Nations Unie s

CERD/C/FRA/CO/17-19

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

23 septembre 2010

Original: français

Comité pour l ’ éliminati on de la discrimination raciale

Soixante- dix-septi ème session2-27 août 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination raciale

France

1.Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné les dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième rapports périodiques de la France présentés en un seul document (CERD/C/FRA/17-19), à ses 2026e et 2027eséances (CERD/C/SR.2026 et.2027), tenues les 11 et 12 août 2010. À ses 2044e et 2045e séances (CERD/C/SR 2044.et 2045), tenues les 24. et 25.août 2010, le Comité a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la haute qualité du rapport détaillé et complet (CERD/C/FRA/17-19) soumis par l’État partie dans les délais fixés, et élaboré conformément aux directives concernant l’établissement des rapports (CERD/C/2007/1). Le Comité a en outre apprécié d’avoir pu mener un dialogue franc et sincère avec la délégation et les efforts poursuivis par celle-ci pour répondre en fournissant des informations détaillées à la liste des thèmes à traiter (CERD/C/FRA/Q/17-19) ainsi qu’à la plupart des questions posées par les membres du Comité durant le dialogue.

3.Le Comité salue la participation engagée des représentants de la société civile durant la session ainsi que l’engagement de celle-ci dans la lutte contre la discrimination raciale.

B.Aspects positifs

4.Le Comité enregistre avec satisfaction le rôle joué par la Commission nationale consultative des droits de l’homme tant sur le plan national qu’international. Il souligne l’importance des avis émis par cette commission sur les projets législatifs, et invite le Gouvernement à continuer de la consulter à cet effet.

5. Le Comité se félicite de la mise en place des outils législatifs nécessaires à la lutte contre la discrimination raciale, tels que la loi du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable et la loi du 25 mars 2008 sur l’égalité des chances, des mécanismes étatiques visant à prévenir et combattre la discrimination raciale au niveau départemental sous la forme de commissions pour la promotion de l’égalité des chances et de la citoyenneté (COPEC) et des pôles anti-discriminations dans les parquets.

6.Le Comité accueille avec satisfaction la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui permet depuis le 1er mars 2010 à tout justiciable de saisir le Conseil constitutionnel de la constitutionnalité d’une loi à l’occasion d’un procès. Le Comité se félicite également de l’existence du recours en constitutionalité qui peut être engagé a priori à l’encontre de tout projet de loi par un groupe suffisant de parlementaires.

7.Le Comité salue les efforts entrepris par l’État partie pour établir comme priorité nationale la lutte contre la discrimination et la promotion de l’égalité des chances au sein de l’enseignement. Notamment, il approuve à ce propos la mise en place des lycées d’excellence au sein des quartiers défavorisés, l’accompagnement personnalisé des élèves en difficulté, les internats d’excellence et l’ouverture des classes préparatoires aux grandes écoles aux élèves venant d’un milieu défavorisé sur des critères de mérite.

8. Le Comité se félicite de l’intervention du chef de la délégation, qui dans le cadre du devoir de mémoire a rappelé que la Conférence d’examen de Durban avait été l’occasion pour la France d’exprimer le souhait qu’un hommage soit rendu à la mémoire des victimes de l’esclavage, de la traite des esclaves, de l’apartheid et du colonialisme.

C.Recommandation spécifique liée à la mise en œuvre d’un plan national de lutte contre le racisme

9.Le Comité prend note de l’information selon laquelle l’État partie prépare un plan national de lutte contre le racisme. Le Comité espère que ce plan national recevra le soutien de toutes les autorités et de toutes les parties prenantes en France. Le Comité souhaite que l’élaboration de ce plan national permette à l’État partie de rendre sa politique plus cohérente et plus conforme à la Convention ainsi qu’à la Déclaration et au Programme d’Action de Durban. A cet effet il recommande à l’État partie de prendre en considération les priorités suivantes:

a)Affiner les statistiques démographiques, en particulier celles relatives aux personnes issues de l’immigration ou issues de groupes ethniques au sens de la Convention, et les indicateurs socioéconomiques concernant les discriminations dans l’État partie;

b)Identifier les personnes victimes de discrimination raciale;

c) Recenser les types de discrimination raciale et leurs causes;

d)Répertorier les mesures destinées à favoriser l’ascension à tous les niveaux de la société française des personnes issues de l’immigration ou issues de groupes ethniques au sens de la Convention et leur intégration, y compris dans le cadre de l’application des mesures spéciales visées aux articles 1er, paragraphe 4, et 2, paragraphe 2, de la Convention et confirmées dans la recommandation générale n° 32 (2009) du Comité;

e)Harmoniser et consolider les mécanismes existants en vue de mieux traiter les problématiques liées à la discrimination raciale;

f)Étudier et accorder une attention particulière aux populations d’outre-mer, en particulier autochtones;

g)Pour assurer l’efficacité du plan, nommer un haut représentant du Gouvernement qui sera chargé de le mettre en œuvre et de conseiller le Gouvernement sur l’ensemble de la politique publique de prévention et de lutte contre la discrimination raciale.

D.Sujets de préoccupation et recommandations

10.Le Comité s'inquiète de la tenue de discours politiques de nature discriminatoire en France. Le Comité juge en outre préoccupant de noter l’augmentation récente des actes et des manifestations à caractère raciste et xénophobe sur le territoire de l’État partie et des discours racistes sur Internet.

Le Comité recommande que l ’ État partie , lorsqu’il aborde l es questions liées aux composantes ethniques, raciales, culturelles ou étrangères de la population , affirme fermement dans ses discours et ses actions sa volonté politique de favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre les nations et groupes raciaux ou ethniques. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’intensifier ses efforts et d’user de tous les moyens pour combattre et enrayer la montée du racisme et de la xénophobie, notamment en condamnant fermement tous propos racistes ou xénophobes tenus par de s responsables politiques et en prenant d es mesures appropriées pour combattre la prolifération d ’actes et manifestations racistes sur Internet ( articles 2, 4 et 7 ).

11.Le Comité juge préoccupantes les informations selon lesquelles des mesures pourraient être prises dans les domaines de la citoyenneté qui entraîneraient une discrimination fondée sur l’origine nationale.

Le Comité recommande à l’ État partie de s’assurer que, conformément à l’article 1 er , paragraphe 3 , de la Convention, toute mesure prise dans ce domaine n’ait pas pour effet de mettre à l’index une nationalité donnée .

12Le Comité prend notedes dispositions de l'article premier de la Constitution de l'État partie selon lequel la France est une République indivisible qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion, qui sont invoquées par l'État partie pour ne pas procéder à un recensement de la population fondé sur des indicateurs ethniques ou raciaux.

Le Comité réitère sa position selon laquelle la collecte de données statistiques a pour objectif de permettre aux États parties d'identifier et d'avoir une meilleure connaissance des groupes ethniques présents sur leur territoire, des types de discrimination s dont ils sont ou peuvent être victimes, d'apporter d es réponses et d es solutions adaptées aux formes de discrimination identifiées et enfin de mesurer les progrès effectués. Le Comité recommande donc que l’État partie, conformément à ses r ecommandations générales n ° 24 (1999 ) , concernant l'article premier de la Convention, et n° 30 (2005 ) , concernant la discrimination à l'égard des non - ressortissants, proc è de à un recensement de s a population fondé sur une aut o - id entification ethnique ou raciale d es individus purement volontaire et anonyme.

13.Le Comité constate avec regret que, malgré les politiques récentes engagées en matière de lutte contre la discrimination raciale dans les domaines du logement et de l’emploi, les personnes issues de l’immigration ou issues de groupes ethniques au sens de la Convention continuent d’être victimes de stéréotypes et de discriminations de toutes sortes, qui font obstacle à leur intégration et à leur progression à tous les niveaux de la société française.

Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts en vue de permettre une progression sociale des personnes issues de l’immigration ou issues de groupes ethniques au sens de la Convention dans tous les domaines, y compris en accroissant le nombre des personnes qualifiées issues de ces groupes nommées à des postes d’autorité dans la sphère économique et au sein de l'État ( articles 5 et 7).

14.Le Comité s'inquiète de la montée des manifestations et des violences à caractère raciste envers les Roms sur le territoire de l'État partie. Il prend note de la déclaration de l’État partie devant le Comité selon laquelle un cadre aurait été mis en place qui régit le retour volontaire des Roms dans leurs pays d’origine. Le Comité relève que depuis la présentation du rapport de l’État partie, des informations font état de renvois collectifs de Roms dans leurs pays d’origine sans le consentement libre, entier et éclairé de tous les individus concernés.

Le Comité rappelle à l'État partie s es déclarations et lui recommande de veiller à ce que toutes les politiques publiques concernant les Rom s soient conformes à la présente Convention, d’éviter en particulier les rapatriements collectifs et d e s’employer à trouver des solutions pérennes au règlement des questions relatives aux Rom s dans le respect plein et entier de leurs droits de l’homme (articles 2 et 5).

15. Le Comité juge aussi préoccupantes les difficultés rencontrées par les membres de la communauté rom dans l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité invite instamment l’ État partie à garantir l’accès des Rom s à l’éducation, à la santé , au logement et aux autres infrastructures temporaires dans le respect du principe d’égalité , et à prendre en considération à cet égard s a r ecommandation g énérale n° 27 (2000) sur la discrimination à l’égard des Rom s .

16.Le Comité reste très préoccupé par les difficultés rencontrées par les «gens du voyage», notamment eu égard à la liberté de circulation, à l’exercice du droit de vote ainsi qu’à l’accès à l’éducation et à un logement décent. A ce sujet, le Comité note avec préoccupation que malgré les recommandations formulées dans ses précédentes observations finales, l’État partie n’a toujours pas mis à la disposition des «gens du voyage» le nombre nécessaire d’aires d’accueil que prescrit la loi du 5 juillet 2000 dite «loi Besson». Le Comité juge également préoccupante l'obligation légale qui est faite aux «gens du voyage» de se munir d'un titre de circulation à renouveler périodiquement.

Le Comité invite instamment l’ État partie à assurer aux «gens du voyage» l'égalité de traitement eu égard au droit de vote et à l 'accès à l'éducation. Le Comité recommande la mise en œuvre accélérée de la «loi Besson»  de manière à ce que la question d es aires illégales de stationnement ne se pose plus. Le Comité recommande également d 'aboli r l es titres de circulation des «gens du voyage» de manière à garantir une égalité de traitement entre tous les citoyens de l'État partie ( articles 2 et 5).

17. Compte tenu du fait que l’État partie a accepté le principe de diversité linguistique et culturelle, le Comité juge préoccupante la mise en œuvre partielle de ce principe sur le territoire français.

Le Comité recommande à l’ État partie d’intensifier ses efforts en vue de garantir à tous, sans distinction de race, de couleur ou d’origine ethnique, le droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités culturelles ( article 5 , alinéa e , sous-alinéa vi).

18.Tout en appréciant les explications détaillées fournies par l’État partie sur les efforts entrepris dans les territoires d’outre-mer pour permettre une meilleure représentativité ainsi qu’une plus grande autonomie des populations autochtones, le Comité reste préoccupé par le fait que le système actuel ne permet pas de reconnaître des droits collectifs aux peuples autochtones, notamment le droit ancestral à la terre. Le Comité se montre également préoccupé devant les difficultés grandissantes que rencontrent certains habitants des territoires d'outre-mer pour accéder sans discrimination à l’éducation, à l’emploi, au logement et à la santé.

Le Comité recommande à l’État partie de permettre une reconnaissance de s droits collectifs des peuples autochtones, surtout au regard du droit de propriété. Il recommande en outre à l'État partie de prendre les mesures législatives nécessaires en vue de ratifi er la Convention n° 169 de l’Organisation internationale du T ravail relative aux peuples indigènes et tribaux. Le Com ité recommande également à l'État partie d'intensifier ses efforts en vue de permettre l'égalité d'accès à l'éducation, au travail, au logement et à la santé dans les territoires d'outre-mer ( article 5).

19.Le Comité prend note du projet de loi sur le Défenseur des droits,, mais il se préoccupe de la multiplicité des fonctions assumées par cette nouvelle institution et craint que le mandat de lutte contre les discriminations, y compris la discrimination raciale, actuellement dévolu à la HALDE ne soit plus que l’un des éléments du mandat du Défenseur des droits.

À la lumière de sa recommandation sur le plan national de lutte contre la discrimination raciale et tout en souhaitant une plus grande coordination entre les mécanismes étatiques qui traite nt d es problématiques liées à la discrimination raciale, le Comité recommande de maintenir une institution indépendante distincte ayant pour mandat la lutte contre les discriminations , y compris la discrimination raciale. A cet égard, le Comité souligne l’importance du rôle joué par la HALDE dans la lutte contre les discriminations, notamment la discrimination raciale ( article 2).

20.Le Comité note avec satisfaction les progrès réalisés par l’État partie pour donner effet à ses précédentes observations finales sur la question des pensions des anciens combattants (CERD/C/FRA/CO/16, par. 24). Il note également la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010 qui déclare comme étant contraires au principe d’égalité de traitement certaines dispositions des lois de finances de 1981, 2002 et 2006 pertinentes.

Le Comité encourage l’État partie à permettre la pleine application de l a présen te décision et à veill er ce faisant à ce que tous les anciens combattants, quel s que soi en t leur lieu de résidence actuel le ou leur nationalité, soient traités de manière égale . Par ailleurs, il prie instamment l’ État partie de s’assurer que les futures lois de finance s ne soient plus de nature discriminatoire à l’égard des anciens combattants ( article 5) .

21.Ayant à l’esprit le caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions ont un effet direct sur la question de la discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990).

22.A la lumière de sa recommandation générale n° 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, qui s’est tenue à Genève en avril 2009, lorsqu’il applique la Convention dans son ordre juridique interne. Le Comité le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les plans d’action et autres mesures adoptés pour appliquer la Déclaration et le Programme d’action de Durban au plan national.

23.Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser les observations finales adoptées par le Comité à l’issue de leur examen dans la langue officielle et les autres langues communément utilisées, selon le cas.

24.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité prie l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations qui figurent aux paragraphes 9, 14 et 16 ci-dessus.

25.Le Comité souhaite également attirer l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations contenues dans les paragraphes 12, 13 et 18 et le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les mesures concrètes et appropriées qu’il aura prises pour mettre en œuvre de manière effective ces recommandations.

26.Le Comité recommande que les vingtième et vingt-et-unième rapports périodiques de l’État partie soient soumis en un seul document, d’ici le 27 août 2012, élaboré en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1). Il recommande en outre de traiter dans ce document tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité engage également l’État partie à respecter la limite de 40 pages imposée aux rapports présentés au titre d’un traité particulier et la limite de 60 à 80 pages pour ce qui est du document de base (voir les directives harmonisées données au paragraphe 19 du document HRI/GEN.2/Rev.6).