NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPSC/KAZ/CO/117 mars 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante et unième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 12 DU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT LA VENTE D’ENFANTS, LA PROSTITUTION DES ENFANTS

ET LA PORNOGRAPHIE METTANT EN SCÈNE DES ENFANTS

Observations finales: Kazakhstan

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Kazakhstan (CRC/C/OPSC/KAZ/1) à sa 1084e séance (voir le document CRC/C/SR.1084), tenue le 11 janvier 2006, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1120e séance, tenue le 27 janvier 2006.

A. Introduction

2.Le Comité prend acte avec satisfaction du rapport initial de l’État partie et regrette toutefois que ce document ne se conforme pas aux directives générales concernant l’établissement des rapports. Le Comité se félicite du dialogue constructif qui s’est engagé avec la délégation et accueille avec intérêt le complément d’information écrite fourni comme suite à ce dialogue.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales devraient être lues en lien avec celles adoptées le 6 juin 2003 après l’examen du rapport initial de l’État partie sur l’application de la Convention, et contenues dans le document CRC/C/15/Add.213.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction:

a)L’adoption, le 29 février 2004, d’un Plan national d’action contre la traite, et d’un Plan ultérieur concernant la période 2006‑2008;

b)La création d’une commission interinstitutions de lutte contre la traite;

c)L’application directe du Protocole facultatif et sa primauté sur le droit interne.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

C.1 Mesures d’application générales

Coordination et évaluation de l’application du Protocole facultatif

5.Le Comité prend note des renseignements fournis concernant les différents ministères et institutions publiques engagés dans la mise en œuvre du Protocole facultatif, mais reste préoccupé par le fait que la coordination entre ces instances n’est pas suffisante pour que soient prises des mesures globales et intersectorielles aux niveaux national et local afin d’assurer la protection des droits couverts par le Protocole facultatif. Le Comité regrette également l’absence de dispositif d’évaluation périodique de l’application du Protocole.

6. Le Comité encourage l’État partie à renforcer la coordination, tant au niveau national que local, dans les domaines couverts par le Protocole facultatif, et à mettre en place des dispositifs d’évaluation périodique de l’application du Protocole.

Diffusion et formation

7.Le Comité note avec préoccupation que les efforts de sensibilisation des catégories professionnelles concernées et du public au champ d’application du Protocole restent insuffisants.

8. Le Comité recommande que des ressources suffisantes et adaptées aux besoins soient allouées à l’organisation de campagnes de sensibilisation du public bien ciblées et efficaces et à l’élaboration de matériels et de cours de formation destinés aux catégories professionnelles concernées y compris les agents de la force publique, les magistrats du ministère public, les juges, le personnel médical et autres professionnels chargés d’appliquer le Protocole. Le Comité recommande en outre à l’État partie de diffuser largement les dispositions du Protocole facultatif, en particulier auprès des enfants et notamment par le biais des programmes scolaires.

Non‑discrimination

9.Le Comité est préoccupé par la stigmatisation des enfants infectés par le VIH/sida du fait de la traite ou de la prostitution dont ils ont été victimes.

10. Le Comité recommande à l’État partie d’entreprendre des actions de sensibilisation de la population dans le but de combattre et de prévenir la discrimination dont font l’objet les enfants mentionnés au paragraphe 7, de rendre les personnels spécialisés des professions juridiques et autres conscients des effets du VIH/sida sur les enfants atteints et de faire en sorte que ces enfants aient un accès égal à l’éducation, aux soins de santé et aux autres services sociaux.

Collecte de données

11.Le Comité regrette l’absence de données ventilées par âge, sexe et groupe minoritaire ainsi que l’absence de recherches concernant l’ampleur de la traite nationale et transfrontière, de la prostitution et de la pornographie mettant en scène des enfants.

12. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que soient entreprises des études approfondies portant sur les questions visées dans le Protocole et que des données ventilées, en particulier par âge, sexe et groupe minoritaire soient systématiquement collectées et analysées dans la mesure où elles constituent des outils essentiels à l’évaluation de l’application du Protocole.

Allocation de ressources budgétaires

13.Le Comité regrette le manque d’informations au sujet des ressources budgétaires allouées aux fins de l’application du Protocole facultatif.

14. Le Comité encourage l’État partie à fournir des renseignements plus complets concernant les ressources budgétaires allouées aux fins de l’application du Protocole facultatif et du Plan national d’action contre la traite.

C.2 Interdiction de la vente d’enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la prostitution des enfants

Lois et réglementations pénales existantes

15.Le Comité constate avec satisfaction que des dispositions interdisant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ont été incluses dans le Code pénal du Kazakhstan. Il est toutefois préoccupé par le fait que le cadre juridique kazakh n’incorpore pas tous les éléments des articles 2 et 3 du Protocole;

a)L’article 133 du Code pénal ne couvre pas suffisamment la vente d’enfants aux fins de travail forcé (art. 3, par. 1, al. a i) c du Protocole facultatif);

b)L’article 270 du Code pénal concernant le recrutement à des fins de prostitution expose différentes méthodes de recrutement, mais ne réprime pas le recrutement d’un enfant à des fins de prostitution quelle que soit la méthode employée;

c)L’article 273 n’interdit pas explicitement la possession de matériels pornographiques mettant en scène des enfants (art. 3, par. 1, al. a ii) c);

d)Les personnes morales ne peuvent être poursuivies pour les infractions exposées dans le Protocole facultatif;

e)Les dispositions législatives relatives à l’adoption devraient être renforcées dans le sens du respect des normes internationales et par la création d’une autorité centrale de réglementation.

16. Le Comité recommande que l’État partie:

a) Modifie les dispositions en vigueur du Code pénal pour les mettre en pleine conformité avec le Protocole facultatif (en y apportant des modifications ou en incorporant de nouvelles dispositions);

b) Mène une étude approfondie sur l’utilisation de l’Internet pour la diffusion de la pornographie mettant en scène des enfants ou d’autres formes d’exploitation sexuelle (par exemple le recrutement à des fins de prostitution), et adopte des dispositions législatives spécifiques pour lutter contre ces phénomènes, dont l’obligation pour les fournisseurs d’accès Internet de coopérer pleinement en la matière;

c) Renforce son cadre législatif en ratifiant: la Convention de La Haye n o  33 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (1993), le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000); la Convention sur la cybercriminalité (2001); et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (2005).

C.3 Procédure pénale

Compétence et extradition

17.Le Comité est préoccupé par le fait que la condition de la double incrimination, aux fins de l’extradition ou de poursuites nationales en cas d’infraction commise à l’étranger, nuit à la poursuite des infractions énumérées à l’article premier et aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif.

18. Le Comité recommande à l’État partie de modifier sa législation afin d’abolir la condition de la double incrimination aux fins de l’extradition et/ou de poursuites en cas d’infraction commise à l’étranger.

C.4 Protection des droits des enfants victimes

Mesures adoptées pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif

19.Le Comité s’inquiète de ce que les dispositions de l’article 8 du Protocole n’aient pas été intégrées de manière adéquate au droit de l’État partie.

20. Le Comité recommande à l’État partie d’apporter les modifications nécessaires à sa législation nationale pour la mettre en pleine conformité avec l’article 8 du Protocole, en insistant particulièrement sur le droit des enfants victimes à faire part de leurs opinions, de leurs besoins et de leurs préoccupations au cours de la procédure pénale menée à l’encontre de l’auteur présumé de l’infraction, à être soutenus de façon adéquate tout au long de la procédure et à bénéficier du plein respect et de la pleine protection de leur intimité et de leur identité. Le Comité recommande également à l’État partie de suivre à cet égard les Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (résolution 2005/20 du Conseil économique et social).

21.Le Comité déplore le manque d’informations sur les mesures spéciales prises pour protéger les droits et intérêts des victimes de la vente d’enfants, de la prostitution et de la pornographie telles que la fourniture d’une assistance juridique, médicale et psychologique.

22. Le Comité prie instamment l’État partie de mettre en œuvre des mesures appropriées pour les victimes de la vente d’enfants, de la prostitution et de la pornographie, qui devraient inclure en particulier:

a) La non-criminalisation des victimes;

b) Une assistance juridique gratuite;

c) Des soins psychologiques et médicaux;

d) Des permanences téléphoniques gratuites;

e) Des centres d’accueil pour enfants en détresse accessibles;

f) Des programmes de réadaptation sociale pour les enfants victimes;

g) L’accès à des refuges et l’octroi de permis de résidence temporaires pour les victimes étrangères de la traite pendant la période de l’enquête.

C.5 Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

23.Le Comitéprend note des efforts récents pour mener des enquêtes et engager des actions en justice concernant des cas de vente d’enfants et de prostitution des enfants. Le Comité reste cependant préoccupé par le fait que le nombre de ces enquêtes et actions en justice est très réduit par rapport à l’ampleur du problème. Il s’inquiète en particulier des accusations selon lesquelles des agents de l’État se seraient rendus coupables de complicité de traite, et par le fait que la corruption entrave l’efficacité des mesures de prévention.

24. Étant donné que la crédibilité de l’administration de la justice est essentielle à des mesures de prévention efficaces, le Comité prie instamment l’État partie de veiller à ce que tout soupçon quant à la complicité d’agents de l’État donne lieu à une enquête et, s’il y a lieu, à des sanctions. De plus, il recommande que l’État partie favorise une coordination plus poussée entre les autorités responsables de l’administration de la justice, les collectivités locales et les ONG pour la mise en œuvre de mesures préventives.

25.Le Comité est tout particulièrement préoccupé par la vulnérabilité des enfants des rues, des enfants étrangers ou qui appartiennent à des minorités ethniques.

26. Le Comité recommande à l’État partie de porter une attention spécifique à la situation des groupes d’enfants vulnérables qui risquent plus particulièrement d’être exploités ou abusés sexuellement. À cet égard, il recommande que l’État partie alloue les ressources humaines et financières suffisantes à la mise en œuvre de programmes pour la protection des droits des enfants vulnérables, en insistant tout spécialement sur l’éducation et les soins de santé. Il faudrait aussi s’attacher davantage à sensibiliser ces enfants à leurs droits.

27.Le Comité se félicite des campagnes de sensibilisation qui ont été menées auprès du public, par le biais notamment de la radio, et de celles directement destinées aux enfants, menées dans les écoles par exemple dans le cadre du Plan national d’action. Toutefois, il est préoccupé par le fait que les mesures de prévention ciblées restent marginales.

28. Le Comité invite l’État partie à prendre de nouvelles mesures préventives ciblées et de mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation en concertation avec des ONG. Il encourage notamment l’État partie à entreprendre des recherches sur la nature et l’ampleur de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, y compris la prostitution et la pornographie, et à cerner les causes et l’étendue du problème.

C.6 Aide et coopération internationales

Application des lois

29. Le Comité invite l’État partie à renforcer toujours plus ses activités de coopération internationale en matière de justice et de police et au profit des victimes afin de prévenir et de réprimer la vente et le trafic d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et à fournir des informations plus détaillées dans son prochain rapport.

C.7 Suivi et diffusion

Suivi

30. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les faisant parvenir aux ministères concernés, au Parlement et aux autorités provinciales afin qu’elles soient dûment examinées et suivies d’effet.

Diffusion

31. Le Comité recommande également à l’État partie de diffuser largement, y compris mais non exclusivement par l’Internet, son rapport et ses réponses écrites , ainsi que les recommandations du Comité s’y rapportant (observations finales) auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants afin de susciter un débat parmi eux et de les sensibiliser aux dispositions de la Convention, à son application et à son suivi.

C.8 Prochain rapport

32.Conformément au paragraphe 2 de l’article 12, le Comité invite l’État partie à faire figurer des informations complémentaires sur l’application du Protocole facultatif dans son prochain rapport périodique sur l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant qu’il doit lui présenter le 10 septembre 2006, conformément aux dispositions de l’article 44 de la Convention.

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