NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/CHL/CO/517 avril 2007

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-neuvième sessionNew York, 12-30 mars 2007

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

CHILI

1.Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique du Chili (CCPR/C/CHL/5) à ses 2429e et 2430e séances (CCPR/C/SR.2429 et 2430), les 14 et 15 mars 2007, et a adopté, à sa 2445e séance (CCPR/C/SR.2445), le 26 mars 2007, les observations finales ci-après.

A. INTRODUCTION

2.Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique du Chili, bien qu’il relève que celui-ci a été soumis avec quatre ans de retard. Il se félicite des informations détaillées que l’État partie a fournies sur sa législation, ainsi que sur ses projets en matière législative; il regrette toutefois que celui-ci ne donne pas suffisamment d’informations concernant l’application effective du Pacte. Le Comité remercie l’État partie d’avoir adressé les réponses écrites suffisamment à l’avance pour qu’elles puissent être traduites dans les autres langues de travail du Comité. Il se félicite également de la qualité des réponses données par la délégation de l’État partie, ce qui a permis d’engager un dialogue franc, ouvert et constructif sur les divers problèmes qui se posent dans le pays.

B. ASPECTS POSITIFS

3.Le Comité accueille avec satisfaction les profonds changements d’ordre législatif (2005) et institutionnel que l’État partie a introduits afin de consolider l’état de droit, comme suite à ses recommandations de 1999, notamment:

a)La réforme constitutionnelle qui a mis fin au régime des sénateurs désignés et siégeant à vie ainsi qu’à l’inamovibilité des commandants en chef des forces armées vis-à-vis du Président de la République et qui a apporté des réaménagements au Conseil de la sécurité nationale;

b)La réforme constitutionnelle qui a établi l’égalité des hommes et des femmes devant la loi;

c)La réforme du Code de procédure pénale; la séparation des fonctions de poursuites et de jugement;

d)Les politiques visant à améliorer l’administration pénitentiaire;

e)La disposition de la nouvelle loi relative au mariage civil qui permet le divorce; l’incrimination pénale du harcèlement sexuel et de la violence familiale.

4.Le Comité accueille avec satisfaction l’abolition en 2001 de la peine de mort.

C. PRINCIPAUX SUJETS DE PRÉOCCUPATION ET RECOMMANDATIONS

5.Le Comité réaffirme sa préoccupation concernant le décret-loi d’amnistie no 2191 de 1978. Il note que, selon l’État partie, ce décret n’est plus appliqué par les tribunaux, mais il considère que son maintien en vigueur laisse ouverte la possibilité de son application. Le Comité rappelle son observation générale no 20, selon laquelle l’amnistie concernant les violations des droits de l’homme est généralement incompatible avec le devoir qui incombe à l’État partie d’enquêter sur ces violations, de garantir que nul ne soit sujet à ces violations dans les limites de sa juridiction et de veiller à ce que de telles violations ne se reproduisent pas à l’avenir (art. 2 du Pacte).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour incorporer dès que possible dans le droit interne positif la jurisprudence de la Cour suprême sur le décret-loi d’amnistie n o 2191 de 1978 afin de garantir que les crimes contre l’humanité ne restent pas impunis.

6.Le Comité reconnaît les efforts engagés par l’État partie dans ce domaine, mais il relève avec préoccupation qu’une institution nationale des droits de l’homme n’a toujours pas été mise en place au Chili (art. 2 du Pacte).

L’État partie devrait créer dès que possible une institution nationale des droits de l’homme, conformément aux Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), figurant en annexe à la résolution 48/134 de l’Assemblée générale. Il devrait à cette fin tenir des consultations avec la société civile.

7.Le Comité se déclare préoccupé par la définition du terrorisme donnée dans la loi antiterroriste no 18314, qui pourrait être trop étendue. Il est préoccupé également par le fait que des membres de la communauté mapuche ont été accusés de terrorisme à raison d’actes de protestation ou de revendication sociale ayant trait à la défense de leurs droits sur leurs terres. Le Comité note également que l’application de cette loi limite les garanties d’une procédure régulière énoncées par l’article 14 du Pacte (art. 2, 14 et 27 du Pacte).

L’État partie devrait adopter une définition plus précise du terrorisme afin de garantir que des personnes ne soient pas visées pour des motifs politiques, religieux ou idéologiques. Cette définition devra être limitée aux crimes qui peuvent être apparentés aux conséquences graves du terrorisme et permettre le respect des garanties d’une procédure régulière énoncées dans le Pacte.

8.Le Comité se déclare de nouveau préoccupé par le caractère indûment restrictif de la loi sur l’avortement, en particulier dans les cas où la vie de la mère est en danger. Il regrette que le Gouvernement n’ait pas prévu de réviser la législation en la matière (art. 6 du Pacte).

L’État partie devrait modifier sa législation de façon à aider les femmes à éviter les grossesses non désirées et afin que les femmes ne soient pas obligées de recourir à des avortements clandestins susceptibles de mettre leur vie en péril. Il devrait également réviser sa loi sur l’avortement en vue de la mettre en conformité avec le Pacte.

9.Le Comité se félicite que l’État partie ait pris des mesures, comme la création en 2003 de la Commission nationale sur l’emprisonnement politique et la torture, pour que les victimes des violations des droits de l’homme commises par la dictature militaire au Chili reçoivent une indemnisation, mais il est préoccupé par le fait que des enquêtes officielles n’aient pas été menées pour établir la responsabilité directe des graves violations des droits de l’homme commises pendant cette période (art. 2, 6 et 7 du Pacte).

L’État partie devrait faire en sorte que les violations graves des droits de l’homme commises pendant la dictature ne restent pas impunies, en particulier en garantissant que les présumés responsables soient traduits en justice. Il devrait prendre d’autres mesures pour établir les responsabilités. En ce qui concerne les personnes qui ont été condamnées et ont exécuté une peine, il faut examiner la question de leur aptitude à occuper des fonctions publiques. L’État partie devrait rendre publics tous les documents rassemblés par la Commission nationale sur l’emprisonnement politique et la torture, susceptibles de contribuer à identifier les auteurs d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et d’actes de torture.

10.Le Comité note avec préoccupation que des cas de mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre continuent de se produire, principalement au moment de l’arrestation et contre les personnes les plus vulnérables, notamment les plus démunis (art. 7 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures efficaces pour mettre fin à ces exactions, assurer une surveillance, mener des enquêtes et poursuivre et sanctionner les fonctionnaires de police qui commettent des mauvais traitements contre des groupes vulnérables. L’État partie devrait faire en sorte que des cours sur les droits de l’homme soient dispensés à tous les membres des forces de l’ordre.

11.Le Comité se déclare de nouveau préoccupé par le régime de mise au secret des détenus, autorisé judiciairement, qui peut durer jusqu’à dix jours (art. 7, 8, 9 et 10 du Pacte).

Le Comité recommande de nouveau que les mesures législatives nécessaires soient prises pour supprimer définitivement le régime de détention prolongée au secret.

12.Le Comité note avec préoccupation que les tribunaux militaires chiliens sont toujours compétents pour juger des civils, dans des affaires civiles, ce qui n’est pas compatible avec l’article 14 du Pacte. Il est également préoccupé par le libellé de l’article 330 du Code de justice militaire qui peut se prêter à une interprétation autorisant l’emploi de «violences non nécessaires» (art. 7 et 14 du Pacte).

L’État partie devrait accélérer l’adoption de la loi portant modification du Code de justice militaire en vue de limiter la compétence des tribunaux militaires à la poursuite du personnel militaire accusé de délits de caractère militaire exclusivement et vérifier que cette loi ne contient aucune disposition qui pourrait permettre des violations des droits établis par le Pacte.

13.Le Comité note que l’État partie a l’intention d’adopter une loi reconnaissant l’objection de conscience au service militaire, mais il continue d’être préoccupé par le fait que ce droit n’est pas encore reconnu (art. 18 du Pacte).

L’État partie devrait accélérer l’adoption d’une loi qui reconnaisse l’objection de conscience au service militaire, en veillant à ce que des conditions discriminatoires ou punitives ne soient pas appliquées à l’objecteur de conscience et en reconnaissant que l’objection de conscience peut être soulevée à tout moment, y compris lorsque l’intéressé a déjà commencé le service militaire.

14.Le Comité prend note de la réforme de la législation du travail de 2005, mais il continue d’être préoccupé par les restrictions persistantes imposées aux droits syndicaux au Chili et par les informations selon lesquelles dans la pratique la journée de travail est modifiée unilatéralement, les travailleurs en grève sont remplacés et des menaces de licenciement proférées pour empêcher la formation de syndicats. Dans bien des cas, les plaintes déposées par les travailleurs n’aboutissent pas car les procédures judiciaires sont excessivement longues et coûteuses (art. 22 du Pacte).

L’État partie devrait supprimer tout obstacle législatif ou autre qui empêche le plein exercice des droits consacrés par l’article 22 du Pacte. Il devrait faire en sorte que les actions engagées par les travailleurs soient plus rapides et leur apporter un appui juridique afin que leurs plaintes aient des chances d’aboutir.

15.Le Comité relève que la référence au système binominal a été retirée de la Constitution, mais il note avec préoccupation que, comme l’a indiqué l’État partie, le système électoral en vigueur au Chili peut empêcher que tous les individus aient une représentation parlementaire effective (art. 3 et 25 du Pacte).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour supprimer les obstacles politiques qui empêchent la réforme de la loi organique constitutionnelle sur les votes populaires et les scrutins, afin de garantir l’égalité des droits consacrés dans l’article 25 du Pacte.

16.Le Comité relève avec satisfaction l’abrogation des dispositions qui incriminaient les relations homosexuelles entre adultes responsables, mais il continue d’être préoccupé par la discrimination dont sont l’objet certaines personnes à cause de leur orientation sexuelle, notamment devant les tribunaux et pour l’accès aux soins de santé (art. 2 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait garantir à tous l’égalité des droits consacrés par le Pacte, quelle que soit l’orientation sexuelle, notamment l’égalité devant la loi et en ce qui concerne l’accès aux services de santé. Il devrait également mettre en œuvre des programmes de sensibilisation en vue de lutter contre les préjugés sociaux.

17.Le Comité prend note des progrès réalisés dans les textes en vue de supprimer la discrimination fondée sur le sexe, mais il continue d’être préoccupé par la persistance des dispositions de la législation relative à la famille qui sont discriminatoires à l’égard de la femme pour ce qui est de l’administration de ses biens, comme le régime supplétif de la société conjugale (art. 3 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait accélérer l’adoption par le Sénat de la loi abrogeant la société conjugale en tant que régime légal supplétif et son remplacement par un régime de communauté d’acquêts.

18.Le Comité prend note de l’adoption du Code de conduite dans le secteur public, mais il demeure préoccupé par la discrimination dans l’emploi dont les femmes font l’objet, en particulier dans le secteur privé (art. 3 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes, notamment dans l’emploi, en prenant des mesures telles que l’inversion en faveur des employées de la charge de la preuve dans les affaires de discrimination, de façon que l’employeur soit tenu d’expliquer les faibles niveaux d’emploi, de postes à responsabilité et de salaire parmi les femmes.

19.Le Comité prend note de l’intention manifestée par l’État partie de donner une reconnaissance constitutionnelle aux peuples autochtones, mais il est préoccupé par les informations concordantes provenant de sources diverses selon lesquelles certaines revendications des peuples autochtones, principalement du peuple mapuche, n’ont pas été prises en considération ainsi que par la lenteur du processus de délimitation des terres autochtones, ce qui a provoqué des tensions sociales. Le Comité regrette que les «terres anciennes» continuent d’être menacées à cause du développement de l’exploitation forestière et des gigantesques projets d’infrastructure et d’énergie (art. 1 et 27 du Pacte).

L’État partie devrait:

a) Déployer tous les efforts possibles pour que ses négociations avec les communautés autochtones débouchent effectivement sur une solution qui respecte les droits de ces communautés sur leurs terres conformément à l’article premier, paragraphe 2, et à l’article 27 du Pacte;

b) Modifier la loi n o 18314 afin de la mettre en conformité avec l’article 27 du Pacte et réviser les lois sectorielles dont les dispositions pourraient être contraires aux droits consacrés dans le Pacte;

c) Consulter les communautés autochtones avant d’accorder des licences pour l’exploitation économique des terres litigieuses et garantir qu’en aucun cas cette exploitation ne porte atteinte aux droits reconnus dans le Pacte.

20.Le Comité demande que le rapport initial de l’État partie et les présentes observations finales soient rendus publics et largement diffusés dans l’État partie, dans les langues officielles du pays.

21.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur l’évaluation de la situation et sur la mise en œuvre des recommandations du Comité figurant dans les paragraphes 9 et 19.

22.Le Comité demande que dans son prochain rapport, qui doit être présenté avant le 27 mars 2012, l’État partie communique des renseignements sur les autres recommandations qu’il a formulées et sur le Pacte dans son ensemble.

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