Nations Unies

CMW/C/NIC/CO/1

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

11 octobre 2016

Français

Original : anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le rapport initial du Nicaragua *

Le Comité a examiné le rapport initial du Nicaragua (CMW/C/NIC/1) à ses 331e et 332e séances (CMW/C/SR.331 et 332), les 30 août et 1er septembre 2016. À sa 341e séance, le 7 septembre 2016, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

Le Nicaragua a adhéré à la Convention le 26 octobre 2005. L’État partie était tenu de soumettre son rapport initial au titre du paragraphe 1 de l’article 73 de la Convention le 1er février 2007 au plus tard. Ce document n’ayant pas été soumis, le Comité, agissant en vertu de l’article 31 bis de son Règlement intérieur provisoire (A/67/48, par. 26), a adopté à sa vingt-deuxième session, tenue en avril 2015, une liste de points établie avant la soumission du rapport initial (CMW/C/NIC/QPR/1), qui a été adressée à l’État partie le 30 avril 2015.

Le Comité regrette que les réponses de l’État partie à la liste préalable de points à traiter, qui ont constitué son rapport au titre de l’article 73 de la Convention, ne lui aient été communiquées que le 30 août 2016, soit le jour même de l’examen du rapport, malgré les nombreuses demandes officielles et officieuses qui ont été adressées à l’État partie afin de l’engager à soumettre ce document dans les meilleurs délais. Le Comité regrette également que les autorités nicaraguayennes ne lui aient pas donné les renseignements demandés dans la liste de points car cela l’a empêché d’examiner adéquatement la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie. Le Comité regrette en outre que l’État partie ne lui ait pas fourni de données factuelles sur le pays comme préconisé dans les directives harmonisées pour l’établissements de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/GEN.2/Rev.6). Le Comité considère que l’État partie a commis une violation des dispositions de l’article 73 de la Convention en ne s’acquittant pas pleinement de ses obligations en matière de soumission des rapports.

Le Comité relève que la délégation de l’État partie s’est efforcée de fournir les informations demandées au cours du dialogue. Il regrette toutefois que cette délégation, qui était composée du Représentant permanent du Nicaragua auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales à Genève, M. Hernán Estrada Roman, et son adjoint, n’ait pas été en mesure de lui fournir des renseignements détaillés et pertinents, ce qui l’a empêché d’établir un dialogue constructif avec elle. Le Comité souligne que les délégations doivent compter des experts techniques parmi leurs membres afin que des réponses précises puissent être données aux questions soulevées pendant le dialogue. Le Comité tient à rappeler à l’État partie qu’il doit remplir pleinement les obligations qui lui incombent en matière de présentation des rapports et collaborer étroitement avec lui afin qu’il soit à même de surveiller efficacement l’application de la Convention conformément à l’article 74 de cet instrument.

Le Comité relève qu’en tant que pays d’origine de travailleurs migrants, le Nicaragua se heurte à une série de problèmes lorsqu’il s’agit de protéger les droits de ses nationaux à l’étranger. Il relève aussi qu’en tant que pays de transit et de destination, le Nicaragua a des difficultés à protéger les droits des travailleurs migrants étrangers qui se trouvent sur son sol.

Le Comité note en outre que certains des pays dans lesquels des travailleurs migrants nicaraguayens sont employés ne sont pas parties à la Convention, ce qui peut entraver l’exercice par les intéressés des droits qui leur sont garantis par la Convention.

Enfin, le Comité constate que les processus migratoires dans l’État partie sont composés de flux tant intrarégionaux qu’interrégionaux, qu’ils ont pour principale destination l’Amérique du Nord mais qu’ils peuvent aussi rester confinés en Amérique centrale, et qu’il existe une population de migrants provenant essentiellement d’Amérique centrale.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour combattre la pauvreté et les inégalités, qui sont les principales causes de l’émigration, et l’application du Plan national pour le développement humain 2012-2016.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments ci-après ou y a adhéré :

a)La Convention sur la réduction des cas d’apatridie, en juillet 2013 ;

b)La Convention relative au statut des apatrides, le 15 juillet 2013 ;

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en février 2010 ;

d)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, en février 2009 ;

e)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en février 2009 ;

f)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en décembre 2007 ;

g)Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en février 2006 ;

h)La convention (no 189) de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, en janvier 2013 ;

i)Le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels, en décembre 2009.

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption des textes législatifs ci-après :

a)La loi no 896 relative à la lutte contre la traite, en janvier 2015 ;

b)La loi no 761 relative aux migrations et aux étrangers, en mars 2011 ;

c)La loi no 641 relative au Code pénal, en juillet 2008 ;

d)La loi no 655 relative à la protection des réfugiés, en juin 2008.

Le Comité accueille également avec satisfaction l’adoption des mesures institutionnelles et des politiques ci-après :

a)La signature de la déclaration relative à l’initiative régionale pour l’élimination du travail des enfants en Amérique latine et dans les Caraïbes 2014-2020 ;

b)Le plan 2012-2016 pour le travail décent des jeunes au Nicaragua ;

c)Le plan stratégique 2012-2014 de la Coalition nationale contre la traite des personnes ;

d)Le plan stratégique 2010-2014 contre la traite des personnes ;

e)Le plan stratégique 2007-2016 pour la prévention et l’élimination du travail des enfants et la protection des jeunes travailleurs.

Le Comité prend note avec satisfaction de l’invitation adressée le 26 avril 2006 par l’État partie aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l’ONU.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Législation et application

Le Comité salue l’adoption de lois portant sur des questions diverses, dont les migrations, la lutte contre la traite et les réfugiés, qui contribuent à l’application de la Convention. Il note toutefois avec préoccupation que la loi no 761 relative aux migrations et aux étrangers n’est pas pleinement conforme aux dispositions de la Convention, en particulier celles touchant la détention des migrants en situation irrégulière.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour faire en sorte que sa législation interne, en particulier la loi n o 761 relative aux migrations et aux étrangers, ainsi que ses politiques et ses pratiques soient pleinement conformes aux dispositions de la Convention.

Déclarations et réserves

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie a formulé une réserve au paragraphe 3 de l’article 42 de la Convention qui a pour effet de priver les travailleurs migrants de la possibilité d’exercer des droits politiques.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour lever sa réserve au paragraphe 3 de l ’ article 42 de la Convention concernant les droits politiques des travailleurs migrants.

Articles 76 et 77

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, par lesquelles il reconnaîtrait la compétence du Comité à recevoir et examiner des communications émanant d’États parties et de particuliers concernant des violations des droits consacrés par la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ examiner la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Ratification des instruments pertinents

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié plusieurs des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ainsi que nombre d’instruments de l’Organisation internationale du Travail. Il relève toutefois que l’État partie n’a pas encore ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ étudier la possibilité de ratifier les instruments susmentionnés ou d ’ y adhérer dans les meilleurs délais.

Politique et stratégie globales

Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie pour combattre la pauvreté et les inégalités, qui sont les principales causes de l’émigration, mais regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations sur les mesures prises pour élaborer une politique et une stratégie globales visant à donner effet à la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter, d ’ appliquer et de financer adéquatement une politique globale relative aux migrations , élaborée dans le respect de la Convention. Le Comité prie l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations récentes, assorties de statistiques, sur les mesures concrètes qui auront été prises pour donner effet aux droits des travailleurs migrants définis dans la Convention, en droit et dans la pratique, y compris les mesures économiques, sociales et autres visant à s ’ attaquer aux causes profondes de l ’ émigration des Nicaraguayens, dont l ’ émigration irrégulière.

Coordination

Le Comité note que la loi no 761 relative aux migrations et aux étrangers adoptée en 2011 prévoit la création d’un conseil national chargé des migrations et des étrangers appelé à jouer le rôle d’organe consultatif auprès de la Présidence de la République aux fins de l’élaboration de politiques en matière de migration, mais regrette l’absence d’informations sur son fonctionnement et ses activités et sur l’organe public chargé de l’application de la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir que le Conseil national des migrations et des étrangers soit doté de ressources humaines, techniques et financières suffisantes et des compétences voulues pour appliquer et coordonner efficacement et à tous les niveaux des politiques globales et cohérentes en matière de migration et pour évaluer les effets de ces politiques et programmes sur les droits des travailleurs migrants et de leur famille. Le Comité recommande également à l ’ État partie de renforcer la coordination multisectorielle entre les organes et les institutions afin d ’ assurer l ’ application efficace de la Convention à tous les niveaux.

Collecte de données

Le Comité regrette l’absence de statistiques ventilées accessibles au public qui lui permettraient de déterminer la portée de l’application des droits consacrés par la Convention et la manière dont ils sont mis en œuvre dans l’État partie et à l’étranger, à l’égard des travailleurs migrants nicaraguayens, et d’évaluer la situation des migrants revenus dans le pays. Le Comité note avec préoccupation l’absence d’informations sur les mécanismes assurant la coordination entre les différentes entités qui collectent et analysent les données relatives aux migrations.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir une base de données globale et centralisée couvrant tou s les aspects de la Convention, notamment la question d es travailleurs migrants vivant dans l ’ État partie, dont les travailleurs migrants en situation irrégulière, les travailleurs migrants en transit et les Nicaraguayens travaillant à l ’ étranger. Il encourage l ’ État partie à recueillir des données et à établir des statistiques ventilées par sexe, âge, nationalité, motif de l ’ arrivée dans le pays et du départ et type de travail accompli, afin d ’ évaluer efficacement l ’ effet des politiques dans ce domaine conformément à l ’ objectif de développement durable 17.18. S ’ il n ’ est pas possible d ’ obtenir des informations précises, notamment sur les travailleurs en situation irrégulière, le Comité prie l ’ État partie de lui fournir des données fondées sur des études ou des estimations. Il lui recommande également de veiller à ce que l ’ Office national de la statistique et du recensement soit doté de ressources humaines et financières suffisantes et que la collaboration avec les ambassades et les consulats de l ’ État partie soit renforcée pour faciliter la collecte de données ainsi que l ’ évaluation systématique de la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière.

Surveillance par un organe indépendant

Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur le rôle spécifique joué par le Bureau du Défenseur des droits de l’homme (Procuraduría de Derechos Humanos) en ce qui concerne les questions liées aux migrations, son indépendance, l’existence d’un mécanisme de plainte accessible aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille et la réalisation de visites dans les centres de rétention pour migrants et les lieux de détention.

Le Comité recommande à l ’ État partie de charger le Bureau du Défenseur des droits de l ’ homme de protéger et de promouvoir efficacement les droits dont les travailleurs migrants et les membres de leur famille jouissent en vertu de la Convention. Il recommande en outre que le Bureau du défenseur des droits de l ’ homme soit habilité à enquêter en toute indépendance sur toute question se rapportant aux droits de l ’ homme des travailleurs migrants et des membres de leur famille, quel que soit leur statut, et d ’ effectuer des visites inopinées dans tous les lieux où des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourraient être privés de liberté. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ allouer au Bureau du Défenseur des droits de l ’ homme des ressources humaines et financières suffisantes pour que celui-ci soit à même de s ’ acquitter de son mandat dans le plein respect des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l ’ Assemblée générale, annexe).

Formation à la Convention et diffusion d’informations sur cet instrument

Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des mesures prises pour diffuser des informations et dispenser une formation sur la Convention et les droits qui y sont définis à toutes les parties prenantes, dont les autorités nationales, régionales et locales, les juridictions internes, les fonctionnaires qui offrent une aide judiciaire dans le cadre de la procédure d’immigration, les organisations de la société civile et les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

Le Comité engage l ’ État partie à :

a) Élaborer des programmes de formation sur les droits garantis par la Convention aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille et faire en sorte que ces programmes soient accessibles à tous les fonctionnaires et à toutes les personnes travaillant dans le domaine des migrations, en particulier aux membres des forces de l ’ ordre et des services chargés de la surveillance des frontières, aux juges, aux procureurs, aux fonctionnaires des consulats concernés ainsi qu ’ aux fonctionnaires des organes nationaux, régionaux et locaux, aux travailleurs sociaux et aux organisations de la société civile ;

b) Prendre de nouvelles mesures pour garantir l ’ accès des travailleurs migrants à des informations et à des conseils sur les droits dont ils jouissent en vertu de la Convention, en particulier en appliquant des programmes d ’ orientation préalables à l ’ emploi et au départ ;

c) Intensifier sa collaboration avec les organisations de la société civile et avec les médias afin de diffuser des informations sur la Convention et de promouvoir cet inst rument dans l ’ ensemble du pays.

Participation de la société civile

Le Comité est préoccupé par le rôle limité joué par la société civile et par les organisations non gouvernementales, qui sont les principaux partenaires de l’État partie dans la mise en œuvre de la Convention, et relève avec inquiétude que les rares mécanismes interinstitutionnels existants ne sont pas encore opérationnels, et ce, depuis plus d’un an. Le Comité est également préoccupé par des informations indiquant que les organisations de la société civile n’osent plus offrir une aide humanitaire aux travailleurs migrants en situation irrégulière depuis que le Gouvernement a diffusé des messages faisant savoir au public que cette forme d’assistance serait considérée comme une infraction pénale.

Le Comité encourage l ’ État partie à envisager de mobiliser plus activement la société civile et les organisations non gouvernementales et de les faire participer systématiquement à l ’ application de la Convention et à l ’ élaboration de ses prochains rapports. Le Comité rappelle à l ’ État partie que les défenseurs des droits de l ’ homme doivent bénéficier d ’ une protection spéciale car leur action est essentielle pour la promotion des droits de l ’ homme de tous les individus, y compris des travailleurs migrants. Le Comité exhorte l ’ État partie à veiller à ce que les cas signalés d ’ intimidation et de harcèlement d ’ organisations non gouvernementales, de défenseurs des droits de l ’ homme et de militants de la société civile fassent immédiatement l ’ objet d ’ une enquête menée par un organe indépendant et que les responsables de ces actes aient à rendre des comptes.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Droit à un recours utile

Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur les recours administratifs, judiciaires et autres ouverts aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille dans l’État partie. Le Comité est également préoccupé par le fait que les proches de travailleurs migrants nicaraguayens qui ont disparu ou qui ont été tués à l’étranger ne peuvent pas saisir un mécanisme national pour signaler ces faits et être informés de l’état d’avancement de l’enquête.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que, en droit et dans la pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, puissent porter plainte et demander réparation devant les tribunaux dans les mêmes conditions que les nationaux de l ’ État partie lorsque les droits qui leur sont reconnus par la Convention ont été violés. Le Comité recommande également à l ’ État partie de prendre des mesures complémentaires pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, des voies de recours judiciaires et autres qui leur sont ouvertes en cas de violation des droits qui leur sont garantis par la Convention. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de mettre en place, en collaboration avec les pays d ’ origine, de transit et de destination, un mécanisme afin que les proches de travailleurs migrants nicaraguayens disparus ou tués à l ’ étranger puissent signaler ces faits et être informés de l ’ état d ’ avancement de l ’ enquête.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Gestion des frontières et migrants en transit

Le Comité est profondément préoccupé par des informations faisant état du décès de 10 à 12 migrants haïtiens en situation irrégulière qui transitaient par l’État partie. Il est aussi vivement préoccupé par des informations indiquant qu’au cours des derniers mois, la police et les forces de sécurité militaires nicaraguayennes ont fait usage de la force à l’égard de milliers de migrants cubains et haïtiens ainsi que de migrants provenant de divers pays d’Afrique qui tentaient de traverser la frontière entre le Nicaragua et le Costa Rica pour gagner les États-Unis d’Amérique. Le Comité est également inquiet de ne pas avoir reçu d’informations sur les mesures prises pour protéger les droits des travailleurs migrants en transit et pour empêcher que les mesures de sécurité ne se soldent par d’autres violations de leurs droits. Il est aussi préoccupé par des informations montrant que ces mesures de sécurité ont favorisé la multiplication des réseaux de trafiquants.

Compte tenu des principes et directives recommandés sur les droits de l ’ homme aux frontières internationales, qui ont été définis par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HCDH), le Comité engage l ’ État partie à :

a) Veiller à ce que les mesures adoptées pour faire face aux migrations irrégulières n ’ aient pas de répercussions néfastes sur les droits de l ’ homme des travailleurs migrants et des membres de leur famille, et à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille disposent de l ’ assistance nécessaire et bénéficient des garanties d ’ une procédure régulière ;

b) Établir une stratégie globale fondée sur les droits de l ’ homme pour faire face à la question des migrants en situation irrégulière et s ’ abstenir de faire appel à l ’ armée ou aux forces de sécurité pour régler les problèmes ;

c) Mener une enquête approfondie sur les événements récents survenus aux frontières du pays au cours desquels des migrants sont décédés ou ont été victimes de mauvais traitements, et adopter toutes les mesures voulues afin d ’ empêcher que de tels faits ne se reproduisent.

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

Le Comité note avec préoccupation que la loi sur les migrations et les étrangers ne fait pas de la détention de migrants en situation irrégulière une mesure exceptionnelle et de dernier ressort (voir art. 160) et qu’elle ne prévoit pas de mesures de substitution à la détention. Il note aussi avec préoccupation que les fonctionnaires se fondent principalement sur l’article 166 de la loi relative aux migrations et aux étrangers, qui subordonne la libération des migrants placés en détention au paiement d’une amende, plutôt que sur l’article 161, qui prévoit la possibilité de déposer une garantie et de passer un accord afin que le migrant soit placé sous la responsabilité d’une organisation s’occupant des questions de migration. Le Comité regrette l’absence d’informations permettant de déterminer si les travailleurs migrants et les membres de leur famille bénéficient des garanties d’une procédure régulière dans le cadre des procédures pénales et administratives portant sur des questions de migration ainsi que l’absence d’informations sur les procédures relatives au placement en détention de travailleurs migrants ou de membres de leur famille dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que ses lois, ses politiques et ses pratiques nationales respectent comme il se doit le droit à la liberté des travailleurs migrants et des membres de leur famille et l ’ interdiction de détenir arbitrairement ces personnes et, en particulier :

a) De modifier la loi relative aux migrations et aux étrangers afin que celle-ci prévoie − à titre de mesure s à prendre en priorité face aux migrations irrégulières − des mesures de substitution à la détention pour les infractions administratives à la législation sur les migrations, et de veiller à ce que la détention de migrants ne soit utilisée que comme une mesure exceptionnelle et de dernier ressort, comme préconisé dans l ’ observation générale n o  2 (2013) du Comité sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille ;

b) De veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille aient accès à l ’ aide judiciaire et aux services consulaires et à ce que les garanties prévues dans la Convention soient observées dans le cadre des procédures pénales et administratives, dan s le plein respect des articles 16 et 17 de la Convention ;

c) De fournir des renseignements détaillés sur le nombre de travailleurs migrants arrêtés, placés en détention et expulsés pour infraction à la législation relative à l ’ immigration, sur les motifs de leur détention et de leur expulsion et sur leurs conditions de détention, dont la durée de leur maintien en détention.

Le Comité est préoccupé par le fait que la détention peut se prolonger au-delà des quarante-huit heures fixées par la loi et atteindre trois mois, et que le centre de rétention pour migrants est parfois surpeuplé. Le Comité regrette que la loi relative aux migrations et aux étrangers n’interdise pas la détention d’enfants en toutes circonstances. Il est aussi préoccupé par des informations portées à sa connaissance indiquant que les travailleurs migrants et les demandeurs d’asile sont placés d’office dans des centres de détention et détenus dans des établissements pénitentiaires. Il est également préoccupé par le fait que le centre de rétention pour migrants n’est pas surveillé par des organes indépendants tels que des organisations de défense des droits de l’homme et le Bureau du Défenseur des droits de l’homme.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que la détention des migrants ne se prolonge pas au-delà du délai de quarante-huit heures fixé à l ’ article 160 de la loi n o 761 relative aux migrations et aux étrangers ;

b) De mettre immédiatement et complètement fin à la détention d ’ enfants fondée sur leur statut au regard de la législation relative aux migrations ou sur celui de leurs parents et d ’ adopter des mesures de substitution à la détention permettant aux enfants d ’ être logés avec les membres de leur famille et/ou leur tuteur dans des structures locales ouvertes, le temps que leur statut au regard de la législation sur les migrations soit déterminé, compte tenu de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et de son droit à une vie de famille ;

c) D ’ autoriser les organisations de la société civile à assurer en toute indépendance la surveillance du centre de rétention pour migrants et de faire en sorte que le Bureau du Défenseur des droits de l ’ homme dispose d ’ une indépendance et de ressources suffisantes pour inspecter régulièrement tous les lieux dans lesquels des migrants sont détenus en raison de leur statut au regard de la législation sur l ’ immigration.

Expulsion

Le Comité est préoccupé par les cas signalés d’expulsion de travailleurs migrants et de membres de leur famille à la frontière sud de l’État partie et dans les centres de rétention pour migrants, où des procédures d’éloignement accélérées seraient appliquées sans que leur droit de contester la décision d’expulsion dont ils font l’objet ne soit respecté.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter toutes les mesures voulues, notamment d ’ ordre législatif, pour faire en sorte que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille visés par des mesures de renvoi ou d ’ expulsion disposent de moyens effectifs de contester le bien-fondé de la décision. Le Comité recommande que ces recours aient un effet susp ensif, conformément à l ’ article 22 de la Convention, et que les travailleurs migrants aient accès à des mécanismes aussi bien administratifs que judiciaires.

Assistance consulaire

Le Comité se félicite de l’inscription de l’assistance consulaire dans le plan national de l’État partie pour le développement humain 2012-2016 et d’autres mesures prises dans le contexte régional plus large du Système d’intégration de l’Amérique centrale. Le Comité est cependant préoccupé par l’absence d’informations sur les mesures prises pour renforcer l’assistance consulaire dans les principaux pays de destination des migrants nicaraguayens, à savoir le Costa Rica, les États-Unis d’Amérique et le Panama. Il s’inquiète aussi de l’absence d’informations sur l’assistance spécifique offerte aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille dans le cadre des procédures de rapatriement à partir des États-Unis d’Amérique et du Mexique, en particulier. Il s’inquiète également de l’absence d’informations sur la protection et l’assistance offertes par les consulats de l’État partie aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille à l’étranger, notamment dans les cas où des personnes sont privées de liberté et ne bénéficient pas de l’assistance d’un conseil. Il est préoccupé en outre par la récente réforme institutionnelle en application de laquelle la responsabilité des politiques en matière d’assistance consulaire a été transférée du Ministère des affaires étrangères au Ministère de l’intérieur, ce qui risque de compromettre l’application d’une politique globale visant à protéger les droits des travailleurs migrants nicaraguayens et des membres de leur famille à l’étranger.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les dispositions nécessaires pour renforcer ses services consulaires dans les principaux pays de destination des travailleurs migrants nicaraguayens, à savoir au Costa Rica, aux États-Unis d ’ Amérique et au Panama, y compris au Mexique, qui est le principal pays de transit des migrants nicaraguayens. Il recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que ses services consulaires répondent efficacement aux besoins des travailleurs migrants nicaraguayens et des membres de leur famille en défendant leurs droits et en leur offrant une assistance lorsque ces personnes sont privées de liberté et font l ’ objet d ’ une procédure de rapatriement. Le Comité recommande également à l ’ État partie de renforcer les politiques et les initiatives tendant à protéger les travailleurs migrants nicaraguayens en transit, principalement au Mexique, notamment en ce qui concerne la recherche de travailleurs migrants disparus et les migrants victimes d ’ infractions pendant leur transit. Ces initiatives devraient prévoir l ’ allocation de ressources humaines et financières suffisantes et l ’ élaboration de programmes de formation continue sur la Convention et d ’ autres instruments relatifs aux droits de l ’ homme à l ’ intention des agents consulaires.

Droit d’être informé et diffusion d’informations

Le Comité regrette l’absence de renseignements sur les mesures prises par l’État partie pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille des droits qui leur sont garantis par la Convention ainsi que de leurs droits et obligations dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures qui s ’ imposent pour diffuser des informations sur les droits reconnus aux travailleurs migrants par la Convention, sur les conditions d ’ admission et d ’ emploi dans l ’ État partie et sur les droits et les obligations en vertu de la législation des États d ’ emploi. Il lui recommande également de mettre en place davantage de programmes ciblés de préparation au départ et de sensibilisation, notamment en consultation avec les organisations non gouvernementales intéressées, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, et des agences de recrutement reconnues et fiables.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Droit de voter et d’être élu dans l’État d’origine

Le Comité est préoccupé par l’absence de renseignements sur les mesures prises pour garantir le droit de vote des travailleurs migrants nicaraguayens vivant à l’étranger.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment d ’ ordre législatif, pour garantir que les travailleurs migrants nicaraguayens résidant à l ’ étranger puissent exercer leur droit de vote dans l ’ État partie.

Droit de transférer des revenus et de l’épargne

Le Comité se félicite de ce que la Banque centrale, depuis 2013, publie tous les trois mois le montant des envois de fonds reçus par les familles nicaraguayennes dans l’État partie et note l’importance que ces envois de fonds revêtent pour l’économie nationale. Il est cependant préoccupé par l’absence de mesures prises pour faciliter l’accès aux établissements financiers et pour promouvoir l’acquisition de compétences financières par les bénéficiaires, en particulier les femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour faciliter l ’ accès aux établissements financiers, notamment en mettant à la disposition des expéditeurs et des bénéficiaires des renseignements sur les différents mécanismes existants et leur coût. Il lui recommande également d ’ améliorer l ’ utilisation du système bancaire formel et de lancer des programmes d ’ acquisition de compétences financières destinés en particulier aux femmes, afin de promouvoir l ’ épargne et les investissements dans des initiatives susceptibles d ’ améliorer la situation économique des familles.

5.Dispositions applicables à des catégories particulières de travailleurs migrants et aux membres de leur famille (art. 57 à 63)

Travailleurs frontaliers et saisonniers

Le Comité note le nombre important de travailleurs frontaliers et saisonniers, qui se rendent en particulier au Costa Rica ainsi qu’au Honduras, en El Salvador et au Panama, où ils sont de plus en plus nombreux, et regrette l’absence de renseignements sur l’exercice des droits que leur garantit la Convention.

Le Comité invite l ’ État partie à fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures prises pour garantir que les travailleurs frontaliers et saisonniers nicaraguayens exercent effectivement les droits que leur garantit la Convention.

6.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Enfants concernés par les migrations internationales

Le Comité regrette l’absence d’informations sur les conditions de vie des enfants de migrants nicaraguayens dans les pays de destination et des enfants restés au pays, en particulier en ce qui concerne leur vulnérabilité à la violence, la maltraitance, la négligence et l’exploitation, ainsi que sur les mesures prises pour leur fournir un soutien adéquat et complet. Il regrette également l’absence de renseignements sur le nombre d’enfants revenus dans l’État partie et sur les politiques visant à favoriser leur réinsertion par la réalisation de leurs droits.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mener des travaux de recherche sur les enfants de travailleurs migrants nicaraguayens dans les pays de destination ainsi qu ’ au Nicaragua, d ’ établir le profil démographique de ce groupe de population et d ’ adopter une stratégie d ’ ensemble visant à promouvoir et protéger les droits des enfants des travailleurs migrants nicaraguayens. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de recueillir des données complètes et ventilées sur les enfants qui sont revenus au Nicaragua et d ’ adopter une politique d ’ ensemble fondée sur les droits pour assurer la réinsertion des enfants qui reviennent dans l ’ État partie et d ’ élaborer des programmes visant à réaliser leur droit à un niveau de vie suffisant.

Coopération internationale avec les pays de transit et de destination

Le Comité prend acte avec satisfaction des accords bilatéraux et multilatéraux qui ont été conclus avec des pays de la région en vue de promouvoir la libre circulation des personnes, mais note avec préoccupation que ces accords ne portent pas sur l’autorisation de vivre et de travailler dans ces pays et sur d’autres dispositions figurant dans la Convention et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme. Le Comité note également avec préoccupation l’absence de renseignements sur les accords de ce type passés avec le Costa Rica et les États-Unis d’Amérique ou sur les obstacles à la conclusion de tels accords et constate avec inquiétude que, depuis 2014, l’État partie n’a pas assisté à la Conférence régionale sur les migrations ni fourni d’informations sur les motifs de cette décision. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence de renseignements sur le nombre de travailleurs migrants nicaraguayens aux États-Unis d’Amérique qui bénéficient du statut de protection temporaire et sur l’appréciation portée par l’État partie sur cette mesure.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ envisager de prévoir, dans ses accords multilatéraux et bilatéraux relatifs à la libre circulation des personnes, une clause relative à l ’ harmonisation en ce qui concerne certaines questions d ’ ordre social et touchant au travail ainsi que des procédures propres à améliorer les conditions de vie et de travail des migrants ;

b) De tirer pleinement parti des mécanismes bilatéraux et régionaux afin de promouvoir les droits des travailleurs migrants nicaraguayens et des membres de leur famille ;

c) D ’ évaluer les effets du statut de protection temporaire qui peut être accordé aux États-Unis d ’ Amérique sur la protection des droits des travailleurs migrants nicaraguayens et de faire figurer des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Agences de recrutement

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie interdit aux agences privées de recruter des Nicaraguayens pour des emplois à l’étranger, ce qui peut avoir des conséquences néfastes sur les droits des travailleurs migrants à l’étranger.

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir l ’A ccord ministériel n o  JCHG ‑ 004-04-07 afin de permettre aux agences de recrutement privées de faciliter l ’ emploi de travailleurs migrants nicaraguayens à l ’ étranger. Le Comité recommande également à l ’ État partie de mettre en place un système de réglementation des activités des agences de recrutement privées pour protéger les droits des travailleurs migrants conformément à la Convention, notamment en accordant des licences aux agences de recrutement privées tant dans les pays d ’ origine que dans ceux de destination, afin d ’ assurer un contrôle bilatéral efficace des pratiques de recrutement et de promouvoir la régulation de la migration de main-d ’ œuvre et la régularisation de la situation des travailleurs concernés.

Retour et réinsertion

Le Comité prend note du nombre considérable de Nicaraguayens rapatriés, tant volontairement que contre leur gré, en particulier du Mexique et des États-Unis d’Amérique ainsi que de pays européens. Il est toutefois préoccupé par le manque de renseignements sur les mesures prises par l’État partie pour protéger les droits des travailleurs migrants nicaraguayens et des membres de leur famille qui reviennent au pays et pour faciliter leur réinsertion.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour créer des conditions sociales, économiques ou autres propres à faciliter le retour et la réinsertion durable des travailleurs migrants nicaraguayens et des membres de leur famille dans l ’ État partie conformément aux d ispositions de l ’ article 67 de la Convention et à l ’ objectif de développement durable 10.7.

Le Comité est préoccupé par des informations dénonçant le traitement réservé par la police nationale à des Nicaraguayens renvoyés dans l’État partie à leur arrivée, d’où il ressort que les intéressés n’auraient pas bénéficié des garanties d’une procédure régulière ; qu’ils auraient été privés de liberté et soumis à des traitements inhumains et dégradants ; qu’ils n’auraient pas été adéquatement informés de la procédure intentée contre eux et qu’ils auraient été exposés au regard des médias.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir que le droit des travailleurs migrants et des membres de leur famille rapatriés à une procédure régulière soit respecté par les forces de police ; que les intéressés ne soient pas détenus arbitrairement ni soumis à des traitements inhumains ou dégradants ; qu ’ ils aient accès à un conseil et soient adéquatement informés de leur affaire ; et qu ’ ils ne soient pas exposés au regard des médias .

Mouvement et emploi illégaux ou clandestins de travailleurs migrants en situation irrégulière

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption en janvier 2015 de la loi no 896 relative à la lutte contre la traite et prend bonne note des mesures prises pour sensibiliser le public à cette question et pour poursuivre et condamner les trafiquants et apporter un soutien aux victimes. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence d’informations sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains et par le fait que les initiatives prises pour poursuivre les auteurs d’infractions, protéger les victimes et prévenir la traite sont insuffisantes et se sont raréfiées au cours des dernières années. Le Comité est également préoccupé par l’absence de renseignements sur les formations dispensées régulièrement et systématiquement aux responsables de l’application des lois et sur l’aide apportée aux victimes et par le fait que les mesures de protection de l’enfance ne concernent que les enfants de moins de 14 ans.

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour lutter contre la traite des personnes, conformément à l ’ ob jectif de développement durable 5.2 et, en particulier :

a) D ’ intensifier ses efforts de mise en œuvre de la loi n o  896 relative à la lutte contre la traite, notamment de recueillir systématiquement des données ventilées en vue de combattre la traite des personnes plus efficacement et d ’ appliquer le Plan d ’ action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes ;

b) D ’ adopter des mesures pour que les trafiquants d ’ êtres humains, y compris ceux d ’ entre eux qui sont des agents de l ’ État, fassent l ’ objet d ’ enquêtes et soient poursuivis et sanctionnés comme il se doit ;

c) De mettre au point des mécanismes efficaces permettant de détecter et de protéger les victimes de la traite et de leur garantir l ’ accès à la justice ;

d) De fournir une assistance, une protection et des services de réadaptation appropriés à toutes les victimes de la traite, en particulier en mettant en place des foyers d ’ accueil à l ’ intention des femmes, des hommes et des enfants et en faisant respecter les droits de ces victimes, y compris en ce qui concerne leur réinsertion et leur rapatriement ;

e) De veiller à ce que l ’ intérêt supérieur de tout enfant de moins de 18 ans soit pleinement pris en considération dans le cadre des mesures de réinsertion, en particulier en veillant à ce que l ’ enfant ne soit pas placé chez des membres de sa famille qui pourraient avoir été impliqués dans son exploitation ;

f) Dispenser une formation continue sur la traite aux agents de l ’ État dans tout le pays, en particulier aux fonctionnaires chargés de la surveillance des frontières, aux membres des forces de l ’ ordre, au personnel de la Direction générale des migrations et des étrangers, aux juges et aux auxiliaires de justice des tribunaux pénaux, aux procureurs, aux inspecteurs du travail, aux enseignants, aux professionnels de la santé ainsi qu ’ aux diplomates et aux fonctionnaires des ambassades et consulats du Nicaragua ;

g) Intensifier les campagnes de prévention de la traite de travailleurs migrants et allouer suffisamment de ressources à la mise en œuvre de stratégies de lutte contre la traite, en consultation avec les groupes de travail régionaux de lutte contre la traite ;

h) Renforcer la collaboration internationale, régionale et bilatérale en concluant des accords en matière de prévention de la traite avec les pays d ’ origine, de transit et de destination.

Mesures en faveur des travailleurs migrants en situation irrégulière

Le Comité note avec préoccupation que l’émigration nicaraguayenne a pour principales causes la pauvreté, les inégalités et la marginalisation, facteurs qui peuvent faire basculer les travailleurs migrants nicaraguayens et les membres de leur famille dans la précarité et l’insécurité.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ investir dans des systèmes de protection sociale suffisants afin d ’ éviter que la pauvreté et d ’ autres facteurs sociaux ne poussent les personnes à émigrer pour travailler dans des conditions précaires et, dans le contexte du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 et d ’ autres initiatives internationales et nationales, de promouvoir des possibilités de travail décent dans le pays.

7.Suivi et diffusion

Suivi

Le Comité prie l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures qu ’ il aura adoptées pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les mesures voulues pour que ces recommandations soient appliquées, notamment de les transmettre, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement, du Parlement et de l ’ appareil judiciaire ainsi qu ’ aux autorités locales.

Le Comité prie l ’ État partie d ’ associer les organisations de la société civile à la mise en œuvre des recommandations figurant dans les présentes observations finales .

Rapport de suivi

Le Comité prie l ’ État partie de lui fournir dans les deux ans, soit le 1 er octobre 2018 au plus tard, des renseignement écrits sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 36, 38, 40, 42, 50 et 56 ci-dessus.

Diffusion

Le Comité prie également l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organes publics, du Parlement et de l ’ appareil judiciaire, des autorités locales concernées, des organisations non gouvernementales, des autres membres de la société civile et de la population, afin qu ’ elles soient mieux connues.

8.Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire appel à l ’ assistance internationale, notamment l ’ assistance technique, pour élaborer un programme global pour l ’ application des recommandations formulées dans les présentes observations finales et de la Convention en général. Il l ’ engage en outre à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies, notamment avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme, en lui demandant une assistance technique et une aide en matière de renforcement des capacités aux fins de la soumission de ses rapports.

9.Prochain rapport périodique

Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son deuxième rapport périodique le 1 er  octobre 2021 au plus tard et d ’ y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. L ’ État partie peut par ailleurs opter pour la procédure simplifiée de soumission des rapports, selon laquelle le Comité établit à l ’ intention de l ’ État partie une liste de points à traiter qui lui est adressée avant la présentation de son rapport suivant. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constituent son rapport au titre de l ’ article 73 de la Convention.

Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur ses directives pour l ’ établissement des rapports périodiques (CMW/C/2008/1) et lui rappelle que ceux-ci doivent s ’ y conformer et ne pas dépasser 21 200 mots (résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale). Si l ’ État partie soumet un rapport dont le nombre de pages dépasse la limite fixée, il sera invité à l ’ abréger, conformément aux directives susmentionnées. Si l ’ État partie n ’ est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins de son examen par le Comité ne pourra pas être garantie.

L e Comité prie l ’ État partie d ’ assurer une large participation de tous les ministères et des organes publics à l ’ élaboration du prochain rapport périodique (ou des réponses à la liste de points, au cas où il opterait pour la procédure simplifiée) et, parallèlement, de consulter largement toutes les parties prenantes, notamment la société civile et les organisations de travailleurs migrants et de défense des droits de l ’ homme.

Le Comité invite en outre l ’ État partie à lui soumettre un document de base actualisé ne contenant pas plus de 42 400 mots, élaboré conformément aux critères énoncés dans les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/GEN.2/Rev.6).