Nations Unies

CMW/C/GC/3−CRC/C/GC/22

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

16 novembre 2017

Français

Original : anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Comité des droits de l’enfant

Observation générale conjointe no 3 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et no 22 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les principes généraux relatifs aux droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales *

I.Introduction

1.La présente observation générale conjointe a été adoptée en même temps que l’observation conjointe no 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et no 23 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les obligations des États en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour. Si cette observation générale et la présente observation générale sont bien des documents distincts, elles se complètent l’une l’autre et devraient être lues et mises en œuvre ensemble. Dans le cadre du processus de rédaction, il a été procédé, entre mai et juillet 2017, à une série de consultations mondiales et régionales avec des représentants de parties prenantes et des experts, y compris des organisations d’enfants et de migrants, à Bangkok, Beyrouth, Berlin, Dakar, Genève, Madrid et Mexico. De plus, entre novembre 2015 et août 2017, les Comités ont reçu plus de 80 contributions écrites émanant d’États, d’organismes et d’entités des Nations Unies, d’organisations de la société civile, d’institutions nationales des droits de l’homme et d’autres parties prenantes de toutes les régions du monde.

2.La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention relative aux droits de l’enfant contiennent des obligations juridiquement contraignantes qui ont trait, tant de manière générale que spécifiquement, à la protection des droits de l’homme des enfants et des migrants dans le contexte des migrations internationales.

3.Dans le contexte des migrations internationales, les enfants peuvent être doublement vulnérables, à la fois en tant qu’enfants et en tant qu’enfants touchés par les migrations qui a) sont eux-mêmes migrants, soit seuls, soit avec leur famille, b) sont nés de parents migrants dans un pays de destination ou c) restent dans leur pays d’origine alors qu’un de leurs parents ou leurs deux parents ont émigré. Leur origine nationale, ethnique ou sociale, leur sexe, leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, leur religion, leur handicap, leur statut au regard de la législation relative à l’immigration ou à la résidence, leur statut au regard de la citoyenneté, leur âge, leur situation économique, leurs opinions politiques ou autres et d’autres facteurs encore peuvent aggraver leur vulnérabilité.

4.Compte tenu de la complémentarité de leurs mandats et de leur volonté commune de renforcer la protection de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales, les deux Comités ont décidé d’élaborer ces observations générales conjointes. Si la présente observation générale se fonde sur les dispositions des deux Conventions, il importe de souligner que les normes relatives aux droits de l’homme exposées ici s’appuient sur les dispositions et les principes de la Convention relative aux droits de l’enfant. Par conséquent, les orientations faisant autorité qui sont contenues dans la présente observation générale conjointe sont également applicables à tous les États parties à la Convention relative aux droits de l’enfant et/ou à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

A.Contexte

5.La présente observation générale conjointe découle de l’attention croissante prêtée par les deux Comités aux droits des enfants dans le contexte des migrations internationales dans le cadre d’un certain nombre d’initiatives, dont :

a)L’observation générale no 6 (2005) du Comité des droits de l’enfant sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, qui comprend un ensemble de recommandations portant expressément sur les enfants migrants qui se trouvent hors de leur pays d’origine et sont non accompagnés ou séparés ;

b)Une journée de débat général tenue à Genève en septembre 2012 par le Comité des droits de l’enfant, sur les droits de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales, à l’occasion de laquelle le Comité a rédigé un document d’information et adopté un rapport comprenant des conclusions et des recommandations ;

c)L’approbation en 2016, par le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, des Principes recommandés lors de la conduite d’actions concernant les enfants en déplacement et autres enfants touchés par la migration. En outre, les deux Comités sont membres du Groupe de travail interinstitutions visant à mettre fin à la détention d’enfants migrants ;

d)Le nombre croissant de recommandations formulées par les deux Comités ces dernières années à l’intention des États qui sont parties à l’une ou l’autre des deux Conventions au sujet de diverses questions relatives aux droits de l’homme qui ont des effets sur les droits des enfants dans le contexte des migrations internationales.

6.Le présente observation générale fait également suite à d’autres résolutions et rapports de l’Organisation des Nations Unies, à différents documents des mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et à des initiatives de l’ONU et de la société civile et des initiatives intergouvernementales relatives aux enfants dans le contexte des migrations internationales, notamment :

a)La déclaration du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur les devoirs des États envers les réfugiés et les migrants au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2017/1), dans laquelle le Comité a rappelé en particulier que «la protection d’une personne contre la discrimination ne peut être conditionnée au fait qu’elle soit en situation régulière dans le pays qui l’accueille» et a aussi rappelé que «tous les enfants vivant dans un État, même ceux qui sont en situation irrégulière, ont le droit de recevoir une éducation et d’avoir accès à une nourriture suffisante et à des soins de santé abordables»;

b)La Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, par laquelle lesChefs d’État et de gouvernement se sont engagés à protéger les droits et les libertés fondamentales de tous les enfants réfugiés et migrants, quel que soit leur statut, en donnant toujours la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant, et à se conformer à leurs obligations au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant.

B.Objectif et portée de l’observation générale conjointe

7.L’objectif de la présente observation générale conjointe est de donner des orientations faisant autorité sur les mesures législatives, les mesures de politique générale et les autres mesures qu’il conviendrait de prendre pour assurer la pleine mise en œuvre des obligations découlant des deux Conventions en vue de protéger pleinement les droits des enfants dans le contexte des migrations internationales.

8.Les Comités ont conscience que le phénomène des migrations internationales touche toutes les régions du monde et toutes les sociétés et, de manière croissante, des millions d’enfants. Si les migrations peuvent être bénéfiques pour les personnes, les familles et les communautés des pays d’origine, de transit, de destination et de retour, les facteurs de migration, en particulier en ce qui concerne les migrations risquées et/ou irrégulières, sont souvent directement liés à des violations des droits de l’homme, notamment des droits de l’enfant tels qu’ils sont consacrés dans plusieurs instruments relatifs aux droits de l’homme, en particulier la Convention relative aux droits de l’enfant.

9.La présente observation générale conjointe traite des droits de l’homme de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales, que les enfants aient migré avec leurs parents ou les personnes qui s’occupent d’eux, qu’ils soient accompagnés ou séparés, qu’ils soient rentrés dans leur pays d’origine, qu’ils soient nés de parents migrants dans des pays de transit ou de destination, ou qu’ils soient restés dans leur pays d’origine pendant que l’un de leurs parents ou les deux émigraient, et quel que soit leur statut ou celui de leurs parents au regard de la législation relative à l’immigration ou à la résidence (statut migratoire). Le principe de non-discrimination énoncé dans la Convention relative aux droits de l’enfant oblige les États parties à respecter et garantir les droits énoncés dans la Convention pour tous les enfants, qu’ils soient considérés, notamment, comme des migrants en situation régulière ou irrégulière, des demandeurs d’asile, des réfugiés, des apatrides et/ou des victimes de la traite, y compris lorsqu’ils sont renvoyés ou expulsés vers leur pays d’origine, quels que soient la nationalité de l’enfant ou de ses parents ou tuteurs et leur statut migratoire, et que l’enfant et ses parents ou tuteurs soient ou non apatrides.

10.La présente observation générale conjointe devrait être lue parallèlement à d’autres observations générales publiées par les deux Comités ; compte tenu de ces observations générales et des difficultés en constante évolution auxquelles se heurtent les enfants dans le contexte des migrations internationales, elle devrait aussi être lue comme présentant de la part des Comités des orientations qui font autorité en ce qui concerne les droits des enfants dans le contexte des migrations internationales.

II.Mesures d’application générales de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et de la Convention relative aux droits de l’enfant aux fins de la protection des enfants dans le contexte des migrations internationales

11.Les États devraient faire en sorte que les enfants, dans le contexte des migrations internationales, soient traités avant tout comme des enfants. Les États parties aux deux Conventions ont le devoir de s’acquitter de l’obligation qui leur est faite dans ces instruments de respecter, de protéger et de réaliser les droits des enfants dans le contexte des migrations internationales, quel que soit le statut migratoire des enfants ou de leurs parents ou tuteurs.

12.Les obligations d’un État partie au titre des Conventions s’appliquent à chaque enfant relevant de la juridiction dudit État, y compris la juridiction découlant du contrôle effectif qu’exerce cet État hors de ses frontières. Il n’est pas possible de restreindre ces obligations arbitrairement et unilatéralement, que ce soit en excluant certaines zones ou régions du territoire de l’État ou en définissant des zones ou régions particulières comme ne relevant pas ou ne relevant que partiellement de la juridiction de l’État, y compris dans les eaux internationales ou d’autres zones de transit où l’État a mis en place des mécanismes de contrôle des migrations. Les obligations s’appliquent à l’intérieur des frontières de l’État, y compris à l’égard des enfants qui passent sous sa juridiction en tentant de pénétrer sur son territoire.

13.Les Comités soulignent que les droits de l’enfant doivent primer dans le contexte des migrations internationales et que, par conséquent, les États devraient intégrer les deux Conventions dans les cadres, politiques, pratiques et autres mesures relatifs aux migrations.

14.Les Comités encouragent les États parties à faire en sorte que les autorités responsables des droits des enfants soient dotées d’un pouvoir de décision clairement défini et jouent un rôle prépondérant en ce qui concerne les politiques, les pratiques et les décisions qui ont des incidences sur les droits des enfants dans le contexte des migrations internationales. Les États devraient mettre en place des systèmes complets de protection des enfants, aux niveaux national et local, de manière à tenir compte dans leurs programmes de la situation de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales, notamment dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour. Parallèlement aux organes de protection de l’enfance, les autorités responsables des politiques migratoires et des autres politiques connexes qui ont des effets sur les droits des enfants devraient aussi, à chaque étape de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques, évaluer systématiquement les effets de ces politiques sur les enfants dans le contexte des migrations internationales ainsi que les besoins de ces enfants, et prendre les mesures appropriées.

15.Les États parties devraient élaborer des politiques qui visent à réaliser les droits de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales, en particulier s’agissant des objectifs de gestion des migrations ou d’autres considérations administratives ou politiques.

16.Les États parties devraient élaborer une politique systématique, fondée sur les droits, de collecte et de diffusion publique de données qualitatives et quantitatives sur tous les enfants dans le contexte des migrations internationales, de manière à orienter l’élaboration d’une politique globale visant à protéger les droits de ces enfants. Les données devraient être ventilées par nationalité, statut migratoire, sexe, âge, origine ethnique, handicap et tout autre critère pertinent, afin de permettre la surveillance de la discrimination intersectionnelle. Les Comités soulignent qu’il importe d’élaborer des indicateurs pour mesurer la mise en œuvre des droits de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales, notamment au moyen d’une approche de la collecte et de l’analyse des données relatives aux causes des migrations risquées d’enfants et/ou de familles qui soit fondée sur les droits de l’homme. Les informations obtenues devraient être communiquées à toutes les parties prenantes, y compris les enfants, dans le plein respect du droit au respect de la vie privée et des normes relatives à la protection des données. Les organisations de la société civile et les autres acteurs concernés devraient avoir la possibilité de participer à la collecte et à l’évaluation des données.

17.Les données personnelles des enfants, en particulier les données biométriques, ne devraient être utilisées qu’aux fins de la protection de l’enfant et dans le strict respect des règles pertinentes relatives à la collecte, à l’utilisation et à la conservation des données ainsi qu’à l’accès aux données. Les Comités engagent instamment les États à faire preuve de la diligence voulue concernant les garanties à mettre en place dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre des systèmes de données et du partage de données entre les autorités et/ou les pays. Les États parties devraient mettre en place un « pare-feu » et interdire l’échange et l’utilisation aux fins du contrôle de l’immigration de données personnelles recueillies à d’autres fins, comme la protection, les procédures de recours, l’enregistrement des faits d’état civil et l’accès aux services. Une telle interdiction est nécessaire pour assurer le respect des principes de protection des données et protéger les droits de l’enfant, comme le prévoit la Convention relative aux droits de l’enfant.

18.Les Comités sont d’avis que, pour permettre la réalisation des droits de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales, les politiques et pratiques à élaborer et à appliquer devraient comprendre les éléments suivants : a) des politiques interinstitutionnelles globales menées conjointement par les autorités chargées de la protection de l’enfance et de l’aide à l’enfance et d’autres organes clefs, et portant notamment sur la protection sociale, la santé, l’éducation, la justice, les migrations et l’égalité des sexes, et menées conjointement par les administrations régionales, nationales et locales ; b) des ressources − notamment budgétaires − suffisantes, visant à assurer la mise en œuvre effective des politiques et des programmes ; c) la formation continue et périodique des agents de l’État chargés de la protection de l’enfance, des migrations et des questions connexes aux droits des enfants, des migrants et des réfugiés et à la question de l’apatridie, y compris la discrimination intersectionnelle.

III.Principes fondamentaux des Conventions en ce qui concerne les droits des enfants dans le contexte des migrations internationales

19.Les États parties à la Convention relative aux droits de l’enfant ont le devoir de veiller à ce que les principes et dispositions de la Convention soient pleinement pris en compte et prennent effet dans la législation, les politiques et les pratiques nationales pertinentes (art. 4). Dans toutes les décisions concernant les enfants, les États devraient s’inspirer des principes fondamentaux que sont la non-discrimination (art. 2), l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3), le droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6) et le droit de l’enfant d’exprimer son opinion sur toutes les questions qui le concernent et de la voir prise en considération (art. 12). Les États devraient adopter des mesures, notamment des mesures législatives et d’autres mesures de politique générale, pour faire en sorte que ces principes soient respectés dans la pratique et intégrés dans toutes les politiques touchant les enfants dans le contexte des migrations internationales, et pris en considération dans l’interprétation et l’analyse des obligations spécifiques précisées dans l’observation générale conjointe no4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et no23 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les obligations des États en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour.

20.Les Comités réaffirment l’application de l’article 41 de la Convention relative aux droits de l’enfant et de l’article 81 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et réaffirment que, lorsque les normes nationales et les normes internationales diffèrent, ce sont les dispositions les plus propices à la réalisation des droits de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales qui s’appliquent. En outre, une interprétation dynamique des Conventions fondée sur une approche axée sur l’enfant est nécessaire pour garantir la mise en œuvre effective de ces instruments ainsi que le respect, la protection et la réalisation des droits de tous les enfants dans le contexte des défis toujours plus nombreux que présentent les migrations pour les enfants.

A.Non-discrimination (art. 1er et 7 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et art. 2 de la Convention relative aux droits de l’enfant)

21.Le principe de non-discrimination est fondamental et, sous tous ses aspects, il s’applique aux enfants dans le contexte des migrations internationales. Tous les enfants concernés ou touchés par les migrations internationales ont le droit de jouir de leurs droits, indépendamment de l’âge, du sexe, de l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle, de l’origine ethnique ou nationale, du handicap, de la religion, de la situation économique, du statut migratoire/des documents en leur possession, de l’apatridie, de la race, de la couleur, de la situation matrimoniale ou familiale, de l’état de santé ou d’autres conditions sociales, des activités, des opinions exprimées ou des convictions de l’enfant, de ses parents, de ses tuteurs ou des membres de sa famille. Ce principe s’applique pleinement à tout enfant et à ses parents, quelle que soit la raison du déplacement, que l’enfant soit accompagné ou non accompagné, en cours de déplacement ou installé, avec ou sans papiers, ou qu’il ait un autre statut.

22.Le principe de non-discrimination doit être au centre de toutes les politiques et procédures relatives aux migrations, notamment les mesures de contrôle aux frontières, indépendamment du statut migratoire des enfants ou de leurs parents. Tout traitement différencié des migrants doit être conforme à la loi et proportionné, répondre à un but légitime et être conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant et aux normes et règles internationales relatives aux droits de l’homme. De même, les États parties devraient veiller à ce que les enfants migrants et leur famille soient intégrés dans les sociétés d’accueil en assurant la réalisation effective de leurs droits de l’homme et en leur donnant accès aux services sur un pied d’égalité avec les nationaux.

23.Les Comités recommandent aux États parties d’adopter des mesures appropriées pour lutter contre la discrimination fondée sur quelque motif que ce soit et pour protéger les enfants contre les formes multiples et croisées de discrimination dont ils peuvent être victimes tout au long du processus migratoire, y compris dans leur pays d’origine et après leur retour, et qui peuvent résulter de leur statut migratoire. Afin d’atteindre cet objectif, les États parties devraient redoubler d’efforts pour lutter contre la xénophobie, le racisme et la discrimination et prendre toutes les mesures appropriées pour combattre de telles attitudes et pratiques, et recueillir et diffuser des données et des informations exactes, fiables et actualisées sur cette question. Ils devraient également promouvoir l’inclusion sociale et la pleine intégration des familles touchées par les migrations internationales dans la société d’accueil et mettre en œuvre des programmes visant à améliorer les connaissances sur les migrations et à lutter contre toute perception négative des migrants, dans le but de protéger les enfants touchés par les migrations internationales et leur famille contre la violence, la discrimination, le harcèlement et les brimades, et de leur permettre d’exercer les droits consacrés par les deux Conventions et les autres conventions ratifiées par chaque État. Ce faisant, il convient d’accorder une attention particulière aux problèmes propres à chaque sexe et à toutes les autres difficultés ou vulnérabilités qui pourraient se recouper.

24.Les États parties devraient procéder à une analyse rigoureuse des incidences des politiques et programmes migratoires sur les enfants de chaque sexe. Ils devraient corriger toute restriction sexiste aux migrations qui, dans la législation ou la pratique, limite les possibilités offertes aux filles ou nie leur capacité de prendre leurs propres décisions en toute autonomie.

25.Les Comités recommandent aux États parties de mettre tout particulièrement l’accent sur les politiques et les règlements connexes visant la prévention des pratiques discriminatoires à l’égard des enfants migrants ou réfugiés handicapés et sur la mise en œuvre des politiques et programmes nécessaires pour garantir aux enfants migrants ou réfugiés handicapés la pleine jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales sur la base de l’égalité avec les enfants nationaux, en prenant en considération les dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

26.Les Comités estiment que combattre uniquement la discrimination de jure ne garantit pas nécessairement l’égalité de fait. Par conséquent, les États parties doivent assurer la réalisation des droits garantis par les deux Conventions aux enfants dans le contexte des migrations internationales en adoptant des mesures positives visant à prévenir, à atténuer et à supprimer les conditions et les comportements qui causent ou perpétuent la discrimination de fait à l’égard de ces enfants. Ils devraient systématiquement recenser les cas de discrimination à l’égard d’enfants et/ou de leur famille dans le contexte des migrations internationales, et enquêter sur ces comportements et les sanctionner de manière appropriée et effective.

B.Intérêt supérieur de l’enfant (art. 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant)

27.Le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant fait obligation au secteur public comme au secteur privé, aux tribunaux, aux autorités administratives et aux organes législatifs de veiller à ce que, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt de l’enfant soit évalué et soit une considération primordiale. Comme le Comité des droits de l’enfant l’a indiqué au paragraphe 6 de son observation générale no 14, le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale est un droit de fond, un principe juridique interprétatif et une règle de procédure et s’applique aux enfants à la fois en tant qu’individus et en tant que groupe. Dans cette observation générale, qui est aujourd’hui considérée comme donnant des orientations clefs sur la question, le Comité examine également en détail la mise en œuvre du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

28.Conscient de ce que l’intérêt supérieur de l’enfant − une fois évalué et déterminé − peut être en conflit avec d’autres intérêts ou d’autres droits (par exemple ceux d’autres enfants, du public ou des parents) et de ce que les conflits potentiels doivent être résolus au cas par cas, en mettant soigneusement en balance les intérêts de toutes les parties et en trouvant un compromis acceptable, le Comité souligne au paragraphe 39 de son observation générale no 4 que le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale signifie que les intérêts de l’enfant ont un rang de priorité élevé et ne sont pas seulement une considération parmi d’autres. Il convient donc d’accorder un plus grand poids à ce qui sert au mieux les intérêts de l’enfant. Le Comité précise en outre au paragraphe 82 que l’évaluation et la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant ont pour objet d’assurer la jouissance pleine et effective des droits reconnus par la Convention relative aux droits de l’enfant et le développement global de l’enfant.

29.Les États parties doivent veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit pleinement pris en considération dans la législation relative aux migrations, la planification, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques migratoires et la prise de décisions concernant les cas individuels, notamment l’acceptation ou le rejet des demandes d’admission ou de séjour dans un pays, les décisions relatives à l’application des politiques migratoires et les restrictions imposées aux enfants et/ou à leurs parents ou tuteurs dans l’accès aux droits sociaux, ainsi que les décisions concernant l’unité familiale et la garde des enfants, lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale et, partant, avoir un rang de priorité élevé.

30.En particulier, la prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être expressément assurée au moyen de procédures individuelles faisant partie intégrante de toute décision administrative ou judiciaire concernant l’entrée, le séjour ou le renvoi d’un enfant, le placement ou la prise en charge d’un enfant, ou le placement en détention ou l’expulsion d’un parent en raison de son statut migratoire.

31.Les Comités soulignent que, pour appliquer le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cadre des procédures ou des décisions relatives aux migrations qui pourraient avoir une incidence sur les enfants, il est nécessaire de conduire systématiquement des procédures d’évaluation et de détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant, soit dans le cadre des décisions relatives aux migrations et d’autres décisions qui concernent les enfants migrants, soit pour éclairer de telles décisions. Comme l’explique le Comité des droits de l’enfant dans son observation générale no 14, l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être évalué et déterminé lorsqu’une décision doit être prise. L’« évaluation de l’intérêt supérieur » consiste à examiner et mettre en balance l’ensemble des éléments à prendre en considération pour arrêter une décision concernant un enfant ou un groupe d’enfants dans une situation particulière. La « détermination de l’intérêt supérieur » est un processus formel, assorti de garanties procédurales rigoureuses, qui a pour objet de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant sur la base de l’évaluation de l’intérêt supérieur. En outre, l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant est une opération unique en ce qu’elle doit être effectuée dans chaque cas particulier au regard des circonstances propres à chaque enfant ou groupe d’enfants, dont l’âge, le sexe, le degré de maturité, l’appartenance à un groupe minoritaire et le contexte social et culturel dans lequel se trouve l’enfant.

32.Les Comités soulignent que les États parties devraient :

a)Accorder un rang de priorité élevé à l’intérêt supérieur de l’enfant dans leur législation, leurs politiques et leurs pratiques ;

b)Veiller à ce que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit correctement intégré, interprété de manière cohérente et appliqué au moyen de procédures rigoureuses et individualisées dans toutes les procédures et décisions législatives, administratives et judiciaires, ainsi que dans toutes les politiques et tous les programmes relatifs aux migrations qui concernent les enfants et ont des effets sur eux, notamment les politiques et les services de protection consulaire. Des ressources suffisantes devraient être mises à disposition afin d’assurer l’application de ce principe dans la pratique ;

c)Veiller à ce que toutes les évaluations et déterminations de l’intérêt supérieur de l’enfant qui sont menées accordent un poids approprié à la réalisation des droits de l’enfant − à court et à long terme − dans les processus de prise de décisions qui ont des effets sur les enfants, et veiller à ce que des garanties de procédure régulière soient mises en place, notamment le droit à une représentation juridique gratuite, qualifiée et indépendante. L’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être menée de manière pluridisciplinaire par des acteurs indépendants des autorités migratoires, notamment avec la participation effective des autorités responsables de la protection des enfants et de l’aide à l’enfance et d’autres acteurs concernés, tels que les parents, les tuteurs et les représentants légaux, ainsi que l’enfant lui-même ;

d)Élaborer des procédures et définir des critères visant à aider toutes les personnes qui participent aux procédures de migration à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant et à le prendre en compte en tant que considération primordiale, y compris dans les procédures d’entrée, de séjour, de réinstallation et de retour, et mettre au point des mécanismes visant à contrôler leur bonne application dans la pratique ;

e)Évaluer et déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant aux différentes étapes des procédures de migration et d’asile qui pourraient aboutir à la détention ou à l’expulsion de ses parents en raison de leur statut migratoire. Des procédures de détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant devraient être mises en place dans toute décision qui aurait pour effet de séparer les enfants de leur famille, et les mêmes normes devraient être appliquées pour les décisions relatives à la garde des enfants, lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale ;

f)Mener une évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant au cas par cas afin de décider, si nécessaire et conformément aux Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants, du type d’hébergement le plus approprié pour un enfant non accompagné ou séparé ou pour un enfant accompagné de ses parents. Dans ce processus, les solutions de prise en charge dans la communauté devraient être envisagées en priorité. Toute mesure qui limite la liberté des enfants dans le but de les protéger, comme le placement dans un centre fermé, devrait être mise en œuvre dans le cadre du système de protection de l’enfance et respecter les mêmes normes et garanties, être strictement nécessaire, légitime et proportionnée à l’objectif qui est d’empêcher l’enfant de se nuire ou de nuire à autrui, faire partie d’un plan global de prise en charge et n’avoir aucun lien avec les politiques et les pratiques migratoires et les autorités chargées de l’application de la législation relative aux migrations ;

g)Procéder à la détermination de l’intérêt supérieur des enfants dans les situations qui pourraient conduire à l’expulsion de familles migrantes en raison de leur statut migratoire, afin d’évaluer les effets de l’expulsion sur les droits et le développement des enfants, y compris leur santé mentale ;

h)Faire en sorte que les enfants soient rapidement identifiés dans le cadre des contrôles aux frontières et des autres procédures de contrôle des migrations relevant de la compétence de l’État, et que toute personne qui affirme être un enfant soit traitée comme tel, soit rapidement adressée aux autorités de protection de l’enfance et à d’autres services compétents, et se voie désigner un tuteur si elle est non accompagnée ou séparée ;

i)Donner des orientations à toutes les autorités compétentes sur la mise en œuvre du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant pour les enfants migrants, y compris les enfants en transit, et mettre au point des mécanismes visant à en contrôler la bonne application dans la pratique ;

j)Élaborer et mettre en pratique, pour les enfants non accompagnés et les enfants avec leur famille, une procédure de détermination de l’intérêt supérieur visant à définir et à appliquer des solutions globales, sûres et durables, dont la poursuite de l’intégration et de l’installation dans le pays de résidence, le rapatriement dans le pays d’origine ou la réinstallation dans un pays tiers. De telles solutions peuvent consister à mettre en place des options à moyen terme et à veiller à ce que les enfants et leur famille aient la possibilité d’accéder à un statut sûr en matière de résidence dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Les procédures de détermination de l’intérêt supérieur devraient être guidées par les autorités de protection de l’enfance, dans le cadre des systèmes de protection de l’enfance. Les solutions et les plans envisagés devraient être discutés et élaborés en concertation avec l’enfant, dans le respect de ses besoins et de sa sensibilité, conformément à l’observation générale no 12 (2009) du Comité des droits de l’enfant sur le droit de l’enfant d’être entendu ;

k)S’il est établi qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant que celui-ci soit renvoyé, élaborer un plan individualisé, en concertation avec l’enfant lorsque cela est possible, aux fins de sa réinsertion durable. Les Comités tiennent à souligner que les pays d’origine, de transit, de destination et de retour devraient élaborer des cadres globaux dotés de ressources spécifiques aux fins de la mise en œuvre des politiques et assortis de mécanismes globaux de coordination interinstitutionnelle. De tels cadres devraient permettre la réinsertion effective des enfants renvoyés dans leur pays d’origine ou dans un pays tiers dans le cadre d’une approche fondée sur les droits, notamment au moyen de mesures de protection immédiates et de solutions à long terme, assurant en particulier un accès effectif à l’éducation et aux services de santé, un soutien psychosocial, la vie de famille, l’inclusion sociale, l’accès à la justice et la protection contre toutes les formes de violence. Dans toutes les situations de ce type, toutes les autorités compétentes devraient assurer un suivi de qualité fondé sur les droits, en procédant notamment à une évaluation et à un contrôle indépendants. Les Comités soulignent que les mesures de retour et de réinsertion devraient être durables du point de vue du droit de l’enfant à la vie, à la survie et au développement.

33.Les États parties sont tenus, en application de l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, de veiller à ce que toute décision de renvoyer un enfant dans son pays d’origine soit fondée sur des éléments de preuve et soit prise au cas par cas conformément à une procédure prévoyant des garanties appropriées et comprenant notamment une évaluation individuelle rigoureuse et la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette procédure devrait notamment garantir que l’enfant, à son retour, sera en sécurité, sera correctement pris en charge et jouira de ses droits. Des considérations comme celles relatives au contrôle général des migrations ne peuvent l’emporter sur les considérations en rapport avec l’intérêt supérieur de l’enfant. Les Comités soulignent que le retour n’est qu’une des diverses solutions durables pour les enfants non accompagnés ou séparés et pour les enfants accompagnés de leur famille. Parmi les autres solutions, on peut citer l’intégration temporaire ou permanente dans le pays de résidence, compte tenu de la situation de chaque enfant, la réinstallation dans un pays tiers, par exemple sur le critère de la réunification familiale, ou d’autres solutions encore qui pourraient être trouvées au cas par cas, en utilisant les mécanismes de coopération existants, comme la Convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants.

C.Droit d’être entendu, d’exprimer son opinion et de participer (art. 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant)

34.L’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant souligne qu’il importe de faire participer les enfants, en leur permettant d’exprimer librement leur opinion et de la voir dûment prise en considération, eu égard à leur âge, à leur degré de maturité et à l’évolution de leurs capacités.

35.Le Comité des droits de l’enfant, dans son observation générale no 12, souligne qu’il faudrait prendre des mesures appropriées pour garantir le droit d’être entendu dans le contexte des migrations internationales, car les enfants qui arrivent dans un pays peuvent être particulièrement vulnérables ou désavantagés. Pour cette raison, il est essentiel que le droit des enfants d’exprimer leur opinion sur toutes les questions qui les concernent, y compris en tant que partie intégrante des procédures d’immigration et d’asile, et de voir leur opinion dûment prise en considération soit pleinement mis en œuvre. Les enfants peuvent avoir leurs propres projets de migration et être incités à migrer par des facteurs qui leur sont propres, et les politiques et les décisions adoptées ne sauraient être efficaces s’ils n’y sont pas associés. Le Comité souligne également que ces enfants devraient recevoir toutes les informations pertinentes, notamment sur leurs droits, les services disponibles, les moyens de communication, les mécanismes de plainte et les procédures d’immigration et d’asile et leur issue. Ces informations devraient être données en temps voulu et dans la langue de l’enfant, d’une manière qui respecte la sensibilité de l’enfant et soit adaptée à l’âge de l’intéressé, afin que les enfants puissent faire entendre leur voix et que celle-ci soit dûment prise en considération dans la procédure.

36.Les États parties devraient désigner gratuitement un représentant légal qualifié pour tous les enfants, y compris ceux qui bénéficient d’une protection parentale, ainsi qu’un tuteur dûment formé pour les enfants non accompagnés ou séparés, le plus rapidement possible après l’arrivée des enfants sur leur territoire. Des mécanismes de plainte devraient être mis à la disposition des enfants. Tout au long de la procédure, les enfants devraient avoir la possibilité d’utiliser les services d’un traducteur, afin de pouvoir s’exprimer pleinement dans leur langue natale, et/ou recevoir le soutien d’une personne connaissant bien leur origine ethnique, leur religion et leur culture. Ces professionnels devraient être formés à répondre aux besoins particuliers des enfants dans le contexte des migrations internationales, en tenant compte de leur sexe, de leur culture, de leur religion et d’autres éléments qui pourraient se superposer à ceux-ci.

37.Les États parties devraient prendre toutes les mesures appropriées pour promouvoir et faciliter pleinement la participation des enfants, notamment en leur donnant la possibilité d’être entendus dans toute procédure administrative ou judiciaire concernant leur cas ou celui de leur famille, notamment toute décision relative à la prise en charge, à l’hébergement ou au statut migratoire. Les enfants devraient être entendus indépendamment de leurs parents et leur situation individuelle devrait être prise en considération dans l’examen du dossier de la famille. Des évaluations spécifiques de l’intérêt supérieur de l’enfant devraient être réalisées dans le cadre de ces procédures, et les raisons particulières qu’a l’enfant d’émigrer devraient être prises en compte. En ce qui concerne la relation importante entre le droit d’être entendu et l’intérêt supérieur de l’enfant, le Comité des droits de l’enfant a déjà indiqué que l’article 3 ne saurait être correctement appliqué si les composantes de l’article 12 ne sont pas respectées. De même, l’article 3 renforce la fonctionnalité de l’article 12, en facilitant le rôle essentiel des enfants dans toutes les décisions intéressant leur vie.

38.Les États parties devraient prendre toutes les mesures appropriées pour garantir le droit des enfants d’être entendus dans les procédures d’immigration concernant leurs parents, en particulier lorsque la décision pourrait porter atteinte aux droits de l’enfant, comme le droit de ne pas être séparé de ses parents, sauf lorsque cette séparation est dans son intérêt supérieur (voir art. 9 de la Convention relative aux droits de l’enfant).

39.Les États parties devraient adopter des mesures pour faciliter la participation de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des politiques susceptibles d’avoir directement ou indirectement un effet sur eux, en tant qu’individus ou en tant que groupe, notamment dans les domaines des politiques sociales et des services sociaux. Des initiatives devraient être prises pour préparer les filles et les enfants transgenres à participer activement, effectivement et sur un pied d’égalité avec les garçons, à la prise de décisions à tous les niveaux, dans les domaines social, économique, politique et culturel. Dans les pays d’origine, il est essentiel que les enfants participent à l’élaboration des politiques portant sur les causes de la migration des enfants et/ou de leurs parents et aux processus visant à combattre ces causes. En outre, les États devraient adopter des mesures visant à donner aux enfants touchés par les migrations internationales les moyens de participer à différents niveaux, dans le cadre d’initiatives menées par des enfants, de consultations et de collaborations, et à faire en sorte que les organisations de la société civile, y compris les associations d’enfants et les organisations dirigées par des enfants, puissent participer efficacement aux processus et aux dialogues de politique générale portant sur les enfants dans le contexte des migrations internationales, aux niveaux local, national, régional et international. Toute restriction à la liberté d’association des enfants, notamment dans le cadre d’associations légalement constituées, devrait être supprimée.

D.Droit à la vie, à la survie et au développement (art. 9 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ; art. 6 de la Convention relative aux droits de l’enfant)

40.L’article 6 de la Convention relative aux droits de l’enfant met en lumière l’obligation qu’ont les États parties de respecter le droit de l’enfant à la vie, à la survie et au développement, y compris les dimensions physique, mentale, morale, spirituelle et sociale du développement. À tout moment au cours du processus migratoire, le droit de l’enfant à la vie et à la survie peut être menacé en raison, entre autres, de la violence résultant de la criminalité organisée, de la violence dans les camps, des opérations de refoulement ou d’interception, du recours excessif à la force de la part des autorités frontalières, du refus des navires de venir au secours des migrants ou des conditions extrêmes dans lesquelles se déroule le voyage et de l’accès limité aux services de base. Les enfants non accompagnés ou séparés peuvent être plus vulnérables encore et être davantage exposés à des risques tels que la violence sexiste, la violence sexuelle et d’autres formes de violence ainsi qu’à la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou d’exploitation par le travail. Les enfants qui voyagent avec leur famille sont aussi souvent témoins ou victimes de violence. Si l’émigration est un moyen d’améliorer ses conditions de vie et d’échapper à des mauvais traitements, les processus migratoires peuvent présenter des risques, notamment des risques de préjudice physique, de traumatisme psychologique, de marginalisation, de discrimination, de xénophobie et d’exploitation sexuelle ou économique, de séparation des familles, d’appréhension par les agents de l’immigration et de placement en détention. En outre, les obstacles auxquels les enfants migrants et les enfants de migrants peuvent se heurter dans l’accès à l’éducation, à un logement adéquat, à des aliments et de l’eau salubres en quantité suffisante ou aux services de santé peuvent avoir des conséquences négatives pour leur développement physique, mental, spirituel, moral et social.

41.Les Comités ont conscience que le manque de possibilités de migration régulière et sûre contribue à ce que les enfants entreprennent pour émigrer des voyages extrêmement dangereux qui mettent leur vie en danger. Il en va de même pour les mesures de contrôle et de surveillance des frontières qui, plutôt que de faciliter, réguler et régir la mobilité, mettent l’accent sur la répression et, notamment, se traduisent par des placements en détention et des expulsions et offrent peu de possibilités de réunification familiale en temps voulu et de possibilités de régularisation.

42.De l’avis des Comités, les obligation qui incombent aux États parties en application de l’article 6 de la Convention relative aux droits de l’enfant et de l’article 9 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille comprennent la prévention et la réduction − dans toute la mesure possible − des risques liés aux migrations auxquels sont exposés les enfants, qui peuvent compromettre leur droit à la vie, à la survie et au développement. Les États, en particulier les États de transit et de destination, devraient accorder une attention particulière à la protection des enfants sans papiers, qu’ils soient non accompagnés ou séparés ou qu’ils soient accompagnés de leur famille, et à la protection des enfants demandeurs d’asile, des enfants apatrides et des enfants victimes de la criminalité transnationale organisée, y compris la traite, la vente d’enfants, l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et les mariages d’enfants. Les États devraient également tenir compte de la situation de vulnérabilité particulière dans laquelle les enfants migrants peuvent se trouver en raison de leur sexe et d’autres facteurs, tels que la pauvreté, l’origine ethnique, le handicap, la religion, l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou d’autres facteurs, qui peuvent aggraver la vulnérabilité de l’enfant face aux agressions sexuelles, à l’exploitation et à la violence, entre autres violations des droits de l’homme, tout au long du processus migratoire. Il faudrait mettre en place des politiques et des mesures spécifiques, y compris l’accès à des voies de recours judiciaires ou non judiciaires qui soient sûres, adaptées aux enfants et tiennent compte de leur sexe, pour protéger et aider pleinement ces enfants, en vue de renforcer leur capacité à reprendre le cours de leur vie en tant qu’enfants dont les droits sont pleinement respectés, protégés et réalisés.

43.Les Comités soulignent que les articles 2 et 6 et le paragraphe 1 de l’article 27 de la Convention relative aux droits de l’enfant sont liés ; les États parties devraient veiller à ce que les enfants dans le contexte des migrations internationales, indépendamment de leur statut ou de celui de leurs parents, aient un niveau de vie suffisant aux fins de leur développement physique, mental, spirituel et moral.

44.Les Comités notent avec préoccupation que les politiques ou les pratiques qui nient ou restreignent les droits fondamentaux des migrants adultes en raison de leur nationalité, de leur apatridie, de leur origine ethnique ou de leur statut migratoire, notamment les droits du travail et d’autres droits sociaux, peuvent avoir une incidence directe ou indirecte sur le droit des enfants à la vie, à la survie et au développement. De telles politiques feraient également obstacle à l’élaboration de politiques migratoires globales et aux efforts déployés pour intégrer les migrations dans les politiques de développement. Par conséquent, conformément à l’article 18 de la Convention relative aux droits de l’enfant, les États parties devraient veiller à ce que le développement des enfants et leur intérêt supérieur soient pleinement pris en compte dans les politiques et les décisions visant à réglementer l’accès de leurs parents aux droits sociaux, indépendamment de leur statut migratoire. De même, le droit des enfants au développement et leur intérêt supérieur devraient être pris en considération lorsque les États entreprennent de remédier, de manière générale ou individuelle, à la situation des migrants qui résident de manière irrégulière sur leur territoire, notamment par la mise en œuvre de mécanismes de régularisation visant à promouvoir l’intégration des enfants migrants et de leur famille et à prévenir leur exploitation et leur marginalisation.

E.Non-refoulement et interdiction des expulsions collectives (art. 9, 10 et 22 de la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ; art. 6, 22 et 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant)

45.Les États parties devraient respecter leurs obligations en matière de non-refoulement découlant du droit international des droits de l’homme, du droit international humanitaire, du droit international des réfugiés et du droit international coutumier. Les Comités soulignent que le principe de non-refoulement a été interprété par les organes internationaux de protection des droits de l’homme, les tribunaux régionaux et les tribunaux nationaux comme une garantie implicite découlant des obligations de respecter, de protéger et de réaliser les droits de l’homme. Il interdit aux États d’expulser de leur territoire des personnes qui risqueraient de subir un préjudice irréparable si elles étaient renvoyées, notamment des persécutions, des actes de torture, des violations flagrantes des droits de l’homme ou d’autres atteintes irréparables, quel que soit leur statut au regard de la législation relative à l’immigration, à la nationalité et à l’asile ou tout autre statut.

46.Les Comités notent avec préoccupation que certains États parties choisissent de reconnaître une définition étroite du principe de non-refoulement. Ils ont déjà souligné que les États ne doivent pas refouler un enfant à la frontière ou le renvoyer s’il y a des motifs sérieux de croire que cet enfant sera exposé à un risque réel de dommage irréparable, comme ceux, non exclusivement, qui sont envisagés dans les articles 6 (par. 1) et 37 de la Convention, dans ledit pays ou dans tout autre pays vers lequel l’enfant est susceptible d’être transféré ultérieurement. Les obligations en matière de non‑refoulement s’appliquent, que les violations graves des droits garantis par la Convention soient imputables à des acteurs non étatiques, qu’elles soient délibérées ou qu’elles soient la conséquence indirecte de l’action ou de l’inaction des États parties.

47.Les Comités rappellent que le paragraphe 1 de l’article 22 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et d’autres instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme interdisent les expulsions collectives et imposent que chaque cas susceptible de conduire à une expulsion soit examiné et tranché sur une base individuelle, garantissant ainsi l’application effective de toutes les garanties d’une procédure régulière et le droit à l’accès à la justice. Les États parties devraient adopter toutes les mesures nécessaires pour prévenir les expulsions collectives d’enfants et de familles migrants.

IV.Coopération internationale

48.Les Comités soulignent qu’une interprétation approfondie des Conventions devrait amener les États parties à développer la coopération bilatérale, régionale et mondiale afin de garantir les droits de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales, en tenant compte des orientations formulées dans la présente observation générale conjointe.

49.Les Comités sont conscients de l’importance de la coordination des activités entre les pays d’origine, de transit, de destination et de retour, et des rôles et responsabilités de ces pays s’agissant de répondre aux besoins des enfants dans le contexte des migrations internationales et de protéger leurs droits, l’intérêt supérieur de l’enfant étant une considération primordiale.

50.Les Comités réaffirment que, dans tous les accords internationaux, régionaux ou bilatéraux de coopération portant sur la gestion des frontières et la gouvernance des migrations, les effets de telles initiatives sur les droits des enfants devraient être dûment pris en considération et des adaptations devraient être apportées si nécessaire pour protéger les droits de l’enfant. Les Comités sont préoccupés par l’augmentation du nombre d’accords de coopération bilatéraux ou multilatéraux qui mettent l’accent sur la restriction des migrations, et qui ont des effets négatifs manifestes sur les droits de l’enfant, et invitent instamment au contraire à mettre en place une coopération qui facilite des migrations sûres, ordonnées et régulières dans le plein respect des droits de l’homme.

51.Les États parties devraient également faire appel à la coopération technique proposée par la communauté internationale, notamment les organismes et entités de l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales, aux fins de la mise en œuvre de politiques migratoires concernant les enfants qui soient conformes à la présente observation générale conjointe.

V.Diffusion et utilisation de la recommandation générale conjointe et établissement de rapports

52.Les États parties devraient diffuser largement la présente observation générale conjointe à toutes les parties prenantes, en particulier les parlements, les autorités gouvernementales, notamment les autorités et le personnel chargés de la protection de l’enfance et des migrations, et le pouvoir judiciaire, aux niveaux national, régional et local. L’observation générale devrait être portée à la connaissance de tous les enfants et de tous les professionnels et parties prenantes concernés, y compris ceux qui travaillent pour et avec les enfants (par exemple les juges, les avocats, les policiers et les membres des autres organes de répression, les enseignants, les tuteurs, les travailleurs sociaux, le personnel des refuges et des institutions de protection de l’enfance, publics ou privés, et les personnels de santé), des médias et de la société civile dans son ensemble.

53.La présente observation générale conjointe devrait être traduite dans les langues pertinentes, et elle devrait être disponible dans des versions adaptées aux enfants et sous des formes accessibles aux personnes handicapées. Des conférences, des séminaires, des ateliers et d’autres manifestations devraient être organisés aux fins de la diffusion des meilleures pratiques concernant sa mise en œuvre. Elle devrait de plus être intégrée dans la formation initiale et continue de tous les professionnels concernés, et des personnels techniques en particulier, ainsi que dans celle des autorités et des personnels chargés de la protection de l’enfance et des migrations, et être mise à la disposition de toutes les institutions nationales et locales des droits de l’homme et des autres organisations de défense des droits de l’homme de la société civile.

54.Les États parties devraient faire figurer dans les rapports périodiques qu’ils soumettent au titre de l’article 73 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et de l’article 44 de la Convention relative aux droits de l’enfant des informations sur les mesures qu’ils ont mises en œuvre en application de la présente observation générale conjointe et sur les résultats obtenus.

VI.Ratification des traités, adhésion aux traités et réserves

55.Les États qui ne l’ont pas encore fait sont encouragés à ratifier les instruments suivants ou à y adhérer :

a)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, notamment en faisant les déclarations obligatoires visées aux articles 76 et 77 ;

b)La Convention relative aux droits de l’enfant ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés ;

e)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

56.Les États parties sont encouragés à examiner, modifier et/ou retirer les réserves formulées lors de la ratification ou de l’adhésion, en vue de veiller à ce que les enfants dans le contexte des migrations internationales jouissent pleinement de tous les droits qui leur sont reconnus par les deux Conventions.