NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPSC/MAR/CO/117 mars 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante et unième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 12 DU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT LA VENTE D’ENFANTS, LA PROSTITUTION DES ENFANTS

ET LA PORNOGRAPHIE METTANT EN SCÈNE DES ENFANTS

Observations finales: Maroc

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Maroc (CRC/C/OPSA/MAR/1) à l’occasion de sa 1085e séance (voir CRC/C/SR.1085), tenue le 11 janvier 2006, et a adopté les observations finales ci-après lors de sa 1120e séance, tenue le 27 janvier 2006.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial présenté par l’État partie ainsi que les réponses écrites apportées à sa liste de points à traiter; il se félicite par ailleurs du dialogue franc et ouvert qu’il a eu avec la délégation, dont il a apprécié la compétence.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en ayant à l’esprit ses observations finales précédentes adoptées le 6 juin 2003 au sujet du deuxième rapport périodique de l’État partie, publié sous la cote CRC/C/15/Add.211.

B. Aspects positifs

4.Le Comité salue les diverses mesures prises par l’État partie en vue de mettre en œuvre et de renforcer la protection des droits prévus par le Protocole facultatif, notamment les modifications apportées au Code pénal, qui criminalisent la pornographie mettant en scène des enfants, le tourisme sexuel, les violences sexuelles et la traite d’êtres humains. Le Comité note également avec satisfaction:

a)Le fait que l’État partie soit le point focal pour la région arabo-africaine en ce qui concerne le suivi du Plan d’action et de la Déclaration de Yokohama;

b)Le lancement, entre 2003 et 2004, d’une campagne de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants;

c)L’incorporation du Protocole facultatif dans la législation nationale par publication au Bulletin officiel no 5192 du 4 mars 2004;

d)La mise en place d’unités spécialisées au sein de la police pour s’occuper des enfants et de la cybercriminalité.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

C.1. Mesures d’application générales

Coordination et évaluation de l’application du Protocole

5.Le Comité prend note des informations selon lesquelles les divers ministères et services publics, de même que plusieurs ONG, participent à la mise en œuvre du Protocole facultatif, mais regrette qu’il n’existe pas de mécanismes d’évaluation périodique de cette mise en œuvre et que la coordination en la matière soit encore insuffisante.

6. Le Comité encourage l’État partie à renforcer et consolider la coordination dans les domaines traités par le Protocole facultatif et à mettre en place des mécanismes permettant d’évaluer périodiquement sa mise en œuvre.

Plan d’action national

7.Le Comité prend note de l’élaboration d’un Plan d’action national pour les enfants (PANE) 2005‑2015 qui cible aussi des groupes vulnérables comme, par exemple, les enfants victimes d’abus et de violences.

8. Le Comité recommande à l’État partie de faire un pas de plus vers l’adoption et l’application du PANE et de prévoir un crédit budgétaire spécifique pour qu’il soit mis en œuvre dans les meilleures conditions.

Diffusion et formation

9.Le Comité rend hommage aux efforts de l’État partie en vue de sensibiliser le public aux dispositions du Protocole facultatif, et il se félicite en particulier de l’organisation de cours de formation spécifiques offerts aux groupes professionnels travaillant avec et pour les enfants (enseignants, juges, policiers, médecins, travailleurs sociaux, animateurs, etc.). Cela dit, le Comité constate avec préoccupation que les informations sur le problème de l’exploitation sexuelle sont encore insuffisantes, voire pratiquement inexistantes en ce qui concerne la pornographie mettant en scène des enfants et la vente d’enfants; il insiste par ailleurs sur la nécessité de sensibiliser le public afin de faire évoluer les attitudes et les comportements face à ces questions.

10. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et renforcer ses efforts en vue de diffuser les dispositions du Protocole facultatif au sein de la population, et notamment parmi les enfants et les parents, par le biais des programmes scolaires et de supports spécialement adaptés aux enfants. Il lui recommande en particulier d’envisager de lancer une stratégie de communication nationale, comprenant des campagnes d’information et de sensibilisation, pour combattre tous les types d’exploitation, d’abus et de violences dont les enfants sont victimes.

Collecte de données

11.Le Comité regrette que les données sur les questions couvertes par le Protocole soient dispersées et ne fassent pas l’objet d’une collecte systématique.

12. Le Comité recommande à l’État partie de créer un mécanisme centralisé de collecte, d’analyse et de diffusion des données existantes concernant les questions traitées par le Protocole afin de fonder l’action sur les informations ainsi recueillies. L’État partie devrait également continuer de réaliser des études et recherches approfondies de manière à rassembler autant de données ventilées que possible sur les thèmes abordés par le Protocole.

Crédits budgétaires

13.Le Comité regrette que, selon le rapport de l’État partie, l’essentiel des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des dispositions du Protocole facultatif soient dues à l’insuffisance des fonds accordés aux divers services qui travaillent dans ce sens.

14. Le Comité encourage l’État partie à allouer davantage de ressources à la mise en œuvre du Protocole facultatif, y compris aux organisations de la société civile impliquées dans le processus, et à fournir dans son prochain rapport des informations plus complètes à cet égard.

C.2. Interdiction de la vente d’enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la prostitution des enfants

Lois et réglementations pénales existantes

15.Le Comité accueille avec satisfaction la modification du Code pénal qui a introduit, en 2003, le crime de «tourisme sexuel», mais il est préoccupé par la persistance de la prostitution enfantine et le tourisme sexuel impliquant de jeunes marocains mais aussi des immigrés, notamment des garçons.

16. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts en vue de régler le problème de la prostitution des enfants, y compris dans le cadre du tourisme sexuel, en élaborant une stratégie spécifique à destination du secteur touristique qui ferait passer des messages précis sur les droits de l’enfant et sur les sanctions encourues par les auteurs d’abus.

Mise en œuvre de nouvelles lois

17.Le Comité prend note avec satisfaction de l’entrée en vigueur de nouvelles lois relatives au travail des enfants, à la pornographie mettant en scène des enfants et à la traite d’êtres humains, et se félicite de l’adoption du Code pénal révisé qui contient des dispositions permettant de lutter contre les violences sexuelles contre les enfants. Il constate néanmoins avec préoccupation que ces lois sont mal appliquées.

18. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que sa législation soit appliquée comme il se doit. Il lui recommande également:

a) D’envisager l’adoption de lois spécifiques sur les obligations des fournisseurs d’accès Internet en vue d’interdire la pornographie mettant en scène des enfants sur Internet;

b) De renforcer son cadre législatif en adhérant au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

C.3. Procédure pénale

Extradition

19.Le Comité exprime ses préoccupations quant à la conformité du droit et de la pratique de l’État partie avec le paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, et constate notamment avec inquiétude que toutes les infractions visées au paragraphe 1 de l’article 3 dudit protocole sont considérées comme extraditionnelles.

20. Il convient que l’État partie prenne toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que ses politiques d’extradition sont conformes aux exigences de l’article 5 du Protocole facultatif.

C.4. Protection des droits des enfants victimes

Mesures adoptées pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes

21.Le Comité se félicite de la nomination de juges des enfants au tribunal de première instance et prend note avec satisfaction de l’affirmation du rôle du Conseil des mineurs. Toutefois, il s’inquiète du manque de mécanismes permettant la collecte d’informations sur les cas d’exploitation et de maltraitance d’enfants, ainsi que le suivi et le signalement de ces cas.

22. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système de suivi et de signalement de tous les cas d’exploitation et d’abus à l’encontre des enfants, de même qu’un mécanisme de suivi. L’État partie devrait également continuer de fournir des informations sur toutes les enquêtes et poursuites diligentées par la police et/ou la justice qui concernent des cas prévus par le Protocole facultatif, de même que sur leur issue.

23.Le Comité est préoccupé d’apprendre que les enfants victimes de crimes visés par le Protocole facultatif sont souvent stigmatisés et mis au ban de la société, et qu’ils peuvent être tenus pour responsables, jugés et placés dans des centres de détention.

24. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les enfants victimes d’exploitation et d’abus ne soient ni poursuivis, ni condamnés, et de veiller à ce que toutes les mesures possibles soient prises pour éviter la stigmatisation et la marginalisation sociale de ces enfants.

25.Tout en saluant la création, dans les communautés urbaines et rurales, de groupes de protection de l’enfance chargés de recevoir et de conseiller les enfants qui sont victimes d’abus physiques et sexuels, le Comité constate avec préoccupation que ces groupes n’ont pas encore été mis en place dans l’ensemble du pays.

26. Le Comité recommande que les enfants victimes reçoivent une assistance au sein de structures sociales et médicales (parmi lesquelles les nouveaux Groupes de protection de l’enfance) qui soient en nombre suffisant pour couvrir l’ensemble du territoire.

27.S’il note avec satisfaction que les enfants ont la possibilité de porter directement plainte lorsqu’ils sont victimes de pratiques interdites en vertu du Protocole facultatif, le Comité n’en insiste pas moins sur la nécessité de mettre en place des mesures adaptées pour protéger les enfants victimes et témoins.

28. Le Comité invite l’État partie à modifier ses pratiques afin de protéger les enfants victimes et témoins à toutes les étapes de la procédure pénale. Il lui recommande de s’inspirer à cet égard des Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (résolution n o 2005/20 du Conseil économique et social). Il convient entre autres que l’État partie:

a) Limite autant que possible les cas où un enfant victime de crimes visés dans le Protocole facultatif doit témoigner devant la cour;

b) Ait recours à des procédures adaptées à la sensibilité des enfants, notamment en mettant à disposition des salles d’entretien spécialement conçues pour eux;

c) Fasse en sorte que les procès se tiennent dès que possible, sauf s’il est dans l’intérêt de l’enfant de retarder l’échéance;

d) Évite tout au long de la procédure de mettre les enfants victimes et témoins en contact direct avec les auteurs supposés;

e) Introduise l’enregistrement systématique (audio et vidéo) des déclarations des enfants victimes.

29.Le Comité constate également avec préoccupation que, du fait de contraintes budgétaires et de ressources humaines limitées, l’État partie a des difficultés à mener à bien des programmes de rétablissement et de réinsertion sociale des enfants victimes.

30. Le Comité exhorte l’État partie à donner la priorité à l’attribution de ressources budgétaires pour mettre des services adéquats à la disposition des enfants victimes, notamment en vue de leur rétablissement psychologique, de leur réinsertion sociale et de leur rapatriement, le cas échéant. Il est également important que l’État partie offre une assistance aux ONG qui fournissent aux enfants maltraités et exploités des services de conseil, de rétablissement et de réinsertion.

31. Le Comité se réjouit de la création, par l’Observatoire national des droits de l’enfant, d’un service d’assistance téléphonique gratuit, qui fonctionne jour et nuit, à destination des enfants victimes. À cet égard, il recommande à l’État partie de veiller à ce que les enfants soient informés de l’existence de ce service et qu’ils y aient accès, et de faciliter la collaboration de celui-ci avec les ONG s’occupant d’enfants, la police, les services de santé et les travailleurs sociaux.

C.5. Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants

Prévention

32.Le Comité est préoccupé par la situation difficile de certains groupes d’enfants, tels que les enfants des rues, les enfants qui travaillent, les domestiques, les «petites bonnes», les enfants migrants ou encore ceux qui sont victimes de la traite des êtres humains, tous particulièrement vulnérables à toutes les formes d’exploitation.

33. Le Comité, réitérant les inquiétudes et recommandations exprimées dans ses observations finales sur le second rapport périodique de l’État partie (CRC/C/15/Add.211, par. 60 et 61), recommande à ce dernier de prêter une attention particulière à la situation des groupes d’enfants vulnérables qui sont particulièrement exposés au risque d’être exploités ou maltraités. En ce sens, il lui recommande d’allouer des ressources humaines et financières suffisantes à la mise en œuvre de programmes visant à la protection des droits des enfants vulnérables, en mettant l’accent sur l’éducation et la santé. Il convient aussi de faire plus d’efforts pour sensibiliser ces enfants à leurs droits.

34.Le Comité note que l’État partie lance, en collaboration avec le PNUD‑Maroc, la société civile et plusieurs ONG, des projets qui visent à lutter contre la pauvreté. Toutefois, il juge préoccupantes les difficultés dues à la coordination insuffisante entre ces projets et au manque de ressources financières adéquates.

35. Le Comité recommande d’accorder l’importance nécessaire, y compris au niveau financier, aux projets de lutte contre la pauvreté − qui est l’une des premières causes de toutes les formes d’exploitation − et encourage l’État partie à adopter une politique globale en la matière.

36. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre ses efforts en vue d’informer les enfants, leurs parents et toutes les personnes concernées par la protection des droits de l’enfant, des programmes, politiques et mesures (législatives et autres) adoptés pour empêcher les infractions visées par le Protocole facultatif.

D. Assistance et coopération internationales

Protection des victimes

37. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées de l’ONU, comme par exemple le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), et des organisations non gouvernementales (ONG) telles que la Campagne pour mettre fin à la prostitution enfantine et à la pornographie mettant en scène des enfants ainsi qu’au trafic des enfants à des fins sexuelles (ECPAT) afin de réformer la législation en vigueur pour la mettre en conformité avec le Protocole facultatif.

Application des lois

38. Le Comité note avec satisfaction les nombreux accords bilatéraux que l’État partie a signés avec d’autres États dans le domaine de l’entraide judiciaire. Il l’encourage par ailleurs à renforcer la coopération avec les autorités de police des États qui rencontrent des problèmes dans les domaines relevant du Protocole facultatif.

E. Suivi et diffusion

Suivi

39. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la mise en œuvre intégrale des présentes recommandations, notamment en les faisant parvenir aux membres du Cabinet des ministres, au Parlement, ainsi qu’aux gouvernements et parlements locaux, le cas échéant, de façon qu’elles soient dûment examinées et suivies d’effet.

Diffusion

40. Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites soumises par l’État partie, de même que les recommandations s’y rapportant (observations finales), soient largement diffusés, y compris (mais pas exclusivement) par l’Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants afin d’ouvrir le débat et de faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

F. Prochain rapport

41. Conformément au paragraphe 2 de l’article 12, le Comité invite l’État partie à fournir des informations plus détaillées sur l’application du Protocole facultatif dans le prochain rapport périodique qu’il doit lui présenter avant le 20 janvier 2009, conformément aux dispositions de l’article 44 de la Convention relative aux droits de l’enfant.

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