Nations Unies

CERD/C/FRA/20-21

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

25 octobre 2013

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Rapports présentés par les États parties en application de l’article 9 de la Convention

Vingtièmeetvingt et unième rapports périodiques des États parties devant être remis en 2012

France***

[23 mai 2013]

Table des matières

Paragraphes Page

Introduction1–33

Première partie: Observations générales4–1293

I.Renseignements sur la population4–123

II.Aperçu de la politique suivie depuis 200913-995

III.La situation des collectivités territoriales d’outre-mer100–12920

Deuxième partie: Observations particulières relatives aux articles 2 à 7de la Convention130–30825

Article 2130–15225

Article 3153–15428

Article 4155–19129

Article 5192–24934

Article 6250–25544

Article 7256–30845

Introduction

1.La France a ratifié, le 28 juillet 1971, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ci-après la Convention), adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 21 décembre 1965.

2.Dans le respect des Principes directeurs et conformément à la recommandation du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (ci-après le Comité), l’objet des 20e et 21e rapports, fusionnés dans le présent rapport, n’est pas de reprendre l’intégralité des renseignements déjà communiqués, mais de présenter les évolutions du droit et de la pratique internes intervenues depuis le dernier rapport périodique et d’actualiser les données précédemment transmises. En effet, en 2010, la France a remis un rapport additionnel contenant des informations sur la mise en œuvre de plusieurs recommandations formulées par le Comité à l’occasion de l’examen des 17e, 18e et 19e rapports de la France. Le présent rapport vient donc compléter les informations déjà communiquées et répondre aux observations et recommandations du Comité. En outre, les élections présidentielle et législatives qui se sont déroulées en mai et juin 2012 ont conduit, du fait de l’alternance, à de nouvelles orientations des politiques publiques dans la lutte contre le racisme et les discriminations.

3.Ce rapport est la synthèse des contributions provenant des ministères concernés par l’application de cette convention. Le Gouvernement a également pris en compte les observations formulées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et par le Défenseur des droits.

Première partie: Observations générales

I.Renseignements sur la population

1.Composition de la population

(a)Recensement

4.Au 1er janvier 2013, la population totale des territoires français atteint 65,33 millions d’habitants, dont 62,76 millions de personnes en France métropolitaine, 2,06 millions de personnes dans les départements d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion, Mayotte), et 515 000 résidents des collectivités d’outre-mer (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) (Chiffres INSEE, Institut national de la statistique et des études économiques).

5.En 2008, la France comptait 5,34 millions d’immigrés (personnes nées à l’étranger et résidant en France, source INSEE 2012). Sur ce chiffre, 14% avaient moins de 25 ans et 31% plus de 55 ans.

(b)Etrangers titulaires d’un titre de séjour

6.S’agissant des étrangers titulaires d’un titre de séjour, le Gouvernement français rappelle que seuls les étrangers âgés d’au moins 18 ans (16 ans s’ils exercent une activité professionnelle) sont tenus de détenir un titre de séjour. Depuis 2004, les ressortissants des pays de l’Union européenne (plus la Suisse, la Norvège, le Liechtenstein et l’Islande) sont dispensés de l’obligation de détenir un titre de séjour, sauf pour certains régimes transitoires.

Evolution du nombre d ’ étrangers titulaires d ’ un titre ou d ’ un document de séjour en  cours de validité de 2006 à 2010

2006

2007

2008

2009

2010

Un ion européenne

794 481

662 069

572 526

497 741

425 520

Pays tiers

2 230 954

2 282 628

2 373 120

2 350 882

2 376 692

Total

3 082 858

3 002 624

3 005 113

2 908 868

2 865 748

Source : Ministère de l’intérieur , Secrétaria t général à l’immigration et à l’intég ration, Service de la stratégi e .

Ventilation des titres de séjour pour les principales nationalités (données au 31/12/2010 «Pays tiers» )

Nationalité

2010

Alg é rienne

578 109

Marocaine

463 122

Turque

191 025

Tunisienne

177 176

Chinoise ( H ong K ong inclus)

77 394

Malienne

61 322

Sé n é galaise

55 538

République démocratique du Congo

47 235

Serbie-M ont é n é gro

45 202

Camerounaise

40 988

Source : Ministère de l ’ intérieur , Secrétariat général à l ’ immigration et à l ’ intégration , Service de la stratégie .

2.Minorités et statistiques ethniques (Recommandation n° 12 du Comité)

7.La France ne reconnaît pas en son sein l’existence de minorités ayant un statut juridique en tant que tel, et considère que l’application des droits de l’homme à tous les ressortissants d’un État, dans l’égalité et la non-discrimination, apporte normalement à ceux-ci, quelle que soit leur situation, la protection pleine et entière à laquelle ils peuvent prétendre.

8.La doctrine traditionnelle de la France sur les minorités découle de principes ancrés dans son histoire et fixés par la Constitution. Elle repose sur deux notions fondamentales: l’égalité en droit des citoyens, qui implique la non-discrimination; l’unité et l’indivisibilité de la Nation, qui portent à la fois sur le territoire et la population. Ces principes ont été réaffirmés dans la Constitution de 1958.

9.Dans la conception française, l’affirmation de l’identité est le résultat d’un choix personnel, non de critères définissant a priori tel ou tel groupe et dont découlerait un régime juridique distinct. Une telle approche protège tout à la fois le droit de chaque individu de se reconnaître une tradition culturelle, historique, religieuse ou philosophique, et celui de la refuser.

10.La position de la France sur les «statistiques ethniques» traduit cette approche. En application de l’article 1er de la Constitution, selon lequel la République «assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion», le Conseil constitutionnel a jugé que «si les traitements nécessaires à la conduite d’études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l’intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l’article 1er de la Constitution, reposer sur l’origine ethnique ou la race» (décision du Conseil constitutionnel n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007). Cette position ouverte fait l’objet d’un large consensus dans la société civile. Ainsi, la Commission nationale consultative des droits de l’homme se dit-elle défavorable à la mise en place de tout référentiel ethno-racial, même dans le but de lutter contre les discriminations, proposant toutefois que soient mis en place des outils quantitatifs permettant d’améliorer la mise en œuvre du droit de la non-discrimination (avis du 22 mars 2012).

11.La France est tout à fait favorable au développement d’outils qui permettent d’appréhender les discriminations en vue de mieux les combattre: si les «données objectives» sur lesquelles peuvent porter les études ne sauraient reposer sur l’origine ethnique ou la race, elles peuvent en revanche se fonder, par exemple, sur le nom, l’origine géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française, caractéristiques permettant de disposer d’une connaissance précise de la population et de ses besoins.

12.Ainsi, en 2011, le Défenseur des droits et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ont mis en commun leur expertise pour réaliser, à l’usage des acteurs de l’entreprise (employeurs, DRH, etc.), un guide sur la collecte de données en vue de faire progresser l’égalité des chances dans l’emploi et, sur la base de ces mesures, de prévenir ou corriger les éventuelles discriminations ainsi identifiées. Ce guide clarifie les conditions légales et méthodologiques permettant aux employeurs de s’engager de façon sécurisée dans une démarche de prévention des discriminations et de suivi de leurs politiques d’égalité. Il propose 25 fiches thématiques, regroupées en quatre volets, qui détaillent les actions pouvant être entreprises et les précautions qui doivent les entourer. Ce projet a bénéficié d’un soutien financier de la Commission européenne (Programme «Progress»).

II.Aperçu de la politique suivie depuis 2009

1.La prévention et la répression des phénomènes racistes et xénophobes

13.Pour renforcer l’efficacité de son action contre les phénomènes racistes et xénophobes, la France a développé des mesures nouvelles au plan interne mais s’est investie également dans une action internationale.

(a)Au plan interne

14.Depuis 2010, la France a renforcé les moyens d’actions et les pouvoirs des autorités en charge de la lutte contre le racisme et la xénophobie.

Mise en œuvre du plan national de lutte contre le racisme

15.En écho aux recommandations de la Conférence mondiale des Nations Unies contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, qui eut lieu à Durban en 2001, mais également de sa Commission nationale consultative pour les droits de l’homme, la France a pris l’engagement devant le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies, le 11 août 2010, d’élaborer un plan national de lutte contre le racisme (Recommandation n° 9 du Comité).

16.Le 15 février 2012, le Gouvernement a adopté en Conseil des ministres un plan national d’action contre le racisme et l’antisémitisme 2012-2014. Par lettre du 9 mars 2012, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale en a félicité la France.

17.Ainsi, le 15 février 2012, le Gouvernement a adopté en Conseil des ministres un plan national d’action 2012-2014 contre le racisme et l’antisémitisme autour de quatre axes:

•Mieux connaitre et mesurer les actes à caractère raciste et antisémite.

•Réprimer systématiquement les comportements racistes et antisémites et mieux protéger les personnes vulnérables.

•Conduire sur le long terme une stratégie complète de lutte contre les discriminations liées à l’origine dans les services de l’État, les collectivités territoriales et les entreprises en agissant en particulier par l’éducation, la culture, le sport, les médias avec une attention particulière à nos concitoyens d’outre-mer.

•Inscrire cette lutte dans la politique d’intégration et de promotion de l’égalité des chances.

18.Ce plan a été révisé le 26 février 2013 pour permettre la mise en place de neuf mesures de lutte contre les préjugés: module de formation commun à tous les nouveaux agents de l’État, formation des professionnels en contact avec le public, lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet, initiatives culturelles et mémorielles comme pédagogie de lutte contre la haine raciale, éveil de la conscience civique des jeunes, sensibilisation des futurs cadres de la Nation et acteurs socio-économiques, aide aux victimes, respect et tolérance dans le sport et l’éducation populaire, élaboration d’une charte et un label de la diversité en direction des entreprises.

19.Le Gouvernement a institué, par décret du 16 février 2012, un Délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme pour coordonner la mise en œuvre de ce plan, préparer et appliquer les décisions du comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

20.Placé sous placé sous la double autorité du Premier ministre, auquel il rend compte de ses travaux, et du Ministre de l’intérieur, auquel il est administrativement rattaché, le Délégué interministériel intervient dans le domaine de «la lutte contre le racisme et l’antisémitisme», avec une forte dimension préventive et éducative. Il convient de souligner que ce champ ne se confond pas avec l’ensemble des discriminations, en particulier celles liées au handicap, à l’âge, au sexe.

21.La commission de crimes graves à Montauban et à Toulouse au cours de l’année 2012 a incité le Gouvernement à compléter et réorienter en partie ce plan.

22.Le comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, réuni par le Premier ministre le 26 février 2013, a ainsi arrêté une série d’actions portant sur l’éducation, la formation et la sensibilisation à ces questions. Elles concernent les élèves, les étudiants, les agents de l’État, les personnels au contact du public, les associations investies dans l’éducation populaire et le sport, les internautes et les acteurs professionnels d’Internet, le monde du travail, les victimes, les lieux mémoriels et culturels. L’objectif est de renforcer la cohérence de l’action gouvernementale, de travailler en profondeur et dans la durée et de façon précoce afin de prévenir la formation des préjugés racistes et antisémites.

23.Pour chacune des mesures adoptées, un échéancier précis d’exécution et des indicateurs de suivi seront arrêtés. Le comité interministériel sera appelé à évaluer en 2014 les résultats de ce plan et à décider éventuellement de nouvelles impulsions.

24.Le Délégué interministériel veillera à redynamiser les commissions pour la promotion de l’égalité des chances et de la citoyenneté, qui œuvrent depuis 2005 à la lutte contre toutes les formes de discrimination dans divers domaines (justice, emploi, éducation, etc.) par des actions préventives sur le terrain, pour l’égal accès aux biens, aux services et à l’emploi. Au titre des actions concrètes menées dans le cadre de ces commissions peuvent être cités le plan d’action en cinq axes (école, logement, travail, information, multiculturalité) adopté en février 2012 à la Réunion ou encore, dans le département du Gard, à la suite d’incidents racistes mi-2012, la décision d’organiser une «semaine de la fraternité et du vivre-ensemble» et le lancement d’un concours scolaire départemental.

Le Défenseur des droits ( r ecommandation n °  19 du Comité)

25.Le Défenseur des droits, autorité indépendante créée par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, a remplacé le 1er mai 2011 la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), qui avait été créée par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004. Le Défenseur des droits regroupe également les missions auparavant exercées par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Autorité constitutionnellement consacrée, elle bénéficie d’un champ de compétences large et de pouvoirs renforcés par rapport à ceux détenus par ces autorités.

26.Le Défenseur des droits a ainsi pour mission de lutter contre les discriminations directes ou indirectes prohibées par la loi ou par un engagement international ratifié ou approuvé par la France. Il s’assure que chacun puisse connaître ses droits, et les voir reconnus et appliqués selon les critères de discriminations énoncés dans les textes normatifs, y compris le critère de l’origine.

27.La saisine du Défenseur des droits est largement ouverte. Il lui revient alors d’«apprécier si les faits qui font l’objet d’une réclamation ou qui lui sont signalés appellent une intervention de sa part». Il peut être ainsi saisi directement par toute personne physique ou morale, y compris par un mineur qui souhaiterait invoquer la protection de ses droits, ou encore par les ayants droit d’une personne dont les droits et libertés sont en cause, par des parlementaires nationaux, des élus français au Parlement européen, le Médiateur européen et ses homologues étrangers.

28.Au titre de la lutte contre les discriminations, il peut également être saisi par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et statutairement impliquée dans la lutte contre les discriminations, dès lors que la victime a manifesté son accord. Le Défenseur des droits peut aussi se saisir d’office en toutes circonstances d’un cas entrant dans le champ de ses compétences.

29.Du 1er janvier au 31 décembre 2011, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, puis le Défenseur des droits dans le cadre de sa mission de lutte contre les discriminations, ont reçu 8 183 réclamations. Le premier critère discriminatoire invoqué reste l’origine de la personne (23,5% des réclamations).

30.Les pouvoirs du Défenseur des droits sont étendus: il peut demander toute explication et solliciter la communication des pièces utiles auprès des autorités concernées, procéder à des auditions et conduire des vérifications sur place, le cas échéant sous le contrôle d’un juge. Avec les informations recueillies, le Défenseur des droits peut décider de présenter des observations devant les juridictions civiles, administratives ou pénales dans un dossier dont il est saisi. Il peut également adresser des recommandations et dispose d’un véritable pouvoir d’injonction pour garantir le respect des droits. S’il n’est pas donné suite à l’injonction, le Défenseur des droits établit et rend public un rapport spécial.

31.Mieux connaître et analyser les phénomènes de discrimination et les perceptions des personnes concernées constitue un axe essentiel pour mieux lutter contre les stéréotypes et les préjugés. À cet égard, le Défenseur des droits conduit un ensemble de recherches, sondages et études qui permettent d’observer les situations vécues par les personnes dans l’emploi, le logement, l’éducation et de construire des solutions appropriées pour mettre fin aux ruptures d’égalité et aux discriminations.

32.Accompagner le changement des pratiques de tous les acteurs constitue un second axe de la politique de lutte contre les discriminations. Ainsi le Défenseur des droits organise-t-il des consultations régulières avec des associations représentant des groupes particulièrement exposés et mène, avec leur concours, des actions de sensibilisation et d’information.

33.Enfin, le Défenseur des droits est membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, favorisant ainsi la coordination de leurs actions.

La Commission nationale cons ultative des droits de l ’ homme

34.La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) est une institution dont l’indépendance est garantie par la loi. Elle est notamment composée de représentants des organisations non gouvernementales spécialisées dans le domaine des droits de l’homme, du droit international humanitaire ou de l’action humanitaire, d’experts siégeant dans les organisations internationales, de personnalités qualifiées, de représentants des syndicats et de membres du Parlement.

35.La Commission assure, auprès du Gouvernement, un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’homme, du droit international humanitaire et de l’action humanitaire. Elle assiste le Premier ministre et les ministres intéressés par ses avis sur toutes les questions de portée générale relevant de son champ de compétence tant sur le plan national qu’international.

36.La Commission peut, de sa propre initiative, appeler publiquement l’attention du Parlement et du Gouvernement sur les mesures qui lui paraissent de nature à favoriser la protection et la promotion des droits de l’homme. En outre, elle élabore un rapport public sur la lutte contre le racisme, qui contient notamment une enquête qualitative et des recommandations au Gouvernement visant à renforcer les mesures de lutte contre le racisme. Ce rapport recueille un large écho dans le public et les médias.

37.Enfin, la CNCDH est chargée de l’évaluation du plan national d’action contre le racisme et l’antisémitisme.

L ’ action judiciaire

38.Le précédent rapport devant le Comité relevait déjà un renforcement législatif continu des sanctions contre les actes à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, au travers de la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, et de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Si le «crime de haine» n’existe pas en tant qu’infraction spécifique dans le droit français, celui-ci incrimine toutefois ces actes en faisant de la motivation raciale ou xénophobe une circonstance aggravante du délit ou du crime.

39.La France veille à ce que ces textes soient pleinement appliqués, au moyen d’une politique d’action publique ferme et efficace, et adaptée à la diversité des situations.

40.L’attention des parquets généraux a été ainsi appelée sur la nécessité d’une réponse pénale ferme et adaptée aux actes à caractère raciste, antisémite ou xénophobe par deux dépêches du garde des sceaux des 30 mars et 28 juin 2012.

41.Cette politique vigilante s’est traduite par des résultats concrets. Ainsi, le nombre de condamnations prononcées à titre unique ou principal pour des infractions en matière de racisme a augmenté de 87% en dix ans, passant de 267 à 495 entre 2001 et 2011:

Nombre de condamnations (ou d ’ infractions) prononcées pour des infractions liées au racisme, à l ’ antisémitisme ou aux discriminations

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011*

Nombre d ’ infractions en matière de racisme dans les condamnations

175

211

228

208

345

573

611

577

682

579

562

431

Nombre de condamnations prononcées à titre principal pour une infraction en matière de racisme

129

152

158

145

236

380

364

423

469

397

389

285

Nombre de condamnations prononcées uniquement pour une infraction en matière de racisme

89

115

115

105

165

253

275

306

344

288

295

210

* D onnées provisoires .

(b)Au plan européen

42.La France mène une politique volontariste et ambitieuse, au niveau régional et international, en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.

43.Au sein de l’Union européenne:

•La France a notamment œuvré pour l’adoption de la décision-cadre 2008/913/JAI sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal, proposée par la Commission européenne en 2001, et adoptée le 28 novembre 2008 sous présidence française de l’Union européenne.

•La France soutient également l’action de l’Agence des droits fondamentaux dans son travail d’observation et de diffusion de bonnes pratiques pour la lutte contre les discriminations, le racisme et la xénophobie.

•Par ailleurs, avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, la charte européenne des droits fondamentaux, dont certaines dispositions – notamment le titre III dénommé «Egalité» – concernent directement la lutte contre les discriminations, a acquis une force juridique contraignante et ainsi vue sa portée renforcée.

44.Au sein du Conseil de l’Europe:

•La France soutient les travaux du Conseil et se soumet à l’examen de ses divers organes. Elle transmet un rapport périodique à la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) tous les 5 ans et accorde la plus grande attention aux recommandations formulées.

•La France est attentive à l’adaptation des instruments juridiques aux évolutions des nouvelles technologies: elle a ainsi ratifié en 2006 le Protocole additionnel du 28 janvier 2003 à la Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe qui vise à lutter contre les appels à la haine sur Internet, dans le droit fil de la conférence de l’OSCE organisée en 2004 sur ce thème à Paris. Elle a mobilisé ses partenaires pour accroître le nombre d’États parties à cet instrument.

45.S’agissant des populations Roms, à propos desquelles le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a formulé des recommandations, la France s’est impliquée dans la définition et la mise en œuvre d’une politique garantissant une meilleure intégration de ces populations:

•Ainsi, dans la continuité de l’adoption par la Commission européenne du «Cadre de l’Union européenne pour les stratégies nationales d’intégration des Roms pour la période allant jusqu’à 2012», la France a publié, au début de l’année 2012, une «Stratégie du Gouvernement français pour l’inclusion des Rom» qui fait de l’accès des populations Roms à l’éducation, à l’emploi, à la santé, et au logement une de ses principales priorités. La stratégie est également consacrée à la défense des droits fondamentaux afin d’œuvrer à la lutte contre la traite des êtres humains ou contre les discriminations et les inégalités sociales. Cette stratégie française est en cours de révision.

•Le Gouvernement a également affirmé sa volonté d’apporter une solution aux situations de détresse sociale que révèlent très souvent les campements illicites, en veillant à ce que le respect des décisions de justice ainsi que les exigences de sécurité publique, qui rendent nécessaires les évacuations, soient conciliées avec les principes de dignité et d’humanité. Dans cet esprit, la circulaire interministérielle du 26 août 2012 mobilise les services de l’État et les acteurs locaux afin de permettre un diagnostic individualisé des situations et de mettre en place toutes les mesures d’accompagnement adaptées: scolarisation, accès aux soins, hébergement etc. Le Premier ministre a, par ailleurs, confié en septembre 2012 au délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement une mission pour anticiper et accompagner les opérations d’évacuation des campements illicites. Dans ce cadre, le délégué anime notamment un réseau de correspondants départementaux chargés de l’application de la circulaire du 26 août 2012 et a publié des guides pratiques destinés aux administrations et aux élus locaux.

•Le Gouvernement a également décidé de faciliter les conditions d’accès au marché de l’emploi des ressortissants roumains et bulgares afin de les rapprocher des conditions applicables à l’ensemble des ressortissants communautaires. Depuis le 1er octobre 2012, la liste des métiers ouverts à ces ressortissants comporte désormais 291 métiers contre 150 auparavant.

•Convaincue que les solutions pour améliorer la situation des populations «Roms» nécessitent d’impliquer les États dont les intéressés sont ressortissants, la France s’investit pour les programmes d’action visant à promouvoir leur intégration économique et sociale. Un accord a ainsi été signé le 12 septembre 2012 entre l’Office français de l’immigration et de l’intégration et les autorités roumaines pour la mise en place et le suivi de 80 projets d’insertion.

•La France participe également très activement à la mise en œuvre de la politique volontariste aux niveaux national, de l’UE et du Conseil de l’Europe visant à promouvoir, avec les pays d’origine, l’intégration sociale et économique des Roms. À titre d’exemples, la France a contribué à l’élaboration du «Cadre de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms pour la période allant jusqu’à 2020» et s’emploiera à sa mise en œuvre. Elle a également contribué à hauteur de 185 000 euros à un programme de formation des médiateurs du Conseil de l’Europe.

(c)Au plan international

46.La France soutient, par ailleurs, les travaux de l’OSCE en matière de lutte contre la discrimination, tels que les programmes de l’Unité tolérance et non-discrimination du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme: elle soutient notamment les actions de formation, d’aide à l’éducation, les campagnes de sensibilisation et de prévention des stéréotypes racistes, et la base de données sur les crimes de haine. Elle a également reçu fin 2011 les trois représentants personnels de la présidence de l’OSCE sur l’antisémitisme, l’islamophobie et l’intolérance religieuse, ainsi que le Haut-Commissaire aux minorités nationales de l’OSCE en mars 2012.

47.Acteur très actif de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, qui s’est tenue à Durban en 2001, ainsi que de la Conférence d’examen de 2009, la France participe très activement aux différents mécanismes prévus dans le cadre du suivi de la Conférence de Durban (Recommandation n° 22 du Comité).

48.Suite à l’examen des 17e, 18e et 19e rapports présentés par la France conformément à l’article 9 de la Convention, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a formulé plusieurs recommandations dans le cadre de ses observations finales en date du 27 août 2010 concernant notamment la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (recommandation n° 21 du Comité) et de la Convention n° 169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux (recommandation no 18).

49.La France, tout comme les autres États membres de l’Union européenne, n’a pas ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée le 18 décembre 1990 et entrée en vigueur le 1er juillet 2003. Plusieurs difficultés ne permettent pas au Gouvernement français de souscrire pleinement aux dispositions de cette convention, notamment en ce qui concerne l’absence de distinction systématique entre les personnes en situation régulière et celles en situation irrégulière. La France combat l’immigration irrégulière et lutte contre le travail clandestin, dans l’intérêt même des travailleurs migrants. De plus, la politique en matière d’asile et d’immigration relevant d’une compétence partagée entre les États membres et l’Union européenne, un État membre ne peut ratifier la convention sans consensus préalable au niveau européen.

50.La France est pleinement consciente de l’importance du respect des droits des travailleurs migrants et a d’ailleurs souscrit à des engagements internationaux de façon à garantir leur protection:

•Elle a notamment ratifié la Convention relative au statut juridique du travailleur migrant de 1983, élaborée dans le cadre du Conseil de l’Europe. Ce texte tend à éliminer les discriminations figurant dans les législations nationales et à garantir l’égalité de traitement entre les nationaux et les travailleurs migrants ainsi que les membres de leur famille.

•Par ailleurs, plusieurs directives sont venues garantir les droits pour les travailleurs migrants en situation régulière. Par exemple, la directive 2003/109/CE relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée qui garantit notamment à son article 11 l’égalité de traitement avec les nationaux en matière d’accès à l’emploi, d’éducation et de formation professionnelle. Plus récemment, la directive 2009/50/CE établit les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié en prévoyant à son article 14 une égalité de traitement en matière de conditions de travail et de liberté d’association.

51.De plus, les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière sont couverts par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et les autres instruments internationaux de protection des droits de l’homme auxquels la France est partie.

52.La Convention n° 169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux confère à un groupe particulier des droits spécifiques par rapport au reste de la population. La France n’est pas en mesure de ratifier cette convention en raison de deux principes fondamentaux, constitutionnellement garantis que sont le principe d’égalité, qui implique la non-discrimination, et les principes d’unité et d’indivisibilité de la Nation, qui portent à la fois sur le territoire et la population.

53.En effet, l’ordre juridique français ne reconnaît pas la notion de minorité:

•Saisi d’une demande d’avis sur la signature de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, le Conseil d’État a confirmé la contrariété de cette convention avec l’article 2 de la Constitution française du 4 octobre 1958, aux termes duquel «la France est une République indivisible», et avec le principe selon lequel le peuple français est composé de tous les citoyens français «sans distinction d’origine, de race ou de religion» (avis du 6 juillet 1995).

•À l’occasion de l’examen de la compatibilité de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992 avec la Constitution, le Conseil constitutionnel a, pour sa part, jugé que les principes d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français «s’opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance». Le juge constitutionnel a rappelé la valeur constitutionnelle du principe d’unicité du peuple français (décision n° 99-412 du 15 juin 1999).

54.La France retient une conception particulièrement exigeante des droits de l’homme, considérant que l’application de ces droits à tous les ressortissants d’un État, dans l’égalité et la non-discrimination, apporte à ceux-ci, quelle que soit leur situation, une protection pleine et entière.

55.Loin de nier la diversité culturelle, ce cadre juridique fondé sur l’égalité de tous les citoyens garantit le respect du principe de non-discrimination sur l’ensemble du territoire de la République, et ainsi une égalité de traitement entre les personnes sans distinction d’origine. Ce cadre permet en pratique à toute personne, se reconnaissant ou non comme appartenant à un ou plusieurs groupes, d’exercer ses droits et libertés sans subir de discrimination relative à son identité.

2.La politique en matière d’accueil, de séjour et d’intégration des étrangers

56.Le respect des droits fondamentaux de la personne humaine, au premier rang desquels sa dignité, conformément aux engagements internationaux de la France dans le domaine des droits de l’homme, et l’intégration des étrangers primo-arrivants ou admis au séjour constituent deux axes essentiels à toute politique d’entrée et de séjour des étrangers.

57.Le cadre législatif français applicable en matière d’entrée et de séjour des étrangers résulte de l’ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée en 1993, 1997, 1998, 2003, codifiée en 2006, et complétée récemment par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

58.Cette loi du 16 juin 2011 a essentiellement assuré la transposition de trois directives européennes:

•La directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive «retour». Ce texte vise à favoriser le départ volontaire de l’étranger en séjour irrégulier.

•La directive 2009/50/CE du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié, dite directive «carte bleue». Ce texte permet à ces ressortissants de bénéficier d’un titre de séjour de trois ans renouvelable, ainsi que d’un titre de séjour pour leur famille.

•La directive 2009/52/CE prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive «sanctions». Ce texte vise à renforcer les sanctions contre les employeurs plutôt que contre les immigrés illégaux, en prévoyant notamment de possibles sanctions pénales.

59.En outre, cette loi renforce le rôle du «Contrat d’accueil et d’intégration» (décrit en deuxième partie du présent rapport) dans le cadre du renouvellement de la carte de séjour. Elle permet également de ramener la période de présence nécessaire en France pour être naturalisé à deux ans au lieu de cinq si l’étranger «présente un parcours exceptionnel d’intégration», et fonde l’accession à la nationalité sur une bonne connaissance du français ainsi que de l’histoire et des institutions de la République française.

60.Le Président de la République française, élu le 6 mai 2012, s’est engagé à «porter une nouvelle politique migratoire, responsable, fondée sur des règles claires, justes et stables». Cette politique pleinement respectueuse des engagements internationaux, notamment en matière d’asile, et soucieuse d’humanité, alliera la fermeté dans la lutte contre l’immigration irrégulière et les filières clandestines et la sécurisation de l’immigration légale. Dans la ligne des orientations rappelées par le Premier ministre dans son discours de politique générale le 3 juillet 2012, le Gouvernement a engagé une réflexion sur les mesures à prendre pour répondre à ces objectifs redéfinis. À la date à laquelle le présent rapport est transmis, trois mesures prises par le ministre de l’intérieur peuvent déjà être mentionnées: l’abrogation de la circulaire du 31 mai 2011 sur les étudiants étrangers, afin de faciliter l’admission au séjour de personnes hautement qualifiées qui souhaitent demeurer en France; la circulaire du 6 juillet 2012 qui, en ce qui concerne les familles accompagnées d’enfants se trouvant en situation irrégulière et devant être éloignées du territoire, fait de l’assignation à résidence la règle et de la rétention administrative, l’exception. D’autre part, ont été adoptées de nouvelles mesures avec la circulaire du 28 novembre 2012, qui vise à définir des critères objectifs et transparents pour permettre l’admission au séjour des étrangers en situation irrégulière ainsi que la circulaire du 11 mars 2013 qui a pour objet de renforcer la lutte contre la traite des êtres humains et les filières.

61.La France a également mis fin à la garde à vue des étrangers au seul motif de leur situation irrégulière, cette mesure ayant été remplacée par une retenue judiciaire d’une durée maximale de 16 heures.

3.La politique en matière d’asile

(a)Le régime juridique applicable

62.Le régime juridique applicable en matière d’asile est défini aux articles L. 711-1 à L. 765-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

63.En application de cette législation, l’examen des demandes d’asile relève d’un établissement public indépendant, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), sous le contrôle de la Cour nationale du droit d’asile. L’asile est accordé à toute personne qui relève de la définition du réfugié au sens de la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, ainsi qu’à toute personne relevant du régime de la protection subsidiaire. Tout demandeur d’asile bénéficie, sauf exception, du droit au séjour pendant toute la durée d’examen de sa demande, de l’hébergement dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile et de l’accès à la couverture médicale universelle.

(b)Les évolutions récentes

64.La législation n’a pas connu d’évolution majeure au cours des deux dernières années: les dispositions introduites par la loi du 16 juin 2011 concernent le fonctionnement de la Cour nationale du droit d’asile et les cas d’application de la procédure d’examen prioritaire à certaines demandes d’asile.

65.La réflexion menée sur la politique d’asile le sera dans le strict respect de la tradition française, des engagements internationaux et des obligations découlant du droit communautaire. La législation nationale est encadrée par des directives européennes et des règlements communautaires actuellement en cours de refonte, en vue de parvenir en 2012 à un régime d’asile européen commun (RAEC). Le 11 mai 2011 a été adoptée la directive révisée concernant les résidents de longue durée-UE: elle permet aux bénéficiaires d’une protection internationale de disposer de la carte de résident longue durée. Le 13 décembre 2011 a été adoptée la directive sur le contenu et les statuts de protection. Enfin, plusieurs textes ont fait l’objet d’un accord politique: la directive Accueil, le 25 octobre 2012, le règlement Dublin, le 14 novembre 2012, la directive procédure et la refonte du système Eurodac le 21 mars 2013.

66.La loi du 16 juin 2011 a complété l’article L. 741-4 du CESEDA, en prévoyant que l’asile peut être refusé si la demande «repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d’asile ou n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente».

(c)Le nombre des demandeurs d’asile

67.En 2011, la France a accueilli 57 337 demandeurs d’asile, se situant ainsi au premier rang des pays européens en matière d’accueil. Il s’agit de la quatrième année consécutive de hausse des demandes d’asile, passant de 47 686 en 2009 à 52 762 en 2010.

68.Les principaux pays de provenance en 2011 sont le Bangladesh (3 462 demandes), la République démocratique du Congo (2 827), l’Arménie (2 651), le Sri Lanka (2 544), la Russie (2 205) et la Chine (1 991).

69.Au cours de l’année 2011, 10 657 personnes se sont vues octroyer le statut de réfugié ou la protection subsidiaire (10 340 en 2010), soit un taux d’admission de 25,2% (27,5% en 2010). Ce chiffre porte à 168 887 le nombre des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire.

4.Politique de lutte contre l’exclusion

70.La problématique de l’accès aux droits vise désormais davantage l’effectivité des droits existants plutôt que la création de nouveaux droits. Ce constat a été récemment formulé par les parties prenantes de l’Année européenne 2010 de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, autant que par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE). L’accès aux droits constitue, en effet, une première étape essentielle dans le parcours d’insertion des personnes.

71.La pratique atteste du non-recours aux droits pour certains dispositifs. Ainsi, près de 1,7 million de foyers éligibles au revenu de solidarité active (RSA) au dernier trimestre 2010 n’en font pas la demande, le plus souvent par méconnaissance du dispositif. Ce non-recours concerne davantage les couples, les hommes seuls et les foyers sans enfant. Il est aussi le fait des moins pauvres d’entre eux, plus proches du marché du travail et aux conditions de vie les moins dégradées. Les «non recourants» n’évoquent que marginalement un faible intérêt financier de la prestation ou la peur de perdre des droits connexes comme motifs de non recours. Ces taux élevés de non-recours ne sont toutefois pas propres au RSA. De nombreuses études ont calculé ou estimé des taux de non-recours à divers dispositifs et programmes sociaux, que ce soit dans les domaines de la santé (aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, services de soins primaires, services de santé mentale), du logement, de l’insertion professionnelle, des prestations sociales financières, des services à la personne, etc. Les taux de non-recours se situent en moyenne un peu en-dessous de 40% (source: Caisse nationale d’allocations familiales).

72.Le Gouvernement a souhaité réajuster le dispositif du RSA pour en améliorer l’efficacité. Un plan de simplification a ainsi été élaboré en juillet 2010, en collaboration avec les départements. Les mesures prévues par le plan ont toutes été mises en place et permettent de renforcer le dispositif sur trois principaux aspects: la simplification des démarches et l’amélioration de l’accès des publics cibles à l’information, l’optimisation du pilotage du dispositif et la fluidification du dialogue entre les différents acteurs, le renforcement du volet insertion professionnelle.

73.Le Premier ministre a annoncé, lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale le 3 juillet 2012, un plan quinquennal de lutte contre la grande pauvreté, qui sera en cohérence avec les problématiques dégagées lors de la conférence sociale entre le Gouvernement et les partenaires sociaux des 9 et 10 juillet 2012 et la conférence pour la lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale qui s’est tenue les 10 et 11 décembre 2012 avec les associations, les collectivités locales, les organismes de protection sociale. Ce plan contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale a été officiellement adopté le 21 janvier 2013 lors de la réunion du Comité interministériel de lutte contre les exclusions (CILE) qui s’est tenu à Matignon.

74.La loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative a supprimé l’obligation instituée en 2011 pour les demandeurs de l’Aide médicale de l’État (AME) d’acquitter un droit de timbre de 30 euros pour bénéficier de ce dispositif de prise en charge. Il s’agit ainsi d’éviter le renoncement ou le report de l’accès aux soins de la part des personnes les plus en difficulté.

5.Actions en faveur des gens du voyage (Recommandation n° 16 du Comité)

75.En France, la population tsigane est estimée, d’après les sources associatives, à environ 300 000 personnes. Elle est le plus souvent désignée sous l’appellation générique «gens du voyage» bien qu’environ un tiers seulement se déplace sur le territoire national (un autre tiers est considéré comme semi-itinérant et le dernier tiers est sédentarisé).

76.Cette population rencontre d’importantes difficultés d’ordre économique et social. Outre des obstacles persistants dans le domaine du logement et du stationnement, les gens du voyage ont souvent une faible qualification rendant leur insertion difficile sur le marché du travail. Ils souffrent également de discriminations en matière d’emploi, de logement, d’éducation, de santé et de citoyenneté.

77.Dans un avis du 22 mars 2012, la Commission nationale consultative des droits de l’homme souligne ainsi que les confusions et les amalgames entretenus à l’égard de ces populations «doivent être combattus par des mesures concrètes d’accès aux droits et par une volonté politique réelle et affirmée de lutter contre les stéréotypes et les discriminations», au moyen d’un véritable partenariat avec les populations concernées.

(a)Actions visant à garantir aux gens du voyage l’exercice de leur pleine citoyenneté

78.La loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, qui prévoit l’obligation pour les gens du voyage de détenir un titre de circulation, distinguait entre les personnes justifiant de ressources, qui se voyaient remettre un «livret de circulation», et les personnes sans ressources régulières, tenues de détenir un «carnet de circulation» visé tous les trois mois par l’autorité administrative, à peine d’emprisonnement. En outre, cette loi prévoyait que les personnes sans domicile ni résidence fixe qui sont rattachées à une commune pouvaient s’inscrire sur la liste électorale de celle-ci après trois ans de rattachement ininterrompu dans cette même commune.

79.Dès 2010, en réponse à la recommandation prioritaire du Comité, la France a engagé une réflexion sur l’évolution de cette loi du 3 janvier 1969. Elle a ainsi confié au sénateur Pierre Hérisson, président de la commission nationale consultative des gens du voyage, l’élaboration d’un rapport qui a été remis au Premier ministre. Ses propositions portaient notamment sur l’exercice du droit de vote et les titres de circulation. Toutefois, les contraintes du calendrier parlementaire et l’absence de vecteur législatif susceptible de porter ce projet de réforme n’ont pas permis aux assemblées de débattre de ces mesures au cours de la législature qui s’est achevée en juin 2012. Le Comité sera tenu informé des projets du nouveau gouvernement sur ces questions.

80.Le droit français a toutefois connu une récente évolution, sous l’effet de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012. La Haute juridiction a en effet prononcé l’abrogation à effet immédiat de plusieurs dispositions de la loi du 3 janvier 1969 déclarées contraires à la Constitution:

•Est ainsi déclarée contraire à la Constitution, la différence de traitement réservée aux personnes résidant de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile, selon qu’elles disposent ou non de ressources régulières. Celles dont les ressources ne sont pas régulières étaient seules astreintes à une obligation de visa du titre de circulation par l’autorité administrative.

•Par ailleurs, en imposant que le carnet de circulation soit visé tous les trois mois par l’autorité administrative et en punissant d’une peine d’un an d’emprisonnement les personnes circulant sans carnet de circulation, la loi du 3 janvier 1969 a porté selon le Conseil une atteinte disproportionnée à l’exercice de la liberté d’aller et de venir.

81.En revanche, le Conseil considère que l’obligation de rattachement à une commune imposée aux personnes dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois ne porte pas atteinte à la liberté d’aller et venir, ni au droit au respect de la vie privée. En effet, cette obligation ne restreint pas la liberté de déplacement des intéressés, ni leur liberté de choisir un mode de logement fixe ou mobile, ni celle de décider du lieu de leur installation temporaire. Cette obligation n’emporte pas davantage obligation de résider dans la commune dont le rattachement est prononcé par l’autorité administrative, mais elle est destinée à remédier à l’impossibilité, pour ces personnes, de satisfaire aux conditions requises pour jouir de certains droits ou de remplir certains devoirs.

82.Pour autant, le fait d’imposer à des personnes sans domicile ou résidence fixe de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans une même commune pour leur inscription sur la liste électorale est contraire à la Constitution, qui s’oppose à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles.

83.Au-delà de cette importante évolution jurisprudentielle, il est à noter que des mesures concrètes ont été prises en faveur des gens du voyage: le Ministère de la justice a ainsi renouvelé en 2012 la convention annuelle d’objectifs conclue avec l’association nationale des gens du voyage catholiques (ANGVC), dont l’objet est notamment la mise en œuvre d’une stratégie et d’un soutien juridique à destination des gens du voyage, l’édition d’un guide et de fiches pratiques, l’information des gens du voyage sur leurs droits et devoirs dans les difficultés affectant leur mode de vie itinérant, la réalisation d’un état des lieux sur les discriminations en raison du mode d’habitat, et le développement d’un réseau de veille juridique associatif.

(b)Domiciliation et logement

84.Liée à la question des titres de circulation, la domiciliation a également retenu l’attention du Ministère du logement et de la ville. Ainsi, l’article 51 de la loi du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable, qui organise la réforme de la domiciliation, apporte aux gens du voyage de meilleures garanties d’accès aux prestations sociales en leur ouvrant la possibilité de se faire domicilier auprès d’un organisme agréé (ou d’un Centre communal d’action sociale), comme toute personne sans domicile stable. Cette réforme doit aussi permettre, notamment, de lever les difficultés rencontrées en matière d’accès au crédit bancaire et aux assurances (automobiles, caravane, etc.).

85.Le droit au logement opposable permet à tout citoyen demandeur de logement d’exercer un recours juridictionnel si sa demande n’a pas reçu de réponse correspondant à ses besoins et à ses capacités.

86.En application de la loi du 5 juillet 2000, les communes de plus de 5 000 habitants sont tenues d’aménager des aires d’accueil ou des terrains de passage dans le cadre de schémas départementaux. En 2012, il a été rappelé aux préfets, par circulaire du 23 mars sur la préparation de l’accueil estival des grands groupes de caravanes de gens du voyage, qu’il convient d’accorder la priorité à la réalisation de ces équipements. Des instructions sont données pour faciliter l’implantation d’aires de stationnement temporaires et pallier l’insuffisance de ces équipements par la mise à disposition, dans la mesure du possible, de terrains situés sur le domaine de l’État.

(c)Soutien aux actions socio-éducatives et culturelles en faveur des gens du voyage (Recommandation n° 17 du Comité)

87.Les services du Ministère chargé des affaires sociales soutiennent financièrement chaque année les initiatives des associations de terrain qui ont pour objectif de favoriser notamment la préscolarisation et la scolarisation des enfants, l’accès à la protection sociale, la formation des intervenants, des actions de médiation, l’insertion professionnelle.

88.Le Ministère de la culture et de la communication pilote, pour sa part, un groupe de travail «culture et gens du voyage» qui se réunit tous les deux mois et a pour mission de faire connaître les patrimoines culturels de ces populations et leurs apports à la culture savante. Il encourage la création artistique contemporaine, autour du nomadisme et de la sédentarité. Ce groupe de travail convie les fédérations et associations participant aux travaux de la Commission nationale consultative des gens du voyage. Il s’agit de créer un réseau «Culture – Gens du voyage» où chaque fédération est invitée à déléguer un représentant culture au sein de sa structure afin de favoriser la coordination des actions. Ces réflexions pourraient aboutir, en 2013, à l’élaboration d’une charte «Culture – Gens du voyage». En lien avec les organisations non gouvernementales de lutte contre la pauvreté et pour la réinsertion sociale, la France a développé une politique concertée à destination des personnes en situation de précarité ou d’exclusion, l’objectif partagé étant de développer l’accès à la culture et de souligner la diversité culturelle.

(d)La scolarisation des enfants du voyage

89.Loin d’être homogène, le groupe des «gens du voyage» recouvre des réalités sociales et économiques très diverses, certaines familles affrontant des situations de grande précarité, tandis que d’autres ont du fait de leur activité économique (commerçants, forains, cirque, etc.) des conditions de vie relativement plus confortables. En France, « les enfants du voyage» sont des élèves issus de familles itinérantes et de familles sédentarisées depuis peu ayant un mode discontinu de fréquentation de l’école (voir: Avis sur le respect des droits des «gens du voyage» et des Roms migrants au regard des réponses récentes de la France aux instances internationales, adopté en assemblée plénière le 22 mars 2012 par la Commission nationale consultative des droits de l’homme).

90.L’éducation nationale œuvre à la scolarisation de ces enfants, conformément à l’article L.111-1 du Code de l’éducation, qui garantit à chacun l’accès à l’instruction. L’intégration scolaire dans les classes ordinaires constitue un principe. Toutefois, «pour garantir l’égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possibles l’accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers aux différents types ou niveaux de la formation scolaire» (art. L. 111-2 du Code de l’éducation).

91.L’accompagnement de la scolarité des enfants du voyage s’appuie sur la mobilisation des acteurs locaux en articulation avec le schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Sous la responsabilité du directeur académique des services de l’Education nationale, un coordonnateur assure la liaison entre les services de l’État, les associations et les centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage de l’académie (CASNAV). Ces centres mettent en œuvre des dispositifs pédagogiques, apportent une aide aux équipes enseignantes et constituent une instance de médiation avec les familles et les partenaires impliqués. Par trois circulaires publiées le 12 septembre 2012, la Ministre déléguée à la réussite éducative a rappelé l’obligation de scolarisation des enfants du voyages, fixé le principe de l’inscription provisoire de l’élève dans un établissement même lorsque les parents ne sont pas en mesure de présenter les documents administratifs nécessaires, et redéfini le rôle des CASNAV. Celles-ci auront notamment pour mission d’être les «interlocuteurs directs des acteurs de terrain» – en particulier des maires – sur toutes les questions liées à la scolarisation de ce public. Les CASNAV devront être «clairement identifiés» et «assurer une coopération active et permanente entre les services académiques départementaux, les services sociaux et les communes».

92.Les «enfants du voyage» qui ne maîtrisent pas la langue française peuvent être pris en charge par des enseignants formés à l’enseignement du français dans des dispositifs qui s’adressent aux élèves nouvellement arrivés en France, selon des modalités propres à chaque degré d’enseignement.

93.Le Ministère de l’intérieur porte enfin une attention particulière aux conditions matérielles susceptibles de favoriser la scolarisation des enfants des familles nomades ou en voie de sédentarisation. La circulaire du 28 août 2010 précitée rappelle ainsi qu’il convient de fixer la durée maximum du séjour inscrite dans le règlement intérieur en tenant compte, en particulier, des besoins des enfants scolarisés. Elle recommande également de porter une attention particulière à la localisation du projet d’implantation d’une aire d’accueil afin que le site réponde aux exigences de la loi au regard, notamment, des possibilités de scolarisation des enfants.

(e)Instances de concertation avec les gens du voyage au niveaunational et local

94.La Commission nationale consultative des gens du voyage, régie par le décret n° 2003-1120 du 24 novembre 2003, et placée auprès du Ministre chargé des affaires sociales et du Ministre chargé du logement, étudie les problèmes spécifiques que connaissent les gens du voyage et formule des propositions en vue d’améliorer leur insertion dans la communauté nationale. Elle peut être consultée par le Premier ministre sur les projets de textes législatifs et réglementaires et sur les programmes d’action permettant une meilleure insertion des gens du voyage. Elle peut également être saisie pour avis par les membres du Gouvernement, par son président ou par un tiers de ses membres, de toute question entrant dans son champ de compétences.

95.Le président de la commission est nommé par le Premier ministre, sur proposition du Ministre chargé des affaires sociales et du Ministre chargé du logement. Le président et les membres de la commission sont nommés pour trois ans. Ses membres ont été nommés par arrêté du 27 avril 2011 et son président, le sénateur Pierre Hérisson, a été reconduit dans ses fonctions par décret du Premier ministre, le 22 février 2012.

96.La Commission s’est réunie six fois en séances plénières entre juin 2010 et février 2012. Les sujets traités au cours de ces réunions reflètent les difficultés rencontrées par les gens du voyage. Ont ainsi été examinées les questions relatives au fonctionnement et au financement des aires d’accueil et de stationnement, à la révision des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage, aux modalités d’application de la taxe d’habitation sur les résidences mobiles terrestres. Ont également été discutées les orientations du projet de circulaire sur la scolarisation des enfants du voyage et des familles non sédentaires visant à remplacer la circulaire n° 2002-101 du 25 avril 2002, ainsi que les propositions formulées dans les différents rapports publics relatifs aux gens du voyage.

97.Au niveau local, dans chaque département, une commission consultative comprenant notamment des représentants des communes concernées, des représentants des gens du voyage et des associations intervenant auprès de ces derniers, est associée à l’élaboration et à la mise en œuvre du schéma départemental des aires d’accueil. Elle est présidée conjointement par le représentant de l’État dans le département et par le président du conseil général. La commission consultative départementale établit chaque année un bilan d’application du schéma. Elle peut désigner un médiateur chargé d’examiner les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ce schéma et de formuler des propositions de règlement de ces difficultés.

6.La politique de la ville

98.La politique de la ville doit contribuer à refonder le pacte républicain et redonner au service public son rôle d’intégration dans le corps social, tout en réaffirmant le sens de la citoyenneté dans les droits qu’elle ouvre, mais aussi les obligations qu’elle crée. Chacun, quels que soient ses origines, son lieu de résidence et son statut social, doit se sentir appartenir à la même communauté de vie et de destin. La ville doit être le cadre d’une meilleure intégration des populations dans leur diversité d’origines.

99.Dans le cadre de la nouvelle politique en faveur des banlieues, après que le Comité interministériel des villes (CIV) a examiné, en juin 2008, le programme triennal d’actions de chaque ministère en faveur des quartiers de la politique de la ville, un CIV s’est tenu en février 2011 afin de définir la feuille de route pour chacun des ministères concernés. L’ensemble des champs de l’action publique dans les quartiers prioritaires est concerné:

•En matière d’emploi, le renforcement du contrat d’autonomie et le financement de 15 000 contrats.

•En matière d’éducation, l’ouverture d’une dizaine d’internats d’excellence et de résidences pour la réussite.

•Enfin, le lancement d’une expérimentation dans 33 quartiers couverts par des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS).

III.La situation des collectivités territoriales d’outre-mer

100.La Constitution française du 4 octobre 1958 consacre l’indivisibilité de la République. Elle ne reconnaît qu’une seule nationalité française à laquelle sont attachés des droits: il n’existe donc pas de discrimination juridique entre les ressortissants de métropole et ceux de l’outre-mer, ces derniers votent à toutes les élections, sont représentés au Parlement, sont libres de circuler et de s’installer sur l’ensemble du territoire. Ils disposent en outre de la citoyenneté européenne.

101.La Constitution distingue entre les départements et régions d’outre-mer (art. 73), les collectivités d’outre-mer (art. 74), et la Nouvelle-Calédonie (Titre XIII – Dispositions transitoires).

1.Le statut juridique des populations autochtones d’outre-mer(Recommandation n° 18 du Comité)

102.En votant en 2007 en faveur de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la France s’est engagée à respecter ses dispositions sur l’ensemble de son territoire, et donc dans les collectivités d’outre-mer. Cette déclaration établit les droits individuels et collectifs des peuples autochtones, notamment ceux ayant trait à la culture, l’identité, la langue, l’emploi, la santé et l’éducation. La France s’est par conséquent attachée à prendre en compte les aspirations exprimées par les populations autochtones, dans le respect du principe constitutionnel d’égalité. En vertu de ce principe et de celui de l’indivisibilité de la République, la mise en place d’un régime juridique distinct entre les citoyens qui créerait des catégories de population avec des droits différents est prohibée, et des droits collectifs ne peuvent prévaloir sur les droits individuels.

103.Pour autant, les collectivités d’outre-mer comprennent des populations qui correspondent aux critères retenus pour définir les «peuples autochtones»: les Amérindiens en Guyane, les Polynésiens en Polynésie française, les Kanaks en Nouvelle-Calédonie, les Mahorais à Mayotte et les Wallisiens et Futuniens à Wallis-et-Futuna. Ces territoires sont différents les uns des autres et la situation de leurs populations au sein même de ces territoires est également différente.

104.Alors qu’en Guyane, les amérindiens ne représentent que 5% de la population et qu’en Nouvelle-Calédonie, les Kanaks représentent un peu moins de 50% de la population, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et en Polynésie française les populations autochtones sont majoritaires dans la population locale. Par ailleurs, certains territoires ont un statut proche des régions de métropole, alors que d’autres disposent d’un gouvernement local doté de larges compétences.

105.Par ailleurs, les dispositions de l’accord de Nouméa relatif à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie font pour partie écho à celles de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cet accord a été signé par les représentants des deux principales familles politiques du territoire, dont le FLNKS (rassemblement de partis politiques représentant majoritairement les Kanaks) et les représentants du Gouvernement français. La loi statutaire de Nouvelle-Calédonie a traduit en droit les dispositions de cet accord.

106.Afin d’adopter des mesures adaptées à chacune de ces populations, prenant en compte les réalités locales, tant culturelles, économiques que sociales, la France a privilégié la concertation avec les représentants de ces collectivités.

107.Jusqu’à présent ces spécificités étaient plus faciles à prendre en compte dans le cadre des statuts des collectivités d’outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Mayotte et Wallis-et-Futuna) que dans le cadre des statuts des départements d’outre-mer (Guyane). En effet, le régime de l’identité législative, c’est-à-dire l’application à l’identique du droit à tous les départements, pouvait rendre plus difficile la compréhension des situations spécifiques des populations autochtones outre-mer. La plus large autonomie de pouvoirs des collectivités de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie, accompagnée de transferts de compétence, a contribué à la prise en compte des besoins des populations locales de ces collectivités. À la suite de la révision constitutionnelle du 23 février 2007, un corps électoral restreint à la date du 8 novembre 1998 a été établi en Nouvelle-Calédonie, pour les élections territoriales de 2009 et 2014.

108.La position française n’exclut pas le droit des populations autochtones d’outre-mer d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue. Afin de prendre en compte la réalité géographique et coutumière des collectivités françaises d’outre-mer, des actions et une réglementation spécifiques se sont constituées au bénéfice des communautés autochtones. L’article 75 de la Constitution dispose à cet égard que les traditions et coutumes des collectivités d’outre-mer doivent être respectées. Deux statuts coexistent à Mayotte et dans deux collectivités d’outre-mer du Pacifique (Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna): le statut civil de droit commun, régi par les dispositions du Code civil, et le statut personnel, de droit local ou coutumier. La Polynésie ne connaît plus de statut personnel depuis l’ordonnance du 24 mars 1945 relative à la suppression du statut particulier en Polynésie française.

109.Il convient de rappeler également que le principe de laïcité figure au nombre des principes et règles de valeur constitutionnelle applicables sur l’ensemble du territoire de la République. Ainsi les croyances religieuses ne sauraient avoir une quelconque incidence sur le statut civil personnel des femmes, citoyennes françaises résidant dans l’outre-mer français.

2.La Délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre-mer

110.La Délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre-mer a été mise en place en 2007 pour prévenir les difficultés spécifiques que rencontrent en métropole les Français d’outre-mer et faciliter leurs relations avec leurs collectivités d’origine.

111.Elle mène des actions dans des domaines aussi variés que l’emploi, la formation, le logement et la consommation. Notamment, en vue de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes diplômés originaires des outre-mer, la Délégation a lancé en décembre 2011 un dispositif dénommé «Nos outre-mer ont des talents». Ce projet, destiné aux ultramarins de moins de 30 ans disposant d’un diplôme de niveau Bac+4 minimum, doit, par le biais d’un parrainage actif, leur permettre d’accéder à des emplois en rapport avec leurs compétences. Deux circulaires du 23 juillet 2010 sur les modalités de participation des ultramarins aux concours de la fonction publique et sur l’émergence d’une fonction publique plus représentative de la diversité ont, par ailleurs, pour objectif de renforcer les chances des personnes originaires de l’outre-mer d’accéder aux emplois de responsabilité, tant dans les territoires ultramarins qu’en métropole, de mieux organiser la mobilité des agents au sein des départements d’outre-mer, et enfin de confier aux responsables de l’action publique outre-mer un rôle dans le développement de la diversité des recrutements.

3.La politique sociale, économique et culturelle outre-mer

(a)Politique de la ville et logement social outre-mer

112.L’État est compétent en matière de logement dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre et Miquelon. Dans les autres collectivités (Nouvelle-Calédonie, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et Polynésie Française), ce sont ces collectivités qui exercent cette compétence.

113.Le taux de croissance démographique dans les départements d’outre-mer est supérieur au niveau national, des territoires comme la Guyane ou Mayotte supportant même des augmentations de population parmi les plus élevées au monde. Pour les quatre départements d’outre-mer «historiques», le rapprochement des modes de vie avec les normes nationales (décohabitation, desserrement familial) a conduit à des tensions quasiment identiques sur les besoins en logement. La demande est dès lors estimée à plus de 50 000 personnes sur l’ensemble des 5 territoires avec des besoins tant pour les jeunes (en particulier pour la Guyane) que pour les personnes âgées (en particulier pour les territoires en transition démographique, tels que la Martinique ou la Guadeloupe).

114.La politique du logement mise en œuvre dans les départements d’outre-mer (DOM) repose essentiellement sur des crédits d’intervention, délégués aux préfets, qui financent les aides à la construction de logements sociaux neufs collectifs (locatif) et individuels (accession à la propriété avec le logement évolutif social ou LES), à l’amélioration de logements et aux interventions dans les quartiers d’habitats insalubres à travers les opérations de résorption d’habitat insalubre (RHI). Ces crédits peuvent également être affectés à des programmes de construction de logements étudiants, des résidences de personnes âgées, ainsi que la réalisation de structures d’hébergement temporaire pour les personnes en grande précarité.

115.Cette politique, qui s’appuie également sur les prêts de la Caisse des dépôts et consignations, est axée aujourd’hui en priorité sur la création de nouveaux logements locatifs sociaux et doit reposer sur une offre de logements sociaux adaptée à des populations dont les revenus moyens sont inférieurs aux niveaux nationaux (avec des ménages de plus grande taille), et dans le même temps répondre à l’existence d’une classe moyenne à la limite supérieure des plafonds de ressources pour accéder à ces logements. La politique du logement outre-mer doit veiller à la régulation économique (afin que l’aide publique n’accélère pas l’augmentation des coûts de construction), ainsi qu’aux exigences de développement durable pour limiter l’étalement urbain et favoriser des constructions moins consommatrices d’énergie et moins émettrices de carbone. Elle nécessite une coordination étroite avec les collectivités locales compétentes sur la planification urbaine.

116.Les mesures ont été nombreuses pour garantir une politique équilibrée et adaptée en faveur du logement social: des missions d’inspection ou d’audit sur le logement social (Mayotte, la Réunion en 2011) et la résorption d’habitat insalubre (5 DOM en 2009), l’adaptation des paramètres de financement en 2009 pour améliorer les conditions de subvention des opérations de construction, le lancement en septembre 2011 de groupes de travail nationaux et locaux pour améliorer le logement évolutif social pour l’accession à la propriété, le lancement d’un plan interministériel (logement et outre-mer) en faveur du logement social en Guyane avec l’arrivée dans ce territoire d’un nouveau bailleur social et la mise en œuvre d’une opération d’intérêt national (OIN).

117.Ces différentes mesures ont porté leurs fruits: depuis deux ans, un bond quantitatif et qualitatif de la politique du logement est observé dans les DOM, ainsi la moitié des logements financés depuis 2006 l’ont été en 2011 et 2012, le nombre de logements financés ayant augmenté de 35% en 2011. Cette efficacité peut être encore renforcée dans les autres collectivités.

118.Malgré les efforts déployés pour développer les logements locatifs sociaux, la Nouvelle-Calédonie souffre d’un déficit d’offres au regard des besoins, en dépit de l’aide financière de l’État. La demande s’est en effet considérablement accrue, en particulier sur le Grand Nouméa, sous l’effet de l’évolution de la structure familiale, de la faiblesse de revenus des ménages, de l’inflation des prix des loyers, de la croissance démographique et des déséquilibres d’attractivité économique sur le territoire. Les conséquences sont préoccupantes: sur-occupation des logements, dégradation des immeubles et développement de zones d’habitats insalubres. Les répercussions de cette situation sur les conditions de vie des personnes concernées (santé, scolarité des enfants) interpellent les autorités.

119.Aujourd’hui, l’État finance à plus de 50% la construction de logements sociaux en Nouvelle-Calédonie au travers des «contrats de plan et de développement», compte tenu de l’ampleur des besoins et de l’insuffisance des moyens locaux. Une part croissante de ces crédits devrait être consacrée à des opérations de résorption de l’habitat insalubre.

120.En Polynésie française, le Ministre de l’aménagement et du logement du Gouvernement de Polynésie met en place la politique du logement décidée localement. Cette politique passe notamment par l’aide familiale au logement (AFL), calculée en fonction de la situation familiale et des revenus du ménage. L’État, le Pays et les collectivités territoriales ont signé un contrat urbain de cohésion sociale (CUCS), en vue d’actions concrètes et concertées pour améliorer la vie quotidienne des habitants dans les quartiers connaissant des difficultés et afin de prévenir les risques d’exclusion sociale et urbaine. La dotation annuelle du CUCS atteint 400 millions de Fcfp (3,35 millions d’euros), financée à 37,5% par la Polynésie française et à 62,5% par l’État.

(b)L’égalité sociale outre-mer

121.Les conditions d’attribution des prestations familiales se sont progressivement alignées sur celles de la métropole. En dernier lieu, dans le cadre du changement de statut de l’île de Mayotte, les minimas sociaux (revenu de solidarité active et allocation de solidarité spécifique) ont été instaurés au 1er janvier 2012 et leur montant sera amené à progresser pour atteindre à terme un niveau équivalent à celui qui existe en métropole.

122.Des dispositifs salariaux particuliers existent également dans les collectivités d’outre-mer: le montant du salaire minimum interprofessionnel garanti est fixé par le représentant de l’État en tenant compte du niveau de vie local. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, ce n’est plus l’État qui fixe le taux du salaire minimum mais le gouvernement local à qui il appartient de fixer sa propre politique salariale (le salaire minimum s’élevait au 1er janvier 2012 à 887,57 Fcfp, soit 7,44 euros).

123.Certaines prestations, telles que les allocations familiales pour un seul enfant, l’allocation de logement à caractère familial, la prestation accueil restauration scolaire, l’allocation d’adoption, demeurent actuellement plus favorables qu’en métropole.

(c)La santé outre-mer

124.L’État est compétent dans le domaine de la santé dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, à Wallis-et-Futuna, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie bénéficient d’une compétence pleine et entière en matière de santé. Au-delà de ces différences, l’État reste très attentif aux problèmes de santé sur tout le territoire français: des soutiens financiers importants et des actions d’assistance technique, directement ou par le biais des agences de santé et des instituts de recherche, sont ainsi accordés à la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie.

125.Les spécificités des questions de santé outre-mer justifient un accompagnement spécifique: risques naturels (cyclones, tremblements de terre), insularité, éloignement de la métropole, populations fragilisées par la pauvreté, et pathologies particulières aux zones tropicales ou surdéveloppées par rapport à la métropole (drépanocytose, obésité, diabète, cancers de la prostate, etc.). Par ailleurs, ces collectivités sont confrontées à plusieurs difficultés relatives au recrutement et à la formation des personnels médicaux et paramédicaux, au positionnement difficile mais nécessaire en matière de recherche ou de coopération interrégionale et internationale, aux coûts de mise aux normes en matière de risques naturels ou aux montants de frais de transports (évacuations sanitaires) bien au-delà des «standards» métropolitains.

126.Le «Plan santé outre-mer», présenté en juillet 2009, concerne les départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte) et Saint-Pierre et Miquelon. Ce plan doit permettre d’assurer un développement de l’offre locale de soins conforme aux besoins particuliers des départements d’outre-mer. La formation des autres professionnels de santé, la gestion des ressources humaines (avec un dispositif d’accompagnement des étudiants en médecine originaires d’outre-mer en métropole), la télémédecine, la prise en compte des risques sismiques dans le parc hospitalier (dans le cadre du plan «Hôpital 2012»), la coopération entre établissements français et avec les territoires étrangers voisins et la drépanocytose, sont autant de priorités de ce plan.

127.Plusieurs décisions ont déjà été prises pour la mise en œuvre de ce plan:

•La mise en place des trois premières années d’études médicales à l’université des Antilles et de la Guyane, la quatrième année étant autorisée à compter de 2011.

•L’orientation de programmes hospitaliers de recherche clinique sur les maladies émergentes ou spécifiques, avec l’attribution de 3,5 millions d’euros de crédits.

•Un investissement pour le traitement de la drépanocytose, dont 600 000 euros pour équiper les établissements de santé d’appareils adaptés, recruter des professionnels spécialisés, ainsi qu’un effort d’un million d’euros dans le cadre du plan «maladies rares».

•Un «minimum DOM» pour le calcul des crédits alloués aux plans de santé publique, habituellement répartis par rapport à la population.

•L’aide à la résorption des créances irrécouvrables, qui s’est élevée à 5,9 millions d’euros en 2009 et 2010.

•La mobilisation du programme européen INTERREG, pour promouvoir la coopération dans la zone Caraïbes sur le thème du sida (5,2 millions d’euros sur trois ans).

•L’attribution de 80 000 euros par l’agence régionale de santé des DOM pour la coopération interrégionale et internationale.

128.D’autres actions sont envisagées: le financement de projets pour développer la télémédecine, le télé-enseignement et la visioconférence, la création d’un pôle de santé environnementale à l’Institut Pasteur de Guadeloupe, et l’accroissement des jumelages avec des centres hospitaliers universitaires (CHU) de métropole.

(d)La culture (Recommandation n° 17 du Comité)

129.Les directions des affaires culturelles des collectivités territoriales d’outre-mer participent au travers de leurs actions à la lutte contre le racisme: soutien à la création, préservation du patrimoine construit, accueil en résidence, travail sur le multilinguisme. Des projets de sauvegarde et d’inventaire du patrimoine culturel immatériel sont développés, notamment dans les départements et collectivités d’outre-mer où, après le classement du Maloya de la Réunion en 2009, d’autres musiques et danses traditionnelles sont en cours de classement. Les dossiers du Gwo Ka de la Guadeloupe ou du Maraké (rituel d’initiation) des Amérindiens de Guyane participent de cette valorisation des formes patrimoniales peu connues, améliorant ainsi la prise en compte de la diversité.

Deuxième partie: Observations particulières relativesaux articles 2 à 7 de la Convention

Article 2

I.Renforcement des politiques de lutte contre lesdiscriminations raciales (Recommandation n° 10 du Comité)

130.Le Gouvernement français s’est investi pour renforcer la coopération entre l’autorité de lutte contre les discriminations (la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, HALDE, puis aujourd’hui le Défenseur des droits) et les autorités judiciaires. Développer l’échange d’informations, coordonner les actions, garantit en effet une lutte plus efficace contre toutes les formes de discrimination de nature pénale. Cinq protocoles ont ainsi été conclus entre la HALDE, repris par le Défenseur des droits, et huit parquets généraux de cours d’appel: Lyon, Grenoble et Chambéry en 2009, Basse-Terre, Orléans et Bourges en 2010, Paris et Saint Denis de la Réunion en 2011. Le Défenseur des droits a signé le 9 décembre 2011 un protocole de coopération avec le parquet général d’Amiens et un autre est envisagé avec le parquet général de Montpellier.

131.En pratique, ces protocoles permettent d’identifier des référents au sein des parquets et du Défenseur des droits, de coordonner les investigations en cas de saisine conjointe du procureur de la République et du Défenseur des droits (autorisation d’instruire), de procéder à des échanges d’informations lorsqu’un seul des signataires est saisi par le ou les réclamants, de mettre en commun les compétences acquises par les deux partenaires et permettre au Défenseur des droits d’offrir au Ministère public, lorsque ce dernier en fait la demande, une réelle expertise technique (avis à parquet), et d’apporter des réponses pénales concertées et graduées aux agissements discriminatoires lorsque la voie pénale paraît s’imposer (transmission à parquet, transaction pénale, observations devant la juridiction pénale).

132.Ces protocoles ont permis à la HALDE et, aujourd’hui, au Défenseur des droits, d’être mieux identifié tant auprès des parquets généraux que des parquets locaux, favorisant dès lors des échanges bénéfiques à la lutte contre les discriminations. Ce dispositif favorise l’identification des situations de discriminations, l’accompagnement des victimes, l’organisation d’actions de sensibilisation auprès du plus vaste public ainsi que d’actions de formation toujours mieux adaptées à destination des acteurs de la lutte contre les discriminations.

133.Par ailleurs, les associations locales sont largement invitées à participer aux pôles anti-discriminations présidés par le procureur de la République, renforçant ainsi les échanges entre le Défenseur des droits et ces associations de terrain.

134.Le service «affaires pénales et relations avec les juridictions» du Défenseur des droits participe de façon régulière à deux pôles anti-discriminations très actifs en région parisienne, mis en place par les parquets de Bobigny et de Senlis. Il rencontre régulièrement le parquet de Paris à l’occasion de réunions qui, sans être à proprement parler des pôles anti-discriminations, participent du même esprit. Dans les autres régions, le Défenseur des droits est représenté au sein des pôles anti-discriminations par ses délégués territoriaux.

II.Politiques en faveur de l’accueil, de l’intégration, ainsi que de la promotion sociale et professionnelle (Recommandation n° 13 du Comité)

135.Ainsi qu’il a été souligné en première partie, la politique d’intégration repose en France sur la construction d’un parcours d’intégration pour l’étranger en situation régulière, depuis l’accueil de l’immigré jusqu’à son éventuelle acquisition de la nationalité française. Cette politique est organisée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), en lien avec les acteurs majeurs de cette politique que sont les services déconcentrés de l’État. L’OFII est né en 2009 du regroupement de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations et des compétences de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances en matière d’intégration des migrants.

136.La dimension européenne de cette politique nationale s’est renforcée avec la définition d’une vision commune de l’intégration des ressortissants des pays tiers. L’Union européenne a en effet mis en place, sous l’égide de la Commission, des instances de réflexion et d’échange ainsi que des outils, autour de grands principes communs pour la politique d’intégration. Les États membres ont affirmé l’intégration comme un processus engageant à la fois le migrant et la société d’accueil: le respect des valeurs fondamentales de l’UE, la connaissance de la langue et de l’histoire du pays d’accueil, la participation au processus démocratique. Le Traité de Lisbonne (2009) et le Programme de Stockholm (2010-2014) sont venus renforcer cette idée, en intégrant le Parlement et le Conseil à ce processus et en définissant des orientations pour les États membres propres à faire émerger des pratiques communes et à mieux coordonner les politiques connexes. La définition d’indicateurs, d’objectifs et de mécanismes d’évaluation sont au cœur de cette action.

1.Le contrat d’accueil et d’intégration

137.Obligatoire depuis 2004, le contrat d’accueil et d’intégration (CAI) est conclu entre l’État et l’étranger qui souhaite s’installer durablement en France. Il a pour objectif de faciliter l’intégration des étrangers primo-arrivants ou admis au séjour. En moyenne, 100 000 primo-arrivants, qui souhaitent s’installer durablement en France, sont chaque année concernés.

138.En application de l’article L. 311-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), modifié par la loi du 16 juin 2011, le CAI est conclu par l’étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l’âge de seize et dix-huit ans et souhaite s’y maintenir durablement.

139.Par ce contrat, traduit dans une langue qu’il comprend, l’étranger prend l’engagement de suivre la formation civique et, lorsque le besoin en est établi, une formation linguistique. La formation civique comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, ainsi que de la place de la France en Europe. La formation linguistique est sanctionnée par un titre ou un diplôme reconnu par l’État. L’étranger bénéficie en outre d’une session sur la vie en France, afin de lui apporter des informations pratiques et l’accès aux services publics, et d’opérer un bilan de compétences professionnelles. Toutes ces formations et prestations sont dispensées gratuitement et financées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

140.En 2011, ce contrat a été signé par 102 254 personnes. Les femmes représentent la majorité des signataires (53%), l’âge moyen à la signature étant de 32 ans. 4 716 séances de formation civique ont été réalisées en 2011. 24 358 personnes, soit 23,8% des signataires, se sont vues prescrire une formation linguistique et 12 473 diplômes initiaux de langue française ont été délivrés.

141.Un contrat d’accueil et d’intégration spécifique pour la famille a été mis en place par la loi du 20 novembre 2007 pour les bénéficiaires du regroupement familial et les conjoints de français, dès lors qu’ils ont des enfants. Ce contrat, signé par les deux parents, engage ces derniers à veiller au respect de l’obligation scolaire pour leurs enfants de 6 à 16 ans et à participer à la journée de formation «Droits et devoirs des parents», qui comporte un volet sur les «droits des enfants» et met l’accent sur la Convention relative aux droits de l’enfant, ainsi que sur la protection de l’enfance.

2.La politique d’intégration locale

142.L’intégration locale est un axe majeur de la politique d’intégration française, qui se décline notamment au travers des programmes régionaux d’insertion des personnes immigrés (PRIPI). Ces programmes permettent de relayer au niveau local les dispositifs nationaux, mais également de prendre en compte la spécificité des territoires et d’associer les acteurs locaux. Les PRIPI, relancés en 2010, s’inscrivent dans un cadre pluriannuel et peuvent traiter des questions «relatives à l’accueil, à l’action éducative, la formation et l’emploi, au logement des familles et des personnes isolées, au développement social urbain, aux actions d’insertion sociale, à la lutte contre toutes les formes de discrimination».

143.Les agents de développement local d’intégration (ADLI) sont chargés d’apporter leur concours aux institutions concernées par les questions d’intégration de certaines catégories de personnes immigrées. Les ADLI interviennent dans la promotion sociale et professionnelle des femmes, l’accès aux droits des personnes âgées immigrées, l’accès aux droits des familles primo-arrivantes, les actions de médiation avec les écoles et l’appui à la parentalité, la médiation interculturelle et l’information sur les droits.

3.Les politiques en faveur de la réussite scolaire

144.Les attentes des familles étrangères sont fortes quant à l’intégration de leurs enfants et leur réussite scolaire. Toutefois, les familles peuvent rencontrer des difficultés dans la réalisation de cette réussite en raison de la langue, de la nécessité de s’adapter au système scolaire français ou encore des conditions de vie. De nombreux dispositifs d’appui à la parentalité ont été mis en place pour les aider, tels que des réseaux d’écoute et d’accompagnement, des dispositifs de conseil conjugal et familial, des opérations «Ecole ouverte» et «Ouvrir l’école aux parents pour réussir l’intégration», des dispositifs d’accompagnement scolaire et de réussite éducative.

145.L’opération «Ouvrir l’école aux parents pour réussir l’intégration» a été inaugurée en 2008 pour permettre aux parents d’améliorer leur connaissance de la langue française, avec un enseignement pouvant donner lieu à une certification. Elle a également pour but de favoriser une meilleure insertion dans la société française par la présentation des principes et valeurs de la République et de faciliter la connaissance de l’institution scolaire ainsi que des droits et des devoirs des élèves et des parents.

146.Une convention-cadre a été signée entre les Ministères de l’intérieur et de l’éducation nationale, afin de «favoriser la réussite scolaire et promouvoir l’égalité des chances pour les jeunes immigrés ou issus de l’immigration». L’Education nationale a mis en place un dispositif pour l’accueil des jeunes migrants par lequel sont évalués leurs compétences scolaires et leur niveau de langue.

147.L’allocation financière «Parcours de réussite professionnelle» (PARP), créée en 2009, soutient le parcours d’intégration de jeunes arrivés en France au cours de leur scolarité, qui ont obtenu le diplôme sanctionnant les études secondaires et entreprennent des études supérieures en institut universitaire de technologie, en section de technicien supérieur ou en classe préparatoire aux grandes écoles. Il vise à reconnaitre les mérites scolaires et les efforts d’intégration des jeunes primo-arrivants.

4.La politique d’intégration des migrants par l’emploi

148.L’accès à l’emploi est une composante majeure de l’intégration, en offrant une autonomie économique et en facilitant la socialisation. Le Gouvernement français a donc cherché à favoriser l’intégration des migrants par l’emploi et la promotion de la diversité, autour de trois grands principes: favoriser l’accès rapide à l’emploi des signataires du contrat d’accueil et d’intégration, encourager la création d’activités par les migrants et promouvoir la diversité dans les recrutements et les carrières.

149.Cette politique est mise en œuvre en pratique grâce à un bilan de compétences professionnelles, mis en place en 2009, qui permet aux migrants de valoriser leurs diplômes et leurs compétences, ainsi que par la mobilisation du service public de l’emploi. Un accord-cadre pluriannuel a ainsi été signé en 2010 entre les Ministères de l’immigration, de l’emploi, l’OFII et Pôle emploi pour favoriser l’orientation des demandeurs d’emplois signataires du CAI et réduire les délais d’accès à l’emploi. Des accords ont également été conclus avec les acteurs économiques et associatifs pour faciliter l’accès à l’emploi des signataires du CAI.

5.Les politiques d’accompagnement des publics spécifiques

150.Les femmes immigrées, qui représentent plus de la moitié des étrangers appelés à s’installer en France, font l’objet d’une attention particulière de la part des services d’intégration. Elles jouent en effet un rôle essentiel dans le processus d’intégration mais peuvent rencontrer des difficultés, aussi une politique d’intégration spécifique leur est-elle consacrée. Celle-ci veille au respect du principe d’égalité entre hommes et femmes, en facilitant l’accès à l’emploi de ces dernières et en renforçant leur accompagnement.

151.Un accord-cadre national et interministériel est consacré aux «femmes immigrées et issues de l’immigration pour favoriser les parcours d’intégration, prévenir et lutter contre les discriminations». Un partenariat a également été signé entre le Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles et le Ministère de l’intérieur, le service des droits des femmes et de l’égalité et l’OFII. Cette convention vise à favoriser l’intégration professionnelle des femmes dans certaines régions. De plus, le Ministère de l’intérieur apporte son soutien aux associations qui luttent pour les droits des femmes et pour la prévention des violences faites aux femmes.

152.La question des personnes âgées immigrées fait également l’objet d’une action particulière, pour améliorer l’accès à leurs droits sociaux, et notamment à leurs retraites. Un groupe de travail réunissant des représentants des ministères concernés ainsi que des organismes nationaux de protection sociale et des représentants du monde associatif a été mis en place à l’automne 2010 sur les questions de «l’accès aux droits sociaux» et de «l’accès aux soins et à la santé».

Article 3

153.La France est très attachée à la lutte contre la ségrégation, ces valeurs étant inscrites de longue date dans ses textes fondamentaux qui offrent un socle juridique solide pour l’égalité des droits. Ainsi, aux termes de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits». Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, intégré au bloc de constitutionnalité français, rappelle qu’«au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés» et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que la France «assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion». Toute ségrégation fondée sur la race est ainsi strictement prohibée par le droit français.

154.Par la loi n° 2010-930 du 9 août 2010, la France a précisé dans son Code pénal les actes de crime contre l’humanité, définis comme des «actes commis en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique». Les «actes de ségrégation commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime» constituent dès lors, aux termes du nouvel article 212-1 du Code pénal, un crime contre l’humanité, puni à ce titre de la réclusion criminelle à perpétuité.

Article 4

I.Un cadre pénal complet

155.La liberté d’expression est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Aussi, les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi, comme l’a rappelé encore récemment le Conseil constitutionnel français (décisions du 10 juin 2009 et du 28 février 2012). Aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la libre communication des pensées et des opinions est, en effet, «un des droits les plus précieux de l’homme», «tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi».

156.Les dispositions du Code pénal incriminant toute propagande tendant à la discrimination raciale ainsi que les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et ses évolutions ont déjà été décrites dans les précédents rapports périodiques. Dans le présent rapport, en raison des enjeux majeurs de l’essor des technologies de l’information et de la communication, la France entend présenter son dispositif de lutte contre les infractions à caractère raciste ou antisémite commises par Internet. En effet, le développement de la communication en ligne a démultiplié les canaux de transmission et de publication de l’information, qui sont aujourd’hui mondialisés, rendant plus difficile la lutte contre la diffusion de propos racistes ou discriminatoires. La France a donc entendu adopter un cadre juridique adapté et efficace pour agir contre de telles infractions.

157.Ce cadre repose sur la responsabilisation des acteurs de l’économie numérique, confiant à chacun d’eux une mission de vigilance et d’alerte des autorités publiques en cas de diffusion d’un contenu raciste ou discriminatoire, et permettant à la justice d’ordonner l’arrêt du service de communication Internet utilisé pour diffuser ce contenu.

158.Ainsi, en application de l’article 6 I-1 de la loi du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l’économie numérique, les fournisseurs d’accès à Internet ainsi que les hébergeurs doivent mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance les contenus illicites. Ils doivent aussi informer promptement les autorités publiques compétentes des activités illicites qui leur sont signalées.

159.En vue de traiter efficacement ces signalements et d’agir sans délai contre les contenus racistes ou discriminatoires publiés sur Internet, la France a mis en place une plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (PHAROS), accessible au public et qui permet aux internautes, fournisseurs d’accès et services de veille étatiques de signaler en ligne les sites ou contenus contraires aux lois et règlements. Une équipe d’une dizaine d’enquêteurs, composée de gendarmes et de policiers, analyse et rapproche les signalements puis les oriente vers les services de police et unités de gendarmerie en fonction d’un protocole de compétences articulé autour de critères matériels et territoriaux. Cette plateforme a reçu 101 171 signalements en 2011.

160.Enfin, la loi du 5 mars 2007 a modifié la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en vue de permettre l’arrêt de la diffusion des messages racistes ou discriminatoires. En vertu de ce texte, lorsque des propos incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ont été mis à disposition du public par un service de communication en ligne, le juge des référés (juge de l’urgence) peut, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir, ordonner l’arrêt de ce service s’il estime que le contenu litigieux crée un trouble manifestement illicite.

II.L’action renforçant la répression et la préventiondes actes racistes et antisémites

161.Les statistiques relatives aux actes et menaces à caractère raciste, antisémite et antimusulman témoignent d’une hausse pour l’année 2012 (+23%), marquant une rupture avec les baisses observée en 2010 (-26%) et 2009 (-7%). Si les actes de nature raciste ont diminué de 11%, les menaces racistes ont progressé de 5%, les faits d’antisémitisme de 58% et ceux de racisme antimusulman de 30%.

162.Le système de traitement des infractions constatées (STIC) de la police nationale et le système judiciaire de traitement et d’exploitation (JUDEX) de la gendarmerie nationale sont en cours de refonte. Ils seront mis en service sous l’appellation de «traitement des antécédents judiciaires» (TAJ). Ce nouveau fichier sera alimenté par la police nationale et la gendarmerie nationale à partir de bases statistiques nouvelles et comparables. Les crimes et délits racistes, antisémites et xénophobes pourront être plus facilement extraits. Ce nouveau dispositif fournira des informations statistiques précises et fiables concernant notamment les infractions à caractère raciste commises ou non sur Internet. Il est entré en vigueur depuis la fin du mois de janvier 2013. Les suites décidées par l’autorité judiciaire seront renseignées automatiquement dans ce fichier grâce à une interconnexion avec le dispositif CASSIOPEE utilisé par les juridictions, permettant ainsi d’accroître la fiabilité des informations contenues dans le fichier.

1.Actions du Ministère de la justice et des acteurs judiciaires

163.Depuis son précédent rapport, la France a renforcé les moyens judiciaires de lutte contre les comportements racistes, antisémites et xénophobes et s’attache, par l’action des parquets, à caractériser les infractions et à veiller à ce que des sanctions fermes et adaptées soient prononcées à l’encontre de leurs auteurs (voir les développements de la première partie, par. 23 et suiv.). Pour répondre aux crimes les plus graves a été créé le 1er janvier 2012 au sein du tribunal de grande instance de Paris un pôle à compétence nationale, spécialisé dans la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes contre l’humanité.

164.En complément des pôles anti-discrimination présents dans chaque département et comprenant pour la plupart des cellules de veille en leur sein, certains parquets ont mis en œuvre d’autres instances. Des organes de veille ont ainsi été mis en place dans le cadre de protocoles distincts regroupant, outre le parquet, des élus, des associations ou encore des référents police ou gendarmerie (Lyon, Senlis).

165.L’action des pôles anti-discrimination peut être complétée par la participation du magistrat-référent aux réunions de la commission pour la promotion de l’égalité des chances (COPEC) en présence de l’autorité préfectorale, des associations spécialisées et des représentants des communautés religieuses, ceci afin d’améliorer le recueil des signalements ainsi que leur transmission à l’autorité judiciaire (Nevers, Montpellier, Epinal, Alès). L’accès à l’emploi ou à un logement constituent les objectifs prioritaires de certaines COPEC (Clermont-Ferrand, Nîmes).

166.En matière de discrimination, les parquets veillent dans le même esprit à entretenir des relations de qualité avec les délégués du Défenseur des droits, dans le cadre des protocoles présentés supra.

167.S’agissant des poursuites pénales elles-mêmes, la majorité des parquets relève que peu de faits leur sont signalés et qu’en outre, une faible proportion des procédures diligentées permet de caractériser des infractions. Face à ce constat, en vue de favoriser le signalement des faits délictueux et d’améliorer leur traitement, de nombreux parquets se sont attachés à maintenir des relations régulières avec leurs partenaires institutionnels et associatifs. Une spécialisation des acteurs judiciaires a également été recherchée. Enfin, des actions de formation ont été régulièrement menées par les parquets au sein de la société civile.

168.La diffusion de modèles de fiche de signalement auprès des mairies, des associations d’aide aux victimes, des commissariats ou des brigades de gendarmerie, complète ces dispositifs destinés à favoriser l’émergence de plaintes (Villefranche-sur-Saône, Chaumont).

169.Le pôle anti-discrimination d’Ajaccio, animé par le parquet, a ainsi diffusé un support d’information pour le public ainsi qu’un outil de signalement à destination des administrations publiques et du secteur privé. Le pôle anti-discrimination d’Albertville s’est attaché à constituer des équipes d’enquête pour effectuer des opérations de «testing» visant les locations saisonnières. Ces actions sont portées à la connaissance du public par la presse locale.

170.Comme indiqué précédemment, les parquets soulignent la difficulté pour les victimes de faire aboutir leurs plaintes, celles-ci étant très souvent classées sans suite, soit en raison de la difficulté d’en caractériser les éléments constitutifs, soit encore en raison de l’absence d’identification de l’auteur. En outre, les parquets notent que cette délinquance, largement constituée d’injures non publiques ou de dégradations à caractère raciste, est souvent le fait de mineurs qui ne maîtrisent pas les références historiques ou culturelles de leurs actes.

171.La palette des réponses pénales renforce l’efficacité de la lutte contre ce type d’infractions. Si certains parquets poursuivent ces faits devant le tribunal correctionnel (Evreux, Reims), une large majorité d’entre eux privilégie le recours aux alternatives aux poursuites telles que la composition pénale (Pointe-à-Pitre), les stages de citoyenneté (Argentan, Quimper) ou stages spécifiques (Bourg-en-Bresse), les rappels à la loi (Douai, Bobigny, Troyes) ou encore la médiation pénale (Rennes). Les poursuites pénales devant le tribunal correctionnel sont alors réservées aux actes les plus graves, comme par exemple les violences aggravées par un mobile raciste (Toulon, Angers, Colmar).

172.Par ailleurs, au stade de la formation initiale des auditeurs de justice, l’École nationale de la magistrature (ENM) poursuit des actions de formation se rapportant, directement ou indirectement, à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, au travers de stages ayant pour thème la politique de la ville, stages au sein d’associations d’insertion, intervention de membres de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, par exemple.

2.Les actions du Ministère de l’intérieur

173.Le Ministère de l’intérieur mène de nombreuses actions tant en matière de répression que de prévention des actes racistes et antisémites, telles que des enquêtes relatives aux infractions constatées, des mesures de prévention sur le terrain en tout temps et lors de fêtes religieuses, des actions spécifiques de formation de ses personnels, l’application de la charte pour l’égalité dans la fonction publique qui comporte des volets dédiés à la prévention du racisme, des initiatives départementales de lutte contre les discriminations, en particulier celles qui présentent un caractère raciste, le recueil et l’analyse des statistiques, les relations entretenues avec les représentants des cultes et les associations antiracistes, ou encore la participation à l’élaboration des textes législatifs et réglementaires ainsi qu’aux instructions d’application.

174.Par ailleurs, les directions générales de la police et de la gendarmerie nationale sont fortement impliquées dans la lutte contre toutes les formes de racisme, d’antisémitisme et de discrimination.

(a)Une démarche partenariale, concrétisée par la signature de conventions

175.Les instruments évoqués par la France lors des précédents rapports ont été regroupés pour renforcer l’efficacité de la démarche partenariale. Les conventions signées le 21 décembre 2006 par le directeur général de la police nationale avec la HALDE, ainsi que le 21 décembre 2007 par le directeur général de la gendarmerie nationale, aux fins de mettre en œuvre des bonnes pratiques destinées à mieux lutter contre les discriminations de toutes nature prohibées par la loi, ont ainsi été fondues dans une convention de partenariat global signée par le Ministre de l’intérieur et le président de la HALDE le 5 décembre 2008.

176.De nouveaux partenariats ont été mis en place afin d’améliorer la coordination des acteurs publics et de la société civile ainsi que la connaissance des situations de racisme, d’antisémitisme et de xénophobie. Le 17 juin 2010, une convention-cadre a été signée entre le Ministre de l’intérieur et le Conseil français du culte musulman pour la mise en œuvre d’un suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France. La mise en place d’un dispositif de recensement, de suivi et d’analyse de ce type d’actes a permis d’améliorer leur prise en compte en facilitant leur publicité et leur traitement.

177.Le Ministre de l’intérieur et la LICRA ont signé le 1er décembre 2010 une convention-cadre aux fins de coordonner leurs efforts pour améliorer leurs actions contre le racisme et l’antisémitisme et en faveur des victimes. La collaboration menée porte notamment sur:

•La formation: désormais, tout au long des carrières, les forces de sécurité auront accès à des sessions de sensibilisation sur ce sujet, menées par la LICRA.

•La coopération en matière de veille sur Internet contre le racisme.

•L’échange d’informations: la convention prévoit notamment la distribution de la documentation de la LICRA dans les commissariats et les gendarmeries, l’établissement de contacts permanents entre les services du Ministère et ceux de la LICRA et l’échange des statistiques au plan national sur les actes racistes et antisémites.

•L’aide aux victimes.

178.Cette action se décline également au niveau régional: ainsi, en 2011, trois conventions de partenariat ont été conclues entre la LICRA et les préfets de région (Lille, Marseille) ou de département (Grenoble), deux conventions ont été renouvelées (Bordeaux, Nantes) et onze autres sont en cours de négociation. Ces accords associent les services de police et de gendarmerie, notamment par des actions de formation et de sensibilisation assurées par la LICRA au sein des écoles de police et de gendarmerie.

179.Une relation partenariale s’est également nouée entre la police nationale et le service de protection de la communauté juive (SPCJ) en vue d’affiner les statistiques sur les faits constatés dans ce domaine. Par ailleurs, la délégation aux victimes (DAV), évoquée infra, peut être saisie par le département d’aide aux victimes du SPCJ sur des difficultés rencontrées lors de l’accueil ou la prise en charge de ces victimes.

(b)La mise en œuvre de dispositifs spécifiques

L’accueil et l’assistance des victimes d’actes et menaces à caractère raciste et antisémite

180.Depuis 2005, la délégation aux victimes (DAV) participe à la diffusion des bonnes pratiques, assure le suivi du traitement des incidents et des réclamations et participe à l’animation du réseau des correspondants départementaux d’aide aux victimes de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Sur son site Intranet, la DAV met à la disposition des personnels des documents de nature à améliorer la prise en charge des victimes, notamment en matière de discriminations. Elle fait également procéder à des enquêtes de satisfaction dans les services de police et unités de gendarmerie. Dans cette perspective, depuis 2007, l’inspection générale de la police nationale procède à des contrôles inopinés dans les services.

181.Les référents d’aide aux victimes de la police (mis en place dans chaque département et arrondissement de Paris) et les correspondants départementaux d’aide aux victimes de la gendarmerie (un par département, s’appuyant sur le maillage territorial de référents sous-officiers dans chaque brigade autonome ou communauté de brigades), sont les interlocuteurs privilégiés des associations de victimes et d’aide aux victimes, notamment celles œuvrant sur cette thématique.

182.Les 195 référents sûreté de la police et les 144 référents sûreté de la gendarmerie sont en charge de la prévention situationnelle (vidéo-protection, etc.) et peuvent être consultés pour donner des conseils en matière de sûreté (éclairage, protection des bâtiments réservés au culte par exemple). S’agissant des lieux de culte et d’éducation, des points fixes visibles, impliquant policiers et gendarmes, sont établis lors des fêtes importantes des différentes communautés, sans préjudice des rondes et patrouilles aléatoires pratiquées quotidiennement.

183.La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, la prise en compte de l’accueil et le traitement réservé aux victimes de ce type d’infractions, font l’objet d’instructions, régulièrement rappelées aux directeurs départementaux de la sécurité publique et aux commandants de groupement de gendarmerie.

184.La DAV a effectué une mission auprès de la LICRA pour la réalisation et la diffusion de plaquettes d’informations juridiques sur les crimes et délits liés au racisme, mises à la disposition du public dans 833 structures d’accueil de la sécurité publique et 868 unités de gendarmerie.

185.La direction générale de la police nationale recrute des psychologues qui travaillent au sein des services les plus sensibles pour assister et aider les victimes: ils sont installés dans le commissariat de sécurité publique où ils interviennent dans le cadre de l’exercice des missions des services de police.

186.La charte d’accueil du public, affichée dans tous les services de police et de gendarmerie recevant du public, a reçu en 2011 le label du référentiel Marianne, socle de référence de la qualité de l’accueil du public dans les services de l’État. L’accent est mis, notamment, sur la qualité de l’accueil du public et plus particulièrement des victimes, en termes d’assistance, d’accueil et d’écoute.

La lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet

187.Opérationnelle depuis janvier 2009, la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements («PHAROS») vise à recueillir et traiter les signalements émis par les internautes et les fournisseurs d’accès portant sur des messages et comportements illicites sur Internet, qu’il s’agisse de contenus racistes ou négationnistes, d’appels à la haine, de pédophilie ou d’incitations à commettre des crimes. Le portail est accessible sur le site www.internet-signalement.gouv.fr.

188.La plateforme est placée au sein de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) qui a pour mission de lutter contre toutes les infractions générées par l’usage frauduleux des technologies de l’information et de la communication.

189.En 2011, les capacités d’action de la plateforme PHAROS ont été renforcées par l’affectation de cinq enquêteurs supplémentaires et par le développement de ses capacités techniques. L’OCLCTIC veille également à renforcer ses liens avec les associations des fournisseurs d’accès (AFA), notamment en les tenants régulièrement informées des suites judiciaires données à certains signalements.

190.Chaque année, l’OCLCTIC établit un bilan sur l’activité de PHAROS comportant notamment une typologie des signalements reçus et traités. Ainsi, du 1er janvier au 30 novembre 2011, «PHAROS» a reçu 92 261 signalements, dont 8 605 se rapportaient à un contenu discriminatoire, soit une augmentation de 12% par rapport à la même période en 2010. En outre, sur les 214 enquêtes initiées entre le 1er janvier et le 30 novembre 2011, tous signalements confondus, 36 procédures relèvent de la xénophobie et des discriminations, soit 14% du total des enquêtes.

Mise en place d’une documentation centralisée

191.Afin d’aider les unités chargées des enquêtes relatives aux infractions à caractère raciste, xénophobe ou antisémite, la gendarmerie nationale a mis en place un dispositif de centralisation des informations dans ce domaine. Cette documentation, appelée SOIRAX (Symbol of Interest to Fight Racism, Antisemitism and Xenophobia), ne contient aucune donnée personnelle mais répertorie tous les signes, symboles, langages et codes de reconnaissance des groupuscules extrémistes. La consultation de cette source d’informations permet ainsi d’opérer le rapprochement des sigles laissés par les auteurs lors de la commission de ces infractions. Cette documentation a d’ailleurs été transmise à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui en a fait une base de données internationale.

Article 5

192.Comme indiqué lors du précédent rapport devant le Comité, les autorités françaises sont particulièrement attentives, lors des interventions des forces de l’ordre, au respect des personnes sans distinction de leur nationalité ou origine.

1.Une formation adaptée

193.La police nationale et la gendarmerie nationale mènent auprès de leurs personnels des actions spécifiques sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie dans le cadre des formations initiales et tout au long de leur carrière.

Au sein de la police nationale

194.Dès la formation initiale, l’étude de la déontologie professionnelle et de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les autres formes de discrimination, est dispensée tout au long de la scolarité au travers de cours magistraux, de conférences, ou d’exercices pratiques. Tous les personnels, quel que soit leur corps ou leur grade, sont concernés:

•Les adjoints de sécurité (ADS) reçoivent un enseignement relatif au respect des règles déontologiques complété par un exercice pratique dans le cadre de la situation «effectuer une patrouille» afin de les amener à adopter la neutralité requise dans leur rapport aux individus, quelle qu’en soit l’origine, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle.

•Les notions d’exemplarité, de dignité, d’impartialité et de loyauté envers les institutions sont au cœur de la formation des gardiens de la paix et la lutte contre les discriminations fait l’objet d’enseignements spécifiques dispensés lors de la situation professionnelle «procéder à un contrôle d’identité». Par ailleurs, le fait religieux est abordé lors d’une séquence incluant la projection de différents entretiens et reportages contenus dans un film «police et religion». Il s’agit d’appréhender la mise en œuvre concrète du principe de laïcité et de la liberté du culte, ainsi que le respect des devoirs associés. Les particularités des interventions dans les lieux de culte sont abordées de même que le discernement du policier et l’obligation de réserve.

•Les lieutenants de police sont sensibilisés à la lutte contre le racisme et la xénophobie au cours de deux modules intitulés respectivement «éthique, discernement, déontologie, psychologie» et «libertés publiques et droits fondamentaux».

•La question de la déontologie professionnelle est également centrale dans la formation des commissaires de police, leur formation inclut également l’étude de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ainsi que les droits fondamentaux de l’homme.

195.S’agissant de la formation continue, les thématiques relatives à la lutte contre le racisme et la xénophobie sont étudiées au cours de stages abordant les règles de déontologie, en particulier les devoirs des fonctionnaires envers les usagers, ainsi que le respect du principe d’égalité des citoyens devant le service public. Ces notions sont régulièrement abordées dans différentes actions de formation relatives à l’accueil du public et lors de la formation des agents du corps d’encadrement et d’application à l’examen d’officier de police judiciaire.

Au sein de la gendarmerie nationale

196.Différentes activités de formation sont menées au sein de la gendarmerie nationale.

•Les gendarmes adjoints volontaires sont sensibilisés à différentes notions liées au respect de la personne, dans le cadre d’un module «éthique et déontologie», au cours duquel est abordée la lutte contre les discriminations, particulièrement contre le racisme. Cette notion est également étudiée dans le cadre des séances de formation portant sur la qualité de l’accueil.

•Les sous-officiers de gendarmerie étudient la déontologie professionnelle et la lutte contre toutes les formes de discriminations aux travers de différents modules. L’un de ces modules, intitulé «déontologie et éthique militaire», porte notamment sur la charte du gendarme, ou encore le respect de la personne humaine. Les élèves-gendarmes bénéficient également d’une formation à l’accueil, au cours de laquelle les problèmes de discriminations sont abordés. La lutte contre les discriminations fait également l’objet du cours relatif aux «contrôles d’identité».

•Pour les officiers de gendarmerie, la lutte contre les discriminations et le racisme est essentiellement étudiée dans le cadre du module «d’éthique et de déontologie». Ces notions sont également examinées à la fois au sein du module «commandement et gestion des ressources humaines», pour prévenir les comportements discriminatoires internes à l’institution, et au sein du module de droit pénal spécial, qui intègre l’étude des différentes infractions pouvant être relevées par les officiers de police judiciaire, et notamment toutes les infractions à caractère discriminatoire.

197.La formation continue au sein de la gendarmerie nationale intègre systématiquement ces notions d’éthique et de déontologie professionnelles tout au long de la carrière, quel que soit le grade des militaires. À titre d’illustration, la lutte contre les différentes formes de racisme et de discrimination est notamment étudiée au cours de la formation préparatoire à l’examen d’officier de police judiciaire. Par ailleurs, les commandants de compagnies de gendarmerie départementale organisent mensuellement des séances d’instructions collectives, sur des thématiques professionnelles diverses. Ces séances sont l’occasion de rappeler les principes déontologiques et un certain nombre de formations au niveau local ont été organisées sur ce thème, notamment avec le soutien des antennes locales de la LICRA. Enfin, l’inspection générale de la gendarmerie nationale (bureau des enquêtes judiciaires) intervient lors de certaines sessions de formation au commandement pour évoquer ces concepts et indiquer le cadre de son action, lorsque sont constatés des comportements discriminatoires répréhensibles.

Au sein de l’administration pénitentiaire

198.L’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire (ENAP) est chargée de la formation initiale et continue des personnels pénitentiaires. La formation sur la lutte contre toutes les formes de discrimination à l’encontre des personnes placées sous-main de justice (PPSMJ) repose sur les principes mêmes du droit pénitentiaire français et européen.

199.Les Règles pénitentiaires européennes (RPE) interdisent notamment toute discrimination «fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation» (Règle n° 13), l’article 22 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit que «l’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits», et l’article 15 du Code de déontologie pénitentiaire dispose que «le personnel de l’administration pénitentiaire a le respect absolu des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire et de leurs droits. Il s’interdit à leur égard toute forme de violence ou d’intimidation. Il ne manifeste aucune discrimination».

200.Les formateurs de l’ENAP reprennent ces références dans tous les enseignements et plus particulièrement dans le cours «Insertion et Prévention de la récidive», dispensé auprès des agents en formation initiale. Ils rappellent le principe de respect de la dignité et le devoir de non-discrimination. De même, le cours sur «Les différences culturelles dans la pratique professionnelle du Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, du surveillant, du lieutenant, du directeur» insiste sur la nécessité pour tout professionnel d’être vigilant sur ses propres représentations afin de prévenir tout comportement ou propos discriminant.

2.Le respect de la déontologie

Les textes

201.Dans la gendarmerie nationale, une charte du gendarme a été élaborée en complément de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale. Cette charte contient deux articles qui condamnent particulièrement toutes les formes de discrimination, de racisme et de xénophobie:

•Article 6: «Le gendarme préserve la dignité humaine en luttant contre les traitements inhumains et dégradants et toutes les formes de discrimination. Les exigences d’éthique et de déontologie guident son action, notamment lorsqu’il prend des mesures coercitives ou intrusives. Par respect d’autrui, le gendarme s’interdit toute attitude, parole ou geste déplacés, quelles que soient les situations et les personnes auxquelles il se trouve confronté».

•Article 9: «Le gendarme contribue à la recherche d’informations et de renseignements à destination des autorités ayant à en connaître. Hormis les cas où la loi le prévoit, il s’abstient de toute enquête sur les personnes relative à leur origine, leurs orientations sexuelles, leur état de santé, leur appartenance à une organisation syndicale, leurs opinions politiques, religieuses ou philosophiques».

202.Pour la police nationale, une rénovation du Code de déontologie, présentée infra, est en cours afin d’actualiser les principes qui y figurent et d’introduire de nouvelles prescriptions.

203.Ce nouveau Code de déontologie devra être commun aux deux forces de l’ordre: police nationale et gendarmerie nationale.

Les sanctions

204.Au cours de l’année 2011, sur les 2 969 sanctions disciplinaires prononcées à l’égard de policiers (contre 2 698 en 2010 et 3 109 en 2009), 132 se rapportaient à des violences avérées dont 11 ont conduit à la révocation ou à une mesure assimilée des agents concernés et 2 à la mise en retraite d’office. Au cours de la même année, l’inspection générale de la police nationale a été saisie de 1 542 faits allégués contre des policiers (contre 1 385 en 2010 et 1 479 en 2009). Sur ceux-ci, 758 (49% des faits allégués) concernaient des atteintes aux personnes dont 652 pour des violences (42% des faits allégués et 86% des atteintes aux personnes alléguées), contre 698 (50% des faits allégués) dont 672 pour des violences (49% des faits allégués et 96% des atteintes aux personnes alléguées) en 2010 et 690 (47% des faits allégués) dont 668 pour des violences (45% des faits allégués et 97% des atteintes aux personnes alléguées) en 2009.

Le contrôle externe

205.La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Cinquième République a confié au Défenseur des droits la poursuite des missions anciennement dévolues à la Commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS). Les modalités de saisine de cette nouvelle autorité constitutionnelle indépendante ont été élargies de sorte que, désormais, toute personne qui s’estime victime d’un manquement à la déontologie de la part de fonctionnaires de police ou de militaires de la gendarmerie peut directement saisir le Défenseur des droits.

206.Enfin, les actions de formation continue menées en partenariat avec la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) se poursuivent avec le Défenseur des droits, puisqu’un dispositif identique est en cours d’élaboration. D’ores et déjà, le Défenseur des droits est convié à intervenir dans le cadre des formations initiales des cadres de la police française (officiers et commissaires).

I.Droits politiques

207.Cette question ayant été évoquée dans les rapports précédents, le présent signale au Comité les évolutions récentes en matière de droits politiques.

208.Comme il avait été souligné dans les 17e, 18e et 19e rapports, l’administration pénitentiaire a pris des dispositions afin d’informer les personnes détenues de leurs droits dans ce domaine. Une campagne d’information ciblée au moment des périodes électorales a permis de sensibiliser la population pénale aux différents dispositifs existants, facilitant ainsi leur participation effective. Cette action de l’administration pénitentiaire est conforme aux règles pénitentiaires européennes (RPE) n° 2 et 24-11 qui garantissent aux personnes privées de liberté l’exercice de tous les droits qui ne leur sont pas retirés et notamment leur droit de vote. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 autorise les personnes détenues qui ne disposent pas d’un domicile personnel à élire domicile auprès de l’établissement pénitentiaire pour l’exercice de leurs droits civiques. Enfin, en application de l’article D. 143 du Code de procédure pénale, modifié par le décret n° 2007-1627 du 16 novembre 2007, les personnes détenues condamnées, soit à une peine privative de liberté inférieure ou égale à cinq ans, soit à une peine privative de liberté supérieure à cinq ans lorsqu’elles ont exécuté la moitié de leur peine, peuvent demander une permission de sortir d’une journée pour l’exercice de leur droit de vote. Pour exemple, ce dispositif a été appliqué lors des élections législatives et présidentielles de 2012.

II.Les autres droits civils

1.Droit à une nationalité

209.Deux lois récentes (art. 18 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 et articles 1er à 7 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011) ont modifié les règles relatives au droit de la nationalité française.

210.Ces lois ont ainsi modifié les conditions d’acquisition de la nationalité française: la naturalisation peut être accordée à l’étranger justifiant d’une résidence habituelle en France pendant deux ans (et non plus cinq ans), qui présente un parcours exceptionnel d’intégration, apprécié au regard des activités menées ou des actions accomplies dans les domaines civique, scientifique, économique, culturel ou sportif.

211.Par ailleurs, les étrangers demandant leur naturalisation doivent justifier d’une connaissance suffisante, selon leur condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que de leur adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République.

212.Enfin, la loi du 16 juin 2011 impose à l’autorité publique de répondre à une demande d’acquisition de la nationalité française par naturalisation dans les dix-huit mois à compter de la remise de toutes les pièces nécessaires à la constitution du dossier, ce délai ne pouvant être prolongé qu’une fois, par décision motivée, pour une période de trois mois.

2.Droit de se marier et de choisir librement son conjoint

213.La liberté du mariage est protégée, comme l’une des composantes de la liberté personnelle, au titre des articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789.

214.Cependant, ce principe ne fait pas obstacle à ce que le législateur adopte des dispositions pour lutter contre les mariages forcés et les mariages de «complaisance» (exemple: audition préalable à la cérémonie de chacun des futurs époux, droit d’opposition du procureur de la République). L’article L. 623-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, modifié par la loi du 16 juin 2011, dispose ainsi que le fait de contracter un mariage aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Ces peines sont également encourues lorsque l’étranger qui a contracté le mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint, et elles sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.

215.Dans sa décision n° 2012-227 QPC du 30 mars 2012, le Conseil constitutionnel a jugé que le pouvoir du procureur de la République de s’opposer à l’acquisition de la nationalité par mariage, ainsi que la présomption de fraude lorsque la vie commune avait cessé dans l’année suivant l’enregistrement de la célébration, tendaient à protéger «le mariage contre un détournement des fins de l’union matrimoniale».

3.Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion

(a)Données relatives à l’application de la loi du 15 mars 2004

216.Conformément aux dispositions de la loi du 15 mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, une évaluation de son application a été établie un an après son entrée en vigueur, en juillet 2005. Dans ce cadre, les craintes liées à l’exclusion de certaines jeunes filles du système éducatif ont été démenties par les faits. Ainsi, au cours de l’année scolaire 2004-2005, seuls 39 élèves, dont 36 filles, ont été exclus définitivement, les autres cas ayant trouvé une solution par le dialogue.

217.Depuis 2005, les académies n’ont eu à connaître que de quelques cas isolés d’élèves se présentant avec un signe religieux ostensible. À l’occasion des rentrées 2008 et 2009, aucune procédure disciplinaire n’a été mise en œuvre, et aucun contentieux nouveau n’a été signalé au titre de la rentrée scolaire 2009-2010. Ces chiffres sont le signe que les principes de la loi ont été bien acceptés par les élèves et leurs familles.

218.La compréhension du sens de la loi par l’immense majorité des élèves et des familles est, de plus, attestée par le fait que le médiateur de l’éducation nationale indique n’avoir jamais été saisi sur ce point.

219.Depuis l’entrée en vigueur de la loi, 33 jugements de tribunaux administratifs sont intervenus sur le fond et ont tous rejeté les demandes d’annulation dirigées contre les décisions d’exclusion définitive prises en application de la loi. Aucun jugement n’est actuellement pendant devant ces juridictions. La Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée en juin 2009 sur l’interdiction du port des signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires français, à l’occasion d’une affaire relative à l’exclusion d’élèves français de confession sikhe. Elle a confirmé que les restrictions prévues par la loi du 15 mars 2004 étaient justifiées par le principe constitutionnel de laïcité et conformes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

(b)La loi du 11 octobre 2010

220.La loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public a créé une contravention de dissimulation du visage dans l’espace public et un délit d’instigation à dissimuler son visage. La méconnaissance de l’interdiction est punie d’une amende de 150 euros et/ou de l’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté. Le fait de contraindre une personne à dissimuler son visage à raison de son sexe devient un délit sanctionné d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. La peine encourue est doublée lorsque la contrainte est exercée sur un mineur. Aucune procédure n’était engagée au titre de ce délit 18 mois après son entrée en vigueur.

221.Par cette loi, la représentation nationale a réaffirmé solennellement les valeurs de la République et les exigences du vivre ensemble.

222.Se dissimuler le visage, selon la tradition républicaine, porte atteinte aux exigences minimales du vivre ensemble, qui impliquent que, dès lors que l’individu est dans un lieu public au sens large, c’est-à-dire dans lequel il est susceptible de croiser autrui de manière fortuite, il ne peut ni se voir dénier son appartenance à la société, ni la renier en dissimulant son visage au regard d’autrui au point d’empêcher toute reconnaissance. Des démarches courantes supposent de pouvoir identifier les individus: lorsqu’un parent vient chercher son enfant à la sortie d’une école, la remise d’un pli dans les bureaux de poste, le vote électoral.

223.Le port d’un voile intégral entraîne une exclusion sociale des femmes qui le portent, volontairement ou non. Les personnes concernées sont placées dans une situation d’exclusion incompatible avec les principes de liberté, d’égalité entre l’homme et la femme et de dignité humaine tels que conçus dans la République française. Cette situation peut être choisie ou contrainte, c’est la raison pour laquelle la loi sanctionne également le fait de contraindre un tiers à dissimuler son visage.

224.Des considérations d’ordre public, telles que les exigences de sécurité publique, justifient également de prescrire en public des tenues permettant l’identification des personnes. Pouvoir être identifié, en cas de besoin, permet de mieux prévenir, par exemple, la survenance de comportements délictueux.

225.La loi vise plus largement toute tenue destinée à dissimuler le visage, soit toutes celles qui rendent impossible l’identification de la personne: sont à cet égard notamment interdits, le port de voiles intégraux (burqa, niqab, etc.), mais aussi de cagoules, de masques ou de tout autre accessoire ou vêtement ayant pour effet de dissimuler le visage.

226.L’article 2 de la loi prévoit plusieurs exceptions à l’interdiction de la dissimulation du visage. Restent en effet autorisées les protections du visage utilisées pour des raisons de santé, les protections du visage utilisées à titre professionnel ou dans le cadre de pratiques sportives, les tenues obligatoires (comme les casques pour les utilisateurs de deux roues), la dissimulation du visage à l’occasion des manifestations traditionnelles telles que les carnavals ou les processions, le port de vêtements ou d’accessoires n’ayant pas pour but de masquer intégralement le visage (lunettes de soleil, chapeaux, etc.).

227.L’interdiction s’applique dans l’espace public défini comme les voies publiques ainsi que les lieux ouverts au public ou affectés à un service public. L’interdiction ne s’applique pas aux lieux de culte ouverts au public. La loi n’a donc pas pour conséquence de restreindre la liberté religieuse en régissant les tenues lors des cérémonies religieuses dans les lieux de culte.

228.Une personne qui dissimule son visage dans l’espace public peut faire l’objet d’une contravention d’un montant maximum de 150 euros. À la place ou en plus de cette amende, le juge peut prononcer l’obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté. Une personne qui contraint une autre à dissimuler son visage dans l’espace public commet un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Ces peines sont doublées si la personne contrainte est mineure.

229.Par souci de pédagogie, la loi du 11 octobre 2010 a prévu un délai de six mois entre son vote et son application, ce qui a permis de promouvoir l’adhésion aux règles essentielles du pacte républicain.

230.Entre sa date d’entrée en vigueur, le 11 avril 2011, et le 11 avril 2012, 354 contrôles ont été effectués et ont donné lieu à 299 verbalisations. La procédure retenue permet de garantir le plein respect des droits, les forces de sécurité appliquent la loi sous le contrôle du juge judiciaire, auquel il appartient de se prononcer sur les infractions constatées.

231.L’application de la loi sur la dissimulation du visage dans l’espace public s’effectue, dans la très grande majorité des cas et sur l’ensemble du territoire de la République, sans recours à la contrainte et sans occasionner de trouble à l’ordre public. On soulignera d’ailleurs que les services de police ou de gendarmerie, dans le cadre de l’application de la loi du 11 octobre 2010, n’ont pas le pouvoir de contraindre une contrevenante à ôter son voile, par exemple.

(c)Personnes détenues

232.La Règle pénitentiaire européenne 29.1 affirme le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion des personnes détenues, conformément à l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le respect des croyances et l’exercice du culte sont garantis et organisés en détention par les articles D. 432 à D. 439 du Code de procédure pénale. Des lieux de culte et de réunion doivent être fournis aux détenus dans chaque prison dans la mesure du possible et le service religieux est assuré, pour les différents cultes, par des aumôniers agréés à cet effet.

III.Les droits économiques, sociaux et culturels

233.Plusieurs de ces questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels ont été abordées dans les précédents rapports périodiques de la France. Les présents développements ont pour objet d’évoquer la mise en œuvre de ces droits et les évolutions s’y rapportant.

1.Le droit au travail

(a)La politique d’intégration par l’accès à l’emploi

234.L’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ex-Fonds d’action sociale) répond au besoin d’apprentissage de la langue des migrants installés en France. Sa démarche s’inscrit dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle. L’apprentissage de la langue par les migrants est prévu par le Code du travail, au titre de la formation professionnelle tout au long de la vie.

(b)Le principe général de non-discrimination

235.Les présents développements ont pour objet de rappeler le cadre général du droit français du travail décrit dans les précédents rapports périodique de la France ainsi que ses évolutions. Ce cadre repose sur un principe général d’interdiction des discriminations en matière d’emploi.

236.En application de l’article 225-3 du Code pénal, une différence de traitement en matière d’embauche ne peut être fondée sur le sexe ou l’apparence physique, que si et seulement si un tel motif constitue «une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée».

237.La définition des discriminations prohibées est largement conçue par le droit: aux termes de l’article 225-1 du Code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2012, «constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée». La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, a élargi le champ des interdictions: ainsi, tout agissement lié à l’un des motifs prohibés et tout agissement à connotation sexuelle, subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, constitue une discrimination. La loi a, par ailleurs, introduit le critère des convictions, distinct de celui de la religion, qui constitue un élargissement supplémentaire par rapport aux deux critères inscrits à l’article L. 1132-1 du Code du travail que sont les opinions politiques et les convictions religieuses. Ce nouvel agissement prohibé, qualifié de harcèlement dans les directives communautaires, est rattaché en droit interne à la définition des discriminations. Cette forme de discrimination n’a pas d’incrimination pénale contrairement aux harcèlements moral et sexuel.

238.On constate toutefois, en pratique, que les difficultés d’accès à l’emploi des personnes immigrées et issues de l’immigration, résultent bien souvent d’une discrimination directe ou indirecte: ainsi, toutes les candidatures, à qualification égale, ne sont pas toujours considérées d’un œil égal, dès lors peuvent intervenir au moment des choix entre les candidats des références ou des pratiques illégales qui écartent les migrants ou les personnes issues de l’immigration.

239.En 2008, le Gouvernement français, à travers l’action de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE), a poursuivi le développement des actions visant à améliorer l’accès à la fonction publique et à accompagner le développement de la charte de la diversité, en collaboration avec les entreprises, les organisations professionnelles, syndicales et consulaires. En mars 2011, au terme de 2 ans d’existence, on constate l’intérêt suscité en pratique par le «Label diversité»: 255 labels ont été attribués à des entreprises privées et publiques ou à des organismes publics, pour plus de 15 000 sites de travail et près de 770 000 salariés. Les entreprises développent également des actions spécifiques en faveur de lutte contre les discriminations. Ainsi, dans le domaine des médias audiovisuels, l’élaboration du nouveau contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions (FTV) pour la période 2011-2015 permet de pérenniser les engagements pris par cette entreprise dès 2004 en matière d’égalité des chances et de promotion de la diversité, que ce soit sur ses antennes ou dans la gestion de ses ressources humaines.

2.Le droit au logement

240.En application de la loi du 5 mars 2007, déjà signalée dans le précédent rapport, le droit à un logement décent et indépendant est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et permanente, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir.

241.L’effectivité de ce principe repose sur l’opposabilité du droit au logement, qui suppose l’existence de recours juridictionnels ouverts aux personnes qui ne sont pas en mesure d’accéder à un logement décent. L’opposabilité se traduit par l’instauration d’un dispositif juridique à double détente permettant, en cas d’échec de la procédure de médiation amiable, de saisir le juge dans le cadre d’un nouveau type de contentieux.

242.En vertu de la loi du 5 mars 2007, le demandeur qui a été reconnu comme prioritaire par la commission de médiation et devant être logé d’urgence et qui n’a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement. Depuis le 1er janvier 2012, ce recours, auparavant limité à certaines catégories de demandeurs prioritaires, est ouvert à tout demandeur n’ayant pas obtenu de réponse adaptée à sa demande à l’issue d’un délai fixé par le préfet.

243.Les astreintes prononcées, le cas échéant, par le juge à l’appui de sa décision ordonnant le logement ou le relogement abondent le fonds national d’accompagnement vers et dans le logement, institué par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011. L’objectif de ce fonds est de financer, d’une part, les actions d’accompagnement social en direction des ménages reconnus prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence au titre du droit au logement opposable, et d’autre part, des actions de gestion locative adaptées pour les logements attribués à ces mêmes personnes.

244.Un rapport sénatorial présenté le 27 juin 2012 note qu’en consacrant l’opposabilité du droit au logement par la mise en place d’une obligation de résultat pour l’État, la loi du 5 mars 2007 constitue une avancée pour la question du logement. Ce rapport souligne toutefois que si la mise en œuvre de ce droit trouve à s’appliquer correctement sur la grande majorité du territoire, elle pose le plus de difficultés dans les territoires dont les marchés immobiliers tendus rigidifient les possibilités d’accès au logement social.

245.Le Défenseur des droits a lancé en 2012 une étude sur les demandes de logement social, poursuivant l’effort de connaissance des processus discriminatoires dans le domaine du logement. L’étude vise à analyser les profils des personnes soumises à des délais d’attente anormalement longs pour une proposition de logement (dans le cadre du recours pour ce motif ouvert par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable), engagée en partenariat avec l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité (ACSE) et le Plan Urbanisme Construction et Architecture (PUCA).

246.La HALDE, dans deux délibérations essentielles, avait déjà formulé des recommandations de portée générale adressées aux acteurs-clés du logement. À la suite de la délibération n° 2009-133 du 16 mars 2009 demandant la mise en place de procédures transparentes pour traiter les candidatures et l’attribution des logements, en veillant à ce que la mise en application du principe de mixité dans le logement social ne soit pas à l’origine de situations discriminatoires, la HALDE a pris en avril 2011 une nouvelle délibération (n° 2011-122) comportant une série de recommandations aux pouvoirs publics, collectivités locales, professionnels de l’immobilier, ainsi qu’aux bailleurs sociaux. Figurent parmi ces recommandations: la nécessité de sanctions réellement dissuasives en cas de non-respect de leurs objectifs d’offre de logements sociaux par les communes soumises à l’obligation d’atteindre 20% en 2020, une meilleure information de leurs adhérents par les fédérations de professionnels de l’immobilier sur les pratiques abusives et les interdictions légales de discriminer et la transparence dans l’attribution de logements. Le Défenseur des droits a repris à son compte ces recommandations.

3.Le droit à pension des anciens combattants de nationalité étrangère (Recommandation n° 20 du Comité)

247.Dans ses observations finales présentées le 27 août 2010, le Comité notait avec satisfaction les progrès réalisés par la France pour donner effet aux précédentes observations finales du Comité s’agissant de la question des pensions des anciens combattants, et notait également la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010, dite «Cristallisation des pensions». De nouveaux progrès peuvent être relevés en ce domaine.

248.En effet, l’article 211 de la loi n° 2010-1657 de finances pour 2011 adoptée par le Parlement le 29 décembre 2010 a procédé à la décristallisation complète, avec effet au 1er janvier 2011, des pensions civiles et militaires de retraite, des pensions militaires d’invalidité et de la retraite du combattant servies aux ressortissants de l’Union française, de l’ancienne Communauté française ou de pays ayant été placés sous le protectorat ou la tutelle de la France, conformément à la décision précitée du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010. Cette décristallisation représentera un effort financier de 150 millions d’euros en année pleine.

4.La valorisation des langues régionales outre-mer

249.Les précédents rapports périodiques ont évoqué le cadre général relatif aux langues régionales outre-mer. Si l’article 2 de la Constitution consacre le français comme «langue de la République», la France conduit une politique de valorisation de ses langues régionales, notamment outre-mer. Depuis le précédent rapport, la France a organisé du 14 au 18 décembre 2011 en Guyane les «États généraux du multilinguisme dans les outre-mer». Cette rencontre a permis d’élaborer un ensemble de nouvelles préconisations adossées à des principes qui pourront prendre la forme d’une charte pour améliorer le cadre et les actions entreprises en matière de protection des langues locales.

Article 6

I.Le droit à réparation

250.Comme il l’avait indiqué dans le précédent rapport périodique, le Gouvernement français souhaite rappeler l’attention qu’il accorde à l’indemnisation des victimes d’actes constitutifs de discrimination raciale, et l’efficacité du dispositif mis en place en leur faveur. Elles bénéficient en effet à la fois des droits reconnus dans le Code de procédure pénale à toute victime d’infractions, mais aussi de moyens d’action dédiés, tels que l’intervention en justice d’associations de lutte contre le racisme, une concertation et des échanges de ces associations avec les parquets. Afin de garantir une indemnisation effective des victimes, la France a mis en place des dispositifs d’aide au recouvrement tels que le SARVI (service d’aide au recouvrement des victimes d’infraction) ou la CIVI (commission d’indemnisation des victimes d’infraction).

II.L’accès effectif aux tribunaux: l’aide juridictionnelle

251.Le principe est que les citoyens d’un État membre de l’Union européenne, ou d’une autre nationalité, qui résident régulièrement et habituellement en France peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle.

252.L’aide juridictionnelle peut être accordée sans condition de résidence régulière et habituelle aux personnes de nationalité étrangère faisant l’objet de l’une des procédures suivantes: prolongation du maintien en zone d’attente, saisine de la commission du titre de séjour par l’autorité administrative, contentieux du titre de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français et contentieux de la reconduite à la frontière, saisine de la commission d’expulsion par l’autorité administrative, prolongation de la rétention administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

253.Le requérant de nationalité étrangère, qui ne dispose pas de ressources suffisantes, peut également bénéficier de l’aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d’asile, qu’il soit entré, ou réside, sur le territoire français de façon régulière ou irrégulière.

254.Pour les victimes d’infractions les plus graves et leurs ayants droit, la condition de ressources n’est pas exigée en matière de crimes, d’atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité des personnes: ces victimes peuvent bénéficier immédiatement de l’aide juridictionnelle en vue d’exercer l’action civile en réparation des dommages résultant de ces crimes. Parmi les infractions visées figurent celles de meurtre, d’assassinat, d’actes de torture et de barbarie, de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ou une mutilation ou une infirmité permanente, qui peuvent être aggravées par le fait qu’elles ont été commises «à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée».

255.La France veille à ce que, grâce à la présence des associations d’aide aux victimes, les structures d’accès au droit (Conseil départemental d’accès au droit, maison de justice et du droit, bureau d’aide aux victimes) offrent aux justiciables, sur l’ensemble du territoire national, un conseil spécialisé et un accompagnement dans la procédure judiciaire.

Article 7

256.Comme l’a indiqué la France dans son précédent rapport, le Code de l’éducation a posé le principe général selon lequel, «outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’Ecole de faire partager aux élèves les valeurs de la République» (art. L. 111-1). Ce principe se décline au travers de l’enseignement au sein des écoles, collèges, lycées et établissements d’enseignement supérieur qui sont «chargés de transmettre et de faire acquérir des connaissances et méthodes de travail» et «contribuent à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d’orientation». Les établissements «concourent à l’éducation à la responsabilité civique et participent à la prévention de la délinquance. Ils assurent une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ainsi qu’à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte».

257.Le Ministère de l’éducation nationale favorise les actions pour le refus de toute forme de racisme, d’antisémitisme et de xénophobie et la lutte contre les discriminations. Le socle commun de connaissances et de compétences (art. L. 122-1-1 du Code de l’éducation) contribue à la construction et à l’appropriation des valeurs qui fondent la République française, en particulier le respect des droits et des libertés fondamentaux, l’acquisition d’une culture humaniste. La circulaire de rentrée de 2011 rappelle que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen doit être affichée dans toutes les classes.

258.La lutte contre les discriminations implique toute la communauté éducative: la circulaire de rentrée constitue la référence annuelle pour la mise en œuvre à tous les niveaux des priorités en matière de politique éducative. La volonté de refuser toute forme de discrimination y figure chaque année et les règlements intérieurs, depuis la circulaire de rentrée 2009, doivent mentionner le refus de toutes les formes de discrimination et les nommer clairement, ainsi que l’interdiction de tout harcèlement discriminatoire portant atteinte à la dignité de la personne. Il en va de même pour les propos injurieux ou diffamatoires. Dans les établissements, les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté participent à la mise en œuvre des actions éducatives, après avoir établi un diagnostic de la situation locale et défini des priorités. Les conseils de la vie lycéenne initient des projets visant à encourager la tolérance, le respect de soi et d’autrui dans sa diversité. Le conseil national de la vie lycéenne représentant les délégués des 30 académies a fait de la prévention des discriminations un axe structurant de son action en 2011.

259.La France a renforcé sa politique culturelle en faveur d’une meilleure connaissance au sein du grand public de la diversité de la société française, notamment par le développement de départements muséologiques ou de musées consacrés à cette question. En particulier, la Cité nationale de l’histoire de l’immigration a pour mission de rassembler, sauvegarder, mettre en valeur et rendre accessibles les éléments relatifs à l’histoire de l’immigration, notamment depuis le XIXe siècle. La CNHI contribue ainsi à la reconnaissance des parcours d’intégration des populations immigrées dans la société française et fait évoluer les regards et les mentalités sur l’immigration.

I.Les dispositifs institutionnels de prévention et de surveillance des actes racistes

260.Depuis le précédent rapport, le Gouvernement français a mené des actions nouvelles en vue de mieux prévenir et surveiller les actes racistes dans le secteur de l’enseignement.

1.L’action du Haut Conseil à l’intégration

261.Tout d’abord, le 26 avril 2010, le Haut Conseil à l’intégration (HCI) s’est vu confier une mission de suivi des questions liées à l’application du principe de laïcité en France. Le HCI a dès lors installé un Comité de réflexion et de propositions sur la laïcité, composé d’une vingtaine de personnes connues pour leur engagement au service de cette valeur fondamentale de la République française. En février 2011, le HCI a rédigé une charte de la laïcité dans les services publics. Le HCI, en partenariat avec le Ministère de l’éducation, a décidé l’installation d’une mission «pédagogique de la laïcité» chargée de mettre à disposition des personnels de l’éducation nationale des outils conceptuels et pédagogiques nécessaires pour mieux s’approprier le principe de laïcité.

262.Le rapport sur la fondation des politiques d’intégration, remis au Premier ministre le 11 février 2013, suggère par ailleurs de confier au Haut Conseil à l’intégration (HCI) la mission d’établir et de rendre publics les chiffres des flux migratoires.

2.Connaître les actes

263.Dans la continuité de son action globale pour mieux connaître les actes de racisme, de xénophobie ou d’antisémitisme, le Gouvernement a également poursuivi le recueil de données, auprès des chefs d’établissements, sur les incidents graves survenus en milieu scolaire, grâce à l’enquête SIVIS (Système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire). Pour les incidents motivés par des considérations racistes, xénophobes ou antisémites, la motivation discriminante est considérée comme une circonstance aggravante qui permet d’enregistrer tout acte de ce type, quelles que soient par ailleurs ses caractéristiques. En 2010-2011, les actes à caractère raciste, xénophobe ou antisémite représentent moins d’un incident pour 1 000 élèves.

264.Par ailleurs, une enquête a été réalisée au printemps 2011 auprès d’environ 18 000 collégiens, en particulier sur les insultes liées aux discriminations (couleur de la peau, origine, religion et sexisme). Cette enquête apporte un éclairage complémentaire au dispositif SIVIS en captant plus spécifiquement le vécu des élèves, et pas seulement les faits dont l’institution scolaire a eu connaissance.

265.S’agissant de la violence scolaire motivée par des mobiles racistes, xénophobes et antisémites et sa prévention, doit être signalé le rôle des brigades de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ) de la gendarmerie nationale, dont la mission principale est de prévenir la délinquance chez les mineurs. Ces brigades spécialisées interviennent auprès des établissements scolaires, afin de détecter les infractions dont pourraient être victimes les élèves.

3.L’action partenariale

(a)L’action interministérielle

266.Afin de protéger les établissements scolaires des actes de violence, le Gouvernement français mène depuis plusieurs années une politique partenariale avec les différents ministères concernés (éducation nationale, intérieur et justice). Cette politique se traduit, en pratique, par:

•Des actions de sensibilisation menées au sein des établissements scolaires par les policiers: 1 000 correspondants «police-sécurité» ont été désignés pour être les interlocuteurs des chefs d’établissement.

•Le traitement des actes d’incivilités ou de violences scolaires dans le cadre d’une chaîne cohérente qui fait intervenir la communauté éducative, le policier et le magistrat.

•Des diagnostics de sécurité partagés, établis selon la situation de chaque établissement et des opérations de sécurisation des abords des établissements sont régulièrement menées.

•Des formations communes aux acteurs de l’éducation nationale, de la police, de la gendarmerie et de la justice sont organisées.

267.Le 23 septembre 2009, une circulaire interministérielle, signée par le Ministre de l’intérieur et le Ministre de l’éducation nationale, et visant renforcer la sécurisation des établissements scolaires, a proposé l’organisation des dispositifs de sécurité mis en œuvre par les établissements scolaires autour des cinq axes prioritaires:

•La réalisation de diagnostics de sécurité dans tous les établissements scolaires.

•La généralisation des policiers ou gendarmes référents.

•La systématisation des opérations de sécurisation aux abords des établissements.

•La formation des personnels d’encadrement des établissements aux problématiques de sécurité et à la gestion de crise.

•Le suivi de la délinquance.

268.L’objectif poursuivi est de développer de manière significative les politiques partenariales engagées entre ces deux ministères afin de lutter plus efficacement contre toutes les formes de violences scolaires, y compris celles à caractère raciste, xénophobe et antisémite.

(b)La collaboration avec les autorités indépendantes

La collaboration avec la Commission nationale consultativedes droits de l’homme (CNCDH)

269.Les ministères concernés participent aux travaux de la CNCDH et suivent particulièrement la sous-commission en charge du racisme. Chaque année, ces ministères, dont le Ministère de la justice, de l’intérieur ou de l’éducation sont entendus par la Commission dans le cadre de son rapport sur «la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie» qui fait le point sur la politique mise en œuvre dans ce domaine. Le Gouvernement français attache la plus grande importance à ce rapport public sur la lutte contre le racisme que lui remet chaque année la CNCDH en application de la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe.

La collaboration avec le Défenseur des droits

270.Depuis le 1er mai 2011, le Défenseur des droits a repris les missions de la HALDE et du Défenseur des enfants. Le Défenseur a repris l’outil de formation en ligne contre les discriminations mis en place, depuis 2009 par la HALDE en collaboration avec le Ministère de l’éducation nationale. Destiné à tous les intervenants de l’éducation, l’outil est consultable sur le site du Défenseur des droits: http://halde.defenseurdesdroits.fr/-E-learning,46-.html. Le Ministère de l’éducation collabore aux travaux du Défenseur des droits sur les discriminations en milieu scolaire.

(c)La collaboration avec les associations de lutte contre le racisme

271.Le Gouvernement développe des partenariats avec les associations investies dans l’éducation à la citoyenneté et la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, dont la LICRA, SOS Racisme, la Ligue des droits de l’homme, l’Union des étudiants juifs de France et les associations éducatives complémentaires de l’enseignement public. Ces associations proposent des outils pédagogiques et mènent des interventions de sensibilisation dans les écoles et établissements, en appui de l’action des équipes éducatives.

Un exemple de partenariat avec une association: les conventions avecla Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA)

272.Une convention triennale entre la LICRA et le Ministère de l’éducation nationale a été renouvelée le 5 juillet 2011, la LICRA s’engageant autour de trois nouveaux axes: exécution des nouvelles mesures de responsabilisation pour les élèves auteurs d’actes racistes, antisémites ou de nature discriminatoire, actions de «médiation» au sein des établissements scolaires, qui en font la demande, confrontés à des situations de racisme, d’antisémitisme ou de nature discriminatoire, élaboration et expérimentation d’un module sur les risques d’Internet en matière d’incitation à la haine raciale.

273.Le Ministère de la justice et la LICRA ont renouvelé, en juin 2012, la convention annuelle d’objectifs qui les lie. La LICRA mène, dans ce cadre, des actions nationales dans le domaine de l’accès au droit, de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et de l’accompagnement juridique des victimes de ces infractions, grâce à une permanence juridique, une commission juridique nationale et un réseau de militants intervenant dans toute la France, en lien avec les parquets.

La Convention avec le Mémorial de la Shoah

274.L’important partenariat qui lie le Mémorial au Ministère de l’éducation nationale vise à mettre des ressources à disposition des enseignants. Dans le cadre de la convention signée en 2011, le Mémorial a réalisé un site Internet «Enseigner l’histoire de la Shoah» ouvert en mars 2012 à destination des enseignants: http://www.enseigner-histoire-shoah.org. Les académies sollicitent régulièrement le Mémorial pour des stages de formation tant sur la Shoah que sur les génocides et les violences de masse.

II.Les orientations pédagogiques: les programmes scolaires

275.Les nouveaux programmes prennent en compte des questions majeures pour notre société: le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, les apports successifs de l’immigration, le rapport à l’Autre et la compréhension de la diversité du monde. Ces questions traversent les programmes officiels de l’école primaire au lycée et donnent aux élèves des éléments de culture et de réflexion leur permettant de refuser toutes les formes de violence et de discrimination.

276.Conformément à l’article 2 de la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001, l’enseignement de l’esclavage et de la traite négrière est intégré aux programmes d’enseignement aux deux niveaux de la scolarité obligatoire, l’école primaire et le collège.

1.À l’école primaire et au collège

277.Le préambule présentant les programmes de l’école primaire (Bulletin officiel du 19 juin 2008) indique que celle-ci développe «le respect et la tolérance qui fondent les droits de l’homme et qui se traduisent au quotidien par le respect des règles de civilité et de politesse». Le programme d’instruction civique et morale reprend ces principes et indique l’interdiction absolue des atteintes à la personne d’autrui. La circulaire n° 2011-131 du 25 août 2011 relative à l’instruction morale à l’école vient compléter ces orientations.

278.Au collège, la démarche préconisée dans le programme d’éducation civique privilégie les apprentissages concrets qui permettent aux enfants de se situer dans des situations d’enseignement et d’éducation favorisant avant tout la compréhension du sens des valeurs républicaines:

•Les programmes d’histoire du collège ouvrent ainsi à la diversité et à la compréhension du monde (Inde classique, Chine des Hans, empires d’Afrique subsaharienne, traite négrière et esclavage).

•Les programmes de français du collège rappellent que l’un des axes des apprentissages est «le regard sur le monde, sur les autres et sur soi, à différentes époques». Les lectures conduites en classe «suscitent la réflexion sur la place de l’individu dans la société et sur les faits de civilisation, en particulier sur les faits religieux».

279.Des ressources nationales sont mises à disposition des enseignants sur le site Eduscol; le livret de compétences permet de suivre les élèves dans l’acquisition des différents piliers du socle commun afin d’évaluer notamment les compétences sociales et civiques, l’autonomie et l’initiative des élèves.

2.La réforme du lycée: de nouveaux programmes ouverts à la compréhension du monde

280.Certains programmes visent directement l’étude des notions de racisme, d’antisémitisme et de xénophobie, mais par principe tous les enseignements doivent concourir à la compréhension du monde et à l’adhésion à des valeurs communes sur un socle de principes clairement définis. L’analyse de la notion de citoyenneté structure ainsi l’ensemble du programme des cours d’éducation civique juridique et sociale. En outre, les enseignements d’exploration proposent des thèmes comme «Regards sur l’autre et sur l’ailleurs», afin d’apprendre aux élèves à réfléchir sur le sens de la relation à l’autre.

III.Les actions éducatives

281.Chaque année, des manifestations, concours, commémorations, journées ou semaines d’action sont proposés en complément des enseignements afin de permettre aux élèves de s’engager dans des actions collectives qui favorisent compréhension et tolérance. Les journées thématiques donnant lieu à des projets en établissement sont publiées chaque année au Bulletin officiel de l’éducation nationale.

282.Parmi celles-ci:

•La Journée internationale des droits de l’enfant, le 20 novembre.

•La Journée mondiale pour l’abolition de l’esclavage, le 2 décembre.

•La Journée internationale des droits de l’homme, le 10 décembre.

•La Journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité, le 27 janvier.

•La Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars.

•La Journée mondiale et semaine nationale de lutte contre le racisme, le 21 mars.

•La Journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions, le 10 mai.

•La Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, le 17 mai.

IV.La formation des enseignants

1.La formation initiale des enseignants

283.L’arrêté du 15 juin 2012 fixe le cahier des charges de la formation des professeurs, documentalistes et conseillers principaux d’éducation, au terme duquel la mission d’enseigner se décline autour de trois dimensions: une mission d’instruction des jeunes qui sont confiés à l’école; une mission d’éducation selon les valeurs républicaines; une mission participant à l’insertion sociale et professionnelle des élèves.

284.L’arrêté du 12 mai 2010 portant définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d’éducation, détaille les connaissances et les savoir-faire professionnels qu’il est indispensable de maîtriser pour l’exercice de leur métier. Parmi les dix compétences professionnelles exigibles, la première d’entre elles, «agir en fonctionnaire de l’État de façon éthique et responsable», demande de connaître les grandes valeurs de la République, la laïcité, le refus de toutes les discriminations, la mixité, l’égalité entre les hommes et les femmes. Savoir prendre en compte la diversité des élèves suppose pour l’enseignant d’amener chaque élève à porter un regard positif sur l’autre et sur les différences dans le respect des règles communes.

2.Le plan national de formation (PNF) du Ministère de l’éducation nationale

285.Le PNF précise les orientations pour la formation des personnels de l’éducation nationale. Il fait fonction de cahier des charges de l’offre de formation des niveaux déconcentrés. Il s’adresse prioritairement aux personnels de l’encadrement académique et départemental qui s’engagent, sous l’autorité des recteurs, à concevoir, encadrer et mettre en œuvre les actions de la politique académique de formation.

286.Il propose des séminaires et colloques sur les thèmes suivants: le rapport entre histoire et mémoire, la citoyenneté par l’éducation, l’enseignement du fait religieux, la pédagogie des questions sensibles dans une société en évolution, l’égalité filles-garçons.

3.La formation continue dans les académies

287.De nombreuses académies ont inscrit dans leur plan de formation continue, conformément aux directives nationales, une sensibilisation des enseignants à la lutte contre les discriminations.

288.À titre d’exemple, les modules de formation suivants ont été proposés dans les plans académiques de formation (PAF):

•Pour l’année 2011-2012, l’académie de Créteil a proposé un dispositif de formation «Education à la citoyenneté et à la prévention», comportant plusieurs stages: «Egalité filles-garçons et mixité: comment vivre ensemble»; «Télévision et stéréotypes»; «Lutter contre toutes les formes de discrimination, en particulier le sexisme et l’homophobie»; «L’image du féminin et du masculin dans les représentations sociales et chez les adolescents».

•Pour l’année 2012-2013, dans l’académie de Lille, la Mission «Egalité filles-garçons» proposera des actions de formation; dans l’académie de Bordeaux, des stages seront consacrés à la lutte contre toutes les formes de discriminations (égalité des chances filles-garçons, ainsi qu’à la prévention du harcèlement à l’école); dans l’académie de Créteil, des stages auront pour objectif de renforcer les compétences du conseiller principal d’éducation pour tenir son rôle et sa place dans l’éducation à la citoyenneté, le mieux vivre ensemble dans un établissement scolaire et la lutte contre les stéréotypes, discriminations, violences sexiste.

289.Ces plans académiques de formation prévoient également le déroulement de stages à destination des formateurs afin de les sensibiliser à la mise en place d’actions éducatives intégrant des outils de promotion de l’égalité.

V.Actions pédagogiques à l’attention des élèves nouvellement arrivés

1.L’intégration des enfants primo-arrivants

290.Le Ministère de l’éducation nationale s’efforce d’améliorer l’intégration des enfants nouvellement arrivés dans le système scolaire et de valoriser les compétences acquises en français, tout en leur proposant de garder un lien avec la langue et la culture d’origine.

(a)Les modalités d’accueil

291.Les élèves nouvellement arrivés en France sont inscrits dès leur arrivée dans les classes du cursus normal correspondant à leur âge et à leur niveau; ils sont en même temps pris en charge par des enseignants formés à l’enseignement du «français langue de scolarisation», selon des modalités propres à chaque degré d’enseignement.

292.À partir de l’évaluation réalisée par les Centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants et les enfants du voyage (CASNAV), chaque élève est orienté vers la classe qui lui correspond le mieux en fonction de son niveau de compréhension du français et de son niveau scolaire. Ces centres de ressources pour les écoles et les établissements contribuent à l’élaboration de réponses pédagogiques adaptées aux situations locales et accompagnent les établissements en leur apportant une aide pédagogique et en facilitant l’accueil et la prise en charge des élèves; ils contribuent ainsi à l’évaluation des dispositifs d’accueil et du travail pédagogique réalisé et participent également à la formation des équipes éducatives et administratives.

293.Les enfants nouvellement arrivés en France, qu’ils soient de nationalité française ou de nationalité étrangère, en âge de fréquenter l’école élémentaire ou le collège, bénéficient d’aménagement de leur scolarité s’ils ne maîtrisent pas la langue française ou s’ils n’ont peu ou pas été scolarisés antérieurement.

294.Les structures de scolarisation sont les suivantes:

•Les classes d’initiation (CLIN) qui reçoivent les élèves de l’école élémentaire inscrits dans les classes ordinaires, pour des temps de travail spécifiques.

•Des cours intensifs de français (cours de rattrapage intégré – CRI) apportés par un enseignant itinérant qui intervient dans l’école, en tant que de besoin, auprès de petits groupes d’élèves.

•Les classes d’accueil d’élèves non scolarisés antérieurement (CLA-NSA) au collège, pour les élèves qui arrivent avant l’âge de 16 ans en n’ayant que peu ou pas été scolarisés auparavant.

•Les classes d’accueil (CLA) dans le second degré, avec une intégration progressive dans la classe ordinaire.

•Les élèves arrivés après l’âge de 16 ans ne sont plus soumis à l’obligation scolaire mais peuvent toutefois bénéficier de dispositifs mis en place par les missions générales d’insertion (MGI).

(b)Effectifs et encadrement

Scolarisation des primo-arrivants au cours des six dernière s années dans le premier degré

2005/2006

2006/2007

2007/2008

2008/2009

2009/2010

2010/2011

Nombre moyen d ’ élèves nouvellement arrivés

18 952

17 586

17 280

16 952

18 111

18 487

Nombre de structures CLIN et CRI

1 108

1 176

1 274

1 484

1 610

1 759

Scolarisation des primo-arrivants au cours des six dernières années dans le second degré

2005/2006

2006/2007

2007/2008

2008/2009

2009/2010

2010/2011

Nombre moyen d ’ élèves nouvellement arrivés

20 333

19 946

17 627

17 765

18 356

19 604

Nombres de CLA +modules

964

960

872

820

895

898

295.Durant l’année scolaire 2010-2011, 14 551 élèves nouvellement arrivés en France ont pu être scolarisés en CLIN à l’école élémentaire; les structures mises en place au collège et au lycée ont, pour leur part, accueilli 14 742 collégiens, 935 lycéens dans des lycées d’enseignement généraux et technologiques et 1 896 dans des lycées professionnels.

2.La valorisation des acquis de la langue française

296.Permettre l’accession des élèves nouvellement arrivés à la maîtrise de la langue française est l’outil primordial de l’égalité des chances et la condition d’une intégration: communiquer à l’oral et à l’écrit permet de comprendre et d’exprimer ses droits et ses devoirs.

297.Le Diplôme d’étude en langue française (DELF) est une certification officielle du Ministère de l’éducation nationale en «français langue étrangère», harmonisé avec le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Cet outil d’évaluation des premiers apprentissages en «français langue étrangère» a pour vocation la valorisation des acquis pour faciliter l’intégration. Le DELF existe également en version scolaire, ou DELF en milieu scolaire: ce diplôme de certification a des effets positifs en matière de motivation des élèves pour lesquels il s’agit du premier examen passé en France. C’est également un levier pédagogique pour la formation des enseignants. En 2010 le DELF en milieu scolaire a totalisé, pour l’ensemble des académies, 11 945 candidats et 9 437 diplômes délivrés.

3.Le lien avec la langue et la culture d’origine

298.Les enseignements de langues et cultures d’origine (ELCO) sont dispensés dans le cadre de l’enseignement scolaire, le plus souvent après la classe et de manière optionnelle. Ils sont pris en charge par des enseignants des pays concernés au terme d’accords bilatéraux. Ils représentent, particulièrement pour les langues hors Union européenne, un enjeu politique, culturel et économique important: pour les jeunes d’origine immigrée, la maîtrise d’une double culture est en effet un atout professionnel.

299.Une commission France-Maghreb a élaboré un programme de langue arabe (ELCO) commun aux trois pays du Maghreb dans le cadre de son harmonisation avec le CECRL (Cadre européen commun de référence pour les langues). Ce programme, diffusé à la rentrée scolaire 2010-2011, permet dorénavant aux enseignants «ELCO» de valider le niveau A1 ou A2 du CECRL dans le cadre du livret personnel de compétences qui suit chaque élève de l’école élémentaire à la fin du collège.

300.Un protocole de visite a été élaboré pour harmoniser les critères pris en compte, il facilite l’évaluation des élèves et constitue un appui pour la formation des maîtres; les visites conjointes d’inspecteurs français et de représentants du pays d’origine de l’enseignant sont encouragées (indications chiffrées ELCO infra).

VI.Une politique volontariste d’égalité des chances: l’éducation prioritaire

301.La politique d’éducation prioritaire développée par le Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, s’est construite sur le principe du «donner plus à ceux qui en ont besoin». Le même niveau d’exigence attendu pour tous les élèves impose d’aider les élèves les plus éloignés de l’École. Des moyens supplémentaires importants sont ainsi destinés à des établissements dont les publics rencontrent des difficultés sociales et scolaires, sans distinction d’origine ethnique ou d’appartenance à une minorité raciale des élèves qui y sont scolarisés.

302.Si cette politique constitue une des réponses pour l’amélioration de la réussite scolaire des élèves issus des milieux socio-économiques les plus en difficulté, les résultats de l’évaluation conduite en 2010, après la relance de l’éducation prioritaire de 2006 et son organisation en réseaux, ne montrent pas une réduction suffisante des écarts de réussite entre les élèves en bénéficiant et les autres élèves.

303.Aussi, de nouvelles ambitions sont-elles données à la politique d’éducation prioritaire avec le programme ECLAIR (écoles, collèges, lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite) mis en place à la rentrée scolaire 2011. Constitué de 325 établissements publics locaux d’enseignement (297 collèges et 28 lycées) et 2 189 écoles répartis sur l’ensemble du territoire, ce dispositif promeut le travail en réseau entre les premier et second degrés pour favoriser le continuum scolaire. Ce dispositif encourage également les innovations, l’évolution des pratiques et des organisations pédagogiques qui doivent s’adapter aux besoins des élèves. La constitution et la mobilisation d’équipes de haut niveau sont favorisées par des recrutements sur profil et la valorisation des personnels. La pédagogie et la transmission des savoirs se trouvent au centre de leur action pour renforcer l’égalité des chances. Chaque académie développe, en outre, des politiques prioritaires académiques adaptées aux nécessités locales. La fluidité des parcours scolaires s’est améliorée en éducation prioritaire où la diminution des redoublements a été plus forte qu’ailleurs, même si l’objectif de suppression des redoublements n’est pas totalement atteint. La part des redoublants y est proche de celle des collèges hors éducation prioritaire et la proportion des élèves en retard, que ce soit d’au moins un an ou de deux ans ou plus, bien qu’en réduction, y demeure importante.

304.Des dispositifs de soutien, d’aide et d’accompagnement sont par ailleurs mis en place dans les écoles et établissements scolaires afin de favoriser l’égalité des chances. Ils sont destinés en priorité à des publics à besoins spécifiques ou/et issus de territoires marqués par des difficultés socio-économiques. C’est ainsi que «l’accompagnement éducatif», offert dans l’ensemble des collèges, est tout particulièrement proposé au sein des écoles élémentaires de l’éducation prioritaire. Cette offre éducative complémentaire aux enseignements permet aux élèves volontaires de bénéficier notamment d’une aide au travail scolaire ou aux devoirs. Les «internats d’excellence» sont par ailleurs une opportunité pour des élèves motivés de trouver les conditions nécessaires à leur pleine réussite scolaire et personnelle, qu’il s’agisse des conditions matérielles, éducatives ou d’environnement socioculturel, autour d’un projet pédagogique et éducatif structurant. En outre, «les cordées de la réussite», destinées à des jeunes issus de milieux modestes qui peuvent voir leur ambition scolaire bridée en raison de leur origine sociale ou territoriale, permettent d’intensifier les liens entre enseignement scolaire, enseignement supérieur et monde professionnel par des actions de tutorat et des actions culturelles.

305.Les élèves en conflit avec l’Ecole peuvent se voir proposer un accueil temporaire au sein d’un dispositif relais où une pédagogie différenciée est proposée. Un parcours de formation personnalisée est offert sur la base d’un bilan individualisé des acquis scolaires et des compétences de l’élève au regard du socle commun de connaissances et de compétences.

306.Pour les collégiens les plus perturbateurs, qui nuisent au bon fonctionnement de la classe voire de l’établissement, des établissements de réinsertion scolaire ont été mis en place à la rentrée scolaire 2010. Dans la mesure du possible, un hébergement en internat leur est alors proposé, ainsi qu’une organisation de l’emploi du temps innovante, proposant des temps d’enseignement dans diverses disciplines le matin et diverses activités l’après-midi, notamment des activités sportives structurantes. L’objectif de ces dispositifs est de réintégrer les jeunes dans un parcours de formation générale, technologique ou professionnelle tout en poursuivant un objectif de socialisation et d’éducation à la citoyenneté.

307.L’implication des parents a démontré ses bénéfices sur la réussite scolaire de leurs enfants. D’une façon générale, les équipes pédagogiques et éducatives installent un dialogue avec les parents. Chaque enseignant précise les enjeux et les programmes de l’année, les objectifs et méthodes de travail pour sa discipline, et des rencontres au cours de l’année scolaire doivent permettre de faire le point sur la situation de leur enfant. Des politiques spécifiques d’aide et de soutien aux familles sont mis en œuvre tout particulièrement pour les familles les plus éloignées de l’institution:

•L’opération «mallette des parents» vise à renforcer le lien entre les personnels de l’établissement scolaire et les parents d’élèves, à pallier leurs éventuelles difficultés de communication face à la complexité du système éducatif, son organisation et son fonctionnement. Il a également pour objet de favoriser un meilleur suivi scolaire de leurs enfants et d’améliorer leur réussite scolaire. Des débats sont organisés avec les parents, au moyen d’outils mis à disposition des animateurs (des fiches supports, un DVD).

•Comme il a été vu plus en première partie du présent rapport, l’opération «Ouvrir l’école aux parents pour réussir l’intégration» offre des formations gratuites à des parents d’élèves, étrangers ou immigrés hors Union européenne, afin de leur permettre d’acquérir notamment la langue française (alphabétisation, apprentissage ou perfectionnement), ainsi qu’une meilleure connaissance de l’institution scolaire, des droits et des devoirs des élèves et de leurs parents.

308.Par ailleurs, l’Education nationale encourage les partenariats qui concourent à l’égalité des chances et à la diversification des parcours d’excellence, en particulier pour les élèves relevant de l’éducation prioritaire. De nombreuses grandes entreprises, dans le cadre de leurs politiques de mécénat, mettent en œuvre des programmes visant à promouvoir l’égalité des chances. Ces programmes, qui s’adressent tous à des élèves issus de milieu modeste, visent à élever le niveau d’ambition de ces élèves, à élargir leur horizon culturel, à lutter contre l’autocensure, et à les accompagner vers des études supérieures d’excellence vers lesquelles ils n’auraient pas forcément osé aller. Les actions peuvent être individuelles, au bénéfice de certains élèves, ou collectives au bénéfice d’une classe, d’un niveau ou d’un établissement. Il s’agit de faire découvrir aux élèves le monde de l’entreprise, ses codes, ses métiers.

Évolution des enseignements de langues et cultures d ’ origine (ELCO) entre 2003 et 2009

ELCO

2003-2004

2004-2005

2005-2006

2006-2007 *

2007-2008 *

2008-2009

2009-2010

1 er degré

2 e degré

1 er degré

2 e degré

1 er degré

2 e degré

1 er degré

2 e degré

1 er degré

2 e degré

1 er degré

2 e degré

1 er degré

2 e degré

Langue arabe

Algérie

élèves

8582

437

9528

374

10799

543

11793

543

13114

450

14054

302

16036

307

enseignants

121

145

147

cours

634

45

621

31

709

32

751

47

795

35

851

26

1022

33

Langue croate

élèves

néant

néant

5

18

21

20

24

6

enseignants

2

cours

1

2

3

3

3

1

Langue espagnole

élèves

1270

263

1142

283

1088

223

1212

174

1151

138

774

171

699

41

enseignants

35

35

35

cours

91

24

81

17

81

16

91

13

69

15

44

9

46

3

Langue italienne

élèves

2335

532

1556

489

1449

383

1502

362

1424

336

1211

299

1258

266

enseignants

80

106

90

cours

210

38

189

32

106

30

88

21

100

24

80

15

96

17

Langue arabe

(Maroc)

élèves

24987

3041

22679

2739

24235

2411

26860

2432

27504

2574

28218

2186

28327

2022

enseignants

264

286

312

cours

1814

255

1674

234

1787

218

1935

219

1900

221

1935

182

1943

170

Langue portugaise

élèves

9545

pas de 2 e degré

8878

pas de 2 e degré

8663

pas de 2 e degré

9324

pas de 2 e degré

10356

pas de 2 e degré

10466

pas de 2 e degré

10969

pas de 2 e degré

enseignants

120

126

119

cours

594

506

527

573

659

664

578

Langue arabe

(Tunisie)

élèves

5237

614

4712

674

5107

575

4923

551

5000

318

4605

391

5287

260

enseignants

139

135

132

cours

391

53

334

55

375

41

356

45

363

34

342

35

376

26

Langue turque

élèves

12717

3682

13002

3502

13932

3795

15004

3600

15593

3473

15836

3667

16732

3555

enseignants

173

174

181

cours

923

237

914

217

907

219

897

230

958

221

971

234

1067

217

Langue serbe

élèves

184

0

153

0

159

6

149

136

15

89

156

enseignants

5

4

4

cours

12

0

11

1

10

0

13

8

1

8

12

Effectifs totaux: 1 er et 2 e degrés

64857

8569

61650

8061

65437

7954

70788

7662

74298

7304

75277

7016

79470

6451

Total général des effectifs

73426

69711

73391

78450

81602

82293

85921

Total : 1 er et 2 e degrés

4669

652

4330

587

4503

558

4707

575

4855

551

4898

501

5141

466

Total général des cours

5321

4917

5061

5282

5406

5399

5607

* L e nombre d ’ enseignants n ’ est plus indiqué depuis l ’ année 2006-2007 car les données sont difficilement exploitables, les enseignants travaillant sur plusieurs établissements et parfois dans plusieurs départements.