laquelle l’enfant se retrouve seul, sous sa propre garde.

Eu égard au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, les États parties ont l’obligation de respecter et de garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et à tous ceux qui relèvent de leur compétence les droits garantis à l’article 9. Étant donné que l’arrestation et la détention placent l’individu sous le contrôle effectif d’un État, l’obligation de ne pas arrêter ou détenir arbitrairement ou illégalement des individus vaut aussi en dehors du territoire. Les États parties ne doivent pas soumettre des individus en dehors de leur territoire à, notamment, une détention au secret prolongée, ni leur dénier un réexamen de la légalité de leur détention. Le fait que l’arrestation a lieu hors du territoire peut être une circonstance à prendre en considération dans l’évaluation du degré de promptitude exigé au paragraphe 3.

En ce qui concerne l’article 4 du Pacte, le Comité relève tout d’abord que, comme les autres dispositions du Pacte, l’article 9 s’applique également dans les situations de conflit armé dans lesquelles les règles du droit international humanitaire sont applicables. Si les règles du droit international humanitaire peuvent être pertinentes aux fins de l’interprétation de l’article 9, les deux domaines de droit sont complémentaires et ne s’excluent pas l’un l’autre. La détention de sûreté autorisée et réglementée par le droit international humanitaire et conforme en principe à celui‑ci n’est pas arbitraire. En situation de conflit, l’accès à tous les lieux de détention par le Comité international de la Croix‑Rouge est une garantie supplémentaire essentielle pour la liberté et la sécurité de la personne.

L’article 9 ne figure pas parmi les droits non susceptibles de dérogation énumérés au paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte mais il existe des limites au pouvoir de déroger qu’ont les États parties. Ceux qui suspendent l’application des procédures normales exigées par l’article 9 pendant un conflit armé ou dans d’autres situations exceptionnelles doivent faire en sorte que les dérogations n’aillent pas au-delà de ce qui est strictement nécessaire. Les mesures prises en dérogation doivent également être compatibles avec les autres obligations qui incombent à un État partie en vertu du droit international, y compris les règles du droit international humanitaire relatives à la privation de liberté, et ne doivent pas être discriminatoires. L’interdiction de la prise d’otages, des enlèvements ou des détentions non reconnues n’est donc pas susceptible de dérogation.

Il y a d’autres éléments de l’article 9 qui, de l’avis du Comité, ne peuvent pas être l’objet d’une dérogation licite au titre de l’article 4. La garantie fondamentale contre la détention arbitraire n’est pas susceptible de dérogation dans la mesure où même les situations couvertes par l’article 4 ne peuvent pas justifier une privation de liberté qui n’est pas raisonnable ou nécessaire dans les circonstances. L’existence et la nature d’un danger public exceptionnel qui menace l’existence de la nation peuvent toutefois être prises en considération pour déterminer si une arrestation ou une détention particulière est arbitraire. Des dérogations valables à l’exercice d’autres droits qui sont susceptibles de dérogation peuvent également être pertinentes quand une privation de liberté est considérée comme arbitraire en raison de son interférence avec un autre droit protégé par le Pacte. Pendant un conflit armé international, les règles de fond et de procédure du droit international humanitaire sont applicables et limitent les possibilités de dérogation, contribuant ainsi à atténuer le risque de détention arbitraire. En dehors de ce contexte, les conditions de stricte nécessité et de proportionnalité s’appliquent à toute mesure dérogatoire concernant la détention pour raisons de sécurité, qui doit être d’une durée limitée et être accompagnée de procédures empêchant une application arbitraire, comme il est expliqué au paragraphe 15, y compris le réexamen par un tribunal au sens du paragraphe 45 du présent texte.

Les garanties de procédure qui visent à protéger la liberté de la personne ne peuvent jamais faire l’objet de mesures de dérogation qui contourneraient l’obligation de protéger les droits auxquels il ne peut pas être dérogé. Pour assurer la sauvegarde de droits intangibles, notamment des droits consacrés par l’article 6 et par l’article 7, le droit d’introduire un recours devant un tribunal dans le but d’obtenir qu’il soit statué sans retard sur la légalité d’une détention ne peut pas être amoindri par des mesures de dérogation.

Si des réserves à certaines clauses de l’article 9 peuvent être acceptables, il serait incompatible avec l’objet et le but du Pacte qu’un État partie se réserve le droit d’arrêter et de détenir arbitrairement des individus.