Nations Unies

CCPR/C/LIE/CO/2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

21 août 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Liechtenstein *

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Liechtenstein (CCPR/C/LIE/2) à ses 3376e et 3377e séances (CCPR/C/SR.3376 et 3377), les 4 et 5 juillet 2017. À sa 3403e séance, le 24 juillet 2017, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique du Liechtenstein et les renseignements qu’il contient, bien qu’il ait été soumis avec sept ans de retard. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Il remercie aussi l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/LIE/Q/2/Add.1) apportées à la liste de points (CCPR/C/LIE/Q/2), qui ont été complétées oralement par la délégation.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives ci-après :

a)La modification, en avril 2016, de l’article 283 du Code pénal, introduisant une interdiction générale de la discrimination ;

b)L’adoption en novembre 2016 de la loi relative à l’Association des droits de l’homme du Liechtenstein, par laquelle a été mise en place une institution nationale des droits de l’homme indépendante conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) ;

c)L’entrée en vigueur de la loi sur les partenariats enregistrés de couples de même sexe, en 2011.

4.Le Comité note aussi avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le 25 janvier 2017 ;

b)La Convention sur la réduction des cas d’apatridie, en 2009 ;

c)La Convention relative au statut des apatrides, en 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Formation relative au Pacte

5.Le Comité note que, si les juges et les membres du Bureau du Procureur reçoivent une formation sur le Pacte, aucune mesure de sensibilisation de ce type n’est prise à l’intention des avocats (art. 2).

6. L’État partie devrait poursuivre les efforts entrepris en vue de faire mieux connaître le Pacte aux avocats, de sorte que les dispositions de cet instrument puissent être invoquées devant les tribunaux nationaux et appliquées par ceux-ci.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

7.Le Comité salue la promulgation de la loi portant création de l’Association des droits de l’homme du Liechtenstein mais s’inquiète de ce que les ressources financières qui lui sont allouées par l’État partie ne soient peut-être pas suffisantes pour lui permettre de s’acquitter efficacement de son vaste mandat. Si l’Association est libre de mobiliser des fonds supplémentaires, son aptitude à s’acquitter de toutes les fonctions qui lui sont confiées ne devrait pas dépendre des efforts de collecte de fonds en cours (art. 2).

8. L’État partie devrait :

a) Allouer à l’Association des ressources suffisantes pour couvrir tous les aspects de son mandat relatifs à la protection et la promotion des droits de l’homme, y compris la promotion de l’égalité entre hommes et femmes ;

b) Faire en sorte que la loi portant création de l’Association garantisse − plutôt qu’elle ne prévoie − que la composition de cet organe soit représentative du pluralisme et de la diversité de la société.

Réserves au Pacte

9.Le Comité note avec satisfaction que la réserve de l’État partie au paragraphe 3 de l’article 24 du Pacte a été retirée en 2009 mais il relève que l’État partie continue de maintenir ses réserves concernant des aspects importants des articles 14, 17 et 26 du Pacte. De l’avis du Comité, ces réserves ne sont pas nécessaires (art. 2).

10. L’État partie devrait envisager de re tirer ses réserves aux articles  14, 17 et 26 du Pacte.

Législation contre la discrimination

11.Le Comité note que le principe de l’égalité de traitement est proclamé dans la Constitution et se traduit par une série de textes législatifs, parmi lesquels les dispositions antidiscrimination de la législation du travail de l’État partie, l’article 283 du Code pénal tel que modifié, la loi sur l’égalité des sexes et la loi sur l’égalité de traitement des personnes handicapées. Il reste toutefois préoccupé par le fait que, outre l’article susmentionné du Code pénal, la législation interne ne prévoit aucune interdiction générale de la discrimination et la législation en vigueur relative à la lutte contre la discrimination ne comprend aucune disposition interdisant la discrimination multiple (art. 2 et 26).

12. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que sa législation  : a)  prévoie une interdiction générale de toutes les formes de discrimination, dont la discrimination multiple ; et b) prévoie des recours utiles en cas de violation. Il devrait également faire en sorte que les juges, les procureurs et les avocats reçoivent une formation sur les articles 33 (par.  5) et 283 du Code pénal et que ces dispositions soient mieux connues du grand public.

Égalité des sexes

13.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour améliorer l’égalité des sexes, mais il constate avec préoccupation que l’État partie a fait une déclaration précisant qu’il n’interprète pas les dispositions de l’article 3 du Pacte comme faisant obstacle aux règles constitutionnelles relatives à la succession héréditaire au trône du Prince régnant, qui est régie par une loi statutaire autonome. Le Comité partage les préoccupations exprimées par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (voir CEDAW/C/LIE/CO/4, par. 12) concernant l’effet négatif que cette déclaration pourrait avoir sur la manière dont est perçu l’engagement de l’État partie en faveur de l’application du cadre général relatif à l’égalité (art. 2, 3 et 26).

14. L’État partie devrait envisager de retirer sa dé claration au titre de l’article  3 du Pacte concernant la règle constitutionnelle relative à la succession héréditaire au trône.

15.Le Comité relève avec préoccupation la tendance à la baisse de la représentation des femmes dans la sphère politique aux élections nationales et municipales depuis 2009 (art. 25).

16. L’État partie devrait :

a) Allouer des ressources suffisantes à la Commission de l’égalité des sexes, au Comité directeur pour la prise en compte des questions de genre, au Groupe de travail sur l’égalité des sexes dans l’administration nationale et à la Cellule égalité des chances pour faire en sorte, à titre prioritaire, que ceux-ci soient dotés des effectifs voulus et soient ainsi à même de s’acquitter de leur mandat en faveur du renforcement de la représentation des femmes ;

b) Intensifier ses efforts pour accroître la représentation des femmes dans les secteurs public et privé, en particulier à des postes de responsabilité, notamment en adoptant, si nécessaire, des mesures temporaires spéciales.

Personnes handicapées

17.Le Comité note que l’État partie a fait des progrès dans la promotion des droits des personnes handicapées, mais il est préoccupé par le fait que les personnes handicapées continuent de se heurter à des difficultés pour accéder à la justice, à l’éducation et à l’emploi et pour participer à la vie politique, ainsi que par les différences de salaire autorisées en vertu de la législation en vigueur (art. 2 et 26).

18. L’État partie devrait :

a) Prendre des mesures appropriées pour faire en sorte que les personnes handicapées ne soient pas victimes de discrimination dans l’exercice de leurs droits ;

b) Veiller à ce que les employeurs respectent leur obligation positive de garantir l’accès des personnes handicapées au marché du travail en apportant des aménagements raisonnables ;

c) Reconnaître le refus d’aménagement raisonnable en faveur des personnes handicapées comme une forme de discrimination dans les dispositions en vigueur relatives à la discrimination indirecte ;

d) Veiller à ce que la définition de la « charge disproportionnée » en ce qui concerne les obligations des employeurs soit comprise et appliquée de manière restrictive ;

e) Redoubler d’efforts en vue de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Violence familiale

19.Le Comité salue le travail qui a été accompli par l’État partie pour donner pleinement effet au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) et relève que des modifications mineures doivent être apportées à la législation nationale avant sa mise en œuvre (art. 3, 6 et 7).

20. L’État partie devrait :

a) Prendre des mesures pour mettre en œuvre le Protocole d’Istanbul et modifier les dispositions pertinentes du Code pénal dès que possible ;

b) Faire en sorte que les forces de l’ordre, les juges, les avocats et les procureurs reçoivent une formation aux enquêtes sur les actes de torture et les mauvais traitements, en intégrant le Protocole d’Istanbul dans tous les programmes de formation ;

c) Continuer de compiler des statistiques sur les enquêtes du ministère public et les résultats des procédures pénales se rapportant à des affaires de violence familiale.

Droits en matière de sexualité et de reproduction

21.Le Comité accueille avec satisfaction l’affirmation de l’État partie selon laquelle les dispositions pénales relatives à l’avortement ne sont pas appliquées dans la pratique et se félicite de la révision du Code pénal visant à décriminaliser le recours à l’avortement. Cependant, le Comité reste préoccupé par le nombre limité de cas dans lesquels l’interruption de grossesse est autorisée par la loi dans l’État partie et, en particulier, par le fait qu’aucune dérogation n’existe en cas de malformation fœtale grave ou mortelle (art. 3, 6, 7 et 17).

22. L’État partie devrait :

a) Modifier sa législation relative à l’avortement afin de prévoir des exceptions supplémentaires à l’interdiction de l’avortement prévue par la loi, notamment en cas de malformation fœtale mortelle, afin de protéger adéquatement la vie et la santé des femmes ;

b) Garantir l’accès à des informations claires sur les possibilités en matière d’interruption volontaire de grossesse.

Personnes privées de liberté

23.Le Comité se félicite de l’examen du système pénitentiaire auquel se livre l’État partie et est conscient de la situation particulière dans laquelle celui-ci se trouve eu égard à la taille de la prison nationale de Vaduz et à la nécessité de passer un accord avec les pays voisins pour accueillir les détenus exécutant des peines de longue durée. Cependant, il note avec préoccupation que le fait que l’État partie dépende du système pénitentiaire d’un autre État signifie concrètement qu’il n’est pas en mesure de surveiller les conditions de détention de cette catégorie de détenus. Le Comité appelle l’attention, en particulier, sur les observations formulées par le Comité contre la torture (voir CAT/C/AUT/CO/6, par. 26 et 27), dans lesquelles celui-ci se disait préoccupé par les conditions de détention en Autriche (art. 9, 10 et 14).

24. L’État partie devrait envisager de revoir le cadre législatif en vigueur régissant la détention à l’étranger afin d’y faire figurer une disposition autorisant les autorités de l’État partie et le mécanisme national de prévention créé en application du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à rendre visite aux détenus placés dans un établissement pénitentiaire se trouvant à l’étranger.

25.Le Comité est préoccupé par le fait que les interrogatoires menés par la police après l’arrestation d’un suspect ne font pas automatiquement l’objet d’un enregistrement audio et vidéo et ne sont enregistrés que dans certains cas prévus par la loi (art. 7 et 9).

26. L’État partie devrait, dans le cadre des efforts qu’il déploie pour prévenir la torture et les mauvais traitements, examiner la possibilité de modifier le Code de procédure pénale afin d’y inscrire l’obligation de réaliser un enregistrement audio et vidéo de tous les interrogatoires et entretiens menés par la police.

Discrimination fondée sur la religion

27.Le Comité salue les efforts considérables déployés par l’État partie pour repenser les relations entre l’État et les communautés religieuses afin de garantir l’égalité de traitement par les pouvoirs publics de toutes les confessions religieuses. Cependant, le Comité demeure préoccupé par le fait que deux municipalités n’ont pas encore donné leur accord aux fins de la modification de la Constitution et par les conséquences, dans l’intervalle, de cette impasse sur les communautés religieuses autres que catholiques (art. 2, 18 et 27).

28. L’État partie devrait  :

a) Veiller à ce que l’on redouble d’efforts pour obtenir l’accord des municipalités qui ne l’ont pas encore donné afin que la Constitution puisse être modifiée ;

b) Faire en sorte que des ressources soient allouées à toutes les communautés religieuses dans des conditions d’égalité et que ce financement ne soit pas uniquement destiné à soutenir les initiatives visant à favoriser l’intégration des communautés minoritaires ;

c) Faire en sorte que les critères de reconnaissance des cultes garantissent la liberté de religion et de conviction et la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, et par le culte, l’accomplissement des rites ou la pratique ou l’enseignement d’une religion.

Interdiction de la torture

29.Le Comité se félicite de la création de la Commission pénitentiaire du Liechtenstein, qui assume également les fonctions du mécanisme national de prévention prévu par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et accueille avec satisfaction les travaux réalisés à ce jour par le Ministère de l’intérieur, de la justice et des affaires économiques en préparation de la révision du Code pénal, dans le but d’y inscrire une définition de la torture qui soit conforme aux normes internationales (art. 7).

30. L’État partie devrait :

a) Entamer le processus de consultation et de prise de décisions en vue de la révision du Code pénal ;

b) Adopter une disposition interdisant la torture qui soit conforme à l’article 7 du Pacte et aux normes reconnues au plan international, notamment supprimer toute prescription des poursuites pour ce type d’infraction ;

c) Faire le nécessaire pour mettre en place un mécanisme indépendant qui fasse partie de l’appareil judiciaire ordinaire mais n’ait aucun lien avec la police, et qui soit habilité à enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements ;

d) Faire en sorte que la législation comporte des dispositions permettant de poursuivre et de traduire devant les juridictions pénales ordinaires les auteurs d’actes de ce type et les individus qui en sont complices, et de condamner les intéressés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes, et qu’elle offre des recours aux victimes et à leur famille leur permettant notamment d’obtenir des moyens de réadaptation et une indemnisation.

Protection contre l’expulsion arbitraire

31.Le Comité est conscient des pressions auxquelles est soumis l’État partie du fait d’une immigration importante par rapport à sa taille, et se félicite de l’introduction de mesures visant à favoriser l’intégration des ressortissants étrangers, mais il reste préoccupé par le fait que les personnes qui dépendent de prestations sociales d’un montant dépassant un certain niveau risquent de voir leur permis de séjour annulé à moins qu’elles ne résident dans l’État partie de manière ininterrompue depuis quinze ans ou davantage (art. 13 et 26).

32. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir que les dispositions permettant de retirer le permis de séjour aux personnes qui dépendent de prestations sociales et qui vivent dans l’État partie depuis moins de quinze ans ne touchent pas injustement les personnes qui sont véritablement dans le besoin ou ne mettent pas les personnes vulnérables dans une situation encore plus précaire.

D.Diffusion et suivi

33.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son deuxième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle.

34.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 12 (législation contre la discrimination), 22 (droits en matière de sexualité et de reproduction) et 30 (interdiction de la torture).

35.Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 28 juillet 2023 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations formulées dans les présentes observations finales. Le Comité demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi que les groupes minoritaires ou marginalisés. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, ce document ne devra pas compter plus de 21 200 mots. L’État partie peut aussi, le cas échéant, et compte tenu de ce qu’il s’est déclaré en faveur de la procédure simplifiée, indiquer au Comité, dans un délai d’un an, qu’il accepte d’établir son rapport en suivant cette procédure. En pareil cas, le Comité transmet une liste de points à l’État partie avant que celui-ci ne soumette son rapport. Les réponses à cette liste constitueront le rapport périodique suivant à soumettre par l’État partie en application de l’article 40 du Pacte.