Nations Unies

CRC/C/OPSC/EGY/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

21 juillet 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante-septième session

30 mai-17 juin 2011

Examen des rapports soumis par les États parties conformément au paragraphe 1 de l’article 12 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfantset la pornographie mettant en scène des enfants

Observations finales: Égypte

1.Le Comité a examiné le rapport initial de l’Égypte (CRC/C/OPSC/EGY/1) à sa 1624e séance (voir CRC/C/SR.1624), le 7 juin 2011, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 1639e séance, le 17 juin 2011.

Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, qui est analytique, critique et riche en informations, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPSC/EGY/Q/Add.1), et se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie qu’il convient de rapprocher les présentes observations finales de celles qu’il a adoptées au sujet des troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/EGY/CO/3-4) et du rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/EGY/CO/1).

I.Observations générales

Aspects positifs

4.Le Comité salue l’adoption de différentes mesures dans les domaines touchant à la mise en œuvre du Protocole facultatif, en particulier:

a)La loi relative à l’enfance no 12/1996 modifiée par la loi no 126/2008 (ci-après «la loi relative à l’enfance (2008)»), qui, entre autres, renforce la protection juridique des enfants contre les infractions visées par le Protocole facultatif;

b)Les dispositions complétant l’article 291 du Code pénal prévoyant de lourdes peines pour la vente d’enfants, le travail forcé des enfants ou le transfert d’un organe ou d’une partie d’organe d’un enfant;

c)L’adoption de la loi no 64 relative à la lutte contre la traite des personnes, en 2010;

d)L’adoption de la loi sur le prélèvement et la transplantation d’organes en 2010.

5.Le Comité accueille également avec satisfaction les progrès réalisés dans la création d’institutions et l’adoption de plans et programmes nationaux destinés à faciliter la mise en œuvre du Protocole facultatif, notamment:

a)La création, en 2007, du Comité national de coordination chargé de combattre et de prévenir la traite des personnes;

b)La création, en 2007, de la Cellule de prévention de la traite des enfants du Conseil national pour la protection de la mère et de l’enfant;

c)L’adoption du plan national d’action 2011-2013 contre la traite des êtres humains.

6.En outre, le Comité prend note avec satisfaction de la ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants:

a)Le Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, complétant la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2004;

b)La Convention no 182 (1999) de l’Organisation internationale du Travail concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, en 2002.

7.Le Comité prend également note avec satisfaction de l’invitation de l’État partie d’accueillir la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, qui a effectué une mission en Égypte du 11 au 21 avril 2010, ainsi que la coopération de l’État partie dans ce cadre. Il félicite également l’État partie pour son rôle de chef de file dans les efforts destinés à prévenir et éliminer les infractions visées par le Protocole facultatif dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.

II.Données

8.Le Comité note que l’État partie est conscient que la collecte de données sur les infractions visées par le Protocole facultatif constitue l’un des principaux obstacles à l’application dudit protocole en raison de la nature «complexe et délicate» de ces données (CRC/C/OPSC/EGY/1, par. 27) et la stigmatisation liée à ces infractions. Tout en prenant note des efforts mis en œuvre par le Conseil national pour la protection de la mère et de l’enfant, dont l’achèvement de l’étude nationale sur la traite des personnes (2010), les études menées sur l’exploitation sexuelle des enfants et sur les mariages «temporaires» et la mise en place par le Ministère de l’intérieur d’une base de données sur les infractions visées par le Protocole facultatif commises sur Internet, le Comité reste néanmoins préoccupé par le fait que la collecte de données sur ces infractions reste ponctuelle, fragmentée et très limitée. Il est particulièrement préoccupé par l’absence de données et de renseignements sur la prostitution des enfants, qui entrave le suivi, l’évaluation et la prévention des infractions visées par le Protocole facultatif.

9. Le Comité prie l ’ État partie:

a) De développer et de centraliser l es mécanismes de collecte systématique de données dans tous les domaines couverts par le Protocole facultatif;

b) De mettre en place un système coordonné de collecte de données − ventilées par âge, sexe, zone géographique et situation socioéconomique − portant expressément sur les infractions visées par le Protocole facultatif et concernant toutes les p ersonnes de moins de 18 ans;

c) De procéder à des analyses et des études qualitatives et quantitatives sur les causes profondes et la prévalence de toutes les infractions visées par le Protocole facultatif;

d) De solliciter l ’ assistance du Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF) et d’ autres organismes et programmes des Nations Unies.

III.Mesures d’application générale

Législation

10.Tout en notant que la loi relative à la lutte contre la traite des personnes (2010), les modifications apportées au Code pénal et la loi relative à l’enfance (2008) contiennent des dispositions utiles sur les infractions visées par le Protocole facultatif, le Comité relève avec préoccupation que ces lois ne définissent ni n’interdisent expressément toutes les infractions visées aux articles 1, 2 et 3 du Protocole facultatif.

11. Le Comité prie instamment l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour harmoniser la législation nationale avec le Protocole facultatif. Il lui rappelle notamment s on obligation , au titre des articles 1, 2 et 3 du Protocole facultatif, de définir et interdire tous les cas de vente d ’ enfants, pratique qui s ’ apparente , mais n ’ est pas identique à la traite des personnes.

Plan national d’action

12.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption, en décembre 2010, du plan national d’action contre la traite, le lancement du plan national d’action contre la vente et l’exploitation sexuelle des enfants et les informations fournies par la délégation selon lesquelles un plan d’action contre la pornographie et la prostitution est en cours d’élaboration et sera à terme intégré à la fois au plan national d’action contre la traite et au nouveau plan d’action décennal en faveur de l’enfance lui aussi en cours d’élaboration. Il est toutefois préoccupé par l’absence de plan global visant spécifiquement tous les aspects du Protocole facultatif.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le nouveau plan d ’ action décennal en faveur de l ’ enfance comprenne un programme d ’ action global séparé qui vise spécifiquement tous les aspects du Protocole facultatif et prévoie des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour sa mise en œuvre. À cette fin, l ’ État partie devrait prêter attention à la mise en œuvre de toutes les disposition s du Protocole facultatif , en tenant compte de la Déclaration et du Programme d ’ action et de l ’ Engagement mondial adoptés lors du premier, deuxième et troisième Congrès mondial contre l ’ exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales tenus respectivement à Stockholm en 1996 , à Yokohama en 2001 et à Rio de Janeiro en 2008.

Coordination et évaluation

14.Le Comité note que le Conseil national pour la protection de la mère et de l’enfant est la plus haute autorité de coordination, de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre du Protocole facultatif. Toutefois, il relève avec préoccupation que ce conseil s’intéresse principalement à la traite des enfants, à l’exclusion des autres questions relatives à la vente d’enfants, à la prostitution des enfants et à la pornographie mettant en scène des enfants, telles que définies dans le Protocole facultatif. Tout en prenant note avec intérêt de la constitution d’un groupe de travail national chargé de mettre en œuvre le plan national d’action contre la traite des êtres humains et de veiller à ce que les auteurs de tels crimes soient poursuivis, et de la création d’un groupe de travail relevant du Ministère de la communication ayant pour mandat de protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle par l’intermédiaire d’Internet, le Comité note avec préoccupation qu’il n’y a pas encore de coordination systématique entre le Conseil national pour la protection de la mère et de l’enfant et les ministères concernés, dont la Direction générale de la protection de l’enfance du Ministère de l’intérieur. Il est en outre préoccupé par le fait que les comités de protection de l’enfance, chargés de surveiller, signaler et suivre les violations des droits de l’enfant visées par le Protocole n’ont pas encore pu jouer pleinement leur rôle, en grande partie faute de financement régulier et d’autres ressources.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie de:

a) Prendre immédiatement des mesures pour doter le Conseil national pour la protection de la mère et de l ’ enfant de moyens humains, techniques et financiers suffisants pour coordonner et évaluer les activités liées à la mise en œuvre du Protocole facultatif;

b) R enforcer la coopération et la coordination des activités menées dans le cadre de la mise en œuvre du Protocole facultatif par le Conseil national pour la protection de la mère et de l ’ enfant , la Direction générale de la protection de l’enfance relevant du Ministère de l ’ intérieur , et les autres ministères et organismes publics concernés;

c) Doter de moyens humains, techniques et financiers suffisants les comités et sous-comités de protection de l ’ enfance pour qu’ils puissent s ’ acquitter de leur mandat dans le cadre de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Diffusion et sensibilisation

16.Le Comité juge positives les activités de sensibilisation aux questions relatives à la prostitution enfantine et à la pédopornographie menées par les unités mobiles du Conseil national pour la protection de la mère et de l’enfant dans les zones rurales particulièrement vulnérables. Il est toutefois très préoccupé par l’absence d’activités systématiques et globales de diffusion et de sensibilisation portant sur le Protocole facultatif, ce qui explique en partie que le grand public, les enfants et les professionnels qui travaillent avec ou pour les enfants connaissent et comprennent mal les infractions que sont la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. La préoccupation du Comité est d’autant plus vive que, d’après les informations fournies, les questions relatives à la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants restent largement invisibles et passées sous silence dans l’État partie du fait que tout ce qui touche à ces crimes est très sensible pour des raisons socioculturelles.

17. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D’é laborer, en étroite coopération avec la communauté, les enfants et les enfants victimes, des programmes d ’ information et d ’ éducation sur les mesures de prévention et les effets délétères de la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants;

b) De faire connaître le Protocole facultatif à toutes les catégories professionnelles concernées, en particulier aux policiers, aux juges, aux procureurs, aux représentants des médias et aux travailleurs sociaux, ainsi qu ’ aux membres des comités de protection de l ’ enfance et du Conseil national des droits de l ’ homme;

c) De m ener des études approfondies dans différentes régions et au sein de divers groupes socioculturels afin de définir précisément les obstacles auxquels se heurtent les activités de sensibilisation et de mobilisation relatives aux infractions visées par le Protocole facultatif et de déterminer les possibilités offertes en la matière.

Formation

18.Le Comité prend note avec satisfaction des programmes complets de formation organisés par le Conseil national pour la protection de la mère et de l’enfant par l’intermédiaire du Comité national de coordination chargé de combattre et de prévenir la traite des personnes concernant les questions relatives aux infractions visées par le Protocole facultatif, mais constate que ces activités de formation sont ponctuelles et mettent surtout l’accent sur la traite des enfants, les mariages précoces, les mariages «temporaires» et la prostitution des enfants. Il regrette que les groupes professionnels travaillant pour et avec les enfants, notamment les membres des comités de protection de l’enfance, les fonctionnaires travaillant sur les droits de l’enfant aux Ministères de la santé, de la justice, de la solidarité sociale et de l’intérieur, les policiers, les travailleurs sociaux, les juges et les procureurs ne reçoivent pas une formation adaptée et ciblée portant expressément sur les dispositions du Protocole facultatif. Il note en outre avec une préoccupation particulière que les effets de ces programmes de formation n’ont fait l’objet d’aucune évaluation, en raison de la stigmatisation sociale liée aux infractions visées par le Protocole facultatif.

19. Le Comité recommande à l’État partie d’allouer des ressources suffisantes et ciblées à des programmes pluridisciplinaires de formation conçus avec la participation des communautés concernées et d’autres parties prenantes et portant sur tous les domaines visés par le Protocole facultatif. Ces formations devraient être dispensées à tous les groupes professionnels concernés et au personnel des ministères et des institutions travaillant avec et pour les enfants. Le Comité engage également l’État partie à procéder à une évaluation systématique de tous les programmes de formation relatifs au Protocole facultatif en vue d’améliorer leur impact et leur pertinence.

Allocation de ressources

20.Le Comité prend acte des crédits budgétaires alloués à certaines activités menées par le Conseil national pour la protection de la mère et de l’enfant mais regrette que le rapport de l’État partie ne donne pas d’informations précises sur les crédits budgétaires alloués aux activités de mise en œuvre du Protocole facultatif par d’autres ministères d’exécution, notamment le Ministère de l’intérieur et sa Direction générale de la protection de l’enfance et les Ministères de la santé, de la solidarité sociale et du développement local. Le Comité regrette également l’absence d’informations sur les besoins budgétaires et les crédits des comités et sous-comités de protection de l’enfance.

21. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures possibles pour garantir l’allocation de ressources suffisantes au Protocole facultatif. Il lui recommande en particulier de veiller à ce que les c omités de protection de l’enfance, la Direction générale de la protection de l’enfance du Ministère de l’intérieur, les organes chargés du maintien de l’ordre et les centres de protection sociale soient dotés des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à leurs activités relatives à la mise en œuvre du Protocole facultatif.

IV.Prévention de la vente d’enfants, de la prostitutiondes enfants et de la pornographie mettant en scènedes enfants (art. 9, par. 1 et 2)

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

22.Le Comité prend note avec satisfaction des informations fournies par la délégation concernant le projet de loi relatif à la surveillance et au contrôle de la pédopornographie sur Internet, qui devrait être prochainement soumis au Parlement pour adoption. Notant que la pauvreté, la stigmatisation sociale et les «idées erronées sur les filles» jouent un rôle majeur dans la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le Comité relève avec préoccupation que les lois en vigueur, les mesures administratives et les politiques et programmes sociaux de l’État partie sont insuffisants et ne protègent pas efficacement les enfants contre ces infractions. Cet état de fait est particulièrement préoccupant compte tenu des informations fournies par l’État partie, selon lesquelles la prostitution est en augmentation et concernerait même des enfants de 10 ans.

23.Le Comité est aussi gravement préoccupé par:

a)Le manque d’informations sur les mesures préventives visant les enfants victimes de travail forcé et les enfants des rues;

b)Les informations selon lesquelles des enfants employés comme domestiques, qui ont parfois été vendus, ont été soumis à un traitement inhumain;

c)Les informations faisant état de vente et de transfert d’organes prélevés sur des enfants des rues et d’enlèvement d’enfants aux fins de la transplantation d’organes;

d)Les moyens limités de l’État partie en matière de contrôle de l’adoption d’enfants compte tenu du caractère illégal de l’adoption. À cet égard, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore ratifié la Convention no 33 de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale;

e)L’insuffisance des mécanismes disponibles dans l’État partie, en particulier l’utilisation insuffisante des comités de protection de l’enfance et du système d’inspection du travail du Ministère de la main-d’œuvre et des migrations.

24.Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que les activités menées par les organes chargés du maintien de l’ ordre, l es bureaux du Procureur pour mineurs et les c omités de protection de l’enfance pour prévenir, détecter et éliminer les infractions visées par le Protocole facultatif soient concertées et coordonnées;

b) De renforcer les mesures de réduction de la pauvreté et de protection sociale destinées aux familles pauvres afin d’éviter que leurs enfants ne deviennent victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif;

c) De mener des travaux de recherche complets et pluridisciplinaires dans les différents groupes socioéconomiques et culturels sur la nature et l’ampleur de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants et, sur la base des résultats de ces travaux, d’adopter une stratégie globale et ciblée de prévention et de répression des infractions visées par le Protocole facultatif;

d) D’envisager d’accroître le nombre de groupes d’inspection du travail et d’étendre leur pouvoir afin qu’ils puissent mener des inspections au domicile de particuliers lorsqu’il y a des raisons valables de croire que des enfants y sont victimes de travail domestique forcé;

e) De modifier le Code du travail et la loi relative à l’enfance (2008) pour interdire expressément l’exploitation des enfants par le travail domestique, comme l’a recommandé la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants;

f) De renforcer ses mécanismes de contrôle de l’adoption d’enfants;

g) D’envisag er de ratifier la Convention n o  33 de L a Haye.

Tourisme pédophile

25.Compte tenu du problème du tourisme pédophile dans l’État partie, le Comité est préoccupé par l’absence de procédures législatives et administratives et de politiques sociales destinées à prévenir le tourisme pédophile et à protéger les enfants. Il note également avec préoccupation qu’il n’y a pas de sensibilisation du public au problème du tourisme pédophile, y compris au Code mondial d’éthique du tourisme de l’OMC, et qu’aucune société de l’industrie des voyages ou du tourisme n’a encore signé le Code de conduite pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle dans le tourisme et l’industrie des voyages. À cet égard, le Comité fait siennes les préoccupations exprimées par la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, à la suite de sa mission en Égypte en avril 2010, concernant l’absence d’activités de sensibilisation au tourisme sûr ou au tourisme pédophile dans l’État partie (A/HRC/17/35/Add.2, par. 48). Le Comité regrette également que la Charte d’honneur nationale pour le tourisme, qui comprend des normes et des lignes directrices sur la prévention des infractions visées par le Protocole facultatif, n’ait pas été largement diffusée.

26. Le Comité invite instamment l’État partie à mettre en place un cadre réglementaire efficace et à prendre toutes les mesures nécessaires, notamment des mesures législatives, administratives et sociales, pour prévenir et éliminer le tourisme pédophile. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à renforcer sa coopération internationale au moyen d’arrangements multilatéraux, régionaux et bilatéraux relatifs à la prévention et à l’élimination du tourisme pédophile. Le Comité engage aussi instamment l’État partie à renforcer ses activités de sensibilisation auprès de l’industrie du tourisme concernant les effets néfastes du tourisme pédophile, à diffuser largement la Charte d’honneur nationale pour le tourisme et le Code mondial d’éthique du tourisme de l’OMC auprès des agences de voyage et de tourisme et à encourager ces dernières à signer le Code de conduite pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle dans le tourisme et l’industrie des voyages.

V.Interdiction de la vente d’enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la prostitution des enfants et questions connexes (art. 3, 4 (par. 2 et 3), 5, 6 et 7)

Lois et réglementations pénales en vigueur

27.Le Comité reste préoccupé par le fait que la législation interne ne couvre pas totalement toutes les infractions visées par le Protocole facultatif et n’est pas harmonisée en ce qui concerne l’interdiction et l’incrimination de ces infractions. En particulier, il note avec préoccupation que les actes prohibés par le Protocole facultatif tombent sous le coup des dispositions relatives à la lutte contre la traite, au lieu d’être expressément définis et incriminés conformément au Protocole facultatif, et en particulier à ses articles 2 et 3. Tout en prenant note du nouvel article 291 du Code pénal (1937) et de l’article 116 bis a) de la relative à l’enfance (2008), le Comité constate avec une préoccupation particulière que la soumission d’un enfant au travail forcé et le fait d’obtenir indûment, en tant qu’intermédiaire, le consentement à l’adoption d’un enfant ne sont pas expressément prohibés et incriminés par la législation interne, conformément aux articles 2 a) et 3, paragraphe 1 a) i) c et a) ii) du Protocole facultatif.

28. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à réviser son Code pénal et les autres lois pertinentes pour les mettre en totale conformité avec les articles 2 et 3 du Protocole facultatif. En particulier, l’État partie devrait interdire et incriminer les faits suivants, dans le contexte de la vente d’enfants telle que définie aux articles 2 et 3:

a) Le fait de soumettre un enfant au travail forcé;

b) Le fait d’obtenir indûment, en tant qu’intermédiaire, le consentement à l’adoption d’un enfant, en violation des instruments juridiques relatifs à l’adoption applicables;

c) Toute tentative de commission de l’ un quelconque de ces actes, la complicité dans sa commission ou la participation à celle-ci.

29.Le Comité note que les réponses écrites de l’État partie font mention de poursuites et de condamnations dans des affaires de vente de nouveau-nés et d’enfants, de mariages d’enfants et d’enlèvements d’enfants et que des affaires de prostitution ou d’exploitation sexuelle d’enfants ont donné lieu à des poursuites, mais il relève avec préoccupation que l’État partie n’a pas donné d’informations complètes sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les peines prononcées pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif. Il note aussi avec préoccupation que l’accès limité à la justice, y compris l’accès à l’aide juridique et à des mécanismes accessibles de dépôt de plaintes et de signalement, entrave sérieusement les enquêtes, les poursuites et l’imposition de sanctions aux auteurs d’infractions visées par le Protocole facultatif.

30. Le Comité engage vivement l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les infractions visées par le Protocole facultatif font l’objet d’enquêtes et que les auteurs présumés sont poursuivis et dûment sanctionnés. Le Comité recommande à l’État partie de donner des informations précises sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les peines prononcées pour les infractions visées par le Protocole facultatif dans son prochain rapport périodique.

Compétence et extradition

31.Le Comité prend note avec satisfaction de l’article 291 du Code pénal, tel que modifié, qui établit la compétence extraterritoriale de l’État partie concernant les infractions énumérées dans l’article en question, mais regrette toutefois que la législation n’autorise pas expressément l’exercice de la compétence extraterritoriale dans tous les cas visés au paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif. Il regrette aussi que l’exercice de la compétence extraterritoriale pour les infractions visées par le Protocole facultatif soit soumis à l’exigence de la double incrimination. En outre, le Comité est préoccupé par le manque d’informations quant à la possibilité d’invoquer le Protocole facultatif comme base juridique pour l’extradition et par le fait que, en vertu du Code de procédure pénale, l’extradition soit soumise à l’existence d’un traité entre l’État partie et l’État requérant.

32. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour faire en sorte que sa législation interne lui permette d’établir et d’exercer sa compétence extraterritoriale, y compris en l’absence de double incrimination, pour les infractions visées par le Protocole facultatif. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’envisager de faire du Protocole facultatif la base juridique de l’extradition, sans qu’un traité bilatéral soit nécessaire.

Saisie et confiscation de biens

33.Le Comité note avec préoccupation que la législation interne ne permet pas la saisie et la confiscation des biens utilisés pour commettre les infractions visées par le Protocole facultatif ou en faciliter la commission ainsi que du produit de ces infractions, conformément à l’article 7, et que la loi ne prévoit pas expressément la fermeture des locaux utilisés pour commettre les infractions.

34. Le Comité recommande à l’État partie de garantir, y compris en adoptant des lois appropriées, la saisie et la confiscation des matériels, avoirs et autres biens utilisés pour commettre des infractions visées par le Protocole facultatif ou pour en faciliter la commission, la saisie et la confiscation du produit de ces infractions et la fermeture des locaux utilisés pour commettre ces infractions, conformément à l’article 7 du Protocole facultatif.

VI.Protection des droits des enfants victimes (art. 8 et 9(par. 3 et 4))

Mesures adoptées pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif

35.Outre l’introduction de l’article 116 bis d) de la loi relative à l’enfance (2008) protégeant les droits des enfants victimes ou témoins, le Comité salue l’adoption de plusieurs mesures de protection, notamment l’organisation de programmes de formation portant sur l’identification des victimes de la prostitution et de la traite, la publication de manuels de formation et l’élaboration d’indicateurs pour l’identification des victimes. Il note toutefois avec préoccupation que ces mesures sont insuffisantes et n’ont pas été suffisamment institutionnalisées, sachant en particulier que l’État partie a reconnu dans ses réponses écrites que les enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif ne sont pas toujours perçus comme des victimes. Le Comité note avec une préoccupation particulière que, selon les informations fournies par la délégation, les éléments de la coercition ou de l’exploitation forcée doivent obligatoirement être présents pour qu’un enfant de plus de 15 ans qui se prostitue soit considéré comme une victime et un enfant de cet âge qui se prostitue «de son propre gré» est considéré comme responsable au regard de la législation interne qui incrimine la prostitution. Il note également avec une vive inquiétude que, selon certaines informations toutefois limitées, les enfants exploités dans le cadre d’activités pornographiques ont été traités de façon injuste en étant poursuivis.

36. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer les mesures propres à protéger les droits et les intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif, quelles qu’elles soient, et en particulier:

a) D’élaborer des lignes directrices relatives à la protection de l’enfance à l’intention du personnel des comités de protection de l’enfance au niveau des gouvernorats et des districts, des travailleurs sociaux et du personnel chargé du maintien de l’ordre, et d’assurer la formation sur ces lignes directrices;

b) De mettre en place des mécanismes et des procédures pour l’identification rapide des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif, y compris en établissant des mécanismes de coopération entre les organes chargés du maintien de l’ordre, l es ministères concernés et les c omités de protection de l’enfance;

c) De veiller à ce que les enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif ne soient pas traités comme des délinquants.

Réadaptation et réinsertion des victimes

37.Le Comité prend note avec satisfaction de l’article 98 bis de la loi relative à l’enfance (2008), qui dispose que quiconque sait qu’un enfant est en danger doit lui porter immédiatement assistance, et de l’article 22 de la loi sur la lutte contre la traite des personnes, qui garantit la protection du droit des victimes à la réadaptation et à la réinsertion sociale. Il prend également note avec satisfaction des mesures prises par l’État partie pour offrir une assistance aux enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif, notamment la mise en place à titre pilote d’une unité d’aide aux victimes de la traite au National Bank Hospital et les activités du Centre El Salam pour la réadaptation et l’insertion des enfants victimes d’exploitation au Caire, qui offre aux enfants des services médicaux et une aide psychologique. Malgré ces efforts, le Comité est vivement préoccupé par la quasi-absence de foyers publics pour les enfants victimes et par le fait que tous les enfants identifiés comme victimes n’ont pas accès aux soins, à l’assistance et aux recours nécessaires. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’informations sur l’indemnisation des victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif.

38. Le Comité engage instamment l’État partie à:

a) Renforcer la capacité du Conseil national pour la protection de la mère et de l’enfant d’offrir assistance et soutien aux enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif et de coordonner l’action en ce sens;

b) Élargir le mandat de la Cellule de prévention de la traite des enfants du Conseil afin de couvrir toutes les infractions visées par le Protocole facultatif;

c) Adopter toutes les mesures nécessaires pour que les enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif reçoivent l’assistance nécessaire, notamment aux fins de leur pleine réinsertion sociale et de leur réadaptation physique et psychologique;

d) Garantir l’accès de tous les enfants victimes à des procédures leur permettant, sans discrimination, de réclamer réparation du préjudice subi aux personnes juridiquement responsables, conformément au paragraphe 4 de l’article 9 du Protocole facultatif, et établir un fonds pour l’indemnisation des victimes, pour les cas où ces dernières ne peuvent obtenir réparation auprès de l’auteur de l’infraction;

e) Solliciter l’assistance technique de l’UNICEF et de l’Organisation internationale des migrations (OIM) aux fins de l’application de ces recommandations.

Ligne téléphonique d’assistance

39.Le Comité prend note avec satisfaction des informations selon lesquelles l’État partie a mis en place deux lignes téléphoniques d’assistance à l’intention des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif, l’une consacrée à la traite des personnes et l’autre à la pédopornographie et aux mauvais traitements sur Internet, et a créé un service d’assistance en ligne («Sécurité des enfants») pour prévenir les mauvais traitements sur Internet.

40. Le Comité recommande à l’État partie d’allouer des ressources suffisantes pour assurer la continuité et la pérennité de ces services et de veiller à ce qu’ils soient facilement accessibles et connus de tous les enfants du pays. Il lui recommande en outre de dispenser des formations systématiques au personnel de ces permanences téléphoniques afin de prévenir efficacement la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et d’apporter une réponse adaptée.

VII.Assistance et coopération internationales

41. Compte tenu du paragraphe 1 de l’article 10, le Comité encourage l’État partie à continuer de renforcer la coopération internationale par des accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux, conclus notamment avec les pays voisins, y compris en renforçant les procédures et mécanismes destinés à coordonner l’application de tels accords, afin de mieux prévenir et détecter les infractions visées par le Protocole facultatif, enquêter sur celles-ci et pou rsuivre et punir leurs auteurs.

VIII.Suivi et diffusion

Suivi

42. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes mesures utiles pour assurer la mise en œuvre intégrale des présentes recommandations, en particulier en les transmettant au chef de l’État, au Conseil suprême des forces armées, à la Cour constitutionnelle suprême, au Conseil d’État, au Parlement (Shura et Majlis al-Sha’b), aux ministères compétents et aux autorités locales, ainsi qu’aux comités et sous-comités de protection de l’enf ance au niveau des gouvernorats et des districts respectivement, pour examen et suite à donner.

Diffusion des observations finales

43. Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l’État partie et les recommandations adoptées à cet égard (observations finales) soient largement diffusés, notamment − mais non exclusivement − par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse, des groupes de professionnels et auprès des enfants eux-mêmes, afin de susciter le débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

IX.Prochain rapport

44. Conformément au paragraphe 2 de l’article 12, le Comité invite l’État partie à donner un complément d’information sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et des présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra au titre de la Convention, conformément à l’article 44 de la Convention.