CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/407/Add.2

10 juin 2002

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION

DE LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Quatorzièmes rapports périodiques que les États partiesdoivent présenter en 2001

Additif

Mali*

[20 février 2002]

Table des matières

Paragraphes

Première partie

Introduction d’ensemble

I. DONNÉES SOCIOÉCONOMIQUES1 - 12

II. CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL13 - 29

Deuxième partie

Cadre juridique des articles 2 à 7 de la Convention

I. DROITS CIVILS ET POLITIQUES30 - 102

A.Article 231 - 34

B.Article 335

C.Article 436 - 54

D.Article 555 - 102

II. DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS103 - 159

A.Article 6138 - 143

B.Article 7144 - 159

III. CONCLUSION160

* * *

Documents annexes *

Annexe 1:Constitution de la République du Mali

Annexe 2:Accords portant sur les droits de l’homme ratifiés par la République du Mali

Annexe 3:Loi no 0‑1‑079 du 20 août 2001 portant Code pénal

Annexe 4:Recensement général de la population et de l’habitat. Avril 1998: Principaux résultats, janvier 2001

Table des matières (suite)

Annexe 5:Livre blanc sur le «Problème du Nord» du Mali

Annexe 6:Loi no 01‑081 du 24 août 2001 portant sur la minorité pénale et institution de juridictions pour mineurs

Annexe 7:Rapport de la Commission nationale de réflexion sur le phénomène de l’adoption internationale et de lutte contre le trafic d’enfants

Annexe 8:Loi no 01‑080 du 21 août 2001 portant Code de procédure pénale

Annexe 9:Loi no 00‑058 du 30 août 2000 portant loi électorale

Annexe 10:Arrêt no CCL97‑046 du 25 avril 1997 annulant les résultats du premier tour des élections législatives du 13 avril 1997

Annexe 11:Loi no 00‑047 du 7 juillet 2000 portant statut des partis politiques de l’opposition

Annexe 12:Espace d’interpellation démocratique, 4e, 5e, 6e et 7e éditions

Annexe 13:Tableau récapitulatif des arrêts de condamnation de l’État au 11 juillet 2001

Première partie

Introduction d’ensemble

I. DONNÉES SOCIOÉCONOMIQUES

1.Pays de l’ouest africain situé en zone sahélo‑sahélienne, le Mali couvre une superficie de 1 241 238 km2. Véritable confluent ethnique, sa population est de 9 810 912 habitants répartis entre musulmans (majorité), chrétiens et animistes. Les conditions naturelles (climat, végétation, relief) influencent largement la répartition de la population sur le territoire national.

2.La population malienne est inégalement répartie sur le territoire national. En effet, selon les résultas du recensement général de la population et de l’habitat d’avril 1998, l’examen de la répartition spatiale révèle que les trois quarts de la superficie du pays abritent moins de 10 % de la population totale. Les densités démographiques varient entre 0,4 habitant/km2 à Kidal et 18,2 habitants/km2 à Sikasso. Le district de Bamako, la plus grande agglomération du pays, renferme un dixième de la population totale avec une densité de 4 032,9 habitants/km2.

3.L’économie du pays reste dominée par le secteur agricole qui occupe à lui seul 83,4 % de la population active. Avec une incidence de la pauvreté à l’échelle nationale estimée à 71 % en 1996 (le seuil de pauvreté étant fixé à 102 971 FCFA), le Mali est cité parmi les pays les plus pauvres du monde.

4.Le recensement général de la population et de l’habitat de 1998 a fait apparaître les indicateurs démographiques suivants (annexe 4):

une prédominance des femmes (50,5 %);

une extrême jeunesse (46,1 % des Maliens ont moins de 15 ans);

une sous‑urbanisation: environ 27 % de la population vivent en milieu urbain;

un taux d’analphabétisme de 84,5 %;

un taux brut de scolarisation de 57,8 %.

5.L’une des questions lancinantes depuis l’accession du Mali à l’indépendance est et demeure celle du développement dont le principe est posé par l’Article premier de la Charte des Nations Unies: «Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux‑mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique.».

6.Le contexte actuel est marqué depuis 1982 par les programmes d’ajustement structurel qui ont touché tous les secteurs économiques du pays. Ces programmes visent entre autres à assurer une croissance économique durable, une viabilité financière intérieure et extérieure et une accélération et un approfondissement des réformes structurelles qui se sont traduites par des mesures de réduction sensible des dépenses publiques (déflation des effectifs de la fonction publique et des entreprises nationales, mise en œuvre de diverses mesures de sortie de crise).

7.La situation sociale − de plus en plus difficile malgré l’amélioration de la situation économique et financière constatée depuis peu – a conduit le Gouvernement malien à lancer un programme national de lutte contre la pauvreté soumis aux partenaires au développement en septembre 1998. Le budget indicatif du programme est estimé à 372,8 millions de dollars É.‑U. (dont 20 %, soit 74,5 millions, de contribution nationale) pour les cinq années (1998‑2002).

8.Le programme retient huit axes stratégiques assortis d’objectifs et d’actions prioritaires:

a)Améliorer l’environnement économique, politique, juridique, social et culturel en faveur des pauvres;

b)Promouvoir les activités génératrices de revenus, surtout l’auto‑emploi, à l’intention des pauvres;

c)Améliorer l’accès des pauvres aux services financiers et aux autres facteurs de production;

d)Promouvoir le développement et améliorer les performances des filières agroalimentaires dans lesquelles sont concentrés les pauvres;

e)Améliorer l’accès des pauvres à l’éducation et à la formation;

f)Promouvoir l’accès des pauvres à la santé de base, à la nutrition, à l’eau potable et à l’assainissement;

g)Améliorer les conditions d’habitat des pauvres;

h)Assurer une coordination efficace de la stratégie de lutte contre la pauvreté.

Ces huit axes recoupent ceux des politiques sectorielles déjà mises en œuvre.

9.Au nombre des objectifs, l’on retiendra notamment le rétablissement des équilibres macroéconomiques et l’amélioration du taux de satisfaction des besoins sociaux essentiels des pauvres, la prise en compte de la problématique des pauvres dans les lois et la réglementation, la réduction du taux de chômage et de sous‑emploi des jeunes, la réduction de l’exode rural, l’amélioration de l’accès des pauvres aux services financiers et aux intrants et autres facteurs de production, l’accroissement du nombre des écoles dans les zones défavorisées, l’amélioration des conditions sanitaires et nutritionnelles des ménages pauvres et l’augmentation des ressources nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.

10.Quant aux actions prioritaires, elles portent entre autres sur le désengagement de l’État et le renforcement du secteur privé, une meilleure formation technique et professionnelle des jeunes en milieu défavorisé, le soutien à l’organisation des producteurs pauvres, la construction des centres de formation de base dans les zones défavorisées, l’appui au développement des coopératives d’habitat en faveur des pauvres et le renforcement des capacités des collectivités décentralisées dans la coordination des actions des intervenants locaux dans la lutte contre la pauvreté.

11.Le document de stratégie nationale de lutte contre la pauvreté donne, à titre indicatif, une idée des résultats attendus:

Indicateurs

Niveau 1996

Niveau 2002

Incidence de la pauvreté

71,6 %

60,0 %

Espérance de vie

58,6 ans

60 ans

Taux de mortalité infantile

123 pour 1 000

111 pour 1 000

Taux de couverture sanitaire géographique rayon 15 km

34,0 %

63 %

Insuffisance pondérale des enfants de moins de 3 ans

32,8 %

20,8 %

Taux d’alphabétisation des adultes

23 %

47 %

Taux brut de scolarisation

43,6 %

62 %

Population ayant accès à l’eau potable

48 %

70 %

Taux de croissance du PIB

4,3 %

5,1 %

Superficies aménagées par an

1 000 ha

6 000 ha

Taux de croissance démographique

2,2 %

2,1 %

Taux d’urbanisation

27,3 %

30,9 %

12.Notons enfin que l’élaboration et le suivi de la stratégie du développement humain durable et de la lutte contre la pauvreté s’effectuent à travers le Comité d’orientation, le Comité de suivi, le Secrétariat exécutif et l’Observatoire du développement humain durable et de la lutte contre la pauvreté institués par le décret no 273/PM‑RM du 7 octobre 1996.

II. CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL

13.Du 22 septembre 1960, date de son indépendance à nos jours, le Mali a connu trois régimes constitutionnels; ils sont brièvement résumés ci‑dessous.

14.Présidée par feu le Président Modibo Keita, la Première République s’orienta vers un régime socialiste qui instaura finalement un parti unique de fait. Cette situation perdura jusqu’à coup d’État militaire du 19 novembre 1968 qui vit un régime d’exception s’instaurer.

15.Le pays fut alors dirigé par une junte militaire présidée par Moussa Traoré qui interdit toute activité politique. L’adoption de la Constitution du 2 juin 1974, présentée par la junte comme le retour à une vie constitutionnelle normale, ne fut en réalité que la légalisation de l’état d’exception auquel le pays était soumis depuis novembre 1968. En effet, bien que la Constitution ait prévu les différentes institutions républicaines (Président de la République, Gouvernement, Assemblée nationale, Cour suprême, Haute Cour de justice, Conseil économique et social), elle n’en a pas moins institué un parti unique, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM) créée en 1979, niant du coup la liberté politique et se caractérisant par des vagues successives de répression contre toute revendication démocratique. Le 26 mars 1991, à la suite d’un soulèvement populaire qui occasionna de nombreuses pertes en vies humaines, le pouvoir de Moussa Traoré fut renversé, mettant ainsi fin à plusieurs années de régime de type monopartiste appuyé sur l’armée.

16.Le Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP) s’installa et adopta, le 31 mars 1991, l’acte fondamental no 1 dans lequel fut réaffirmée «la détermination du peuple à bâtir un État de droit et de démocratie pluraliste». De même, l’acte fondamental marque l’attachement du peuple malien aux droits de l’homme et du citoyen tels que définis par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. La Conférence nationale tenue de juillet à août 1991, forum de réconciliation nationale, a abouti à l’organisation d’un référendum constitutionnel.

17.La Constitution du 25 février 1992 (annexe no 1) adoptée à l’issue dudit référendum pose les fondements d’un État de droit, cadre d’expression des libertés caractérisé par l’ouverture démocratique, et institue un régime semi-présidentiel dont les institutions sont citées en son article 25: le Président de la République; le Gouvernement; l’Assemblée nationale; la Cour suprême; la Cour constitutionnelle; la Haute Cour de justice; le Haut Conseil des collectivités territoriales; le Conseil économique, social et culturel. Toutes ces institutions ont été mises en place. À l’issue d’élections régulières et transparentes, la Troisième République vit le jour le 8 juin 1992.

18.La Constitution consacre notamment la primauté du droit en posant sans ambiguïté le principe de la séparation des pouvoirs. Il s’agit là d’une évolution heureuse car une distinction nette est faite désormais entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Le pouvoir exécutif

19.Le Président de la République, Chef de l’État, et le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, forment un exécutif bicéphale. Élu pour cinq ans et rééligible une seule fois au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours, le Président de la République incarne l’unité nationale et veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il est le gardien de la Constitution et le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des traités et accords internationaux (art. 29). Responsable devant l’Assemblée nationale, le Gouvernement (art. 53 à 58) détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée et est dirigé par un Premier Ministre qui en coordonne l’action. Les membres de l’actuel gouvernement sont issus de différentes formations politiques et de la société civile.

Le pouvoir législatif

20.Aux termes de l’article 26 de la Constitution, «la souveraineté appartient au peuple tout entier qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum». L’Assemblée nationale représente le pouvoir législatif. Elle constitue l’unique chambre du Parlement malien et est aujourd’hui composée de 147 députés issus de partis politiques et élus pour cinq ans au suffrage universel direct. Il convient de noter que la loi électorale prévoit aussi les candidatures indépendantes.

21.La Constitution, traitant en son titre VI des rapports entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale, dispose que «la loi fixe les règles concernant … les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques…». Ainsi, dans son travail quotidien, l’Assemblée nationale doit veiller au respect des droits de l’homme dans les textes qui lui sont soumis avant leur adoption. Et il est important de souligner que les parlementaires maliens qui sont particulièrement attentifs aux questions des droits de l’homme ont, depuis juillet 1998, mis en place une Commission des droits de l’homme.

22.Par ailleurs, l’Assemblée nationale peut mettre en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure (art. 78). Et aux termes de l’article 79, «lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier Ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement».

Le pouvoir judiciaire

23.Contrairement aux Constitutions de 1960 et 1974 qui ne reconnaissaient qu’une autorité judiciaire, la Constitution du 25 février 1992 consacre l’existence d’un pouvoir judiciaire. En effet, soucieux de l’indépendance de la justice, gage de protection des droits des citoyens, le constituant reconnaît que «le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif». Exercé par la Cour suprême et les autres cours et tribunaux, le pouvoir judiciaire est «le gardien des libertés… Il veille au respect des droits et libertés… Il est chargé d’appliquer dans le domaine qui lui est propre les lois de la République» (art. 81). En citant la Cour suprême parmi les institutions de la République, la Constitution accorde une place de choix au pouvoir judiciaire (art. 81 et 82) et à ladite cour (art. 25, 37, 83 et 84).

24.Corollaire de l’indépendance du pouvoir judiciaire, le principe de l’inamovibilité des magistrats du siège est consacré par l’article 82. L’inamovibilité est le principe en vertu duquel le juge ne peut être ni révoqué, ni suspendu, ni mis à la retraite prématurément, ni déplacé d’office par le Gouvernement en dehors de certains cas et sous certaines conditions (sanctions disciplinaires et nécessités de service). En application de cette disposition constitutionnelle, l’ordonnance no 92‑043/P‑CTSP du 5 juin 1992 portant statut de la magistrature prévoit et organise les garanties et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le Conseil supérieur de la magistrature institué par l’article 82 de la Constitution et présidé par le Chef de l’État est seul habilité à décider des nominations et mutations des magistrats.

Autorités judiciaires, administratives et autres ayant compétence en matière de droits de l’homme

25.Selon l’article 85, alinéa 1er de la Constitution, «la Cour constitutionnelle est juge de la constitutionnalité des lois et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics». La Cour est obligatoirement saisie par le Premier Ministre pour les lois organiques avant leur promulgation. Le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée nationale ou un dixième des députés, le Président du Haut Conseil des collectivités ou un dixième des conseillers nationaux et le Président de la Cour suprême peuvent la saisir pour les autres catégories de lois avant leur promulgation. La troisième attribution de la Cour concerne le contrôle de «la régularité des élections présidentielles, législatives et des opérations de référendum dont elle proclame les résultats» (art. 86). En ces matières, elle est saisie par tout candidat, tout parti politique ou tout délégué du Gouvernement. C’est ainsi qu’elle annula, suivant l’arrêt CCL 97‑046 du 25 avril 1997, les résultats du premier tour des élections législatives du 13 avril 1997, motif pris des anomalies ayant émaillé le déroulement du scrutin.

26.En vertu des pouvoirs qui leur sont conférés, les cours et tribunaux veillent au respect des droits des citoyens. Il existe d’une part des juridictions de l’ordre administratif (tribunaux administratifs et Section administrative de la Cour suprême) qui connaissent des litiges opposant les citoyens à l’État ou à l’un de ses démembrements et d’autre part, des juridictions de l’ordre judiciaire (justices de paix à compétence étendue, tribunaux de première instance, cours d’appel, tribunaux du travail, de commerce et tribunaux pour enfants, section judiciaire de la Cour suprême). Par leurs jugements et arrêts, les cours et tribunaux font la preuve que l’État est un sujet de droit.

27.Autorité indépendante instituée par la loi no 97‑022 du 14 mars 1997, le Médiateur de la République reçoit les réclamations de toute personne physique ou morale concernant le fonctionnement des administrations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et de tout organisme investi d’une mission de service public dans leurs relations avec les administrés.

28.Organisme consultatif créé auprès du Premier Ministre par le décret no 96‑149/P‑RM du 15 mai 1996, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a pour mission «de promouvoir et vulgariser les droits de l’homme en République du Mali».

29.Tous les observateurs s’accordent à reconnaître que les ONG et associations comme l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) et la Coordination des associations et ONG féminines du Mali (CAFO) contribuent au processus actuel de démocratisation au Mali non seulement de par leurs activités de promotion et de défense des droits de l’homme, mais également à travers des propositions concrètes qu’elles font régulièrement aux pouvoirs publics dans le sens d’une plus grande prise en compte des droits de l’homme dans l’élaboration des textes de loi.

Deuxième partie

Cadre juridique des articles 2 à 7 de la Convention

I. DROITS CIVILS ET POLITIQUES

30.Il convient de rappeler que divers traités et accords portant sur les droits de l’homme ont été ratifiés par le Mali (annexe 2). Ces textes ont une valeur juridique certaine. Aux termes de l’article 116 de la Constitution, «les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord de son application par l’autre partie».

A. Article 2

Droit à l’égalité et à la non ‑discrimination

31.Aux termes de l’article 2 de la Constitution «tous les Maliens naissent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée».

32.Cette disposition constitutionnelle est confortée par le Code pénal (annexe 3) en son article 58 ainsi libellé:

«Tout propos, tout acte de nature à établir ou à faire naître une discrimination raciale ou ethnique, tout propos, tout acte ayant pour but de provoquer ou d’entretenir une propagation régionaliste, toute propagation de nouvelles tendant à porter atteinte à l’unité de la nation ou au crédit de l’État, toute manifestation contraire à la liberté de conscience et à la liberté de culte susceptible de dresser les citoyens les uns contre les autres, sera puni d’un emprisonnement de un à cinq ans et facultativement de cinq à dix ans d’interdiction de séjour.».

33.Le lecteur est prié de se reporter aux paragraphes 75 et 76 ci‑dessous concernant l’interdiction des partis religieux, régionalistes et ethniques.

34.Les dispositions ci‑dessus sont renforcées d’une part par les articles 9, 10 et 12 de la Constitution, qui offrent des garanties contre la torture, la persécution, les traitements inhumains et dégradants, les arrestations et détentions arbitraires, et d’autre part par les articles 29 à 32 et 242 du Code pénal relatifs aux crimes contre l’humanité, au génocide, aux crimes de guerre et à la traite. Preuve de cet engagement, un accord a été signé le 12 février 1999 entre l’Organisation des Nations Unies et le Gouvernement malien pour l’exécution en République du Mali des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

B. Article 3

Condamnation de la ségrégation raciale et de l’apartheid

35.La réprobation de la ségrégation raciale et de l’apartheid est une constante de la politique du Mali, lequel, soucieux du respect des droits de l’homme et des peuples, n’a jamais entretenu de relations avec un État dont le système de gouvernement est fondé sur la discrimination raciale.

C. Article 4

Condamnation de toute propagande raciale ou d’organisations qui la pratiquent

36.Conformément aux dispositions des articles 1er et 2 de la Convention (par. 5 à 7) et aux paragraphes 75 et 76 du présent rapport, l’article 179 du Code pénal réprime les comportements racistes à l’occasion des manifestations culturelles et sportives.

37.Il importe cependant de rappeler ici que le Mali compte 9 810 912 habitants et que les trois quarts de la superficie du pays (partie septentrionale) abritent moins de 10 % de la population totale. Celle‑ci compte 99 % de sédentaires et 1 % de nomades. Même si les nomades sont localisés dans toutes les régions, ils sont surtout concentrés dans les régions de Gao (32,4 %), Tombouctou (21,8 %), Mopti (11,8 %) et Kidal (9,8 %) qui regroupent 75,8 % de la population nomade totale (annexe 4). Les contacts rendus obligatoires par le partage d’un même territoire et la complémentarité des activités de l’élevage et de l’agriculture ont engendré des liens de tous genres (matrimoniaux, emprunts culturels, cousinage, etc.) aboutissant à un véritable brassage entre les peuples nomades et sédentaires, les premiers étant assimilés aux Blancs et les seconds aux Noirs. En 1985, la structure démographique des régions septentrionales (Gao, Tombouctou et Kidal) faisait ressortir 35 % de Songhoys, 30 % de Touaregs, 20 % de Peulhs, 10 % de Bambaras et Bozos, et 5 % de Maures. Ces ethnies et leurs diverses sous‑ethnies pratiquent plus d’une vingtaine de langues dont les plus usitées sont le songhoy (46 %), le tamacheq (33 %), le peulh (7,9 %), l’arabe/maure (3 %) et le bambara (2,7 %). Dans ces conditions, la notion de minorité ethnique est très relative et peut s’appliquer aussi bien à des groupes socioethniques blancs ou noirs qu’à des sédentaires ou à des nomades.

38.Malgré le brassage réussi entre les communautés du nord, le Mali connaîtra, de 1960 à 1994, deux rébellions touaregs. Celles‑ci ont conduit par moment à une remise en cause de l’unité nationale et s’expliquent par l’état de sous‑développement général du pays, aggravé au nord, il est vrai, par de longues années de sécheresse. Éminemment complexe, ce problème qui touche au cœur de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale, est souvent mal interprété à l’extérieur où il n’est perçu qu’à travers un prisme déformé comme une guerre entre Blancs et Noirs, entre musulmans et non‑musulmans, entre sédentaires et nomades. Il s’agit là bien évidemment d’une simplification hâtive dénotant une profonde méconnaissance des réalités maliennes, au point que certains esprits ont imprudemment parlé d’une tentative de génocide d’une communauté sur l’autre.

39.En tout état de cause, la paix est aujourd’hui revenue au nord du Mali sur la base du Pacte national signé le 11 avril 1992 à Bamako entre le Gouvernement de la République du Mali et le Bureau de coordination des mouvements et fronts unifiés de l’Azawad (annexe 5). Ledit pacte comporte sept titres dont les principaux se répartissent entre les principes directeurs (attachement à la Constitution du Mali notamment); l’arrêt définitif des hostilités et le règlement des questions découlant de la situation de conflit armé (intégration des combattants et des populations du nord dans les corps en uniforme de l’État et des administrations publiques, rapatriement des 100 000 réfugiés, etc.); le statut particulier du nord du Mali (décentralisation, création du Commissariat au nord chargé de la mise en œuvre du Pacte national, etc.); la concrétisation de la solidarité et de l’unité nationales, notamment par l’élaboration d’un programme spécial pour le nord. Le Pacte national a, pour l’essentiel, été exécuté à la satisfaction de toutes les parties prenantes à son élaboration et à sa mise en œuvre.

40.En témoignent la tenue régulière de rencontres intercommunautaires et la cérémonie de la «Flamme de la paix» organisée à Tombouctou le 27 mars 1996. Au cours de cette cérémonie consacrée à l’incinération des armes ayant servi à la rébellion, les responsables des mouvements et fronts unifiés de l’Azawad et ceux du mouvement Ganda Khoy d’autodéfense des populations sédentaires, reconnaissant le caractère indivisible du Mali, ont proclamé la dissolution de leurs organisations et se sont engagés à œuvrer de concert pour la consolidation de l’unité nationale et le développement économique et social du pays.

41.C’est du reste la raison pour laquelle il a été créé l’Autorité pour le développement intégré du Nord Mali (ADIN) en lieu et place du Commissariat au Nord. Structure relevant de l’autorité du Premier Ministre, l’ADIN a pour objet le parachèvement de la mise en œuvre du Pacte national et l’appui aux collectivités locales dans la programmation et la coordination des actions de développement dans les régions du nord.

Situation des groupes vulnérables

42.S’agissant de la situation des groupes vulnérables (femmes, enfants, personnes du troisième âge, handicapés), le Mali a souscrit aux instruments internationaux protégeant cette catégorie de personnes. Il s’agit notamment de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Charte africaine des droits et du bien‑être de l’enfant, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention no 100 de l’OIT concernant l’égalité de rémunération entre main‑d’œuvre pour un travail de valeur égale, la Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages.

43.Promotion de la femme. − Il a été créé un Commissariat à la promotion des femmes en 1993, lequel fut érigé en 1997 en Ministère chargé de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. Au nombre de 4 954 890, les femmes constituent 50,5 % de la population. Elles sont malgré tout considérées comme un groupe vulnérable car leur situation encore peu satisfaisante est la résultante de plusieurs facteurs parmi lesquels les pesanteurs socioculturelles. Il est cependant heureux de noter certaines avancées en matière d’implication des femmes dans la gestion des affaires publiques. À titre d’exemple, le Gouvernement et l’Assemblée nationale actuels comptent respectivement 6 femmes ministres (sur 21 membres) et 18 femmes (sur 147 députés). Quant aux femmes maires et ambassadeurs, elles sont respectivement au nombre de 12 et 3. L’on dénombre 89 femmes sur 666 conseillers municipaux dans les communes urbaines et 1 281 sur 8 134 dans les communes rurales. Le Gouvernement a, du reste, adopté un plan d’action pour la promotion des femmes (1996‑2000) et un plan de campagne nationale de lutte contre les violences faites aux femmes (à partir de 2000). Il a enfin créé un centre spécialisé de détention, de rééducation et de réinsertion pour femmes à Bollé.

44.Droits de l’enfant. − Les droits des enfants sont, quant à eux, consacrés par plusieurs textes au nombre desquels le Code pénal, le Code du mariage et de la tutelle, la loi no 00‑039 du 7 juillet 2000 instituant les pupilles du Mali, le Code de la parenté, le Code du travail, le Code de prévoyance sociale, le Code de la nationalité, et la loi portant sur la minorité pénale et institution de juridictions pour mineurs. Le Code pénal traite de la pédophilie et du trafic d’enfants, crimes punis de 5 à 20 ans de réclusion (art. 228 et 244). Sur le plan pratique, une politique d’aide sociale en faveur de l’enfant est mise en place. Des structures ont en effet été créées pour accueillir les enfants indigents, handicapés ou en situation difficile: on peut citer à cet égard l’Association malienne de lutte contre les déficiences mentales chez l’enfant (AMALDEME), les village d’enfants SOS, le centre de détention, de rééducation et de réinsertion pour mineurs de Bollé, le centre d’accueil et de placement familial «La Pouponnière».

45.Aussi, depuis quelques années, le Gouvernement, en collaboration avec des partenaires au développement, a élaboré un ambitieux plan d’action national pour la survie, le développement et la protection de l’enfant. Dans le cadre de la mise en œuvre de ce plan, le Mali a signé avec l’UNICEF un programme de coopération dénommé Mali‑UNICEF 1992‑2000. Le plan d’action national s’articule autour des axes suivants:

a)La survie de l’enfant qui couvre tous les secteurs s’occupant de la nutrition et de la santé de l’enfant à travers notamment les structures de référence (55 centres de santé de référence dans les cercles, 6 hôpitaux régionaux, 3 hôpitaux nationaux et des instituts spécialisés), la disponibilité des médicaments essentiels, le renforcement des effectifs des services de santé, de la protection sociale et du développement social, l’accessibilité géographique et financière aux soins de qualité (au 31 décembre 1999, 59 % de la population se trouvaient à moins de 15 km d’un centre de santé communautaire), la lutte contre la maladie;

b)Le développement de l’enfant dont l’objectif est l’élargissement de la base de la pyramide du système éducatif et l’amélioration de la qualité de l’enseignement: le taux brut de scolarité est passé de 32,8 % en 1992‑1993 à 57,8 % en 1998‑1999 tandis que celui des filles passait de 24,7 % à 45,9 % pendant la même période;

c)La protection de l’enfant par la mise en place d’un cadre institutionnel réglementaire et structurel adéquat conformément aux clauses de la Convention relative aux droits de l’enfant: création, réhabilitation et/ou rénovation de 39 institutions prenant en charge plus de 5 568 enfants ayant besoin de mesures spéciales de protection; dissémination de la Convention relative aux droits de l’enfant, etc. La ratification des Conventions de l’OIT nos 182 et 138 se rapportant respectivement aux pires formes de travail des enfants et à l’âge minimum au travail et l’adoption récente par le Gouvernement des projets d’instruments de ratification de deux protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant (Protocole concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et Protocole concernant la vente, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, adoptés le 25 mai 2000 par l’Assemblée générale des Nations Unies) se situent dans ce cadre.

46.Un parlement des enfants a été institué depuis 1996; le 16 juin de chaque année, à l’occasion de la commémoration de la Journée de l’enfant africain, des «enfants parlementaires» font un plaidoyer devant les membres du Gouvernement sur des problèmes relatifs à la protection des droits de l’enfant au Mali. Depuis 1999, une Cité des enfants a été créée avec pour objectif de contribuer au développement des enfants par les loisirs, les initiations à la technique et à la technologie et les activités socioculturelles et sportives.

47.Par ailleurs, la minorité pénale est fixée à 18 ans et des juridictions pour mineurs (juge des enfants, tribunal pour enfants, chambre spéciale des mineurs de la Cour d’appel, Cour d’assises des mineurs) ont été instituées (annexe 6). Notons également que l’article 20 de la loi sur la minorité pénale interdit la garde à vue pour les enfants de moins de 15 ans; pour ceux de plus de 15 ans, la détention − assortie de conditions − ne peut excéder 30 heures.

48.Le Code du travail fixe à 14 ans l’âge minimum pour l’accès à l’emploi. Un programme national de lutte contre le travail des enfants est mis en œuvre; ses activités concernent notamment l’amélioration de la situation des enfants dans les mines, dans les garages et divers ateliers du district de Bamako, et la recherche sur les effets du travail agricole sur la santé des enfants travailleurs ruraux et les mesures pertinentes. Parallèlement à ce programme, un accord de partenariat «Carton rouge au travail des enfants» a été signé le 3 septembre 2001 entre le Comité d’organisation de la coupe d’Afrique des nations (COCAN) et l’Organisation internationale du Travail (OIT) représentée par l’IPEC/Mali (Programme international de lutte contre le travail des enfants). Destiné à sensibiliser l’opinion publique africaine sur le problème et les effets néfastes du travail des enfants à l’occasion de la coupe d’Afrique des nations prévue de janvier à février 2002, cet accord est, entre autres, la preuve que le Gouvernement malien et ses partenaires sociaux ont conscience du danger que constitue l’exploitation abusive des enfants.

49.Les talibé (élèves d’école coranique) et les garibou (mendiants) méritent ici une attention particulière. Si le système d’école coranique, donc de talibé est antérieur à l’empire théocratique peulh du Macina, force est cependant de reconnaître que l’avènement et le développement de la Dina de Sékou Amadou (1818‑1862) ont engendré le garibouya, c’est‑à‑dire le fait d’être garibou. La nécessité de pourvoir aux besoins de nourriture des élèves s’étant posée suite à la multiplication des écoles coraniques, il a été demandé aux différentes familles de servir un plat à la mosquée pour assurer la pitance des talibé. Il s’agissait là d’une aide apportée aux marabouts chargés de l’enseignement coranique, étant entendu que, responsables de l’éducation de leurs enfants, les parents devaient faire face aux frais y afférents. Mais cette pratique conforme à l’esprit de l’islam a été dévoyée: en effet, constatant que les parents s’acquittent de moins en moins de leur obligation d’assistance, des marabouts font travailler les élèves qui leur sont confiés.

50.C’est ainsi qu’il ressort d’une étude réalisée par l’ONG Save the Children UK sur la problématique du phénomène garibou dans la région de Mopti que «les droits des enfants se trouvent dans une situation déplorable en ce qui concerne les garibou. Cette situation est d’autant imputable aux contraintes matérielles liées à l’activité des élèves coraniques (problèmes de nourriture, d’hébergement, d’habillement, de soins de santé, de manque de classe, de matériels didactiques) qu’aux limites de la fonction éducative de l’école coranique. Cette situation se traduit chez l’enfant garibou par des attitudes de résignation douloureuse..., d’acceptation compréhensive … ou de révolte qui se traduit par la fugue … ou par l’abandon de l’école après un ou deux ans d’études». Pour éradiquer le phénomène des enfants garibou, diverses mesures allant de la création d’activités génératrices de revenus (pour ceux des enfants ayant l’âge de travailler) à l’interdiction pure et simple de la pratique, sont, avec l’appui des partenaires au développement, envisagées par le Gouvernement en partenariat avec les ONG et associations de défenses des droits des enfants.

51.En ce qui concerne le trafic des enfants, le Code pénal réprime l’enlèvement, la traite, la mise en gage et la mise en servitude des enfants (art. 241 à 244). Face à l’acuité de la question, la Commission nationale de réflexion sur le phénomène de l’adoption internationale et de lutte contre le trafic d’enfants mise en place suivant le décret no 248/PM‑RM du 12 août 1998, a fait d’importantes recommandations au Gouvernement (annexe 7). Un plan d’action national d’urgence de lutte contre le trafic des enfants à des fins d’exploitation par le travail (2000‑2001) est en cours d’exécution. Un accord de coopération a été signé, le 1er septembre 2000, pour les besoins de la cause avec la République de Côte d’Ivoire: cet accord, qui est le premier du genre en Afrique, fixe les modalités de rapatriement et d’insertion des enfants victimes de trafic; il a déjà permis le rapatriement au Mali de 500 enfants pour la période 1999‑2000.

52.Les personnes âgées et les handicapés. − Quant aux personnes âgées, des mesures ont été prises en leur faveur par le Gouvernement. Il s’agit notamment des facilités de soins qui leur ont été accordées et de la construction d’un centre de géronto‑gériatrie. De même, dans le cadre de la recherche de solutions au problème de l’accès à l’emploi des personnes handicapées, il a été procédé, en avril 1997, au recrutement de 26 jeunes handicapés diplômés.

53.Saluons le rôle important que jouent la société civile en général, les ONG et les associations féminines en particulier dans la promotion quotidienne des droits de la femme et de l’enfant.

54.Signalons enfin que sur initiative de la Coordination des associations et ONG féminines (CAFO), un véritable débat national sur la réforme du droit de la famille est en cours, sous l’égide du Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille.

D. Article 5

Droit à l’égalité devant la loi

55.Toutes les personnes résidant dans le pays, qu’elles soient maliennes ou étrangères, sont, sauf dispositions légales contraires, égales devant la loi et ont droit, sans distinction aucune, à une égale protection de la loi. Le droit de saisir la justice leur est aussi garanti. Nul ne peut être privé du droit d’agir en justice si ce n’est conformément aux règles et procédures légales telles celles relatives d’une part à la manière dont sont reçues les dépositions du Chef de l’État, du Chef du Gouvernement et des représentants des puissances étrangères (art. 604 à 608 du Code de procédure pénale) et, d’autre part, aux poursuites contre les membres du Gouvernement, les magistrats, les parlementaires et certaines fonctionnaires (art. 613 à 625 du même Code, et art. 75 du Code pénal). Les quelques aménagements sous la forme de privilège de juridiction en faveur de ces catégories de responsables ne se justifient autrement que par la délicatesse de leurs charges respectives. La loi no 01‑082 du 24 août 2001 garantit par ailleurs le bénéfice de l’assistance judiciaire à toute personne indigente et ce, en toute matière (annexe 6). La commission d’office d’avocat, qui n’était d’application qu’en matière d’assistance judiciaire des mineurs et de jugement des cours d’assises, a été étendue à toute matière en phase d’instruction préparatoire.

56.Toute personne qui s’estime lésée par une mesure prise au nom de l’État ou de l’un de ses démembrements peut contester celle‑ci devant les tribunaux de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif. En définitive, l’État ne bénéficie d’aucune immunité pour les cas d’atteinte aux droits de l’homme.

57.Pour la situation spécifique des femmes et des enfants, le lecteur est prié de se référer aux paragraphes 42 à 54 ci‑dessus.

58.Environ 4 millions de Maliens vivent à l’extérieur du pays. Cet important contingent de Maliens de l’extérieur s’explique non par des raisons politiques, mais bien plutôt par des motifs d’ordre économique et une forte tradition de voyage et de conquête. Sa répartition était la suivante en 1990 selon le recensement fait par le Ministère des affaires étrangères et des Maliens de l’extérieur:

Zones géographiques

Effectifs

%

Afrique

3 631 385

96,5

Europe

102 000

2,7

Amérique

1 705

0,1

Asie

26 550

0,7

Total

3 761 640

100,00

59.Il n’existe cependant pas de réfugiés maliens à l’extérieur depuis la mise en œuvre du Pacte national. Il faut par ailleurs noter avec force que le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR), constatant la fin de sa mission au Mali, a ouvert en 1999 un centre de transit pour réfugiés dans la commune rurale de Faragaran (sud du pays). Construit sur fonds propres du HCR, le centre héberge des réfugiés de différentes nationalités (Libériens, Sierra‑Léonais, Angolais, Congolais, etc.), lesquels vivent en bonne intelligence avec la population locale. Sa gestion est assurée de façon tripartite par le HCR, la Croix‑Rouge malienne et la Commission nationale chargée des réfugiés. À la date du 1er octobre 2001, l’on recensait 3 671 réfugiés dont 76 résidaient encore au centre de transit de Faragaran.

Le droit à la vie, à la sûreté et à la sécurité de la personne

60.La Constitution du 25 février 1992 et le Code de procédure pénale consacrent la sûreté et la sécurité personnelle à travers plusieurs dispositions.

61.Sûreté. − Aux termes de l’article 1er du titre premier relatif aux droits de l’homme, «la personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne». Aussi, les articles 2, 3, 4, 5, 9, 10 et 12 offrent‑ils des garanties contre les arrestations et détentions arbitraires, les actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

62.La peine de mort est reconnue par la loi (art. 4 du Code pénal), mais son exécution sera suspendue jusqu’à la délivrance pour la femme enceinte et après le sevrage de l’enfant pour la femme qui allaite (art. 11 du Code de procédure pénale). Il faut cependant relever que depuis 1979, il n’a plus été procédé à aucune exécution capitale au Mali. Sous la Troisième République, les condamnations à mort ont été commuées en peine de réclusion à perpétuité ou à temps par le Chef de l’État en vertu du droit de grâce qu’il tient de l’article 45 de la Constitution.

63.La présomption d’innocence et le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par l’avocat de son choix depuis l’enquête préliminaire, sont garantis (art. 9 de la Constitution). Par ailleurs, le nouveau Code de procédure pénale qui institue la détention provisoire en lieu et place de la détention préventive, prévoit qu’en matière de délit la durée du mandat de dépôt est de six mois renouvelables une seule fois par ordonnance motivée du juge d’instruction. Pour les crimes, la durée dudit mandat est d’un an renouvelable au maximum deux fois.

64.Sécurité de la personne. − «Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants» (art. 3, al. 1 de la Constitution). Par ailleurs, «toute personne faisant l’objet d’une mesure privative de liberté a le droit de se faire examiner par un médecin de son choix» (art. 10, al. 1 de la Constitution).

65.Les dispositions constitutionnelles ci‑dessus trouvent leur fondement dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 24 juin 1981 ratifiée par le Mali (ordonnance no 8 du 29 octobre 1981) et la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ratifiée en 1995.

66.Elles sont du reste reprises dans le Code pénal qui définit la torture comme «tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne…»; le Code punit la torture d’un emprisonnement de un à cinq ans, d’une peine de réclusion de cinq à dix ans (si les violences ont été suivies de mutilation, amputation, etc.) ou de la peine de mort s’il en est résulté la mort (art. 209). Il en résulte que toute personne arrêtée ou détenue doit être traitée de façon à préserver sa dignité et à garantir son intégrité physique et morale.

67.En matière correctionnelle ou criminelle, le juge d’instruction peut mettre l’inculpé en détention provisoire suivant l’ordonnance motivée ou le placer sous contrôle judiciaire; dans ce dernier cas, l’ordonnance n’a pas besoin d’être motivée et elle est insusceptible d’appel (art. 122 à 147 du Code de procédure pénale).

68.En toute matière et à tout moment de la procédure, la mise en liberté assortie ou non de contrôle judiciaire peut être ordonnée par le juge d’instruction soit sur demande de l’inculpé ou de son conseil, soit sur réquisitions du ministère public, soit d’office (art. 148 à 158).

69.Il convient d’ajouter que la loi portant régime pénitentiaire fait obligation au personnel pénitentiaire de traiter les personnes privées de liberté avec humanité et dans le respect de leurs droits fondamentaux. C’est pourquoi le Ministère de la justice a entrepris un vaste programme de refonte du système pénitentiaire se traduisant par l’humanisation des prisons. Réinsertion et réhabilitation, tels sont les grands axes de la nouvelle politique pénitentiaire. Dans le cadre de la mise en œuvre de ladite politique, il a été créé un corps spécialisé de surveillants de prisons plus aptes à mettre en œuvre l’objectif d’humanisation des maisons d’arrêt. Prévenus et condamnés sont séparés dans le système carcéral malien. Il en est de même pour les adultes et les mineurs, étant entendu qu’un centre spécialisé de détention, de rééducation et de réinsertion a été construit pour les derniers.

70.Le Code pénal sanctionne en son article 71 les agents de l’administration pénitentiaire qui se rendraient coupables de détention arbitraire (six mois à deux ans d’emprisonnement et amende de 20 000 à 240 000 francs) et tous ceux qui, sans ordre des autorités publiques et hors les cas où la loi ordonne de saisir les prévenus, auront arrêté, détenu et séquestré une personne quelconque (art. 237).

71.Quant au Code de procédure pénale (annexe 8), il dispose que la police judiciaire, chargée de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, est exercée, sous la direction du Procureur de la République, la surveillance du Procureur général et le contrôle de la Chambre d’accusation, par les officiers, fonctionnaires et agents habilités à cet effet (art. 31).

72.Pour les nécessités de l’enquête, le Code autorise en son article 76 l’officier de police judiciaire à garder à sa disposition toute personne, exception faite des mineurs, pendant 48 heures. Ce délai de garde à vue peut être prolongé de 24 heures sur autorisation écrite du Procureur de la République. En tout état de cause, toute personne suspectée, poursuivie ou inculpée est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie; elle a le droit d’être informée des charges retenues contre elle et d’être assistée d’un conseil.

73.Signalons que le Ministre de la justice, Garde des sceaux, a expressément instruit aux procureurs généraux, procureurs de la République et juges de paix «de procéder de façon systématique à un contrôle rigoureux des services de police, de gendarmerie et des prisons afin de mettre un terme sans délai à toutes formes d’atteinte aux droits de l’homme».

74.Notons enfin que les dispositions du Code de procédure pénale (annexe 8) relatives aux droits de la défense (art. 103 à 108, 110, 112, 128, 135 et 136) doivent être observées sous peine de nullité tant de l’acte lui‑même que de la procédure ultérieure.

Le droit de vote

75.L’article 50 de la loi no 00‑45 du 7 juillet 2000 portant charte des partis détermine en son article 43 les limites à l’action des partis politiques auxquels il est fait expressément interdiction de:

a)Porter atteinte à la sécurité, à l’ordre public, aux droits et aux libertés individuels et collectifs;

b)Mettre sur pied des organisations à caractère militaire ou paramilitaire;

c)Se constituer et s’organiser sur une base ethnique, religieuse, linguistique, régionaliste, sexiste ou professionnelle.

La dernière interdiction s’analyse moins comme une atteinte aux aspirations légitimes des divers groupes ethniques à maintenir leurs identités propres qu’un rappel de la détermination du peuple malien à consolider l’unité nationale sans toutefois remettre en cause la diversité culturelle et linguistique de la communauté nationale.

76.Partis politiques et associations en ont du reste conscience. En témoignent l’organisation de la semaine nationale des arts et de la culture, le renouveau des associations culturelles (peulh, dogon, bobo…) et des cadres de concertation dédiés au développement des différentes localités et régions du pays.

77.République indépendante, souveraine, indivisible, démocratique, laïque et sociale, le Mali a pour principe le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Ainsi l’article 26 de la Constitution dispose que «la souveraineté nationale appartient au peuple tout entier qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice». L’article 27 détermine le caractère universel, égal et secret du vote, tandis que l’article 28 insiste sur le rôle des partis politiques qui concourent à l’expression du suffrage dans le respect de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité du territoire, de l’unité nationale et de la laïcité de l’État.

78.Le Mali s’est doté d’une loi électorale (annexe 9) adoptée de façon consensuelle par l’ensemble de la classe politique, majorité et opposition confondues. Les conditions requises pour être électeur tiennent essentiellement à la nationalité, à l’âge (18 ans révolus), à la jouissance des droits civiques et politiques et à la résidence. Pour devenir membre de l’Assemblée nationale, d’un conseil communal ou de cercle ou de l’Assemblée régionale, les mêmes conditions prévalent. Quant au candidat à la présidence de la République, il doit en plus de la condition de résidence, être de nationalité malienne d’origine, avoir 35 ans révolus; il doit en outre jouir de ses droits civiques et politiques. Aucune condition de race, de couleur ou de religion n’est exigée pour prétendre à un poste électif ou à une fonction publique.

79.La loi électorale pose par ailleurs un certain nombre de règles qui sont étudiées ci‑dessous.

80.L’égalité entre les partis politiques dans les compétitions électorales. − Les candidats, les partis politiques et les groupements de partis politiques peuvent utiliser pour leur campagne les médias d’État (radio, télévision, presse écrite). Le Comité d’égal accès aux médias d’État veille à l’accès égal aux médias d’État des candidats, des partis politiques et des groupements de partis politiques en lice.

81.La transparence des procédures électorales. − La loi électorale prévoit un certain nombre de dispositions dont la mise en œuvre permet d’assurer la transparence des procédures électorales. Il s’agit notamment de la création de la Commission électorale nationale indépendante (structure indépendante chargée à travers ses relais régionaux et locaux de la supervision des opérations électorales et référendaires), de la Délégation générale aux élections (dont la mission est la gestion du fichier électoral et de l’aide publique aux partis) et d’un comité interministériel chargé de la préparation et de l’organisation des opérations électorales.

82.Il est aussi prévu la révision annuelle des listes électorales par les commissions administratives, le contrôle des opérations de vote par les représentants des différents candidats et partis, des sanctions en cas de fraude et des voies de recours en cas de contestation de la régularité des opérations.

83.Malgré ces garde‑fous, les différentes consultations électorales de 1997 ont été émaillées d’incidents. Ont notamment été enregistrés de nombreux cas de fraudes dus à la mauvaise organisation et à l’imperfection des listes électorales. Toutes choses qui ont conduit la Cour constitutionnelle à annuler, dans un arrêt no CCL‑97‑046 du 25 avril 1997, les résultats du premier tour des élections législatives du 13 avril 1997 sur l’ensemble du territoire national (annexe 10). Cette décision courageuse et unique dans l’histoire du Mali a été saluée par la classe politique et l’opinion nationale.

84.Suite à ce constat d’échec, les listes électorales ont été reprises. Mais malgré la régularisation de la situation par les cours et tribunaux, certains partis regroupés au sein du collectif des partis politiques de l’opposition ont lancé un mot d’ordre de boycott à l’occasion des élections présidentielles et législatives. Ce boycott a donné lieu à des manifestations politiques violentes ayant conduit d’une part à des morts d’hommes et, d’autre part, à l’arrestation et à la condamnation de nombreux militants de l’opposition, lesquels ont, au nom de l’apaisement du climat politique, bénéficié d’une mesure de grâce présidentielle. C’est précisément à cause de ces scènes de violence que des leaders de partis d’opposition ont été arrêtés, inculpés et mis en liberté provisoire par des magistrats agissant en toute indépendance.

85.La plupart des partis politiques ont cependant pris activement part aux élections communales de 1998 et 1999 qui ont vu l’émergence de 684 nouvelles communes en plus des 19 déjà existantes conformément à l’article 98 de la Constitution aux termes duquel «les collectivités s’administrent librement par des conseils élus dans les conditions fixées par la loi». Pour les besoins de développement desdites collectivités, il a été créé l’Agence nationale d’investissement des collectivités territoriales (ANICT) chargée de la mobilisation des ressources intérieures et extérieures destinées au financement des programmes de développement.

86.Les partis politiques se forment et exercent librement leurs activités. Dans la pratique, l’exercice de cette liberté ne rencontre pas d’obstacle. Pour preuve, l’on dénombre à ce jour plus d’une soixantaine de partis politiques légalement reconnus. Leur activité est régie par la charte des partis politiques et la loi portant statut de l’opposition (annexe 11).

La liberté de la presse et la liberté d’expression

87.Ces libertés sont garanties par les articles 7 et 4 de la Constitution. Elles sont étudiées plus avant dans les paragraphes suivants.

88.Liberté de la presse. − La loi portant régime de la presse et délits de presse détermine le cadre juridique de la liberté de presse au Mali. L’on dénombre aujourd’hui à côté de la presse publique environ une trentaine de journaux indépendants et une centaine de stations radio FM libres. La liberté de la presse est également reconnue aux partis en vertu des dispositions de l’article 36 de la loi no 00‑45 du 7 juillet 2000 portant charte des partis politiques qui dispose que «les partis exercent librement leurs activités de presse».

89.Au plan national, l’espace de la communication a une instance de régulation: le Conseil supérieur de la communication qui est «consulté avant l’adoption de toute mesure réglementaire portant sur l’organisation des activités de communication écrite et audiovisuelle». Le Conseil statue en outre sur l’attribution et le retrait des fréquences aux stations de radiodiffusion et adresse un rapport annuel au Gouvernement sur la situation du paysage médiatique national.

90.La presse dans son ensemble connaît quelques difficultés liées notamment à l’absence de ressources et de formation professionnelle. Et c’est conscient de ces insuffisances que le Gouvernement a, depuis 1994, mis en place un fonds d’aide à la presse géré par la corporation elle‑même. Aussi l’avènement d’un observatoire de la presse qui vient d’être enregistré récemment est sans nul doute d’une grande portée pédagogique pour l’avenir.

91.Toute personne qui s’estime lésée par un article de presse a le droit soit de saisir l’organe de presse d’un droit de réponse, soit d’assigner ledit organe – à travers son directeur de publication et l’auteur de l’article incriminé – en justice. Le cas le plus récent remonte à avril 2001 et a opposé le Syndicat autonome de la magistrature au Directeur général de l’Office de radiodiffusion et télévision du Mali et au Maire central du district de Bamako.

92.Un seul cas d’atteinte à la liberté de la presse a été relevé depuis l’avènement de la Troisième République. En effet, en 1997, des journalistes ont subi des sévices au cours d’une opération de police au lendemain du lynchage d’un policier. Cette action a aussitôt été vigoureusement condamnée par le Gouvernement et le syndicat de la police nationale, lesquels ont du reste présenté leurs excuses à la presse.

93.Liberté d’expression. − La Constitution pose en son article 4 le principe de la liberté d’opinion et d’expression. L’Espace d’interpellation démocratique (EID) est la meilleure illustration de l’exercice effectif de cette liberté (annexe 12). En effet, le Mali est le seul pays de la sous‑région ouest africaine, voire du continent africain, à avoir imaginé, depuis 1994, un tel forum de communication démocratique. Le quarante‑sixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme a été l’occasion pour le Gouvernement d’organiser, sur initiative propre, un forum au cours duquel un échantillon suffisamment représentatif de la société malienne peut, en direct sur les ondes de la radio et de la télévision nationales, interpeller publiquement les ministres sur tous les sujets intéressant la vie de la nation, en particulier les questions relatives aux droits de l’homme. L’EID a pour objectif, entre autres, d’informer en toute transparence l’opinion nationale et internationale sur la situation des droits humains au Mali, par rapport aux actions entreprises ou envisagées et aux griefs éventuels suscités par celles‑ci. Il a été institutionnalisé suivant le décret no 159/P‑RM du 31 mai 1996.

94.À l’issue de l’édition de l’EID qui se tient le 10 décembre de chaque année, un jury d’honneur, composé de personnalités nationales et étrangères, fait des recommandations au Gouvernement dans la perspective d’une protection toujours plus grande des droits de l’homme. La mise en œuvre desdites recommandations fait l’objet d’une évaluation par le jury d’honneur avant la prochaine édition.

La liberté d’association, de réunion et de manifestation

95.Elle est consacrée par l’article 5 de la Constitution: «L’État reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi … la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation».

96.Liberté d’association. − La liberté d’association est une réalité au Mali. L’obtention d’un récépissé n’est soumise qu’à deux conditions essentielles: la licéité des objectifs et le caractère non ethnique ou régionaliste de l’association. L’on dénombre aujourd’hui environ 12 000 associations déclarées au Ministère chargé de l’administration territoriale.

97.Liberté de réunion et de manifestation. − Les droits à la liberté de réunion, de cortège et de manifestation sont également effectifs au Mali. Ils restent régis à titre principal par l’ordonnance no 36/PCG du 28 mars 1959 et, à titre secondaire, par la charte des partis. L’ordonnance no 36/PCG pose en son article 6, alinéas 1 et 2, le principe de la déclaration préalable à l’autorité administrative (maire, préfet et sous‑préfet) par les organisateurs de la manifestation sur la voie publique (cortège, marche, rassemblement de personnes). Cette déclaration signée de trois organisateurs de la manifestation doit être faite 24 heures franches au moins et 8 jours au plus avant la date du rassemblement.

98.Les limites posées à la liberté de manifestation tiennent essentiellement à un souci de préservation de l’ordre public. En effet, le maire, les représentants de l’État (préfet, sous‑préfet, haut‑commissaire) et en dernier ressort le Ministre chargé de l’administration territoriale, peuvent interdire la manifestation lorsque celle‑ci est de nature à troubler l’ordre public. La décision d’interdiction est immédiatement notifiée aux organisateurs. Aussi, l’autorité administrative a‑t‑elle le pouvoir de mettre fin à tout cortège, défilé ou rassemblement sur la voie publique et dans les lieux publics si le maintien de l’ordre public l’exige. Elle peut, après sommation, intervenir pour disperser et interdire toute manifestation qui dégénère. Les sommations ne sont cependant pas requises «si des violences ou des voies de fait sont exercées contre les forces de l’ordre ou si ces dernières ne peuvent défendre valablement le terrain occupé par elles ou les postes dont elles sont chargées».

99.Il faut noter que, courant 1997, des dérapages ont été enregistrés à l’occasion de certaines manifestations qui se sont, du reste, soldées par des arrestations et des blessés tant parmi les manifestants que parmi les forces de l’ordre.

La liberté de pensée, de conscience et de religion

100.Elle est un droit aux termes de l’article 4 de la Constitution. Plusieurs races et religions coexistent pacifiquement au Mali qui est une république laïque. La religion musulmane est la plus pratiquée, suivie par le christianisme et l’animisme. Tous s’exercent librement et se manifestent à travers divers rites et cérémonies, enseignements et cultes. Cette situation harmonieuse s’explique pour l’essentiel par le fait que les adeptes des différentes religions et croyances ont très tôt compris que les droits civiques ont pour base la citoyenneté et non la race ou la religion. C’est pourquoi aucune mention de la religion ou de la race n’est portée sur les actes de naissance, les documents d’identité et de voyage des ressortissants maliens.

101.Par ailleurs, le Code pénal réprime en son article 58 les actes constitutifs d’atteinte à la liberté de pensée, de conscience et de religion: «Toute manifestation contraire à la liberté de conscience et à la liberté de culte susceptible de dresser les citoyens les uns contre les autres sera punie d’un emprisonnement de un à cinq ans et facultativement de cinq à dix ans d’interdiction de séjour.».

102.Il convient d’ajouter qu’en plus des droits ci‑dessus développés, la Constitution reconnaît et garantit, au titre des droits civils et politiques, la liberté d’aller et de venir et le libre choix de la résidence (art. 5), l’inviolabilité de la vie privée et du secret de la correspondance (art. 6), la liberté de création artistique et culturelle (art. 8) et le droit de propriété (art. 13). Toute violation de ces dispositions est sanctionnée par le Code pénal qui prive notamment (art. 65) l’agent public coupable d’arbitraire ou d’atteinte à la liberté individuelle et aux droits civiques desdits droits.

II. DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

103.Divers traités et accords se rapportant aux droits économiques, sociaux et culturels ont été ratifiés par le Mali (annexe 2).

Le droit au travail

104.L’article 19 de la Constitution stipule ce qui suit:

«Le droit au travail est reconnu et est égal pour tous. Le travail est un devoir pour tout citoyen mais nul ne peut être contraint à un travail déterminé que dans le cas de l’accomplissement d’un service exceptionnel d’intérêt général, égal pour tous dans les conditions déterminées par la loi.»

Cette disposition constitutionnelle, conforme à l’esprit des Conventions de l’OIT no 29 sur le travail forcé et no 105 sur l’abolition du travail forcé, trouve son prolongement dans le Code du travail ou les conventions collectives pour le secteur privé, le statut général des fonctionnaires et divers statuts particuliers ou autonomes pour les agents du secteur public.

105.Dans le cadre du respect d’un droit au travail dénué de toute discrimination, le Gouvernement a pris des mesures concrètes en vue de garantir l’égal accès à l’emploi à toutes les couches sociales, en particulier aux catégories les plus défavorisées. C’est ainsi qu’à l’occasion d’un recrutement dans la fonction publique au mois d’avril 1997, il a été recruté dans des conditions de faveur 26 handicapés diplômés. Parallèlement, le Département chargé de la fonction publique a mis en place un mécanisme approprié de collecte de données spécifiques sur les personnes handicapées diplômées et d’information des employeurs du secteur privé sur les capacités et aptitudes professionnelles de cette catégorie de travailleurs.

106.Par ailleurs, pour faciliter la résolution des problèmes posés aux travailleurs admis au programme de départ volontaire à la retraite, le Gouvernement a mis à la disposition de l’Association des travailleurs partants volontaires à la retraite (ATVR) un fonds d’un montant de 500 millions de francs CFA destiné à garantir les prêts contractés par les partants auprès des institutions bancaires dans le cadre du financement de leurs projets.

107.Au plan législatif, il convient de signaler que dans le cadre de la protection des travailleurs contre l’arbitraire patronal, un nouveau Code du travail a vu le jour en 1992. Ce code et les divers statuts qui lui sont associés incorporent les principes d’équité, de non‑discrimination, d’égalité de salaire pour un travail égal et de rémunération équitable et satisfaisante contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et les différentes conventions de l’Organisation internationale du Travail ratifiées par le Mali.

108.Le Code conforte en outre la couverture normative des travailleurs à travers notamment l’interdiction des licenciements arbitraires, le droit aux congés, le renforcement du dialogue social, la gratuité de la procédure en matière sociale et le droit à la sécurité sociale.

109.Cette protection du travailleur est du reste renforcée par le Code pénal dont les articles 132 et 133 répriment toute atteinte à la liberté de l’embauche et du travail de même que le travail forcé.

Le droit syndical et le droit de grève

110.L’article 20 de la Constitution consacre la liberté syndicale: «La liberté syndicale est garantie. Les syndicats exercent leurs activités sans contrainte et sans limite autres que celles prévues par la loi.». Les mêmes garanties se retrouvent à l’article 21 en ce qui concerne le droit de grève.

111.Diverses dispositions du Code du travail tendent à protéger la liberté syndicale. À titre d’exemple, l’article 306 «interdit à tout employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne l’embauche, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l’avancement, la rémunération et l’octroi d’avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement». Pour les services publics, l’exercice du droit de grève est régi par la loi no 87‑47/AN‑RM du 10 août 1987.

112.En ce qui concerne la situation de l’emploi, il convient de signaler que le taux brut d’activité, c’est‑à‑dire la proportion des personnes de 16 ans et plus ayant travaillé ou en quête d’un emploi dans la population totale, s’élève à 41,4 %; ce taux est de 54,9 % chez les hommes contre 28,2 % chez les femmes.

113.La population active se répartit entre actifs occupés et actifs inoccupés (chômeurs). En 1998, le Mali comptait 4 060 639 actifs, dont 4 032 973 occupés et 27 666 chômeurs, d’où un taux d’occupation de 99,3 % et un taux de chômage de 0,7 %. Le chômage touche plus les hommes (0,8 %) que les femmes (0,5 %), lesquelles représentent 69,4 % des inactifs. La création, entre autres, de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), du Fonds d’appui à la formation professionnelle et à l’apprentissage (FAFPA) et des Unités de formation et d’appui aux entreprises (UFAE), participe de la volonté affirmée du Gouvernement de lutter efficacement contre le chômage en général, celui des jeunes en particulier.

114.L’activité du pays est largement dominée par le secteur primaire (83,4 % de la population active). À côté d’un secteur secondaire naissant (4,1 %) apparaît un secteur tertiaire relativement important (12,5 %). Les indépendants représentent la majorité de la population active occupée (47,8 %). Viennent ensuite les aides familiales non rémunérées (45,8 %). On relève que les femmes sont beaucoup plus utilisées comme aides familiales non rémunérées (62,8 %). Les hommes sont par contre en majorité des indépendants (55,8 %). En outre, parmi les salariés, on trouve plus d’hommes que de femmes; en effet, les hommes salariés représentent 75,6 % de l’ensemble des salariés (annexe 4).

115.Égaux pour tous, le droit au travail, le droit syndical et le droit de grève s’exercent en dehors de toute discrimination raciale. Les syndicats ont, suite à la grève générale qui a conduit à la chute de la Deuxième République le 26 mars 1991, joué un rôle très important dans l’avènement de la démocratie au Mali. L’on compte aujourd’hui 12 syndicats nationaux rattachés à l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) à côté de laquelle existent la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM) et une multitude de syndicats autonomes tels ceux de la magistrature, de l’éducation nationale ou de l’administration territoriale.

Le droit au logement

116.Le droit au logement est reconnu par l’article 17 de la Constitution. C’est dans cette dynamique que fut adoptée, en 1995, la Stratégie nationale du logement dont la mise en œuvre a essentiellement abouti à d’importantes mesures institutionnelles au nombre desquelles la création de la Banque de l’habitat du Mali et de l’Office malien de l’habitat. Ces deux outils permettent déjà à un nombre de plus en plus important de promoteurs immobiliers de contribuer à la satisfaction des immenses besoins en logements. Et pour réduire les coûts de construction aujourd’hui exorbitants, la Stratégie nationale du logement met l’accent sur la vulgarisation des matériaux locaux de construction de même que sur la promotion de types d’organisation mieux adaptés aux conditions socioéconomiques de la grande majorité des citoyens, par exemple sous la forme de coopératives de logement.

117.Il apparaît que la quasi‑totalité des ménages maliens (95,3 %) vit dans des logements fixes. Par rapport au mode d’occupation du logement, on relève que 62,4 % des ménages sont propriétaires, parmi lesquels 2,4 % disposent d’un titre foncier. La location‑vente est un mode d’occupation qui concerne moins de 1 % des ménages.

118.Trois quarts des ménages vivent dans des concessions et 17 % dans des constructions isolées. Une proportion négligeable (0,9 %) vit dans des villas modernes. Plus de quatre ménages sur cinq s’éclairent au pétrole, tandis que 5,9 % seulement des ménages disposent de l’électricité (annexe 4).

119.Au total, le droit au logement dont la finalité est l’accessibilité à un logement décent en toute propriété ou en locatif simple, ne s’apprécie pas en l’obligation pour l’État de donner une maison à tous, mais plutôt à créer les conditions pour éviter toute discrimination quant à l’accès au logement. Et cela est une réalité au Mali même si, à l’analyse des chiffres ci‑dessus, de gros efforts restent à faire.

Le droit à la santé, aux soins médicaux, à la sécurité sociale et aux services sociaux

120.L’article 17 de la Constitution reconnaît le droit à la santé et à la protection sociale.

121.Santé. − L’adoption d’une politique sectorielle de santé et de population fondée sur les soins de santé primaires et sur l’Initiative de Bamako constitue le fondement de l’action de l’État pour faire accéder les citoyens au niveau de santé le plus élevé possible. Cette politique est actuellement mise en œuvre à travers le plan décennal de développement sanitaire et social 1998‑2007 et sa phase quinquennale qui est le programme quinquennal de développement sanitaire et social 1998‑2002.

122.Au plan de l’offre de services, plus de 63 % de la population vivent à moins de 15 km d’un centre de santé offrant un paquet minimum d’activités, capable de résoudre la quasi‑totalité des problèmes de santé rencontrés et de les référer, le cas échéant, à un échelon supérieur de prise en charge.

123.L’adoption d’une politique de médicaments essentiels en dénomination commune internationale (DCI) et d’un schéma directeur d’approvisionnement en médicaments essentiels a permis de disposer de façon permanente dans les centres les plus reculés de médicaments en DCI à des prix abordables. La pharmacopée et la médecine traditionnelle, ainsi que la fabrication de médicaments traditionnels améliorés pour augmenter la couverture sanitaire des populations, ont été développées.

124.La situation reste cependant encore préoccupante. À titre d’exemple, nous citerons les chiffres suivants:

a)Les mortalités maternelles (505 pour 100 000) et infantile (111 pour 1 000) restent élevées et les pratiques néfastes à la santé de la femme et de la petite fille continuent encore;

b)Un enfant sur trois de 12 à 23 mois souffre de malnutrition aiguë;

c)Près de 91 % des femmes âgées de 15 à 49 ans sont excisées, soit une femme sur dix; cependant, 75 % des femmes sont pour la continuité de cette pratique;

d)Des annuaires statistiques du système d’information sanitaire de la Direction nationale de la santé publique de 1992‑2000 et des rapports d’activité du Centre national des immunisations, il ressort que la couverture vaccinale des enfants de 0 à 11 mois a évolué ainsi qu’il suit:

Antigène

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

BCG

70

77

67

79

79

60

90

69

73 %

DTCP 1

65

77

63

76

79

58

90

69

76 %

DTCP 3

33

46

39

48

53

41

65

50

52 %

Rougeole

35

51

46

51

57

44

70

51

53 %

S’agissant de la poliomyélite, plus de 98 % des enfants de moins de 6 ans sont vaccinés grâce aux journées nationales de vaccination qui associent de plus en plus l’administration de la vitamine A.

125.Face à la situation sanitaire ci‑dessus, le plan décennal 1998‑2007 et le programme quinquennal 1998‑2002 ont été adoptés par le Gouvernement et ses partenaires en 1998. Le plan et le programme quinquennal visent les objectifs prioritaires suivants:

a)Assurer l’accessibilité géographique et financière à des services sociaux et de santé de qualité;

b)Réduire la morbidité et la mortalité liées aux maladies prioritaires;

c)Concrétiser la solidarité nationale notamment en faveur des groupes les plus défavorisés et les plus vulnérables;

d)Promouvoir le développement des communautés avec leur propre participation;

e)Accroître la performance des services de santé et d’action sociale;

f)Garantir un financement équitable et durable des systèmes de santé et d’action sociale.

126.Sécurité sociale. − S’agissant du droit à la sécurité sociale, l’on retiendra qu’il existe trois systèmes de sécurité sociale: le système de l’État dont certaines des prestations sont assurées par la Caisse des retraites du Mali, et ceux de l’Institut national de prévoyance sociale et des sociétés d’assurance. Les prestations familiales, la pension de retraite, la protection contre la maladie, la prévention et la réparation des accidents de travail et des maladies professionnelles sont notamment assurées à tous les travailleurs sans distinction de race ou de religion.

127.L’adoption des lois sur la mutualité et la coopération a par ailleurs conduit à un véritable essor des mouvements mutualiste et coopératif, accompagnant fort efficacement les efforts de mise en œuvre du droit à la sécurité sociale.

Le droit à l’éducation et le droit à la formation professionnelle

128.Le droit à l’éducation et le droit à la formation professionnelle s’exerce, conformément aux dispositions constitutionnelles, en dehors de toute discrimination raciale; ils sont analysés ci‑dessous.

129.Droit à l’éducation. − Aux termes de l’article 18 de la Constitution, «tout citoyen a droit à l’instruction. L’enseignement public est obligatoire, gratuit et laïc. L’enseignement privé est reconnu et s’exerce dans les conditions définies par la loi». Les difficultés de mise en œuvre de ce droit sont de façon générale liées à celles que connaît l’État déjà ébranlé par plusieurs années d’ajustement structurel et la pauvreté quasi générale de la population. Si de jure tous les enfants maliens ont le droit d’aller à l’école, dans les faits, le nombre d’infrastructures scolaires et de maîtres ne permet pas d’accueillir tous les enfants en âge d’y aller malgré les efforts fournis par les gouvernements successifs de la Troisième République.

130.L’école malienne fut en crise pendant une décennie (1991‑2001), pour des motifs ayant trait, entre autres, à la vétusté et l’insuffisance des infrastructures, au faible taux des bourses scolaires, à l’insuffisance du personnel enseignant et à la revalorisation de la fonction enseignante. Elle connaît cependant une certaine accalmie depuis la rentrée scolaire 2001‑2002, suite aux efforts entrepris par le Gouvernement (par. 151 ci‑dessous) et à la médiation notamment de l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) et de la Fédération des associations des parents d’élèves.

131.Le Gouvernement et la société civile, d’une part, l’Assemblée nationale et le Conseil économique, social et culturel, d’autre part, ont, quant à eux, consacré respectivement un forum et des sessions spéciales à la question scolaire pour la résolution de laquelle le programme décennal de développement de l’éducation a été conçu pour la période 1999‑2008 (par. 150 ci‑dessous). Les grands axes de ce programme se retrouvent dans la loi no 99‑046 du 28 décembre 1999 portant loi d’orientation sur l’éducation.

132.Droit à la formation professionnelle. − La formation professionnelle est prise en compte par le Code du travail et le statut général des fonctionnaires. Constituant un droit pour le travailleur et l’agent de la fonction publique, elle se traduit notamment par des séminaires, des stages de formation et de perfectionnement et des congés de formation.

Le droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités culturelles et sportives

133.La Constitution reconnaît et garantit la liberté de création artistique et culturelle (art. 8).

134.Le Mali a abrité de janvier à février 2002 la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations de football. Cet événement est perçu par les pouvoirs publics et la population à la fois comme un projet de développement et une fête qu’aucun acte de chauvinisme, de xénophobie et d’incitation à la violence ne saurait altérer. Et conscients du rôle de mobilisation qu’ils doivent jouer pour la réussite de ce rendez‑vous important, les médias (publics et privés, presse écrite et audiovisuelle) avaient entrepris une vaste campagne d’information, d’éducation et de communication afin que les vertus du djatiguiya, c’est‑à‑dire de l’hospitalité et de la tolérance maliennes, prévalent.

135.En tout état de cause, des dispositions légales répriment les actes de violence et les comportements racistes à l’occasion des activités culturelles et sportives. Ainsi, l’article 179 du Code pénal punit de un à six ans d’emprisonnement et d’une amende de 20 000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement, ceux qui auront, à l’occasion d’une compétition sportive ou d’une représentation culturelle, incité les spectateurs à la haine ou à la violence, au racisme ou à la xénophobie.

Le droit d’accès à tous lieux et services destinés à l’usage public

136.L’État reconnaît la liberté d’aller et de venir. L’accès aux lieux et services destinés à l’usage du public (moyens de transport, hôtels, restaurants, cafés, spectacles, parcs, etc.) est en conséquence, sauf limites imposées par la loi, libre et ne fait l’objet d’aucune discrimination. La loi no 98‑012 du 19 janvier 1998 régissant les relations entre l’administration et les usagers du service public pose des principes au nombre desquels le libre accès aux services publics qui est garanti sans discrimination aucune, le libre accès aux documents administratifs et l’accueil et l’information des usagers du service public.

137.Outre les droits économiques et sociaux ci‑dessus spécifiés, la Constitution malienne reconnaît à toute personne le droit à un environnement sain (art. 15). C’est pourquoi le Code pénal interdit et sanctionne l’importation, le stockage, le transit, la vente et la détention des déchets dangereux (art. 193 à 198).

A. Article 6

Le droit à une protection contre la discrimination

138.La Cour constitutionnelle «garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques». Quant à la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dont la mission est la promotion et la vulgarisation des droits de l’homme au Mali, elle est notamment chargée d’attirer l’attention du Gouvernement sur toutes décisions ou actions susceptibles de promouvoir ou de protéger les droits humains; elle peut recommander au Gouvernement l’adoption de toutes mesures à cet effet.

139.Les nombreuses ONG et associations de défense des droits humains font preuve d’un dynamisme certain et d’une efficacité remarquable sur le terrain; elles ont organisé des caravanes des droits de l’homme et des séminaires de formation dans l’ensemble du pays afin que les droits humains soient mieux connus et respectés.

140.Le pouvoir judiciaire veille en toute indépendance au respect des droits et des libertés dont il est constitutionnellement le gardien. Il est exercé par la Cour suprême et les autres cours et tribunaux. Il existe actuellement une cour suprême comportant trois sections (judiciaire, administrative et des comptes), trois cours d’appel, des cours d’assises, des tribunaux de première instance, des tribunaux administratifs, divers tribunaux spécialisés (du travail, du commerce, pour enfants) et des justices de paix à compétence étendue. L’accès aux cours et tribunaux est libre et constitue un droit pour toute personne s’estimant lésée.

141.En dépit d’une volonté politique marquée, le contexte dans lequel évoluent ces structures se caractérise par des dysfonctionnements prononcés du système de justice, lesquels sont relatifs à l’état des infrastructures, aux ressources humaines, à la formation et à la documentation, aux ressources financières et à la crédibilité même de l’institution judiciaire. Pour y remédier, le Gouvernement a élaboré le programme décennal de développement de la justice auquel des objectifs généraux (ancrage de l’état de droit, garantie de la paix sociale, promotion du développement) et spécifiques (amélioration de l’accessibilité et de l’efficacité du service public de la justice, restauration de la crédibilité et de la confiance tant des populations que des partenaires techniques et financiers) ont été assignés pour la période 2000‑2010.

142.S’agissant de l’activité des tribunaux, l’on a pu noter qu’un contrôle de l’action et de la responsabilité de l’administration réalise une bonne protection des droits de l’homme. À titre d’exemple, les arrêts de condamnation de l’État à la date du 11 juillet 2001 totalisaient 18 552 183 739 francs CFA sur lesquels 3 440 702 531 francs ont été payés ou mis en paiement, soit un montant de 14 844 082 842 francs CFA restant à payer (annexe 13). Le paiement de ces condamnations prononcées pour la plupart au profit des travailleurs victimes des différents programmes d’ajustement structurel se fait progressivement par le Ministère de l’économie et des finances en tenant compte des possibilités financières du Trésor public.

143.Notons enfin que dans l’exercice de leur fonction, les magistrats ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi.

B. Article 7

Éducation et enseignement

144.Le système éducatif malien est structuré de la façon suivante:

a)À la base: l’éducation préscolaire, l’éducation spéciale et l’enseignement fondamental; les deux premiers cités se caractérisent par des taux extrêmement bas (respectivement 1,5 % et 0,5 %)

b)Au milieu: l’enseignement secondaire général et l’enseignement technique et professionnel; et

c)Au sommet: l’enseignement supérieur regroupant d’une part l’Université du Mali et, d’autre part, les grandes écoles nationales (d’administration, d’ingénieurs, de médecine, etc.).

145.Pour l’ensemble du pays (annexe 4), le taux brut de scolarisation est de 57,8 %, c’est‑à‑dire qu’en moyenne près de trois enfants sur cinq fréquentent une école. Les garçons sont plus scolarisés que les filles (68,8 % contre 45,9 %). Le district de Bamako (167,5 %) possède le taux brut de scolarisation le plus élevé tandis que le taux le plus bas est enregistré dans la région de Kidal (27,5 %). Le taux brut de scolarisation atteint 127,5 % en milieu urbain contre seulement 34 % en milieu rural. La fréquentation des enfants âgés de moins de 7 ans et de plus de 12 ans reste un phénomène assez important en milieu urbain, se traduisant par des taux bruts supérieurs à 100 %.

146.Dans le cadre de la lutte contre l’analphabétisme, le Gouvernement a intensifié la promotion des langues nationales (voir aussi les paragraphes 152 à 154 ci‑après).

147.Le taux d’alphabétisation dans la population âgée de 12 ans et plus s’élève à 15,5 %, en d’autres termes plus de quatre personnes âgées de 12 ans et plus sur cinq ne savent ni lire ni écrire. L’analphabétisme touche beaucoup plus les populations rurales (91,2 %) que celles des villes (67,3 %). Par ailleurs, le taux d’alphabétisation chez les hommes (20,8 %) est deux fois plus élevé que chez les femmes (10,3 %). Il atteint 41,7 % dans le district de Bamako, tandis que les régions ont un taux variant entre 9,3 % (Tombouctou) et 14,1 % (Ségou).

148.S’agissant du niveau d’instruction, environ 15 % de la population n’a pas dépassé le premier cycle de l’enseignement fondamental et moins de 1 % ont pu atteindre les autres niveaux d’enseignement formel.

149.Il convient de noter que la réforme en cours de la justice prévoit l’introduction de la dimension droits de l’homme dans les programmes d’enseignement de l’Institut national de formation judiciaire. En attendant, cet institut organise assez souvent des sessions de formation aux droits humains à l’attention des magistrats et des auxiliaires de justice. Les mêmes sessions sont régulièrement organisées par les ministères chargés de la défense et de la sécurité dont des contingents entiers participent de plus en plus aux opérations de maintien de la paix sur le continent africain.

150.En définitive, l’on retiendra qu’en matière d’éducation et d’enseignement, l’État s’est fixé des objectifs relativement précis devant lui permettre d’accélérer le développement de l’éducation. Aussi, le Gouvernement a‑t‑il, à travers le programme décennal de développement de l’éducation, mis en œuvre une politique devant permettre d’atteindre un taux de scolarisation de 75 % en l’an 2008. Cinq objectifs essentiels sont assignés à ce programme décennal:

a)Amélioration de la qualité de l’enseignement (programmes et méthodes pédagogiques, matériel didactique);

b)Augmentation de la capacité d’accueil;

c)Renforcement de la formation du personnel enseignant (formation initiale et formation continue);

d)Amélioration de la gestion financière et de la gestion des ressources humaines; et

e)Amélioration de l’accès et de la scolarisation (collecte des informations, sensibilisation, communication).

151.En attendant les premiers résultats du programme décennal, force est cependant de souligner les efforts immenses consentis par la Troisième République en faveur de l’éducation nationale à travers notamment le renforcement des infrastructures (constructions d’amphithéâtres, d’écoles, de lycées), la création de l’Université du Mali, le recrutement d’enseignants vacataires, l’augmentation du taux des bourses d’enseignement et la revalorisation de la fonction enseignante. Les chiffres ci‑dessous donnent une idée des progrès réalisés.

1992 ‑1993

1997 ‑1998

1998 ‑1999

Effectifs scolaires

-

987 624

1 102 857

Salles de classes

-

13 720

15 470

Écoles

1 943

-

3 264

Culture

152.La radio et la télévision nationales réservent des plages horaires quotidiennes à la diffusion des informations en langues nationales et à la vulgarisation du patrimoine culturel et artistique des différentes ethnies et régions du pays.

153.Aux termes de l’article 25, alinéa 9, de la Constitution, «la loi fixe les modalités de promotion et d’officialisation des langues nationales». C’est ainsi que de l’indépendance à nos jours, le Mali a fait beaucoup d’efforts pour parvenir à décrire les langues nationales; cela se traduit à travers les acquis ci‑dessous:

a)Treize langues nationales ont été instrumentées;

b)Onze langues nationales sont décrites sur les plans phonétique, phonologique, morphologique et morphosyntaxique; et

c)Onze langues nationales sont dotées de règles d’orthographe, de syllabaires, de lexiques de base et disposent de divers textes (tradition orale, textes de vulgarisation des techniques agricoles, sanitaires et autres, etc.).

Toutes les langues décrites sont utilisées comme médiums et matières dans les domaines du non‑formel et du formel.

154.Un Institut des langues a été créé par le programme décennal de développement de l’éducation; intégré à l’Université du Mali, il a pour missions:

a)La contribution à la définition de la politique linguistique dans les domaines éducatif, culturel, social et administratif;

b)L’identification et la promotion de l’ensemble des langues nationales attestées dans les différentes aires sociolinguistiques du pays;

c)La promotion de la coopération avec les autres pays africains, en particulier avec ceux qui partagent au moins une langue avec le Mali.

Dans le cadre de cette coopération, l’Académie africaine des langues créée sur initiative du Gouvernement malien a été retenue au nombre des institutions de l’Union africaine.

155.Par ailleurs, le Mali s’est, depuis les premières années de l’indépendance, doté d’un ensemble instrumental national. Regroupant des artistes venus de toutes les aires culturelles et linguistique, ledit ensemble a participé à de nombreux festivals internationaux au cours desquels il a remporté de multiples trophées.

156.Le sinangouya ou «cousinage à plaisanteries» est l’un des traits saillants de la culture malienne et le socle de l’unité nationale. Véritable institution précédant toutes les autres, il permet à deux, voire plusieurs, ethnies, races ou communautés de se tourner en dérision, mais aussi – et c’est là le plus important – de pacifier les rapports sociaux grâce à l’intercession en cas de conflit notamment. Il en est ainsi entre Traoré et Diarra, Keita et Coulibaly, Sidibe et Barry, Kamate et Thera, Bobo et Peulh, Peulh et Forgeron, Bozo et Dogon, Dogon et Songhoy, etc., lesquels, par leurs plaisanteries de tous les jours, contribuent à combattre les préjugés sociaux et à favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre groupes raciaux et ethniques, mais aussi entre nations.

157.C’est fort d’une telle tradition que le Mali célèbre, le 10 décembre de chaque année, la Déclaration universelle des droits de l’homme à travers l’institutionnalisation de l’exercice de participation citoyenne que constitue l’Espace d’interpellation démocratique (EID) (voir aussi les paragraphes 93 et 94 ci‑dessus).

Information

158.Le paysage médiatique malien a connu une véritable inflation de titres et d’organes de presse depuis l’avènement de la démocratie. De façon générale, la presse, qu’elle soit publique ou privée, écrite ou audiovisuelle, s’intéresse aux questions se rapportant aux droits de l’homme. Il faut ici saluer sa contribution courageuse et de qualité à la formation d’une véritable capacité citoyenne avant et après les événements du 26 mars 1991 qui ont conduit à la chute de la Deuxième République. En témoignent des articles et des reportages presque quotidiens, non seulement sur les droits humains, mais également sur l’ensemble des grandes préoccupations nationales.

159.Au titre de cet engagement, il convient d’insister sur la chronique judiciaire que la radiodiffusion nationale consacre depuis près d’une décennie avec le concours des professionnels du droit, à l’initiation des citoyens au droit en général et plus spécifiquement aux droits de l’homme.

III. CONCLUSION

160.Les développements ci‑dessus prouvent à suffisance que de gros efforts ont été accomplis par le Mali en matière de respect et de promotion des droits humains. Ces efforts, loin d’être un aboutissement, sont plutôt la preuve que d’autres chantiers restent encore à investir. C’est pourquoi, à la demande du Gouvernement, une mission du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme a séjourné à Bamako, du 6 au 18 octobre 1997, afin d’évaluer les besoins en matière de droits humains. Six domaines d’action ont été identifiés à l’issue de cette mission. Ils portent sur:

a)La réforme du fonctionnement de la justice;

b)Le renforcement des missions de la police administrative et de la police judiciaire;

c)La rénovation de la politique carcérale;

d)Le soutien à la Commission nationale consultative des droits de l’homme et aux organisations de défense des droits de l’homme;

e)Le renforcement de l’éducation aux droits de l’homme et à la démocratie; et

f)La consolidation et l’application de la législation sur la protection des femmes et des enfants.

En tout état de cause, le Gouvernement de la République du Mali reste ouvert à toute critique et/ou suggestion tendant à donner plein effet aux dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

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