Nations Unies

CRC/C/OPSC/YEM/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

13 octobre 2009

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’enfant

Cinquante-deuxième session

Examen des rapports présentés par les États parties conformément au paragraphe 1 de l’article 12 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfantset la pornographie mettant en scène des enfants

Observations finales: Yémen

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Yémen (CRC/C/OPSC/YEM/1) à sa 1448e séance (CRC/C/SR.1448), tenue le 30 septembre 2009, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1452e séance, tenue le 2 octobre 2009.

Introduction

2.Le Comité prend note avec satisfaction du rapport initial de l’État partie, établi en conformité avec ses directives en matière d’établissement des rapports, ainsi que des réponses écrites à sa liste des points à traiter. Il se félicite également de la présence d’une importante délégation multisectorielle, avec laquelle il a eu un dialogue ouvert et constructif.

I.Observations générales

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec les observations finales qu’il a adoptées en juin 2005 à l’issue de l’examen du troisième rapport périodique de l’État partie (CRC/C/15/Add.267).

Aspects positifs

4.Le Comité se félicite des diverses mesures prises par l’État partie dans les domaines relevant du Protocole facultatif, notamment:

a)La création des réseaux nationaux sur la violence à l’encontre des enfants et pour la protection des enfants en conflit avec la loi, ainsi que leur fusion récente pour former un réseau de protection de l’enfance;

b) La création d’un comité national de lutte contre la traite des enfants.

5.Le Comité félicite l’État partie d’avoir adhéré au Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés en 2007.

II.Données

Collecte de données

6.Le Comité prend note avec satisfaction des données fournies sur le nombre d’enfants expulsés des États voisins et sur le nombre d’enfants des rues bénéficiant de l’aide des centres de protection de l’enfance. Le Comité s’inquiète du manque général d’informations sur la fréquence des infractions visées par le Protocole facultatif et de l’absence d’un système national intégré de collecte et d’analyse des données et des informations.

7. Le Comité re commande qu’un système global de collecte de données soit établi afin de veiller à ce que des données ventilées, entre autres, par âge, sexe, situation sociale et économique et zone géographique soient recueillies et analysées systématiquement, car elles constituent un outil essentiel pour mesurer la mise en œuvre des politiques publiques. À cet effet, l’État partie devrait solliciter l’aide technique des organismes et programmes des Nations Unies, notamment de l’UNICEF.

8. Le Comité réitère la recommandation de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT de faire l’effort d’entreprendre des recherches sur l’ampleur et les tendances de l’exploitation sexuelle commerciale des enfants de moins de 18 ans au Yémen, afin d’obtenir les informations nécessaires à l’adoption de mesures efficaces et assorties de délais qui permettront d’identifier les enfants exposés à un risque particulier et de leur prêter assistance.

III.Mesures d’application générales

Principes généraux de la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 2, 3, 6 et 12)

9.Le Comité s’inquiète de ce que les principes généraux de la Convention relative aux droits de l’enfant, notamment les principes de non-discrimination, de l’intérêt supérieur de l’enfant et du droit à la vie n’ont pas été dûment pris en considération dans la conception et l’application des mesures adoptées par l’État partie pour mettre en œuvre le Protocole facultatif, notamment en ce qui concerne l’identification et le traitement adéquats des enfants victimes.

10. Le Comité recommande que les principes généraux, en particulier les principes de non-discrimination, de l’intérêt supérieur de l’enfant et du droit à la vie, énoncés dans la Convention, soient repris dans toutes les mesures adoptées par l’État partie pour appliquer les dispositions du Protocole facultatif, y compris les procédures judiciaires ou administratives .

Législation

11.Le Comité, tout en se félicitant des informations selon lesquelles de nombreux projets de lois sont en attente d’adoption par la Chambre des représentants, demeure préoccupé de ce que les retards enregistrés dans leur adoption entravent la mise en œuvre des obligations découlant du Protocole facultatif.

12. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de mener à son terme le processus d’harmonisation de sa législation interne avec le Protocole facultatif pour permettre la mise en œuvre efficace et adéquate des dispositions qu’il contient .

Plan national d’action

13.Le Comité se félicite de l’adoption de la Stratégie nationale pour la jeunesse et les enfants, portant notamment sur la question de la traite des enfants et fixant comme priorité le renforcement du système de la kafalah. Toutefois, le Comité est préoccupé par l’absence de plan national d’action traitant de la vente des enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants.

14. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager l’élaboration d’un plan national d’action ciblant les questions visées par le Protocole facultatif. L’État partie devrait également fournir les ressources humaines et financières suffisantes pour la mise en œuvre de ce plan .

Coordination et évaluation

15.Le Comité relève que le Conseil supérieur de la mère et de l’enfant est responsable de la coordination globale et il prend note des informations données par l’État partie selon lesquelles plusieurs organisations gouvernementales et non gouvernementales ont participé à la mise en œuvre du Protocole facultatif. Toutefois, le Comité est préoccupé de ce que ce Conseil supérieur n’a ni les ressources techniques, humaines et financières, ni le mandat nécessaire pour assumer ses responsabilités et assurer une coordination efficace des différentes entités participant à la mise en œuvre.

16. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que le Conseil supérieur de la mère et de l’enfant soit doté des pouvoirs et des ressources techniques, humaines et financières nécessaires pour mener une action efficace aux niveaux national et régional. Le Conseil devrait veiller à une coordination plus étroite entre les organismes publics, les organisations non gouvernementales et les organisations internationales actives dans la mise en œuvre du Protocole facultatif, dans l’ensemble des régions et gouvernorats.

Diffusion et formation

17.Le Comité apprécie les efforts entrepris par l’État partie pour promouvoir le Protocole facultatif, notamment les ateliers d’information à l’intention des juges des mineurs, des procureurs, des travailleurs sociaux, des imams et des écoliers. Toutefois, le Comité est préoccupé de ce que les activités et programmes visant à diffuser le Protocole facultatif et à en faire connaître les dispositions au public, n’ont pas touché toutes les parties prenantes et tous les gouvernorats, notamment les familles et les communautés des régions reculées et les enfants non scolarisés.

18. Le Comité recommande à l’État p artie de:

a) Continuer à renforcer l’éducation et la formation systématiques aux dispositions du Protocole facultatif pour tous les groupes professionnels concernés et dans tous les gouvernorats;

b ) Promouvoir, conformément au paragraphe 2 de l’article 9 du Protocole facultatif, la sensibilisation du grand public, y compris des enfants, par une information utilisant tous les moyens appropriés, par l’éducation et la formation concernant les mesures préventives et les effets néfastes de toutes les infractions visées dans le Protocole facultatif, y compris en encourageant la participation de la collectivité et, notamment, des enfants et des enfants victimes des deux sexes. Les programmes d’information et d’éducation devraient être adaptés afin de toucher également les enfants analphabètes et leurs familles.

c) Reproduire les meilleures pratiques telle s que le dessin animé intitulé « Le retour d’ Ahmed» , produit par l’UNICEF.

Allocation de ressources

19.Tout en prenant acte de la déclaration de la délégation de l’État partie selon laquelle le manque de ressources humaines et financières entrave la mise en œuvre du Protocole facultatif, le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie ne prend pas de mesures suffisantes pour s’acquitter pleinement de ses obligations au titre du Protocole facultatif.

20. Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des recommandations adoptées par le Comité à l’issue de sa Journée de débat général de 2007 sur l’article 4 de la Convention , « Ressources pour les droits de l’ enfant − responsabilités d es États», et de dégager les ressources humaines et financières nécessaires pour formuler et exécuter des projets et des plans, en particulier au niveau local, portant sur la prévention, la protection, la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale des enfants victimes, ainsi que sur la répression des infractions visées dans le Protocole facultatif.

Mécanisme indépendant de surveillance

21.Le Comité réitère la préoccupation qu’il avait exprimée lors de l’examen du troisième rapport périodique du Yémen au titre de la Convention (CRC/C/15/Add.267) quant à l’absence d’organe indépendant chargé de la surveillance des droits de l’homme en général et des droits de l’enfant en particulier.

22. Le Comité recommande à l’État partie, conformément aux Principes de Paris et compte tenu de l’O bservation générale n o 2 de 2002 du Comité relative aux institutions nationales de défense des droits de l’homme, d’envisager de créer une institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme compétente pour recevoir des plaintes relatives à des violations des droits de l’ enfant − et notamment à des infractions visé es par le Protocole facultatif − , pour enquêter sur ces plaintes et pour leur donner la suite voulue.

Société civile

23.Tout en prenant acte des informations fournies par l’État partie concernant le processus d’établissement du rapport, le Comité déplore que tous les acteurs de la société civile n’aient pas été sollicités comme il se devait à tous les stades de l’élaboration du rapport initial au titre du Protocole facultatif.

24. Le Comité se félicite de la poursuite de la coordination et de la collaboration avec la société civile et encourage l’État partie à renforcer encore ces partenariats, en particulier pour la mise en œuvre des observations finales et l’évaluation des progrès accomplis , ainsi que dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport au titre de la Convention et de ses protocoles facultatifs.

IV.Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

25.Le Comité, tout en relevant que certaines études ont été menées par le Conseil supérieur de la mère et de l’enfant, notamment sur les enfants des rues, les mauvais traitements à enfants, et la mise en œuvre du système de la kafalah comme forme d’adoption, déplore que les efforts entrepris pour identifier les enfants particulièrement exposés aux pratiques interdites par le Protocole facultatif restent limités.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour identifier les besoins spéciaux des enfants vulnérables et en tenir compte, et notamment:

a) De mener des enquêtes et des études sur les effets des infractions énoncées aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif sur tous les enfants vulnérables;

b) De renforcer, notamment par l ’ allocation de ressources financières, les efforts visant à s ’ attaquer aux causes profondes, comme la pauvreté et le sous-développement, ainsi qu ’ aux attitudes culturelles qui contribuent à rendre les enfants vulnérables à la vente, à la prostitution, à la pornographie et au tourisme sexuel pédophile, y compris par la coopération internationale;

c) D ’ élaborer des programmes et des projets visant à renforcer la surveillance communautaire et les responsabilités parentales, par exemple, en sollicitant une assistance technique supplémentaire de l ’ UNICEF.

27.Le Comité est profondément préoccupé par l’ampleur du phénomène de la vente d’enfants, notamment d’enfants des communautés pauvres, vendus avec le consentement de leurs parents. Il note aussi avec une vive préoccupation que la vente d’enfants, telle qu’elle est définie aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif, est considérée comme de la traite ou du trafic d’enfants. À cet égard, le Comité est préoccupé par l’absence de mesures de prévention globales visant à lutter contre ces infractions.

28.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures appropriées pour protéger les droits et les intérêts de tous les enfants victimes des infractions visées par le Protocole facultatif, notamment à l ’ alinéa a de l ’ article 2 et au paragraphe 1 de l ’ article 3.

Mariages temporaires

29.Le Comité note avec une profonde préoccupation ce que la détérioration des conditions économiques et sociales joue un rôle important dans l’augmentation de l’exploitation sexuelle des enfants, qui revêt souvent la forme de «mariages touristiques» ou de «mariages temporaires» dans l’État partie. Le Comité est en outre préoccupé de ce que la législation pénale en vigueur n’interdit pas d’accepter un enfant aux fins d’exploitation sexuelle, notamment dans le cadre de pratiques telles que les «mariages temporaires». Le Comité s’inquiète de ce que l’ampleur de ce problème est peut-être plus importante qu’il n’est actuellement perçu et de ce que les mesures prises pour protéger les filles restent pour la plupart d’ordre administratif.

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ attacher à résoudre à titre prioritaire le problème de l ’ exploitation sexuelle, notamment les mariages dits « temporaires » en interdisant effectivement ces pratiques et en les érigeant en infractions. Des mesures spécifiques devraient être prises pour protéger les filles, identifier les victimes et facilite r leur pleine réinsertion sociale, ainsi que leur totale réadaptation physique et psychologique.

Enregistrement des naissances

31.Le Comité note que le faible taux d’enregistrement des naissances, lié à la persistance des frais d’état civil alors que le Gouvernement avait annoncé que les actes de naissance seraient délivrés à titre gratuit, accroît la vulnérabilité des enfants face aux pratiques interdites par le Protocole facultatif.

32. Le Comité, conformément à ses recommandations précédentes, encourage l ’ État partie à prendre toutes les mesures requises pour assurer l ’ enregistrement de toutes les naissances, notamment en sensibilisant les fonctionnai res, les sages- femmes et les dirigeants communautaires et religieux à la question, en établissant des mécanismes d ’ enregistrement dans les hôpitaux et en encourageant l ’ utilisation d ’ unités mobiles d ’ enregistrement, notamment dans les zones reculées et rurales. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ interdire en droit et en pratique la perception de frais d ’ enregistrement de naissance pour tous les enfants du pays et dans tous les gouvernorats.

V.Interdiction et questions connexes

Lois et réglementations pénales existantes

33.Le Comité, tout en prenant note que de nombreux amendements législatifs attendent d’être adoptés, est préoccupé par l’absence de définitions précises correspondant aux infractions proscrites par le Protocole facultatif. En outre, il note avec préoccupation que les infractions visées par le Protocole facultatif ne sont pas entièrement ou explicitement érigées en infractions dans la législation interne, notamment l’adoption illégale, l’exploitation sexuelle, le don d’enfant aux fins de transfert d’organes, le fait de soumettre un enfant au travail forcé, la pornographie mettant en scène des enfants, ainsi que la production et la diffusion de matériels qui font la publicité des pratiques proscrites dans le Protocole facultatif. Le Comité s’inquiète également de ce que la législation en vigueur ne fournit pas une protection égale à tous les enfants de moins de 18 ans.

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants soient interdit e s dans tous les cas énumérés au paragraphe 1 de l ’ article 3 du Protocole facultatif et à ce que les définitions des infractions soient compatibles avec celles que contient le Protocole facultatif. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de veiller à ce que tous les enfants, jusqu ’ à l ’ âge de 18 ans, soient protégés dans l ’ ensemble des gouvernorats et pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif.

35.Le Comité, réitérant sa préoccupation antérieure concernant la forte prévalence et l’acceptation sociale du travail des enfants et le fait que nombre d’enfants travailleurs sont exposés aux mauvais traitements et manquent totalement de protection, trouve également inquiétant que le fait de soumettre un enfant au travail forcé ne soit pas explicitement traité par la législation interne.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ ériger en infraction dans la législation pertinente le fait d ’ offrir, de remettre ou d ’ accepter un enfant, quel que soit le moyen utilisé, aux fins de le soumettre au travail forcé, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 3 du Protocole facultatif, et de protéger les enfants de telles pratiques.

37.Le Comité note avec préoccupation que, si le Code pénal érige bien l’incitation à la prostitution en infraction, il ne prévoit des peines plus lourdes si elle est commise à l’encontre d’un mineur que si celui-ci est âgé de moins de 15 ans. Le Comité partage également la préoccupation de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT, selon laquelle la législation n’interdit pas l’obtention d’un enfant à des fins de prostitution mais interdit de procurer ou d’offrir un enfant à des fins de prostitution.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les enfants victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif bénéficient d ’ une protection jusqu ’ à l ’ âge de 18 ans. En outre, le Comité demande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que l ’ obtention d ’ un enfant de moins de 18 ans à des fins de prostitution soit expressément interdite.

39.Le Comité relève avec préoccupation que la pornographie mettant en scène des enfants n’est pas dûment traitée et interdite par la législation nationale et qu’il n’existe pas de législation interdisant la pédopornographie sur Internet.

40. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter et de mettre en œuvre une législation spécifique définissant et punissant de façon adéquate la pornographie mettant en scène des enfants, conformément au paragraphe 1 c) de l ’ article 3 du Protocole facultatif. Le Comité recommande notamment que cette législation interdise la production, la diffusion et la possession de matériel pornographique mettant en scène des enfants, que l ’ enfant soit consentant ou non, et que les enfants ne soient pas poursuivis pour leur participation à la production de matériel ou de spectacles pornographiques. En outre, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager d ’ adopter une législation spécifique relative aux obligation s des fournisseurs de services I nternet en vue d ’ interdire la pornographie mettant en scène des enfants sur Internet. La définition de l ’ enfant aux fins de cette législation devrait inclure tous les enfants âgés de moins de 18 ans.

41.Le Comité constate avec préoccupation, eu égard à des affaires récentes impliquant l’offre, la remise ou l’acceptation d’un enfant aux fins d’un transfert d’organes à titre onéreux, que ces pratiques ne sont pas proscrites et érigées en infraction, conformément au paragraphe 1 de l’article 3 du Protocole facultatif.

42.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter toutes les mesures nécessaires, législatives et autres, pour interdire de manière effective et ériger en infraction la vente d ’ enfants aux fins du transfert d ’ organes à titre onéreux, conformément aux alinéas ai) et b du paragraphe 1 de l ’ article 3 du Protocole facultatif, et de traduire les auteurs de tels actes en justice.

43.Le Comité se dit préoccupé de ce que la production et la diffusion de matériels faisant la publicité des pratiques proscrites par le Protocole facultatif ne soient pas expressément interdites.

44. Le Comité recommande à l ’ État partie de promulguer une législation pertinente pour interdire expressément et sans réserve la product ion et la diffusion de matériel s faisant la publicité des pratiques proscrites par le Protocole facultatif.

Compétence judiciaire

45.Le Comité prend acte de l’existence d’une législation concernant les crimes commis à l’étranger. Toutefois, il note avec préoccupation que cette législation ne mentionne pas les infractions visées par le Protocole facultatif et que l’exercice de la compétence judiciaire est assujetti à la condition de la double incrimination.

46. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour établir sa compétence judiciaire pour to utes les infractions vi s ées par le P rotocole facultatif conformément à l ’ article 4, y compris dans tous les cas où la victime est un de ses ressortissants, et en particulier de modifier sa législation afin d ’ abolir la condition de la double incrimination pour l ’ engagement de poursuites pour des infractions commises à l ’ étranger.

Extradition

47. Le Comité se félicite que l ’ État partie ait conclu des traités d ’ extradition avec plusieurs pays voisins et lui recommande de veiller, lors de la révision de ses traités d ’ extradition, à mentionner expressément les infractions visées au paragraphe 1 de l ’ article 3 du Protocole facultatif.

VI.Protection des droits des enfants victimes

Mesures adoptées pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes des infractions proscrites par le Protocole facultatif

48.Le Comité est profondément préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas de législation spécifique sur la protection de l’enfant victime. En particulier, il n’existe pas de définition de la victime, alors que les enfants victimes sont tenus pour responsables, jugés et placés en détention, et que les garçons et les filles victimes de la prostitution peuvent faire l’objet de sanctions et de stigmatisation. En particulier, le Comité relève avec préoccupation que l’article 278 de la loi no 12 de 1994 portant Code pénal prescrit des sanctions pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement pour quiconque se livre à la débauche ou à la prostitution et qu’aucune clause ne garantit que les enfants ne seront pas traités en délinquants dans le cadre de l’application de cette loi.

49.Le Comité note avec satisfaction que le droit des victimes, y compris des enfants, à une indemnisation est garanti par la loi. Il prend note des informations selon lesquelles, conformément aux obligations internationales, les autorités chargées de l’application des lois sont tenues d’adopter des mesures de protection des témoins, mais se dit préoccupé de ce que l’État partie n’a pas encore appliqué en droit le principe de la protection des témoins. Étant donné que l’État partie a fourni des informations sur les mesures adoptées pour protéger les enfants en conflit avec la loi, le Comité se dit gravement préoccupé de ce qu’aucune mesure n’a été adoptée pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes ou témoins aux différents stades de l’enquête et de la procédure pénale les concernant.

50. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les enfants victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif soient identifiés de manière adéquate, ne soient pas assujettis au paiement d ’ amendes ou condamnés à des peines d ’ emprisonnement, soient protégés de futures violations et bénéficient d ’ une aide à la réadaptation et à la réinsertion. Dans les questions relatives au tr aitement des enfants victimes ou témoins, l ’ État partie devrait en particulier être guidé par les Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d ’ actes criminels (voir résolution n o 2005/20 du Conseil économique et social, annexe). En particulier, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ é laborer des procédures complètes pour l ’ identification précoce des enfants victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif;

b) De v eiller, notamment par l ’ adoption de mesures législatives pertinentes, à ce que les enfants victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif ne soient pas traités en délinquants. L ’ enfant victime de vente, de prostitution et de pornographie devrait être clairement défini dans la législation pertinente et les enfants victimes devraient être protégés à tous les stades de la procédure pénale, conformément à l ’ ar ticle 8 du Protocole facultatif;

c) De f ixer la limite d ’ âge à 18 ans aux fins de la définition de l ’ enfant pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif. En cas de doute, présumer que les jeunes victimes sont des enfants et non des adultes;

d) De f ournir une assistance adaptée aux enfants victimes tout au long de la procédure judiciaire, y compris des services adéquats de soutien aux témoins, une assistance juridique, l ’ accès à l ’ information et la possibilité d ’ indemnisation pour le préjudice subi;

e) De v eiller à ce que les juges, les procureurs et les responsables de l ’ application des lois reçoivent la formation adéquate concernant les dispositions du Protocole facultatif et le respect des droits, des besoins et de l ’ intérêt supérieur des enfants victimes.

Service d’assistance téléphonique

51.Le Comité prend note de l’existence d’un service d’assistance téléphonique à l’intention des enfants, dont le fonctionnement est assuré par des ONG, mais s’inquiète de ce que ce numéro ne couvre que la seule ville de Sanaa et n’est pas gratuit. Le Comité note également que peu d’enfants connaissent l’existence de ce service, et qu’il n’existe pas de mécanismes permettant d’évaluer la fréquence des infractions visées par le Protocole facultatif.

52. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ apporter son soutien au service d ’ assistance téléphonique aux enfants et de veiller à ins taller un service d’assistance téléphonique national doté d ’ un numéro à trois chiffres gratuit, fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qui soit disponible et connu dans tous les gouvernorats afin que les enfants puissent déposer des plaintes relatives aux violations décrites dans le Protocole facultatif.

Réadaptation et réinsertion des victimes

53.Le Comité relève que des centres d’accueil pour enfants ont été créés pour venir en aide aux enfants des rues et que des refuges répondent aux besoins immédiats des enfants rapatriés des zones frontalières. Cependant, le Comité note avec préoccupation que les services de réinsertion sociale et réadaptation physique et psychosociale mis à la disposition des enfants victimes sont rares, tandis que l’État partie reconnaît la pénurie de spécialistes locaux, l’absence de centres d’hébergement, ainsi que la pénurie de centres offrant aux enfants victimes des services de réadaptation et une assistance à la réinsertion sociale.

54. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De concevoir un plan d ’ action pour protéger les enfants des infractions visées par le Protocole facultatif;

b) D ’ augmenter, à titre de priorité, le nombre des centres offrant des services de protection, de réadaptation et de réinsertion aux enfants victimes et les possibilités d ’ y avoir accès et de veiller à ce que ces centres disposent des ressources humaines, techniques et financières suffisantes;

c) De prendre des mesures pour veiller à ce que les personnes qui travaillent avec les enfants victimes reçoivent une formation adéquate, en particulier sur les plans juridique et psychologique, conformément au paragraphe 4 de l ’ article 8 du Protocole facultatif;

d) De veiller à ce que tous les enfants victimes soient informés de leurs droits et des procédures leur permettant, sans discrimination, de demander réparation aux personnes juridiquement responsables, conformément au paragraphe 4 de l ’ article 9 du Protocole facultatif, et de leur garantir l ’ accès à ces droits et procédures;

e) De s olliciter une assistance, notamment auprès de l ’ UNICEF , pour développer les capacités et les compétences locales .

VII.Assistance et coopération internationales

Accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux

55. Le Comité encourage l ’ État partie à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes des Nations Unies et les organisations de la société civile , ainsi que dans le cadre d’accords bilatéraux , afin de traiter les causes profondes , comme la pauvreté et le sous-développement, qui contribu e nt à rendre les enfants vulnérables à la vente , à la prostitution et à la pornographie.

56. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à solliciter l ’ aide technique de partenaires internationaux et régionaux, notamment de l ’ UNICEF, dans ses efforts pour pallier le manque de compétences spécialisées nationales, de connaissances pratiques et théoriques et de ressources pour lutter contre les infractions visées par le Protocole facultatif.

Application des lois

57.Le Comité relève l’insuffisance des informations fournies sur l’assistance et la coopération de l’État partie à tous les stades de la procédure pénale relative aux infractions décrites au paragraphe 1 de l’article 3 du Protocole facultatif, à savoir aux stades de la détection de l’enquête, des poursuites, des sanctions et de l’extradition.

58. Le Comité encourage l’État partie à fournir des renseignements plus précis à cet égard dans son prochain rapport.

VIII.Autres dispositions juridiques

59.Le Comité regrette que l’État partie ait signé mais non encore ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, et n’ait pas pris de mesures concernant les Protocoles s’y rapportant.

60. Le Comité recommande à l’État partie d’examiner la possibilité de ratifier la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, ainsi que son Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et son Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air.

IX.Suivi et diffusion

Suivi

61. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures adéquates pour assurer l’application intégrale des présentes recommandations, notamment en les communiquant aux ministères concernés, au Congrès national et aux autorités locales, pour examen et suite à donner, en redoublant d’efforts pour mobiliser les ressources locales et, le cas échéant, en sollicitant un financement international.

Diffusion

62. Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement, y compris mais non exclusivement par Internet, son rapport et ses réponses écrites ainsi que les recommandations du Comité s’y rapportant (observations finales) auprès de la Cour suprême et, sous une forme simplifiée, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et du Parlement des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

X.Prochain rapport

63. Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 12, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer un complément d ’ information sur l ’ application du Protocole facultatif dans le prochain rapport périodique qu ’ il présentera au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, conformément à l ’ article 44 de la Convention.