NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPSC/KGZ/CO/14 mai 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-quatrième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 12 DU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT LA VENTE D’ENFANTS, LA PROSTITUTION DES ENFANTS ET LA PORNOGRAPHIE

METTANT EN SCÈNE DES ENFANTS

Observations finales: Kirghizistan

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Kirghizistan (CRC/C/OPSC/KGZ/1) à sa 1221e séance (voir CRC/C/SR.1221), tenue le 29 janvier 2007, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1228e séance, tenue le 2 février 2007.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial présenté par l’État partie; il regrette toutefois que celui-ci n’ait pas suivi les directives pour la présentation des rapports. Le Comité se félicite par ailleurs des réponses écrites apportées à sa liste de points à traiter, ainsi que du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues à la lumière de ses observations finales précédentes, adoptées le 1er octobre 2004, au sujet du deuxième rapport périodique de l’État partie, publié sous la cote CRC/C/15/Add.244.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction les éléments suivants:

a)La ratification de sept instruments relatifs aux droits de l’homme;

b)La signature en 2002 par le Kirghizistan et le Kazakhstan de l’accord sur l’emploi et la protection sociale des travailleurs migrants employés à des travaux agricoles dans les régions frontalières;

c)L’adoption en 2002 du décret présidentiel sur les mesures de lutte contre le trafic illicite et la traite d’êtres humains dans la République kirghize;

d)L’adoption en 2006 du Code de l’enfance de la République kirghize.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales

Plan d’action national et coordination

5.Le Comité accueille avec satisfaction la mise en place du programme «Nouvelle génération» contre la traite et l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Toutefois, il s’inquiète de l’absence de plan d’action spécifique contre la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. En outre, il est préoccupé par l’insuffisance des ressources financières allouées au programme «Nouvelle génération» et par le manque de coordination et de coopération entre les différents organes intéressés.

6. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour améliorer son programme «Nouvelle génération», en consultation et en coopération avec les parties prenantes concernées, en accordant une attention particulière à l’application de toutes les dispositions du Protocole facultatif et en tenant compte de la Déclaration et du Programme d’action ainsi que de l’Engagement mondial adoptés lors des premier et deuxième Congrès mondiaux contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Stockholm 1996; Yokohama 2001). Il recommande en outre à l’État partie d’accroître le budget du programme «Nouvelle génération» et de définir clairement les compétences des différents organes chargés de la mise en œuvre de ce programme afin d’améliorer la coopération et la coordination.

Diffusion et formation

7.Le Comité se félicite des nombreuses activités de diffusion et de formation organisées par l’État partie en collaboration avec des organisations internationales et des ONG. Il pense notamment à la formation des policiers et du personnel de justice aux questions relatives à la traite des êtres humains, à la signature, entre les Gouvernements kirghize et suédois d’un accord d’appui à la formation et au développement du travail social avec les enfants particulièrement vulnérables, ainsi qu’à l’obligation faite aux spécialistes travaillant auprès d’enfants de se familiariser avec les dispositions fondamentales de la Convention et de la législation kirghize pertinente. Toutefois, il demeure préoccupé par le caractère sporadique et fragmenté, et par conséquent insuffisant, des efforts faits pour sensibiliser au Protocole les catégories professionnelles intéressées et l’opinion publique en général et pour former convenablement les juges, les procureurs et les travailleurs sociaux qui travaillent auprès des enfants et pour eux; il s’inquiète aussi du fait que ces efforts ne portent pas sur tous les domaines visés par le Protocole.

8. Le Comité recommande à l’État partie de consacrer des ressources suffisantes à l’élaboration de matériels et de cours de formation destinés aux catégories professionnelles concernées, y compris les agents de la force publique, les magistrats du ministère public, les juges, le personnel médical et autres professionnels chargés d’appliquer le Protocole facultatif. En outre, à la lumière du paragraphe 2 de l’article 9 du Protocole, le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement les dispositions du Protocole facultatif, en particulier auprès des enfants et de leur famille, notamment par le biais des programmes scolaires, ainsi que de campagnes de sensibilisation et d’une formation à long terme aux mesures de prévention à prendre et aux effets néfastes de toutes les infractions qui tombent sous le coup du Protocole, y compris en encourageant la participation de la communauté, des enfants et des enfants victimes en particulier.

Collecte de données

9.Le Comité regrette l’absence de données statistiques sur les questions visées par le Protocole ainsi que l’absence de recherches concernant l’ampleur de la traite nationale et transfrontière, de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants.

10. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que des données ventilées, en particulier par âge et par sexe, soient systématiquement collectées et analysées. Il encourage l’État partie à entreprendre des études sur la nature et l’ampleur de toutes les formes d’exploitation des enfants, y compris la prostitution, la pornographie et le travail des enfants, afin de déterminer les causes et l’ampleur du problème.

Crédits budgétaires

11.Le Comité accueille avec satisfaction les informations concernant les crédits budgétaires alloués à l’application du Protocole facultatif, mais demeure préoccupé par le fait que les domaines visés par le Protocole ne sont pas tous assurés d’un financement.

12. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à accroître les crédits budgétaires destinés à la mise en œuvre du Protocole afin d’en couvrir tous les domaines.

2. Interdiction de la vente d’enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la prostitution des enfants

Lois et réglementations pénales existantes

13.Le Comité se félicite du fait que le Protocole facultatif prévaut sur le droit national, qu’une disposition relative à la traite, y compris des enfants, figure dans le Code pénal ainsi que dans le Code de l’enfance récemment adopté. Cependant, il est préoccupé par le fait que le Code pénal national et le Code de l’enfance n’interdisent pas expressément la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, comme le voudraient les articles 2 et 3 du Protocole facultatif.

14. Le Comité demande instamment à l’État partie d’appliquer le Protocole en prenant immédiatement des mesures pour amender la législation, afin que celle ‑ci réprime la vente d’enfants, la pornographie mettant en scène des enfants et la prostitution des enfants, sous toutes leurs formes et à quelque fin que ce soit, conformément aux paragraphes 1 et 2 de l’article 3 du Protocole facultatif. Le Comité recommande donc à l’État partie d’entreprendre une étude juridique dans le but de repérer les incohérences et les lacunes du système juridique national à la lumière du Protocole et de demander l’aide du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et d’autres organisations internationales compétentes.

3. Procédure pénale

Compétence

15.Tout en prenant note des règles relatives à la compétence extraterritoriale énoncées dans le Code pénal, le Comité est préoccupé par le fait que cette compétence semble être limitée aux crimes commis par les ressortissants kirghizes et par les apatrides et qu’il n’est pas fait référence aux cas où la victime d’un crime visé par le Protocole est un ressortissant du Kirghizistan.

16. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives propres à établir sa compétence extraterritoriale, conformément à l’article 4 du Protocole.

17.Le Comité se félicite des tentatives faites dernièrement pour ouvrir des enquêtes et des poursuites dans les cas de vente d’enfants et de prostitution des enfants, mais demeure préoccupé par le fait que plusieurs affaires n’ont donné lieu ni à une enquête ni à des poursuites.

18. Le Comité recommande à l’État partie d’engager plus souvent des enquêtes et des poursuites en cas de vente d’enfants et de prostitution des enfants, et en particulier de pornographie, et de fournir des données à ce sujet.

4. Protection des droits des enfants victimes

Mesures adoptées pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole

19.Le Comité s’inquiète de ce que les dispositions de l’article 8 du Protocole facultatif n’aient pas été intégrées de manière adéquate au droit pertinent de l’État partie, en particulier, il s’inquiète de ce que le statut de victime ne soit pas bien défini dans le Code pénal et dans le Code de l’enfance et de ce que la législation ne prévoie pas de sanctions claires en cas de pressions physiques et psychologiques au cours des interrogatoires. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que seules des organisations non gouvernementales (ONG) prennent des mesures visant au rétablissement physique et psychologique des enfants victimes d’une vente, de la prostitution ou de la pornographie, et par l’absence de crédits alloués spécifiquement par l’État partie au soutien des enfants victimes.

20. Le Comité recommande à l’État partie:

a) En vertu du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif, de protéger les enfants victimes et témoins à tous les stades de la procédure pénale, en tenant compte des Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (résolution 2005/20 du Conseil économique et social);

b) De collaborer avec les ONG et l’Organisation internationale pour les migrations pour mettre des services adéquats à la disposition des enfants victimes, notamment en vue de leur rétablissement physique et psychologique et de leur réinsertion sociale, conformément au paragraphe 3 de l’article 9 du Protocole facultatif;

c) De veiller à ce que tous les enfants victimes des infractions décrites dans le Protocole aient accès à des procédures leur permettant, sans discrimination, de réclamer réparation du préjudice subi aux personnes juridiquement responsables, conformément au paragraphe 4 de l’article 9 du Protocole facultatif;

d) D’allouer des crédits suffisants aux programmes et mesures nécessaires à la réadaptation des enfants victimes.

21.Le Comité est vivement préoccupé d’apprendre que les enfants victimes des crimes visés par le Protocole facultatif sont souvent stigmatisés et marginalisés sur le plan social et peuvent être tenus responsables, jugés et placés en détention.

22. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les enfants victimes d’exploitation et d’abus ne soient ni poursuivis, ni condamnés, et de veiller à ce que toutes les mesures possibles soient prises pour éviter la stigmatisation et la marginalisation sociale de ces enfants.

23. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place, en collaboration avec Everychild et d’autres ONG concernées, une permanence téléphonique, gratuite et accessible vingt ‑quatre heures sur vingt ‑quatre , pour aider les enfants victimes. À cet égard, il recommande à l’État partie de faire en sorte que les enfants connaissent ce service et puissent y avoir accès, et de faciliter la collaboration de ce service avec les ONG qui s’occupent d’enfants et la police, ainsi qu’avec les professionnels de santé et les travailleurs sociaux.

24. Tout en se félicitant du fait que le Code de la famille fait référence à l’article 3 de la Convention (intérêt supérieur de l’enfant) en matière d’adoption, le Comité renouvelle sa recommandation à l’État partie (CRC/C/15/Add.244) d’amender les lois et politiques relatives à l’adoption, afin de créer un mécanisme permettant de contrôler toutes les procédures d’adoption, et d’adhérer à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale de 1993.

5. Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

25.Le Comité demeure préoccupé par les allégations de complicité de fonctionnaires dans la traite d’enfants et par le fait que la corruption nuit à l’efficacité des mesures de prévention.

26. Le Comité demande instamment à l’État partie de faire en sorte que tout soupçon de complicité de fonctionnaires fasse l’objet d’une enquête approfondie et, si les faits sont avérés, que les sanctions voulues soient prises.

27.Le Comité s’inquiète en particulier de la situation difficile de certains groupes d’enfants, tels que les enfants des rues et les enfants qui travaillent, particulièrement vulnérables à toutes les formes d’exploitation.

28. Le Comité recommande à l’État partie de s’intéresser plus spécialement à la situation des groupes d’enfants vulnérables qui risquent particulièrement d’être victimes d’exploitation et d’abus. À cet égard, il recommande à l’État partie d’allouer des ressources humaines et financières suffisantes pour mettre en œuvre les programmes de protection des droits des enfants vulnérables, en accordant une attention particulière à l’éducation et aux soins de santé. L’État partie devrait aussi faire davantage d’efforts pour sensibiliser ces enfants à leurs droits.

29.Le Comité prend note du programme du Gouvernement (approuvé par sa décision no 96 de février 2005) instaurant des conditions propices à un développement socioéconomique durable et équilibré et à la réduction de la pauvreté au Kirghizistan.

30. Le Comité recommande à l’État partie de prêter davantage attention à la mise en œuvre de ce programme, notamment en allouant des ressources financières suffisantes à la prévention de l’exploitation sexuelle et de toutes les autres formes d’exploitation.

31.Le Comité accueille avec satisfaction les campagnes de sensibilisation de l’opinion publique menées, notamment à la radio et à la télévision, en vue de prévenir la traite d’êtres humains. En outre, il prend note de la mise en place d’une permanence téléphonique pour répondre aux questions concernant la recherche d’un emploi à l’étranger, des campagnes d’information menées en zone rurale, ainsi que de l’élaboration de brochures d’information à l’intention des migrants. Cependant, il s’inquiète de ce qu’il n’existe pas encore de mesures de prévention ciblées contre l’exploitation des enfants, notamment la prostitution, la pornographie et toutes les formes d’exploitation du travail des enfants, ni de mesures visant à déterminer les causes et l’ampleur du problème.

32. Le Comité encourage l’État partie à adopter davantage de mesures de prévention ciblées et à collaborer avec les ONG en ce qui concerne la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation dans tous les domaines visés par le Protocole facultatif. En particulier, il encourage l’État partie à entreprendre des études sur la nature et l’ampleur de l’exploitation des enfants, notamment la prostitution et la pornographie, afin de déterminer les causes et l’ampleur du problème.

6. Assistance et coopération internationales

33. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre sa coopération avec l’UNICEF et les ONG internationales afin de mettre en œuvre le programme «Nouvelle génération» pour la défense des droits des enfants au Kirghizistan.

Application des lois

34. Le Comité encourage l’État partie à mener avec d’autres États, aux niveaux régional et international, des activités de coopération judiciaire et policière ciblées sur les victimes en vue de prévenir et de combattre la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et à fournir des informations plus précises dans le prochain rapport.

7. Suivi et diffusion

Suivi

35. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la mise en œuvre intégrale des présentes recommandations, notamment en les faisant parvenir aux ministères concernés, au « Zhogorku Kenesh » (Parlement) et aux autorités provinciales, de façon qu’elles soient dûment examinées et suivies d’effet.

Diffusion

36. Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites de l’État partie, de même que les recommandations s’y rapportant (observations finales), soient largement diffusés, y compris (mais pas exclusivement) par l’Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants afin d’ouvrir le débat et de faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

8. Prochain rapport

37. Conformément au paragraphe 2 de l’article 12 du Protocole facultatif, le Comité invite l’État partie à fournir un complément d’information sur l’application du Protocole facultatif dans ses troisième et quatrième rapports périodiques au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui seront présentés en un seul document, attendu le 6 mai 2010, conformément à l’article 44 de la Convention.

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