Nations Unies

CRPD/C/CHL/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

13 avril 2016

Français

Original : espagnol

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initial du Chili *

I.Introduction

Le Comité a examiné le rapport initial du Chili (CRPD/C/CHL/1) à ses 238e et 239e séances (CRPD/C/SR.238 et 239), tenues le 31 mars et le 1er avril 2016 respectivement. À sa 255e séance, le 13 avril 2016, il a adopté les observations finales ci-après.

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Chili et remercie l’État partie des réponses écrites (CRPD/C/CHL/Q/Add.1) qu’il a apportées à la liste de points à traiter (CRPD/C/CHL/Q/1).

Le Comité se félicite du dialogue constructif auquel a donné lieu l’examen du rapport et salue la présence d’une délégation nombreuse, conduite par la Sous-Secrétaire du Ministère du développement social chargée de l’évaluation sociale et composée de la Représentante permanente du Chili auprès de l’Office des Nations Unies à Genève ainsi que de représentants du Service national du handicap et de plusieurs ministères.

II.Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie des changements institutionnels introduits avec la création du Service national du handicap en 2010, l’approbation de l’inclusion du handicap dans la loi no20609 de 2012, qui instaure des mesures de lutte contre la discrimination, et la création en 2009 de l’Institut national des droits de l’homme, instance autonome qui a pour mandat de promouvoir et de protéger les droits de l’homme de la population chilienne.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Obligations et principes généraux (art. 1er à 4)

Le Comité est préoccupé par l’absence de stratégie pour l’harmonisation de la législation relative aux personnes handicapées et par la persistance de l’approche médicale et de l’utilisation de termes péjoratifs comme « invalidité » (« invalidez »), « incapables » (« incapaces ») et « déments » (« dementes ») dans les lois en vigueur, notamment le Code civil et la loi no20422 de 2010.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un plan en vue d ’ harmoniser pleinement l ’ intégralité de ses lois et de ses politiques, y compris la Constitution politique de la République et le Code civil , pour les mettre en conformité avec la Convention et promouvoir l ’ approche du handicap fondée sur les droits de l ’ homme .

Le Comité constate que les critères utilisés pour évaluer le degré de handicap et le certifier ne sont ni normalisés ni harmonisés par rapport aux principes de la Convention, puisqu’ils se réfèrent au handicap sans prendre en considération les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées.

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir les critères d ’ évaluation et de certification du handicap et de veiller à ce qu ’ ils reposent sur un modèle fondé sur les droits de l ’ homme des personnes handicapées.

Le Comité note avec préoccupation qu’il n’est pas obligatoire de consulter les personnes handicapées lors de l’adoption de politiques et de programmes qui les concernent.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un mécanisme rendant obligatoire la consultation des personnes handicapées, y compris des femmes et des enfants, par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent, dans le cadre de l ’ adoption des lois et des politiques et pour les autres questions les intéressant.

B.Droits spécifiques (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

Le Comité note avec préoccupation que la définition de l’aménagement raisonnable n’est pas conforme à l’article 2 de la Convention et que la législation de l’État ne considère pas le fait de ne pas procéder à des aménagements raisonnables comme une forme de discrimination à l’égard des personnes handicapées dans des domaines autres que l’emploi. Il est également préoccupé par l’absence de politiques visant à lutter contre la discrimination multiple et intersectorielle.

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir la définition d e l ’ aménagement raisonnable et de reconnaître dans sa législation que le refus de procéder à des aménagements raisonnable s est une forme de discrimination fondée sur le handicap dans tous les domaines de la vie. De même, il lui recommande d ’ inclure les formes multiples et intersectorielles de discrimination dans sa législation de lutte contre la discrimination, de prévoir des recours adaptés et d ’ imposer des sanctions en cas de violation.

Femmes handicapées (art. 6)

Le Comité note avec préoccupation que les politiques de l’État partie relatives à l’égalité des sexes et celles concernant le handicap ne font pas mention des femmes handicapées et qu’il n’existe pas de politiques ni de stratégies traitant expressément de leur situation.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inclure les femmes handicapées dans les politiques relatives à l ’ égalité des sexes et les politiques relatives au handicap et de mettre en application des politiques et des stratégies qui traitent expressément de leur situation , le tout en étroite co ncertation avec les femmes et les fill es handicapées par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent.

Enfants handicapés (art. 7)

Le Comité note avec préoccupation que la législation relative à l’enfance ne fait pas expressément mention du principe de non-discrimination et, en particulier, que cette lacune a des effets disproportionnés sur les enfants handicapés. Il note également avec préoccupation qu’il n’existe pas de mesures de protection visant à prévenir l’abandon d’enfants handicapés ou leur placement en institution en raison du manque d’information et de soutien dispensés aux familles ainsi que de la pauvreté.

Le Comité recommande que le projet de loi relatif au système de garanties des droits de l ’ enfant, actuellement en discussion au Congrès, intègre le principe de non ‑ discrimination et accorde une protection spéciale aux enfants handicapés, afin de renforcer les garanties relatives aux droits de ces enfants et à l ’ égalité des chances, pour favoriser l ’ insertion des enfants handicapés dans la famille, la communauté et la société, et que des ressources suffisantes soient prévues pour son application effective.

Sensibilisation (art. 8)

Le Comité note avec préoccupation que les efforts faits par l’État partie pour combattre les préjugés et les stéréotypes négatifs relatifs aux personnes handicapées restent insuffisants, compte tenu de l’existence de campagnes publiques comme le Téléthon, récoltant des fonds publics, qui renforcent le modèle fondé sur l’assistance aux personnes handicapées.

Le Comité encourage l ’ État partie à combattre les stéréotypes et la discrimination dans les médias et à lancer des campagnes publiques de promotion des personnes handicapées en tant que sujets de droits de l ’ homme et non pas en tant qu ’ objets de charité, ainsi qu ’ à veiller à ce que les fonds publics ne soient pas utilisés à des fins contraires.

Accessibilité (art. 9)

Le Comité est préoccupé par le peu de progrès réalisés dans la mise en œuvre de la loi n° 20422 en matière d’accessibilité, ainsi que par l’absence de mécanisme de plainte pour violations des droits des personnes handicapées liées au manque d’accessibilité.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un plan général en matière d ’ accessibilité tenant compte de l ’ observation générale n o 2 (2014) du Comité relative à l ’ accessibilité (art .  9 de la Convention), qui vise l ’ accessibilité des transports, des installations et bâtiments publics et des services d ’ information et de communication, tant dans les villes que dans les zones rurales, en prévoyant des délais précis et des sanctions en cas de non-application, et en associant les organisations de personnes handicapées à tous les stades, et en particulier au suivi de la mise en œuvre. En outre, le Comité recommande à l ’ État partie de prêter attention aux liens entre l ’ article 9 de la Convention et l ’ objectif 11 des objectifs de développement durable, en particulier les cibles 11.2 et 11.7.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

Le Comité est préoccupé par la diffusion limitée des manuels et guides pratiques pour l’appui aux personnes handicapées dans les situations de risque de catastrophe, par la méconnaissance des droits des personnes handicapées de la part du personnel de la protection civile et par le fait que les issues de secours sont peu accessibles, partout dans le pays. Le Comité constate également avec préoccupation que les personnes handicapées n’ont pas accès aux services et à l’information concernant la réduction des risques de catastrophe.

Le Comité recommande à l ’ État partie de former de manière continue le personnel de la protection civile aux droits de l ’ homme des personnes handicapées. Cette formation doit comprendre la diffusion des instruments élaborés aux fins de l ’ inclusion des personnes handicapées dans les stratégies de réduction des risques de catastrophe, de la mise en place de services de communication électronique et de l ’ accessibilité des infrastructures et des issues de secours, ainsi que des renseignements relatifs à la réduction des risques de catastrophe. En outre, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accorder une attention particulière à l ’ accessibilité de l ’ information, notamment au braille, à la langue des signes et aux autres moyens et formes de communication, et de tenir compte du Cadre d ’ action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

Le Comité note avec préoccupation que le Code civil de 1857, qui établit l’incapacité juridique des personnes handicapées, et la loi no 18600, qui régit la procédure de déclaration de l’incapacité juridique sur la base d’un certificat délivré par un psychiatre, sont toujours en vigueur.

Le Comité prie l ’ État partie d ’ abroger toute disposition juridique qui limiterait partiellement ou totalement la capacité juridique des adultes handicapés et d ’ adopter des mesures concrètes pour établir un modèle de prise de décisions assistée qui respecte l ’ autonomie, la volonté et les préférences des personnes handicapées, conformément à l ’ article 12 de la Convention et à l ’ observation générale n o  1 (2014) du Comité.

Le Comité note avec préoccupation que les personnes handicapées n’ont pas le droit d’exprimer leur consentement éclairé concernant des traitements médicaux ou des interventions chirurgicales dont les effets sont irréversibles, en particulier lorsqu’elles sont déclarées incapables ou qu’elles sont placées en institution en raison d’un handicap mental, comme le prévoit l’article 15 de la loi no 20584.

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir ou d ’ abroger les dispositions qui restreignent l ’ exercice du droit au consentement libre et éclairé par toutes les personnes handicapées, y compris celles qui sont déclarées incapables ou placées sous tutelle et celles qui sont placées en institution, et d ’ adopter les textes nécessaires au plein exercice de ce droit, pour tout type d ’ intervention médicale ou scientifique.

Accès à la justice (art. 13)

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a encore procédé à aucun aménagement procédural visant à rendre effectif l’accès de toutes les personnes handicapées à la justice. Il relève aussi avec préoccupation que des obstacles, essentiellement juridiques, empêchent les personnes qui ont été déclarées incapables ou qui sont placées en institution de participer de manière effective aux procédures judiciaires.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures législatives, administratives et judiciaires nécessaires pour lever toute restriction empêchant les personnes handicapées de participer effectivement à une procédure quelle qu ’ elle soit. Il lui recommande également de procéder aux aménagements procéduraux raisonnables voulus , notamment l ’ assistance personnelle et intermédiaire, pour garantir la participation effective des personnes handicapées aux différents aspects des procédures judiciaires.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

Le Comité est préoccupé par le critère de « dangerosité » utilisé pour décider de la privation de liberté sur la base de l’existence réelle ou présumée d’un handicap psychosocial. Il est également préoccupé par le nombre élevé de personnes déclarées pénalement non responsables qui sont internées pour de longues périodes en hôpital psychiatrique, en majorité à l’hôpital Philippe Pinel, à Putaendo, et par le temps injustifié qu’il faut attendre pour que les causes de l’internement soient examinées par un juge, ce qui constitue une violation des garanties d’une procédure régulière.

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir le critère de dangerosité utilisé pour décider de l ’ internement sans consentement en établissement psychiatrique. Il lui recommande aussi de réviser et de réformer son Code pénal pour protéger de manière effective les garanties d ’ une procédure régulière pour les personnes handicapées, en particulier celles qui ont un handicap psychosocial et/ou intellectuel, en leur fournissant l ’ appui dont elles ont besoin pendant les procédures judiciaires, compte tenu de leur sexe et de leur âge.

Le Comité est préoccupé par l’internement de personnes handicapées en hôpital psychiatrique ou dans d’autres centres résidentiels de long séjour en raison d’un handicap, sur demande de la famille et sans le consentement libre et éclairé de l’intéressé.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ interdire l ’ internement sans consentement de personnes au motif qu ’ elles sont handicapées.

Protection contre la torture (art. 15)

Le Comité est profondément préoccupé par les informations indiquant que, dans l’État partie, des pratiques comme la psychochirurgie, la thérapie électroconvulsive, l’isolement prolongé dans des cellules sans chauffage ni services de base, la contention physique et d’autres traitements considérés comme cruels, inhumains ou dégradants, sont utilisées à l’égard de personnes ayant un handicap psychosocial dans l’unique but de les « discipliner » ou de « corriger des comportements déviants ».

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ interdire expressément les pratiques « disciplinaires » ou « correctives » à l ’ égard de personnes ayant un handicap psychosocial qui sont internées dans des établissements psychiatriques publics ou privés ou d ’ autres établissements de privation de liberté. Il le prie en outre de veiller à ce que des enquêtes soient menées sur les faits signalés, afin que les responsabilités administratives et pénales soient établies. Il le prie également d ’ abroger le règlement 656 du Ministère de la santé (2002), de revoir le mandat de la Commission national e de protection des droits des personnes atteintes de maladie mentale et de veiller à ce que cette Commission exerce des fonctions de prévention et de protection des droits de ces personnes, conformément à la Convention.

Le Comité note que la police et les forces de sécurité n’ont pas de protocoles régissant la manière de traiter les personnes handicapées, ce qui a conduit à des violations des droits de ces personnes et même à des décès dus à des actes de violence ou à la négligence.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ enquêter sur les cas signalés de maltraitance physique qui sont constitutifs d ’ un traitement cruel, inhumain et dégradant ou de violations des droits des personnes handicapées mettant en cause des carabiniers ou d ’ autres forces de sécurité, d ’ établir les responsabilités administratives et pénales et d ’ adopter des protocoles de prise en charge qui garantissent le plein respect des droits de l ’ homme des personnes handicapées, en tenant compte de leur diversité.

Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de mécanisme national de prévention de la torture ni d’autres mécanismes de supervision des lieux de privation de liberté qui seraient chargés de surveiller le respect des droits de l’homme des personnes internées.

Le Comité invite l ’ État partie à créer un mécanisme national de prévention de la torture comme suite à la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à veiller à ce que ce mécanisme ait notamment pour mandat de superviser les établissements psychiatriques et les centres de long séjour pour personnes handicapées au moyen de visites. Dans l ’ intervalle, il l ’ invite à faire effectuer des visites de contrôle de ces lieux de privation de liberté par des autorités indépendantes , comme des juges ou l ’ Institut national des droits de l ’ homme.

Protection contre l’exploitation, la violence et la maltraitance (art. 16)

Le Comité note avec préoccupation que la législation et les politiques visant à prévenir et à combattre la violence n’incluent pas les femmes et les filles handicapées. Il est particulièrement préoccupé par l’absence d’approche différenciée compte tenu des risques majeurs auxquels elles sont exposées compte tenu de leur handicap, à savoir la violence sexuelle, l’inceste, la maltraitance physique et verbale, l’abandon et la négligence. Il relève également avec préoccupation qu’il n’existe ni mécanisme indépendant de protection et de supervision ni registre des cas de violence.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inclure les femmes, les enfants et les personnes âgées handicapés dans des politiques de protection contre la violence qui tiennent compte du genre, du handicap et de l ’ âge. Il le prie également d ’ établir un mécanisme de supervision indépendant qui enregistre également les signalements de cas de violence et assure le suivi des prestataires de services.

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

Le Comité note avec préoccupation que la stérilisation de personnes handicapées, en majorité des femmes et des filles, sans le consentement libre et éclairé des intéressées et à la demande d’un membre de la famille ou du tuteur, a toujours cours dans l’État partie. Il est aussi préoccupé par les informations indiquant qu’il s’agit d’une pratique courante concernant les personnes ayant un handicap psychosocial qui sont placées en établissement psychiatrique.

Le Comité prie l ’ État partie de revoir la loi n o 20584 et le décret 570, de manière à rendre obligatoire le recueil du consentement libre et éclairé des personnes handicapées, y compris de celles qui ont été déclarées incapables, avant tout traitement médical ou intervention chirurgicale, en particulier les traitements ou interventions à caractère invasif ou ayant des effets irréversibles, comme la stérilisation et l ’ opération des enfants intersexes.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

Le Comité est préoccupé par le peu de progrès réalisés dans la mise en œuvre de la loi no 20422 en ce qui concerne les dispositions visant à aider les personnes handicapées à vivre de manière autonome. En effet, les personnes handicapées ne peuvent compter sur des systèmes de soutien dans la communauté, ce qui les conduit à entrer en institution ou à vivre dans l’indigence. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence de plan pour la désinstitutionalisation des personnes handicapées et leur transition vers l’inclusion dans la société.

Le Comité recommande à l ’ État partie de lancer à l ’ intention des personnes handicapées, en particulier des personnes qui ont un handicap intellectuel ou psychosocial, un plan de désinstitutionalisation visant à amener ces personnes vers une vie autonome dans la société en leur fournissant les services et l ’ appui nécessaires, en prévoyant des délais précis et un budget suffisant.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

Le Comité note avec préoccupation que la langue des signes chilienne et le braille ne sont pas reconnus comme langues officielles dans l’État partie. Il est également préoccupé par la non-application des normes relatives à l’accessibilité des émissions de télévision officielles (loi no 20422) portant sur les processus électoraux, les situations d’urgence ou les catastrophes naturelles et par l’inefficacité des mécanismes administratifs et judiciaires en cas de non-application.

Le Comité recommande à l ’ État partie de reconnaître la langue des signes chilienne et le braille comme langues officielles et d ’ assurer l ’ accessibilité de toute transmission d ’ informations publiques quel que soit le moyen d ’ information, en particulier lorsque les informations portent sur des processus nationaux qui concernent tous les habitants ou sur des situations d ’ urgence et/ou des catastrophes naturelles.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

Le Comité est préoccupé par :

a)L’existence, dans le Code civil, de dispositions empêchant les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial et les personnes sourdes ou sourdes et aveugles de se marier ;

b)La discrimination et le déni du droit de se marier et de fonder une famille selon le souhait du couple ;

c)L’absence de mesures d’appui permettant aux personnes handicapées d’exercer leurs droits en matière de procréation dans des conditions d’égalité, comme le montre le cas de Valeria Riveros.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ abroger les dispositions discriminatoires qui restreignent l ’ accès des personnes handicapées au mariage ;

b) D ’ adopter les mesures d ’ appui nécessaires, y compris l ’ assistance personnelle, pour que les personnes handicapées, en particulier les femmes, puissent exercer leur s droit s à l ’ abri des préjugés et dans des conditions d ’ égalité ;

c) D ’ instaurer un mécanisme de révision pour que les femmes qui se sont vu retirer la garde de leurs enfants parce qu ’ elles sont handicapées puissent la récupérer.

Éducation (art. 24)

Le Comité note avec préoccupation que, malgré la récente réforme de l’enseignement, l’éducation inclusive n’est pas prioritaire pour les enfants et les adultes handicapés et que l’éducation spécialisée et ségréguée prévaut. Il relève aussi avec préoccupation que les autorités gouvernementales ne prennent pas de mesures pour promouvoir l’éducation inclusive dans l’enseignement supérieur.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en œuvre un plan de transition vers l ’ éducation inclusive, à tous les degrés d ’ enseignement jusqu ’ à l ’ enseignement supérieur, en formant des enseignants, en menant des campagnes intégrées de sensibilisation et en soutenant la culture de la diversité ;

b) D ’ assurer un enseignement personnalisé et de mettre à disposition les mesures d ’ appui et les ressources nécessaires, comme le braille et la langue des signes, pour mener à bien l ’ inclusion, en prenant particulièrement en considération les personnes qui ont un handicap intellectuel ou psychosocial ;

c) De garantir l ’ accessibilité des institutions d ’ enseignement supérieur, notamment par des aménagements raisonnables dans les procédures d ’ admission et dans tous les autres domaines concernés de l ’ enseignement supérieur ;

d) De prêter attention aux liens entre l ’ article 24 de la Convention et l ’ objectif 4 des objectifs de développement durable et ses cibles 4.5 et 4.8.

Santé (art. 25)

Le Comité note avec préoccupation que peu d’informations relatives à la santé sexuelle et procréative sont accessibles aux personnes handicapées, en particulier aux femmes et aux filles ainsi qu’aux personnes présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial.

Le Comité recommande à l ’ État partie de rendre accessibles les informations et les services intégrés de santé sexuelle et procréative sur tout le territoire chilien, y compris au moyen de la langue des signes, de l ’ utilisation de formats accessibles et des équipements et installations voulus.

Le Comité note avec préoccupation que la politique de santé mentale s’appuie sur l’approche médicale du handicap et que le personnel médical dans ce domaine n’est pas formé aux droits des personnes handicapées.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une politique de santé mentale fondée sur le respect des droits de l ’ homme et associant les organisations représentatives des personnes handicapées, en particulier celles qui ont un handicap psychosocial. Il lui recommande aussi de former les médecins et les autres soignants aux droits des personnes handicapées.

Adaptation et réadaptation (art. 26)

Le Comité note avec préoccupation que les mesures prises par l’État partie en matière de réadaptation ont une portée limitée. Il constate aussi avec préoccupation que des fonds publics sont alloués au financement d’entreprises privées qui se consacrent à la réadaptation physique d’enfants handicapés sans contrôle des autorités, et que les services proposés par ces entreprises ne sont pas universels.

Le Comité recommande à l ’ État partie de donner la priorité à l ’ allocation des ressources nécessaires à la fourniture de services de réadaptation à base communautaire destinés à toutes les personnes handicapées de l ’ enfance à l ’ âge adulte, aux fins de l ’ inclusion dans la société et dans la communauté. Il l ’ encourage à consulter, dans le cadre de la mise en œuvre de ces mesures, les organisations de personnes handicapées, en particulier celles qui représentent les femmes, les enfants, les personnes autochtones et les personnes vivant dans des zones rurales et reculées.

Travail et emploi (art. 27)

Le Comité est préoccupé par les inégalités dont pâtissent les personnes handicapées en matière d’insertion professionnelle dans l’État partie et par l’absence de stratégies spécifiques visant à rapprocher les personnes handicapées du monde du travail.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer l ’ adoption de la loi relative à l ’ insertion professionnelle des personnes handicapées et d ’ adopter une stratégie d ’ ensemble sur ce sujet assortie d ’ indicateurs et de délais spécifiques, qui englobe les femmes et les jeunes handicapés. Le Comité recommande à l ’ État partie de prêter attention aux liens entre l ’ article 27 de la Convention et la cible 8.5 des objectifs de développement durable et de veiller à ce que chacun , y compris les personnes handicapées , puisse obtenir un emploi productif et décent , conformément au principe de l ’ égalité de rémunération à travail de valeur égal e .

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

Le Comité est préoccupé par les bas revenus des personnes âgées handicapées, qui nécessitent un accompagnement plus important, et de celles qui vivent dans des zones rurales et reculées ou sur des îles et qui ont peu accès aux services de base.

Le Comité recommande de rendre universelle la couverture des prestations d ’ invalidité afin de permettre aux personnes handicapées d ’ avoir un niveau de vie adéquat qui leur permette de bénéficier de services d ’ accompagnement eu égard à leur handicap, ainsi que de réduire l ’ appauvrissement lié au handicap.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

Le Comité s’inquiète de ce que la déclaration d’incapacité empêche la personne handicapée d’exercer son droit de vote et de participer à la vie politique.

Le Comité recommande à l ’ État partie de procéder à une révision des listes électorales afin de garantir que nul ne soit privé d u droit de vote en raison d ’ un handicap ou de limitations de sa capacité juridique.

C.Obligations spécifiques (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte de données (art. 31)

Le Comité constate que la dernière enquête sur les personnes handicapées réalisée par l’État partie (ENDISC-II) en 2015 ne tenait pas compte des personnes handicapées placées en institution, privées de liberté, vivant dans la rue ou autochtones. En outre, il note qu’il n’est pas tenu de registre des cas de discrimination ou de violence contre des personnes handicapées.

Le Comité recommande à l ’ État partie , en se basant sur un modèle fondé sur les droits de l ’ homme, de collecter et d ’ actualiser d es données et des statistiques sur les personnes handicapées , ventil ées par âge, sexe, type de handicap, origine ethnique et zone géographique , y compris des données sur le type de résidence ou de placement , et les cas de discrimination ou de violence contre ces personnes. Il lui recommande , pour ce faire , de consulter l es organisations de personnes handicapées. Le Comité recommande également à l ’ État partie de prêter attention aux liens entre l ’ article 31 de la Convention et l ’ objectif 17 des objectifs de développement durable, en particulier la cible 17.18.

Coopération internationale (art. 32)

Le Comité est préoccupé par le fait que les droits des personnes handicapées reconnus par la Convention ne soient pas pris en compte dans la mise en œuvre et le suivi au niveau national du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Le Comité recomm ande que les droits des personnes handicapées soient entièrement intégrés dans la mise en œuvre et le suivi du Programme 2030 et des objectifs de développement durable au niveau national et que ces processus se déroulent en étroite collaboration avec les organisations de personnes handicapées.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

Le Comité constate que l’État partie n’a pas désigné le mécanisme indépendant qui sera chargé du suivi de la mise en œuvre de la Convention et que le rôle de la société civile, en particulier celui des organisations représentant les personnes handicapées, n’a pas été défini.

Le Comité invite l ’ État partie à désigner le mécanisme indépendant, conforme aux p rincipes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), qui sera chargé du suivi de la mise en œuvre de la Convention. Il lui recommande également de faire participer dans une large mesure les organisations de personnes handicapées tant à la mise en œuvre qu ’ au suivi de l ’ application de la Convention.

IV.Suivi

Diffusion de l’information

Le Comité demande à l’État partie, dans un délai de douze mois et conformément au paragraphe 2 de l’article 35 de la Convention, de l’informer des mesures adoptées pour appliquer les recommandations qu’il lui a faites aux paragraphes 34 (pratiques à l’égard des personnes ayant un handicap psychosocial qui sont internées) et 38 (mécanisme national de prévention de la torture et visites de contrôle) ci-avant.

Le Comité demande à l’État partie d’appliquer les recommandations figurant dans les présentes observations finales et lui recommande de les transmettre, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux fonctionnaires des ministères compétents, aux membres du pouvoir judiciaire et aux groupes de professionnels concernés (comme les professionnels de l’éducation, de la médecine et du droit), aux autorités locales et aux médias, en utilisant les stratégies de communication sociale modernes.

Le Comité demande instamment à l’État partie de faire participer les organisations de la société civile, en particulier celles représentant les personnes handicapées, à l’élaboration de son deuxième rapport périodique.

Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, en particulier auprès des organisations non gouvernementales et des organisations qui représentent les personnes handicapées, ainsi qu’auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment dans la langue des signes et dans les formats accessibles, ainsi que de les publier sur la page Internet du Gouvernement consacrée aux droits de l’homme.

Prochain rapport périodique

Le Comité demande à l’État partie de soumettre son rapport valant deuxième à quatrième rapports périodiques au plus tard le 29 août 2022 et d’y inclure des renseignements sur l’application des présentes observations finales. En outre, il invite l’État partie à envisager de présenter ce rapport conformément à la procédure simplifiée de présentation des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité établit une liste de points à traiter au moins un an avant la date prévue pour la présentation du rapport périodique de l’État partie. Les réponses de l’État à cette liste de points constitueraient son prochain rapport.