Nations Unies

CRC/C/OPSC/LKA/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

3 juillet 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par Sri Lanka en application du paragraphe 1 de l’article 12 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de Sri Lanka (CRC/C/OPSC/LKA/1) à sa 2384e séance (voir CRC/C/SR.2384), le 21 mai 2019, et a adopté les présentes observations finales à sa 2400e séance, le 31 mai 2019.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie et les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPSC/LKA/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet du rapport valant cinquième et sixième rapports périodiques que l’État partie a soumis au titre de la Convention (CRC/C/LKA/CO/5-6), adoptées le 2 février 2018.

II.Observations d’ordre général

Aspects positifs

4.Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification par l’État partie du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 15 juin 2015.

5.Le Comité accueille avec satisfaction les diverses mesures que l’État partie a prises dans des domaines touchant à la mise en œuvre du Protocole facultatif, parmi lesquelles l’adoption de la loi de 2015 sur l’assistance et la protection dues aux victimes et aux témoins d’infractions et la modification apportée en novembre 2017 à ladite loi, qui permet aux missions diplomatiques de l’État partie d’enregistrer les éléments de preuve et de recueillir les déclarations des victimes et des témoins à l’étranger .

6.Le Comité prend également note avec satisfaction des progrès accomplis en ce qui concerne la création d’institutions et l’adoption de plans et programmes nationaux visant à faciliter la mise en œuvre du Protocole facultatif, notamment :

a)Le Plan d’action national pour la protection et la promotion des droits de l’homme (2017-2021) ;

b)Le Plan d’action national en faveur de l’enfance (2016-2020) ;

c)Le Plan directeur et le Plan d’action national de lutte contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre (2016-2020) ;

d)Le Plan stratégique national visant à surveiller et à combattre la traite des êtres humains (2015-2019) ;

e)La Politique nationale pour l’élimination du travail des enfants (2016) et la Feuille de route de 2016 pour l’élimination des pires formes de travail des enfants ;

f)Les bureaux des femmes et des enfants mis en place dans 42 divisions de la police et 492 commissariats de police dans tout le pays aux fins de l’examen des plaintes concernant les enfants ;

g)L’Autorité nationale pour la protection des victimes et des témoins d’infractions, créée en 2015 ;

h)L’Équipe spéciale nationale sur la traite des êtres humains, créée en 2010.

III.Données

Collecte de données

7.Le Comité note que des bases de données sur les plaintes sont tenues à jour par l’Agence nationale de protection de l’enfance et le Bureau des femmes et des enfants de la police. Il constate toutefois avec préoccupation que l’État partie ne dispose pas d’un système centralisé de collecte de données correctement ventilées sur les infractions visées par le Protocole facultatif et qu’il a du mal à évaluer l’ampleur du problème. Le Comité note également avec préoccupation que le manque de données compromet la capacité de l’État partie à prévenir les infractions en question et à protéger les enfants victimes et à permettre leur réadaptation au moyen des lois et politiques appropriées et des services nécessaires.

8. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un système complet, coordonné et efficace de collecte, d’analyse, de suivi et d’évaluation des données portant sur tous les domaines couverts par le Protocole facultatif, notamment la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants . Il recommande en particulier à l’État partie :

a) De ventiler les données par sexe, âge, nationalité et origine ethnique, zone géographique, type d’infraction et situation socioéconomique , entre autres  ;

b) De collecter des données sur la façon dont les enfants accèdent aux médias numériques et sociaux et les utilisent, sur les incidences que ces médias ont sur la vie et la sécurité des enfants et sur les facteurs qui influent sur la résilience des enfants face aux risques qu’ils courent en ligne lorsqu’ils accèdent aux technologies de l’information et de la communication et les utilisent  ;

c) De collecter des données sur le nombre de cas signalés, les poursuites engagées et les condamnations prononcées ainsi que sur les réparations accordées aux enfants victimes, qui soient ventilées par type d’infraction, notamment en ce qui concerne les activités en ligne et hors ligne, en donnant des détails sur l’auteur, et par sexe, âge, nationalité et origine ethnique, zone géographique et situation socioéconomique des victimes  ;

d) De respecter le droit des enfants à la vie privée dans le cadre de la collecte, de l’analyse et du stockage des données  ;

e) D ’analyser les données collectées et de s’appuyer sur celles-ci pour élaborer des politiques et des stratégies de mise en œuvre du Protocole facultatif tout en évaluant les progrès accomplis sur la voie de la réalisation de cet objectif .

IV.Mesures d’application générales

Législation

9.Le Comité se félicite que diverses dispositions de la Convention et du Protocole facultatif aient été intégrées dans la Charte des enfants (1992) et que le Code pénal (1883) ait par la suite été modifié pour interdire plusieurs infractions visées par le Protocole facultatif. Toutefois, il constate avec préoccupation que le Code pénal ne traite pas effectivement de toutes les infractions visées aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif. Il est particulièrement préoccupé par ce qui suit :

a)La vente d’enfants, concept similaire mais non identique à la traite des enfants, n’est pas explicitement définie et criminalisée ;

b)La prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ne sont pas explicitement définies et tous les actes et activités liés à ces infractions ne sont pas érigés en infractions pénales ;

c)La législation nationale ne traite pas de l’exploitation sexuelle des enfants dans le cadre des voyages et du tourisme.

10. Le Comité prie instamment l’État partie de veiller à ce que tous les actes et toutes les activités énumérés dans le Protocole facultatif soient pleinement couverts par le droit pénal interne, y compris toutes les formes de vente d’enfants, de prostitution des enfants et de pornographie mettant en scène des enfants et l’exploitation sexuelle des enfants dans le cadre des voyages et du tourisme .

Politique et stratégie globales

11.Le Comité note que le Plan d’action national en faveur de l’enfance (2016-2020), le Plan d’action national pour la protection et la promotion des droits de l’homme (2017-2021) et le Plan directeur et le Plan d’action national de lutte contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre (2016-2020) comprennent des dispositions relatives à l’exploitation sexuelle des enfants. Il note également que, comme cela a été confirmé au cours du dialogue, l’État partie en est aux dernières étapes de l’élaboration d’une politique nationale de protection de l’enfance et a également élaboré un projet de plan d’action national pour un partenariat national visant à mettre fin à la violence à l’égard des enfants et un projet de plan d’action national contre la maltraitance d’enfants et l’exploitation sexuelle des enfants, y compris la sécurité en ligne. Il note en outre que l’État partie a été reconnu comme un pays chef de file du Partenariat mondial pour l’élimination de la violence envers les enfants. Néanmoins, le Comité est préoccupé par l’absence d’un plan global tendant à traiter toutes les questions visées par le Protocole facultatif.

12. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élaborer un plan d’action national tendant spécifiquement à traiter toutes les questions visées par le Protocole facultatif et de prévoir des ressources humaines et financières suffisantes pour sa mise en œuvre, son suivi et son évaluation . Ce faisant, l’État partie devrait accorder une attention particulière à la mise en œuvre de toutes les dispositions du Protocole facultatif, en tenant compte des résultats des Congrès mondiaux contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales  ;

b) D’adopter et d’appliquer sans plus tarder les politiques publiques en suspens, en veillant à ce qu’elles soient conformes à la Convention et au Protocole facultatif, et d’allouer les ressources nécessaires à leur mise en œuvre .

Coordination

13.Le Comité note que l’Agence nationale de protection de l’enfance, qui relève du Ministère de la femme et de l’enfance et du développement de la zone aride, est chargée de coordonner les activités relatives à la Convention et à ses Protocoles facultatifs. Il regrette toutefois que, selon certaines informations, les ressources et les capacités de coordination de l’Agence soient limitées. Il craint également que la création d’un comité national de suivi chargé de coordonner la mise en œuvre de la Charte des enfants et de l’Équipe spéciale présidentielle pour la protection de l’enfance n’entraîne des chevauchements et des doublons et n’affaiblisse encore le mandat de l’Agence nationale de protection de l’enfance en ce qui concerne le Protocole facultatif.

14. Rappelant les observations finales qu’il a formulées au titre de la Convention (CRC/C/LKA/CO/5-6, par . 7), le Comité recommande à l’État partie de renforcer l’Agence nationale de protection de l’enfance, notamment en lui allouant des ressources suffisantes, afin qu’elle joue un rôle moteur et assure un contrôle général efficace du suivi et de l’évaluation des activités relatives aux droits de l’enfant menées au titre de la Convention et de ses Protocoles facultatifs, dans les différents ministères et au niveau des administrations centrales et locales .

Diffusion, sensibilisation et formation

15.Le Comité prend note des diverses activités de sensibilisation menées par l’État partie et par d’autres parties prenantes, mais il regrette que ces activités ne soient pas suffisamment coordonnées, systématiques ou continues pour sensibiliser le public aux questions relatives au Protocole facultatif. Il constate également avec préoccupation que les magistrats sont très peu sensibilisés au Protocole facultatif et que les informations sur les activités de formation aux questions visées par le Protocole facultatif à l’intention des professionnels qui travaillent pour et avec les enfants sont limitées.

16. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour diffuser les dispositions du Protocole facultatif et y sensibiliser le public, notamment les enfants, en coopération avec la société civile et avec d’autres parties prenantes . Il recommande également à l’État partie de mettre en place des programmes de formation systématiques, multidisciplinaires et obligatoires sur le Protocole facultatif à l’intention de tous les professionnels qui travaillent avec et pour les enfants, notamment les juges, les procureurs, les agents de la force publique et des services d’immigration, le personnel de santé et les travailleurs sociaux, les spécialistes des technologies de l’information et de la communication et ceux qui travaillent dans le secteur du tourisme et du voyage .

Allocation de ressources

17.Le Comité prend note des informations sur les ressources allouées au Ministère de la femme et de l’enfance et du développement de la zone aride et à son Département des services de probation et d’aide sociale à l’enfance ainsi qu’à l’Agence nationale de protection de l’enfance, mais il regrette le manque d’informations sur la question de savoir si ces ressources ont été spécifiquement affectées à la mise en œuvre du Protocole facultatif. Il constate également avec préoccupation que l’Agence nationale de protection de l’enfance semble ne disposer que de fonds très limités.

18. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que des ressources financières et humaines suffisantes soient expressément allouées à la mise en œuvre du Protocole facultatif pour couvrir les domaines essentiels que sont la collecte et l’analyse de données, l’élaboration de politiques et de stratégies, la sensibilisation et la formation, la prévention, les poursuites et la protection .

V.Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants (art. 9 (par. 1 et 2))

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole

19.Le Comité prend note des mesures prises pour prévenir l’exploitation sexuelle des enfants. Cependant, il est gravement préoccupé par :

a)Le grand nombre d’enfants, dont des garçons, qui sont exploités à des fins sexuelles, y compris par des étrangers, l’ampleur du phénomène de l’exploitation sexuelle n’étant pas connue faute de données détaillées et d’un système uniformisé de collecte de données ;

b)Les cas signalés de vente de garçons par leur famille à des fins d’exploitation sexuelle et les cas de parents qui incitent leurs enfants, en particulier les filles, à travailler dans l’industrie du sexe ;

c)Le fait que l’État partie ne réglemente pas suffisamment le secteur des technologies de la communication, compte tenu de l’accès accru à Internet, ce qui contribuerait à la fréquence des cas de pédopornographie en ligne ;

d)Le fait que des enfants continuent d’être soumis au travail forcé, notamment après avoir été victimes de traite ;

e)Le fait que les politiques et programmes actuels ne s’attaquent pas efficacement aux causes profondes de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants, en particulier la pauvreté et les pressions sociales ;

f)L’absence de mécanismes permettant de repérer, d’identifier et suivre les enfants qui risquent d’être victimes des infractions visées par le Protocole facultatif.

20. Le Comité engage vivement l’État partie à adopter une stratégie globale pour traiter les causes profondes des infractions visées par le Protocole facultatif et à cibler les familles et les enfants les plus vulnérables . Il recommande en particulier à l’État partie :

a) D’entreprendre des recherches visant à déterminer les causes profondes et l’ampleur de l’exploitation sexuelle des garçons et des filles, notamment dans le contexte des voyages et du tourisme, de la vente des enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants, y compris sur Internet, pour recenser les enfants en danger, évaluer l’ampleur du problème et élaborer des politiques et des programmes ciblés . À cet égard, les mesures de protection destinées à combattre l’exploitation sexuelle des enfants devraient être étroitement liées à des mesures de réduction de la pauvreté et à des activités de sensibilisation  ;

b) De renforcer ses stratégies de réduction de la pauvreté et les mesures d’accompagnement social des familles démunies et marginalisées, en particulier les programmes d’intervention précoce axés sur les enfants, afin d’aider les parents à mieux s’acquitter de leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants en matière de soins et de protection  ;

c) D’intensifier ses activités de sensibilisation pour faire évoluer les mentalités au sujet de l’exploitation sexuelle des enfants et mettre en garde la population, en particulier les enfants et les familles, contre les dangers de l’exploitation sexuelle et de la pornographie en ligne  ;

d) De renforcer la réglementation relative au secteur des technologies de la communication et le dialogue avec ce secteur pour prévenir et combattre l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet  ;

e) D’intensifier encore ses efforts visant à éliminer le travail des enfants  ;

f) De mettre en place un mécanisme permettant de repérer, suivre et aider efficacement les enfants qui risquent d’être victimes, ou sont victimes, d’infractions visées par le Protocole facultatif, et leur famille .

Mariages d’enfants

21.Le Comité constate avec une vive préoccupation que, bien que la loi fixe à 18 ans l’âge minimum du mariage, les mariages d’enfants restent fréquents dans l’État partie et sont parfois assimilables à de la vente d’enfants.

22.Rappelant les observations finales qu’il a formulées au titre de la Convention (CRC/C/LKA/5-6, par . 15), le Comité prie instamment l’État partie d’adopter une loi interdisant complètement le mariage avant l’âge de 18 ans, sans aucune exception.

Exploitation sexuelle des enfants dans le contexte des voyages et du tourisme

23.Le Comité se félicite de l’engagement pris par l’État partie de mettre fin à l’exploitation sexuelle des enfants dans le contexte des voyages et du tourisme d’ici à 2020. Il prend en outre note des initiatives de l’État partie visant à s’attaquer à ce problème, en particulier des consultations nationales tendant à promouvoir des pratiques commerciales responsables dans ce domaine et de la mise en place de programmes de tolérance zéro pour les étrangers dans les régions de Bentota et Kalutara. Le Comité est toutefois gravement préoccupé par ce qui suit :

a)Selon certaines allégations, un nombre croissant de garçons seraient victimes d’exploitation sexuelle et de violences sexuelles dans le contexte des voyages et du tourisme ;

b)L’État partie n’a pas assez dialogué avec le secteur privé, particulièrement le secteur des voyages, de l’hôtellerie et du tourisme, et n’a pas suffisamment réglementé ce secteur en vue de prévenir et combattre le tourisme pédophile, notamment en ce qui concerne la prévention, la surveillance et le signalement des cas d’exploitation sexuelle des enfants ;

c)Il n’y a pas assez de données permettant d’évaluer l’ampleur du phénomène de l’exploitation sexuelle des enfants dans le contexte des voyages et du tourisme et le degré d’impunité dont jouissent les auteurs des infractions.

24. Le Comité demande instamment à l’État partie d’entamer un dialogue avec les professionnels du tourisme afin de lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants dans le contexte des voyages et du tourisme, de diffuser largement le Code mondial d’éthique du tourisme de l’Organisation mondiale du tourisme auprès des voyagistes et des agences de voyages et de les encourager à signer le Code de conduite pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle dans le tourisme et l’industrie des voyages . En outre, il demande instamment à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour repérer les enfants particulièrement exposés au risque de devenir victimes d’exploitation sexuelle dans le contexte des voyages et du tourisme, notamment les garçons qui sont touchés par la pauvreté ou qui subissent des pressions sociales, pour évaluer l’ampleur du phénomène, et d’utiliser ces mesures pour orienter l’élaboration de programmes de protection de l’enfance assortis de délais, de stratégies de lutte contre la pauvreté et d’activités de sensibilisation de la population  ;

b) De mieux connaître, examiner et suivre les flux de ressortissants étrangers et de renforcer la surveillance des structures d’hébergement touristiques non enregistrées  ;

c) De réglementer le secteur privé, en particulier le secteur du tourisme, et de collaborer avec ce secteur aux fins de la prévention, du suivi et du signalement des cas d’exploitation sexuelle des enfants. L’État partie devrait également assurer une surveillance régulière du respect des politiques de protection de l’enfance par les structures d’hébergement touristiques, les agences de voyage et les voyagistes, notamment en ce qui concerne l’interdiction de l’exploitation sexuelle des enfants dans le contexte des voyages et du tourisme  ;

d) D’encourager le signalement des cas d’exploitation sexuelle des enfants, de poursuivre efficacement les auteurs de tels actes et de prononcer des peines proportionnées à la gravité des infractions .

Mesures visant à prévenir et à combattre l’exploitation sexuelle des enfants et les violences sexuelles à l’égard des enfants sur Internet

25.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie, notamment les programmes de cybersécurité pour les enfants et l’interdiction d’accéder à certains sites de pédopornographie , mais il est préoccupé par :

a)Les informations faisant état de nombreux cas d’exploitation sexuelle des enfants et de violences sexuelles à l’égard des enfants sur Internet, imputés en particulier à des étrangers ;

b)Le manque de données permettant d’évaluer l’ampleur du problème ;

c)L’absence d’une approche systématique et durable de la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet et l’application insuffisante des mesures adoptées ;

d)Le fait que l’État partie dialogue peu avec le secteur des technologies de la communication et que ce secteur soit peu réglementé aux fins de la prévention de l’exploitation sexuelle des enfants et de la lutte contre ce phénomène.

26. Rappelant la résolution 31/7 du Conseil des droits de l’homme relative aux droits de l’enfant, qui porte sur les technologies de l’information et de la communication et l’exploitation sexuelle des enfants, et les résultats des sommets de l’Alliance mondiale WeProtect tenus à Londres en 2014 et à Abou Dhabi en 2015, le Comité recommande à l’État partie de mettre en place, en étroite collaboration avec les secteurs économiques et les organisations concernés, un plan d’action national visant à prévenir et à combattre l’exploitation sexuelle des enfants et les violences sexuelles à l’égard des enfants sur Internet . Cette action devrait reposer, au minimum, sur :

a) Une politique nationale qui vise à prévenir et à réprimer l’exploitation sexuelle des enfants et les violences sexuelles à l’égard des enfants sur Internet et se fonde sur un cadre juridique approprié  ; une entité de coordination et de supervision spécialisée et des capacités spécifiques en matière d’analyse, de recherche et de suivi  ;

b) Une stratégie visant à prévenir l’exploitation sexuelle des enfants et les violences sexuelles à l’égard des enfants sur Internet, prévoyant notamment :

i) Un programme de sensibilisation du public et des cours obligatoires dans les écoles sur le comportement à adopter sur Internet, les règles de sécurité à observer et la façon de signaler les cas d’exploitation sexuelle des enfants et de violences sexuelles à l’égard des enfants sur Internet  ;

ii) La participation des enfants à l’élaboration de politiques et de pratiques  ;

iii) La mobilisation des professionnels du secteur, qui seront incités à bloquer et à retirer les contenus en ligne liés à l’exploitation sexuelle des enfants et à la violence sexuelle à l’égard des enfants, à signaler les infractions aux forces de l’ordre et à mettre au point des solutions innovantes  ;

iv) Une étroite coopération avec les organisations qui s’emploient à mettre fin à l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet  ;

v) Le respect de l’éthique et la diffusion d’informations fiables par les médias  ;

c) Des services d’aide adaptés aux enfants victimes, notamment des services intégrés assurés pendant l’enquête, la procédure judiciaire et le suivi ultérieur  ; la formation appropriée des professionnels qui travaillent avec et pour les enfants  ; des procédures de plainte et d’indemnisation et des voies de recours accessibles, respectueuses des enfants et garantissant la confidentialité  ;

d) Un système de justice pénale spécialisé, dynamique, réactif et centré sur les victimes, qui s’appuie sur des services de police, des procureurs et des juges dûment formés  ; un encadrement des délinquants qui permette d’éviter la récidive, aux niveaux national et international  ; et une base de données nationale reliée à la base de données internationale de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) .

VI.Interdiction de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants et questions connexes (art. 3, 4 (par. 2 et 3) et 5 à 7)

Législation et réglementation pénales en vigueur

27.Le Comité note que le Code pénal révisé interdit l’exploitation sexuelle des enfants, la pornographie mettant en scène des enfants, le fait de procurer un enfant à des fins de prostitution, la traite des enfants et le fait d’obtenir indûment le consentement à l’adoption d’un enfant. Toutefois, il est préoccupé par la confusion qui est faite entre les infractions visées par le Protocole facultatif et la traite et par les lacunes qui subsistent dans la criminalisation de toutes ces infractions. Il est en particulier préoccupé par ce qui suit :

a)Si elle n’est pas explicitement définie, la vente d’enfants, concept similaire mais non identique à la traite des enfants, est néanmoins réprimée en tant que traite ;

b)Le fait d’offrir, de remettre ou d’accepter un enfant à des fins de travail forcé ou de prélèvement d’organes est considéré comme un cas de traite et non comme un cas de vente d’enfants ;

c)La prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants n’ont pas été érigées en infraction pénale au sens des articles 2 et 3 du Protocole facultatif ;

d)Les articles 360A (Proxénétisme) et 365 (Infractions contre nature) du Code pénal ne protègent que les enfants âgés de moins de 16 ans contre la prostitution et les activités homosexuelles, avec ou sans consentement.

28. Le Comité demande instamment à l’État partie de réviser son Code pénal en vue de le rendre pleinement conforme au Protocole facultatif . En particulier, l’État partie devrait :

a) Définir et ériger en infraction pénale la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en prenant en compte tous les actes et toutes les activités interdits par les articles 2 et 3 du Protocole facultatif, y compris la tentative de commission de l’un quelconque de ces actes, la complicité dans sa commission ou la participation à celle-ci  ;

b) Interdire les mariages d’enfants et les mariages forcés  ;

c) Veiller à ce que tous les garçons et toutes les filles de moins de 18 ans soient pleinement protégés contre toutes les formes d’exploitation sexuelle, y compris la prostitution .

Impunité

29.Le Comité se félicite de la mise en place de services d’assistance téléphonique gratuits permettant aux enfants de porter plainte et note que les infractions visées par le Protocole facultatif sont passibles d’une peine d’emprisonnement allant de six mois à vingt ans et peuvent également être punies d’une amende. Le Comité se déclare néanmoins préoccupé par :

a)Le manque d’application des lois relatives à l’exploitation sexuelle des enfants ;

b)La sous-déclaration des infractions visées par le Protocole facultatif, en particulier en ce qui concerne l’exploitation sexuelle des garçons, en raison de la stigmatisation sociale, de la criminalisation de l’homosexualité et de la corruption ;

c)L’insuffisance des moyens et des ressources nécessaires pour enquêter comme il convient sur les infractions visées par le Protocole facultatif et engager des poursuites ;

d)Les faibles taux de poursuites et le nombre élevé d’affaires pendantes concernant des infractions visées par le Protocole facultatif ;

e)Les informations faisant état de la complicité des autorités, de la lenteur des procédures, de l’autorisation fréquente de la mise en liberté sous caution et d’amendes et de condamnations avec sursis dans les affaires de vente d’enfants, de prostitution des enfants et de pornographie mettant en scène des enfants ;

f)Les informations selon lesquelles les affaires de vente et de traite d’enfants font l’objet de poursuites au titre de l’article 360A du Code pénal relatif au proxénétisme et non au titre de l’article 360C relatif à la traite ;

g)L’explication donnée par l’État partie au cours du dialogue constructif selon laquelle, si des peines minimales sont prévues pour la plupart de ces infractions, il arrive que les juges s’en écartent, ce qui fait que les peines appliquées ne reflètent pas la gravité de l’infraction commise, et le Bureau du Procureur général fait appel de ces décisions devant une juridiction supérieure ;

h)L’incohérence des informations sur le nombre de cas signalés d’infractions visées par le Protocole facultatif et le manque de données sur la suite donnée à ces signalements, notamment le nombre d’auteurs qui ont été poursuivis et condamnés au pénal.

30. Le Comité prie instamment l’État partie :

a) De veiller à ce que les lois relatives à l’exploitation sexuelle des enfants soient dûment appliquées, notamment en établissant des mécanismes de suivi et d’évaluation et en exploitant les résultats pour orienter l’élaboration des futures politiques et modifications législatives  ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour encourager le grand public, y compris les garçons et les filles, à signaler les infractions visées par le Protocole facultatif  ;

c) De veiller à ce que les infractions visées par le Protocole facultatif signalées fassent rapidement l’objet d’enquêtes et à ce que leurs auteurs soient poursuivis et punis par des sanctions appropriées, proportionnées à la gravité des infractions  ;

d) De continuer de s’opposer , notamment au moyen des appels, aux sanctions appliquées en dehors du régime des peines minimales pour les infractions visées par le Protocole facultatif  ;

e) De renforcer les capacités des forces de l’ordre, des procureurs et des juges et de leur allouer des ressources suffisantes pour qu’ils puissent enquêter efficacement sur les infractions visées par le Protocole facultatif et engager des poursuites et mettre fin à l’impunité dont les auteurs jouissent  ;

f) De prévenir et de combattre efficacement la corruption et les cas de complicité des autorités et de poursuivre les fonctionnaires concernés  ;

g) De recueillir des données ventilées par sexe sur les enquêtes menées sur des infractions visées par le Protocole facultatif, ainsi que sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées contre les auteurs .

Responsabilité des personnes morales

31.Notant que, dans le contexte des voyages et du tourisme, les cas d’exploitation sexuelle des enfants, y compris les garçons, seraient nombreux et compte tenu du développement de l’industrie touristique découlant de la politique de promotion du tourisme de l’État partie, le Comité est préoccupé par le fait que la responsabilité des personnes morales pour les infractions visées par le Protocole facultatif n’a pas été établie ni envisagée.

32. À la lumière du paragraphe 4 de l’article 3 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l’État partie d’établir sans délai la responsabilité des personnes morales pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif .

Compétence extraterritoriale

33.Le Comité note que le paragraphe 2 de l’article 2 du Code pénal établit la compétence extraterritoriale de l’État partie pour les infractions visées par le Protocole facultatif commises par ses ressortissants. Il regrette que l’État partie n’étende pas cette disposition aux personnes qui ont leur résidence habituelle sur son territoire.

34. Le Comité recommande à l’État partie de réviser son Code pénal en vue d’étendre sa compétence extraterritoriale concernant les infractions visées par le Protocole facultatif aux personnes qui ont leur résidence habituelle sur son territoire, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif .

Extradition

35.Le Comité note que la législation nationale exige un traité aux fins de l’extradition, sauf en ce qui concerne les pays du Commonwealth. Il regrette également que, dans les deux cas, l’extradition soit soumise à la condition de la double incrimination et à celle de la gravité minimale (un an d’emprisonnement) et qu’aux fins de l’extradition vers les pays du Commonwealth l’infraction doive en outre figurer à l’annexe de la loi sur l’extradition.

36. Le Comité recommande à l’État partie de supprimer la condition de la double incrimination, celle de la gravité minimale et celle selon laquelle les infractions doivent figurer à l’annexe de la loi sur l’extradition aux fins de l’extradition en ce qui concerne les infractions visées par le Protocole facultatif . Il recommande également que l’État partie, en l’absence de traité d’extradition, considère le Protocole facultatif comme constituant la base juridique de l’extradition vers les pays non membres du Commonwealth qui sont parties au Protocole facultatif en ce qui concerne les infractions visées par le Protocole facultatif .

VII.Protection des droits des enfants victimes (art. 8 et 9 (par. 3 et 4))

Mesures adoptées pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif

37.Le Comité note avec satisfaction que la loi sur l’assistance et la protection dues aux victimes et aux témoins d’infractions contient des dispositions visant à garantir l’intérêt supérieur des enfants victimes ou témoins d’infractions et porte création d’une Agence nationale pour la protection des victimes ou des témoins d’infractions. Il constate néanmoins avec préoccupation que le système mis en place pour repérer les victimes des infractions visées par le Protocole facultatif est inadéquat et inefficace.

38. À la lumière de l’article 9 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer son mécanisme de repérage précoce des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif, notamment en publiant des lignes directrices sur l’application des procédures opérationnelles types et en dispensant une formation aux autorités concernées  ;

b) D’adopter et de mettre en œuvre le projet de lignes directrices nationales en ce qui concerne la prise en charge, les réparations, le dédommagement et la réadaptation dus à toutes les victimes d’infraction  ;

c) De faire en sorte que les enfants qui sont victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif ne soient pas traités ou punis comme des auteurs d’infractions et reçoivent l’assistance appropriée  ;

d) D’offrir à tous les enfants une aide juridique gratuite et le soutien de psychologues et de travailleurs sociaux spécialisés dans la prise en charge des enfants, et de veiller à ce qu’ils aient accès à des mécanismes de plainte adaptés à leur âge et à leur sexe ainsi qu’à des procédures adéquates leur permettant de solliciter une indemnisation et une réparation, sans discrimination .

Réadaptation et réinsertion des victimes

39.Tout en prenant note de l’élaboration de la Directive nationale sur la gestion des cas de maltraitance et de négligence envers les enfants (2014) et de l’existence de « lieux sûrs » pour les enfants, le Comité constate avec préoccupation que ces institutions accueillent non seulement des enfants victimes mais aussi des enfants soupçonnés d’une infraction et ne fournissent pas de services adaptés aux enfants victimes des infractions visées par le Protocole facultatif.

40. Le Comité prie instamment l’État partie de mettre en place un mécanisme efficace pour faire en sorte que les enfants victimes des infractions visées par le Protocole facultatif soient séparés des enfants soupçonnés d’une infraction et bénéficient d’une assistance appropriée, y compris un accueil dans des foyers spéciaux et des services adaptés aux fins de leur pleine réinsertion sociale et de leur pleine réadaptation physique et psychologique .

Service d’assistance téléphonique

41.Le Comité prend note de l’existence de plusieurs lignes d’assistance téléphonique gratuites, dont une « ligne pour enfants » gérée par l’Agence nationale de protection de l’enfance, qui permet de porter plainte en cas de violence à l’égard d’enfants, et une ligne d’assistance générale gérée par la police. Il regrette toutefois l’absence d’informations sur le fonctionnement des services d’assistance téléphonique, le personnel employé, les services fournis et les affaires transmises aux autorités et sur l’allocation des ressources permettant d’assurer la qualité et la pérennité des services d’assistance téléphonique.

42. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’allouer des ressources suffisantes pour garantir la qualité des services d’assistance téléphonique en place et de veiller à ce qu’ils soient pleinement accessibles et connus de tous les enfants  ;

b) De dispenser systématiquement une formation aux professionnels qui gèrent les services d’assistance téléphonique, de façon qu’ils puissent prévenir la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et intervenir efficacement dans ces situations  ;

c) De mettre en place un mécanisme de suivi régulier et efficace pour garantir la qualité de l’assistance téléphonique et des conseils fournis .

VIII.Assistance et coopération internationales (art. 10)

43. À la lumière du paragraphe 1 de l’article 10 du Protocole facultatif, le Comité encourage l’État partie à continuer d’intensifier la coopération internationale au moyen d’accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux, en particulier avec les pays voisins, notamment en renforçant les procédures et les mécanismes visant à coordonner la mise en œuvre de ces accords, en vue de réaliser des progrès pour ce qui est de prévenir et de détecter les infractions visées par le Protocole facultatif, d’enquêter sur ces infractions et d’en poursuivre et punir les responsables .

IX.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

44. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, afin de renforcer encore le respect des droits de l’enfant .

X.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

45. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre, et notamment qu’elles soient transmises à l’Agence nationale de protection de l’enfance pour examen et suite à donner .

46. Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites à la liste de points soumis par l’État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés, notamment sur Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi .

B.Prochain rapport périodique

47. Conformément au paragraphe 2 de l’article 12 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 44 de la Convention .