Nations Unies

CAT/OP/MEX/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

31 mai 2010

Français

Original: espagnol

Sous-Comité pour la prévention de la torture

Rapport sur la visite au Mexique du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants*,**

Table des matières

Chapitre Paragraphes Page

Observations préliminaires1−73

Introduction8−194

I.Facilitation de la visite20−236

II.Mécanisme national de prévention24−327

A.Cadre juridique et processus de création24−267

B.Évaluation27−297

C.Recommandations30−328

III.Garanties visant à prévenir la torture et les mauvais traitements33−958

A.Cadre juridique34−639

B.Cadre institutionnel64−8215

C.Le Bureau du Procureur général de la République et la mise en œuvre duProtocole d’Istanbul83−9219

D.La formation comme moyen de prévenir la torture93−9521

IV.Situation des personnes privées de liberté96−27721

A.Statistiques et situation réelle des plaintes pour torture96−9921

B.Établissements et lieux de détention visités100−20522

C.Figures juridiques et pratiques206−23845

D.La situation des groupes vulnérables en détention239−26752

E.Absence d’enquête, impunité et réparation268−27058

F.Dialogue avec les autorités271−27758

V.Résumé des conclusions et recommandations278−35059

A.Mécanisme national de prévention279−28159

B.Garanties visant à prévenir la torture et les mauvais traitements282−29460

C.Situation des personnes privées de liberté295−35062

Annexes

I.Lieux de privation de liberté visités71

II.Liste des hauts fonctionnaires et autres personnalités que la délégation a rencontrés73

Observations préliminaires

1.Le SPT pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (le «SPT») a été institué à la suite de l’entrée en vigueur, en juin 2006, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (le «Protocole facultatif»). Il a commencé ses travaux en février 2007.

2.Le Protocole facultatif a pour objet de prévenir la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants grâce à l’établissement d’«un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté». Le travail du SPT s’organise autour de deux axes: la visite des lieux de détention et l’aide à la création et au fonctionnement des organes chargés par les États parties de procéder à des visites régulières, appelés «mécanismes nationaux de prévention». Le but de son action est de constater, in situ, les situations et les facteurs qui risquent de donner lieu à des tortures et des traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le pays qui fait l’objet de la visite, ainsi que d’identifier les meilleures pratiques qui sont nécessaires pour empêcher ces violations et de formuler les conclusions et recommandations qui s’imposent à cette fin.

3.Le Protocole facultatif dispose en son article 11 c) que le SPT coopère, en vue de prévenir la torture en général, avec les organes et mécanismes des Nations Unies, ainsi qu’avec les institutions régionales et nationales. L’article 31 stipule que le SPT et les organes établis en vertu de conventions régionales sont invités à se consulter et à coopérer afin d’éviter les doubles emplois et de promouvoir efficacement la réalisation des objectifs du Protocole facultatif. Dans le cadre de la visite, le SPT a pris en compte tous les rapports et recommandations d’autres organes de défense et de protection des droits de l’homme rattachés au système des Nations Unies et au système interaméricain qui se sont rendus dans le pays.

4.En vertu du Protocole facultatif, les États parties sont tenus d’autoriser le SPT à effectuer des visites dans tout lieu placé sous leur juridiction et sous leur contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite. Les États parties s’engagent également à accorder au SPT l’accès sans restriction à tous les renseignements concernant les personnes privées de liberté ainsi qu’à tous les renseignements relatifs au traitement de ces personnes et à leurs conditions de détention. Ils sont en outre tenus de lui accorder la possibilité de s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté, sans témoins. Le SPT a toute liberté de choisir les lieux qu’il souhaite visiter et les personnes qu’il souhaite rencontrer. Conformément aux dispositions du Protocole facultatif, les mécanismes nationaux de prévention doivent jouir des mêmes possibilités.

5.Le présent rapport, relatif à la première visite du SPT au Mexique, a été établi conformément aux dispositions de l’article 16 du Protocole facultatif. Il contient les constatations et conclusions des membres de la délégation, ainsi que les observations et recommandations du SPT relatives à la situation en ce qui concerne la prévention de la torture et autres traitements cruels à l’encontre des personnes privées de liberté, afin d’améliorer la situation en ce qui concerne la protection de ces personnes contre toute forme de mauvais traitements. Les travaux du SPT reposent sur les principes de confidentialité, d’impartialité, de non-sélectivité, d’universalité et d’objectivité, comme le veut le paragraphe 3 de l’article 2 du Protocole facultatif. Le rapport fait partie du dialogue instauré entre le SPT et les autorités mexicaines en vue de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est confidentiel et la décision de le rendre public appartient aux autorités mexicaines, conformément aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 16 du Protocole facultatif.

6.Le travail de prévention de l’État en ce qui concerne la torture et autres traitements cruels est d’une vaste portée et la prévention doit être intégrale car elle touche des personnes qui, étant placées sous le contrôle et la garde de l’État, se trouvent dans une situation de vulnérabilité particulière. Cet état de choses comporte en soi un risque d’excès et d’abus d’autorité portant atteinte à l’intégrité et à la dignité des détenus. Les dispositifs de vigilance, et plus particulièrement la formation et la sensibilisation des agents de l’État qui sont en contact direct avec les personnes privées de liberté, sont parmi les principaux outils de prévention de la torture et des mauvais traitements. La démarche du SPT est une démarche préventive, générale et intégrale. Les visites du SPT servent ainsi à étudier les pratiques et les caractéristiques et capacités du système pénitentiaire et d’autres services de l’État ayant autorité pour garder des individus afin de déterminer s’il y a des carences dans la protection et si certaines garanties sont nécessaires pour renforcer ce système. La présentation, dans le rapport, d’exemples de meilleures pratiques et de mauvaises pratiques, est considérée comme un moyen de préserver la vie et l’intégrité physique et psychique des personnes privées de liberté qui se trouvent sous la garde de l’État et de leur assurer un traitement conforme à leur dignité d’êtres humains. Les actes ou omissions des agents de l’État qui entraînent une violation de ces droits fondamentaux engagent la responsabilité de l’État à l’échelon international.

7.La prévention de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants participe du respect d’autres droits fondamentaux des personnes privées de liberté, quel que soit le type de la détention. Pendant ses visites dans les États parties au Protocole facultatif, le SPT s’attache surtout à mettre en évidence les facteurs susceptibles de favoriser ou de prévenir des situations qui pourraient être à l’origine de torture ou de mauvais traitements, afin de pouvoir formuler des recommandations en vue d’empêcher que de telles situations se produisent ou se reproduisent. En ce sens, plutôt que de se borner à constater ou à vérifier si des actes de torture ou de mauvais traitements se sont produits, le SPT a pour objectif ultime d’anticiper et de prévenir la perpétration de tels actes, en engageant les États à améliorer leur système de prévention.

Introduction

8.En application des dispositions des articles 1er et 11 du Protocole facultatif, le SPT a effectué une visite au Mexique du 27 août au 12 septembre 2008.

9.La délégation était composée des membres ci-après du SPT: M. Victor Rodriguez Rescia (chef de la délégation), M. Mario Luis Coriolano, Mme Marija Definis-Gojanovic, M. Hans Draminsky Petersen, M. Zdenek Hajek et M. Zbigniew Lasocik.

10.Les membres du SPT étaient assistés de M. Patrice Gillibert, Mme Sandra del Pino et Mme Christel Mobech, fonctionnaires du secrétariat du SPT, ainsi que de deux interprètes indépendants et d’un fonctionnaire de la sécurité du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

11.Pour cette première visite du SPT dans l’État partie, les membres de la délégation se sont concentrés sur le travail réalisé par le mécanisme national de prévention et sur la situation, pour ce qui est de la protection contre la torture et les mauvais traitements, des personnes privées de liberté qui se trouvent dans les locaux de la police, les centres pénitentiaires, les installations de détention du ministère public (bureau du procureur au niveau fédéral et au niveau des États − fiscalías), les lieux où se trouvent des personnes placées en sécurité (arraigo), les établissements pour enfants et adolescents et les hôpitaux psychiatriques. Pour des raisons de logistique et afin d’éviter les doubles emplois, la délégation n’a pas visité les lieux réservés aux migrants, qui ont fait l’objet d’une étude récente du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des migrants.

12.L’existence d’un système complet de visites indépendantes de tous les lieux où pourraient se trouver des personnes privées de liberté est un des moyens essentiels de prévenir la torture et les mauvais traitements. C’est pourquoi la première partie du présent rapport est consacrée au mécanisme national de prévention du Mexique ainsi que des garanties dont il doit pouvoir jouir à cette fin.

13.La deuxième partie du rapport est consacrée à l’étude du cadre juridique mexicain sous l’angle de la prévention de la torture. L’absence de cadre juridique propre à garantir les droits des personnes privées de liberté peut être à l’origine de situations qui favorisent la perpétration d’actes de torture et les traitements cruels. Ces garanties touchent le plus souvent au droit à une procédure régulière et à d’autres droits fondamentaux comme le droit à la liberté et le droit de ne pas être maintenu en détention arbitraire, aspects qui, même s’ils sont du ressort d’autres organes des Nations Unies, ont place dans les travaux du SPT dans la mesure où ils ont un lien avec des situations qui peuvent déboucher sur des actes de torture et des traitements cruels et où ils sont utiles pour empêcher que ce genre de cas se produise.

14.Les autres sections sont consacrées à la situation concrète des personnes privées de liberté dans différents contextes au vu des garanties qui, selon le SPT, devraient contribuer à réduire le risque de mauvais traitements des intéressés si elles étaient dûment appliquées. Ils contiennent également des recommandations quant aux modifications à apporter pour améliorer les situations rencontrées et mettre en place un système cohérent de garanties dans la législation et dans la pratique.

15.Sachant que la visite était limitée dans le temps et en raison de l’étendue du territoire, les membres de la mission ont dû faire une sélection minutieuse non seulement des États dans lesquels ils se rendraient mais des établissements dans lesquels se trouvaient des personnes privées de liberté dans chacun de ces États. Le rapport contient des conclusions et recommandations qui portent uniquement sur les lieux que la délégation a visités, mais il est manifeste que les constatations pourraient être valables pour d’autres États qui n’ont pas été retenus pour la visite, ce qui est très important pour les autorités nationales pour avancer vers la réalisation de l’objectif du Protocole facultatif, à savoir la prévention de la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants. Le SPT s’est rendu dans le District fédéral et dans les États de Mexico, de Jalisco, de Nuevo León et d’Oaxaca. Ces États avaient été retenus à la suite d’une analyse des conditions qui prévalent dans la maison d’arrêt et les établissements pénitentiaires et les conditions de détention ou de détention préventive, effectuée par le secrétariat du SPT.

16.Au cours de la visite, la délégation a pu se rendre compte de la manière dont les personnes privées de liberté étaient traitées dans diverses catégories d’établissements, constater les faits et avoir des entretiens en privé avec des personnes privées de liberté dans 12 locaux de la police et de la justice, 7 établissements pénitentiaires, 1 prison militaire, 2 établissements pour mineurs et 2 hôpitaux psychiatriques.

17.Outre la visite de lieux de détention et de détention préventive, la délégation a eu des contacts avec les autorités publiques et avec des membres de la société civile afin de se faire une idée du cadre juridique et institutionnel sur lequel se fondent le système de justice pénale, la police préventive, le système pénitentiaire et d’autres institutions chargées de la garde de personnes qui se trouvent dans une situation particulière. Elle a également rencontré les membres du mécanisme national de prévention, de la Commission nationale des droits de l’homme et des commissions des droits de l’homme des différents États visités.

18.À la fin de la visite, la délégation a présenté oralement ses observations préliminaires aux autorités mexicaines. Conformément à l’article 16 du Protocole facultatif, ces observations préliminaires, de même que le présent rapport, ont un caractère confidentiel.

19.Le SPT a analysé le modèle de transparence et d’accès à l’information mis en place par le Mexique à l’échelon national, qui constitue un modèle digne d’être suivi dans d’autres pays. Ce dispositif, de caractère général, pourrait être un bon moyen de permettre aux personnes privées de liberté d’avoir accès à des informations concernant les statistiques, le budget et toute autre question touchant à la situation en ce qui concerne le système pénitentiaire ou le maintien en détention. Dans la ligne de cette politique de transparence , et en application de l ’ article 16 du Protocole facultatif, le SPT recommande au Mexique de rendre public le présent rapport, comme l ’ ont fait un certain nombre de pays qui ont déjà été l ’ objet de visites (Suède et Maldives) . Il y a là assurément un nouveau moyen de prévenir la torture et l es mauvais traitements grâce à l ’ ample diffusion des recommandations contenues dans le rapport , qui s ’ adressent tant aux institutions fédérales et aux institutions des États qu ’ au mécanisme nationa l de prévention , et indirectement aux commissions des droits de l ’ homme et aux associations de la société civile.

I.Facilitation de la visite

20.Le SPT tient à remercier les autorités fédérales, comme les autorités des États et les autorités locales, pour l’ouverture d’esprit et la coopération dont elles ont fait preuve à l’égard des membres de la délégation. Les renseignements et documents qui ont été fournis lui ont été extrêmement utiles pour atteindre les objectifs de la visite. Les membres de la délégation ont également eu des rencontres fructueuses avec diverses autorités qui se sont montrées désireuses de coopérer de leur mieux. À noter cependant les difficultés rencontrées pour accéder à un certain nombre d’établissements, en particulier les centres d’arraigo (dans le service du Procureur général du District fédéral) et au niveau des États (Jalisco) dues pour la plupart à des problèmes de communication qui ont été la cause de retards mais qui ont pu être surmontées avec l’aide des agents de liaison.

21.Le SPT tient à dire sa gratitude pour l’aide que lui ont apportée l’agent de liaison national ainsi que les agents de liaison des divers États, de même que toutes les autorités qui ont joué un rôle dans la visite. Ses remerciements vont aussi au mécanisme national de prévention et à diverses commissions des droits de l’homme pour l’intérêt qu’elles ont porté à la visite et tous les renseignements et les documents qu’elles ont fournis aux membres de la délégation.

22.Le SPT est profondément reconnaissant au bureau au Mexique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dont les fonctionnaires ont apporté un précieux concours aux membres de la délégation.

23.Les membres du SPT ont eu des échanges francs et très fructueux avec divers secteurs de la société. Ils saluent en particulier les représentants d’organisations non gouvernementales, nationales ou internationales, qui ont fourni avant, pendant et après la visite, d’amples renseignements factuels et analytiques qui ont grandement contribué au succès de la mission.

II.Mécanisme national de prévention

A.Cadre juridique et processus de création

24.Le Mexique a ratifié le Protocole facultatif le 11 avril 2005. Le Mexique est un État fédéral, ce qui complique singulièrement la mise en œuvre du Protocole facultatif. En collaboration avec le Ministère des relations extérieures et avec le concours de l’Association pour la prévention de la torture, ONG internationale, le bureau au Mexique du Haut-Commissariat aux droits de l’homme a procédé à des consultations qui ont duré plus de deux ans en vue de la création du mécanisme national de prévention. Or, ce processus n’a pas donné les résultats escomptés.

25.Le 11 juillet 2007, la Commission nationale des droits de l’homme a accepté, à l’invitation du Gouvernement mexicain, de faire office de mécanisme national de prévention, à la suite de quoi le Conseil consultatif de ladite Commission a approuvé une modification de l’article 61 du Règlement intérieur prévoyant que l’Inspection générale no 3 serait chargée de coordonner les activités en ce qui concerne le mécanisme national de prévention. Afin d’être à même de satisfaire à cet engagement pris à l’échelon international, la troisième Inspection générale a vu sa structure renforcée par la création d’une direction générale chargée de veiller au respect des obligations du mécanisme national de protection.

26.Le mécanisme national de prévention a été créé en vertu d’un décret. Pour le soutenir dans sa tâche, la Commission nationale des droits de l’homme a conclu un accord de collaboration avec le Ministère de l’intérieur, des relations extérieures, de la défense, de la marine, de la sécurité publique et de la santé et le Service du Procureur général de la République. Le mécanisme national a également conclu des accords de coopération avec la commission des droits de l’homme d’un certain nombre d’États en vue d’améliorer le système de visite dans ces États.

B.Évaluation

27.La délégation a rencontré les représentants du mécanisme national de prévention. Ces rencontres ont été pour elle l’occasion de s’informer des méthodes de travail et du système de visites, d’avoir un aperçu des visites de centres de privation de liberté effectuées jusque-là, ainsi que des rapports du mécanisme national et de formuler des recommandations. La délégation a pris connaissance de tous ces rapports, ce qui lui a été d’une grande utilité pour la suite de la visite. Le SPT a communiqué officiellement et à titre confidentiel ses observations préliminaires au mécanisme national de prévention.

28.Le SPT salue le travail réalisé par le mécanisme national de prévention et les efforts considérables qu’il a déployés dans les quelques mois qui se sont écoulés entre sa création et la visite. Il prend note également des mesures et activités que celui-ci envisage d’entreprendre, parmi lesquels la conclusion d’accords institutionnels avec les autres commissions des droits de l’homme et la possibilité de constituer un conseil consultatif composé de représentants d’organisations de la société civile et de personnes spécialisées dans la question de la prévention de la torture.

29.Les membres de la délégation se sont laissé dire par toutes les parties que la création du mécanisme national de prévention n’avait pas été facile et qu’elle avait suscité un certain nombre de divergences entre divers acteurs qui ont pris part au débat relatif à sa création. Le SPT considère que la prévention de la torture est une tâche qui ne saurait être confiée à diverses entités investies de responsabilités distinctes, et qu’il s’agit d’une entreprise associant plusieurs institutions et organismes et réunissant de multiples acteurs mus par des intérêts divers, mais qui poursuivent un seul et même objectif. À cet égard, le SPT engage toutes les institutions publiques et les associations de la société civile intéressées à unir leurs efforts pour lutter plus énergiquement contre la torture en menant une action préventive tant dans le domaine qui leur est propre que dans le cadre de la coopération interinstitutions.

C.Recommandations

30. Le mécanisme national de prévention doit être renforcé pour que toutes les institutions, associations de la société civile et organismes de coopération travaillent en synergie en vue de la réalisation d ’ un même objectif: la prévention de la torture. L ’ État doit doter ce mé canisme national de prévention d u cadre juridique et des ressources humaines et matérielles nécessaires et lui garantir l ’ autonomie, l ’ indépendance et le statut institutionnel qui lui permettront de remplir le rôle prévu dans le Protocole facultatif. Cette entreprise nécessitera l ’ engagement d ’ un plus grand nombre de personnes appartenant à diverses disciplines (psychologues et professionnels de la santé, spécialistes des questions autochtones, de l ’ enfance et de l ’ adolescence, des droits de la femme et de l ’ égalité entre les sexes, etc.), la révision et la mise à jour des manuels et des protocoles de visite et de procédure, y compris les méthodes permettant d ’ évaluer les indicateurs de progrès dans le domaine de la prévention de la torture; et un programme permanent de formation et de sensibilisation à la prévention de la torture à l ’ intention des fonctionnaires qui sont en contact direct avec les personnes privées de liberté. Pour assurer la viabilité et l ’ autonomie de ce mécanisme national de prévention, le SPT préconise l ’ élaboration d ’ un projet de loi destiné à consolider et à renforcer le décret de création de cette institution. On disposera ainsi d ’ un cadre renforcé pour la prévention de la torture, comportant l ’ établissement d ’ un plan national définissant le rôle des diverses institutions en fonction de leur domaine de compétence et un programme de travail prévoyant des engagements, un suivi et des évaluations périodiques, ainsi que la visite des lieux où se trouvent des personnes privées de liberté qui permettront de suivre les progrès en matière de prévention de la torture et des mauvais traitements.

31. Sachant que la création du mécanisme national de prévention marque pour le Mexique le début de la mise en œuvre du Protocole facultatif, le SPT recommande que, pour favoriser sa viabilité et son renforcement, ledit mécanisme établisse son propre programme de travail et présente ses propres rapports, indépendamment des activités entreprises par l ’ Inspection générale n o 3 dans le cadre de la Commission nationale des droits de l ’ homme.

32. Le SPT invite instamment l ’ État fédéral et les divers États à mettre en œuvre les recommandations formulées jusqu ’ ici par le mécanisme national de prévention, ainsi que celles qu ’ il formulera à l ’ avenir. C ’ est là une obligation contractée par le Mexique à l ’ échelon international en vertu des articles 22 et 23 du Protocole facultatif, qui disposent: «Les autorités compétentes de l ’ État partie intéressé examinent les recommandations du mécanisme national de prévention et engagent le dialogue avec lui au sujet des mesures qui pourraient être prises po ur les mettre en œuvre. Article  23. Les États parties au présent Protocole s ’ engagent à publier et à diffuser les rapports annuels des mécanismes nationaux de prévention.».

III.Garanties visant à prévenir la torture et les mauvais traitements

33.La délégation du SPT a examiné les facteurs et les situations susceptibles de servir de garantie pour les personnes privées de liberté et ceux qui étaient de nature à contribuer à aggraver le risque de torture et de mauvais traitements, au vu du cadre juridique et institutionnel en matière de prévention de la torture et des conditions matérielles et des pratiques qui ont cours dans les lieux qu’il a visités.

A.Cadre juridique

34.Les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Mexique consacrent l’obligation des États de protéger l’intégrité physique et psychologique des personnes et d’adapter le droit interne à cette fin.

35.Le SPT fait observer que la législation primaire et secondaire en matière de qualification du délit de torture n’est pas pleinement conforme aux normes internationales en la matière. Il renvoie à cet égard aux recommandations du Comité contre la torture et tient à exprimer à l’État partie sa préoccupation de voir que ces recommandations n’ont pas encore été mises en œuvre.

36.Le SPT tient à rappeler à l’État partie que l’adoption d’une définition appropriée du délit de torture conforme aux instruments internationaux en la matière joue un rôle préventif. À cette fin, toute la législation nationale doit prévoir des enquêtes, des poursuites et des condamnations pour tous les cas impliquant des tortures et des mauvais traitements, quel que soit le contexte dans lequel ils se produisent et indépendamment de la forme de ces actes et de leur objet. De plus, la sévérité de la peine devrait être en rapport avec la gravité de ces actes, qui ne devraient pas être considérés comme des délits de droit commun, d’autant qu’ils se produisent généralement dans des lieux où les victimes sont sous la garde de l’État qui est censé veiller au respect des droits à l’intégrité, physique et morale, de la personne.

37.Outre la nécessité de prévoir une définition appropriée du délit, le SPT estime qu’il est nécessaire d’adopter une politique claire et concrète de façon à envoyer le message que l’impunité n’a plus cours, et que les actes de torture et de mauvais traitements ne seront tolérés sous aucun prétexte et en aucune circonstance.

38.Le SPT considère que la manière dont les auxiliaires de justice appliquent et interprètent la loi est primordiale dans la lutte contre la torture et la prévention de la torture. Les pratiques assimilables à des actes de torture et de mauvais traitements ne devraient donc pas être qualifiées de délits ordinaires.

39.En ce qui concerne l’appréciation des preuves, l’État partie est tenu de démontrer que ses agents et ses institutions ne se rendent pas coupables d’actes de torture, et il n’appartient pas à la victime de démontrer qu’elle a fait l’objet de tortures, surtout si elle se trouve dans des conditions qui l’empêchent d’en donner la preuve. Dans la plupart des cas, les victimes de torture se trouvent dans des endroits clos et ne sont pas protégées. En outre, comme on le verra plus loin, il n’est pas toujours facile d’établir un constat des actes de torture, car tout dépend notamment des techniques utilisées.

40.Le SPT recommande avec force d ’ adopter les mesures nécessaires législatives, administratives et autres, afin de mettre la législation primaire et secondaire en conformité avec les instruments internationaux relatifs à la torture, et en particulier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture. Conformément au principepro homine, la Convention interaméricaine est le texte qui protège le plus la personne humaine dans le cadre du système régional interaméricain dont le Mexique fait partie. Elle prévoit l ’ imposition de peines conformes à la gravité du dé lit pour éviter que celui-ci soit assimilé à des lésions corporelles ou autres délits analogues. La révision de la législation doit aller de pair avec des programmes de formation et de sensibilisation appropriés à l ’ intention des auxiliaires de justice, des fonctionnaires de police et des agents pénitentiaires pour les informer de la manière appropriée de qualifier les allégations de torture et de mener les enquêtes correspondantes afin d ’ éviter que la procédure d ’ enquête ne conduise à assimiler le délit de torture à des délits moins graves.

41.Il est indispensable que l’État mexicain adopte toutes les mesures d’ordre administratif, législatif et judiciaire nécessaires pour mettre effectivement en application, à tous les niveaux, en particulier au niveau des États et au niveau municipal, les normes internationales qu’il s’est engagé à respecter, et faire en sorte que, lorsque de tels actes ont été commis, il soit procédé à des enquêtes, que les coupables soient punis et que réparation soit accordée en s’appuyant sur la définition internationale de la torture la plus large et la plus complète.

42.Plus précisément, la délégation a constaté qu’au Mexique, dans l’enquête pénale, c’était l’organe chargé de l’accusation (le ministère public) qui avait l’inculpé sous sa garde pendant un laps de temps important pendant lequel en général les interrogatoires ont lieu et la déclaration est enregistrée. Cette procédure et cette pratique, non seulement ne sont pas conformes aux normes internationales qui veulent que la déclaration de l’inculpé soit faite devant une autorité «judiciaire» compétente (voir le paragraphe 5 de l’article 7 et le paragraphe 3 de l’article 8 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, et l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques), mais elles comportent le risque qu’il soit recouru à la torture ou autres traitements cruels, inhumains et dégradants pour obtenir des informations, des éléments de preuve ou des déclarations, en violation du droit à une procédure régulière et à l’intégrité physique et psychologique de la personne. Le fait que le ministère public n’est pas une autorité judiciaire, et plus encore qu’il représente l’accusation, signifie que les inculpés risquent doublement d’être victimes d’actes de violences physiques ou psychologiques destinés à ébranler leur capacité sensorielle et leur équilibre physique et moral et à les amener à s’avouer coupables ou à accuser des tiers, en violation des garanties constitutionnelles fondamentales et des normes consacrées dans les instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État partie. Le SPT considère que pour écarter les risques de torture et de mauvais traitements, il doit y avoir une séparation organique et institutionnelle entre les autorités chargées de l’enquête et des poursuites et celles qui ont sous leur responsabilité les personnes en détention. Le SPT note qu’en vertu de la réforme de la Constitution qui touche au système de justice pénale adoptée récemment, qui est en cours de mise en œuvre, la déclaration de l’inculpé doit être faite devant l’instance judiciaire compétente. Toutefois, le SPT recommande à l ’ État partie d ’ accélérer la mise en œuvre de la réforme afin d ’ éviter que des cas de torture et de mauvais traitements ne se produisent en attendant que cette modification relative à la déclaration des inculpés soit incorporée à toutes les lois fédérales et à toutes les lois des États et mise en œuvre dans tout le pays.

1.Réforme de la Constitution

43.La Constitution de la République fédérale du Mexique a été modifiée en 2008 en vue de transformer le modèle de procédure pénale, jusque-là inquisitoire, en un modèle de procédure accusatoire et oral. Cette réforme de la Constitution présente des aspects positifs qui pourraient contribuer à lutter contre la pratique de la torture et des mauvais traitements dans l’État partie. Le SPT tient à mettre en lumière les modifications ci-après:

La détention est enregistrée immédiatement (art. 16);

L’aide juridictionnelle est renforcée (art. 17);

Les audiences se déroulent en présence du juge, qui ne peut déléguer à personne le soin de déterminer la recevabilité des preuves (art. 20, sect. A.II);

Aux fins de la détermination des peines, seules les preuves retenues à l’audience sont prises en compte, ce qui met fin à la pratique de l’averiguación previa (enquête préliminaire) dans laquelle c’est le ministère public qui produit et apprécie les preuves présentées au cours du procès, (art. 20, sect. A.III);

Les éléments de preuve sont présentés au cours d’une audience publique (art. 20, sect. A/IV);

Tout élément de preuve obtenu par des moyens qui constituent une violation des droits fondamentaux, y compris par la torture, est irrecevable (art. 20, sect. A.IX);

La présomption d’innocence est reconnue (art. 20, sect. B.I);

Le droit de l’inculpé de faire une déclaration ou de garder le silence est reconnu (art. 20, sect. B.II);

L’exercice du droit de garder le silence ne peut pas être utilisé à l’encontre de l’inculpé (art. 20, sect. B.II);

Les aveux faits hors de la présence du défenseur n’ont pas valeur probante (art. 20, sect. B.II);

Dès sa mise en détention et au moment de sa présentation au ministère public et de sa comparution devant le juge, l’inculpé doit être informé de ses droits (art. 20, sect. B.III);

L’accès à un conseil est reconnu comme étant un droit de l’inculpé (art. 20, sect. B.VIII);

Les institutions chargées de la sécurité agissent dans le respect des droits de l’homme reconnus par la Constitution (art. 21);

Il est créé la figure du juge de l’exécution des peines (art. 21); le concept de réinsertion sociale est substitué au concept de réadaptation sociale et la protection de la santé des détenus est renforcée et l’accès à des activités sportives est rendu possible. Le SPT prend acte en outre d’un projet de loi fédérale sur l’exécution des peines adopté par la Commission de la justice de la Chambre des députés qui n’avait pas encore été présenté en première lecture au cours de la session qui s’est achevée en avril 2009.

44.D’autres aspects de la Constitution, en revanche, suscitent des préoccupations, car ils pourraient être à l’origine de situations de vulnérabilité et de risque de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le SPT recommande de revoir et de modifier les aspects ci-après de la réforme de la Constitution, qui sont examinés plus avant dans le présent rapport à propos de la prévention de la torture:

La figure de l’arraigo (détention pendant l’enquête ou avant l’inculpation) est inscrite dans la Constitution et s’applique aux individus soupçonnés d’un délit de criminalité organisée (art. 16). Le SPT renvoie à cet égard aux paragraphes du présent rapport concernant l’arraigo;

La définition de la criminalité organisée contenue dans les nouvelles dispositions est ambiguë et de vaste portée, et ne reprend qu’en partie la définition de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée;

La détention préventive est obligatoire pour certains délits, indépendamment du cas d’espèce (art. 19);

L’autorité chargée de la garde des personnes en attente de jugement reste la même que l’autorité chargée de l’accusation;

45.Le SPT estime que le succès de la réforme de la Constitution dépendra dans une large mesure des ressources budgétaires et de leur allocation. Ces ressources devront être suffisantes pour garantir la mise en œuvre effective de la réforme considérée, ainsi que des mesures de sensibilisation et de formation destinées à venir à bout de la résistance inévitable opposée à tout changement, en particulier de la part des institutions, ainsi que des pratiques et des concepts à réformer ou à redéfinir. Les mesures de sensibilisation devront être axées notamment sur le renforcement du principe de la présomption d’innocence, la suppression effective de l’«enquête préalable» et les pouvoirs actuels du ministère public à ce stade, le renforcement de l’aide juridictionnelle, la réduction de la détention préventive et le respect du principe de la régularité de la procédure au stade de l’exécution des peines.

46.Le SPT a pris acte de ce que la réforme de la Constitution prévoyait de plus amples garanties au stade de l’enquête. C ’ est pourquoi le SPT invite instamment l ’ État à encourager le s assemblées législatives des États à élaborer un règlement d ’ application de la réforme en cours afin que la déclaration des personnes en détention , pour quelque grief que ce soit, se fasse devant les instances judiciaires compétentes, et non devant le ministère public. Le SPT recommande en outre , à côté des contrôles formels destinés à prévenir la torture, de mettre en place des programmes de sensibilisation sur l ’ élimination de toute s les forme s de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants au cours de l ’ enquête ou à tout autre moment où les personnes se trouvent sous la responsabilité des fonctionnaires du ministère public. Le SPT invite instamment l ’ État partie à accélérer la réforme constitutionnelle conformément aux suggestions qui viennent d ’ être faites et à le tenir au courant de l ’ évolution de l a situation.

2.Législation fédérale et législation des États

47.La loi fédérale de prévention et de sanction de la torture a été promulguée en 1986. Une nouvelle loi fédérale sur la question a été adoptée en 1991 et modifiée pour la dernière fois en 1994. La loi a pour objet la prévention de la torture. Le délit de torture est défini comme suit à l’article 3:

«Se rend coupable du délit de torture le fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, inflige à une personne des douleurs et des souffrances aiguës, physiques ou mentales, aux fins d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, ou de faire pression sur elle pour qu’elle se livre ou cesse de se livrer à un comportement déterminé.

Ne sont pas considérés comme un acte de torture les désagréments ou les peines résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles, ou résultant d’un acte légitime d’une autorité.».

48.Nul n’est exonéré de la responsabilité du délit de torture et nul n’est autorisé à invoquer l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité pour justifier la torture. La loi reconnaît le droit de la personne détenue d’être examinée par un médecin légiste, qui doit porter à la connaissance de l’autorité compétente les actes de torture qui ont été détectés. La loi prévoit que les aveux ou toute autre forme de renseignements obtenus sous la torture ne peuvent pas être invoqués comme éléments de preuve, pas plus que les aveux faits devant l’autorité policière ou devant le ministère public ou l’autorité judiciaire, hors de la présence du défenseur de l’inculpé ou d’une personne ayant toute sa confiance, et, le cas échéant, d’un interprète. La loi prévoit aussi l’obligation pour la personne qui se rend coupable d’un délit de torture de prendre à sa charge certaines dépenses et d’offrir réparation et d’indemniser la victime ou des ayants-cause. Enfin, elle prévoit que tout agent de la fonction publique qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance d’un acte de torture, est tenu de dénoncer le fait immédiatement.

49.L’article 194 du Code fédéral de procédure pénale qualifie la torture de délit grave.

50.Selon les dispositions des articles 215 et 225 du Code pénal fédéral, le fait, pour un agent de la fonction publique d’obliger un inculpé à faire une déclaration en recourant à la mise au secret, à des mesures d’intimidation ou à des actes de torture, est considéré comme un abus de pouvoir ou une entrave à la justice.

51.La loi générale qui établit les fondements de la coordination du système national de sécurité publique prévoit que les membres de l’institution policière ont le devoir de s’abstenir à tout moment et en toutes circonstances d’infliger, de tolérer ou d’autoriser des actes de torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

52.La loi organique du service du Procureur général de la République prévoit que les agents du ministère public de la Fédération, les officiers de la police judiciaire fédérale et les experts sont tenus d’empêcher que des actes de torture physique ou psychologique ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ne soient infligés, tolérés ou autorisés. Elle impose en outre le devoir de dénoncer de tels actes immédiatement.

53.La loi fédérale sur le service des défenseurs publics prévoit que les plaintes émanant des fonctionnaires de cette institution ou les personnes détenues ou incarcérées dans des établissements pénitentiaires faisant état d’actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants ou de toute autre violation des droits fondamentaux des intéressés, commis par un agent de la fonction publique quel qu’il soit sont adressées au ministère public, à l’autorité qui gère les établissements pénitentiaires, et aux organismes chargés de la protection des droits de l’homme, le cas échéant.

54.La définition des aveux judiciaires contenue dans le Code de justice militaire prévoit que ces aveux ne peuvent pas être obtenus suite au maintien à l’isolement, au moyen de mesures d’intimidation ou par la torture.

55.Au niveau des États, la torture est qualifiée de délit dans la législation de toutes les entités fédérales. Quatorze États sont dotés d’une loi consacrée expressément à la prévention et à la sanction de la torture. Dans l’État de Guerrero, la torture est définie dans la loi portant création de l’organisme public de protection des droits de l’homme. Dans les autres états fédéraux (17), la torture est qualifiée dans le Code pénal.

56.La loi fédérale de prévention de sanction de la torture a largement inspiré la définition du délit de torture adoptée dans la législation des entités fédérales. On peut dire qu’elle est devenue le principal texte de référence pour l’élaboration de la législation au niveau des États et au niveau local. Il nous paraît donc important d’examiner quelques aspects de la définition de ce délit contenue dans la loi fédérale à la lumière de la définition de la Convention contre la torture et la Convention interaméricaine.

57.Du point de vue normatif, il existe un certain nombre de divergences dans la définition de la torture entre la législation fédérale et des États. Par ailleurs, dans les deux cas, un certain nombre d’éléments de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture qui touchent à la définition de la torture et à sa prévention effective moyennant son incrimination demandent à être incorporés dans la législation primaire et secondaire. En ce qui concerne l’obligation contractée à l’échelon internationaldemettrelalégislationnationaleenconformitéaveclesnormesinternationales par le biais de mesures législatives, administratives et autres, il y a lieu de garder à l’esprit que la notion de torture, l’idée d’infliger intentionnellement à une personne des souffrances physiques ou mentales dans un contexte plus vaste, et pas seulement dans le cadre d’enquêtes ou d’interrogatoires, et que la peine imposée doit être suffisante et correspondre à la gravité du délit. La définition doit aussi dans tous les cas comprendre les actes de torture commis par des individus avec le consentement exprès ou tacite de l’État. Le SPT recommande avec force de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre la législation primaire et secondaire en conformité avec les instruments internationaux relatifs à la torture. Il recommande en outre l ’ imposition de peines proportionnelles à la gravité du délit afin d ’ éviter que celui-ci ne soit placé sur le même plan que les lésions corporelles ou autres délits analogues. Cette révision de la législation devra s ’ accompagner de programmes appropriés de formation et de sensibilisation à l ’ intention des auxiliaires de justice, des fonctionnaires de police et des agents pénitentiaires pour les informer de la manière correcte de qualifier les allégations de torture et de mener les enquêtes de façon à assimiler la torture à d ’ autres délits moins graves. Le SPT invite instamment l ’ État partie à tenir compte des conclusions et recommandations du Comité contre la torture relatives à sa législation.

3.Application et interprétation de la loi

58.Au cours des entretiens qu’elle a eus avec des fonctionnaires de diverses institutions et d’autres personnes importantes dans le cadre de sa visite, la délégation a pu détecter un certain nombre d’insuffisances dans la manière dont les auxiliaires de justice, en particulier les agents du ministère public et du service des défenseurs publics, interprètent les normes de procédure et les règles relatives à la régularité de la procédure en ce qui concerne les droits de la défense, et partant, aux situations dans lesquelles la sécurité des personnes inculpées d’un délit est menacée. On trouvera dans le rapport des exemples concrets fondés sur les cas analysés par la délégation au cours de la visite. Le SPT invite instamment l ’ Éta t à encourager le Congrès et les assemblées législatives des États à élaborer le règlement d ’ application de la réforme en cours, afin que ce soit devant les autorités judiciaires compétentes et non devant les agents du ministère public, que les personnes détenues inculpées d ’ une infraction pénale fassent leur déclaration. Le SPT recommande également qu ’ en parallèle de la mise en œuvre de la réforme du système de justice pénale en cours les autorités conçoivent et mettent en œuvre un programme de formation et de sensibilisation, comportant un module sur les droits de la défense et le respect de la légalité en tant que moyen de prévenir la torture et les mauvais traitements et d ’ en protéger les inculpés et les condamnés privés de liberté. Le SPT invite instamment l ’ État partie à accélérer la réforme de la Constitution compte tenu des recommandations qui précèdent et à le tenir au courant des progrès réalisés.

59.Au cours de la visite, les membres de la délégation ont pu constater que l’application et l’interprétation des règles relatives aux garanties d’une procédure régulière dans le cadre del’enquêtepénale,quipeutavoirdesincidencessurl’intégritéphysiqueetpsychologique des inculpés, conçues dans une optique restrictive et non dans l’intérêt de la personne qui pourrait être affectée. C’est le cas d’actes et pratiques contraires aux principes de la présomption d’innocence et de mécanismes de défense. C’est aussi le cas en ce qui concerne l’appréciation des preuves eu égard aux droits des enfants et des adolescents.

60.C’est ainsi que dans les divers États, les membres de la délégation ont constaté la présence de mineurs dans des quartiers d’isolement (separos) du ministère public. Les enfants en question étant sans papiers et incapables de reconnaître leur statut de mineur, et dépourvus d’actes de naissance − qui pourraient être obtenus sans grande difficulté − les agents du ministère public demandaient un avis médical afin d’établir l’âge présumé, qui était hautement approximatif et donnait une marge d’erreur de trois ans de plus ou de moins par rapport à l’âge de la majorité (18 ans). La délégation a également observé que, contrairement au principe de l’«intérêt supérieur de l’enfant», l’âge attribué aux intéressés se situait généralement en haut de l’échelle et qu’ils étaient donc considérés comme des personnes majeures, d’où leur placement dans des établissements de détention pour adultes avec tous les risques que cela comporte. Les membres de la délégation ont eu l’occasion de s’entretenir sur la question avec un certain nombre de médecins et de spécialistes de la question, qui ont reconnu que ce genre d’élément de preuve (âge moyen) était rarement fiable et qu’il était effectivement contraire à l’intérêt des mineurs présumés. Le SPT tient à exprimer sa préoccupation face à cette situation, qui sera examinée plus avant dans les paragraphes sur les mineurs privés de liberté.

61.D’autres situations témoignent d’une interprétation et d’une appréciation des éléments de preuve, ainsi que du renversement de la charge de la preuve, contraires au principe de la régularité de la procédure, qui font que les détenus se trouvent dans une situation de vulnérabilité et d’absence de protection, et qui vont à l’encontre du principe de la présomption d’innocence, ce qui expose les intéressés au risque de torture et de mauvais traitements. On trouvera tout au long du présent rapport des exemples concrets de cas que la délégation a pu observer au cours de sa visite.

62.Les membres de la délégation du SPT ont entendu dire de diverses sources que l’impunité généralisée dont jouissent les auteurs de mauvais traitements joue un rôle important dans le recours constant à la torture et d’autres mauvais traitements. Comme on l’a déjà dit, le SPT tient à faire ressortir combien il est important que l’État partie adopte une politique qui envoie un message clair et direct du rejet de ce genre de comportement qui doit être condamné par tous les moyens, administratifs, disciplinaires et pénaux.

63.Autre problème connexe que les membres de la délégation ont pu constater et qui risque de placer les victimes potentielles dans une situation d’absence de protection encore plus grave, l’absence d’experts indépendants chargés de vérifier les allégations de torture et d’établir des constats, ce qui fait que les experts officiels se retrouvent à la fois juge et partie. Dans leur manière d’appliquer le Protocole d’Istanbul, les procureurs généraux ont considéré que les experts étaient des «témoins», ce qui met en cause l’indépendance de ces éléments de preuve, lesquels devraient constituer uniquement des opinions d’experts et non des preuves documentaires.

B.Cadre institutionnel

1.La Commission nationale des droits de l’homme et ses homologues locales

64.La délégation a rencontré les représentants de la Commission nationale des droits de l’homme, de la Commission des droits de l’homme du District fédéral et des commissions des droits de l’homme des États de Jalisco, Nuevo León et Oaxaca. Elle a été informée des attributions et de l’encadrement juridique de ces organes et a pu examiner les pratiques en vigueur ainsi que les éventuels problèmes que ces représentants avaient pu déceler dans leur domaine de travail.

65.Le SPT souligne que le fait que le personnel de la Commission des droits de l’homme de l’État du Nuevo León qui a répondu à la délégation ne lui a ni donné des renseignements ni fourni des documents qui auraient pu lui être utiles pendant son séjour ou au moment de la rédaction du présent rapport, alors que rendez-vous avait été pris à l’avance, a fait mauvaise impression. La délégation a été également surprise que ces mêmes personnes n’aient pas été au courant de son mandat.

66.Le SPT n’ignore pas le rôle important que jouent la Commission nationale des droits de l’homme et les commissions d’État en matière de prévention de la torture et des traitements inhumains, cruels ou dégradants. Mais il considère qu’en matière de prévention, l’inspection des lieux de détention et la formation sont des outils d’une grande valeur pour consolider l’effort de prévention de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants. La délégation a appris qu’après la création de la Commission nationale, des commissions d’État se sont engagées dans le contrôle continu des conditions d’emprisonnement, en s’appuyant sur un système de sept normes minimales. Aucune de ces normes ne porte sur la gouvernance, dont il sera question plus loin à propos de certains établissements pénitentiaires. Le SPT recommande d ’ adopter une norme supplémentaire concernant la gouvernance, telle que les autorités légitimes aient la maîtrise et la responsabilité des événements qui se produisent à l ’ intérieur des établissements et qu ’ y soient évités les situations d ’ autogouvernement et les risques de tortures et de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

67.Les membres de la délégation ont appris du personnel de la Commission des droits de l’homme de l’État de Jalisco que les services du Procureur général de cet État n’avaient pas accepté la totalité des recommandations que lui avait faites la Commission en matière de torture et qu’il n’avait pas été donné une suite satisfaisante à celles qui avaient été acceptées. Le SPT considère que cette situation peut favoriser la commission d’actes de torture dans les services d’enquête, de la même manière qu’elle peut déboucher sur l’impunité de ceux qui les auraient commis. On en voit l’illustration dans les deux dernières recommandations de la Commission, que le Procureur général de l’État a acceptées en partie, car il s’est refusé à ouvrir des enquêtes préliminaires et des procédures administratives à l’encontre de fonctionnaires ayant commis des actes de torture. Il a également refusé une nouvelle fois d’offrir réparation aux victimes et de créer un document technique médico-légal à remettre à toute personne disant avoir subi des tortures, selon les prescriptions du Protocole d’Istanbul. Le SPT pense comme la Commission des droits de l’homme de Jalisco qu’il s’agit là de lacunes graves qui non seulement facilitent la commission d’actes de torture dans l’État partie mais concourent en outre à ce que ces actes restent impunis. Il tient à rappeler à l’État partie les obligations internationales que lui imposent les traités qu’il a signés.

68. Cela étant, le SPT invite instamment le Mexique à intimer à toutes les autorités fédérales et autorités d ’ État qu ’ elles ont à donner dûment suite aux recommandations générales ou spéciales qu ’ ont faites les commissions des droits de l ’ homme mexicaines en ce qui concerne les plaintes de particuliers et les situations générales qui pourraient donner lieu à des actes de torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu ’ à toutes les recommandations tendant à mettre fin à l ’ impunité des auteurs de tels actes.

2.L’assistance juridictionnelle

69.Le SPT considère qu’un service d’assistance juridictionnelle public et gratuit, fonctionnellement et budgétairement indépendant et doté de ressources matérielles et humaines suffisantes est très certainement un instrument utile et indispensable de prévention de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, en commençant par le respect des garanties judiciaires et en allant jusqu’au droit de faire valoir en temps opportun des moyens de défense efficaces et complets. La délégation a constaté qu’il existe plusieurs modes d’assistance juridictionnelle au pénal selon que l’infraction dont il s’agit est de la compétence des tribunaux fédéraux ou de celle des tribunaux d’État. Dans l’ordre fédéral, bien que les défenseurs commis d’office ne soient pas assez nombreux pour assurer la couverture nationale qui serait nécessaire, on trouve de meilleures solutions et de meilleures ressources pour assurer cette fonction qu’au niveau des États, alors que l’on demande toujours à ceux-ci leur assistance pour ce service et au moins autant de moyens que pour le ministère public.

70.Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a signalé les lacunes de ce service public de défense dans le rapport qu’il a rédigé à l’issue de son séjour au Mexique en 2002. Le SPT regrette que la majorité d’entre elles restent perceptibles dans l’assistance juridictionnelle offerte par l’État partie.

71.La délégation a constaté que le droit qu’a le prévenu de se faire assister d’un avocat commis d’office professionnel n’est pas toujours respecté, ni au niveau de l’instruction préliminaire ni pendant le procès. Les entretiens ont permis de constater que l’inculpé n’arrivait même pas à savoir qui le jugeait. Le SPT espère que cet état de choses sera modifié à mesure qu’avance et s’applique la réforme pénale, qui consacre le principe de l’oralité de certaines procédures. En tout état de cause, il faudrait, surtout au niveau des États, engager et former des avocats à commettre d’office en nombre suffisant et bien préparés pour que le droit de se faire assister d’un conseil soit réel et effectif, et non une simple intention idéale ou rhétorique.

72.La délégation a constaté que les défenseurs que l’on commet d’office auprès des prévenus pendant les quarante-huit premières heures de détention devant le ministère public travaillent dans de petits bureaux voisins de ceux de l’accusation, émargent au budget du Procureur général et dépendent des ressources de ses services. Une telle situation compromet indubitablement l’autonomie et l’indépendance qui devraient être les qualités du dispositif d’assistance juridictionnelle.

73.Le SPT considère que l’accessibilité de l’avocat a un effet préventif à condition que le droit d’y faire appel puisse s’exercer dans la pratique. Si une personne privée de liberté n’a pas les moyens d’engager un avocat et qu’on en commet un d’office à ses côtés sans que celui-ci dispose des moyens matériels et de l’indépendance qui lui sont nécessaires, ce droit reste purement théorique et formel, ainsi que l’intérêt qu’il présente pour la prévention de la torture et des mauvais traitements.

74.La délégation a constaté de graves déficiences dans l’assistance juridictionnelle de l’État partie, qui font obstacle à la prévention de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants. D’une manière générale, les avocats commis d’office ont trop de travail et leur rémunération reste très faible par rapport à celle des fonctionnaires du parquet. Cela met sérieusement en cause le droit à une défense adéquate dont bénéficient ceux qui, faute de ressources financières suffisantes, doivent confier leur sort à un avocat commis d’office. Cela aggrave en même temps le risque que les personnes en situation de pauvreté soient plus exposées aux faits de torture et de traitements cruels car elles ont moins souvent l’occasion de disposer d’un défenseur de qualité qui les aiderait à porter plainte si elles ont subi ce genre de traitement et à inverser le processus pénal dans lequel elles se trouvent plongées. Le SPT se félicite que l’un des aspects de la réforme constitutionnelle concernant la justice pénale soit précisément le renforcement de l’institution de l’assistance juridictionnelle gratuite (art. 17). Et pourtant, il recommande de diligenter les démarches de façon que disparaissent le plus vite possible des situations dans lesquelles les personnes les plus vulnérables se trouvent sans défense.

75.Les membres de la délégation ont pu observer, à Oaxaca par exemple, que l’assistance juridictionnelle n’a ni indépendance ni autonomie budgétaire, et qu’il n’y a ni avocats autochtones en nombre suffisant ni spécialistes du droit autochtone susceptibles de représenter convenablement les intérêts des autochtones arrêtés pour infraction et de faire valoir leurs moyens.

76.À Oaxaca, l’assistance juridictionnelle, outre qu’elle dépend du Secrétariat aux affaires indigènes, ne compte pas assez d’avocats autochtones et de spécialistes du droit autochtone susceptibles de représenter convenablement les intérêts des autochtones détenus et de faire valoir leurs moyens de défense, par exemple d’invoquer l’erreur imputable aux différences culturelles, le manque de compétences culturelles suffisantes ou des arguments tirés du droit spécifique (les us et coutumes). L’absence d’avocat commis d’office parlant la même langue que le prévenu et l’absence d’interprète soulèvent un risque immédiat, à savoir que beaucoup d’autochtones non seulement ne connaissent pas leurs droits ni le motif de leur détention, mais qu’ils peuvent de surcroît être exposés à des atteintes à leur intégrité physique et psychique. L’intégrité ethnique et culturelle de ces personnes, qui fait partie de leur projet de vie, se trouve véritablement affectée de la même façon. La délégation a eu l’occasion de s’entretenir avec des autochtones détenus et a constaté la gravité de la situation dans laquelle se trouvent la plupart d’entre eux.

77.Cette situation s’aggrave encore quand les autochtones sont condamnés sans avoir pu bénéficier d’une défense adéquate et qu’ils sont internés dans des établissements pénitentiaires où leur sort devient d’autant plus précaire. Les membres de la délégation ont bien vu comment beaucoup d’autochtones qui accomplissaient leur peine avaient appris l’espagnol en prison et souvent renoncé du même coup à leur langue maternelle. Ils ont entendu les témoignages de plusieurs autochtones qui leur ont dit qu’ils n’avaient pas pu connaître les motifs de leur mise en détention ni communiquer avec quiconque qui aurait pu leur expliquer les véritables raisons de leur arrestation. D’autres ont expliqué qu’on les avait obligés à signer au moment de leur arrestation un document incompréhensible pour eux dans lequel ils s’accusaient d’une infraction qu’ils n’avaient pas commise et qu’ils n’avaient jamais eu l’occasion de discuter d’aucun aspect de leur détention avec un avocat, parce qu’ils ne parlaient pas la même langue.

78.Les membres de la délégation ont constaté l’évidente disproportion des ressources humaines et matérielles affectées à l’accusation et à la défense, et le fait que les entretiens avec les détenus et les auditions avaient lieu au mépris des règles de la confidentialité, en l’absence du juge mais avec au contraire des policiers au côté des détenus, et derrière des barreaux pendant les audiences elles-mêmes. Par exemple, pour 7 personnes en procès, il y avait 3 secrétaires pour chacun et 6 avocats commis d’office, mais aucun personnel d’appui ni aucun ordinateur; à l’opposé, la délégation a constaté que 14 procureurs étaient secondés de 7 secrétaires et possédaient des ordinateurs. Il y a un net déséquilibre dans les moyens matériels.

79. Le SPT recommande à l ’ État partie de réviser le dispositif de l ’ assistance juridictionnelle pénale et d ’ en éliminer les limites actuelles afin que les personnes privées de liberté puissent réellement consulter un avocat commis d ’ office dès le moment où elles sont appréhendées et exercer leur droit de se faire défendre , et que soient ainsi préven us et dénoncés les actes de torture et les mauvais traitement s . Le SPT recommande aussi à l ’ État partie d ’ améliorer, sur le plan quantitatif comme sur le plan qualitatif, les prestations offertes par les services d ’ assistance juridi ctionnelle et , en particulier, de s ’ assurer qu ’ ils fonctionnent dans un cadre indépendan t et institutionnelle ment autonome en constituant des bases de données spécialisées où seront enregistrés tous les cas de torture et de traitement inhumain qui ont fait l ’ objet d ’ une plainte ou sont dénoncés sous le sceau du secret professionnel.

80.Le SPT considère que l’une des meilleures façons de prévenir la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, consiste à mettre en place un service d’assistance juridictionnelle gratuit, doté d’avocats qualifiés au même titre que les magistrats et les fonctionnaires du ministère public. À Oaxaca, la législation consacre ce service public, mais la délégation a pu constater que celui-ci ne fonctionnait pas effectivement. L’égalité de traitement entre ministère public et service public de défense, qui n’est pas encore une réalité, ne suffira pas. Il faut que l’État partie trouve l’équilibre entre les services du ministère public qui s’occupent des victimes d’infraction et ceux de l’assistance juridictionnelle qui s’occupent des personnes qui pourraient être victimes de torture et de traitement cruel.

81.Le SPT se félicite que la réforme pénale prévoie de renforcer aussi le service public de l’assistance juridictionnelle. En attendant que cette évolution se concrétise sur le plan pratique et ne reste pas lettre morte, les divers États de la Fédération doivent diligenter et faire avancer le processus de consolidation institutionnelle de sorte que soient rapidement éliminées les disparités actuellement observées au niveau des services du ministère public qui portent préjudice aux détenus qui, de toute façon, devraient bénéficier de la présomption d’innocence tant qu’un tribunal n’a pas établi leur culpabilité.

82. Il faut que d es mesures soient prises pour que les avocats à commettre d ’ office soient en nombre suffisant et qu ’ ils soient disponibles vingt-quatre heures par jour pour répondre convenablement, en temps utile et de façon indépendante, aux nécessités de l ’ aide juridictionnelle au bénéfice d es personnes qui en ont besoin, dès l ’ instant où ces personnes se trouvent sous la garde ou sous le contrôle du ministère public.

C.Le Bureau du Procureur général de la République et la mise en œuvre du Protocole d’Istanbul

83.Le SPT se félicite que les autorités mexicaines aient mis en vigueur le Protocole d’Istanbul dans leur lutte contre l’impunité. Il tient cependant à leur rappeler que cet instrument, et plus précisément sa mise en application, doit servir seulement à mettre au jour les cas de torture, mais aussi à les prévenir. Au cours de son séjour au Mexique, la délégation a constaté que le Protocole est en voie d’application dans la quasi-totalité des États mexicains. Pourtant, dans la plupart de ceux où elle s’est rendue, elle a constaté qu’il était méconnu dans les textes et dans les faits.

84.Au cours de ses entretiens avec les autorités mexicaines, la délégation a été mise au courant des efforts entrepris et de l’étendue de la mise en application du Protocole d’Istanbul sous l’impulsion et la direction du Bureau du Procureur général de la République. Selon les renseignements donnés par les autorités fédérales, il n’y aurait que trois États qui n’appliquent pas encore le Protocole. Or, celui-ci, s’il est bien mis en œuvre dans sa totalité, sera un moyen non seulement de prouver l’existence ou l’absence de tortures, mais aussi de les prévenir. C’est pourquoi le SPT encourage les États mexicains à prendre les mesures qui s’imposent pour mettre effectivement le Protocole en vigueur, tout en appréciant de façon très positive les efforts déjà entrepris.

85.Malgré les progrès réalisés dans ce domaine, la délégation a pu constater que le Protocole d’Istanbul et les modalités de son application dans les États qui se sont engagés à le respecter ne répondent pas encore aux intentions qui ont présidé à sa création.

86.Les raisons de cette non-application de fait sont multiples. On relèvera le manque de personnel spécialisé ou formé dans la phase de mise en œuvre. Les membres ont pu constater plus d’une fois que, malgré la volonté de donner concrètement effet au Protocole, les professionnels n’en connaissaient pas suffisamment le contenu. Le SPT pense que cet instrument offre quelques dispositifs susceptibles de donner de l’efficacité aux enquêtes et à l’instruction des affaires de torture et de mauvais traitements et que lorsqu’ils sont bien utilisés, ces dispositifs aident les experts à évaluer la corrélation entre les diagnostics des médecins et les allégations de voies de fait et à faire connaître cette interprétation des faits aux organes chargés d’administrer la justice.

87.La délégation a constaté que la finalité du Protocole, qui est de permettre d’avérer les cas de torture, est souvent détournée, au point que cet instrument finit par être une menace pour ceux qu’il est censé protéger, c’est-à-dire ceux qui dénoncent les tortures, qui finissent par être accusés de faux témoignage si l’expertise médico-psychologique ne démontre pas l’utilisation effective de méthodes de torture. Cette question préoccupe spécialement le SPT en raison de la vulnérabilité de la plupart des personnes qui portent plainte pour torture, vulnérabilité qui s’aggrave quand la victime s’expose à d’éventuelles représailles parce qu’elle s’est plainte d’une manière ou d’une autre. C’est pourquoi le constat de torture ne peut ni ne doit dépendre de cette seule expertise. Enfin, même en cas de torture physique, beaucoup de victimes ne présentent pas de lésions notables si certaines méthodes sont employées. La présence de symptômes démontrant la réalité de la torture est fonction de nombreux paramètres, par exemple l’état psychologique de la victime. Le SPT considère qu’il est rare que les examens médicaux conformes au Protocole suffisent à faire la preuve de sévices. Il ne faut pas qu’une plainte pour torture ou mauvais traitement se retourne contre celui qui la dépose, qui peut finalement être accusé de faux témoignage sur la base de constatations médico-légales conduites selon le Protocole.

88.Pendant les entretiens qu’elle a eus dans les États où elle s’est rendue, la délégation a noté qu’il n’y avait eu à peu près aucune plainte pour torture ces dernières années. Le nombre de plaintes ne semble pas un indice sûr permettant de juger des dimensions réelles du problème, car il est impossible de déduire la rareté des faits de torture de la rareté des plaintes de ce chef. Non seulement la complexité des démarches mais aussi la crainte de représailles peuvent faire baisser spectaculairement le nombre de plaintes (il y a une part occulte). Par exemple, beaucoup de victimes de torture n’ont pas les moyens intellectuels de faire face aux formalités administratives et de supporter de longues procédures comprenant, entre autres choses, plusieurs journées d’entretien. Par exemple encore, la méfiance à l’égard de la procédure de plainte a aussi un effet négatif sur le nombre de cas effectivement dénoncés. Si l’examen médico-psychologique ne parvient pas à démontrer qu’il y a eu torture, le plaignant risque de se faire poursuivre pour propos calomnieux à l’encontre de la police ou des agents de la force publique qu’il a voulu incriminer. Le SPT juge absolument inacceptables les situations dans lesquelles la victime se retrouve complètement sans défense et considère que l’État partie doit faire en sorte que les personnes qui se disent victimes de torture ou de quelque autre mauvais traitement soient totalement libres de rapporter les faits sans s’exposer à de futures représailles.

89.Le SPT doit rappeler que les principes du Protocole d’Istanbul veulent que l’on évalue la mesure dans laquelle sont cohérents entre eux les antécédents de torture ou de mauvais traitement, l’état de santé et les lésions avant et après la torture ou les mauvais traitements prétendus, et le diagnostic médico-psychologique. Or, il est rare que l’on puisse établir et documenter pleinement la réalité d’un cas de torture selon ces paramètres particuliers.

90.La délégation rappelle aussi l’importance de la distinction entre les médecins qui travaillent dans les établissements qui accueillent les personnes privées de liberté et les experts qui procèdent aux examens prévus par le Protocole d’Istanbul.

91.Les membres de la délégation doivent exprimer les préoccupations que leur inspirent les témoignages, reçus à titre confidentiel, des membres du personnel médical en service dans l’un des bureaux du Procureur où se trouvent des détenus, qui ont expliqué que, souvent, les certificats médicaux ne disaient pas la vérité sur les constatations faites au cours de l’examen des patients. Les intéressés ont expliqué que changer ces certificats sur ordre exprès du personnel du Bureau du Procureur était une pratique courante. Cette situation est totalement inacceptable pour le SPT, qui rappelle à l’État partie qu’il est tenu de garantir que les expertises médicales pratiquées dans ce type d’institution doivent se faire avec la garantie d’une indépendance totale.

92. Le STP invite instamment l ’ État partie à faire d ’ abord connaître et diffuser largement parmi les professionnels qui administrent les établissements qui accueillent des personnes privées de liberté, le contenu du Protocole d ’ Istanbul et la mei lleure façon de le mettre en œuvre . Il l ’ invite en suite à chang er la pratique et les programmes de formation pour que les expertises médico-psychologiques réalisées selon le Protocole d ’ Istanbul retrouvent leur caractère d ’ origine, clairement établi dans le Protocole , e t qu ’ elles ne servent pas de contre- preuve pour plaider la mauvaise foi des victimes. Il lui recommande en fin de renforcer l ’ application du Protocole d ’ Istanbul et de s ’ assurer que les enquêtes sont indépendantes, rapides et approfondies , que les professionnels du profil age médico-psychologique appartiennent à des instituts de médecine légale à l ’ indépendance démontrée et qu e l es expertises soient acceptées à chaque étape de la procédure selon les critères d ’ évaluation judiciaire applicables.

D.La formation comme moyen de prévenir la torture

93.Le SPT est tout à fait conscient que pour prévenir la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants, il faut former et sensibiliser correctement aux questions touchant aux droits de l’homme, aux garanties judiciaires et aux droits de la défense les agents de l’État qui sont en relation avec les personnes qui sont peut-être victimes de tortures.

94.Au cours de son séjour, la délégation a eu l’occasion de rencontrer dans le District fédéral les autorités de la municipalité de León (Guanajuato), qui lui ont donné des renseignements de première main sur les programmes et les cours de formation de la police qu’illustrent des vidéos notoires largement diffusées sur Internet où l’on voit les policiers de cette municipalité soumis à des conditions inhumaines et dégradantes à titre d’«entraînement».

95.La délégation a jugé peu convaincantes les explications que lui ont données sur ces méthodes les autorités de León (Guanajuato), selon lesquelles il s’agissait d’exercices de simulation. Malgré tout, le SPT souhaite profiter de cette expérience négative pour inviter instamment l ’ État partie à s ’ efforcer davantage de dispenser la formation voulue, parce que c ’ est un moyen de prévenir la torture. La formation de la police doit avoir un caractère préventif. Il invite également les autorités compétentes à réviser et mettre à jour tous les programmes et cours de formation de la police à tous les niveaux, afin de les mettre en conformité avec les principes, les normes et les axes transversaux des droits de l ’ homme et, plus particulièrement, les principes de prévention de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

IV.Situation des personnes privées de liberté

A.Statistiques et situation réelle des plaintes pour torture

96.Les membres de la délégation ont eu l’occasion d’entendre les témoignages et d’obtenir des renseignements des divers niveaux de l’État fédéral et des États mexicains sur les plaintes effectivement déposées pour faits de torture, toutes informations qui attestent d’une tendance à la baisse. Parmi les raisons invoquées pour expliquer ce phénomène, on a allégué la mise en application du Protocole d’Istanbul, la multiplication des contrôles internes et externes dans les établissements accueillant des personnes privées de liberté, l’installation de caméras dans les enceintes pénitentiaires, le travail de formation, etc. Il n’empêche que, comme il l’a déjà dit, le SPT pense que le nombre de plaintes pour torture n’est pas toujours un indice sûr du nombre réel de cas, et cela pour diverses raisons.

97.Mettant à part l’aspect statistique et gardant à l’esprit les témoignages qu’elle a pu entendre, la délégation a constaté que le nombre réel de cas de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants ne correspond pas au nombre de plaintes déposées auprès des commissions des droits de l’homme et des représentants du ministère public. Il n’y a pas non plus de corrélation entre les plaintes de ce chef et les résultats des enquêtes. Parmi les causes qui expliqueraient cette disparité, les membres de la délégation peuvent citer: les obstacles normatifs, interprétatifs et pratiques qui s’opposent au dépôt des plaintes et aux premières investigations; la qualification erronée des faits visés par la plainte, qui sont souvent traités de lésions, d’abus de pouvoir ou de quelque autre infraction qui masque la réalité lorsqu’il s’agit d’instruire une plainte pour torture; l’incertitude ou l’ignorance quant au nombre de cas de torture qui s’explique par la tendance qu’ont les victimes à ne pas porter plainte, soit par crainte, soit par défiance du système judiciaire; le détournement des fins du profil médico-psychologique établi au titre du Protocole d’Istanbul, profil qui peut servir de preuve de faux témoignage lorsque le plaignant n’arrive pas à prouver les faits de torture; les lacunes et les retards des enquêtes qui rendent plus difficiles la réunion et l’évaluation des indices obtenus par les expertises auxquelles il faudrait procéder d’urgence; les erreurs d’application et de méthode dans la réalisation des profils médico-psychologiques selon le Protocole d’Istanbul; et l’inertie des agents du ministère public quand ils auraient à agir ex officio pour rechercher les actes de torture.

98. Le SPT recommande à l ’ État partie : de lancer de vastes campagnes de sensibilisation à la prévention de la torture et d ’ information sur la manière de porter plainte pour torture et sur les instances à qui s ’ adresser; d ’ améliorer et de perfectionner les techniques de qualification et d ’ instruction des affaires de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ; de constituer une base de données nationale pour systématiser les informations sur les faits de t orture et de mauvais traitement à partir des renseignements explicites tirés des pla intes déposées devant les fonctionnaires du ministère public, les services de police, les commissions des droits de l ’ homme d es État s et les rapport s médico-psychologiques qui, comme cela sera recommandé plus loin, devraient comporte r un espace où consigner l ’ origine des lésions signalées par les victimes, élément qui doit être dûment transmis comme élément présomptif de plainte.

99. Le SPT invite l ’ État partie à maintenir et renforcer les mesures propres à prévenir les actes de torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants. Ces mesures devraient s ’ inscrire dans une politique nationale prévoyant la création d ’ un registre centralisé des plaintes pour torture ou autre traitement inhumain, où seraient au moins consigné s la date, le lieu, les modalités et les techniques de réalisation d es faits de torture et des données sur les victimes et les auteurs éventuels.

B.Établissements et lieux de détention visités

1.La police préventive

100.La délégation est allée voir les conditions qui règnent dans les prisons municipales des divers États dans lesquels elle s’est rendue au cours de son séjour. Ces prisons sont la première concrétisation de l’autorité avec laquelle entrent en contact les personnes détenues pour infraction administrative avérée aux règlements et ordonnances municipales. Le SPT présente ci-dessous quelques réflexions sur les impressions qu’a retirées la délégation de ces visites.

a)Criminalisation de la pauvreté

101.Le SPT comprend et respecte le droit souverain du jus puniendi dont les États jouissent pour punir les personnes condamnées à l’issue d’un procès. Il n’empêche que, pendant son séjour dans l’État partie, la délégation a constaté que les contraventions de simple police les plus courantes, qui sont passibles d’une amende, aboutissent en règle générale à des gardes à vue pouvant atteindre trente-six heures lorsque l’intéressé ne peut pas acquitter l’amende. Elle a constaté aussi que la majorité des personnes ainsi détenues vivaient dans des conditions d’extrême misère, ce qui les empêchait de payer les amendes. Cette impécuniosité expose les délinquants pauvres au risque de mauvais traitements ou de traitements cruels. La délégation a donc observé avec préoccupation une certaine «criminalisation de la pauvreté» du cas de contravention administrative car, aux dires des témoins qu’elle a entendus, celui qui a les moyens d’acquitter l’amende imposée échappe à toute détention.

102.Dans la plupart des États où ils se sont rendus, les membres de la délégation ont entendu des allégations selon lesquelles il était possible d’échapper aux amendes fixées par la loi et à la garde à vue en payant d’avance un certain montant à la police au moment même de l’appréhension. Le SPT considère que ce genre de procédé peut donner lieu à des pratiques de corruption qui fournissent un «appoint salarial» aux fonctionnaires de police. La délégation a eu l’occasion d’entendre bien des témoignages selon lesquels les auteurs de contraventions courantes et ordinaires (par exemple état d’ébriété ou consommation de boisson alcoolique sur la voie publique) n’auraient pas été formellement arrêtés s’ils avaient donné de l’argent à la police au moment même du flagrant délit. Le SPT juge inadmissibles les situations de ce genre. Il recommande , en cas de contravention de simple police ou de délit mineur , de faire de la priva tion de liberté l ’ ultime solution, afin d ’ éliminer tout risque de détention in j u s ti fié e et de traitement cru el, inhumain ou dégradant .

103.La délégation a pu constater que la majorité des personnes détenues dans les postes de police dans lesquels elle s’est rendue se retrouvaient dans les cellules sans objets personnels ni argent. Elle a également constaté des irrégularités dans les registres d’écrou quant aux effets personnels des détenus. Dans tous les États où elle s’est rendue, beaucoup de personnes privées de liberté lui ont expliqué que les fonctionnaires de police et autres agents de la force publique leur avaient soustrait de l’argent ou des objets au moment de la mise en détention. À Oaxaca par exemple, les membres de la délégation ont pu vérifier comment, selon le registre d’écrou de la police du district de Oaxaca lui-même, 93 % des détenus arrivaient en prison sans argent. Les personnes interrogées qui disaient avoir été dépouillées par des fonctionnaires de police ont souvent déclaré qu’elles avaient été victimes de tel ou tel mauvais traitement. Le SPT considère que ces abus de pouvoir, qui semblent systématiques, non seulement trahissent un manque de respect du détenu (ou de la détenue) mais peuvent aussi dégénérer en d’autres formes d’abus, par exemple des mauvais traitements physiques ou des situations arbitraires. La délégation a entendu des allégations de détention arbitraire selon lesquelles les fonctionnaires de police volaient l’argent et les objets personnels des détenus dans l’unique dessein d’arrondir leur maigre salaire. On lui a raconté que dans certains États les véhicules de police arrêtaient couramment des quidams, les amenaient en pleine campagne ou dans quelque autre lieu écarté sans aucun motif, les dépouillaient de leurs biens et les menaçaient d’arrestation s’ils leur opposaient la moindre résistance, pour les laisser ensuite en liberté. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ envisager d ’ augmenter le salaire des fonctionnair es de police afin qu ’ ils puissent subvenir eux-mêmes à leurs besoins sans avoir à recourir à l ’ indignité de telles pratiques, qui constituent un évident abus de pouvoir et un risque de traitement cruel, inhumain ou dégradant. Il lui recommande également de se doter de la rigoureuse politique de su rveillance de la police qu ’ appellent les comportements qui ont été portés à sa connaissance. Les polic i e rs devraient porter sur leur tenue un badge d ’ identi té visible et être soumis à l ’ interdiction d ’ avoir de l ’ argent sur eux pendant leurs heures de service.

104.La délégation a appris que certains membres de la police du District fédéral de Mexico recevaient une prime pour chaque garde à vue qu’ils effectuaient. Le SPT pense que récompenser ainsi ce procédé peut donner lieu à des détentions arbitraires et illégales de la part de certains membres de la police, exposant les détenus au risque supplémentaire de mauvais traitements visant à obtenir d’eux des aveux attestant ou confirmant l’efficacité supposée de la police. Le SPT demande aux autorités mexicaines des renseignements détaillés sur les pratiques actuelles incitant les fonctionnaires de la police à opérer des mises en détention et les engage à faire disparaître les comportements dont il a parlé au cas où ils seraient encore observ és.

b)Absence de garanties judiciaires

105.La délégation a également constaté que pour ce type de détention, il n’y avait ni espace prévu ni audition préalable qui permettraient aux intéressés d’exercer les droits reconnus à la défense, le travail du «juge des qualifications pénales» consistant simplement à imposer des amendes et à fixer la durée des peines de prison, sans qu’il soit réellement possible pour les intéressés d’exercer leur droit de se défendre.

106.Les membres de la délégation se sont entretenus avec beaucoup de détenus qui n’avaient pas été informés de leurs droits. Ils ont aussi appris que les proches des détenus n’avaient pas été avisés de leur incarcération. Le SPT renvoie aux considérations et recommandations de la partie suivante du présent rapport qui concernent l’absence de garanties judiciaires et plus précisément, le droit de se faire assister par un conseil éclairé, de faire aviser ses proches de sa situation et celui d’être informé de ses droits. Les considérations et recommandations que le SPT présente ci-dessous valent également pour les situations que la délégation a constatées dans les prisons municipales dans lesquelles elle s’est rendue.

107.La délégation a noté qu’il existait au Secrétariat à la sécurité de l’État de Jalisco une «salle de presse» où sont convoqués les représentants des organes de presse et où l’on exhibe publiquement les personnes mises en garde à vue pour des infractions supposées. Cette pratique n’est pas isolée. Selon les informations reçues, on la retrouve dans le domaine de la police mais aussi devant les agents ministériels. La délégation a pu vérifier dans les journaux que des procédés analogues étaient utilisés dans d’autres régions. C’est non seulement une violation flagrante des garanties judiciaires et du principe de la présomption d’innocence, mais en outre un traitement dégradant imposé au détenu, sans le moindre jugement préalable et une sanction qui n’est même pas prévue par la loi. Certaines des personnes interrogées avaient été victimes de ce système et ont expliqué aux membres de la délégation comment ils avaient été l’objet d’une discrimination disproportionnée de la part de divers secteurs de la société.

c)Mauvais traitements

108.Après avoir reçu divers témoignages et pris connaissance des autres éléments d’évaluation qu’elle a pu examiner, la délégation a entendu beaucoup de détenus faire état dans leurs entretiens de traitements cruels et inhumains pratiqués par des fonctionnaires de police. Dans tous les États où elle s’est rendue, on lui a dit que les mauvais traitements imposés par les membres de la police aux détenus l’étaient le plus souvent en rase campagne, dans des lieux reculés et même dans les postes de police.

109.La délégation a également appris que dans les quartiers de détention on constatait des cas de mauvais traitement des détenus. Parmi les techniques qu’on lui a rapportées, le SPT relève les gaz neutralisants, qui provoquent des douleurs et des désagréments inutiles. Selon plusieurs personnes détenues à Monterrey, ces pratiques seraient courantes.

110.Pour ce qui est des femmes, bon nombre de détenues interrogées ont raconté qu’elles avaient été l’objet de traitements cruels ou inhumains de la part de la police, essentiellement au moment de la garde à vue et pendant leur transport au poste. Dans l’État de Jalisco par exemple, beaucoup de femmes interrogées ont expliqué que les mauvais traitements les plus fréquents étaient les gifles, les coups de pied, les coups et les injures. Dans certains cas, ces allégations ont été confirmées par la suite par les directeurs des établissements pénitentiaires, qui ont dit en confidence aux membres de la délégation que beaucoup de ces femmes étaient arrivées avec de nombreux coups et de nombreuses lésions visibles sur diverses parties du corps.

d)Conditions matérielles

111.La délégation a constaté que les conditions matérielles dans lesquelles vivent les personnes privées de liberté sont, presque sans exception, très mauvaises. Les cellules des postes de police que la délégation a visitées ne semblaient pas en général faites pour abriter un être humain plus de quelques heures, encore que les conditions matérielles varient d’un lieu à un autre. Dans le Bureau no 14 de l’agence de Guadalajara du Procureur général, il y a deux types de cellules: les premières sont d’environ 4,5 m2 et sont destinées à deux personnes; les autres, un peu plus vastes, sont destinées à quatre personnes; elles sont équipées d’un ou deux lits de ciment, d’un sanitaire et d’un lavabo. Les membres de la délégation les ont trouvés en bon état au moment de leur visite. Les cellules reçoivent peu de jour par le couloir. Pour ce qui est de la ventilation, la climatisation est constamment en fonction et la température est très basse. Les détenus avec lesquels les membres se sont entretenus ont expliqué que les températures étaient très basses, et encore plus la nuit, ce que les membres ont pu vérifier lors de leur visite.

112.Dans le même établissement, les membres de la délégation ont appris que l’on ne fournissait ni couverture ni couvre-pied aux détenus pour la nuit; certains ont expliqué la pratique consistant à abaisser encore plus la température pendant la nuit. Dans la majorité des cellules visitées, on ne fournissait aux détenus ni papier hygiénique ni savon. Dans beaucoup de cas, ils n’ont pas non plus accès à l’eau potable. Au Bureau no 14 de l’agence de Guadalajara du Procureur général de l’État de Jalisco par exemple, les toilettes sont placées juste devant les barreaux de la cellule et les détenus n’ont aucune intimité lorsqu’ils doivent les utiliser. On a de surcroît allégué que le quartier des femmes n’était surveillé que par des hommes. Les détentions s’effectuent en général dans des lieux insalubres, exigus, et surpeuplés, sans nourriture adéquate et suffisante ou avec une alimentation très précaire. La délégation a pu constater que dans tous les États où elle s’est rendue c’est en général les familles qui apportent de quoi manger aux détenus car aucun budget n’est prévu pour l’alimentation. Une situation dans laquelle l’État n’assure pas l’alimentation de tous ceux qui sont sous sa garde constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant.

113.Dans le poste de police municipal d’Alamey, à Monterrey, il y a 11 cellules, dont une pour femmes; certaines étaient vides au moment de la visite, d’autres surpeuplées. Elles sont toutes équipées d’un banc de pierre qui court le long des murs, avec des toilettes mais sans aucune espèce de produits d’hygiène. Les personnes qui s’y trouvaient ont expliqué aux membres de la délégation qu’on ne leur donnait la nuit ni oreiller, ni couverture ni couvre-pied mais la délégation a constaté que l’une des cellules servait de magasin de literie. La lumière naturelle et la ventilation des cellules étaient adéquates. L’établissement comptait également une pièce où sont entreposés les effets et les biens personnels des détenus, un bureau où se font les formalités d’écrou, un cabinet médical, une pièce servant de parloir, une cellule pour mineurs, ainsi que des parties communes, à savoir un réfectoire avec des tables et des bancs et une salle de bains (pour les deux sexes) équipée de quatre douches et de plusieurs placards. Les membres de la délégation ne peuvent considérer satisfaisant l’état d’hygiène et d’entretien des lieux. On leur a expliqué que des repas étaient servis deux fois par jour et, selon les détenus eux-mêmes, la nourriture est non seulement insuffisante mais de mauvaise qualité. Les membres de la délégation ont pris note de l’abondance de cafards dans le réfectoire.

114. Le SPT recommande à l ’ État partie de faire disparaître la pratique général isée qui consiste à exhiber publiquement devant les médias les personnes privées de liberté qui n ’ ont pas encore été condamné es ni informées de leurs droits et des garanties légales de la défense, parce que ce genre d ’ exhibition non seulement facilite l ’ incrimination des prévenus mais constitue aussi un traitement cruel, inhumain et dégradant.

115. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures de formation et de sensibilisation aux questions liées à la prévention de la torture à l ’ intention des fonctionnaires de police les plus susceptibles d ’ abuser de leur pouvoir pendant les détentions . Il recommande également, lorsqu ’ il s ’ agit de maîtriser des personnes violentes, d e recourir à des moyens ou des méthodes sans conséquences sérieuses pour l ’ intéressé et de ne pas exercer plus de force qu ’ il n ’ est strictement nécessaire et que justifient les circonstances du moment et le principe de la légitimité de la force proportionnée. Il recommande en outre de renforcer les contrôles pour éviter que les fonctionnaires de police n ’ agissent de façon arbitraire au moment où ils a ppréhendent un individu. Sur ce plan, ils invitent instamment l ’ État partie à agir pour que les intéressés ne soient pas obligés de payer une amende arbitraire aux représentants de la force publique pour ne pas être soumis au poste à des procédures inutiles de garde à vue.

116. Le SPT recommande d ’ améliorer les conditions matérielles dans les postes de police et les lieux de détention municipaux et de s ’ assure r :

Q ue toutes les cellules des postes de police sont propres et d ’ une taille raisonnable au regard du nombre de détenus;

Q ue les conditions d ’ éclairage et de ventilation sont satisfaisantes;

Que les détenus so nt pourvus de literie lorsqu ’ ils doivent passer la nuit dans l ’ établissement;

Que les détenus so nt dotés des produits d ’ hygiène et des nécessités de base;

Q ue les détenus on t accès à l ’ eau potable et disposent d ’ une nourriture adéquate en quantité et en qualité;

Q ue les personnes détenues plus de vingt-quatre heures p euvent faire des exercices physique , pendant une heure par jour;

Q ue le personnel de surveillance est composé de personne s des deux sexes et que ce son t des femmes qui surveillent les quartiers des femmes .

2.Le Bureau du Procureur général et la police judiciaire

a)Introduction

117.Le service du procureur (ministère public) et la police judiciaire sont les organes chargés de l’accusation, et peuvent maintenir l’inculpé sous leur garde pendant un laps de temps important au cours duquel ont normalement lieu l’interrogatoire et l’enregistrement des dépositions. Comme ces entités ne sont pas des autorités judiciaires indépendantes et qui plus est comme ce sont les organes chargés de l’accusation, il existe un double risque pour inculpé de faire l’objet d’actes de violence physique et psychologique portant atteinte à sa capacité sensorielle et à son équilibre pour le contraindre à s’avouer coupable.

b)Registre des détentions

118.Le SPT tient à rappeler à l’État partie que la tenue de registres fiables des détentions constitue l’une des garanties essentielles contre les mauvais traitements et l’une des conditions indispensables au respect des garanties d’une procédure régulière, comme le droit de contester la légalité de la privation de liberté (habeas corpus) et la comparution rapide du détenu devant le juge. Si la privation de liberté d’un individu n’est pas dûment enregistrée, le risque de mauvais traitements augmente. La délégation a constaté que, dans beaucoup de quartiers de détention du ministère public qu’elle a visités, le registre des admissions et des sorties n’était pas convenablement tenu. Le SPT recommande que dans le registre des admissions soient consignés les motifs d e l ’ arrestation, l ’ heure exacte de l ’ admission , la durée de la détention , l ’ autorité qui l ’ a décidée et l ’ ide ntité du fonctionnaire chargé d ’ y procéder , ainsi que des indications précises quant au lieu de détention et à l ’ heure de la première comparution du détenu devant une autorité judiciaire ou autre.

119.Dans les quartiers de détention qu’elle a visités, en particulier ceux qui relevaient du ministère public, la délégation a constaté qu’il n’y avait pas toujours de registres. Le SPT recommande que les services du procureur mettent en place un système permettant de suivre l es diverses étapes de la garde à vue , reposant sur un registre normalisé sur lequel seraient consignés , dans l ’ instant et de manière complète, les renseignements essentiels concernant la privation de liberté de la personne intéressée et les fonctionnaires sous la responsabilité desquels elle se trouve à tout instant , ainsi que les médecins chargés de faire rapport sur son intégrité physique et mentale. Ce système devrait permettre aux fonctionnaires responsables et aux personnes intéressées d ’ avoir accès aux renseignements en question, tout en préservant , cela va de soi, le droit au respect de la vie privée et l a dignité des détenus . Toutes les rubriques devraient être signées par un fonctionnaire et contresignées par un supérieur.

c)Informations sur les droits des personnes privées de liberté

120.Pour pouvoir exercer effectivement leurs droits, les personnes privées de liberté doivent être d’abord et avant tout informées de ces droits dès le moment de leur mise en détention et être en mesure de les comprendre. Quand une personne n’a pas connaissance de ses droits, sa capacité de les exercer est singulièrement compromise. Le droit des personnes privées de liberté d’être informées de leurs droits est un élément fondamental pour la prévention de la torture et des mauvais traitements. Le SPT estime que l’obligation d’informer les détenus de leurs droits est une garantie importante et qu’elle conditionne l’exercice effectif du droit à la défense.

121.Les membres de la délégation ont rencontré plusieurs détenus qui ont dit n’avoir pas été informés de leurs droits, ni au moment de leur mise en détention ni par la suite. Ils ont également constaté que dans certains quartiers de détention du ministère public qu’ils ont visités il y avait bel et bien des informations et des affiches sur les droits des inculpés, y compris sur l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants; sur le droit de bénéficier des services d’un défenseur pour les personnes sans ressources; le droit de communiquer avec la famille et d’autres droits qui, s’ils sont effectivement respectés, constituent des garanties en matière de prévention de la torture et des mauvais traitements.

122.Le SPT souligne qu’il est du devoir des autorités mexicaines de veiller à ce que tous les détenus soient informés de leurs droits fondamentaux et de toutes les garanties judiciaires dont ils pourraient se prévaloir à ce stade de la procédure. Il insiste également sur l’obligation qu’a la police de veiller à permettre aux détenus de jouir de tous leurs droits dès le début de la privation de liberté.

123. Le SPT recommande de développer la publication d ’ affiches et d ’ autres moyens de diffuser des informations sur ces garanties , comme des brochures contenant l ’ énoncé des droits des personnes privées de liberté , qui devront être placées bien en évidence dans tous les lieux de détention. Le SPT recommande par ailleurs que toutes les personnes détenues soient informées de leurs droits et qu ’ il soit fait appel à des interprètes parlant les langues autochtones ou des langues étrangères chaque fois que nécessaire.

d)Droit d’informer un tiers de la mise en détention

124.Le SPT estime que lorsqu’une personne est détenue sans que nul ne sache où elle se trouve les risques de torture et de mauvais traitements augmentent. Le droit pour le détenu d’aviser de sa détention une personne de son choix est à coup sûr une garantie fondamentale contre la torture et les mauvais traitements.

125.Les membres de la délégation ont rencontré des détenus qui n’avaient pas eu la possibilité d’informer les membres de leur famille de leur détention. L’ignorance du lieu de détention du détenu de la part des membres de sa famille augmente les risques de torture et de mauvais traitements. À Jalisco par exemple, les membres de la délégation ont pu constater que bien souvent les détenus ne pouvaient pas passer d’appel téléphonique parce qu’ils cherchaient à atteindre un téléphone mobile et pas un téléphone fixe. La chose a été confirmée par les fonctionnaires de la police. Les membres de la délégation ont entendu le témoignage d’une personne dont le frère avait été mis en détention, ce qu’elle n’avait appris que bien longtemps après. Cette personne a ajouté que son frère avait été victime de tortures et de traitements cruels qui lui avaient laissé de graves séquelles physiques. Le SPT recommande que le droit d es détenu s d ’ aviser les membres de leur famille de leur détention figure dans le texte énonçant le s droit s des personnes détenues et que les détenus soient informés de ce droit et invités à signer un formulaire dans lequel ils indiquent le nom de la personne qu ’ i ls désire nt informer . Le SPT estime que les membres de la police doivent recevoir une formation sur la manière d ’ informer les détenus de leur droit et de donner effet à ce droit en avisant la personne indiquée.

e)Le droit à l’aide juridictionnelle en tant que garantie contre la torture et les mauvais traitements

126.Le SPT considère que l’accès à un avocat est une garantie importante contre les risques de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’accès à un avocat est un vaste concept qui ne se résume pas à la prestation d’une aide juridictionnelle à des fins de défense exclusivement. La présence d’un avocat peut avoir un effet dissuasif sur les fonctionnaires qui pourraient tenter d’obtenir des informations des détenus par la contrainte, la menace ou toute forme de mauvais traitements. De même, la présence d’un avocat pendant l’interrogatoire de la police peut protéger les policiers eux-mêmes contre d’éventuelles plaintes infondées de mauvais traitements. Les détenus ont le droit de bénéficier des services d’un avocat et l’autorité compétente doit les informer sans délai de ce droit après leur arrestation et leur donner les moyens de l’exercer. Le SPT tient à rappeler à l’État partie que le détenu a le droit de s’entretenir en privé avec un avocat dès le début de sa détention et que, s’il a été victime d’actes de torture ou de mauvais traitements, l’accès à la défense permettra l’accès aux mécanismes nécessaires pour dénoncer les faits.

127.Plus un détenu est coupé du monde extérieur, plus le risque de tortures et de mauvais traitements augmente. Le droit de s’entretenir avec un avocat est un moyen important de prévenir ce genre de situation, ainsi qu’une garantie du respect de la légalité.

128. Les membres de la délégation ont recueilli, auprès de sources diverses et au cours de leurs entretiens d’amples renseignements qui montrent qu’il existe une pratique assez généralisée, en particulier au niveau local, selon laquelle beaucoup d’avocats commis d’office n’assurent pas une défense adéquate sur le plan technique au cours des quarante-huit premières heures de la détention, voire ne sont pas présents pendant l’enregistrement de la déclaration du prévenu devant le ministère public, et signent ensuite comme s’ils l’avaient été. Les membres de la délégation ont constaté que dans ces cas-là il n’existe pas de défense en tant que telle. Le SPT souligne que toutes les personnes privées de liberté devraient avoir accès à un avocat dès le début de la détention. Le SPT estime qu e, pour prévenir les risques de torture et de mauvais traitements, il est fondamental que l ’ État garantisse la présence d ’ un avocat ou d ’ un avocat commis d ’ office lorsque les détenu s ne peuvent p a s avoir accès à leurs services faute de moyens financiers .

129. Le SPT recommande à l ’ État de prendre les mesures nécessaires pour que les avocats à commettre d ’ office soient en nombre suffisant et qu ’ ils soient disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour répondre convenablement et en temps utile aux nécessités en matière d ’ aide juridictionnelle des personnes qui en ont besoin, dès l ’ instant où celles-ci sont en détention et avant qu ’ elles se trouvent sous la garde du ministère public.

f)Examens médicaux

130.L’examen médical et l’établissement d’un rapport satisfaisant décrivant les lésions que présentent les détenus sont une garantie importante contre la torture et les mauvais traitements.

131.Le SPT estime qu’il est compréhensible que le détenu qui est victime de mauvais traitements de la part de la police ait peur de relater les faits à qui que ce soit tant qu’il est sous sa garde. L’État doit offrir à tout détenu la possibilité de faire l’objet d’un examen médical approprié aussitôt que possible après son admission dans le lieu de détention. Le détenu qui décide de porter plainte pour tortures ou mauvais traitements devrait pouvoir avoir accès à un médecin puisque les consultations avec les médecins se font généralement en privé, et qu’en cas de lésions c’est le médecin qui serait le mieux à même de procéder à un examen et d’attester de l’existence ou non de lésions. Le SPT estime que le fait qu’un médecin pratique à un examen des personnes détenues hors de la présence de membres de la police permettrait d’éviter que ces fonctionnaires se livrent à des actes de torture et infligent de mauvais traitements.

132.Le SPT estime que la possibilité de voir un médecin non seulement constitue une garantie contre les mauvais traitements, mais permet aussi d’agir sur le champ face à tout problème de santé ou toute maladie dont pourrait souffrir un détenu. Il importe non seulement que les détenus puissent voir un médecin quand ils en ont besoin, mais que la police fasse en sorte que les examens médicaux aient lieu au moment même de la détention. Si aucun médecin n’est disponible à ce moment-là, le détenu devrait être examiné par un infirmier ou une infirmière, puis aussitôt que possible par un médecin.

133.Le SPT recommande également que les examens médicaux soient pratiqués dans le respect du secret médical: nulle autre personne que le personnel médical et le patient ne doivent être présents pendant l’examen. Dans des cas exceptionnels, si le médecin estime que le détenu représente un danger, des mesures spéciales de sécurité peuvent être envisagées, comme la présence d’un policier à proximité. Hormis ces cas exceptionnels, les policiers doivent se tenir à une distance qui ne leur permette pas d’entendre ce qui se dit ou voir ce qui se passe à l’endroit où l’examen médical se déroule.

134.La délégation a constaté que des examens médicaux de routine n’étaient pas pratiqués dans tous les commissariats, et quand ils l’étaient ce n’était pas toujours hors de la présence d’un fonctionnaire. Ces points doivent être consignés dans le rapport médical. Les membres de la délégation ont également constaté que, dans le formulaire contenant le rapport médical, aucun espace n’étant prévu pour rendre compte des actes de violence, y compris du traitement infligé aux détenus par la police, ni pour indiquer l’origine et la date des lésions et apprécier la concordance entre les actes de violence, l’état de santé et les constatations cliniques. Le SPT estime que le rapport médical devrait être étoffé de façon à combler ces lacunes.

135.La délégation a pu constater que dans certains lieux qu’elle a visités les examens médicaux étaient extrêmement sommaires. Un médecin de la délégation a pu voir par exemple qu’au sein du bureau du Procureur général de l’État de Nuevo León l’examen médical des personnes récemment admises durait à peu près une minute. Ce système ne permet pas au médecin d’établir le contact avec le détenu, lequel peut seulement répondre à quelques questions concrètes concernant sa santé. Le médecin risque dans ces conditions de passer à côté de lésions sur le visage et sur les mains qui ne sont pas visibles et le détenu n’a guère de chances de se plaindre de mauvais traitements. Les détenus n’avaient pas la possibilité de signaler d’éventuels mauvais traitements et il était facile au personnel médical de ne pas détecter des lésions qui auraient pu être considérées comme anormales. Les membres de la délégation ont constaté que ce genre de situation était lourd de conséquences pour les détenus qui auraient décidé par la suite de dénoncer des mauvais traitements infligés par les policiers. Comme on l’a déjà dit, des membres du personnel médical ont indiqué sous le sceau du secret à des membres de la délégation qu’il était parfois impossible de procéder à un examen médical impartial et que les médecins avaient reçu des instructions sur ce qui devait être inscrit dans le rapport médical et ce qui ne devait pas l’être. Le SPT tient à exprimer sa préoccupation face à ces informations car il y a là un véritable obstacle à la prévention de la torture.

136. Le SPT invite instamment les autorités mexicaines à garantir l ’ impartialité du travail des médecins dans l ’ établissement de leur rapport. Il recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que les examens médicaux soient pratiqués dans le respect du secret professionnel: nulle autre personne que le personnel médical ou le patient ne doit être présente pendant l ’ examen. Dans des cas exceptionnels, comme lorsque le médecin estime qu ’ une personne détenue re présente un danger pour le p ersonnel médical pour des raisons médicales ou psychiatriques, des mesures spéciales de sécurité peuvent être envisagées, comme la présence d ’ un fonctionnaire de police à proximité. En dehors de ces cas là, les policiers doivent toujours se tenir à une distance qui ne leur permette pas de voir ni d ’ entendre ce qui se passe à l ’ endroit où se déroule l ’ examen médical. Le SPT estime que toutes les p ersonnes détenues par la police devraient faire l ’ objet d ’ un examen médical systématique dans les meilleurs délais.

137.Le SPT souhaite présenter quelques observations au sujet de certaines situations qui ont inquiété les membres de la délégation. Même si le présent document contient un chapitre consacré à l’arraigo, il est important de signaler ici, à propos des registres médicaux et des expertises médicales, que dans le centre de l’Arraigo national − District fédéral − la délégation a pu constater, d’après les registres en question, que près de la moitié des détenus présentaient des lésions d’origine récente au moment de leur admission. Le nombre de lésions et leur présence sur tout le corps, attestée dans les registres, confirmaient les déclarations de la majorité des détenus interrogés qui affirmaient avoir été frappés sur différentes parties du corps, au moment de leur arrestation et pendant le transport jusqu’au poste de police. La délégation du SPT a constaté, en consultant les registres, que la violence policière et les mauvais traitements de la part des fonctionnaires de police étaient monnaie courante. Le SPT est d’avis que le fait que le personnel médical ne cherche pas à établir l’origine de toutes ces lésions signifie que l’aspect préventif des examens de routine est gravement compromis, ce qui n’est guère propice à la prévention de la torture.

138.Les différences quant au nombre de lésions consignées par les médecins dans les divers établissements reflètent peut-être des différences quant à des mauvais traitements, mais aussi quant à la manière d’établir les rapports. Les membres de la délégation ont constaté qu’en dépit des progrès réalisés, l’application effective du Protocole d’Istanbul dans l’État partie demandait des efforts particuliers.

139. Le SPT recommande que l ’ examen médical de chaque détenu donne des indications sur: a) les antécédents médicaux de l ’ intéressé et la description par celui-ci des actes de violence dont il a pu être victime; b) l ’ état de santé au moment de l ’ examen ou la présence de symptômes; c) les résultats de l ’ examen médical, en particulier la description des lésions , le cas échéant , et une note indiquant qu ’ il a été procédé à l ’ inspection de tout le corps du détenu; d) les conclusions du médecin quant à la concordance entre ces trois éléments.

g)Plaintes relatives à des actes de torture et des mauvais traitements

140.Les membres de la délégation ont constaté que dans certains endroits et à certains moments, le risque d’être victimes d’éventuels actes de torture et de mauvais traitements était grand pour les détenus. Au cours de la détention, certains lieux échappaient au contrôle du public et étaient souvent bouclés par les autorités, lesquelles ont compétence à la fois pour enquêter sur les délits et pour ouvrir une information contre les personnes soupçonnées d’être responsables de la commission de tels actes.

141.Le SPT se félicite de ce que des caméras vidéo aient été installées dans les locaux de la police et dans quelques services du ministère public afin de prévenir les tortures et les mauvais traitements, mais ces mesures ne constituent qu’une petite partie des efforts à faire pour prévenir toute forme de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. La majeure partie des brutalités policières supposées signalées à la délégation au cours de sa visite dans l’État partie se seraient produites dans la rue ou dans les fourgons de la police pendant le transport vers les postes de police. En outre, la quasi-totalité des détenus qui ont dit avoir subi des mauvais traitements ont indiqué que ces actes s’étaient produits en dehors des postes de police, et qu’ils avaient généralement les yeux bandés pendant le transport. Les membres de la délégation ont repéré des lieux qui correspondaient exactement à la description des personnes interrogées qui avaient dit être victimes de forme de violence, parmi lesquels les anciennes installations situées dans les locaux du Bureau du procureur à Guadalajara. Le SPT recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures de surveillance dans la hiérarchie de la police et de faire en sorte que les officiers supérieurs s ’ acquittent de leurs fonctions en la matière et rendent compte en détail de la manière dont les agents qui procèdent aux arrestations s ’ acquittent de leur tâche.

142.Dans tous les établissements qu’elle a visités, la délégation a entendu le témoignage de personnes détenues qui se plaignaient d’avoir été victimes de mauvais traitements physiques ou psychologiques de la part des policiers au moment de leur arrestation ou après leur détention. Le SPT a constaté que parmi tous les témoignages reçus par la délégation au cours de sa visite, les allégations de mauvais traitements les plus préoccupantes émanaient de personnes détenues en vertu de l ’ arraigo. Dans l’arraigo de haute sécurité du District fédéral, la délégation a entendu divers témoignages concernant des brutalités policières commises au moment de l’arrestation ou à un moment ou à un autre pendant le transport jusqu’à cet établissement. Les femmes détenues en vertu de l’arraigo avec lesquelles les membres de la délégation se sont entretenus ont indiqué avoir été victimes de traitements cruels et inhumains, y compris de sévices sexuels commis, selon elles, par des fonctionnaires de police. Dans la maison de sécurité de Guadalajara, la majorité des détenus ont déclaré aux membres de la délégation avoir fait l’objet d’une forme ou d’une autre de traitements cruels, inhumains ou dégradants de la part de fonctionnaires de police. Les médecins de la délégation ont examiné beaucoup de détenus et ont détecté des lésions qui correspondaient aux allégations des intéressés.

143. Le SPT recommande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que les mesures de surveillance du comportement des policiers soient renforcées d ’ urgence et de manière systématique. Les cas d ’ abus de pouvoir doivent être sévèrement punis.

144.Les membres de la délégation possèdent une foule d’éléments de décision solides et concordants émanant de toutes sortes de sources, ainsi que des entretiens qu’ils ont eus, qui leur permettent de conclure que c’est lorsqu’ils sont devant le ministère public, lequel est chargé de l’enquête préliminaire, et plus particulièrement pendant les quarante-huit premières heures de détention, que le risque pour les personnes détenues d’être soumises à des tortures ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants est le plus grand. C’est ce que confirment les statistiques concernant les plaintes déposées devant les commissions des droits de l’homme des divers États, ainsi que les divers rapports que la délégation a pu consulter. Le SPT constate avec préoccupation que le Code de procédure pénale en vigueur établit la prééminence, en tant que moyen de preuve, de la déclaration du prévenu devant le ministère public, d’où le risque de recourir à des menaces pour obtenir des aveux et des informations dans le cadre de l’enquête, en usant de méthodes qui portent atteinte à l’intégrité de la personne, y compris à des tortures physiques et psychologiques des prévenus.

h)Observations

145.Les membres de la délégation ont constaté que des améliorations avaient été apportées récemment dans la majorité des quartiers de détention qu’ils avaient visités, ce dont le SPT se félicite car c’est là un élément fondamental permettant d’offrir aux personnes détenues un espace de vie plus salubre et conforme à leur dignité. Le SPT déplore en revanche que tous les quartiers de détention ne disposent pas d’un budget pour l’alimentation des personnes détenues pendant la période prévue par la loi, ce qui oblige les membres de la famille des intéressés, quand ces derniers ont pu les contacter, à s’en charger. La délégation a pu constater cette situation sans équivoque dans le quartier de détention du Bureau du Procureur général de Monterrey, baptisé «Gonzalito», dont les responsables eux-mêmes ont reconnu ce problème.

146.En revanche si, selon les renseignements communiqués aux membres de la délégation au cours de la visite, la plupart des quartiers de détention étaient équipés de caméras, ce n’est pas nécessairement dans les cellules que l’intégrité physique et psychique des détenus est menacée. La délégation a entendu de nombreux témoignages selon lesquels les détenus étaient régulièrement transférés dans d’autres lieux de détention, parfois dans des véhicules, et qu’ils étaient victimes de mauvais traitements pendant le transport. D’autres personnes ont affirmé avoir été transférées dans des locaux administratifs en dehors des heures ouvrables et y avoir subi des mauvais traitements. Les membres de la délégation ont été frappés de la similitude des méthodes de torture et des traitements cruels et inhumains qui ont cours dans les divers États, d’après la description des personnes qui ont reconnu en avoir été victimes. Parmi les techniques employées figuraient l’asphyxie avec introduction d’eau par le nez, le visage couvert d’un sac en plastique, l’application de torchons mouillés sur le visage en même temps que l’application de décharges électriques à d’autres endroits du corps, l’administration de coups sur les testicules avec une batte de base-ball à demi recouverte de tissu et le confinement dans des cellules maintenues à basse température, sans couverture ni autre moyen de se protéger du froid.

147.Le SPT tient à exprimer sa vive préoccupation face à la découverte, dans le quartier de détention municipal d’Alamey, Monterrey, d’une batte de base-ball qui, à en juger par la majeure partie des témoignages des personnes qui ont déclaré avoir été victimes de tortures, est l’un des instruments les plus utilisés pour les tortures. La batte de base-ball, tachée de terre, ne portait aucune étiquette et se trouvait non pas dans la salle où étaient entreposés les effets des détenus, mais dans un des bureaux. Les membres de la délégation, qui ont dû demander des explications avec insistance aux responsables, ont entendu plusieurs versions contradictoires. Dans le centre même, plusieurs détenus ont raconté aux membres de la délégation qu’un détenu avait été passé à tabac dans les premières heures de la matinée, dans une des cellules qui, à première vue, servaient à ranger les couvertures. Les membres du SPT ont remarqué qu’il y avait des socquettes tachées sur le sol.

3.Prisons militaires

148.La délégation a visité la prison militaire no 1 du District fédéral. Au cours de la visite, les membres de la délégation ont pu se faire une idée de l’infrastructure de l’établissement et des conditions générales de détention qui y prévalaient. Les responsables de l’institution se sont montrés très coopérants et prêts à fournir à la délégation tous les renseignements susceptibles de lui être utiles.

149.Au moment de la visite, la prison, d’une capacité de 840 détenus, en abritait 441. On y trouvait une bibliothèque, un court de tennis, une église et une chapelle protestante. Les membres de la délégation ont pu observer que, dans l’ensemble, les installations étaient bien entretenues.

150.Pour ce qui est des registres, les membres de la délégation ont pu constater que l’inscription des détenus était conforme aux normes requises. Ils ont également été informés de la procédure suivie pour l’établissement des rapports médicaux, qui était elle aussi satisfaisante.

151.D’après les entretiens qu’ont eus les membres de la délégation au cours de la visite de la prison en question et des renseignements qui leur ont été communiqués à cette occasion, les détenus recevaient des soins médicaux chaque fois qu’ils le demandaient et ils étaient soumis périodiquement à des examens médicaux.

152.Les membres de la délégation n’ont pas enregistré de plaintes de mauvais traitements de la part des détenus avec lesquels ils ont pu s’entretenir. Ils ont examiné les conditions de détention dans le centre y compris les sanctions disciplinaires et n’ont rien décelé d’anormal, ce qui s’explique dans une certaine mesure par le fait que les militaires en détention connaissent le règlement et le respectent.

153.La délégation s’est félicitée de voir qu’il existait un certain nombre d’ateliers permettant aux détenus de se livrer à des loisirs, comme la peinture et d’autres travaux manuels, et que les objets réalisés étaient ensuite mis en vente.

154.Pour ce qui est de l’alimentation, un certain nombre de plaintes concernant la qualité de la nourriture ont été émises. Les repas distribués aux détenus étaient confectionnés chaque jour. Toutefois, bien des personnes rencontrées ont reconnu améliorer l’ordinaire avec les provisions apportées par leurs proches ou achetées dans le magasin de la prison. Certains se sont plaints du prix des aliments vendus dans le magasin de la prison.

155.Quant aux femmes, elles étaient détenues dans un bâtiment séparé, composé de quatre appartements. Au moment de la visite, le quartier, d’une capacité de 16 personnes, en comptait cinq. Les conditions de détention étaient optimales. Chaque appartement comprenait une chambre avec deux lits, une table, un petit téléviseur, une sorte de petit séjour meublé, une table et une petite cuisine, une salle de bains avec douche et lavabo et des toilettes. Le bâtiment était entouré d’un grand jardin engazonné et agrémenté de fleurs et d’un terrain de volley-ball. Les activités auxquelles les détenues pouvaient se livrer étaient limitées. Elles pouvaient passer la journée entière à l’extérieur et n’étaient enfermées que la nuit. Deux fois par semaine, elles avaient des cours de travaux manuels dispensés par des bénévoles. Les condamnées ne recevaient pas de salaire mais pouvaient vendre les objets qu’elles avaient confectionnés. Elles n’avaient pas accès au gymnase de la prison et pouvaient uniquement faire de l’exercice dans le jardin. Elles avaient le droit de recevoir les livres autorisés, mais pas de revues ni de périodiques. Il arrivait qu’elles puissent se livrer à des activités récréatives organisées, elles pouvaient aussi assister à la projection de films dans la salle de cinéma de la prison deux fois par semaine.

Le service médical

156.La délégation a constaté que la clinique fonctionnait vingt-quatre heures sur vingt-quatre et bénéficiait des services dun médecin généraliste, dun dentiste, de quatre infirmières et de sept techniciens. Elle travaillait en coopération avec lhôpital du camp militaire situé à proximité dans lequel des patients pouvaient être hospitalisés en cas de besoin. Les soins spécialisés étaient assurés par des médecins de lextérieur qui fournissaient régulièrement leurs services à la clinique (chirurgie orthopédique, ophtalmologie), ou dispensés à lhôpital militaire (gynécologie) ou dans un hôpital public.

157.Le transfert à lhôpital devait être autorisé par ladministration pénitentiaire. La délégation a pu constater quil était nécessaire de remplir un formulaire, signé par le médecin et le membre de ladministration compétents. Il a été dit à la délégation que les démarches étaient effectuées en très peu de temps en cas durgence.

158.Les membres de la délégation ont constaté avec satisfaction que le secret médical était respecté. Les gardiens nont pas le droit dassister aux examens médicaux et seul le personnel médical a accès aux dossiers médicaux. Le médecin responsable a reçu une formation aux droits de lhomme et connaît aussi le Protocole dIstanbul.

159.Même si tous les détenus subissaient, après leur admission, un examen médical suivant un formulaire reprenant les critères médicaux généraux, parmi lesquels labus de stupéfiants éventuel, les membres de la délégation ont constaté que la description des actes de violence récents ou des lésions nétait pas prévue.

160.Le formulaire comportait une rubrique prévoyant un examen objectif très détaillé, y compris des lésions, et linspection de toutes les parties du corps.

161.Les membres de la délégation ont pu voir quil était procédé à une évaluation psychologique méthodique afin de déterminer si le détenu souffrait de dépression. Il était procédé également à lexamen de la dentition, dont les conclusions étaient portées dans le dossier de chaque patient. Le personnel médical a montré aux membres de la délégation comment, quand des lésions traumatiques étaient découvertes, les cas étaient soumis à ladministration pénitentiaire. La délégation a constaté quenviron 10 consultations et 5 examens médicaux de détenus fraîchement arrivés pouvaient avoir lieu chaque jour.

162.Les responsables de létablissement ont précisé quil était procédé quotidiennement à une analyse durine des détenus qui venaient dêtre admis afin de détecter la présence éventuelle de stupéfiants, après avoir obtenu le consentement écrit des intéressés. Vingt pour cent des analyses étaient positives et les intéressés faisaient lobjet dun suivi.

163.Il a également été dit à la délégation que le test du VIH était facultatif. Les personnes séropositives sont suivies à lhôpital, selon les critères établis. Le transport et les soins sont conçus de façon à éviter que les intéressés se blessent et contaminent dautres personnes avec du sang infecté.

164.La délégation estime que cette prison militaire est dotée dune clinique bien organisée, pourvue de ressources satisfaisantes et dun personnel médical de très bon niveau. Néanmoins, le SPT recommande de prévoir, dans le formulaire de l ’ examen de routine des détenus récemment admis, un champ dans lequel il serait rendu compte des antécédents récents d ’ exposition à des actes de violence, et un autre contenant une appréciation de la concordance entre les antécédents de violence, l ’ état actuel de santé/les symptômes et les constatations objectives.

4.Les centres pénitentiaires

165.Les membres de la délégation tiennent à préciser que les responsables de tous les centres pénitentiaires qu’ils ont visités leur ont fourni d’abondants renseignements et donné largement accès aux installations pour leur permettre de s’acquitter de leur tâche sans trop d’obstacles ni de difficultés. Le seul problème à signaler est l’attente, parfois prolongée, avant de pouvoir accéder à certains centres. Mais tout s’est toujours arrangé sans grandes difficultés. Les membres de la délégation saluent le travail des coordonnateurs au niveau national et au niveau des États et la coopération dont ont fait preuve les responsables des établissements.

166.Les principaux problèmes relevés par la délégation au cours de la visite des centres pénitentiaires sont les suivants: le manque de moyens matériels, qui se traduit la plupart du temps par un phénomène de surpopulation et d’entassement; l’absence de contrôle judiciaire concernant les conditions de détention et la durée de la peine, ainsi que les transferts et les sanctions imposés aux détenus; la violence entre les détenus; la pénurie de personnel chargé de gérer les établissements et de faire face aux problèmes qui peuvent surgir et, dans beaucoup de centres, un système d’autogestion ou de gestion partagée.

a)Autogestion ou gestion partagée

167.Les membres de la délégation ont pu constater au cours de la visite des centres pénitentiaires qu’il existe souvent un système d’«autogestion» ou de «gestion partagée», quand ce n’est pas l’anarchie totale. Selon ces pratiques, qualifiées d’«usages internes» ou de «règne des caïds», les détenus courent le risque de se voir infliger par le caïd qui fait la loi dans chaque dortoir ou chaque quartier des châtiments, des sanctions disciplinaires ou autres vexations qui sont autant de traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou d’actes de torture. En outre, dans beaucoup de ces centres ont lieu toutes sortes de transactions commerciales, qui vont jusqu’à l’attribution d’une meilleure place ou d’un meilleur dortoir moyennant finances, et tout un système de privilèges est en place qui n’est pas à la portée de tous les détenus. Quelques-unes des personnes rencontrées par les membres de la délégation ont indiqué que l’exercice de certains droits se monnayait.

b)Pénurie d’agents pénitentiaires

168.Dans tous les établissements pénitentiaires dans lesquels ils se sont rendus, les membres de la délégation ont relevé l’extrême pénurie de personnel. Le nombre de gardiens était extrêmement faible dans presque tous les cas, si bien qu’il était impossible à l’administration de faire régner l’ordre et la discipline sans faire appel aux détenus. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ augmenter très fortement les effectifs d ’ agents pénitentiaires afin qu ’ ils soient en nombre suffisant pour assurer la discipline dans les établissements et exercer une surveillance efficace dans toutes les parties des divers établissements.

c)Manque de moyens matériels

169.La délégation a également pu se rendre compte du manque de moyens matériels dont souffrent la majorité des établissements pénitentiaires qu’elle a visités. Ce problème renvoie à un autre obstacle majeur qui compromet l’amélioration des conditions des établissements pénitentiaires dans l’État partie, à savoir l’entassement. Ce problème, qui se pose à l’échelle mondiale, signifie que beaucoup de prisonniers vivent dans des conditions infra-humaines. Les membres de la délégation ont été impressionnés par les conditions auxquelles sont réduits beaucoup de détenus dans l’État partie, et ont pris conscience des conséquences désastreuses de la surpopulation. Ainsi, pour la plupart des détenus l’accès à des services essentiels comme par exemple conserver leur lit dans un dortoir, ou même une cellule déterminée, était payant.

170.Le manque de moyens matériels ne permet pas aux détenus d’avoir des activités quotidiennes, surtout pas des activités qui les valorisent, et encore moins de poursuivre leurs études ou de suivre des programmes de formation, mais cela n’est rien comparé aux conditions lamentables dans lesquelles ils vivent.

d)Registres

171.En ce qui concerne les registres, dans la majorité des centres qu’ils ont visités les membres de la délégation ont constaté qu’il n’y avait pas de système méthodique de rassemblement non seulement des données relatives à l’admission de chaque détenu et à ses motifs, mais de toutes les données pertinentes les concernant, les sanctions imposées dans le centre, leur durée et l’identité de l’agent qui les a infligées. Le SPT recommande la mise en place d ’ un système uniforme de registre des admissions, relié et coté, valable pour tous les établissements pénitentiaires de l ’ État partie. Ledit registre devra indiquer clairement: l ’ identité du détenu, les motifs de l ’ admission, l ’ autorité compétente qui l ’ a décidée et le jour et l ’ heure de l ’ admission et de la sortie. Les agents pénitentiaires devront être formés à la tenue de ces registres afin qu ’ aucun champ ne soit laissé en blanc. Le SPT recommande également la mise en place d ’ un registre des mesures disciplinaires uniforme, indiquant l ’ identité de l ’ auteur de l ’ infraction, la sanction adoptée et sa durée, et le fonctionnaire compétent.

e)Examens médicaux

172.En ce qui concerne les examens médicaux, la délégation a constaté que dans tous les centres pénitentiaires qu’elle a visités il existait un médecin chargé de procéder aux examens médicaux sur la base d’un formulaire publié par les autorités des États, lequel est plus ou moins complet selon les établissements. En revanche, aucun des formulaires qu’elle a consultés ne comportait un champ réservé au compte rendu de la manière dont le détenu avait été traité par les policiers au moment de son arrestation. Quant à la fourniture de médicaments, elle est souvent insuffisante et les détenus reçoivent simplement une ordonnance qui leur permet de les acheter, ce qui fait que, faute de moyens économiques ou de soutien financier de leurs proches, nombreux sont ceux qui ne reçoivent aucun traitement, même quand ils en ont besoin. Dans un certain nombre de centres le médecin inspectait tous les dortoirs chaque jour. Mais cette pratique n’est pas généralisée et le SPT recommande à l’État partie de veiller à ce qu’elle soit étendue à tous les centres pénitentiaires. Il tient à rappeler à l’État partie combien l’examen médical des personnes qui entrent en prison est important. En effet, cet examen non seulement joue un rôle préventif quant à la torture et aux mauvais traitements des personnes qui ont été en garde à vue, mais il permet de détecter d’éventuelles séquelles de mauvais traitements antérieurs et de se faire une idée du moment où ces mauvais traitements ont été infligés. Il constitue par ailleurs une bonne occasion de faire le bilan de l’état de santé du détenu et de ses besoins sur le plan médical, d’effectuer des tests facultatifs et de donner aux détenus des informations sur les maladies sexuellement transmissibles et sur les programmes de prévention de ces maladies.

173.La délégation a constaté que, parmi les médecins qui travaillaient dans certains centres pénitentiaires, beaucoup n’étaient pas spécialisés. Les membres de la délégation ont également relevé des lacunes dans les registres des examens médicaux auxquels les détenus étaient soumis. Ils ont constaté de surcroît qu’il n’existait pas de registres contenant des données statistiques à jour sur le nombre de décès. Le SPT recommande l ’ établissement de registres indiquant tous les examens médicaux pratiqués sur les détenus, prévoyant notamment un espace pour toutes les lésions traumatiques. Dans le formulaire, un espace devrait être réservé pour l ’ appréciation par le médecin du lien logique entre les antécédents de mauvais traitements, l ’ état de santé du moment et les symptômes, et les conclusions cliniques. Un espace devrait également être prévu pour les maladies contagieuses. Le rapport médical devrait également préciser la date et l ’ heure de l ’ examen, le nom du détenu, son âge et le numéro de sa cellule, plus le diagnostic et tout autre élément pertinent. Le SPT recommande également à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires à l ’ élaboration de registres des décès destinés aux établissements et de registres centraux (au niveau des États et au niveau fédéral), indiquant le nom et l ’ âge de l ’ intéressé, le lieu et la cause du décès, le résultat de l ’ examen médico-légal et des précisions sur les circonstances du décès s ’ il ne s ’ agit pas de mort naturelle. Le SPT recommande également à l ’ État partie d ’ augmenter le budget des prisons pour qu ’ elles disposent des ressources nécessaires à la fourniture de médicaments pour les détenus qui en ont besoin. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ organiser des cours de formation spécialisés destinés aux médecins qui travaillent dans les prisons sur des thèmes d ’ actualité comme les maladies contagieuses, l ’ épidémiologie, l ’ hygiène et la médecine légale, y compris la description des lésions, et l ’ éthique médicale. Les médecins devront être obligés de suivre une formation spécialisée comprenant des cours sur les droits de l ’ homme en général et sur les devoirs du personnel de santé qui travaille dans les lieux de détention en particulier.

Prison Santa María Ixcotel

174.Le SPT présente ci-après un certain nombre de réflexions que la visite de la prison Santa María Ixcotel, à Oaxaca, a inspirées à la délégation. Cet établissement constitue un bon exemple de ce qu’est le système d’autogestion. Les conditions des détenus étaient très différentes selon qu’ils étaient ou non en mesure de s’acquitter des montants qui étaient exigés. La délégation a pu rencontrer les chefs de l’établissement et s’entretenir avec eux. Dans l’aile «privilégiée» le confort était extrême. Les familles rendaient visite aux détenus tous les jours, les détenus faisaient la cuisine ensemble, travaillaient et géraient même des négoces à l’intérieur du centre ce qui leur permettait de subvenir à leurs besoins. On aurait dit, selon les membres de la délégation, «une grande famille». La délégation a visité les dortoirs de cette aile, avec pour guides les chefs de chaque dortoir, qui leur ont décrit en détail la qualité de vie dans l’établissement. D’après eux, les chefs de dortoir étaient élus démocratiquement par les détenus. Ils ont souligné que tous s’efforçaient de préserver l’équilibre à l’intérieur du centre, qu’ils se respectaient et qu’ils appliquaient le règlement interne. Ils ont également souligné l’atmosphère extrêmement positive, chaleureuse et familiale qui régnait dans l’établissement et l’importance de la préserver. Les membres de la délégation ont constaté qu’il existait à l’intérieur du centre un grand nombre de magasins et de petits restaurants qui pratiquaient des prix encore plus élevés qu’à l’extérieur.

175.De la prison, les membres de la délégation se sont entretenus en privé avec des pensionnaires de cette même aile qui leur ont fait découvrir l’autre aspect de la réalité, décrivant la manière dont le centre était géré et les obligations auxquelles ils devaient se soumettre pour conserver leur place dans tel ou tel dortoir ou obtenir quelque autre privilège. Certains ont précisé qu’il leur fallait verser périodiquement une certaine somme d’argent aux chefs, ce qui leur posait souvent des difficultés. On les obligeait à participer à certaines activités comme des bals ou des concours, en échange d’argent et ils n’avaient pas la possibilité de refuser. Ceux qui ne pouvaient pas se faire de l’argent dans ce système et qui ne recevaient rien de l’extérieur devaient travailler dix à douze heures par jour, sinon plus, et ce pour gagner entre 60 et 80 pesos. Beaucoup de détenus se sont plaints de la mauvaise qualité de la nourriture et du fait qu’on ne leur fournissait pas d’articles de toilette. Dans ce centre, à l’évidence, les détenus les plus privilégiés et les plus forts améliorent leurs conditions de vie aux dépens des plus faibles et des plus pauvres.

176.Les membres de la délégation ont visité le dortoir no 19 et ont été atterrés par les conditions de vie des détenus, qu’on ne peut qualifier autrement que d’inhumaines et dégradantes. Il n’y avait pas d’aération dans les dortoirs et tous les bâtiments étaient surpeuplés. La délégation a pu constater combien il serait difficile d’évacuer les lieux en cas d’incendie, au péril de la vie de tous les intéressés. Le surpeuplement était extrême. Les détenus n’avaient aucun contact avec le quartier «privilégié». Il existait deux mondes distincts dans la prison. Tout au long de la visite les membres de la délégation ont eu du mal à se défaire des chefs des dortoirs du quartier privilégié, qui cherchaient à assister à tous les entretiens avec les membres du quartier no 19. Les membres de la délégation se sont laissé dire sous le sceau du secret que les responsables du centre étaient au courant du système d’autogestion et qu’une bonne partie du règlement de la prison avait été mis au point d’un commun accord entre les caïds et les autorités pénitentiaires, dans l’intérêt des deux parties. La délégation a également constaté que les agents pénitentiaires étaient trop peu nombreux pour éviter les conflits entre les pensionnaires. Les membres de la délégation ont eu des échanges de vues avec les caïds qui faisaient la loi dans la prison. Répondant à des questions sur la différence entre les conditions de vie dans les deux ailes, ils ont déclaré que les détenus du quartier «privilégié» appliquaient les règles et respectaient les droits des autres détenus, ce qui était très important, surtout pour préserver l’ambiance familiale. Les membres de la délégation ont constaté avec inquiétude la manière dont les plus puissants amélioraient leurs conditions de vie aux dépens des plus faibles et des plus pauvres. Dans cette prison d’Oaxaca, le travail des détenus était mal rémunéré et certains travaillaient jusqu’à dix à douze heures par jour pour des sommes dérisoires. Le SPT prend note de la réponse reçue aux observations préliminaires communiquées à l’État partie au sujet de cet établissement, et plus précisément du dortoir no 19. Il demande à l’État partie de lui fournir des renseignements détaillés sur la situation actuelle des personnes qui se trouvaient dans ce dortoir au moment de la visite de la délégation.

Prison Molino Flores

177.La délégation du SPT a également pu observer les conséquences désastreuses du surpeuplement à la prison Molino Flores (appelée «Molinito»). L’établissement, conçu pour accueillir 780 détenus, en abritait environ 1 054 au moment de la visite. Beaucoup de détenus vivaient dans des conditions absolument déplorables. Les responsables de la prison se sont montrés très réceptifs et ont reconnu ouvertement que le surpeuplement était une réalité qui pouvait souvent avoir des conséquences fatales. À titre d’exemple, les membres de la délégation ont eu un entretien avec un pensionnaire placé à l’isolement pour des raisons de sécurité, qui leur a raconté comment, alors qu’il était sur le point d’achever de purger sa peine, il avait eu une bagarre avec un autre détenu qui voulait prendre sa place dans la cellule, et la bagarre s’était soldée par la mort de l’autre détenu. L’intéressé, en fin de peine, avait été accusé de meurtre. Ce cas, parmi bien d’autres, illustre bien les conséquences fatales du surpeuplement et montre à quel point il est important pour les personnes privées de liberté de défendre leur territoire. Le surpeuplement, non seulement constitue un traitement inhumain ou dégradant, mais engendre la violence. Le SPT déplore qu’il n’existe pas de plan national visant à remédier à cette situation par des mesures systématiques, et que seules des mesures isolées soient prises faute de ressources budgétaires. Le surpeuplement et les conflits entre détenus auxquels il donne lieu mettent en jeu la responsabilité de l’État, y compris sur le plan international, qui est d’empêcher les atteintes à l’intégrité physique et mentale de l’individu, que ces faits sont imputables aux prisonniers eux-mêmes ou à toute autre personne. Au cours de la visite, les membres de la délégation ont pu voir à quel point le manque de ressources empêchait l’épanouissement personnel des détenus et compromettait les relations familiales. Les intéressés ne disposaient d’aucun moyen matériel et beaucoup ne pouvaient ni suivre ni poursuivre des études. Les membres de la délégation ont été très impressionnés par l’immense culture juridique et les connaissances de la situation juridique dans l’État partie d’un détenu, qui était au courant de l’évolution récente de la législation nationale s’il ne pouvait pas poursuivre ses études, c’était tout simplement faute de moyens matériels. L’intéressé, cité en exemple par les responsables de la prison eux-mêmes, a précisé que s’il ne pouvait pas poursuivre ses études, c’était tout simplement faute de moyens matériels. Le SPT est préoccupé par ce genre de situation qui entrave l’épanouissement personnel des individus et les empêche de construire un projet pour leur sortie de prison.

Pénitencier Oriente

178.La délégation a encore visité le pénitencier Oriente situé à Mexico. Le jour de la visite, l’établissement, d’une capacité de 4 766 places, abritait 11 288 détenus (soit une surpopulation de près de 200 %). Les principaux problèmes qui ont retenu l’attention de la délégation sont le surpeuplement extrême et la pénurie d’agents pénitenciers. Le surpeuplement donnait lieu, entre autres, à des disputes quotidiennes entre détenus. La délégation a appris que la vente de stupéfiants était répandue, y compris chez les gardiens, qui, quand ils ne se livraient pas eux-mêmes à la vente, prélevaient un pourcentage sur les ventes des détenus. Tout ou presque était payant: recevoir des visites coûtait 35 pesos, passer un appel téléphonique 5 pesos. Les conditions d’hygiène étaient lamentables. La délégation a pu constater le manque d’hygiène, d’eau et d’électricité. Certains détenus ont dit aux membres de la délégation, sous le sceau du secret, et souvent pris de peur à l’idée de faire l’objet de représailles, que les menaces et les coups, tant de la part des gardiens que des détenus, étaient monnaie courante. D’après les témoignages recueillis par les membres de la délégation, il régnait dans l’établissement une violence extrême, encore aggravée par la corruption. La délégation a constaté avec préoccupation que la majorité des personnes avec lesquelles elle s’est entretenue étaient terrorisées à l’idée de faire des déclarations et certaines ont dit «qu’elles savaient qu’en leur parlant, elles s’exposaient à des sanctions».

179.Selon les indications du personnel de la prison, chaque équipe, de jour et de nuit, se composait de 140 gardiens, soit 1 gardien pour 85 détenus. Soixante-huit personnes étaient affectées à la clinique: 26 médecins, 3 dentistes, 25 infirmières, 2 psychiatres, 1 travailleur social, 2 techniciens et 9 personnes de la catégorie du personnel administratif. L’infirmerie était équipée de 18 lits, alors que, selon ce qui a été dit aux membres de la délégation, il y avait parfois plus de 25 blessés. Les médecins pratiquaient environ 3 000 consultations par mois. Les médecins et les infirmières suivaient obligatoirement des cours sur le traitement des maladies infectieuses et la manière de lutter contre ces maladies, en particulier l’hépatite B et le VIH. Selon les renseignements communiqués à la délégation, en 2008, les médecins avaient diagnostiqué huit cas d’infection à VIH.

180.Pour ce qui est des examens médicaux, tous les détenus en subissaient un au moment de leur admission. L’examen comportait une description des lésions, mais pas de questions sur d’éventuels actes de violence récents. Des membres de la délégation ont examiné un détenu admis récemment dont le dossier médical faisait état de la présence de lésions multiples au moment de la mise en détention. L’intéressé a raconté aux membres de la délégation comment le jour de son arrestation, alors qu’il était menotté, il avait été violemment frappé sur le visage par les policiers qui l’avaient mis en détention avant de le jeter sur le sol et de continuer de le frapper. Il avait été amené à l’hôpital où l’on avait diagnostiqué une fracture du nez, mais aucun traitement n’avait été prescrit. Les membres de la délégation ont constaté que la fracture du nez avait effectivement été mentionnée dans le registre médical au moment de l’admission mais qu’aucun traitement n’avait été prescrit. L’intéressé a été examiné par les médecins membres de la délégation qui ont constaté une déviation latérale du nez et noté la concordance entre les brutalités policières décrites et les résultats cliniques indiqués dans les dossiers médicaux, y compris la fracture du nez. Le SPT est préoccupé de voir que le personnel médical n’a pas cherché à soigner la fracture ni à surveiller l’état de santé de cette personne.

181.Autre point qui a préoccupé la délégation: il n’existait pas dans cet établissement de registre des incidents qui se produisaient. Il a été dit à la délégation qu’en 2007 on avait recensé 43 décès parmi les détenus, dont 35 à l’hôpital et 8 dans la prison. Parmi ces derniers cas, 1 était dû à des lésions traumatiques et les 7 autres concernaient des malades en phase terminale. Le constat de décès était établi par les médecins de l’Institut médico-légal, qui décidaient s’il y avait lieu de procéder à l’autopsie du cadavre. Les certificats de décès n’étaient pas conservés à la prison et le personnel ne tenait pas de registre des décès que la délégation aurait pu consulter. Le SPT recommande l ’ établissement de dossiers informatiques comportant un champ consacré à la description de l ’ origine des lésions traumatiques. Il recommande également l ’ établissement de registres des décès et de registres des maladies contagieuses. Sur chaque registre devraient figurer la date et l ’ heure; l ’ âge et le nom de l ’ intéressé; le numéro du dortoir; le diagnostic et toute autre indication pertinente.

182.C’est dans ce centre que diverses personnes ont dit à la délégation qu’il était courant que les policiers reçoivent une prime de 5 000 pesos pour l’arrestation d’un suspect. Au cours de leurs entretiens avec les autorités mexicaines, les membres de la délégation ont abordé la question, mais n’ont pas pu obtenir d’informations convaincantes. Certains interlocuteurs ont dit qu’il existait des arrangements prévoyant l’octroi d’une sorte de «récompense» pour «bonne conduite», mais que ce genre d’arrangement dépendait de l’administration de chaque établissement, et qu’en somme il n’y avait pas de règle générale mais des arrangements différents selon les institutions. Le SPT estime que ce genre d’arrangement n’est pas approprié et pourrait donner lieu à des actes de violence et des mauvais traitements. Il estime en outre que cette manière d’encourager les policiers à procéder à des arrestations est susceptible de donner lieu à des détentions arbitraires et accroît le risque que les policiers infligent des mauvais traitements aux détenus pour obtenir des aveux et prouver ainsi leur efficacité. Le SPT prend note avec préoccupation des déclarations relatives aux brutalités policières enregistrées par la délégation. Le SPT invite instamment l ’ État partie à lui fournir des renseignements détaillés et à jour sur les pratiques actuelles qui consistent à accorder des primes aux policiers et aux responsables de l ’ application des lois. Il lui recommande également d ’ élaborer un plan comportant des objectifs clairs et précis en vue de faire face à ce problème et presse l ’ État partie de lancer d ’ urgence des campagnes de sensibilisation en vue de prévenir le recours à de telles pratiques par les policiers.

183.Un détenu de ce même pénitencier a raconté aux membres de la délégation comment il avait menti sur son âge pour pouvoir être transféré dans un autre établissement, parce qu’il n’en pouvait plus de subir des passages à tabac et des mauvais traitements. Il a affirmé être mineur. L’affaire a vivement préoccupé la délégation. Le SPT invite instamment l ’ État partie à améliorer les mesures de contrôle de l ’ âge des personnes admises dans les établissements pénitentiaires afin de veiller à ce qu ’ aucun mineur ne soit admis dans d es établissements pour adultes.

5.Prisons pour femmes

184.La délégation a visité le centre de réadaptation pour femmes et le centre de détention préventive de l’État de Jalisco (Puente Grande). Elle a été préoccupée par l’état de surpeuplement de ces deux établissements. Ce phénomène, ainsi que le manque d’hygiène et l’absence d’activité en dehors des cellules, constitue un traitement inhumain et dégradant ou pourrait être considéré comme tel et est en contradiction totale avec bon nombre de résolutions et de déclarations relatives aux besoins des détenues.

185.Le quartier des femmes de la prison d’État de Texcoco comportait un étage composé de 10 cellules et 2 pièces consacrées aux travaux manuels, et le bâtiment était entouré d’un espace ouvert. Au moment de la visite il abritait 64 femmes et 2 bébés. Les conditions matérielles étaient satisfaisantes et l’atmosphère chaleureuse. Les prévenues et les condamnées étaient logées dans des quartiers séparés mais vivaient pratiquement ensemble. Une seule fonctionnaire était présente vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle a indiqué aux membres de la délégation que de rares améliorations avaient été apportées au cours des six années précédentes. Même si l’équipement et l’infrastructure étaient sommaires − il n’y avait pratiquement que des lits et une salle de bains −, les cellules étaient propres et spacieuses, aérées et bien éclairées. La délégation a pris note du manque d’eau potable et de l’absence d’eau chaude. Les enfants qui vivaient avec leur mère recevaient des fruits, des légumes, du lait en poudre, des médicaments et des chaussures. Les enfants n’étaient pas logés dans des locaux à part et ne recevaient pas un traitement spécial de la part du personnel de l’établissement. Leur espace vital se réduisait au lit de leur mère. Les détenues pouvaient se déplacer librement à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment dans la journée et pouvaient participer à diverses activités (éducatives et religieuses par exemple). Elles ne pouvaient pas se livrer en revanche à des activités récréatives ou sportives.

186.La délégation a également visité le quartier des femmes du centre de détention préventive de l’État de Jalisco. L’établissement, vieux de vingt-cinq ans, s’étend sur une superficie de 25 000 m2. D’une capacité de 256 personnes, il abritait 660 détenues, dont 34 mineures, au moment de la visite de la délégation. La directrice du centre a dit aux membres de la délégation l’énorme problème que représentait la surpopulation. Elle a précisé que c’était la nuit que les choses empiraient parce qu’il n’y avait pas suffisamment de place pour dormir. Les détenues devaient coucher à même le sol dans des cellules où l’entassement était à son comble. Il y avait quatre dortoirs, dans lesquels elles étaient réparties selon leur statut légal. En plus des dortoirs, il existait un secteur composé de six pièces réservées aux visites intimes (pièces qui venaient d’être rénovées), une unité médicale (bien équipée), un secteur réservé aux activités scolaires (doté d’une bibliothèque, d’un atelier de théâtre et d’un secteur informatique), un secteur réservé aux mineurs (celui destiné aux enfants de 3 mois à 3 ans était bien tenu et ressemblait à un jardin d’enfants), un réfectoire commun, une laverie, un atelier, une salle réservée à la fabrication de tortillas, une salle de couture et une cuisine (moderne et propre). Les entretiens avec les détenues ont confirmé la bonne impression de la délégation. Aucune ne s’est plainte de la manière dont elles étaient traitées par le personnel. Elles ont relevé au contraire l’affection de toutes pour la directrice, ce que les membres de la délégation ont pu constater en parcourant l’établissement. La délégation a pris note avec satisfaction de ces relations excellentes entre les détenues et le personnel. Les membres de la direction se sont montrés extrêmement coopérants tout au long de la visite, faisant preuve d’une attitude ouverte et chaleureuse. Le SPT tient à souligner qu’une bonne gestion de l’établissement et les échanges entre le personnel et les pensionnaires sont essentiels au bon fonctionnement des prisons et des centres de privation de liberté. Les seuls points négatifs de cet établissement étaient la surpopulation et le petit nombre de détenues qui prenaient part à des activités éducatives et de loisir. En revanche, les membres de la délégation ont été très impressionnés par l’atmosphère chaleureuse, les diverses activités qui étaient organisées pour les détenues et les bonnes relations entre elles toutes.

187.La délégation a visité le quartier des femmes de la prison centrale d’Oaxaca, qui abritait à ce moment-là 85 personnes (dont trois bébés âgés de 2, 5 et 7 mois). Les détenues étaient enfermées dans ce quartier et ne pouvaient en sortir que pour des raisons précises et à certaines heures. Il n’y avait pas plus de deux gardiennes, qui se relayaient. Les membres de la délégation ont entendu de nombreuses doléances au sujet du surpeuplement (toutes n’avaient pas de lit et certaines devaient dormir à même le sol), la nourriture (de mauvaise qualité, et parfois infestée d’insectes), les services médicaux (faible qualité professionnelle, pénurie de médicaments), la discrimination entre les hommes et les femmes pour ce qui est de l’utilisation des endroits réservés au sport, et le traitement des enfants, dont l’alimentation n’était ni adaptée ni suffisante. Le sous-directeur chargé de ce quartier a approuvé la majorité de ces doléances, dont les membres de la délégation ont pu constater le bien-fondé. Les conditions de vie étaient misérables. Les cellules étaient si petites que les détenues ne pouvaient pas s’allonger (1 m 85 sur 1 m 30 pour les cellules pour une personne et un peu plus pour les cellules de deux personnes). De plus, il n’y avait d’ouverture et d’aération dans aucune, et le matériel était plutôt rudimentaire. Les conditions sanitaires et les conditions d’hygiène étaient également précaires. Le SPT recommande à l ’ État partie de réduire fortement le taux d ’ occupation de ces quartiers et de fournir à toutes les détenues des produits d ’ hygiène essentiels. Il recommande également que toutes les mesures nécessaires soient prises pour développer les loisirs et les activités récréatives. Il recommande encore de réexaminer d ’ urgence les conditions matérielles, y compris de prévoir des travaux de rénovation. Le SPT recommande à l ’ État partie de prendre les dispositions qui s ’ imposent en faveur des détenues qui sont accompagnées de leur enfant et de s ’ efforcer d ’ augmenter les effectifs de personnes travaillant dans ces établissements.

188.Dans sa résolution intitulée «Les droits de l’homme dans l’administration de la justice» (résolution 58/183), adoptée en 2003, l’Assemblée générale invitait les gouvernements, les organes internationaux et les organes régionaux compétents, les organismes nationaux et les organisations non gouvernementales qui s’occupent des droits de l’homme, à prêter une attention accrue à la question des femmes en prison, y compris les enfants de prisonnières, en vue de cerner les principaux problèmes qui se posent et d’examiner les moyens de s’y attaquer. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ élaborer des projets de principes concernant les mesures à prendre pour répondre aux besoins spéciaux des femmes en prison. Le SPT considère que le traitement des femmes en prison doit s ’ inspirer de l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus et d ’ autres directives spécifiques concernant les prisons, mais aussi de tous les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme pertinents. Outre les normes internationales, les États doivent respecter les normes régionales pertinentes.

189.Le SPT a noté que des tribunaux de l’exécution avaient été créés dans le cadre de la réforme constitutionnelle de la justice pénale. Si elles sont mises en œuvre comme il convient et disposent des ressources budgétaires nécessaires, ces instances peuvent être un excellent moyen d’améliorer l’accès à la justice des personnes privées de liberté et, partant, améliorer la prévention de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants, puisque le dépôt de plainte et les procédures d’examen des plaintes sont facilités.

190. Le SPT recommande au Mexique d ’ allouer des ressources budgétaires suffisantes et d ’ organiser des cours de formation et des campagnes de sensibilisation afin de permettre aux tribunaux de l ’ exécution de fonctionner efficacement sur tout le territoire de façon à donner effet à l ’ article 21 de la Constitution qui porte création d e c es instances. Il recommande également d ’ envisager la possibilité de charger les magistrats qui composent ces tribunaux d ’ exercer un contrôle sur les conditions de détention, les transferts, la modification et la durée des sanctions administratives et des peines, selon une procédure définie dans la loi.

191. Sachant que l ’ État est responsable en dernier ressort des violations des droits de l ’ homme qui peuvent être commises par les personnes à l ’ intérieur de ces établissement s, le SPT recommande qu ’ après avoir établi un diagnostic de situation de risque et d ’ opportunité tous les établissements pénitentiaires prennent les mesure s qui s ’ imposent afin d ’ empêcher des si tuation s susceptibles de donner lieu à des risques de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants. Compte tenu de ce qui précède, et à titre de précaution, le SPT recommande de réexaminer sans délai la situation des détenues du dortoir n o 19 et d ’ autres endroits analogues de la prison Santa Mar í a I xcotel de Oaxaca, dans lesquel s le degré de surpeuplement est intolérable.

192. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ accorder une attention particulière au problème du surpeuplement et de tout mettre en œuvre pour améliorer les conditions de vie des personnes privées de liberté. Il l ’ invite instamment à élaborer un plan d ’ action et à fixer les priorités budgétaires en vue de l ’ amélioration des établissements carcéraux de tout le pays.

193. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ augmenter le nombre d ’ agents péni tentiaires afin de garantir la sécurité des centres en général, ainsi que celle des agents eux-mêmes et des détenus face à des actes de violence d ’ autres détenus. Il recommande également que , conformément aux règles minima adoptées à l ’ échelon international, les personne l s pénitentiaires reçoivent une rémunération suffisante et suivent un cours de formation générale et spéciale, et qu ’ ils soient soumis à des épreuves d ’ ordre théorique et pratique afin de s ’ assurer qu ’ ils sont aptes à fournir les services considérés.

194. Le SPT recommande que tous les établissements pénitentiaires soient dotés d ’ un règlement disciplinaire définissant: a) les comportements qui constitu ent une faute disciplinaire; b) le caractère et la durée des sanction s disciplinaire s qui peuvent être imposées; c) l ’ auto rité compétente pour prononcer l es sanctions.

195. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer l ’ application du Protocole d ’ Istanbul en faisant en sorte que les enquêtes soient indépendantes , rapides et approfondies, que les professionnels chargés d ’ établir le diagnostic médico-psychologique appartiennent à des instituts de médecine légale d ’ une indépendance avérée , et que les expertises soi en t accepté es à chaque étape de la procédure selon les critères d ’ évaluation judiciaire applicables .

196. Le SPT recommande que des mesures appropriées soient pris es dans tous les établissements pénitentiaires afin d ’ empêcher l ’ existence de situations qui pourraient donner lieu à des risques de tortu r e et de traitements cruels, inhumains et dégradants. Il recommande à cet égard de réexaminer sans délai la situation des personnes privées de liberté du dortoir n o  19 et d ’ autres endroits analogues de la prison Santa Mar í a Ixcotel d ’ Oaxaca dans lesquels le degré de surpeuplement est intolérable.

197. Le SPT recommande d ’ améliorer le système de s registre s dans les établissements pénitentiaires.

198. Le SPT recommande d ’ améliorer comme suit les conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires :

Les locaux de détention doivent être dûment aérés et chauffés, le cas échéant (Ensemble de règles minima pour le traitement d es détenus, art. 10);

Les locaux de détention doivent disposer d ’ un éclairage naturel, laisser entrer l ’ air frais et disposer d ’ une lumière artificielle suffisante (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 11);

Les installations sanitaires doivent être appropriées et décentes (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 12 );

Les installations de bain et de douche doivent être suffisantes ( Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art.  13);

Les détenus doivent disposer d ’ articles de toilette (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 15) ;

Les détenus doivent disposer d ’ un lit individuel et d ’ une literie individuelle suffisante (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 19);

Les détenus doivent recevoir une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie , et pouvoir se pourvoir d ’ eau potable (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 20).

199. Le SPT recommande à l ’ État partie de mettre en place une politique pénitentiaire énergique et transparente visant à lutter contre la corruption. Il l ’ engage également à redoubler d ’ efforts pour augmenter le nombre de personnes chargées de surveiller le comportement des policiers et des agents pénitentiaires.

200. Le SPT recommande aux autorités pénitentiaires de vérifier l ’ attribution des cellules et des lits afin de veiller à ce que tout détenu dispose d ’ u n endroit convenable pour dormir , sans avoir à payer. Les autorités pénitentiaires doivent s ’ engager à garantir ce droit.

201. Le SPT recommande aux autorités pénitentiaires d ’ inscrire sur le registre de l ’ établissement et dans le dossier personnel du détenu le pavillon dans lequel il est affecté et les raisons de cette affectation. Tout établissement doit adopter de s règles écrites et de s critères transparents sur les modalités d ’ affectation des détenus dans les divers pavillons.

6.Les hôpitaux psychiatriques

202.La délégation du SPT a visité deux établissements psychiatriques à Oaxaca, afin d’apprécier les conditions matérielles qui y règnent. À l’hôpital Cruz del Sur, elle a pris acte de besoins matériels évidents. Au moment de la visite, un certain nombre d’ailes de l’hôpital étaient en cours de reconstruction. Les membres de la délégation ont pu constater que l’établissement dispose d’un personnel professionnel dûment formé. Les responsables de l’établissement se sont montré ouverts et réceptifs. Si l’on déplore un certain nombre de lacunes, il existe en revanche divers ateliers ainsi que des jardins qui permettent aux détenus, hommes et femmes, de se livrer à diverses activités.

203.La délégation a eu une impression assez négative du second hôpital psychiatrique, à savoir l’annexe de la prison de Zimatlán, toujours à Oaxaca, dans lequel les conditions matérielles étaient absolument inhumaines et dégradantes. Certains patients devaient dormir à même le sol, dans des cellules surpeuplées et extrêmement mal entretenues. Le personnel était en nombre insuffisant. Les membres de la délégation ont constaté avec préoccupation que l’établissement demandait à être rénové pour pouvoir offrir des services élémentaires aux patients. Le personnel, qui a coopéré sans réserve avec la délégation du SPT, a reconnu que les infrastructures étaient insuffisantes, de même que les services fournis. Il dit partager la préoccupation du SPT quant au nombre insuffisant de personnel pour répondre aux besoins des personnes internées. Les membres de la délégation ont constaté que les patients n’ont de place ni pour dormir ni pour réaliser la moindre activité. Leurs occupations journalières consistent à rester dans la cour, où il n’y a même pas de banc et à peine quelques chaises et un petit appareil de télévision. Les conditions d’hygiène étaient déplorables.

204.Le SPT rappelle à l’État partie les droits des détenus en matière de santé, droits qui sont consacrés par les normes et principes non contraignants élaborés par les organes spécialisés des Nations Unies.

205.La délégation a constaté que les conditions matérielles dans lesquelles vivent les patients hospitalisés dans la prison de Zimatlán étaient inhumaines et dégradantes. Le SPT estime qu ’ il fau t remédier à cette situation sans attendre , comme la délégation l ’ a indiqué dans ses observati ons préliminaires. Le SPT invite i nstamment l ’ État partie à prendre les mesures nécessaires afin de réaménager le centre à bref délai pour que les détenus puissent jouir de conditions de vie décentes. De plus, la délégation a invité instamment l ’ État partie, au cas où ce réaménagement ne serait pas possible, à transférer les intéressés dans un autre établissement. Le SPT a pris note de la réponse de l ’ État partie aux observations préliminaires de la délégation et demande aux autorités compétentes de lui fournir des renseignements détaillés sur la situation dans laquelle ces personnes se trouvent à l ’ heure actuelle.

C.Figures juridiques et pratiques

1.Le flagrant délit et le flagrant-délit assimilée (flagrancia «equiparada»)

206.Selon la doctrine réaffirmée et reconnue, le flagrant délit est l’un des moyens légitimes de procéder à l’arrestation d’une personne au moment même de la commission de l’acte illicite ou dans les moments immédiatement postérieurs, alors que la personne qui s’enfuit du lieu où le délit a été commis est toujours en vue, ou lorsqu’il existe des motifs sérieux de penser que l’intéressé est en possession de biens provenant du délit qui vient de se commettre.

207.Le SPT renvoie aux observations du Groupe de travail sur la détention arbitraire au sujet de la notion de flagrant délit «assimilé», contenues dans le rapport que celui-ci a présenté à l’issue de sa visite dans le pays. Cette figure, qui permet de détenir une personne non seulement lorsque le délit est en train de se commettre ou vient d’être commis, mais également lorsque la personne, dans un délai de quarante-huit à soixante-douze heures suivant la commission du délit, est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou des indices laissant penser qu’elle vient d’exécuter le délit, cette figure, donc, permet d’appréhender l’auteur du délit sans mandat d’arrêt, sur la base de simples dénonciations ou de déclarations de témoins. Le SPT partage l’avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire selon lequel cette présomption de flagrance est excessive en termes de temporalité et est incompatible avec le principe de la présomption d’innocence, ainsi qu’avec l’exigence légale selon laquelle l’arrestation est légitime lorsqu’elle procède d’un mandat du juge.

208.Le SPT a appris de différentes sources, que la notion de flagrant délit assimilé a été utilisée dans un certain nombre d’États du Mexique pour procéder à des détentions massives de personnes auxquelles un délit déterminé était imputé, sans qu’elles aient été prises en flagrant délit et sans qu’il existe de liens ou d’objets en rapport avec les faits en cause. Bien que la réforme de la Constitution (concernant la justice pénale, en 2008) ait supprimé la notion de flagrant délit assimilé, selon diverses sources d’information cette notion aurait continué d’être appliquée dans l’État partie pour criminaliser la contestation sociale, et procéder à des détentions massives sans qu’il y ait flagrance ni indices permettant de conclure à la commission du délit et, pis encore, sans que les éléments fondamentaux permettant de poursuivre un délit (mode, moment, et lieu du délit) aient été constatés. Selon les informations que la délégation a reçues durant sa visite dans l’État partie, ces détentions collectives étaient d’autant plus graves que de nombreux détenus se trouvaient dans l’impossibilité de payer les cautions élevées nécessaires pour être libérés, d’où des placements en détention injustifiés.

209.La délégation a reçu des informations selon lesquelles les autorités qui procèdent aux appréhensions, sans mandat d’arrêt, ne sont pas tenues de présenter les intéressés à un juge, mais à un magistrat du ministère public. Le SPT est d’avis que ces personnes risquent alors de se trouver dans des situations dans lesquelles il peut être porté atteinte à leur intégrité physique et psychique.

210.Pour le SPT, toute situation susceptible de constituer une détention illégale ou arbitraire implique non seulement la violation du droit à la liberté, mais un traitement cruel à l’égard de la personne détenue. Le SPT considère que les abus auxquels donnent lieu ces figures sont révélateurs d’un manque de capacités pour enquêter sur les infractions, et que le recours inadéquat et répété à ces figures juridiques atteste simplement une capacité insuffisante, tant au niveau fédéral que local, pour enquêter sur les délits. Ces détentions illégales sont alors assimilables à un traitement cruel.

211. L e SPT recommande au Mexique de renforcer les capacités afin de disposer du personnel nécessaire pour enquêter sur les délits, tant au niveau fédéral que local, et de renoncer à des figures et des pratiques aboutissant à de s détention s illégales , en ce qu ’ elles ne répondent pas aux critères du flagran t délit et ne respectent pas la règle selon laquelle nul ne peut être appréhendé sans mandat d ’ arrêt judiciaire , si ce n ’ est en cas de flagrant délit .

2.L’ arraigo

a)La figure de l’arraigo.

212.L’arraigo est une institution mexicaine qui a été reconnue initialement dans la législation secondaire. Cette figure a pour effet pratique de permettre au ministère public de disposer d’un plus grand délai pour procéder aux enquêtes et recueillir les éléments de preuve qui doivent être présentés au juge avant qu’une personne soit formellement inculpée d’un délit. La délégation a pu constater comment cette figure, censée être la forme la moins attentatoire à la liberté sur le plan doctrinal, est devenue au Mexique une procédure floue, qui peut être appliquée pendant un délai déraisonnable, et créer en outre des obstacles s’agissant de la défense et de la détermination de la situation juridique de la personne ainsi placée en détention (quel que soit le nom qui est donné à cette situation).

213.Le SPT est préoccupée par le fait que, malgré la décision adoptée par la Cour suprême de justice en septembre 2005 déclarant inconstitutionnel l’arraigo dans l’État de Chihuaha, cette notion a acquis un rang constitutionnel pour ce qui concerne les affaires de délinquance organisée. Le SPT souhaite rappeler à l’État partie que l’arraigo a déjà été remis en question par d’autres mécanismes et procédures de l’ONU, tels que le Groupe de travail sur la détention arbitraire, le Comité contre la torture et le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La dernière en date de ces remises en question a eu lieu lors de l’Examen périodique universel, mené dans le cadre du Conseil des droits de l’homme. Cette question fait partie des huit recommandations que l’État mexicain n’a pas acceptées à cette occasion, et qu’il s’est engagé à examiner afin d’y répondre ultérieurement.

214.Le SPT prend note du fait que, conformément à l’article 12 de la loi fédérale sur la délinquance organisée de 1996, le juge peut, sur requête du ministère public, demander l’arraigod’une personne inculpée pour délinquance organisée. Cette notion implique le contrôle permanent du ministère public et a pour but d’accroître le délai dont il dispose pour procéder à l’enquête préalable destinée à établir la responsabilité de l’inculpé. Le SPT a également appris que suite à la réforme, la période pendant laquelle une personne peut être placée en arraigo peut aller jusqu’à quatre-vingt jours et, qu’en général, les personnes concernées sont détenues dans des «maisons de sécurité» («casas de seguridad»).

215.Le SPT considère que, bien que la notion d’arraigo ait été limitée, par la réforme, aux infractions en matière de délinquance organisée, la définition que donne la Constitution mexicaine de la délinquance organisée est large et non conforme à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. La question elle aussi a été abordée à l’occasion de l’Examen périodique universel mené dans le cadre du Conseil des droits de l’homme. Selon le SPT, la définition énoncée dans la Constitution, qui ne reprend pas tous les éléments de la définition contenue dans la Convention des Nations Unies, est une définition ouverte, qui permet d’appliquer la figure d’arraigo à des situations ou des personnes sans lien avec la délinquance organisée. En outre, le SPT est préoccupé par le fait que, conformément aux dispositions de l’article 11 transitoire de la réforme constitutionnelle en matière pénale et de sécurité publique, la notion d’arraigo a actuellement valeur constitutionnelle pour les délits graves. Conformément aux dispositions de cet article, tant que le nouveau système pénal accusatoire ne sera pas entré en vigueur, ce qui, compte tenu du délai prévu, pourrait prendre jusqu’à huit ans, la figure de l’arraigoa été constitutionnalisée pour les délits graves. L e SPT engage l ’ État partie à examiner les recommandations qui lui ont été adressées au sujet de l ’arraigopar les différents mécanismes de l ’ ONU mentionnés précédemment. Dans la ligne des recommandations adressées à l ’ État partie à l ’ occasion de l ’ Examen périodique universel et compte tenu du caractère préventif de son mandat, l e SP T recommande à l ’ État partie d ’ abolir l ’arraigo, procédure qui échappe à tout contrôle judiciaire et qui risque de donner lieu à des actes de torture et des mauvais traitements.

216.La délégation a constaté que l’arraigoa des formes et des applications différentes au niveau fédéral et dans les divers États, et qu’il n’existe pas de critères uniformes relatifs à sa mise en œuvre, ce qui se traduit par conséquent par différentes modalités de détention pour les personnes concernées. Par exemple, alors que l’arraigo,au niveau fédéral, donne lieu à des mesures de sécurité élevées (utilisation d’uniformes de couleurs différentes selon le délit incriminé, régime disciplinaire extrême, etc.), la délégation a pu constater que, parmi les différents États visités, c’est à Oaxaca que l’arraigo est appliqué de la manière la moins attentatoire à la liberté, puisqu’un grand nombre de personnes concernées par cette mesure sont assignées à résidence à leur domicile pendant toute la durée de cette forme de détention. Le SPT a également constaté que lorsque la réforme pénale sera mise en œuvre, le placement en arraigo sera du ressort exclusif des autorités fédérales.

b)Observations de la délégation concernant certains centres d’arraigo visités

217.La délégation a visité différents centres ou maisons d’arraigo au niveau fédéral et au niveau des États, et elle s’est entretenue avec un grand nombre de pensionnaires. Les membres de la délégation ont constaté que ce type de détention, qui devrait être le moins attentatoire à la liberté puisque les personnes concernées ne font pas encore l’objet d’une enquête formelle, est justement celui où la liberté individuelle est la plus limitée, car il arrive que l’intéressé soit entièrement coupé du monde extérieur, les membres de sa famille et son avocat ignorant tout de son lieu de détention. Les détenus risquent alors d’être victimes de tortures et de traitements cruels, inhumains ou dégradants. La délégation s’est entretenue avec des personnes placées en arraigodans tous les États où elle s’est rendue. On trouvera ci-après quelques-unes des observations les plus notables que le SPT souhaite porter à la connaissance de l’État partie, tirées des visites effectuées dans les centres de détention et maisons de sécurité, et d’entretiens avec les personnes détenues.

État de Nuevo León

218.La délégation a visité l’Agence des enquêtes (Services du Procureur général) de l’État de Nuevo León, connue sous le nom de «Gonzalito», où ses membres ont pu s’entretenir avec des détenus. L’un de ceux-ci, ancien agent fédéral chargé des enquêtes qui était en détention depuis douze jours, a déclaré à la délégation du SPT que les motifs de son arrestation ne lui avaient jamais été communiqués, qu’on ne lui avait jamais présenté d’ordonnance de mise en détention, qu’il n’avait pas non plus bénéficié de l’assistance d’un avocat et qu’il n’avait pas eu le droit de passer un seul coup de téléphone. L’intéressé a précisé que son avocat avait eu connaissance de cette situation à travers les médias. Il avait dormi à même le sol les premiers jours et ce n’était que quelques jours plus tard qu’on lui avait apporté des oreillers. Les membres ont constaté que la pièce, dans laquelle il se trouvait lorsqu’ils se sont entretenus avec lui, était très petite et très froide. L’intéressé leur a également dit que, bien que souffrant d’une infection aux reins et de fortes douleurs, il n’avait pas reçu de soins médicaux. Les gardes auxquels il s’était plaint du froid extrême qu’il faisait dans la cellule ne lui auraient prêté aucune attention. Selon ce qui a été dit à la délégation, dans ce centre, toutes les cellules et toutes les pièces étaient équipées de microphones et de caméras. Une autre personne avec laquelle la délégation s’est entretenue a indiqué qu’elle avait dû s’entretenir avec son avocat dans une pièce équipée de caméras et de micros.

219.La délégation a également constaté qu’il n’existait pas de budget consacré à l’alimentation des détenus, ce que le personnel a confirmé, ajoutant que les détenus pouvaient recevoir de la nourriture de leur famille et qu’ils leur fournissaient de l’eau du robinet. Selon les dires de certains détenus, ceux auxquels des proches ne rendaient pas visite devaient s’alimenter avec ce que «d’autres détenus recevaient de leurs parents ou de membres de leur famille». Le SPT tient à exprimer sa préoccupation face au traitement réservé aux personnes détenues dans ce centre, considérant qu’il est inadmissible de restreindre de la sorte la satisfaction de besoins fondamentaux tels que l’accès à l’alimentation. Il se dit aussi préoccupé par l’impossibilité pour ces personnes d’avoir accès à un médecin, y compris en cas de maladie.

Mexico (District fédéral)

220.La délégation a également visité le Centre national d’arraigo, placé sous l’autorité du substitut du Procureur général de la République à Mexico (District fédéral). Il s’agit de l’un des centres auquel les membres de la délégation ont eu des difficultés à accéder rapidement, puisqu’ils ont dû attendre près de deux heures, et ce, alors qu’ils avaient pris contact avec le coordonnateur.

221.Le Centre national d’arraigo d’une capacité de 350 places comptait 130 détenus, dont 11 femmes, le jour de la visite de la délégation. Les membres n’y ont pas perçu de situation grave d’isolement eu égard aux visites des proches et des avocats. Cependant, le niveau de sécurité était extrêmement élevé, plus encore sans doute que celui auquel peut être soumise une personne condamnée à l’issue d’une sentence définitive pour les mêmes infractions que celles dont étaient soupçonnées les personnes qui s’y trouvaient en détention (à ceci près qu’une accusation formelle ne pesait sur ces dernières), lesquelles étaient soumises à des niveaux de sécurité moyens dans les centres pénitentiaires correspondants. Les membres de la délégation ont constaté que les détenus n’étaient pas autorisés à avoir leurs propres vêtements ni leurs propres médicaments, ni aucun objet personnel, et ce, selon les responsables de l’établissement, pour des raisons de sécurité. Toutes les personnes détenues avec lesquelles les membres de la délégation se sont entretenus ont dit qu’elles avaient peur d’être écoutées car toutes les zones du bâtiment étaient équipées de caméras et de micros. D’ailleurs, lorsqu’ils se sont entretenus avec certaines de ces personnes, les membres de la délégation ont dû à plusieurs reprises changer de lieu à la demande expresse de celles-ci, car elles souhaitaient avoir une conversation en privé, loin de tout micro ou caméra. Les détenus avaient les menottes aux pieds et aux mains pour se déplacer à l’intérieur du centre. À tout moment, on répétait aux membres de la délégation qu’il était important qu’ils respectent les mesures de sécurité drastiques adoptées en raison du très grand danger que représentaient ces personnes.

222.Chaque cellule abritait de un à six détenus. Les membres de la délégation ont constaté que les conditions d’hygiène étaient bonnes et les installations bien entretenues. Les entretiens avec les personnes détenues ont confirmé que les conditions d’hygiène étaient bonnes et que les pensionnaires étaient bien traités, et aucune plainte n’a été formulée au sujet de l’établissement.

223.Selon les données du registre médical, près de la moitié des détenus souffraient de lésions d’origine récente lorsqu’ils sont arrivés au Centre national d’arraigo, avec une moyenne de 17 lésions réparties sur 8 parties du corps. Le SPT considère que le fait que le médecin de garde ne s’enquiert pas de l’origine des lésions multiples représente une déficience grave s’agissant de l’aspect préventif des examens de routine au Mexique. En ce qui concerne le service médical, l’Arraigo fédéral disposait de trois médecins et de deux infirmiers de garde vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il a été dit aux membres de la délégation qu’à leur arrivée, les personnes détenues étaient immédiatement soumises à un examen médical suivi d’un rapport décrivant tous les problèmes physiques, y compris tout symptôme de violence éventuel. Le médecin a expliqué aux membres de la délégation que le rapport médical précisait si les problèmes en question allaient durer plus de quatorze jours. Les examens médicaux étaient effectués avec le consentement de la personne et, s’il s’agissait d’une femme, toujours en présence d’une infirmière. On a également informé les membres de la délégation que les examens médicaux étaient pratiqués hors de la présence d’un fonctionnaire de police. Les médecins spécialistes sont engagés à titre de consultants. Compte tenu des conditions de sécurité élevées, leur entrée à l’hôpital est soumise à une autorisation délivrée par la direction du centre, mais en cas de besoin les démarches sont effectuées rapidement.

224.Le chiffre indiqué au sujet de la prépondérance des lésions traumatiques dans le Centre national d’arraigo de haute sécurité du district fédéral a confirmé les allégations des détenus concernant le recours fréquent à la violence par la police au moment de l’arrestation. Tous les détenus avec lesquels les membres se sont entretenus leur ont décrit un type de comportement très similaire de la part des fonctionnaires de police au moment de l’arrestation. Toutes les personnes interrogées ont confirmé qu’elles avaient été frappées à plusieurs reprises en de multiples parties du corps, dès leur arrestation et pendant leur transport jusqu’aux locaux de la police. Les membres de la délégation sont très inquiets face à des témoignages aussi préoccupants de la violence physique et psychique à laquelle ces personnes ont dit avoir été soumises après leur arrestation. Les déclarations évoquaient des conditions identiques au moment de l’arrestation. S’agissant des différents types de violence exercée, plusieurs des personnes interrogées ont déclaré avoir reçu des décharges électriques dans diverses parties du corps. Les membres de la délégation ont été profondément consternés par le témoignage d’une femme détenue qui a déclaré avoir été violée à plusieurs reprises par des fonctionnaires de police au cours des heures qui ont suivi son placement en détention. Selon ses déclarations, les policiers l’auraient arrêtée et jetée violemment dans un véhicule tout en l’enjoignant de les conduire à l’endroit où se trouvait son mari (également en détention à l’Arraigo fédéral lors de la visite de la délégation); ils lui auraient bandé les yeux durant le trajet et fait subir des violences verbales et physiques pendant des heures. L’intéressée avait sollicité des soins médicaux en raison de nombreuses douleurs dans ses parties intimes lorsqu’elle est arrivée au centre. Le registre médical que les membres de la délégation ont pu consulter au cours de la visite indiquait qu’on avait détecté chez cette femme une inflammation des parties génitales et une lésion herpétique. Les membres de la délégation ont constaté l’état de panique de cette détenue pendant toute la durée de l’entretien.

225.La délégation a examiné 70 rapports médicaux de l’Arraigo fédéral. Sur ces 70 cas, 49 % présentaient des lésions récentes lors du placement en détention. Selon les rapports, dans 13 cas les lésions auraient été infligées au moment de l’arrestation; dans 17 cas, l’origine des lésions n’aurait pas été précisée dans le dossier; le dossier d’une femme détenue mentionnait qu’elle présentait quatre lésions dans quatre zones distinctes du corps, sans en préciser l’origine. La délégation a constaté que le nombre de personnes détenues qui présentaient des traces de violence récente était assez élevé (50 % environ). Le nombre de lésions dont souffraient les détenus, hommes et femmes, et leur présence sur tout le corps confirmaient de façon claire et évidente les différents témoignages recueillis par les membres de la délégation auprès des pensionnaires de l’établissement au sujet de la violence et des mauvais traitements infligés par la police. Le SPT constate avec préoccupation que les brutalités policières et les mauvais traitements infligés aux personnes détenues par les fonctionnaires de police relevant de cet établissement sont des pratiques largement généralisées dans les États visités.

226.Dans l’Arraigo fédéral, les personnes détenues avec lesquelles se sont entretenus les membres de la délégation ont confirmé qu’elles étaient bien traitées et bien nourries et que les conditions matérielles, alimentaires et d’hygiène étaient bonnes. Cependant, elles ont toutes déclaré qu’elles vivaient constamment dans la peur parce qu’elles ignoraient où elles seraient envoyées par la suite ou n’avaient aucune information à cet égard. Le SPT tient à exprimer sa préoccupation face à l’instabilité et l’insécurité dont sont victimes les personnes détenues.

227.Les membres de la délégation ont été frappés par les conditions extrêmes de sécurité, y compris en ce qui concerne les contrôles et les restrictions mises en œuvre à tout moment, compte tenu en particulier du fait que les personnes détenues ne sont encore poursuivies pour aucun délit.

228.Dans le Centre national d’arraigo, les restrictions à la liberté imposées aux personnes détenues sont bien plus grandes que celles qui pèsent sur une personne condamnée dans un centre pénitentiaire. Elles devaient notamment respecter certains rituels, comme par exemple ne regarder personne en face ou garder les yeux au sol lorsqu’on les sortait de leur cellule pour les amener ailleurs.

Avenida Cruz del Sur, Guadalajara (Jalisco)

229.La délégation s’est également rendue à deux reprises dans la casa de arraigo (maison de sécurité) située Avenida Cruz del Sur, no 2750, à Guadalajara (Jalisco). De tous les arraigos visités, celui-ci est celui qui a fait la plus mauvaise impression au SPT, et ce, malgré le nombre peu élevé de pensionnaires. Le premier jour où les membres du SPT s’y sont rendus, après avoir attendu inutilement près d’une heure avant de pouvoir y accéder, ils ne se sont pas entretenus avec les personnes détenues, celles-ci ayant toutes dit qu’elles ne souhaitaient pas parler car «tout allait très bien», et ce, alors même que les membres de la délégation pouvaient percevoir que le climat était extrêmement tendu dans la cellule où elles étaient toutes détenues. Les membres de la délégation ont été frappés par l’insistance avec laquelle les responsables du centre leur enjoignaient de ne s’entretenir à aucun moment avec les détenus, disant qu’ils étaient extrêmement dangereux. À aucun moment, les membres de la délégation n’ont pu, ce premier jour, demander aux détenus de manière confidentielle et en dehors de la présence d’un responsable, même pas à travers les grilles, s’ils souhaitaient faire une déclaration en privé. Pendant tout le temps qu’a duré la visite de la délégation, des policiers et d’autres fonctionnaires responsables, fortement armés, ont été présents, tout comme d’autres représentants des autorités, venus sur place après avoir été informés de l’arrivée des membres du SPT. Les membres de la délégation ont été extrêmement frappés par le rôle joué par le médecin de l’établissement, lequel, outrepassant ses fonctions, a fini par diriger l’ensemble de la visite. Durant plus d’une heure, ledit médecin a insisté pour que les membres de la délégation visitent un hôtel situé à proximité, qui servait également de casa de arraigo, allant même jusqu’à proposer d’y conduire la délégation en ce lieu. Cette manœuvre était destinée à empêcher les membres de la délégation de s’entretenir avec les 12 personnes qui se trouvaient dans la casa de arraigo de l’Avenida Cruz del Sur.

230.Après plus d’une heure de conversation avec le médecin et les gardiens, qui ont répété aux membres de la délégation, en insistant lourdement, qu’il était dangereux de rencontrer les détenus et de s’entretenir avec eux, les membres de la délégation ont enfin pu visiter l’établissement. Tout au long de la visite, les membres de la délégation ont eu l’impression que les gardiens essayaient de faire pression sur eux pour les décourager. À aucun moment, on ne leur a expliqué où se trouvaient les 12 personnes détenues et, à mesure qu’ils avançaient, accompagnés de policiers fortement armés, ils découvraient les pièces sans que leur soit fournie la moindre explication. L’établissement comptait deux étages, l’étage supérieur disposant d’une salle de bains et d’une pièce pour les détenues, comme l’ont expliqué les agents responsables. Selon ces derniers, les revues qui étaient là s’y trouvaient depuis la dernière fois que des femmes y avaient été détenues. Or, pendant l’heure au cours de laquelle les membres de la délégation ont attendu à l’extérieur avant de pouvoir accéder à l’établissement, ils avaient vu arriver une femme qui tenait, entre autres choses et comme par coïncidence, ces mêmes revues.

231.Dans l’entrée de la maison de la sécurité, il y avait un poste de télévision et deux lits, où se trouvaient deux agents de police. Il y avait également un garage vide. À gauche de l’entrée, au niveau inférieur, il y avait une espèce de salle comportant une cuisine intégrée, une salle de bains et la cellule dans laquelle se trouvaient les 12 personnes détenues.

232.Les membres du SPT ont eu l’impression qu’entre le moment où on avait signalé leur arrivée à la casa de arraigo de l’Avenida Cruz del Sur, et le moment où ils avaient pu y pénétrer, les détenus avaient, peut-être fait l’objet de menaces destinées à les empêcher de parler. Ces doutes ont été pleinement corroborés le jour suivant, lorsque la délégation du SPT est revenue et qu’elle a enfin pu interroger les 12 personnes détenues, qui ont déclaré ouvertement, et ce alors qu’elles étaient terrorisées, que la veille les gardiens les avaient menacées en leur enjoignant de ne faire aucune déclaration aux membres de la délégation, ou de dire qu’elles étaient bien traitées et n’avaient fait l’objet d’aucune menace ni de mauvais traitement.

233.La délégation a pu constater à quel point les conditions de sécurité à l’égard de ces personnes étaient extrêmes. De nombreux parents des détenus n’étaient pas informés du lieu où ceux-ci se trouvaient et en outre, selon des déclarations faites aux membres du SPT sous le sceau du secret, les détenues n’avaient pas eu accès à un avocat. Selon certains témoins, il y avait des restrictions même pour se laver.

234.Cette situation confirme qu’il est extrêmement important que le programme des visites du SPT reste confidentiel et ne donne pas lieu à préavis. Le SPT tient à rappeler à l’État partie que cette forme de privation de liberté engendre un risque de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

235.Contrairement à ce qui s’était passé la veille, la seconde journée de visite s’est déroulée dans de meilleures conditions, tant en ce qui concerne l’accès de la délégation du SPT que l’accueil qui lui a été réservé et l’esprit d’ouverture manifesté. Il ressort des entretiens confidentiels que le SPT a eus avec les personnes détenues que celles-ci non seulement vivent dans des conditions indignes, mais sont également soumises à des restrictions en ce qui concerne l’intégrité de la personne. Les personnes en question n’avaient pas eu accès à un avocat et on ne leur avait pas expliqué quels étaient leurs droits. Elles étaient toutes entassées dans la même cellule, et certaines ont indiqué à la délégation qu’elles avaient demandé l’autorisation de se laver, mais que ce droit leur avait été refusé. Lors de la visite, les 11 personnes détenues se trouvaient dans une cellule avec des lits. Elles ont toutes décidé de s’entretenir avec les membres de la délégation, auxquels elles ont confié avoir subi des mauvais traitements au cours de la période suivant leur arrestation. Elles ont précisé que, durant les interrogatoires, elles avaient les yeux bandés et les mains menottées. Certaines d’entre elles avaient même subi l’épreuve de la «cagoule» («la bolsa»). La plupart d’entre elles présentaient des lésions physiques qui correspondaient à ce qu’elles avaient raconté à la délégation. Toutes étaient dans un état d’anxiété extrême. Il n’existait aucun type de registre dans l’établissement. Lorsque les membres de la délégation ont demandé aux responsables de leur présenter le registre, ceux-ci se sont contentés d’écrire les noms des personnes détenues sur une feuille de papier.

236.Le SPT est préoccupé par le fait que les allégations de mauvais traitements les plus graves que les membres de la délégation ont pu entendre au cours de leur visite émanaient de personnes placées en arraigo. Les membres de la délégation ont été extrêmement surpris par le niveau de la violence policière décrit par les détenus au cours des entretiens. Le SPT tient à rappeler à l’État partie qu’il est de son devoir de veiller à ce que les personnes détenues ne fassent en aucun cas l’objet de mauvais traitements, quelle que soit la forme de la détention.

237. Le SPT tient à rappeler à l ’ État mexicain que les personnes privées de liberté doivent être pleinement informées de leurs droits et de leurs devoirs, ainsi que des conditions de détention dans lesquelles elles vont être placées, et qu ’ elles doivent être traitées humainement, dans le respect de leur dignité.

238.Le SPT considère que la figure de l ’arraigo peut créer des conditions propres à faciliter la pratique de la torture, puisqu ’ elle suppose le placement dans des lieux peu contrôlé s où les personnes détenues sont en situation de vulnérabilité, étant donné que, faute d ’ un statut légal clairement défini, elles ne peuvent pas exercer leur droit de défen se . Le SPT recommande l ’ adoption de mesures législatives, administratives ou autre s afin d ’ éviter que la pratique de l ’arraigo puisse créer des situations susceptibles de donner lieu à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

D.La situation des groupes vulnérables en détention

239.Le SPT présente ci-après un certain nombre d’observations que lui a inspiré la situation des groupes vulnérables en détention. Comme on l’a déjà dit, si la délégation n’a pas visité de lieu de privation de liberté réservé aux migrants c’est pour des raisons de logistique, mais aussi parce que le Rapporteur spécial chargé de la question s’était rendu dans le pays quelques mois auparavant.

240.Les membres de la délégation ont rencontré des enfants, des adolescents, des femmes et des membres de communautés autochtones au cours de la visite. Même si ce qui a été dit sur les conditions qui prévalent dans les centres de détention dans le chapitre consacré aux centres de privation de liberté s’applique aussi à ces groupes vulnérables, c’est justement parce qu’ils sont en situation de vulnérabilité que le SPT a décidé de leur consacrer une section spéciale dans son rapport. Le fait que ces secteurs de la société risquent plus que d’autres de faire l’objet d’actes de torture et de traitements cruels et inhumains inquiète le SPT, qui recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour faire respecter les droits de ces personnes.

1.Enfants et adolescents

241.Le SPT a pris note de la réforme constitutionnelle qui touche aux droits des enfants et des adolescents. Cette réforme qui est en application depuis 2005, prévoit la mise en œuvre par les divers États de la Convention relative aux droits de l’enfant et la création de tribunaux spéciaux pour mineurs. Le SPT se félicite de cette initiative qui doit être suivie d’efforts de formation, et plus encore d’efforts de sensibilisation pour faire connaître la manière appropriée de traiter les enfants et d’appliquer et d’interpréter la loi dans le respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

242.La délégation s’est rendue dans divers lieux où se trouvaient des mineurs privés de liberté. Les membres de la délégation considèrent que le Conseil de tutelle d’Oaxaca est un bon exemple de ce qu’est un centre pour mineurs bien géré. Ils ont été très impressionnés, non seulement par la qualité des installations et par les responsables de l’établissement, mais aussi par la manière dont les mineurs accueillis dans ce centre sont pris en charge sans faille et traités avec humanité. Les responsables de l’établissement étaient qualifiés et bien informés de la façon dont on doit traiter les mineurs privés de liberté. Il existait des programmes de prise en charge et des projets de vie adaptés aux besoins et aux capacités de chacun des pensionnaires. Les soins dispensés étaient excellents, les conditions matérielles optimales des activités culturelles et de loisir étaient offertes aux jeunes, ce dont la délégation a pris acte avec une immense satisfaction.

243.Les membres de la délégation se sont entretenus avec divers mineurs détenus dans cet établissement et ont noté leurs impressions. En conséquence, le SPT recommande à l ’ État partie de consolider cet établissement afin qu ’ il puisse continuer de fonctionner durablement et servir de modèle à d ’ autres lieux de privation de liberté pour mineurs.

244.Les membres de la délégation ont constaté, en revanche, que dans d’autres lieux abritant des mineurs privés de liberté, les efforts de sensibilisation étaient très insuffisants. Dans le quartier de détention principal des services du Procureur de Jalisco, les membres de la délégation ont entendu un jeune qui était sur le point d’être placé sous l’autorité de la justice pénale ordinaire et donc transféré dans un centre de détention pour adultes, alors qu’il affirmait être mineur. Les responsables ont expliqué aux membres de la délégation que quand on n’a aucune certitude quant à l’âge d’un détenu, on s’appuie sur des données médicales pour déterminer son âge présumé. La délégation a pu constater que ces preuves médicales ne tenaient pas compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le manque d’exactitude de ces éléments de preuve (la marge d’erreur pouvait aller jusqu’à trois ans d’après les médecins du centre) ne fait qu’aggraver la vulnérabilité des mineurs et a des conséquences dramatiques, car il donne lieu très souvent au transfert dans des centres de privation de liberté pour adultes. Les membres du SPT ont débattu de cette question, parmi d’autres, avec le personnel médical rattaché aux services du Procureur en question et sont arrivés à la conclusion qu’il fallait intensifier d’urgence les efforts de sensibilisation à l’égard des mineurs qui se trouvent dans cette situation. Le SPT engage l ’ État partie à redoubler d ’ efforts afin de garantir la mise en œuvre effective des instruments internationaux concernant les enfants et les adolescents auxquels celui-ci a adhéré.

245.Il y avait dans ce même lieu de détention trois mineurs qui se trouvaient dans l’impossibilité d’appeler leurs proches, ne fût-ce que pour leur dire où ils étaient, parce que, entre autres raisons, «il n’est pas possible d’appeler des téléphones mobiles», ce que les fonctionnaires interrogés sur ce point ont confirmé en en donnant les raisons. Les membres de la délégation ont constaté en outre que les intéressés n’avaient pas été nourris de manière satisfaisante. Ils étaient enfermés dans une salle minuscule où traînaient les restes de nourriture qui leur avait été distribuée le matin. L’un d’entre eux a dit sa détresse à la pensée que sa famille ne savait pas qu’il était détenu dans ce lieu. Le SPT tient à rappeler à l ’ État partie que, conformément aux normes internationales, les parents doivent être informés de l ’ admission, du transfert et de la libération d ’ un mineur, de même qu ’ en cas de maladie, d ’ accident ou de décès.

246.C’est le Centre de réadaptation pour adolescents délinquants de Monterrey qui a fait la plus mauvaise impression aux membres de la délégation: le traitement réservé aux jeunes qui y sont placés est tout ce qu’il y a de plus cruel, inhumain ou dégradant. Les pensionnaires étaient enfermés dans des sortes de cages du matin au soir et ne pouvaient exercer aucune activité physique, éducative ou culturelle. Les sorties étaient limitées à quinze minutes par jour et il n’y avait aucun programme d’activités. Les gardiens emportaient les matelas à 5 heures du matin et les occupants n’avaient même pas d’endroit où s’asseoir. Il n’y avait ni chaise, ni meubles quels qu’ils soient, et encore moins de bibliothèque ou de livres à leur disposition. Ils pouvaient recevoir la visite de leur famille une heure et demie par semaine. Si les membres de la délégation ont été atterrés par les conditions matérielles, ils l’ont été plus encore par les déclarations des mineurs avec lesquels ils ont pu s’entretenir, qui ont raconté comment les gardiens passaient leur temps à leur rappeler les délits ou les fautes qui les avaient amenés là, ajoutant que les menaces étaient monnaie courante, de même que les bagarres entre internes, et que quelques-uns vivaient dans la peur, terrorisés en permanence et même frappés, non seulement par les gardiens mais aussi par d’autres pensionnaires, souvent pour des motifs de discrimination. Il a été dit aux membres de la délégation qu’un mineur était allé jusqu’à se suicider. Un autre mineur interrogé a avoué aux membres de la délégation qu’il avait menti sur sa nationalité de peur de faire l’objet de discrimination de la part des autres pensionnaires.

247.Pour ce qui est des filles, les membres de la délégation ont entendu avec effroi une mineure leur raconter comment elle avait été atteinte d’une grave infection à la suite d’une fausse couche parce qu’elle n’avait pas été amenée à l’hôpital à temps bien qu’elle l’ait demandé au gardien avec insistance. Elle a ajouté qu’elle avait demandé aux gardiennes, dès son entrée dans le centre, de faire un test de grossesse parce qu’elle pensait être enceinte, mais que le test ne lui avait jamais été fourni. Les membres de la délégation ont été profondément impressionnés par les témoignages de chacun des mineurs avec lesquels ils se sont entretenus. Il est interdit de conserver des objets personnels, y compris des photos de sa famille. Un des pensionnaires a déclaré que les gardes lui avaient pris une photo de sa mère.

248.La délégation tient à exprimer sa préoccupation face aux conditions dans lesquelles vivaient les mineurs détenus dans ce centre au moment de la visite. Certaines de ces conditions constituaient un traitement cruel, inhumain et dégradant. Ce centre de détention pour mineurs est l’antithèse de ce vers quoi tendait la réforme constitutionnelle.

249. Le SPT recommande vivement à l ’ État partie de prendre sans délai des mesures administratives et d ’ établir d ’ urgence un plan de restructuration complète de cette institution. Les conditions matérielles et la gestion doivent être radicalement et intégralement transformées en mettant en place toutes sortes d ’ activités qui doivent non seulement être prévues en théorie mais exister dans la pratique. Si la restructuration n ’ est pas possible, le SPT recommande la fermeture de l ’ établissement.

250.Le SPT rappelle à l’État mexicain que, conformément aux normes du droit international, les enfants privés de liberté doivent être traités de manière à préserver leur sens de la dignité de l’honneur, à favoriser leur réinsertion dans la société, à respecter la règle de l’intérêt supérieur du mineur et tenir compte de ses besoins en tant que mineur. Le SPT tient par ailleurs à rappeler à l’État partie qu’il doit respecter la vie privée des enfants qui sont sous sa garde, et de tenir des registres complets et fiables et d’en préserver le caractère confidentiel.

251.La délégation a eu des entretiens avec des membres de la police judiciaire, des membres de la Commission des droits de l’homme du District fédéral et des membres d’organisations de la société civile qu’elle a interrogés sur les événements du 17 juillet 2008, au cours desquels, lors d’une descente de police, des mineurs qui se trouvaient à l’intérieur de la discothèque «News Divine», située dans le District fédéral, ont trouvé la mort ou été victimes de torture, d’agressions et de sévices sexuels. Le SPT fait observer à cet égard qu’il faut prévenir la torture dans tous les lieux ou situations où les victimes se trouvent sous la garde d’agents de l’État, y compris les lieux publics ou privés, ou les moyens de transport. À propos de l’affaire du «News Divine», le SPT considère que l’un des moyens d’empêcher que des événements analogues se reproduisent, consiste à ouvrir une enquête pénale, civile et administrative, en vue d’établir non seulement la responsabilité pénale des personnes directement responsables, mais la responsabilité de l’État pour des actes ou omissions qui auraient eu lieu au cours de la descente de police en question. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ ajouter aux cours de formation destinés aux responsables de l ’ application des lois un module consacré aux moyens de prévenir la torture et les traitements cruels quand des personnes sont maintenues en garde à vue dans des lieux publics et privés, lors de descentes de police ou pendant le transfert jusqu ’ aux commissariats.

252. Le SPT invite instamment l ’ État partie à prendre en considération la règle 24 de l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs («Règles de Beijing»), selon laquelle il importe de s ’ efforcer d ’ assurer aux mineurs, à toutes les étapes de la procédure, une assistance en matière de logement, d ’ éducation et de formation professionnelle, d ’ emploi ou autre forme d ’ aide utile et pratique en vue de faciliter la réinsertion.

253.Le SPT tient à souligner combien il est important que les personnes chargées de la garde ou de la surveillance des mineurs reçoivent une instruction et une formation spéciales, comme le prévoit la règle 12 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing). À cet égard, le SPT recommande à l ’ État mexicain de veiller à offrir une instruction appropriée et des cours de formation et des moyens de sensibilisation adaptés aux attributions des personnes chargées des contacts avec les mineurs se trouvant sous la garde de l ’ État d ’ une manière ou d ’ une autre.

254. Le SPT invite instamment l ’ État mexicain à veiller à ce que les parents des mineurs sous sa garde soient informés de l ’ endroit où se trouvent leurs enfants par des moyens de communication appropriés.

2.Les autochtones

255.C’est à Oaxaca que la délégation a eu le plus de contacts directs avec des autochtones privés de liberté. Son impression en général est que, dans l’ensemble, les conditions ne permettent pas à ces personnes de faire l’objet d’un traitement différencié et, partant, d’avoir non seulement un projet de vie décent conforme à leur vision du monde, mais de jouir de la satisfaction de leurs besoins essentiels et de ne pas être coupées de leur communauté d’origine, leurs coutumes et leurs rituels. La délégation a constaté que les autochtones doivent s’adapter non seulement à cette privation de liberté, mais à des situations inconnues, ce qui représente une double peine et aboutit bien souvent à un traitement cruel, inhumain et dégradant.

256.Des entretiens de la délégation avec des autochtones dans le pénitencier régional de Valles Centrales d’Oaxaca, il ressort que la majorité des autochtones privés de liberté n’avaient pas bénéficié des services d’un interprète dans leur langue d’origine au moment de leur arrestation. Certains n’avaient jamais vraiment compris pourquoi ils avaient été arrêtés. La plupart des autochtones avec lesquels les membres de la délégation se sont entretenus ont déclaré n’avoir aucune connaissance de l’espagnol quand ils ont été arrêtés. Ils ont raconté comment ils avaient été forcés de signer un papier dans lequel ils reconnaissaient être les auteurs du délit en question, sans savoir ce dont ils s’accusaient. Beaucoup d’entre eux avaient appris l’espagnol à la prison pour pouvoir communiquer avec les autres détenus. Aucune des personnes interrogées n’avait bénéficié de l’assistance d’un interprète en langue autochtone au moment de l’arrestation.

257.Le SPT a déjà fait observer, dans la section consacrée à l’assistance juridictionnelle, qu’il n’existe pas de service juridique différencié dans le domaine pénal et que les autochtones risquent d’être victimes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier au stade de l’instruction préliminaire, parce que beaucoup ne connaissent pas l’espagnol, et ne comprennent rien au système de justice pénale, et à cause de tout ce qui les empêche de comprendre quel est leur statut légal.

258. Le SPT recommande à l ’ État partie de tout mettre en œuvre afin que les autochtones puissent avoir un accès différencié à la justice, en particulier aux stades de la procédure où ils risquent le plus de se trouver sans protection et d ’ être victimes d ’ atteinte à leur intégrité physique et mentale.

259. Le SPT tient à rappeler à l ’ État mexicain l ’ article 13 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui consacre l ’ obligation des États d ’ adopter des mesures efficaces pour que les peuples autochtones puissent comprendre et être compris dans les procédures politiques, juridiques et administratives, en fournissant, si nécessaire, des services d ’ interprétation ou d ’ autres moyens appropriés.

260. Le SPT recommande à l ’ État partie de renforcer les moyens de communication à l ’ intention des autochtones privés de liberté et de leur offrir, en tant que de besoin, des services d ’ interprétation ou d ’ autres moyens appropriés. L ’ État doit également veiller à ce que les établissements pénitentiaires adoptent des mesures de discrimination positive afin que les autochtones privés de liberté puissent conserver leurs pratiques et leurs coutumes dans les meilleures conditions possibles. Pour éviter d ’ aggraver la situation dans laquelle ils se trouvent, coupés de leurs territoires ancestraux et de leur famille, laquelle n ’ a guère la possibilité de leur rendre visite, l ’ État doit prévoir leur transfert dans des établissements pénitentiaires plus proches de leur communauté d ’ origine.

3.Les femmes

261.Dans tous les lieux de privation de liberté qu’ils ont visités, les membres de la délégation ont pu observer et analyser les conditions de vie des femmes en détention. Les principaux problèmes qui les ont frappés étaient les mêmes que pour les hommes privés de liberté. Le SPT tient cependant à présenter des observations sur un certain nombre de cas qui ont retenu l’attention des membres de la délégation.

262.La délégation a constaté que les conditions qui régnaient dans la prison militaire pour femmes du camp militaire no 1 étaient satisfaisantes. Les détenues pouvaient exercer des activités culturelles et de loisirs. Les installations étaient convenables et les membres de la délégation ont pu voir qu’elles étaient traitées par les responsables dans le respect de leur dignité. En revanche, les conditions qui prévalaient dans la section réservée aux femmes de la prison centrale d’Oaxaca (Santa María Ixcotel) étaient désastreuses. Le SPT renvoie à ce propos aux observations présentées dans le chapitre consacré aux établissements pénitentiaires, mais il tient à ajouter que les membres de la délégation ont été préoccupés de voir que les femmes détenues dans cet établissement ont dit être victimes de discrimination fondée sur le sexe, de la part non seulement des détenus, mais des responsables eux-mêmes.

263.Dans l’ensemble, dans les établissements pénitentiaires qu’elle a visités la délégation a pu observer que les ailes réservées aux femmes étaient mieux tenues que les ailes réservées aux détenus.

264.La qualité de la gestion des établissements est capitale pour la prévention de la torture et des mauvais traitements. Le SPT tient à évoquer à cet égard le centre préventif de réadaptation pour femmes de Jalisco (centre de détention préventive), où les membres de la délégation ont pu constater comment l’engagement et le dévouement de tout le personnel avaient permis d’obtenir des résultats extrêmement positifs. Ce centre doit servir d’exemple aux autres établissements qui abritent des femmes privées de liberté. L’atmosphère était familiale, les détenues avaient de bons rapports avec les responsables et des activités variées étaient à leur disposition, ce qui est un excellent moyen de favoriser la réinsertion des condamnées, quel que soit le délit dont elles sont accusées. Les membres de la délégation se sont félicités de voir que les pensionnaires de l’établissement avaient la possibilité de travailler et d’améliorer leur niveau d’éducation, de faire du sport et d’avoir des activités religieuses, culturelles et de loisirs.

265.Dans ce même établissement, les membres de la délégation ont été agréablement surpris de constater qu’il existait une garderie destinée aux enfants de 6 mois à 3 ans, comparable à n’importe quelle autre garderie située en dehors du monde clos de la prison.

266.Le SPT tient à exprimer sa préoccupation face aux divers témoignages que les membres de la délégation ont recueillis auprès de détenues qui ont déclaré avoir été victimes de mauvais traitements de la part des policiers au moment de leur arrestation. Le SPT est extrêmement préoccupé de voir que les pires déclarations provenaient de femmes qui avaient été d’abord mises en détention puis placées en arraigo. Ce qui le préoccupe c’est la similitude des actes de violence allégués imputés aux agents de police relatés par les femmes placées en arraigo dans les divers États. Pendant les entretiens avec les membres de la délégation, ces femmes se sont montrées terrorisées. Dans l’Arraigo fédéral national, les membres de la délégation ont entendu le témoignage d’une femme qui disait avoir été violée par plusieurs policiers dans les heures qui avaient suivi son arrestation. Le SPT invite instamment les autorités de l ’ État partie à enquêter sur toutes les allégations de mauvais traitements et de vexations imputées à des policiers et rappelle à l ’ État partie qu ’ il est de son devoir de veiller à ce que de tels comportements ne restent pas impunis.

267.Selon les renseignements communiqués à la délégation, des vexations auraient été infligées à des femmes − membres de la famille ou amies − venues rendre visite aux détenues internées dans les divers établissements pénitentiaires, en particulier à l’occasion de la fouille. Le SPT reconnaît qu’il appartient à l’État de surveiller et de contrôler la sécurité à l’extérieur et à l’intérieur des lieux de détention, ainsi que de prévenir le risque d’introduction de substances prohibées. Il tient toutefois à souligner que les contrôles effectués ne doivent pas porter atteinte à la dignité des personnes et qu’il ne faut donc pas procéder à des fouilles vaginales systématiques. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ envisager de procéder à une étude des mauvais traitements qui, selon les allégations, sont en de nombreuses occasions infligés aux femmes, par les policiers au moment de leur arrestation. Il recommande également à l ’ État mexicain de prendre les mesures de sécurité et de contrôle appropriées à l ’ égard des personnes qui rendent visite aux prisonniers, en particulier les femmes, de façon à préserver la dignité et à respecter l ’ intimité des intéressées.

E.Absence d’enquête, impunité et réparation

268.La délégation a constaté que les enquêtes faisant suite à des plaintes pénales de torture et autres formes de mauvais traitements n’étaient pas effectuées avec la diligence due ni dans les temps voulus par les fonctionnaires du ministère public et qu’il était très rare qu’elles aboutissent à une condamnation. Le SPT estime que cette lacune au niveau des enquêtes conduit à l’impunité.

269.Par ailleurs, le SPT estime que cette situation décourage les victimes de dénoncer des mauvais traitements éventuels et jette le discrédit sur la justice. Celui qui renonce à dénoncer ce genre de comportement se prive de la possibilité de demander réparation, y compris un soutien psychologique pour lui-même et les membres de sa famille, et d’obtenir l’adoption de mesures tendant à ce que ces actes ne se reproduisent pas.

270. Le SPT invite instamment l ’ État partie à mettre en place des mécanismes et des contrôles permettant de donner suite aux plaintes de torture et à mettre en place un programme national de prise en charge des victimes de torture afin de leur accorder réparation, ainsi qu ’ une campagne de prévention permettant d ’ empêcher que ces actes se reproduisent.

F.Dialogue avec les autorités

271.Les rencontres des membres de la délégation avec les autorités ont été très utiles pour comprendre le fonctionnement du système de privation de liberté. Le SPT tient à redire sa reconnaissance aux ministères et institutions qui ont pris part à la visite pour les précieux renseignements qui lui ont été fournis avant, pendant et après la visite.

272.Le SPT tient à préciser à l’intention de l’État partie que le présent rapport n’est pas exhaustif, et qu’il a pour objet de rendre compte des principaux sujets de préoccupation que la visite des divers lieux et des États dans lesquels les membres de la délégation se sont rendus a suscité chez eux. Étant donné la complexité du pays, son statut de fédération, et la rapidité de la visite, le présent rapport ne rend compte que des impressions les plus marquantes des membres de la délégation, qui ont été examinées et débattues ici dans le cadre du mandat de prévention de la torture du SPT.

273.Le SPT a appris avec inquiétude qu’à la suite de sa visite des mutineries ont eu lieu dans plusieurs centres de détention, suivies de conséquences tragiques, y compris la perte de vies humaines. Il tient à exprimer sa préoccupation devant ces faits, qui illustrent de manière flagrante les lacunes du système pénitentiaire dans l’État partie, et il engage l’État mexicain à mettre en œuvre dans les meilleurs délais les recommandations contenues dans le présent rapport.

274.Dans une note verbale du 20 avril 2009, les autorités mexicaines ont envoyé un certain nombre de réponses aux observations préliminaires. Le SPT s’en félicite et réitère sa demande d’avoir des éclaircissements sur un certain nombre de questions qui n’ont pas reçu une réponse suffisamment détaillée.

275. Le SPT demande par ailleurs aux autorités de lui fournir par écrit, dans un délai de six mois à compter de la notification officielle du présent rapport, une réponse complète au sujet du rapport sur sa visite, en particulier sur les conclusions, recommandations et demandes de renseignements complémentaires qu ’ il contient. Ce délai de six mois permettra de concrétiser un certain nombre de mesures prévues ou en cours de mise en œuvre et de lancer le programme d ’ action à plus long terme. Le SPT souhaite continuer de coopérer avec les autorités mexicaines dans le cadre de l ’ engagement commun qui a bout but d ’ améliorer les garanties visant à prévenir toutes les formes de mauvais traitements des personnes privées de liberté.

276.Le SPT redoute que des personnes détenues avec lesquelles les membres de la délégation se sont entretenus fassent l’objet de représailles. Maintes personnes privées de liberté ont manifesté leur crainte de s’entretenir avec les membres de la délégation par peur des conséquences.

277.Le SPT rappelle que toute forme d’intimidation ou de représailles à l’encontre des personnes privées de liberté est une violation de l’obligation de collaborer avec le SPT qui incombe à l’État partie en vertu du Protocole facultatif. Conformément à l’article 15 dudit texte, le SPT lance un appel aux autorités de l’État partie pour qu’elles garantissent qu’il n’y aura pas de représailles à la suite de la visite. Il demande à l’État partie de lui fournir des renseignements détaillés sur les mesures prises pour éviter toute forme de représailles à l’égard des personnes privées de liberté qui ont fourni des renseignements au SPT. Il remercie l’État partie de sa communication du 14 novembre 2008 indiquant les mesures prises par les autorités compétentes à l’égard d’une personne avec laquelle la délégation s’était entretenue au cours de la visite, ce qui avait valu à l’intéressé des menaces et des représailles.

V.Résumé des conclusions et recommandations

278. Fidèle à cette politique de transparence, et en application de l ’ article 16 du Protocole facultatif, le SPT recommande au Mexique de rendre public le présent rapport, comme l ’ ont fait un certain nombre de pays qui ont déjà été l ’ objet de visites (Suède et Maldives). C ’ est là assurément un nouveau moyen de prévenir la torture et les mauvais traitements grâce à l ’ ample diffusion des recommandations contenues dans le rapport qui s ’ adressent tant aux institutions fédérales et aux institutions des États qu ’ au mécanisme national de prévention , et indirectement aux commissions des droits de l ’ homme et aux associations de la société civile.

A.Mécanisme national de prévention

279. Le mécanisme national de prévention doit être renforcé pour que toutes les institutions, associations de la société civile et organismes de coopération travaillent en synergie en vue de la réalisation d ’ un même objectif: la prévention de la torture. L ’ État doit doter ce mécanisme national de prévention du cadre juridique et des ressources humaines et matérielles nécessaires et lui garantir l ’ autonomie, l ’ indépendance et le statut institutionnel qui lui permettront de remplir le rôle que prévoit le Protocole facultatif. Cette entreprise nécessitera l ’ engagement d ’ un plus grand nombre de personnes appartenant à diverses disciplines (psychologues et professionnels de la santé, spécialistes des questions autochtones, de l ’ enfance et de l ’ adolescence, des droits de la femme et de l ’ égalité entre les sexes, etc.); la révision et la mise à jour des manuels et des protocoles de visite et de procédure, y compris les méthodes permettant d ’ établir d es indicateurs de progrès dans le domaine de la prévention de la torture; et un pro gramme permanent de formation et de sensibilisation à la prévention de la torture à l ’ intention des fonctionnaires qui sont les premiers à être en contact avec les personnes privées de liberté. Pour garantir la viabilité et l ’ autonomie du mécanisme de prévention, le SPT préconise l ’ élaboration d ’ un projet de loi destiné à consolider et à renforcer le décret de création de cette institution, qui disposera ainsi d ’ un cadre renforcé pour la prévention de la torture, comportant l ’ établissement d ’ un plan national définissant le rôle des diverses institutions en fonction de leur domaine de compétence et un programme de travail prévoyant des engagements, un suivi et des évaluations périodiques, ainsi que la visite des lieux où se trouvent des personnes privées de liberté qui permettront de suivre les progrès en matière de prévention de la torture et des mauvais traitements.

280. Sachant que la création du mécanisme national de prévention marque pour le Mexique le début de la mise en œuvre du Protocole facultatif, le SPT recommande que, pour favoriser sa viabilité et son renforcement, ledit mécanisme établisse son propre programme de travail et présente ses propres rapports, indépendamment des activités entreprises par l ’ Inspection générale n o 3 dans le cadre de la Commission nationale des droits de l ’ homme.

281. Le SPT invite instamment l ’ État fédéral et les divers États à mettre en œuvre les recommandations formulées jusqu ’ ici par le mécanisme national de prévention, ainsi que celles qu ’ il formulera à l ’ avenir. C ’ est là une obligation contractée par le Mexique à l ’ échelon international en vertu des articles 22 et 23 du Protocole facultatif, qui disposent: «Les autorités compétentes de l ’ État partie intéressé examinent les recommandations du mécanisme national de prévention et engagent le dialogue avec lui au sujet des mesures qui pourraient être prises pour les mettre en œuvre. Article 23. Les États parties au présent Protocole s ’ engagent à publier et à diffuser les rapports annuels des mécanismes nationaux de prévention.».

B.Garanties visant à prévenir la torture et les mauvais traitements

1.Cadre juridique

282. Le SPT recommande avec force d ’ adopter le s mesures nécessaires d ’ ordre législatif , administrati f et autres, afin de mettre la législation primaire et secondaire en conformité avec les instruments internationaux relatifs à la torture, et en particulier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou d égradants et la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture. Il demande également à l ’ État partie de prendre en compte les normes et principes de caractère non contraignant consacrés tant par l ’ Organisation des Nations Unies que dans le cadre du système interaméricain (Principes et bonnes pratiques de protection des personnes privées de liberté dans les Amériques).

283.Conformément au principepro homine, ce dernier texte est celui qui protège le plus la personne humaine dans le cadre du système régional interaméricain dont le Mexique fait partie. Il prévoit l ’ imposition de peines conformes à la gravité du délit pour éviter que celui-ci soit assimilé à des lésions corporelles ou autres délits analogues. La révision de la législation doit aller de pair avec des programmes de formation et de sensibilisation appropriés à l ’ intention des auxiliaires de justice, des fonctionnaires de police et des agents pénitentiaires pour le s informer de la manière appropriée de qualifier les allégations de torture et de mener les enquêtes correspondantes afin d ’ éviter que la procédure d ’ enquête conduise à assimiler le délit de torture à des délits moins graves .

284. Le SPT invite instamment l ’ État partie à encourager les autorités législatives des États à élaborer un règlement d ’ application de la réforme en cours afin que la déclaration des personnes en détention pour quelque grief que ce soit se fasse devant les instances judiciaires compétentes, et non devant le ministère public. Le SPT recommande en outre, à côté des contrôles formels destinés à prévenir la torture, de mettre en place des programmes de sensibilisation sur l ’ élimination de toutes les formes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants au cours de l ’ enquête ou à tout autre moment où les personnes se trouvent sous la responsabilité des fonctionnaires du ministère public. Le SPT invite instamment l ’ État à accélérer la réforme de la Constitution compte tenu des recommandations qui précèdent et à le tenir au courant des progrès réalisés.

285. Le SPT recommande à l ’ État partie de veiller à ce que la définition de la torture contenue dans la législation nationale et dans la législation des États soit conforme aux normes internationales et de suivre les recommandations du Comité contre la torture à cet égard.

286. Le SPT recommande qu ’ en parallèle de la mise en œuvre de la réforme du système de justice pénale en cours, les autorités conçoivent et mettent en œuvre un programme de formation et de sensibilisation comportant un module sur les droits de la défense et le respect de la légalité en tant que moyen de prévenir la torture et les mauvais traitements et d ’ en protéger les personnes inculpées en détention.

2.Cadre institutionnel

287. Le SPT recommande à l ’ État partie de prendre des mesures en vue d ’ accélérer la mise en conformité de la législation fédérale et de la législation des États avec le nouveau cadre constitutionnel, y compris de veiller à ce qu ’ il soit procédé sans attendre à la nomination des juges de l ’ exécution , à tous les échelons.

288. Le SPT recommande à l ’ État partie de mettre en place un programme permettant d ’ évaluer et de garantir la gouvernance des prisons et de mettre fin aux pratiques d ’ autogestion qui sont répandues dans beaucoup d ’ entre elles et accroissent le risque d ’ actes de torture et de traitements cruels et inhumains, et de renforcer la formation des fonctionnaires de la Commission nationale des droits de l ’ homme et des commissions des droits de l ’ homme des États en matière de prévention de la torture.

289. Le SPT invite donc instamment le Mexique à intimer à toutes les autorités fédérales et autorités d ’ État qu ’ elles ont à donner dûment suite aux recommandations générales ou spéciales qu ’ ont faites les commissions des droits de l ’ homme mexicain e s en ce qui concerne les plaintes de particuliers et les situations générales qui pourraient donner lieu à des actes de torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu ’ à toutes les recommandations tendant à mettre fin à l ’ impunité des auteurs de tels actes.

290. En ce qui concerne l ’ aide juridictionnelle, le SPT recommande de diligenter les démarches de façon que disparaissent le plus vite possible les situations dans lesquelles les personnes les plus vulnérables se trouvent sans défense.

291. Le SPT recommande à l ’ État partie de réviser le dispositif de l ’ assistance juridictionnelle pénale et d ’ en éliminer les limites actuelles afin que les personnes privées de liberté puiss ent réellement consulter un avocat commis d ’ office dès le moment où elles sont appréhendées et exerce r leur droit de se faire défendre , et que soient ainsi prévenus et dénonc és les a ctes de torture et les mauvais traitement s . Le SPT recommande aussi à l ’ État partie d ’ améliorer, sur le plan quantitatif comme sur le plan qualitatif, les prestations offertes par les services d ’ ai d e juridi ctionnelle au niveau des États et , en p articulier, de s ’ assurer qu ’ i ls fonctionnent dans un cadre indépendant et institutionnel lement autonom e , en constituant des bases de données spécialisées où seront enregistrés tous les cas de torture et de traitement inhumain qui ont fait l ’ objet d ’ une plainte ou ont été dénoncés sous le sceau du secret professionnel.

292. Il faut que des mesures soient prises pour que les avocats à commettre d ’ office soient en nombre suffisant et qu ’ ils soient disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour répondre convenablement, en temps utile et de façon indépendante, aux nécessités de l ’ aide juridictionnelle au bénéfice des personnes qui en ont besoin, dès l ’ instant où ces personnes se trouvent sous la garde ou sous le contrôle du ministère public.

3.Le Bureau du Procureur général de la République et la mise en œuvre du Protocole d’Istanbul

293. Le SPT invite instamment l ’ État partie à faire d ’ abord connaître et diffuser largement parmi les professionnels qui administrent les établissements qui accueillent des personnes privées de liberté , le contenu du Protocole d ’ Istanbul et la meilleure façon de le mettre en œuvre. Il l ’ invite ensuite à chang er la pratique et les programmes de formation pour que les expertises médico-psychologiques réalisées selon le Protocole d ’ Istanbul retrouvent leur caractère d ’ origine, clairement établi dans le Protocole , et qu ’ elles ne servent pas de contre- preuve pour plaider la mauvaise foi des victimes. Il lui recommande en fin de renforcer l ’ application du Protocole d ’ Istanbul et de s ’ assurer que les enquêtes sont indépendantes, rapides et approfondies , que les professionnels du profil age médico-psychologique appartiennent à des instituts de médecine légale à l ’ indépendance démontrée et qu e l e s expertises soient acceptées à chaque étape de la procédure selon les critères d ’ évaluation judiciaire applicables.

4.La formation comme moyen de prévenir la torture

294. Le SPT invite instamment l ’ État partie à s ’ efforcer davantage de dispenser la formation voulu e , parce que c ’ est un moyen de prévenir la torture. La formation de la police doit avoir un caractère préventif. Il invite également les autorités compétentes à réviser et mettre à jour tous les programmes et cours de formation de la police à tous les niveaux, afin de les mettre en conformité avec les principes, les normes et les axes transversaux des droits de l ’ homme et, plus particulièrement, les principes de prévention de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

C.Situation des personnes privées de liberté

1.Statistiques et situation réelle concernant les plaintes pour torture

295. Le SPT recommande à l ’ État partie : de lancer de vastes campagnes de sensibilisation à la prévention de la torture et d ’ information sur la manière de porter plainte pour torture et sur les instances à qui s ’ adresser ; d ’ améliorer et de perfectionner les techniques de qualification et d ’ instruction des affaires de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il lui recommande également de constituer une base de données nationale pour systématiser les informations sur les faits de t orture et de mauvais traitement à partir des renseignements explicites tirés des plaintes déposées devant les fonctionnaires du ministère public, les services de police, les commissions des droits de l ’ homme des État s et les profils médico-psychologiques lesquels , comme on le redira p lus loin, devraient comporter un espace où serait indiqué d ’ après les explications d es victimes l ’ origine des lésions, ce dernier élément devant être dûment transmis comme élément présomptif de plainte.

296. Le SPT invite l ’ État partie à maintenir et renforcer les mesures propres à prévenir les actes de torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants. Ces mesures devraient s ’ inscrire dans une politique nationale prévoyant la création d ’ un registre centralisé des plaintes pour torture ou autre traitement inhumain, où seraient au moins consigné s l a date, le lieu, les modalités et les techniques de réalisation des faits de torture et des données sur les victimes et les auteurs éventuels.

2.Établissements et lieux de détention visités

297. Le SPT recommande, en cas de contravention de simple police ou de délit mineur, de faire de la privation de liberté, l ’ ultime solution, afin d ’ éliminer tout risque de détention injustifiée et de traitement cruel, inhumain et dégradant.

298. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ envisager d ’ augmenter le salaire des fonctionnaires de police afin qu ’ ils puissent subvenir à leurs besoins sans avoir à recourir à l ’ indignité de telles pratiques, qui constituent un évident abus de pouvoir et un risque de traitement cruel, inhumain et dégradant.

299. Le SPT demande aux autorités mexicaines des renseignements détaillés sur les pratiques actuelles qui consistent à inciter les fonctionnaires de police à opérer des mises en détention ou à atteindre un certain chiffre et les engagent à faire disparaître les comportements dont il a parlé au cas où ils se perpétueraient.

300. Le SPT recommande à l ’ État partie de reconsidérer et de faire disparaître la pratique général isée qui consiste à exhiber publiquement devant les médias les personnes privées de liberté qui n ’ ont pas encore été condamnées ni informées de leurs droits et des garanties légales de la défense, parce que ce genre d ’ exhibition non seulement facilite l ’ incrimination des prévenus mais constitue aussi un traitement cruel, inhumain et dégradant.

301. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures de formation et de sensibilisation aux questions liées à la prévention de la torture à l ’ intention des fonctionnaires de police les plus susceptibles d ’ abuser de leur pouvoir pendant les détentions. Il recommande également, lorsqu ’ il s ’ agit de maîtriser des personnes violentes, de recourir à des moyens ou des méthodes sans conséquences sérieuses pour l ’ intéressé et de ne pas exercer plus de force qu ’ il n ’ est strictement nécessaire et que justifient les circonstances du moment et le principe d e la légitim ité de la force proportionnée . Le SPT recommande en outre de renforcer les contrôles pour éviter que les fonctionnaires de police agissent de façon arbitraire au moment où ils appréhendent un individu. Sur ce plan, ils invitent instamment l ’ État partie à agir pour que les intéressés ne soient pas obligés de payer une amende arbitraire aux représentants de la force publique pour ne pas être soumis au poste à des procédures inutiles de garde à vue .

302. Le SPT recommande d ’ améliorer les conditions matérielles dans les postes de police et les lieux de détention municipaux et de s ’ assurer :

Q ue toutes les cellules des postes de police sont propres et d ’ une taille raisonnable au regard du nombre de détenus;

Q ue les conditions d ’ éclairage et de ventilation sont satisfaisantes;

Que les détenus sont pourvus de literie lorsqu ’ ils doivent passer la nuit dans l ’ établissement;

Q ue les détenus sont dotés des produits d ’ hygiène et des nécessités de base;

Q ue les détenus aient accès à l ’ eau potable et disposent d ’ une nourriture adéquate en quantité et en qualité;

Q ue les personnes détenues plus de vingt-quatre heures puissent faire des exercices physiques pendant une heure par jour;

Q ue le personnel de surveillance soit composé de personnes des deux sexes et que ce sont des femmes qui surveillent les quartiers des femmes.

303.Le SPT recommande que dans le registre des admissions soient consignés les motifs de l ’ arrestation, l ’ heure exacte de l ’ admission , la durée de la détention , l ’ autorité qui l ’ a décidée et l ’ identité du fonctionnaire chargé d ’ y procéder, ainsi que des indications précises quant au lieu de détention et à l ’ heure de la première comparution du détenu devant une autorité judiciaire ou autre.

304. Le SPT recommande que les services du procureur mettent en place un système perm ettant de suivre la séquence des diverses étapes de la détention , reposant sur un registre normalisé sur lequel seraient consignés, dans l ’ instant et de manière complète, les renseignements essentiels concernant la détention de la personne intéressée et les divers fonctionnaires sous la responsabilité desquels elle se trouve à tout instant, afin que les personnes intéressées et les autorités compétentes sachent dans quel lieu et sous le contrôle de quelles instances se trouvent les personnes détenues. Toutes les indications portées sur le registre devraient être signées par un fonctionnaire et contre-signées par un supérieur, de même que par le médecin chargé d ’ attester de l ’ intégrité des détenus.

305. Le SPT recommande de développer la publication d ’ affiches et d ’ autres moyens de diffuser des informations sur ces garanties, c omme des brochures contenant l ’ énoncé des droits des personnes privées de liberté , qui devront être placées bien en évidence dans tous les lieux de détention. Le SPT recommande par ailleurs que toutes les personnes détenues soient informées de leurs droits et qu ’ il soit fait appel à des interprètes parlant les langues autochtones ou des langues étrangères chaque fois que nécessaire.

306. Le SPT recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le droit des détenus d ’ aviser les membres de leur famille de leur détention soit inscrit dans le texte énonçant les droits des personnes détenues, que les détenus soient informés de ce droit, et qu ’ ils soient invités à signer un formulaire dans lequel ils indiquent le nom de la personne qu ’ ils désirent informer. Le SPT estime que les membres de la police doivent recevoir une formation sur la manière d ’ informer les détenus de leur droit et de donner effet à ce droit en avisant la personne en question. Le SPT estime également que pour prévenir les risques de torture et de mauvais traitements il est fondamental que l ’ État garantisse la présence d ’ un avocat ou d ’ un avocat commis d ’ office lorsque les détenus n ’ ont pas les moyens de payer les services de ces personnes.

307. Le SPT recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour que les avocats à commettre d ’ office soient en nombre suffisant et qu ’ ils soient disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour répondre convenablement et en temps utile aux nécessités en matière d ’ aide juridictionnelle des personnes qui en ont besoin, dès l ’ instant où celles-ci sont en détention et avant qu ’ elles se trouvent sous la garde du ministère public.

308. Le SPT invite instamment les autorités mexicaines à garantir l ’ impartialité du travail des médecins dans l ’ établissement de leur rapport. Il recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que les examens médicaux soient pratiqués dans le respect du secret professionnel: nulle autre personne que le personnel médical ou le patient ne doit être présente pendant l ’ examen. Dans des cas exceptionnels, comme lorsque le médecin estime qu ’ une personne détenue pour des motifs médicaux ou psychiatriques représente un danger pour le personnel médical, des mesures spéciales de sécurité peuvent être envisagées, comme la présence d ’ un fonctionnaire de police à proximité. En dehors de ces cas, les policiers doivent toujours se tenir à une distance qui ne leur permette pas de voir ni d ’ entendre ce qui se passe à l ’ endroit où se déroule l ’ examen médical. Le SPT estime que toutes les personnes détenues par la police devraient faire l ’ objet d ’ un examen médical systématique dans les meilleurs délais.

309. Le SPT recommande que l ’ examen médical de chaque détenu donne des indications sur: a) les antécédents médicaux de l ’ intéressé et la description par celui-ci des actes de violence dont il a pu être victime; b) l ’ état de santé au moment de l ’ examen ou la présence de symptôme; c) les résultats de l ’ examen médical, en particulier la description des lésions le cas échéant et une note indiquant qu ’ il a été procédé à l ’ inspection de tout le corps du détenu; d) les conclusions du médecin quant à la concordance entre ces trois éléments.

310. Le SPT recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures de surveillance dans la hiérarchie de la police afin que les officiers supérieurs s ’ acquittent de leurs fonctions en la matière et rendent compte en détail de la manière dont les agents qui procèdent aux arrestations s ’ acquittent de leur tâche.

311. Le SPT recommande vivement à l ’ État partie de veiller à ce que les mesures de surveillance du comportement des policiers soient renforcées d ’ urgence et de manière systématique. Les cas d ’ abus de pouvoir doivent être sévèrement punis.

312. Le SPT recommande à l ’ État partie de prévoir, dans le formulaire de l ’ examen de routine des détenus récemment admis, un champ dans lequel il serait rendu compte des antécédents récents d ’ exposition à des actes de violence, et un autre contenant une appréciation de la concordance entre les antécédents de violence, l ’ état de santé du moment/les symptômes et les constatations objectives.

313. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ augmenter radicalement les effectifs d ’ agents pénitentiaires afin qu ’ ils soient en nombre suffisant pour faire régner la discipline dans les établissements et exercer une surveillance efficace dans toutes les parties des divers établissements.

314. Le SPT recommande la mise en place d ’ un registre des admissions unique, relié et coté pour tous les établissements pénitentiaires de l ’ État partie. Le registre devra indiquer clairement: l ’ identité du détenu, les motifs de l ’ admission, l ’ autorité compétente qui l ’ a décidée et le jour et l ’ heure de l ’ admission et de la sortie. Les agents pénitentiaires devront être formés à la tenue de ces registres afin qu ’ aucune case ne soit laissée en blanc. Le SPT recommande également la mise en place d ’ un registre des mesures disciplinaires uniforme indiquant l ’ identité de l ’ auteur de l ’ infraction, la sanction adoptée et sa durée, et le fonctionnaire compétent . Le SPT recommande la constitution de dossiers dans lesquels seront enregistrés tous les ex amens médicaux pratiqués sur les détenus . Le rapport médical devra comporter un espace pour la description de toutes les lésions traumatiques. Un autre espace devrait être réservé pour l ’ app réciation par le lien logique entre les antécédents de mauvais traitements, l ’ état de santé du moment et les symptômes, et les conclusions cliniques. Un rapport devrait être consacré aux maladies contagieuses. Sur tous c es documents devront être indiqués la date et l ’ heure de l ’ examen, le nom du détenu, son âge et le numéro de sa cellule, plus le diagnostic et tout autre élément pertinent. Le SPT recommande également à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires à l ’ établissement de registres des décès destinés aux établissements et de registres centraux (au niveau des États et au niveau fédéral), indiquant le nom et l ’ âge de l ’ intéressé, le lieu et la cause du décès, le résultat de l ’ examen médico-légal et des précisions sur les circonstances du décès s ’ il ne s ’ agit pas de mort naturelle. Le SPT recommande également à l ’ État partie d ’ augmenter le budget des prisons pour qu ’ elles disposent de s ressources nécessaires à la fourniture de médicaments pour les détenus qui en ont besoin. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ organiser des cours de formation spécialisés destinés aux médecins qui travaillent dans les prisons sur d es thèmes d ’ actualité comme les maladies contagieuses, l ’ épidémiologie, l ’ hygiène et la médecine légale, y compris la description des lésions, et l ’ éthique médicale. Les médecins devront être obligés de suivre une formation spécialisée comprenant des cours sur les droits de l ’ homme en général et sur les devoirs du personnel de santé qui travaille dans les lieux de détention en particulier.

315. Le SPT recommande la constitution de fichiers informatiques comportant un champ consacré à la description de l ’ origine des lésions traumatiques. Il recommande également l ’ établissement de registres des décès et des maladies contagieuses. Sur chaque registre devraient figurer la date et l ’ heure, l ’ âge et le nom de la personne , le numéro du dortoir, le diagnostic et toute autre indication pertinente.

316. Le SPT invite instamment l ’ État partie à lui fournir des renseignements détaillés et à jour sur les pratiques actuelles qui consistent à accorder des primes aux policiers et aux responsables de l ’ application des lois. Il lui recommande également d ’ élaborer un plan comportant des objectifs clairs et précis en vue de faire face à ce problème et l ’ engage à lancer d ’ urgence des campagnes de sensibilisation en vue de prévenir le recours à de telles pratiques par les fonctionnaires de police.

317. Le SPT invite instamment l ’ État partie à améliorer les mesures de vérification de l ’ âge des personnes admises dans les établissements pénitentiaires afin qu ’ aucun mineur ne puisse être admis dans des établissements pour adultes.

318. Le SPT recommande à l ’ État partie de faire en sorte que le taux d ’ occupation de ces quartiers soit fortement réduit et que toutes les détenues soient pourvues de produits d ’ hygiène essentiels. Il lui recommande également de veiller à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour développer les loisirs et les activités récréatives. Il recommande encore de réexaminer d ’ urgence les conditions matérielles, y compris de prévoir des travaux de rénovation. Le SPT recommande à l ’ État partie de prendre les dispositions qui s ’ imposent en faveur des détenues qui vivent avec leurs enfants et de s ’ efforcer d ’ augmenter les effectifs de personnes travaillant dans ces établissements.

319. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ élaborer des projets de principes concernant les mesures à prendre pour répondre aux besoins spéci aux des femmes en prison. Le SPT considère que le traitement des femmes en prison doit s ’ inspirer non seulement de l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus et d ’ autres directives spécifiques concernant les prisons , mais aussi de tous les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme pertinents. Outre les normes internationales, les États doivent respecter les normes régionales pertinentes.

320. Le SPT recommande au Mexique d ’ allouer des ressources budgétaires suffisantes et d ’ organiser des cours de formation et des campagnes de sensibilisation afin de permettre aux tribunaux de l ’ exécution de fonctionner efficacement sur tout le territoire et de donner ainsi effet à l ’ article 21 de la Constitution qui porte création de ces instances. Il recommande également d ’ envisager la possibilité de charger les magistrats qui composent ces tribunaux d ’ exercer un contrôle sur les conditions de détention, les transferts, la modification et la durée des sanctions administratives et des peines, selon une procédure définie dans la loi.

321. Sachant que l ’ État est responsable en dernier ressort des violations des droits de l ’ homme qui peuvent être commises par les personnes à l ’ intérieur de ces établissement s , le SPT recommande que , après avoir établi un diagnostic de situation de risque et d ’ opportunité, chaque établissement pénitentiaire prenne les mesures qui s ’ imposent afin d ’ empêcher de s situation s susceptibles de donner lieu à des risques de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants. Compte tenu de ce qui précède, et à titre de précaution, le SPT recommande de réexaminer sans délai la situation des détenus du dortoir n o  19 et d ’ autres endroits analogues de la prison Santa Marí a Ixcotel de Oaxaca, dans lesquels le degré de surpeuplement est intolérable.

322. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ accorder une attention particulière au problème du surpeuplement et de tout mettre en œuvre pour améliorer les conditions de vie des personnes privées de liberté. Il l ’ invite instamment à élaborer un plan d ’ action et à fixer les priorités budgétaires en vue de l ’ amélioration des établissements carcéraux de tout le pays.

323. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ augmenter les effectifs d ’ agents pénitentiaires afin de garantir la sécurité des centres en général , ainsi que celle des agents eux-mêmes et des détenus face à d ’ éventuels actes de violence d ’ autres détenus. Il recommande également que , conformément aux règles minima adoptées à l ’ échelon international, les personne l s pénitentiaires reçoivent une rémunération suffisante et suivent un cours de formation générale et spéciale, et qu ’ ils soient soumis à des épreuves d ’ ordre théorique et pratique afin de s ’ assurer qu ’ ils sont aptes à fournir les services considérés .

324. Le SPT recommande que tous les établissements pénitentiaires soient dotés d ’ un règlement disciplinaire définissant: a) les comportements qui constituent une faute disciplinaire; b) le caractère et la durée des sanction s disciplinaire s qui peuvent être imposés; c) l ’ auto rité compétente pour prononcer le s sanctions.

325. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer l ’ application du Protocole d ’ Istanbul en faisant en sorte que les enquêtes soient indépendantes , rapides et approfondies, que les professionnels chargés d ’ établir le diagnostic médico- psychologique appartiennent à des instituts de médecine légale à l ’ indépendance démontrée et que les expertises soient acceptées à chaque étape de la procédure selon les critères d ’ évaluation judiciaire.

326. Le SPT recommande que des mesures appropriées soient pris es dans tous les établissements pénitentiaires afin d ’ empêcher l ’ existence de situations qui pourraient donner lieu à des risques de tortu r e et de traitements cruels, inhumains et dégradants. Il recommande à cet égard de réexaminer sans délai la situation des personnes privées du dortoir n o  19 et d ’ autres endroits analogues de la prison Santa Marí a Ixcotel d ’ Oaxaca dans lesquels le degré de surpeuplement est intolérable.

327. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ améliorer le système de s registre s dans les établissements pénitentiaires.

328. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ améliorer les conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires, compte tenu des principes suivants :

Les locaux de détention doivent être dûment aérés et chauffés, le cas échéant (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 10);

Les locaux de détention doivent disposer d ’ un éclairage naturel, laisser entrer l ’ air frais et disposer d ’ une lumière artificielle suffisante (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 11);

Les installations sanitaires doivent être propres et décentes (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 12);

Les installations de bain et de douche doivent être suffisantes (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 13);

Les détenus doivent disposer de produits d ’ hygiène (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 15) ;

Les détenus doivent disposer d ’ un lit individuel et d ’ une literie individuelle suffisante (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 19);

Les détenus doivent recevoir une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie , et pouvoir se pourvoir d ’ eau potable (Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, art. 20).

329. Le SPT recommande à l ’ État partie de concevoir un programme de lutte contre la corruption. Il l ’ engage également à redoubler d ’ efforts pour augmenter le nombre de personnes chargées de surveiller le comportement des policiers et des agents pénitentiaires.

330. Le SPT recommande aux autorités pénitentiaires de contrôler l ’ attribution des cellules et des lits afin de veiller à ce que tout détenu dispose d ’ un endroit convenable pour dormi r , hors de toute contribution financière. Les autorités pénitentiaires doivent s ’ engager à garantir ce droit.

331. Le SPT recommande aux autorités pénitentiaires d ’ inscrire sur le registre de l ’ établissement et dans le dossier personnel du détenu le pavillon dans lequel il est affecté et les raisons de cette affectation. Tout établissement doit adopter des règles écrites et des critères transparents sur les modalités d ’ affectation des détenus dans les divers pavillons.

332. Dans ses observations préliminaires, la délégation a engagé l ’ État partie à entreprendre sans délai la restructuration de l ’ annexe de la prison de Zimatlán afin d ’ offrir aux personnes qui s ’ y trouvent en détention des conditions de vie décentes. Le SPT prend note de la réponse de l ’ État partie aux observations préliminaires sur sa visite et demande aux autorités compétentes de lui fournir des renseignements détaillés sur la situation dans laquelle ces personnes se trouvent à l ’ heure actuelle.

3.Figures juridiques et pratiques

333. Le SPT recommande au Mexique de renforcer les capacités afin de disposer du personnel nécessaire pour enquêter sur les délits, tant au niveau fédéral que local, et de renoncer à des figures et des pratiques aboutissant à des détentions illégales qui ne répondent pas aux critères du flagrant délit et ne respectent pas la règle selon laquelle nul ne peut être appréhendé sans mandat d ’ arrêt hors les cas de flagrant délit.

334.Le SPT engage l ’ État partie à examiner les recommandations qui lui ont été adressées au sujet de l ’arraigo par les différents mécanismes de l ’ ONU mentionnés dans le présent rapport. Dans la ligne des recommandations adressées à l ’ État partie à l ’ occasion de l ’ Examen périodique universel et compte tenu du caractère préventif de son mandat, le SPT recommande à l ’ État partie d ’ abolir l ’arraigo, procédure qui échappe à tout contrôle judiciaire et qui risque de donner lieu à des actes de torture et des mauvais traitements.

335. Le SPT tient à rappeler à l ’ État mexicain que les personnes privées de liberté doivent être pleinement informées de leurs droits et de leurs devoirs, ainsi que des conditions de détention dans lesquelles elles vont être placées, et qu ’ elles doivent être traitées humainement, dans le respect de leur dignité.

336.Le SPT considère que la figure de l ’arraigo peut créer des conditions propres à faciliter la pratique de la torture, et recommande l ’ adoption de mesures législatives, administratives ou de toute autre nature afin d ’ éviter des situations susceptibles de donner lieu à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

4.La situation des groupes vulnérables en détention

337. Le SPT recommande à l ’ État partie de consolider le Centre de tutelle d ’ Oaxaca afin qu ’ il puisse continuer de fonctionner durablement et servir de modèle à d ’ autres lieux de privation de liberté pour mineurs.

338. Le SPT engage l ’ État partie à redoubler d ’ efforts afin de garantir la mise en œuvre effective des instruments internationaux concernant les enfants et les adolescents auxquels celui-ci a adhéré.

339. Le SPT tient à rappeler à l ’ État partie qu ’ en vertu des normes internationales, les parents doivent être informés de l ’ admission, du transfert et de la libération d ’ un mineur, de même qu ’ en cas de maladie, d ’ accident ou de décès .

340. Le SPT recommande vivement à l ’ État partie de prendre sans délai des mesures administratives et d ’ établir d ’ urgence un plan de restructuration complète de cet établissement. Les conditions matérielles et la gestion doivent être radicalement et intégralement transformées en mettant en place toutes sortes d ’ activités qui doivent non seulement être prévues en théorie mais exister dans la pratique. Si la restructuration n ’ est pas possible, le SPT recommande la fermeture de l ’ établissement.

341. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ ajouter aux cours de formation destinés aux responsables de l ’ application des lois un module consacré aux moyens de prévenir la torture et les traitements cruels quand des personnes sont maintenues en garde à vue dans des lieux publics et privés lors de descentes de police ou pendant le transport jusqu ’ aux commissariats.

342. Le SPT invite instamment l ’ État partie à prendre en considération la règle 24 de l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs («Règles de Beijing»), selon laquelle il importe de s ’ efforcer d ’ assurer aux mineurs, à toutes les étapes de la procédure, une assistance en matière de logement, d ’ éducation et de formation professionnelle, d ’ emploi ou autre forme d ’ aide utile et pratique en vue de faciliter la réinsertion.

343. Le SPT recommande à l ’ État partie de veiller à concevoir une instruction appropriée et des cours de formation et des programmes de sensibilisation adaptés aux fonctions que sont appelées à exercer les personnes chargées des contacts avec les mineurs se trouvant sous la garde de l ’ État d ’ une manière ou d ’ une autre.

344. Le SPT invite instamment l ’ État mexicain à veiller à ce que les parents des mineurs sous sa garde soient informés de l ’ endroit où se trouvent leurs enfants par des moyens de communication appropriés.

345. Le SPT recommande à l ’ État partie de tout mettre en œuvre afin que les autochtones puissent avoir un accès différencié à la justice, en particulier aux stades de la procédure où ils risquent le plus de se trouver sans défense et d ’ être victimes d ’ atteintes à leur intégrité physique et mentale.

346. Le SPT tient à rappeler à l ’ État mexicain l ’ article 13 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui consacre l ’ obligation pour les États d ’ adopter des mesures efficaces pour que les peuples autochtones puissent comprendre et être compris dans les procédures politiques, juridiques et administratives, en fournissant, si nécessaire, des services d ’ interprétation ou d ’ autres moyens appropriés.

347. Le SPT recommande à l ’ État partie de renforcer les moyens de communication existants à l ’ intention des autochtones privés de liberté et de leur offrir, en tant que de besoin, des services d ’ interprétation ou d ’ autres moyens de communication appropriés. L ’ État doit également veiller à ce que les établissements pénitentiaires adoptent des mesures de discrimination positive afin que les autochtones privés de liberté puissent conserver leurs pratiques et leurs coutumes dans les meilleures conditions possibles. Pour éviter d ’ aggraver la situation dans laquelle ils se trouvent coupés de leurs territoires ancestraux et de leur famille, laquelle n ’ a guère la possibilité de leur rendre visite, l ’ État doit prévoir leur transfert dans des établissements pénitentiaires plus proches de leur communauté d ’ origine.

348. Le SPT invite instamment les autorités de l ’ État partie à enquêter sur toutes les allégations de mauvais traitements et de vexations imputées à des policiers et rappelle à l ’ État partie qu ’ il est de son devoir de veiller à ce que de tels comportements ne restent pas impunis.

349. Le SPT recommande à l ’ État partie d ’ envisager de procéder à une étude des mauvais traitements dont les femmes disent être souvent victimes de la part des policiers au moment de leur arrestation. Il lui recommande également de prendre les mesures de sécurité et de contrôle qui s ’ imposent à l ’ égard des personnes qui rendent visite aux prisonniers, en particulier les femmes, de façon à préserver leur dignité et à respecter leur intimité.

5.Absence d’enquête, impunité et réparation

350. Le SPT invite instamment l ’ État partie à mettre en place des mécanismes et des contrôles permettant de donner suite aux plaintes de torture, ainsi qu ’ un programme national de prise en charge des victimes de torture afin de leur accorder réparation, et à lancer une campagne de prévention en vue d ’ empêcher que ces actes se reproduisent.

Annexe I

Lieux de privation de liberté visités

La délégation a visité 12 quartiers de détention (separos) relevant de la police ou de la justice.

District fédéral:

Arraigo national fédéral

Agencia de Separos Federales (Centre de détention fédéral, calle Liverpool)

Agencia no 50

Jalisco:

Quartiers d’isolementdu Ministère de la sécurité publique

Arraigo 2750 Avenida Cruz del Sur

Bureau du Procureur général de la République (calle 14)

Quartier d’isolementprincipal de la police municipale

Nuevo León:

Service des enquêtes, Bureau du Procureur général (Gonzalito)

Police municipale, Alamey

Oaxaca:

Police préventive municipale

Quartier d’isolement du Bureau du Procureur général

Corps d’élite de la police (arraigo)

La délégation a visité sept établissements pénitentiaires.

District fédéral:

Prison Oriente

État de Mexico:

Centre de prévention et de réinsertion sociale Molino Flores

Jalisco:

Centre de prévention et de réinsertion pour femmes

Prison préventive de l’État de Jalisco (Puente Grande)

Oaxaca:

Santa María Ixcotel

Prison régionale de Valles Centrales

La délégation a visité une prison militaire.

Prison militaire no 1, District fédéral

La délégation a visité deux établissements pour mineurs.

Centre de détention et de réadaptation pour adolescents délinquants, Monterrey

Direction de l’exécution des mesures concernant les adolescents, Conseil de tutelle, Oaxaca

La délégation a visité deux hôpitaux psychiatriques à Oaxaca.

Annexe de la prison de Zimatlán

Hôpital psychiatrique Cruz del Sur

Annexe II

Liste des hauts fonctionnaires et autres personnalités que la délégation a rencontrés

1.Autorités fédérales

Ministère des affaires étrangères, Alejandro Negrín

Ministère de l’intérieur

Ministère de la sécurité publique

Ministère de la santé

Bureau du Procureur général de la République

Ministère de la défense

Institut national des migrations

2.District fédéral

José Ángel Ávila Pérez, Ministre de l’intérieur

Miguel Ángel Mancera Espinosa, Procureur général du District fédéral

Antonio Hazael Ruiz Ortega, Sous-Secrétaire aux affaires pénitentiaires

Gerardo Moisés Loyo Martínez, Directeur exécutif de la justice civile

3.Municipalité de León, État de Guanajuato

Vicente Guerrero Reynoso, maire

Álvaro Cabeza de Vaca Appendini, Secrétaire aux affaires de sécurité

Ricardo López López, Centre de formation de la police

Roberto Aldea Tafolk, Cabinet du maire

4.État de Mexico

Víctor Humberto Benítez Treviño, Ministre de l’intérieur

Alberto Bazbaz Sacal, Procureur général de l’État de Mexico

Eric Sevilla Montes de Oca, Directeur général de la prévention et de la sécurité sociale

5.Jalisco

Luis Carlos Nájera Gutiérrez de Velasco, Ministre de la sécurité

José González Jiménez, Directeur général de la prévention et de la réinsertion sociale

Leopoldo García Rodriguez, Service du Procureur

Daniel Ojeda Torres, Ministère de la santé

Francisco Alejandro Solorio Aréchiga, Directeur général de la sécurité publique

6.Nuevo León

Rodrigo Medina de la Cruz, Ministre de l’intérieur

Hugo Campos, Procureur

7.Oaxaca

Ministère de l’intérieur

Manuel García Corpus, Ministre de l’intérieur

Rosario Villalobos Rueda, Sous-Secrétaire aux droits de l’homme

Joaquín Rodríguez Palacios, Vice-Ministre de l’intérieur

Bureau du Procureur général de l’État

Evencio Nicolás Martínez Ramírez, Procureur général de l’État

Netolín Chávez Gallegos, Procureur adjoint chargé des enquêtes

Héctor Humberto Vásquez Quevedo, Directeur des droits de l’homme

Alan Loren Peña Argueta, Directeur du service des enquêtes de l’État

Ministère de la protection des citoyens

Javier Rueda Velásquez, Ministre de la protection des citoyens

Mayor Hermilo Aquino Díaz, Directeur de la prévention et de la réinsertion sociale

Miguel Ángel López Hernández, Coordonnateur des affaires juridiques

Comandante Gonzalo Ríos López, Directeur de la sûreté

Jorge A. González Illescas, Directeur de l’exécution des mesures concernant les adolescents

Ministère de la santé

Lauro Rodolfo Carreño Armengol, Directeur de l’hôpital psychiatrique «Cruz del Sur»

Mairie d’Oaxaca de Juárez

Sergio Loyo Ortega, Coordonnateur général de la sécurité publique, de la voirie et des transports

8.Mécanisme national de prévention

Andrés Calero Aguilar, Président du mécanisme national de prévention

9.Commission des droits de l’homme du District fédéral

Emilio Álvarez Icaza, Président

10.Commission des droits de l’homme de l’État de Jalisco

Felipe de Jesús Álvarez Cibrian, Président

César Alejandro Orozco Sánchez, premier visiteur

11.Commission des droits de l’homme de l’État de Nuevo León

José Luis Mastreta

Rafael Jiménez

12.Commission des droits de l’homme d’Oaxaca

Heriberto Antonio García

13.Fédération mexicaine des médiateurs

Carlos García Carranza, Président de la Commission des droits de l’homme de l’État de Durango et de la Fédération mexicaine des organismes publics des droits de l’homme (FMOPDH)

Jorge Victoria Maldonado, Président de la Commission des droits de l’homme de l’État du Yucatán et Secrétaire de la Fédération mexicaine des organismes publics des droits de l’homme (FMOPDH)

Juan Manuel Iván Geraldo Quiroz, Visiteur général de la Commission des droits de l’homme de l’État de Basse-Californie du Sud

Omar Williams López Ovalle, Président de la Commission des droits de l’homme de l’État d’Aguascalientes

José Bruno del Río Cruz, Président de la Commission des droits de l’homme de l’État de Tamaulipas

José Fausto Gutiérrez Aragón, Président de la Commission des droits de l’homme de l’État de Morelos

Jaime Almazán Delgado, Président de la Commission des droits de l’homme de l’État de Mexico

Oscar Humberto Herrera López, Président de la Commission des droits de l’homme de l’État de Nayarit

Andrés Calero Aguilar, troisième visiteur général de la Commission nationale des droits de l’homme

Jahyro Rodríguez García, Secrétaire particulier du Président de l’État de Durango

14.Aide juridictionnelle

César Esquinca

15.Société civile

Centre d’études frontalières et de promotion des droits de l’homme

Centre des droits de l’homme Victoria Díez

Centre des droits de l’homme Fray Bartolomé de las Casas

Red Todos los Derechos para Todos (Réseau tous les droits pour tous)

Centre des droits de l’homme Miguel Agustín Pro

Commission des droits de l’homme Fray Francisco de Vitoria

Commission mexicaine de défense et de promotion des droits de l’homme

Sin Fronteras

Colectivo Contra la Tortura y la Impunidad

Ligue mexicaine des droits de l’homme (Liga Mexicana de Derechos Humanos)

Reintegra

CEPAD (Centro para la paz y el desarrollo)

ITESO (Université jésuite de Guadalajara)

Commission des droits de l’homme. Coordinación 28 de mayo

Ciudadanos en Apoyo a los Derechos Humanos

Red Oaxaqueña de Derechos Humanos

Comité de Liberación 25 de Noviembre

Commission régionale des droits de l’homme Mahatma Gandhi

BARCA-DH (Centro de Derechos Humanos Bartolomé Carrasco)