NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPSC/CHL/16 juillet 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 12 DU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT LA VENTE D’ENFANTS, LA PROSTITUTION DES ENFANTS

ET LA PORNOGRAPHIE METTANT EN SCÈNE DES ENFANTS

Rapports initiaux des États parties attendus en 2005

CHILI *

[19 janvier 2007]

INTRODUCTION

1.Le présent rapport répond à l’obligation que l’État chilien a contractée lorsqu’il a ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Conformément à l’article 12 du Protocole, chaque État partie rend compte des mesures qu’il a prises pour donner effet aux dispositions dudit instrument. Le Protocole a été signé par notre pays le 28 juin 2000 et il est entré en vigueur le 6 mars 2003.

2.En ce qui concerne l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et la traite des enfants, dont le Protocole fait l’objet, c’est principalement au Ministère de la justice qu’il incombe d’élaborer des politiques visant la répression pénale de ce type d’infractions, sous toutes leurs formes, en particulier celles qui consistent à utiliser, recruter ou offrir des enfants à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou d’activités pornographiques. Il lui appartient également de prendre des dispositions législatives en vue de protéger les droits des enfants et des adolescents. Par l’intermédiaire du Service national des mineurs (SENAME) et du Service médico‑légal, le Ministère de la justice met en œuvre des programmes de protection des droits de l’enfant axés sur l’expertise, la sensibilisation, les enquêtes, la réparation et la représentation en justice. Il coordonne également l’élaboration et la mise en œuvre du Cadre d’action contre l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents à des fins commerciales. La coordination de la lutte contre l’abus sexuel d’enfants incombe au Comité national intersectoriel de prévention de la maltraitance d’enfants, sous la supervision du Ministère de la justice.

3.Le présent document a été établi à partir d’informations fournies par des organismes gouvernementaux et vérifiées et complétées par les organisations non gouvernementales (ONG) compétentes. À cette fin, le Ministère des affaires étrangères et le Ministère de la planification ont organisé le 13 octobre 2006 un atelier de travail auquel ont participé des représentants des organismes gouvernementaux faisant rapport, ainsi que des représentants du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et des ONG ci-après, reconnues pour leur travail dans des domaines liés à l’enfance: Réseau d’ONG pour l’enfance − dont Fundación Anide et ONG Cordillera − Asociación Chilena para las Naciones Unidas (ACHNU), Corporación Opción, ONG Raíces et Corporación Paicabí.

4.Cet atelier a permis de mettre à jour des préoccupations qui ont été dûment analysées et prises en compte par les différentes institutions concernées et de recueillir des observations écrites qui ont enrichi le rapport final. Il a également permis de lever certains doutes quant à l’importance des protocoles.

5.Le Ministère de la planification a été chargé de coordonner le travail et d’exploiter les informations constituant la base du présent rapport, qu’il diffusera conjointement avec le Ministère des affaires étrangères.

I . PROGRÈS ACCOMPLIS SUR LE PLAN DES PROGRAMMES DANS LES DOMAINES VISÉS PAR LE PROTOCOLE

6.Les principaux progrès accomplis sur le plan des programmes dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales − considérée comme une infraction et l’une des pires formes de travail des enfants − depuis que le Chili a ratifié le Protocole facultatif sont exposés ci‑dessous.

7.Comme indiqué plus haut, le Gouvernement élabore des politiques visant la répression pénale des infractions en question et met en œuvre des programmes de protection des droits des enfants et des adolescents, par l’intermédiaire des services compétents et du Ministère de la justice, à savoir le SENAME et le Service médico‑légal. Il coordonne en outre l’élaboration et la mise en œuvre du Cadre d’action contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, qui constitue une avancée importante dans la lutte contre ce type d’exploitation, dont fait partie le trafic d’enfants à des fins sexuelles.

8.Cette action est renforcée par la signature de plusieurs instruments, en particulier la Convention no182 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination (1999). Il s’agit de protéger les enfants et les adolescents exploités par des adultes dans des activités économiques leur causant un préjudice physique, psychologique et moral, parmi lesquelles la vente et le trafic d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle et commerciale. De même, l’accord conclu avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a permis d’appuyer la conception et la mise en œuvre d’un plan pilote d’aide aux enfants et adolescents victimes d’exploitation sexuelle et commerciale, quelle qu’en soit la forme, y compris le trafic à des fins sexuelles. Il a également permis d’arrêter des conditions et modalités de réparation et de mettre au point un programme de formation destiné aux fonctionnaires gouvernementaux et au personnel des institutions qui collaborent avec le SENAME. Il convient également de noter l’accord conclu entre Save the Children, le Ministère de l’intérieur, les représentants du ministère public, les forces de l’ordre et de la sûreté publique et le SENAME. Cet accord vise à mettre en œuvre le programme «Chiliens disparus», fondé sur l’établissement d’un registre unique des personnes disparues où sont consignées des données systématisées, en vue de contribuer à une élucidation rapide des cas signalés et de favoriser la réunification des familles, le tout grâce à un réseau informatique relayant 21 pays de la région. Il prévoit également la réalisation d’études.

9.En ce qui concerne la prise en charge des enfants et adolescents victimes d’exploitation sexuelle ou commerciale, les organismes privés qui collaborent avec le SENAME mettent en œuvre des programmes spécialisés visant à prendre en charge et à indemniser ces enfants et adolescents ainsi qu’à les représenter en justice. La prévention dans ce domaine incombe aux Bureaux de protection des droits des enfants de tout le pays, et les lignes téléphoniques gratuites mises en place par le SENAME et les carabiniers permettent de recevoir des plaintes.

10.Dans le cadre du programme national intitulé «Apprenons à bien traiter les enfants» (2000‑2006), exécuté par le Comité national intersectoriel de prévention de la maltraitance et des abus sexuels d’enfants, le Gouvernement s’est attaqué au problème de l’exploitation sexuelle et commerciale des enfants et a pris les initiatives ci‑après:

a)En 1999 a eu lieu la première Conférence nationale sur la violence et l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, organisée par le Ministère de la justice, l’UNICEF, l’Institut interaméricain de l’enfant, l’ACHNU et la Fundación Margen;

b)En 1999 et 2000, le Gouvernement a élaboré en collaboration avec les institutions susmentionnées, le Cadre d’action contre l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents à des fins commerciales, outil important qui devrait permettre de mettre au point des politiques et des mesures coordonnées en la matière. Il porte principalement sur la recherche (dans les domaines social, juridique et criminel), l’intervention (promotion, prévention secondaire et tertiaire), les réformes à apporter dans les politiques sociales et les réformes normatives.

11.Des initiatives sont prises par certains acteurs mais il n’y a pas de suivi systématique de la mise en œuvre du programme national en question ni de coordination au niveau national, ce qui est également le cas du programme pour l’élimination du travail des enfants.

12.S’agissant de la recherche sociale dans ce domaine, le Gouvernement met en œuvre, dans le cadre d’une collaboration entre le SENAME, le Ministère du travail et de la prévision sociale et l’OIT, un projet visant à mettre au point un système unique et novateur de recensement des pires formes de travail des enfants, au titre du «Diagnostic national du travail des enfants et des pires formes que celui‑ci revêt».

13.Ainsi, les services de police, le réseau de prise en charge du SENAME et la Direction du travail ont pu constituer un registre permettant de recenser les cas, d’assurer leur suivi et de prendre en considération l’opinion des enfants et des adolescents au sujet de leurs propres besoins, afin d’élaborer des politiques de réparation mieux adaptées. Dans ce contexte, une étude qualitative a été réalisée en 2003 sur la manière dont les enfants et adolescents eux‑mêmes perçoivent leur vie en général et leur situation d’exploitation économique en particulier.

14.Les fonds alloués par le Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) de l’OIT ont permis de mettre en œuvre, de 2002 à 2004, le programme intitulé «Étude de la problématique de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales − Sensibilisation, prévention et prise en charge des victimes». Ce programme a permis de déterminer l’ampleur du phénomène au niveau national, d’organiser une campagne de sensibilisation et d’ouvrir un centre de prise en charge spécialisée (avec mise en œuvre d’un plan type d’intervention en vue de la réadaptation). Les recherches ont permis d’établir un diagnostic de l’ampleur et des caractéristiques actuelles de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales au Chili, en particulier l’utilisation d’enfants à des fins de prostitution. Elles ont abouti à la conclusion, qu’il convenait de mettre au point des politiques et programmes intersectoriels intégrant les secteurs de la justice, de la santé, de l’éducation et de l’emploi.

15.Les ressources allouées à la réadaptation et à la prise en charge des enfants et des adolescents victimes d’exploitation sexuelle ont augmenté progressivement. Il existe actuellement 16 projets dans tout le pays, dont bénéficient 730 enfants des régions où les cas sont les plus nombreux, ce qui correspond à 19,7 % du nombre estimé de victimes au niveau national. Bien que ces chiffres soient évocateurs de progrès, ils signifient que seul un cinquième de la population cible est pris en charge, et qu’un grand nombre de cas ne sont pas traités une fois signalés; cette situation incite l’État et les organisations de la société civile à rechercher et mettre au point de nouvelles méthodes et à améliorer la gestion des ressources existantes. Il reste également beaucoup à faire pour mettre au point des mécanismes de collaboration et de coordination intersectorielles qui soient adaptés à la nature complexe et aux causes multiples du phénomène, afin d’apporter une réponse concertée et efficace aux problèmes qui se posent en matière de santé, d’éducation et d’avenir professionnel, entre autres.

16.Le SENAME assure la représentation légale des enfants dans le cadre des actions pénales et gère une ligne téléphonique spéciale qui permet de dénoncer les infractions sexuelles contre des enfants.

17.Une étude intitulée «Évaluation de l’impact des mesures prises par les institutions publiques contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales», qui englobe également les progrès accomplis sur le plan législatif, a été réalisée au titre du Programme de prévention et d’élimination de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (2002‑2004) élaboré par le SENAME et l’IPEC. Un autre exemple illustre l’inscription de cette question à l’ordre du jour public, à savoir la tenue à la fin de 2004 de la deuxième Conférence nationale sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

18.Le 8 août 2005, le Ministère du tourisme brésilien, les responsables du Programme «Tourisme durable et enfance», le Service national de tourisme et le Ministère de la justice chilien se sont réunis pour préparer une rencontre des ministres du tourisme latino‑américains visant à adopter des stratégies de lutte contre le tourisme sexuel impliquant des enfants et de prévention de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

19.Pour sa part, le Ministère du travail et de la prévision sociale, qui considère l’exploitation sexuelle à des fins commerciales comme une des pires formes de travail des enfants (formes de travail inacceptables et dangereuses de par leur nature et les conditions dans lesquelles elles s’exercent), élabore des projets dans les domaines de la recherche sociale, de la prise en charge et des réformes de la réglementation.

20.En vue de mettre en œuvre les instruments internationaux et de renforcer la politique nationale de lutte contre le travail des enfants et ses pires formes, le Gouvernement chilien a signé avec l’IPEC, en juin 1996, un mémorandum d’accord qui a été renouvelé en 2002.

21.La même année, le Comité national consultatif pour la prévention et l’éradication progressives du travail des enfants a été créé par voie de décret présidentiel. En 2001, au titre de son mandat, le Comité a élaboré le Plan de prévention et d’éradication progressives du travail des enfants et des adolescents au Chili, qui s’inscrit dans le cadre de la politique nationale et du plan d’action intégré en faveur de l’enfance et de l’adolescence 2001-2010.

22.Eu égard à l’objectif d’éradication du travail des enfants et, en particulier, de ses pires formes, une série d’actions et de projets (séminaires, campagnes de sensibilisation, activités de formation, études, entre autres) ont été entrepris dans le cadre d’une collaboration entre le Gouvernement, les entreprises, les travailleurs, la société civile et des organisations internationales telles que l’UNICEF et l’OIT.

23.Dans le domaine de l’éducation et, plus particulièrement, de l’éducation sexuelle, le Ministère de l’éducation a mis au point un programme intitulé «Pour une sexualité responsable», qu’il exécute en collaboration avec le Service national de la femme (SERNAM) et le Ministère de la santé, et qui a pour objet d’inscrire l’éducation sexuelle au programme des écoles publiques. Au cours des deux années précédentes, les enseignants ont été massivement formés à la prévention de la maltraitance physique d’enfants et de la violence sexuelle contre des enfants. Dans le même contexte, en août 2004, le Comité national de lutte contre la maltraitance d’enfants a élaboré un manuel destiné aux enseignants, intitulé «Protégeons les droits de nos enfants − Prévention de la maltraitance physique d’enfants et de la violence sexuelle contre des enfants dans l’environnement scolaire». En 2006, ce manuel a été mis à jour compte tenu de l’entrée en vigueur sur tout le territoire national de la réforme de la procédure pénale, de l’application de la loi portant création des tribunaux des affaires familiales, de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi contre la violence familiale et de la publication de la loi sur la responsabilité pénale des adolescents.

24.En 2005, le Ministère de l’éducation a inclus la prévention des abus sexuels d’enfants dans son plan d’éducation sexuelle et affective pour 2005‑2010.

25.Le Comité national intersectoriel de prévention de la maltraitance et des abus sexuels d’enfants est chargé depuis 1996 d’élaborer des politiques, de formuler des recommandations et de coordonner les activités des différents secteurs dans ce domaine. Des comités régionaux du même type existent en outre depuis 1997. Dans le cadre de l’action menée par le Comité national intersectoriel, sept campagnes de communication ont été organisées depuis 1997 par les autorités nationales et régionales, sur le thème «Apprenons à bien traiter les enfants», en vue de sensibiliser et d’éduquer la population en ce qui concerne les droits de l’enfant et la prévention de la maltraitance. Deux de ces campagnes faisaient référence à la prévention des abus sexuels d’enfants et à la diffusion des nouvelles normes légales en la matière.

26.La cinquième campagne, menée en 2003, était intitulée «Pour combattre la violence sexuelle contre les enfants, ta présence est importante: regarde, écoute et prends au sérieux les enfants». Elle avait pour objectif de donner plus de visibilité à l’abus sexuel d’enfants et de faire de cette question un thème de discussion et de dialogue à l’échelon du pays, dans une perspective d’éducation et de prévention («bien traiter»), tout en évitant d’être alarmiste ou de susciter la méfiance entre adultes et enfants. La sixième campagne, menée en 2004 et intitulée «Luttons contre l’abus sexuel d’enfants: je t’écoute, je te crois … si nous ne les croyons pas, comment défendre leurs droits?», était principalement axée sur la prévention secondaire des abus sexuels d’enfants, et visait à encourager les adultes et la communauté scolaire, en particulier les familles et les enseignants, à s’engager face aux situations d’abus sexuels d’enfants; elle soulignait également combien il importait de détecter les cas précocement, de réagir de manière positive, d’écouter les enfants se trouvant dans ces situations et de les croire, et incitait à une dénonciation responsable en ciblant essentiellement les adultes chargés d’élever et d’éduquer les enfants.

27.La huitième campagne, menée en 2006, était axée sur le droit de l’enfant d’être entendu et de voir son opinion prise en considération dans les domaines de la justice, de la santé, de l’éducation et de la famille.

II. PROGRÈS ACCOMPLIS SUR LE PLAN LÉGISLATIF

DANS LES DOMAINES VISÉS PAR LE PROTOCOLE

28.Sur le plan législatif, un progrès important a été accompli dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et sa répression pénale avec la publication en 2004 de la loi no 19927 modifiant les dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale relatives aux infractions sexuelles contre des enfants. Cette loi vise à combattre durablement la pédophilie, la pornographie mettant en scène des enfants et les réseaux opérant sur l’Internet et à réglementer de manière plus complète le traitement des différentes infractions sexuelles contre des enfants et des adolescents, en particulier de toutes les formes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, en créant de nouvelles qualifications pénales. Elle a notamment alourdi les peines pour la majorité des infractions sexuelles contre des enfants ou des adolescents, porté l’âge du consentement sexuel de 12 à 14 ans, afin de protéger le développement et l’intégrité sexuelle des mineurs de 14 ans, et érigé en infraction spécifique le fait d’«obtenir des services sexuels» d’un mineur (moins de 18 ans) contre rémunération ou autre contrepartie. Ainsi, pour la première fois, le droit chilien punit les clients d’enfants ou d’adolescents victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, et en particulier l’utilisation d’enfants de plus de 14 ans mais de moins de 18 ans à des fins de prostitution, ce qui devrait contribuer à décourager le commerce sexuel des enfants. Cette loi étend l’infraction qui consiste à favoriser la prostitution de mineurs de 18 ans et sanctionne désormais le fait de l’encourager ou de la faciliter sans qu’il soit nécessaire qu’il y ait répétition, abus d’autorité ou abus de confiance comme c’était le cas auparavant. Elle étend également les infractions liées à la pornographie mettant en scène des enfants en y incluant la distribution et la commercialisation de ce type de matériel pornographique, ainsi que son acquisition et son stockage. Elle crée une nouvelle peine consistant dans l’interdiction absolue et temporaire d’exercer un emploi qui suppose un contact avec des enfants, et établit un registre des personnes condamnées pour infractions sexuelles contre des enfants.

29.La loi susmentionnée habilite les tribunaux nationaux à connaître de certains délits commis en dehors du territoire de la République; sur le plan de la procédure, elle autorise des techniques d’enquête telles que l’interception ou l’enregistrement des télécommunications, la photographie, le film ou d’autres moyens de reproduction des images permettant de clarifier les faits, ainsi que l’enregistrement des communications, tout comme l’utilisation d’agents sous couverture. Sont concernées les infractions de production et de diffusion de matériel pornographique mettant en scène des enfants et de facilitation de la prostitution de mineurs, la «sanction du client dans la prostitution des enfants» et le trafic de personnes à des fins de prostitution. Une nouvelle sanction consiste à ordonner la fermeture des établissements ou locaux dont le propriétaire ou responsable savait qu’ils étaient utilisés pour commettre ce type d’infraction.

30.La loi no 19927 de janvier 2004 érige en infraction le «recours en tant que client à la prostitution des enfants» ou le fait d’«obtenir des services sexuels» d’un mineur contre de l’argent ou en échange d’autres prestations. Elle vise à punir celui qui, «contre de l’argent ou d’autres avantages de quelque nature que ce soit, obtient des services sexuels de mineurs de plus de 14 ans et de moins de 18 ans, sans qu’il y ait nécessairement viol ou attentat à la pudeur, d’une peine d’emprisonnement de la durée maximale».

31.Pour ce qui est de favoriser la prostitution de mineurs de 18 ans (proxénétisme), la loi prévoit une peine d’emprisonnement de la durée maximale pour celui qui «promeut ou facilite la prostitution de mineurs en vue de satisfaire les désirs d’un tiers», même s’il ne le fait pas de manière habituelle ni en commettant un abus d’autorité ou de confiance. S’il le fait de manière habituelle ou en commettant un abus d’autorité, un abus de confiance ou une tromperie, il est passible d’une peine de réclusion criminelle de plus ou moins longue durée et d’une amende de 30 à 35 unités fiscales mensuelles (UTM).

32.Le fait de favoriser le trafic de personnes, quel que soit leur âge, à des fins de prostitution est passible de sanctions pénales. Ainsi, la loi punit celui qui «promeut ou facilite l’entrée de personnes dans le pays ou leur sortie de celui‑ci à des fins de prostitution sur le territoire national ou à l’étranger» d’une peine d’emprisonnement de la durée maximale et d’une amende de 20 à 30 UTM. Cette infraction peut être considérée comme simple ou aggravée. Les circonstances aggravantes sont notamment les suivantes: la victime est un mineur; il y a violence ou intimidation, l’auteur a recours à la tromperie ou commet un abus d’autorité ou de confiance; l’auteur est l’ascendant, le descendant, le conjoint, le concubin, le frère, le tuteur ou le curateur de la victime ou la personne chargée d’en prendre soin; l’auteur tire parti de la situation de détresse matérielle de la victime; le comportement de l’auteur est habituel. Dans de tels cas, l’auteur est passible d’une peine de réclusion criminelle de plus ou moins longue durée et d’une amende de 30 à 35 UTM.

33.Comme indiqué ci‑dessus, l’âge du consentement sexuel est actuellement de 14 ans. Pour cette raison, sont qualifiés de viol les rapports sexuels vaginaux, anaux ou buccaux avec une personne de moins de 14 ans, même en l’absence d’éléments constitutifs du viol d’adulte tels que l’usage de la force ou l’intimidation, le fait que la victime soit sans connaissance, incapable d’opposer une résistance ou atteinte d’une maladie mentale ou de troubles mentaux. Le viol de personnes âgées de plus de 14 ans (viol à proprement parler) est puni d’une peine de réclusion criminelle de la durée minimale à moyenne. Le viol de mineurs de 14 ans est puni d’une peine de réclusion criminelle de plus ou moins longue durée. Ainsi, la loi protège, chez les mineurs de 14 ans, l’intégrité sexuelle (leur consentement n’entre pas en ligne de compte) et chez les plus de 14 ans, la liberté sexuelle.

34.Les relations sexuelles avec une personne âgée de plus de 14 ans et de moins de 18 ans sont qualifiées d’attentat à la pudeur lorsque l’auteur tire parti d’une situation de supériorité, d’une anomalie, d’une perturbation mentale (de moindre gravité qu’une maladie mentale ou des troubles mentaux), d’une situation de dépendance (relation professionnelle ou éducative, garde) ou de détresse matérielle ou encore de l’inexpérience ou de l’ignorance sexuelle de la victime.

35.Le Code pénal chilien érige également en infraction la sodomie et punit celui qui «a des relations sexuelles avec un mineur de 18 ans du même sexe que lui, même s’il n’y a pas viol ou attentat à la pudeur» d’une peine d’emprisonnement de la durée minimale à moyenne.

36.L’infraction d’abus sexuel correspond à un acte sexuel différent des relations sexuelles avec une personne de plus de 14 ans et de moins de 18 ans accompagné d’éléments propres au viol ou à l’attentat à la pudeur, et passible d’une peine d’emprisonnement de la durée maximale ou, lorsque la victime à moins de 14 ans, quelles que soient les circonstances, d’une peine pouvant aller de l’emprisonnement d’une durée maximale à la réclusion criminelle de la durée minimale. L’abus sexuel qualifié correspond à l’introduction d’un objet de quelque nature que ce soit par voie vaginale, anale ou buccale ou à l’utilisation d’animaux. Il est passible d’une peine de réclusion criminelle de la durée minimale à moyenne en présence d’éléments constitutifs de viol, d’une peine d’emprisonnement de la durée maximale ou d’une peine de réclusion criminelle de la durée minimale en présence d’éléments constitutifs d’attentat à la pudeur et d’une peine de réclusion criminelle de plus ou moins longue durée lorsque la victime à moins de 14 ans.

37.Le Code pénal chilien érige en infraction l’abus sexuel de mineur (également appelé exposition de mineur à des actes à connotation sexuelle ou corruption de mineur), l’utilisation de mineurs de 18 ans pour la production de matériel pornographique et la commercialisation, l’importation, l’exportation, la distribution, la diffusion ou la projection de matériel pornographique mettant en scène des mineurs. Il en va de même pour l’acquisition et le stockage de ce type de matériel. Ces actes sont considérés comme ayant été commis au Chili lorsqu’ils sont réalisés par l’intermédiaire d’un système de télécommunication auquel on peut avoir accès depuis le territoire national.

38.Par ailleurs, comme indiqué ci‑dessus, compte tenu du caractère extraterritorial des infractions sexuelles, la loi no 19927 habilite les tribunaux nationaux à connaître de certains délits commis en dehors du territoire de la République, dès lors que sont remplies les conditions ci‑après:

a)En ce qui concerne la production de matériel pornographique mettant en scène des enfants et le fait de favoriser la prostitution de mineurs ou la traite de Blanches mineures: lorsqu’il y a eu mise en danger de l’intégrité ou de la liberté sexuelle d’un citoyen chilien et que l’auteur de l’infraction est un citoyen chilien ou une personne qui réside habituellement au Chili;

b)En ce qui concerne la distribution ou la commercialisation de matériel pornographique mettant en scène des enfants, lorsqu’il y a eu utilisation de citoyens chiliens mineurs de 18 ans.

39.S’agissant de la saisie et de la confiscation de matériels, d’actifs et d’autres moyens utilisés pour commettre les infractions visées dans le Protocole ou faciliter leur commission, la loi no 19927 comprend une disposition qui prévoit la remise des outils technologiques confisqués, tels que les ordinateurs et autres appareils permettant de reproduire des images et du son, au Service national des mineurs ou aux services spécialisés des organismes policiers compétents, lorsque les outils en question ont servi à produire, commercialiser, importer, exporter, distribuer, diffuser ou projeter du matériel pornographique mettant en scène des enfants. En outre, le matériel saisi en tant que preuve de la commission de ce type d’infractions est conservé dans des archives d’accès restreint.

40.Outre les modifications apportées par la loi no 19927, le traitement général des infractions contre des enfants ou des adolescents a été amélioré par la réforme de la procédure pénale récemment mise en œuvre.

41.Pour ce qui est de criminaliser le fait d’inciter indûment quelqu’un à accorder son consentement en vue d’une adoption, la loi sur l’adoption no 19620 promulguée en 1999 consacre expressément le principe du caractère exceptionnel de l’adoption internationale et vise à éviter que des enfants chiliens soient emmenés illégalement à l’étranger en accordant la préférence aux couples chiliens souhaitant adopter et en ayant la capacité, afin que l’enfant ne soit pas déraciné de son pays d’origine et de son milieu ethnique. La loi dispose que l’adoption internationale doit avoir lieu au Chili, ce qui signifie que l’enfant doit sortir du pays en tant que fils des adoptants étrangers, sur décision judiciaire. Enfin, elle érige en infraction le fait de percevoir de l’argent pour accepter de remettre un enfant en vue de son adoption.

42.L’article 42 de la loi susmentionnée punit le fait de «solliciter ou accepter une quelconque contrepartie pour faciliter la remise d’un enfant en vue de l’adoption» d’une peine d’emprisonnement de la durée minimale à moyenne (soixante et un jours à trois ans) et d’une amende de 10 à 15 unités fiscales mensuelles. En outre, la peine est alourdie lorsque l’infraction est commise par une autorité, un fonctionnaire, un avocat, un médecin, une sage‑femme, une infirmière, une assistante sociale ou la personne à laquelle l’enfant a été confié, à quelque titre que ce soit, et qu’il y a abus de la fonction, de la charge ou de la profession.

43.La loi sur la presse no 19733, en son article 33, interdit de divulguer − par n’importe quel moyen de communication − l’identité d’un mineur qui est auteur, complice, receleur ou témoin d’une infraction, ainsi que toute information permettant de la découvrir, ce qui vaut également pour les victimes de certaines infractions visées dans le titre VII du Livre II du Code pénal intitulé «Crimes et délits contre l’intégrité familiale ou la moralité publique», y compris les infractions sexuelles et les infractions liées à l’exploitation sexuelle des enfants ou des adolescents à des fins commerciales.

44.La loi sur les mineurs no 16618, modifiée par la loi no 19806 de mai 2002, concerne principalement les mesures de protection contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Elle prévoit les sanctions applicables à quiconque utilise un mineur aux fins susmentionnées. Elle a modifié plusieurs textes de loi dans le contexte de la mise en œuvre de la nouvelle réforme de la procédure pénale, en portant l’âge des victimes de 16 à 18 ans. Désormais, est passible de sanctions pénales quiconque fait accomplir à un mineur de 18 ans un travail ou une fonction qui l’oblige à demeurer dans un bar, une maison de prostitution ou un établissement de jeu; l’exploitant, le propriétaire ou l’agent de spectacles publics dans lesquels des mineurs font des démonstrations d’agilité, de force ou autre dans un but lucratif; quiconque fait travailler des mineurs de nuit, c’est‑à‑dire entre 22 heures et 7 heures. La loi no 19806 a établi une distinction entre les types de mesures applicables, d’une part, à ceux qui ont commis une infraction et, d’autre part, à ceux dont les droits sont gravement lésés ou menacés, distinction appliquée également par les tribunaux des affaires familiales; cependant, il faudrait entreprendre une réforme plus vaste pour supprimer définitivement le modèle traditionnel de protection.

45.La protection des droits, tant dans le cadre des mesures de prévention que dans celui des mesures d’assistance, de prise en charge, de réadaptation, de réinsertion et de promotion sociale d’enfants victimes, nécessite de mettre en place des systèmes mieux intégrés et plus proches de la famille et des communautés. À cet égard, le Gouvernement chilien a entrepris de réformer le système actuel de protection des droits des mineurs et d’administration de la justice pour mineurs, afin de mieux distinguer entre les mesures visant à protéger les droits des enfants et des adolescents et les mesures prises face aux adolescents en conflit avec la loi.

46.L’abrogation de la loi sur les mineurs et son remplacement par une loi de protection des droits de l’enfant, sur le plan législatif, ainsi que l’entrée en vigueur des tribunaux des affaires familiales, sur le plan procédural, permettront de prendre en charge les enfants dont les droits sont gravement lésés dans leur famille ou leur communauté. Le projet de loi en question étant actuellement examiné par le Congrès, on ne connaît pas encore avec certitude les dispositions précises qu’il contiendra ni le délai de son entrée en vigueur une fois qu’il sera adopté.

III. MESURES DE PROTECTION DES VICTIMES DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE PÉNALE

47.Dans le nouveau système de procédure pénale, les fonctions d’enquête et de mise en accusation sont séparées des fonctions de jugement, ce qui protège efficacement les droits de toute personne participant à la procédure pénale.

48.Le ministère public est chargé de diriger à titre exclusif les enquêtes sur les infractions, d’exercer l’action pénale, d’énoncer les chefs d’inculpation et d’assurer la protection des victimes et des témoins.

49.Lorsque la victime est un enfant ou un adolescent, l’action du ministère public est fondée sur les principes directeurs énoncés dans la Convention relative aux droits de l’enfant: autonomie progressive, au sens d’assurer l’exercice autonome des droits de l’enfant en tenant compte des étapes de son développement; droit de l’enfant d’exprimer son opinion et d’être entendu; intérêt supérieur de l’enfant, qui nécessite de déterminer quel droit de l’enfant entre en conflit avec celui d’une autre personne et de rechercher des solutions pour que l’enfant exerce effectivement le droit en question; l’enfant comme sujet de droit; l’enfant comme sujet intervenant dans une procédure; la protection spéciale des droits de l’enfant.

50.Le ministère public met en œuvre ces principes directeurs dans le cadre d’actions concrètes orientées vers les trois objectifs ci‑après: fournir l’assistance voulue, prendre des mesures de protection, tenter de diminuer la victimisation secondaire dans la nouvelle procédure pénale et dans la préparation de la procédure orale.

51.Ces fonctions sont exercées avec l’appui d’unités d’aide aux victimes et témoins qui relèvent du ministère public. Il s’agit d’équipes de professionnels − avocats, psychologues et assistantes sociales − qui, dans chaque bureau régional du ministère public, appuient les procureurs pour toutes questions liées à la prise en charge et à la protection des victimes et des témoins.

52.La prise en charge s’articule autour de l’accueil, de l’intervention en cas de crise, de l’accompagnement et de l’orientation dans le réseau. L’enfant bénéficie d’une aide sociale, psychologique et juridique. Des soins et des conseils lui sont fournis ainsi qu’à sa famille en fonction de leur situation et l’on s’assure qu’il dispose de toute l’information nécessaire pour comprendre les raisons de sa participation. Il est écouté eu égard à son intérêt personnel et accueilli dans un espace adéquat.

53.En ce qui concerne la prévention de la victimisation secondaire, toute répétition inutile du récit de l’enfant concernant l’infraction est évitée et l’on veille à ce qu’il ne fasse pas l’objet d’un traitement inadéquat et susceptible de constituer une victimisation de la part des fonctionnaires du système judiciaire ou du réseau social public. Il ne participe à une démarche qu’en cas de nécessité et les différentes personnes intervenant dans la procédure pénale se concertent. Enfin, l’enfant est accompagné au cours de la procédure pénale par un spécialiste et son identité n’est pas révélée dans les médias.

54.En ce qui concerne les mesures de protection, on s’efforce de procéder à une évaluation rapide et approfondie du risque et de la vulnérabilité et l’on s’assure autant que possible que l’enfant est protégé de toute infraction ou menace en prenant les dispositions nécessaires (auprès des tribunaux des affaires familiales).

55.Les mesures de protection dans le cadre de la procédure orale consistent notamment à transférer l’enfant de son domicile au tribunal, le faire pénétrer dans le tribunal par une entrée différente de celle destinée au public, le placer dans une salle d’attente qui lui est réservée et recueillir son témoignage dans une salle voisine grâce à un circuit de télévision fermé.

56.Enfin, s’agissant de la participation de l’enfant à la procédure orale, une équipe éducative spéciale oriente la famille et prépare le déroulement du témoignage. L’enfant est accompagné par un adulte ou un soignant et retiré de la salle d’audience après avoir témoigné puis placé sous surveillance étroite.

57.En 2003, les services du Procureur général ont adressé aux procureurs une circulaire concernant la situation des enfants victimes d’infractions dans le cadre de la réforme de la procédure pénale. Elle a permis de faire des progrès considérables dans la prévention de la double victimisation des enfants concernés en appliquant notamment les mesures ci‑après: a) éviter que l’enfant ne se trouve face à l’agresseur ou surveiller les rencontres de celui-ci avec l’enfant en recueillant le témoignage de l’enfant grâce à un circuit fermé de télévision dans une salle voisine du tribunal; b) informer l’enfant et sa famille au sujet de la procédure et de leurs droits; c) orienter rapidement les enfants victimes d’infractions depuis les services locaux du ministère public jusqu’aux unités régionales de prise en charge des victimes et des témoins, qui disposent d’équipes mieux spécialisées en la matière, afin d’accompagner et d’informer l’enfant durant toute la procédure pénale; d) établir une collaboration entre le procureur et les unités de prises en charge des victimes et des témoins afin d’appuyer les enfants victimes durant toute la procédure; e) réduire le nombre d’interrogatoires de l’enfant grâce à l’utilisation d’enregistrements vidéos de sa déclaration destinés aux procureurs et aux juges; f) adopter des mesures de protection de l’enfant de caractère provisoire (par exemple, séjour dans une maison d’accueil), qui ne nécessitent pas une séparation prolongée d’avec la famille; g) tenir des procès à huis clos; h) prévoir des salles spécialisées dans les hôpitaux.

58.Bien que des progrès considérables aient été accomplis dans ce domaine, il reste encore à mettre au point de meilleurs mécanismes de coordination entre les tribunaux des affaires familiales et les services du ministère public aux fins de la mise en œuvre des mesures de protection, surtout lorsque le contexte familial ou géographique est propice aux pratiques d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

IV. DONNÉES STATISTIQUES PERTINENTES

59.Il est difficile d’obtenir des renseignements détaillés sur l’ampleur du phénomène car l’information dont on dispose se rapporte aux cas traités par une institution donnée du réseau de protection ou de l’appareil judiciaire. En ce qui concerne le nombre d’actions intentées à la suite d’une infraction sexuelle, les poursuites engagées, le nombre de personnes condamnées et le pourcentage de non‑lieux et d’affaires menées à terme, les données tirées du Bulletin statistique du ministère public indiquent que du 1er janvier au 31 décembre 2005, 12 521 infractions sexuelles ont été signalées, ce qui correspond à 1,7 % du total des infractions signalées. Au cours de la même période, 8 266 affaires d’infractions sexuelles ont été réglées dans tout le pays, ce qui correspond à 65 % des infractions signalées. Au cours de la même période également, il y a eu 434 procédures orales dans des affaires d’infractions sexuelles, ce qui correspond à 13 % des procédures orales ayant eu lieu dans le pays.

60.En ce qui concerne les modes de règlement des affaires par catégorie d’infractions, un total de 9 194 affaires d’infractions sexuelles ont été menées à terme en 2005 (ce qui inclut les infractions signalées avant 2005), de la manière ci‑après: classement provisoire: 44,1 % (4 058 affaires); application du principe d’opportunité: 0,2 %; condamnation définitive: 10,5 %; non‑engagement de poursuites: 6 %; tribunal se déclarant incompétent: 14,3 %; non‑lieu définitif: 11,9 %; suspension conditionnelle de la procédure avec accord de réparation: 1,9 %; acquittement définitif: 1,1 %; non‑lieu provisoire: 1,1 %. Enfin, dans 0,6 % d’affaires d’infractions sexuelles il y a eu annulation administrative, dans 7,9 % rattachement à une autre affaire, dans 0,2 % d’autres modes de règlement et dans 0,1 % d’autres causes de suspension. Cela signifie qu’entre la condamnation définitive et l’acquittement définitif, il existe une grande zone d’incertitude entourant la constitution et la répression de l’infraction. Les moyens de preuve qui permettraient de déterminer l’existence de l’infraction et la participation criminelle ne sont pas toujours acceptés par les membres de la magistrature, en particulier dans les tribunaux pénaux anciens en vertu de la règle de la critique saine, ce qui aboutit à un nombre important de non‑lieux provisoires qui peuvent donner aux agresseurs un sentiment d’impunité.

61.Selon les chiffres fournis par les services du ministère public, il y a eu en 2003 et 2004 9 295 cas d’infractions sexuelles dont 57 % contre des mineurs de 18 ans. Dans 84 % des cas, la victime était de sexe féminin et dans 16 % (76 cas) de sexe masculin. Les services du ministère public devront être associés au projet de registre unique des pires formes de travail des enfants afin que l’on puisse disposer à l’avenir de chiffres plus fiables.

62.Le registre national des pires formes de travail des enfants indique qu’entre juin 2003 et mars 2005, il y a eu 1 515 cas dont 67 % concernaient des filles et 33 % des garçons. Selon la description générale de cette population d’enfants, 57 % d’entre eux ne vont pas à l’école, 36 % sont employés à un travail dangereux de par les conditions dans lesquelles il s’exerce et 20 % à un travail dangereux de par sa nature. Vingt-deux pour cent sont victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales et 20 % participent à des activités illicites.

63.Enfin, il est préoccupant de constater que des réseaux d’intermédiaires opérant sur l’Internet recherchent des enfants pour les remettre à des couples ou des personnes résidant dans le pays ou à l’étranger en vue d’une adoption, utilisant pour cela diverses manœuvres frauduleuses par lesquelles ils trompent tant la mère biologique que les adoptants potentiels et leur font croire que la procédure est légale, le tout dans des circonstances qui constituent une infraction au régime de l’adoption tel qu’il est établi en droit interne.

64.Les réseaux en question font notamment sortir du pays des enfants accompagnés de leur mère ou des femmes enceintes en vue de remettre les enfants à l’étranger, ou permettent à des mères de proposer leurs enfants via l’Internet contre de l’argent, ce qui constitue une vente.

65.Le fait, pour une mère, de proposer ses enfants via l’Internet ne peut être sanctionné à l’heure actuelle que par l’article 42 de la loi no 19620, ainsi libellé: «Quiconque sollicite ou accepte de recevoir une quelconque contrepartie pour faciliter la remise d’un mineur en vue de son adoption est passible d’une peine d’emprisonnement de la durée minimale à moyenne et d’une amende de 10 à 15 unités fiscales mensuelles.». Le problème est toutefois que cette disposition ne qualifie de tels actes d’infraction que lorsqu’ils sont accomplis en vue d’une adoption et que, dans la pratique, il suffit que les personnes impliquées − qu’il s’agisse de la mère biologique ou d’autres intermédiaires tels que les personnes qui accueillent l’enfant − déclarent que l’enfant a été remis pour qu’on prenne soin de lui et non en vue d’une adoption véritable pour que les faits visés ne constituent plus une infraction.

66.Il convient de signaler qu’au Chili la traite des personnes n’est pas actuellement érigée en infraction avec la précision qu’exige l’article 3 du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme), c’est‑à‑dire avec description de l’acte, des moyens et des buts de l’exploitation.

67.Avant le Protocole de Palerme, il y a eu certains progrès importants comme l’adoption de la loi no 19409 en vertu de laquelle le Code pénal prévoit désormais une sanction pour quiconque promeut ou facilite l’entrée de personnes dans le pays ou leur sortie de celui-ci à des fins de prostitution sur le territoire national ou à l’étranger. Cependant, cette loi ne retient comme élément constitutif de l’infraction que l’exercice de la prostitution. La traite des mineurs sur le territoire de la République à des fins de prostitution est sanctionnée par le Code pénal, mais des lacunes persistent pour ce qui est de la traite des personnes, étant donné que l’article en question exige comme condition ou élément constitutif de l’infraction «l’entrée dans le pays ou la sortie du pays», ce qui exclut les actes commis sans «passage de frontière» ou la «traite interne» des personnes et, partant, les autres fins telles que le travail ou les services forcés ou encore des pratiques analogues à l’esclavage.

68.Pour ce qui est du trafic de migrants, il n’existe pas d’infraction spécifique de «trafic illicite de personnes», et les seules normes pénales applicables visent la falsification de documents. Les textes en question sanctionnent «tout étranger qui entre dans le pays ou tente d’en sortir à l’aide de documents falsifiés ou délivrés au nom d’une autre personne…» (décret législatif no 1094 de 1975), c’est-à-dire exclusivement «les immigrants ou les émigrants irréguliers». Il est donc nécessaire de réformer la législation relative aux migrations, qui ne sanctionne actuellement que les victimes, afin de s’en prendre aux trafiquants et aux réseaux, et de mettre au point des mécanismes qui permettent de régulariser la situation des victimes de trafic de migrants ou de traite des personnes.

69.En ce qui concerne l’exploitation aux autres fins visées à l’article 3 du Protocole, le Code pénal chilien définit les infractions générales d’enlèvement, d’enlèvement de mineurs et de détention illégale par un fonctionnaire public, étant donné qu’il n’existe pas de disposition spécifique relative à la traite des personnes à ces autres fins. Lorsqu’il y a tromperie, fraude, abus de pouvoir ou d’une situation de vulnérabilité ou lorsqu’une rémunération est versée en vue d’obtenir le consentement de la personne à des fins d’exploitation autre que la prostitution, aucune disposition pénale n’est applicable à de tels actes, qui ne sont pas fréquents au Chili. S’il y a extraction d’organes ou coups et blessures aux fins de l’exploitation ou à l’occasion de celle‑ci, la loi pénale chilienne retient la qualification générale de coups et blessures prévue dans le Code pénal.

70.Par ailleurs, dans le cadre de la législation relative aux étrangers, le décret législatif no 1094 interdit l’entrée dans le pays de tout étranger «se livrant au commerce ou au trafic illicite de drogues ou d’armes, à la contrebande, à la traite des Blanches ou, en général, à tout acte contraire à la morale et aux bonnes mœurs». Il reste à remplacer l’expression «traite des Blanches» par «traite des personnes».

71.Les situations décrites ci-dessus mettent en évidence l’urgente nécessité de modifier la qualification pénale actuelle des actes pouvant être constitutifs de trafic d’enfants. C’est ce que visent les deux projets de loi ci-après:

a)Un projet de loi élaboré en 2005 tend à qualifier l’infraction de trafic d’enfants et d’adultes et à établir des normes en vue d’en assurer la prévention et d’en améliorer la répression pénale. Il vise également à combler les vides juridiques qui existent dans ce domaine en érigeant en infraction la vente d’enfants et la traite et le trafic de personnes et en établissant des normes de prise en charge et de protection des victimes, ainsi qu’à promouvoir des techniques spéciales d’enquête reposant sur le principe de la coopération efficace. Il est actuellement examiné par la Chambre des députés;

b)Le projet de loi portant modification de la loi no 16618 tend à empêcher la sortie de mineurs du territoire national à des fins illicites et à assurer le retour de ceux qui ont déjà quitté le pays.

-----