Nations Unies

CAT/C/SOM/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

13 mars 2020

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité contre la torture

Rapport initial soumis par la Somalie en application de l’article 19 de la Convention selon la procédure simplifiée d’établissement des rapports, attendu en 1991 *

[Date de réception : 16 décembre 2019]

I.Introduction

1.La République fédérale de Somalie fait part de son appui au système et aux mécanismes internationaux des droits de l’homme et réaffirme son ferme attachement à la protection et à la promotion des droits de l’homme pour l’ensemble des Somaliens. La Déclaration des droits figurant au chapitre 2 de la Constitution somalienne provisoire (ci‑après, la « Constitution ») consacre des principes fondamentaux des droits de l’homme, parmi lesquels, à l’article 15, l’interdiction spécifique de la torture et des traitements inhumains. Le Gouvernement fédéral somalien reconnaît la nécessité de renforcer de manière continue les capacités des institutions nationales de protection et de promotion des droits de l’homme, dont l’action a un retentissement important sur les droits fondamentaux des Somaliens. Ces institutions sont notamment le Ministère de la promotion de la condition féminine et des droits de l’homme, le Ministère de la justice, le Bureau du Procureur général, la magistrature, l’Administration pénitentiaire et d’autres institutions chargées de la sécurité, comme l’Agence nationale de renseignement et de sécurité, la police et l’Armée nationale somalienne. Les autorités ont ainsi mis en place un environnement adapté et propice à l’exercice des droits de l’homme pour tous, sans entrave, et favorisant la promotion du respect de la dignité humaine.

2.Les deux décennies de conflit armé, l’effondrement des structures étatiques et de gouvernement, des institutions, de l’état de droit, ainsi que l’instabilité politique qu’a connus la Somalie ont donné naissance à un environnement politique, socioéconomique et sécuritaire complexe. La transition politique, qui a duré huit ans, s’est achevée le 1er août 2012 avec la disparition du Gouvernement fédéral de transition. Le Parlement fédéral a élu un nouveau Président en octobre 2012. En 2013, le Gouvernement fédéral somalien a adopté le programme « Vision 2016 », dans le but de finaliser le processus de révision constitutionnelle, de constituer les États membres de la fédération et de tenir des élections en 2016. Depuis 2012, la Somalie a nettement progressé dans la reconstruction des institutions d’État et de gouvernement, à savoir une assemblée législative active et opérationnelle, un pouvoir exécutif et un pouvoir judiciaire de plus en plus efficace. Le Parlement fédéral a adopté plusieurs lois, parmi lesquelles la loi portant création de la Commission indépendante des droits de l’homme, la loi relative aux partis politiques, la loi portant création de l’Agence nationale du handicap et la loi relative aux médias. Le Parlement débat actuellement du projet de loi relatif aux infractions sexuelles, qui s’inscrit dans la lutte contre la violence sexuelle et fondée sur le genre en Somalie. Le projet de loi relatif aux droits de l’enfant et le projet de loi relatif aux mutilations génitales féminines devraient être prochainement présentés et débattus au Parlement, et une loi-cadre sur le handicap est en cours d’élaboration. Pris ensemble, la Constitution fédérale provisoire et les textes de loi précités constituent un cadre juridique propice et favorable à la promotion et la protection des droits de l’homme en Somalie. Ces textes incluent également une lecture interprétative de la torture dans le contexte somalien, conforme à la définition figurant dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

3.Le rétablissement progressif de l’État et de ses organes de gouvernement, couplé à l’amélioration des conditions de sécurité, a largement contribué à la promotion et à la protection des droits de l’homme. Les processus politiques et électoraux engagés en août 2016 ont conduit au transfert démocratique du pouvoir vers l’actuel Gouvernement fédéral somalien en février 2017, qui a lui-même fait naître un élan politique national en faveur de la paix, de l’édification de l’État et du retour de la Somalie sur la scène internationale. Le Gouvernement fédéral somalien est résolu à consolider la paix, la sécurité et le développement, facteurs essentiels de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Il a fixé plusieurs grandes priorités et entend échelonner les efforts le plus efficacement possible. L’une de ces priorités a été de mettre en place des structures de gouvernance solides, responsables et à l’écoute de la population, notamment par l’instauration de cadres législatifs permettant d’établir des institutions et par la mise en place de systèmes financiers transparents. Du fait de la menace constante que représente Al-Shabaab, plusieurs organes de sécurité acceptables et responsables ont bénéficié de l’appui prioritaire de la communauté internationale. Le choix des priorités s’inscrit dans une approche fondée sur les droits de l’homme, dans le respect des normes internationales et des normes impératives de sécurité applicables aux situations de conflit ou d’urgence humanitaire.

4.La République fédérale de Somalie est partie à six traités et conventions relatifs aux droits de l’homme, dont deux ratifiés ces quatre dernières années. En outre, le pays mène actuellement des consultations inclusives et participatives en vue de ratifier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. De même, le Gouvernement fédéral continue de prendre les mesures nécessaires pour reconstruire ses institutions de sécurité compte tenu du transfert envisagé des responsabilités de la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) aux forces de sécurité somaliennes, au titre du dispositif national de sécurité, du plan de transition et de l’approche globale pour la sécurité.

5.Le Ministère de la promotion de la femme et des droits de l’homme, créé en 2013, est l’organe principal du Gouvernement fédéral en matière de droits de l’homme. Il a engagé un processus global qui permettra à la Somalie de résorber son retard en matière de présentation de rapport aux organes conventionnels, dû à la guerre civile prolongée qu’a connue le pays. Le Ministère collabore également avec d’autres ministères de tutelle, parmi lesquels le Ministère de la justice et des affaires judiciaires, le Ministère de la sécurité intérieure, le Ministère de l’intérieur, des affaires fédérales et de la réconciliation, le Ministère des finances, le Ministère de la défense, le Ministère du travail et des affaires sociales, le Ministère de la santé et des services sociaux, le Ministère de l’éducation, de la culture et de l’enseignement supérieur, le Ministère des affaires constitutionnelles, le Ministère du plan, de l’investissement et du développement économique et le Ministère de l’information, de la culture et du tourisme. Ils se réunissent périodiquement au sein d’une équipe interministérielle chargée de veiller à ce que les droits de l’homme soient systématiquement pris en compte dans la législation et dans les politiques.

6.Le Ministère de la promotion de la femme et des droits de l’homme pilote également la mise en œuvre du Programme conjoint sur les droits de l’homme pour la Somalie, avec l’appui de l’Organisation des Nations Unies. L’un des grands objectifs de ce programme est de faire en sorte que la Somalie puisse satisfaire à ses obligations en matière de soumission de rapports aux organes conventionnels et intensifier sa coopération avec ces organes, ce qu’elle n’a pas été en mesure de faire ces vingt dernières années en raison du conflit interne qui a secoué le pays. En soumettant le 16 août 2019 au Comité des droits de l’enfant son rapport initial en application de la Convention relative aux droits de l’enfant, la Somalie a ainsi présenté son premier rapport à un organe conventionnel depuis trente-cinq ans.

7.Pour autant, la Somalie a activement participé à l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme, prenant part à tous les cycles depuis la mise en place de l’Examen en 2006. À cette fin, en janvier 2019, la Somalie a soumis, de sa propre initiative, un rapport à mi-parcours sur la mise en œuvre des recommandations reçues lors du deuxième cycle de l’Examen périodique universel, démontrant son engagement à mettre en œuvre les recommandations acceptées.

8.Le Gouvernement fédéral a engagé la mise en place de la Commission nationale des droits de l’homme, l’une des commissions obligatoires en vertu de la Constitution, à la suite de l’adoption de la loi de 2016 portant création de la Commission nationale des droits de l’homme. Cet organe est doté d’un mandat étendu, qui comprend notamment le suivi de la situation des droits de l’homme en Somalie, la conduite d’enquêtes sur les violations des droits de l’homme, dont la torture ou les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et une mission de conseil auprès du Gouvernement concernant l’intégration des droits de l’homme dans la législation et dans les politiques.

9.Au cours de la préparation du présent rapport, le comité sénatorial des droits de l’homme a effectué plusieurs visites dans des prisons de Somalie afin d’observer directement l’état des prisons et les conditions de vie des détenus, témoignant ainsi du rôle renforcé de contrôle et de surveillance législative du Parlement sur les questions relatives aux droits de l’homme. Cette démarche donnera lieu à la rédaction par les comités parlementaires de rapports et de recommandations, qui serviront à améliorer les conditions de vie dans les centres de détention.

II.Statut juridique de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en droit somalien

10.La Somalie est dotée d’un Conseil des ministres, rattaché au pouvoir exécutif dirigé par le Premier Ministre. L’article 90, paragraphe 1 q), de la Constitution charge le Conseil des ministres de soumettre les traités internationaux à l’approbation de la Chambre du peuple du Parlement fédéral. En vertu du même article, le Président de la République fédérale de Somalie est habilité à ratifier les traités et accords internationaux, après leur adoption par le Conseil des ministres et leur approbation par le Parlement.

11.Dès lors, tous les traités et conventions auxquels la Somalie devient partie entrent en vigueur après leur adoption par le Conseil des ministres, leur approbation par le Parlement et leur ratification par le Président. Le traité, la convention ou l’accord en question est ensuite promulgué par voie de décret présidentiel. C’est à compter de la date de promulgation que la Somalie est dans l’obligation d’appliquer et de faire appliquer les dispositions du texte en question.

12.Les renseignements spécifiques concernant la mise en œuvre des articles 1er à 16 de la Convention figurent dans la réponse à la liste de points établie avant la soumission du rapport initial, ci-après.

A.Articles 1er et 4

13.La République fédérale de Somalie est résolue à protéger et à promouvoir les droits de l’homme et la dignité humaine, ce qui inclut une véritable volonté de prévenir et de combattre toutes les formes de torture. La Somalie réaffirme également l’engagement pris à l’égard des mécanismes internationaux des droits de l’homme et des instruments interdisant la torture, le principal d’entre eux étant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. D’autres textes prévoient des dispositions spécifiques d’interdiction de la torture, dont l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui interdit de soumettre quiconque à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

14.La Somalie est une démocratie constitutionnelle dont les principes fondateurs sont énoncés et consacrés dans l’article 3 de la Constitution fédérale provisoire. Le paragraphe 4 de l’article susmentionné se lit comme suit : « La Constitution de la République fédérale de Somalie promeut les droits de l’homme, l’état de droit, les normes générales du droit international, la justice, le caractère participatif, consultatif et inclusif du gouvernement et la séparation des pouvoirs entre le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et un pouvoir judiciaire indépendant, afin de garantir le principe de responsabilité, l’efficacité et la réactivité au service des intérêts du peuple. ». La reconnaissance des « normes générales du droit international » est consacrée et approfondie dans l’article 140 de la Constitution, qui dispose que « jusqu’à la dénonciation ou la modification du traité imposant une obligation conventionnelle applicable à la date d’entrée en vigueur de la présente Constitution, l’obligation conventionnelle susmentionnée demeure applicable ». Dès lors, les conventions, notamment la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, sont pleinement en vigueur en vertu de la Constitution. Toutefois, les dispositions du traité, de la convention ou de l’accord international qui entre en vigueur doivent d’abord être intégrées au droit interne, au moyen de nouvelles lois ou par modification de lois existantes afin de les rendre conformes aux principes énoncés dans la Constitution.

15.Par ailleurs, le paragraphe 2 de l’article 15 de la Déclaration des droits dispose que « toute personne a le droit à la sécurité de sa personne, ce qui inclut l’interdiction de la détention illégale, de toutes les formes de violence, y compris à l’égard des femmes, de la torture ou des traitements inhumains ». Le paragraphe 4 du même article interdit les pratiques traditionnelles assimilables à des actes de torture.

16.Ces principes constitutionnels sous-tendent et éclairent la formulation et l’adoption de l’ensemble des lois en Somalie. Le paragraphe 2 de l’article 4, qui traite de la suprématie de la Constitution, dispose que « toute loi ou action administrative contraire à la Constitution peut être invalidée par la Cour constitutionnelle, habilitée à le faire par la présente Constitution ». Dès lors, toute loi qui contrevient à ces principes constitutionnels peut être déclarée nulle et non avenue. La Somalie révise actuellement l’ensemble des lois promulguées avant l’entrée en vigueur de la Constitution actuelle, afin de les mettre en conformité avec celle-ci et avec les instruments juridiques régionaux et internationaux des droits de l’homme pertinents auxquels la Somalie est partie, notamment la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

17.L’un des textes législatifs majeurs en cours de révision est le Code pénal somalien, qui date de 1962 (décret législatif no 5) et n’inclut pas de définition de la torture. Le Gouvernement prévoit de finaliser en 2020 la révision globale du Code pénal somalien, qui comprendra plusieurs définitions, dont une définition de la torture conforme à la Convention. De nouvelles lois progressistes, conformes à la Convention, sont également en cours d’élaboration. À cette fin, le Conseil des ministres, par la voie du Ministère de la promotion de la femme et des droits de l’homme, a soumis en juin 2018 au Parlement le projet de loi relatif aux infractions sexuelles, qui est en attente de première lecture. Ce projet de loi a pour objectif de compléter le Code pénal somalien qui, dans certains domaines, manque de dispositions relatives aux faits de violence sexuelle. Il définit la torture comme suit :

« […] tout acte consistant à infliger illégalement de graves douleurs ou souffrances mentales, émotionnelles ou physiques à une personne à des fins d’intimidation, de contrôle, de pression ou de peine pour tout motif fondé sur une quelconque forme de discrimination, ou dans le but d’obtenir des renseignements ou des aveux au cours d’un interrogatoire ou d’une enquête. La torture désigne également le recours à des méthodes visant à annihiler la personnalité de la victime ou à amoindrir ses capacités physiques ou mentales, même si ces faits ne causent pas de douleur ou d’angoisse à la victime. ».

B.Article 2

18.La Constitution prévoit des garanties juridiques pour les suspects et les détenus, qui peuvent être invoquées dès le début de la privation de liberté. S’agissant du droit pour une personne détenue de bénéficier d’un procès public équitable et d’être présentée rapidement à un juge compétent, le paragraphe 2 de l’article 34 de la Constitution dispose que « toute personne a le droit d’être jugée dans le cadre d’un procès public équitable, tenu dans un délai raisonnable, par une juridiction indépendante et impartiale chargée de se prononcer sur a) toute question relative aux droits civils et aux obligations civiles, ou b) toute accusation pénale. »

19.S’agissant du droit à la défense des suspects et des détenus et du droit à l’aide juridique gratuite, les paragraphes 3 et 4 de l’article susmentionné disposent, respectivement, que « toute personne a le droit de se défendre dans l’affaire à laquelle elle est partie, quels que soient le stade ou l’étape de la procédure » et que « l’État assure gratuitement la défense des personnes qui n’ont pas les moyens de faire appel à un avocat ». D’après les données les plus récentes du Ministère de la justice, datant de 2017, la prestation de services d’assistance juridique a connu une nette augmentation, puisqu’elle a bénéficié à 2 199 personnes en 2016 et à 22 391 personnes en 2017. Dans ce contexte, les capacités limitées des juges, des avocats et des assistants juridiques représentent un défi de taille, auquel le Ministère répond par la formation et le renforcement des capacités.

20.Le Gouvernement fédéral somalien a pris des mesures volontaristes pour assurer un traitement efficace et rapide des affaires portées devant la justice. À ce titre, la première phase de mise en œuvre du système de gestion des affaires dans les tribunaux somaliens a permis d’améliorer l’instruction des dossiers, la tenue des registres et le contrôle des transferts de dossiers, et d’accélérer le processus sur la base de bonnes pratiques. À titre d’exemple, la mise en place de ce système dans des régions comme l’État fédéré du Puntland est un signe positif en prévision de sa généralisation dans les tribunaux de district. Selon certaines données, dans le Puntland entre janvier et mars 2017, deux tribunaux situés à Qardho et à Garoowe ont enregistré 86 nouvelles affaires (59 au pénal et 27 au civil), dont 63 auprès du tribunal de première instance et 23 auprès de la cour d’appel. Ces données ne concernent que deux régions, le Nugaal et le Karkaar, dans lesquelles le système de gestion des affaires est en vigueur.

21.Il n’existe pas de registre de détention et pénitentiaire centralisé en Somalie, les données étant principalement recueillies à l’échelle de la prison, du district ou de la ville. Toutefois, le Gouvernement fédéral somalien, sous la houlette du Corps des agents pénitentiaires, œuvre actuellement à l’élaboration d’un organe centralisé chargé de garantir la bonne gestion et la tenue à jour des données de détention et pénitentiaires.

22.L’établissement en Somalie d’une institution nationale des droits de l’homme est prévu par la Constitution. Le paragraphe 1 de l’article 41 dispose que « le Parlement fédéral établit une Commission des droits de l’homme indépendante du contrôle du Gouvernement et dotée de ressources suffisantes pour s’acquitter efficacement de ses fonctions ». L’institution doit donc respecter les normes internationales, et en particulier les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Les recommandations adressées à la Somalie lors des premier et deuxième cycles de l’Examen périodique universel, les engagements s’y rapportant, ainsi que le document national d’orientation et le plan national de développement relatifs aux droits de l’homme ont identifié l’établissement d’une institution nationale des droits de l’homme comme une priorité majeure.

23.De ce fait, le premier Gouvernement fédéral formé après la transition a fait de la loi portant création de la Commission nationale des droits de l’homme l’un des textes législatifs adoptés en priorité, en août 2016. Sa promulgation a permis d’engager la mise en place de la Commission des droits de l’homme, conformément aux procédures prévues par la loi s’y rapportant : calendrier, définition des qualifications des membres de la Commission, obligation de publier les avis de vacance de poste de manière transparente, et modalités de nomination par un jury de sélection spécial et inclusif. Le respect de ces dispositions au cours du processus de sélection a été essentiel à la mise en place d’une Commission des droits de l’homme indépendante, crédible et efficace en Somalie. Compte tenu du mandat de l’institution et de son rôle en matière de protection et de promotion des droits de l’homme, son établissement est vital pour la Somalie. La liste des commissaires proposés à la nomination est actuellement soumise à l’examen du Conseil des ministres, qui devrait se prononcer d’ici fin 2019.

24.En Somalie, les tribunaux militaires sont compétents pour juger des civils, en particulier dans les affaires de terrorisme, lorsque ceux-ci sont accusés d’avoir mené des attentats terroristes ou des assassinats ciblés. Toutefois, le Gouvernement somalien souligne que ce n’est le cas que lorsque des préoccupations concernant la sécurité nationale, ainsi que la sécurité des juges et des procureurs, l’emportent sur le principe consistant à juger les civils dans des tribunaux civils. La décision de juger certains civils devant des tribunaux militaires a été prise à la suite de l’attaque coordonnée et complexe du tribunal régional de Banaadir le 15 mai 2013. En outre, le Gouvernement somalien a fait en sorte que, lorsque des civils sont jugés par des tribunaux militaires, les garanties judiciaires soient strictement respectées. Depuis 2017, 50 juges militaires de la région de Banaadir et des États fédérés du Puntland et du Djoubaland ont été formés aux garanties d’une procédure régulière. Par ailleurs, afin d’assurer le transfert de futures affaires impliquant des civils des tribunaux militaires vers les tribunaux civils, le Gouvernement fédéral somalien a inauguré le 23 février 2019 le nouveau complexe pénitentiaire et judiciaire de Mogadiscio. Les présidents de la Cour suprême et du Tribunal militaire ont convenu d’un transfert progressif d’affaires vers les juridictions civiles, à commencer par celles concernant des civils et des membres des forces de l’ordre. Ce nouveau complexe, équipé d’installations de haute sécurité, dotera le pouvoir judiciaire d’infrastructures essentielles pour connaître d’affaires pénales dans de bonnes conditions de sécurité physique et matérielle pour le personnel judiciaire, le ministère public et les agents pénitentiaires, ainsi que pour les accusés et le grand public.

25.La Somalie a adopté en 2014 le Plan d’action national visant à mettre fin aux violences sexuelles commises en période de conflit, à la suite de la signature en mai 2013 d’un communiqué conjoint du Gouvernement et de l’Organisation des Nations Unies. Ce plan permet au Gouvernement de recourir à une approche globale multisectorielle visant à éliminer la violence sexuelle en Somalie et à favoriser l’instauration d’un environnement de tolérance zéro à l’égard de la violence fondée sur le genre. Trois ans après le début de sa mise en œuvre, qui a permis de renforcer les capacités des acteurs concernés, notamment les ministères de tutelle, la magistrature et les professionnels de santé, le Plan d’action a été révisé afin de faire le bilan des actions menées, d’identifier les lacunes et d’envisager les prochaines étapes. La mise en œuvre du Plan s’est poursuivie en 2019 dans le cadre du Programme conjoint pour les droits de l’homme, qui prévoyait un renforcement global des capacités et une cartographie des services et des ressources proposés en Somalie aux victimes de violence fondée sur le genre. Par ailleurs, le Ministère de la promotion de la femme et des droits de l’homme a organisé et animé en mars 2019 à Mogadiscio la première Convention nationale des femmes, qui a donné lieu à la rédaction de la Charte des femmes somaliennes, exigeant notamment du Gouvernement d’intensifier les efforts de lutte contre la violence sexuelle en Somalie. Lors de la « Conférence d’Oslo sur l’élimination de la violence sexuelle et fondée sur le genre dans les crises humanitaires », tenue en mai 2019, la Ministre de la promotion de la femme et des droits de l’homme a réaffirmé l’engagement du Gouvernement d’instaurer des lois et des politiques globales en la matière.

26.Le Gouvernement somalien a adressé une invitation à la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Pramila Patten, qui a effectué une mission en Somalie en juillet 2019. La Ministre de la promotion de la femme et des droits de l’homme, Mme Deqa Yasin, a informé la Représentante spéciale des mesures positives entreprises par la Somalie pour renforcer la conformité et la responsabilité des institutions somaliennes chargées de la sécurité, à savoir des contrôles internes, l’élaboration de projets de loi, notamment sur les infractions sexuelles et sur les droits de l’enfant, et des actions engagées au titre du Plan d’action national visant à mettre fin aux violences sexuelles commises en période de conflit.

27.En septembre 2014, Human Rights Watch a publié un rapport faisant état d’allégations d’exploitation et d’atteintes sexuelles par des membres du personnel de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM). Suite à ce rapport et à des échanges antérieurs engagés par le Gouvernement fédéral somalien et l’Organisation des Nations Unies, l’Union africaine a ouvert une enquête, dont les conclusions et les recommandations ont été publiées le 21 avril 2015. Selon les conclusions du rapport, l’absence d’un mécanisme de plaintes pour les victimes au sein de l’AMISOM et l’absence de compétences de police militaire sont des obstacles au traitement des cas de violence sexuelle. Le Gouvernement fédéral somalien prend très au sérieux tous les faits de violence et d’atteintes sexuelles, qu’ils aient été commis par des membres de l’AMISOM ou par des personnes relevant d’autres entités, étrangères ou nationales, et continue de renforcer les capacités des institutions publiques chargées de lutter contre ces actes odieux.

28.S’agissant des pratiques traditionnelles préjudiciables, le Procureur général de Somalie a annoncé le 25 juillet 2018 que, pour la toute première fois, il serait possible d’engager des poursuites relatives à des mutilations génitales féminines. À la date de rédaction du rapport, l’enquête sur les faits en question n’avait pas encore atteint le stade des poursuites. Afin de poursuivre davantage de faits préjudiciables de cette nature, le Gouvernement fédéral, sous la houlette du Ministère de la promotion de la femme et des droits de l’homme, œuvre à la rédaction d’un projet de loi relatif aux mutilations génitales féminines, qui incriminerait cette pratique en Somalie et garantirait que les personnes responsables échappent à l’impunité et que les femmes et les filles soient protégées de cette pratique. Le projet de loi sera discuté d’ici fin 2019 en Conseil des ministres, qui devrait l’adopter et le soumettre au Parlement. Outre le développement de contenus pédagogiques à destination des écoles condamnant les mutilations génitales féminines, le Ministère travaille également avec des collectivités locales ayant trouvé elles-mêmes des solutions à cette pratique qui soient acceptables pour tous les acteurs concernés.

C.Article 3

29.Le Gouvernement mène actuellement des consultations sur un projet de politique nationale relative aux personnes réfugiées, rapatriées et déplacées, visant en premier lieu à ce que toutes les personnes concernées en Somalie bénéficient d’un appui adéquat et puissent exercer pleinement leurs droits humains. Cette politique définira les principes directeurs et les attributions des institutions publiques, des organismes internationaux et des organisations de la société civile qui viennent en aide aux personnes réfugiées, rapatriées ou déplacées en Somalie.

30.Afin de coordonner l’action publique concernant les réfugiés et les déplacés, le Président somalien a mis en place la Commission nationale pour les réfugiés et les déplacés, conformément à l’article 111 de la Constitution et sous la conduite stratégique du Ministère de l’intérieur. Cette commission a notamment pour mandat la prise en charge des réfugiés arrivant en Somalie qui ont besoin d’aide pour regagner, dans la mesure du possible, leur pays d’origine, sans mettre en danger leur vie ou celle de leurs proches. Elle collabore étroitement avec des organismes internationaux, dont le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), à la mise en place de procédures destinées aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.

31.S’agissant des statistiques, les structures en cours de création par la Commission nationale pour les réfugiés et les déplacés sont encore en phase de développement. Dès lors, on ne dispose que de données limitées quant au nombre de réfugiés se trouvant sur le territoire somalien ou de demandes reçues par la Somalie. Néanmoins, selon les derniers chiffres publiés par la Commission (rapport annuel 2015), depuis le 27 mars 2015, la Somalie a accordé à au moins 4 314 ressortissants yéménites un statut de réfugié prima facie . Un projet de loi important sur les statistiques nationales, en cours de première lecture devant la Chambre du peuple, devrait créer un cadre légal permettant une meilleure collecte de données et le développement de statistiques en Somalie.

32.Le principe de non-refoulement est inscrit dans la Constitution. Le paragraphe 1 de l’article 37 de la Constitution dispose que « toute personne ayant cherché refuge en République fédérale de Somalie a le droit de ne pas être renvoyée ou expulsée vers un quelconque pays dans lequel elle a de bonnes raisons de craindre d’être persécutée ». Le paragraphe 2 du même article dispose que « le Parlement fédéral promulgue une législation concernant les réfugiés et les demandeurs d’asile qui est conforme au droit international ».

33.En matière d’extradition, la réciprocité peut être invoquée au moyen d’une déclaration promettant à l’autre pays d’être prêt à répondre favorablement à de futures demandes d’extradition, même en l’absence d’accord international. Toutefois, la promesse des autorités somaliennes ne serait pas acceptée par l’autre pays, la Somalie n’ayant pas encore achevé la mise en place des infrastructures juridiques nécessaires à la mise en œuvre d’un tel accord.

34.En cas de double incrimination, l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée doit exister aussi bien dans l’ordre législatif de la Somalie en tant qu’État requérant que dans celui de l’État requis. Le droit somalien exige la réciproque ; à défaut, aucune extradition n’est possible. En vertu du paragraphe 2 b) de l’article 11 de la Constitution, « l’extradition ne peut être accordée que si l’acte commis … est une infraction pénale en droit somalien comme dans le droit du pays étranger concerné ».

D.Articles 5 à 9

35.Il convient de noter qu’à la date de rédaction du présent rapport, la Somalie n’était partie à aucun accord d’extradition. Les lignes directrices en matière d’extradition en Somalie sont énoncées au paragraphe 1 de l’article 275 et aux articles 278 à 280 du Code de procédure pénale somalien. Les extraditions internationales sont régies par les accords d’extradition signés par la Somalie, dont l’Accord de Riyad sur la coopération judiciaire (Convention de Riyad), ratifié par la République démocratique de Somalie le 21 octobre 1985, est un exemple.

36.Le droit somalien n’autorise l’extradition sur le fondement d’un traité qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 et du paragraphe 1 b) de l’article 11 de la Constitution, qui disposent qu’un fugitif « peut être extradé… sur le fondement d’un traité ou d’un accord international auquel la République fédérale de Somalie est partie ». Les règles et les principes énoncés dans ces accords l’emportent sur le droit somalien de l’extradition, qui ne s’applique aux accords que si ces derniers ne précisent pas de règles et de principes spécifiques.

37.Le Code de procédure pénale somalien ne précise pas les conditions juridiques requises pour l’extradition. Par conséquent, l’extradition par la Somalie sur le fondement d’un traité ne serait pas possible si l’État requérant et la Somalie sont tous deux parties à une convention autorisant l’extradition, mais renvoyant aux conditions juridiques requises par le droit de l’État requérant. Dans le cas de la Somalie, les deux conditions prises en compte dans une extradition sont les relations bilatérales et le principe de la double incrimination. S’agissant des relations bilatérales, la Somalie ne serait prête à répondre favorablement à une demande d’extradition que si elle a conclu un accord d’extradition avec l’État requérant ; l’accord peut ainsi régir l’extradition et d’autres sujets connexes.

38.Bien que la Somalie soit un pays de droit civil, elle ne reconnaît aucune condition extraconventionnelle à l’extradition, y compris la réciprocité. N’ayant quasiment aucun accord d’extradition avec d’autres États, la Somalie ne peut demander d’extraditions qu’auprès de la poignée d’États, parmi lesquels le Portugal et la Roumanie, qui n’exigent pas de condition de réciprocité pour examiner les demandes. Or, la Somalie ne peut pas non plus extrader vers les pays en question, faute d’un quelconque traité d’extradition avec les États concernés.

39.En cas de double incrimination, l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée doit exister aussi bien dans l’ordre législatif de la Somalie en tant qu’État requérant que dans celui de l’État requis. Le droit somalien exige la réciproque ; à défaut, aucune extradition n’est possible. En vertu du paragraphe 2 b) de l’article 11 de la Constitution, « l’extradition ne peut être accordée que si l’acte … est une infraction pénale en droit somalien comme dans le droit du pays étranger concerné ».

E.Article 10

40.Les agents de la Police somalienne, du Corps des agents pénitentiaires, de l’Armée nationale somalienne et d’autres organes de sécurité intervenant dans la garde ou le traitement des personnes détenues bénéficient de formations régulières relatives aux droits de l’homme. À ce titre, les agents de la Police somalienne reçoivent une formation de base d’une durée de trois mois, dont le module 35 s’intitule « État de droit et droits de l’homme au niveau international dans la police ». Y sont notamment abordées la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies en 1948 et la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam de 1990. Ce module, qui inclut les informations obligatoires relatives à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est organisé par plusieurs ministères, parmi lesquels le Ministère de la promotion de la femme et des droits de l’homme, le Ministère de la défense, le Ministère de la sécurité intérieure, et le Ministère de la justice. Les objectifs de ce programme de formation sont notamment les suivants :

41.Promouvoir une plus large sensibilisation aux principes des droits de l’homme et parvenir à une diminution notable des faits de torture ;

42.Souligner l’importance du principe de responsabilité et des enquêtes sur les faits de torture, afin que les victimes soient correctement indemnisées et les auteurs sanctionnés. Faire en sorte que ces faits soient mieux suivis et davantage signalés dans l’ensemble de la Somalie ;

43.Former les membres des forces de l’ordre aux meilleures pratiques de mise en place d’un environnement de travail favorable à la prévention de la torture et de mobilisation d’une culture de la responsabilité.

44.Un guide de poche a également été rédigé et approuvé par le commissaire en chef de la Police somalienne. Il sera remis à tous les officiers de police, à qui il servira de référence pour exercer leurs fonctions de police conformément aux normes internationales et pour mieux comprendre les principes essentiels relatifs aux droits de l’homme et ainsi s’acquitter correctement de leurs missions. Ce guide figure parmi les documents de référence de la Police somalienne en matière de respect et de promotion des droits fondamentaux de la population. Les chapitres relatifs aux enquêtes de police, aux arrestations et aux placements en détention indiquent clairement que les officiers de police doivent mener leur enquête de sorte à considérer toute personne suspectée comme innocente, à la traiter avec respect et professionnalisme, et à rédiger des procès-verbaux détaillés de tous les entretiens réalisés. Le guide rappelle également l’interdiction absolue de la torture et d’autres traitements inhumains ou dégradants. Le chapitre relatif au placement en détention précise d’ailleurs que les détenus doivent exclusivement être placés dans des lieux de détention officiels et que les mineurs, les femmes et les hommes doivent disposer de cellules séparées.

45.Le Ministère de la promotion de la femme et des droits de l’homme prépare actuellement des programmes de formation visant à renforcer les capacités des agents des forces de l’ordre en matière de protection des droits de l’homme et de connaissance des conventions et des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, en lien avec la législation somalienne. Cette formation devrait garantir une bien meilleure sensibilisation des forces de l’ordre somaliennes à la question des droits de l’homme.

46.Par ailleurs, le Ministère de la justice et le Bureau du Procureur général, en collaboration avec des institutions internationales telles que l’ONU et l’Organisation internationale de droit du développement, animent régulièrement des programmes de formation des juges et des procureurs sur le traitement des personnes détenues, les techniques d’interrogatoire et la détection des cas de torture.

F.Article 11

47.Il n’existe pas de mesure spécifique garantissant le respect de l’article 11 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cependant, le Bureau du Procureur général effectue régulièrement des visites des établissements pénitentiaires et des lieux de détention afin d’interroger les détenus sur leurs conditions de vie. Malgré le manque de données, le Bureau du Procureur général a enquêté sur plusieurs cas de torture de détenus, qui ont entraîné des sanctions disciplinaires pour leurs auteurs. En outre, la Police somalienne a établi un Comité de surveillance de la police, chargé d’enquêter sur les violations, dont les faits de torture, commises par des officiers et des enquêteurs en son sein. Le Procureur général a également organisé des formations destinées à la police judiciaire sur les meilleures pratiques en matière d’enquête et d’audition des suspects et des témoins.

48.Le Gouvernement fédéral a pris note du rapport publié par Human Rights Watch en février 2018 (« Detained Children Face Abuse »), dans lequel sont formulées des allégations selon lesquelles « [d]es agents gouvernementaux et des gardiens ont soumis des enfants à des traitements et des interrogatoires coercitifs, notamment en les isolant de leurs proches et de toute assistance juridique, en les menaçant et, dans certains cas, en les frappant et en les torturant, principalement pour obtenir des aveux ou à titre de punition parce qu’ils s’étaient exprimés, ou pour avoir causé des troubles dans les cellules ». À la suite de la publication du rapport, le Corps des agents pénitentiaires somaliens a ouvert une enquête sur ces allégations, prises très au sérieux par le Gouvernement somalien qui s’engage à prendre des mesures concrètes une fois que les problèmes auront été bien identifiés et que des recommandations auront été formulées.

49.En juillet 2015, le Ministère fédéral de la sécurité intérieure a publié un rapport relatif aux droits de l’homme concernant le centre de réadaptation de Serendi (dit « centre Serendi »). Créé en 2012 et géré par le Ministère de la sécurité intérieure, ce centre accompagne la réinsertion dans la société d’anciens membres « peu dangereux » du groupe terroriste Al-Shabaab. Le rapport fait état de plusieurs violations des droits de l’homme, notamment de traitements inhumains et dégradants, de détentions arbitraires, de non-respect des garanties d’une procédure régulière et de détention d’enfants. Il formule des recommandations tendant à faire cesser les violations au centre Serendi, parmi lesquelles la libération des anciens membres dont le séjour a dépassé la durée obligatoire, la nécessité de mettre en place une stratégie de désengagement assortie de dates de libération, la conduite d’une enquête sur les personnes responsables des traitements inhumains et dégradants et la remise de tous les enfants à l’UNICEF afin d’assurer leur réinsertion et leur réadaptation comme il convient. Le Gouvernement a pu mettre en œuvre les recommandations formulées par le groupe interministériel d’enquête.

G.Articles 12 et 13

50.Le Gouvernement somalien a fait adopter en 2016 une loi portant création d’une Commission nationale des droits de l’homme, dont la mise en place est en cours. La commission sera notamment chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme, y compris sur les allégations de torture et de mauvais traitements perpétrés par des membres des forces de sécurité et du personnel pénitentiaire. Elle mettra à disposition des individus et des groupes un mécanisme global de plaintes relatives à des violations des droits de l’homme, formulera des recommandations, et le cas échéant, indemnisera les victimes.

H.Article 14

51.L’article 111-i de la Constitution prévoit la création d’une commission nationale de vérité et de réconciliation, chargée « d’aider la nation à panser ses plaies, de favoriser la réconciliation et l’unité et de veiller à ce que les questions d’impunité, de vengeance et d’autres éléments déclencheurs de violences soient réglées par la voie d’un processus juridique dirigé par l’État ». Cette commission est en outre chargée : « a) de faire témoigner, enregistrer et, dans certains cas, amnistier les auteurs d’infractions constitutives de violations des droits de l’homme, et assurer leur réinsertion ; et b) de promouvoir le pardon, la réconciliation et l’unité nationale ». Le Gouvernement est en train de mettre en place cette commission.

I.Article 15

52.Les articles 68, 150 et 151 du Code de procédure pénale traitent des aveux obtenus par la torture ou suite à de mauvais traitements. Les paragraphes 2 et 3 de l’article 68 disposent, respectivement, que « un juge ne peut recevoir d’aveux à moins d’être convaincu, en procédant à l’examen de la personne qui en est à l’origine, qu’ils sont formulés par l’intéressé(e) de son plein gré » et que « les aveux doivent être consignés par écrit en intégralité par le juge, lus par le juge à la personne qui fait la déclaration, et signés par l’intéressé(e) et par le juge, qui certifie avant de les signer que les aveux ont été consignés dans le strict respect des dispositions du présent article ». L’obligation de consigner les aveux par écrit, devant un juge, vise à garantir que ceux-ci ne sont pas formulés sous la pression ou sous la torture.

53.L’article 150 du Code de procédure pénale dispose que « en matière pénale, les aveux de l’accusé sont irrecevables si le tribunal conclut qu’ils ont été obtenus par le dol, la menace ou la promesse ». Cette disposition ferme vise à éviter que le suspect ne fasse des aveux sous la contrainte, la menace et/ou la torture. Pour ce qui est de la recevabilité des aveux comme élément de preuve, l’article 151 du Code de procédure pénale dispose que « les aveux obtenus d’une personne ne peuvent être retenus comme élément à charge à moins d’être formulés devant un juge, selon les modalités visées à l’article 68 ».

J.Article 16

54.Le Gouvernement somalien a connaissance d’informations faisant état de mauvais traitements et de violence sur des personnes souffrant de troubles mentaux et/ou physiques dans des établissements de santé mentale. Il importe de noter que ces établissements sont gérés par le secteur privé. Toutefois, il est du devoir du Gouvernement de régler ce problème et de veiller au respect des personnes handicapées, notamment celles souffrant de troubles mentaux. Dans ce contexte, le Gouvernement somalien a fait de la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées une priorité et le processus de ratification de la Convention s’est achevé en août 2019. En outre, le Gouvernement, sous la responsabilité du Ministère de la promotion de la femme et des droits de l’homme, est en train de mettre en place l’Agence nationale du handicap, dont la mission sera d’assurer la mise en œuvre de l’obligation incombant à l’État de protéger les droits des personnes handicapées, y compris celles souffrant de troubles mentaux. La rédaction d’un projet de loi sur le handicap est en cours.

55.Par ailleurs, le Gouvernement, par la voie du Ministère de la promotion de la femme et des droits de l’homme et d’autres ministères de tutelle, œuvre à l’élaboration d’une législation et de politiques globales de protection des personnes atteintes de handicap mental. Le ministère responsable collaborera étroitement avec les établissements de santé et de santé mentale du pays afin de veiller à ce que leurs personnels soient formés au respect des protocoles en vigueur.

56.Comme c’est le cas pour toutes les infractions pénales, le Gouvernement somalien prend très au sérieux celles qui visent les journalistes, les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme. Nombre de ces faits sont directement portés à l’attention du Procureur général, qui les traite personnellement afin de veiller à ce que leurs auteurs répondent de leurs actes. Malgré l’absence d’informations précises quant au nombre de faits relevant de cette catégorie, plusieurs cas ont pu faire l’objet de poursuites, qui ont donné lieu à la condamnation des auteurs.

57.S’agissant de la prévention des châtiments corporels, le Ministère de la promotion de la femme et des droits de l’homme a engagé une vaste campagne de sensibilisation aux différentes protections garanties aux enfants, au moyen de livrets, de panneaux d’affichage et de messages diffusés à la radio et à la télévision. Les messages portaient notamment sur la prévention des traitements cruels et des châtiments corporels à l’égard des enfants.

K.Autres questions

58.Le Gouvernement somalien a élaboré une législation, des politiques et des mesures spécifiques visant à réduire la violence émanant de groupes terroristes, qui touche l’ensemble de la population. Pour ce faire, la Somalie a tenu compte de la proportionnalité des mesures en question et s’efforce de concilier droits de l’homme et préoccupations légitimes de sécurité. Cet équilibre est difficile à trouver et il s’agit d’un chantier permanent qui mobilise de nombreux organes de l’État. Par ailleurs, un programme de renforcement des capacités des agents des forces de l’ordre qui collaborent avec l’ensemble des organismes de sécurité permet à ces derniers de suivre diverses formations relatives aux droits de l’homme et au traitement des civils. Pour légiférer sur ce point, le Ministère de la sécurité intérieur a engagé en 2016 l’élaboration du tout premier projet de loi de lutte contre le terrorisme, qui a été adopté en Conseil des ministres et présenté le 30 août 2017 à la Chambre du peuple, où il est actuellement en première lecture. Compte tenu des retards dans l’examen de ce projet de loi, le Parlement souhaite désormais accélérer le processus parlementaire afin que le texte puisse être soumis au vote au premier trimestre 2020.

59.Il reste difficile de connaître précisément le nombre de plaintes déposées pour non-respect des normes internationales, ainsi que leur issue. Le Gouvernement intensifie progressivement la reprise du dialogue avec les mécanismes internationaux relatifs aux droits de l’homme et s’efforce de sensibiliser la population somalienne à leur existence et à leur intérêt pour le pays et pour les personnes.

L.Renseignements d’ordre général sur les autres mesures et faits nouveaux concernant la mise en œuvre de la Convention par la Somalie

60.Le Ministère du plan, de l’investissement et du développement économique a créé en son sein la Direction des statistiques, qui s’est vue allouer des ressources importantes ces quatre dernières années afin d’intensifier la collecte de données. Cette direction vise à « produire des données fiables au service de politiques et de décisions fondées sur des éléments factuels, au moyen d’un système intégré d’information statistique ». Elle a également pour mission de « promouvoir une culture institutionnelle de personnalité positive et d’innovation statistique au service de la croissance économique et du développement durable » en Somalie.